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L’autonomie bancaire des époux: la durée des effets de la présomption de pouvoir instituée à l’article 221 du Code civil

==> Problématique

Lors de l’adoption de la loi du 13 juillet 1965, l’article 221 du Code civil était silencieux sur la durée de la présomption posée par le texte.

Rapidement, la question s’est alors posée de savoir si cette présomption devait survivre à la dissolution du mariage, en particulier lorsque la dissolution résultait du décès de l’époux titulaire du compte.

À l’analyse, l’enjeu est similaire à celui qui avait conduit le législateur à réformer l’article 221, ce, en raison de la situation d’indivision qui se crée entre les époux mariés sous le régime de la communauté consécutivement à la dissolution du mariage.

En régime de communauté, la dissolution du mariage donne lieu, en effet, à ce que l’on appelle une indivision post-communautaire, laquelle est régie par le droit commun de l’indivision et, en cas de décès du conjoint, par les règles qui gouvernent l’indivision successorale.

Reste que, dans les deux cas, les époux sont susceptibles de devenir coindivisaires, ce qui implique, conformément aux règles de l’indivision, qu’ils sont investis des mêmes pouvoirs sur les biens communs devenus indivis.

Or pour rappel, l’article 221 du Code civil énonce une règle, non pas de propriété, mais de pouvoir. Autrement dit, cette règle ne postule en rien la nature des fonds déposés sur le compte personnel d’un époux.

Elle vise seulement à faire présumer le titulaire du compte comme ayant la libre disposition des fonds qui y sont déposés « à l’égard du dépositaire ».

D’ailleurs, en application de la présomption de communauté posée à l’article 1402 du Code civil, ces fonds sont, tout au contraire, présumés être des acquêts, soit relever de la masse commune.

Compte tenu de cette situation, selon que l’on maintient ou non les effets de la présomption instituée à l’article 221 du Code civil postérieurement à la dissolution du mariage, l’autonomie du conjoint s’en trouvera plus ou moins affectée. Deux hypothèses doivent être envisagées :

À l’analyse, ces deux thèses présentent tout autant des avantages que des inconvénients. Il a néanmoins fallu en choisir une, ce qui a donné lieu à un vif débat doctrinal et jurisprudentiel, finalement tranché par le législateur en 1985.

C’est finalement la seconde thèse qui a été retenue par le législateur, alors que la jurisprudence avait plutôt opté pour la première.

==> Évolution de la jurisprudence

==> Intervention du législateur

En réaction au débat doctrinal et jurisprudentiel qui était né consécutivement à l’adoption de la loi du 13 juillet 1965, le législateur est intervenu pour y mettre en terme à l’occasion de l’adoption de la loi du 23 décembre 1985.

Pour ce faire, il a apporté une précision à l’article 221 du Code civil qui dispose désormais, que le déposant est toujours réputé avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt « même après la dissolution du mariage ».

Il a donc été décidé de faire survivre les effets de la présomption posée par ce texte à la dissolution du mariage, alors que la Cour de cassation avait adopté la position inverse, tout en admettant néanmoins que le compte personnel de l’époux puisse continuer à fonctionner tant qu’aucune opposition ne serait formée auprès du dépositaire par le conjoint ou ses ayants droit.

À l’analyse, la solution retenue par le législateur vise à maintenir l’autonomie bancaire de l’époux à la faveur duquel joue la présomption instituée à l’article 221, de manière à lui permettre de satisfaire à ses besoins de la vie quotidienne.

En effet, la simple opposition du conjoint ou de ses héritiers sera insuffisante quant à bloquer le fonctionnement du compte et donc à le priver, concrètement, de la possibilité d’accomplir des opérations bancaires. Seul l’emprunt de la voie judiciaire pourra conduire à ce résultat.

À cet égard, il a été précisé par la doctrine qu’il n’a y avait pas lieu de distinguer selon que les fonds ou titres aient été déposés avant ou après la dissolution du mariage.

On aurait pourtant pu considérer que lorsque le banquier a connaissance du caractère indivis de fonds ou de titres déposés sur le compte personnel d’un époux postérieurement au décès de son conjoint, le bénéfice de la présomption posée à l’article 221 devrait être écarté par souci de protection des ayants droit qui, dans le cadre d’une indivision post-communautaire, demeurent fondés à se prévaloir de la présomption d’acquêts.

Reste que l’article 221 n’opère aucune distinction selon la date du dépôt, de sorte qu’il y a lieu de faire application de l’adage specialia generalibus derogant.

Aussi, que les fonds ou titres aient été déposés avant ou après la dissolution, dans les deux cas la présomption a vocation à jouer. Pratiquement, ainsi que le remarquent des auteurs, il serait, en tout état de cause, difficile d’adopter la solution inverse en raison de la difficulté qu’il y aurait pour le banquier, à procéder à un blocage partiel du compte[1].

[1] V. e n ce sens J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°121, p.112.

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