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Le régime juridique de la subrogation (légale et conventionnelle): notion, conditions, effets

I) Définition

A) Notion de subrogation

Dérivée du latin subrogare, la notion de subrogation évoque l’idée de remplacement, ce qui peut expliquer pourquoi elle est parfois confondue avec la cession de créance qui produit le même effet, mais dont le régime juridique est différent.

==>Les formes de la délégation

Au vrai, le droit civil connaît deux formes très distinctes de subrogation :

==>Les fonctions de la délégation

Il ressort de la définition de la subrogation personnelle qu’il s’agit là d’une opération pour le moins singulière.

En principe, le paiement effectué, même par un tiers, a seulement pour effet d’éteindre le rapport d’obligation.

Pourtant, par le jeu de la subrogation, ledit rapport subsiste à la faveur du subrogé qui dispose d’un recours contre le débiteur.

Le Doyen Mestre a défini la subrogation personnelle en ce sens comme « la substitution d’une personne dans les droits attachés à la créance dont une autre est titulaire, à la suite d’un paiement effectué par la première entre les mains de la seconde ».

Ainsi, la subrogation personnelle remplit-elle deux fonctions bien distinctes

Au regard de ces deux fonctions remplies par la subrogation, immédiatement la question se pose de savoir quelle fonction prime sur l’autre ?

Lors de la réforme des obligations, le législateur a intégré la subrogation dans la partie du Code civil consacrée au paiement.

Il en résulte que la subrogation s’analyserait moins en une opération sur obligation qu’à un paiement. Pourtant, l’évolution des fonctions de la subrogation suggérait la solution inverse.

En effet, si l’on s’attache à physionomie actuelle et à la place qu’elle occupe en droit des assurances ou en droit de la sécurité sociale, la subrogation est surtout envisagée :

En conséquence, il aurait sans aucun doute été plus judicieux de traiter de la subrogation dans la partie dédiée aux opérations sur obligation.

Tel n’a pas été le choix du législateur qui finalement a retenu une conception somme toute classique de la subrogation.

Pour justifier sa solution, il est précisé dans le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 que « la subrogation, souvent considérée aujourd’hui comme une opération purement translative de créance, est délibérément maintenue dans le chapitre consacré à l’extinction de l’obligation, dans la section relative au paiement, ce qui permet de rappeler qu’elle est indissociablement liée à un paiement fait par un tiers, qui libère un débiteur – totalement ou partiellement – envers son créancier, et qu’elle ne constitue pas une opération translative autonome, mais une modalité du paiement. »

B) Distinctions

==>Subrogation personnelle et cession de créance

==>Subrogation personnelle et délégation

II) Les sources de la subrogation

Le mécanisme de subrogation est susceptible d’être mise en œuvre :

A) La subrogation légale

Lorsque la subrogation est d’origine légale, elle est attachée, de plein droit, au paiement d’une dette par un tiers solvens lequel disposera ensuite d’un recours contre le débiteur.

Toutefois, le tiers solvens qui paie la dette d’autrui ne pourra se prévaloir de la subrogation qu’à la condition de répondre aux exigences posées par la loi.

À défaut, il devra supporter seul le poids de la dette, sans possibilité de se retourner contre le débiteur qui est alors totalement libéré de son obligation, alors même qu’il n’a rien réglé.

Tandis que les rédacteurs du Code civil avaient opté pour une énonciation exhaustive des cas de subrogation (V. en ce sens Cass. civ. 3 juill. 1854), lors de la réforme des obligations le législateur a fait montre de souplesse en refusant d’enfermer les cas de subrogation dans une liste.

Aussi, afin de mieux comprendre le sens et le contenu de la réforme convient-il, en premier lieu, de faire état du droit antérieur.

1. L’état du droit avant la réforme des obligations

L’ancien article 1251 du Code civil prévoyait 5 cas de subrogation légale :

==>Premier cas de subrogation

La subrogation joue « au profit de celui qui étant lui-même créancier paie un autre créancier qui lui est préférable à raison de ses privilèges ou hypothèques ».

Cette hypothèse correspondant à la situation où plusieurs créanciers sont inscrits sur l’un des immeubles dont est propriétaire leur débiteur.

La valeur de cet immeuble est insuffisante pour les désintéresser tous, mais suffisante pour éteindre la créance du premier créancier inscrit.

Tandis que ce dernier a tout intérêt à réaliser sa sûreté, le créancier de rang subséquent peut craindre de ne rien toucher du produit de la vente du bien.

Au mieux, celui-ci peut espérer bénéficier d’une plus-value à venir de l’immeuble.

Pour ce faire, il aura tout intérêt à payer lui-même le créancier de rang supérieur en contrepartie de la créance privilégiée de celui-ci.

Le moment venu, soit lorsque la plus-value sera suffisante, il pourra, à son tour, réaliser son hypothèque de premier rang.

Cet intérêt que les créanciers de rang subséquent sont susceptibles de manifester est digne de considération, sans compter que cette situation incite à régler au plus vite le créancier privilégié afin de le dissuader de mettre en œuvre sa sûreté.

D’où l’ouverture par le législateur en 1804 d’un cas de subrogation légale au profit des créanciers de rang subséquent.

La jurisprudence avait toutefois estimé que la subrogation légale ne pouvait pas jouer dans l’hypothèse où l’accipiens était de rang égal ou inférieur au tiers solvens, ce qui a pu être regretté.

==>Deuxième cas de subrogation

La subrogation joue « au profit de l’acquéreur d’un immeuble, qui emploie le prix de son acquisition au paiement des créanciers auxquels cet héritage était hypothéqué »

Cette situation correspond à l’hypothèse d’un immeuble hypothéqué au bénéfice de plusieurs créanciers.

Cet immeuble est néanmoins vendu à un tiers à un prix inférieur au montant du passif global.

En raison du droit de suite conféré par l’hypothèque, l’acquéreur s’expose à un risque de saisie s’il règle sa dette entre les mains du vendeur.

Aussi, a-t-il plutôt intérêt à payer directement les créanciers dans l’ordre des inscriptions et à libérer son immeuble à due concurrence des sûretés qui le grèvent.

Il demeure cependant toujours exposé au risque de saisie par les créanciers non remplis de leurs droits.

Aussi, afin de le protéger de ce risque, le législateur lui ouvre le bénéfice de la subrogation légale, en ce sens qu’il va se subroger dans les droits des créanciers qu’il a désintéressés, de sorte que, en cas de saisie de l’immeuble, il primera sur les créanciers de rang subséquent quant à la perception du prix de vente de l’immeuble.

La subrogation dissuadera alors ces derniers d’engager une procédure de saisie.

==>Troisième cas de subrogation

La subrogation joue « au profit de l’héritier bénéficiaire qui a payé de ses deniers les dettes de la succession. »

Cette hypothèse correspond à la situation où un héritier a accepté une succession à concurrence de l’actif net, soit sous bénéfice d’inventaire.

L’article 802 du Code civil institue une limite au droit de gage général des créanciers, en ce que les dettes de la succession ne seront pas exécutoires sur ses biens personnels.

En d’autres termes, l’héritier n’est tenu des dettes de la succession que dans la limite des biens qu’il reçoit.

Cependant, il peut avoir intérêt à payer les créanciers successoraux avec ses deniers personnels afin de faciliter la liquidation de la succession et, par exemple, éviter la vente forcée d’un bien.

C’est la raison pour laquelle la loi lui consent le bénéfice de la subrogation, afin qu’il puisse se faire rembourser auprès des cohéritiers.

==>Quatrième cas de subrogation

La subrogation joue « au profit de celui qui a payé de ses deniers les frais funéraires pour le compte de la succession. »

Ce nouveau cas de subrogation légale a été introduit par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Il vise à permettre au tiers solvens, qui a acquitté les frais funéraires avec ses propres deniers, de ses retourner contre les cohéritiers afin de se faire rembourser.

==>Cinquième cas de subrogation

La subrogation joue « au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt de l’acquitter ».

Il s’agit là du cas de subrogation le plus large, ce d’autant plus que le législateur s’est appuyé sur ce cas pour énoncer un principe général.

2. L’état du droit positif

==>L’élargissement du domaine d’application de la subrogation légale

Lors de l’adoption de la réforme des obligations, le législateur a entendu rénover les règles relatives à la subrogation personnelle.

Dans cette perspective, l’ordonne du 10 février 2016 a élargi le champ d’application de la subrogation légale en abolissant la liste – à l’origine exhaustive – des cas de subrogation légale prévus à l’ancien article 1251 du Code civil.

Ainsi, dépassant les hypothèses spécifiques figurant aujourd’hui dans le code civil ainsi que dans divers textes spéciaux, le bénéfice de la subrogation légale est généralisé.

Le nouvel article 1346 du Code civil prévoit en ce sens que « la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette. »

Cet élargissement du domaine d’application de la subrogation légale vise à entériner la jurisprudence qui, à partir de l’article 1251, avait dégagé un principe général.

==>L’exigence d’un intérêt légitime

Le bénéfice de la subrogation légale n’est pas sans condition.

L’article 1346 exige que le tiers solvens, pour bénéficier de la subrogation, justifie d’un intérêt légitime.

L’exigence de cet intérêt au paiement permet d’éviter qu’un tiers totalement étranger à la dette et qui serait mal intentionné (dans des relations de concurrence par exemple) puisse bénéficier de la subrogation légale.

Il ne faudrait pas, en effet, que ce tiers puisse, par le jeu de la subrogation, s’ingérer dans les affaires du débiteur et l’actionner en paiement pour lui nuire.

Reste à savoir ce que l’on doit entendre par intérêt légitime.

B) La subrogation conventionnelle

À titre de remarque liminaire, il convient d’observer que, bien qu’encadrée par les textes, la subrogation conventionnelle est, par définition, abandonnée à la volonté des parties.

Elle a notamment vocation à jouer dans des hypothèses où l’effet de la loi ne permet pas de bénéficier de la subrogation.

Il ressort de la combinaison des articles 1346-1 et 1346-2 que la subrogation conventionnelle peut intervenir :

1. La subrogation ex parte creditoris

==>Principe

L’article 1346-1 du Code civil prévoit que « la subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur. »

Cette forme de subrogation procède donc d’une convention conclue entre le créancier accipiens et le tiers solvens dans le cas où ce dernier ne peut pas bénéficier d’une subrogation légale.

Le débiteur n’y prend aucune part dans la mesure où cette convention ne modifie pas sa situation.

==>Ratio legis

Compte tenu de cette généralisation de la subrogation légale, il aurait pu être envisagé de supprimer la subrogation conventionnelle ex parte creditoris (c’est-à-dire de la part du créancier), qui semblait dès lors inutile.

Toutefois, les inquiétudes formulées par de nombreux professionnels, qui ont souligné la fréquence du recours à la subrogation conventionnelle dans la pratique des affaires, notamment dans des techniques de financement telles que l’affacturage, justifient de la maintenir, afin de ne pas créer d’insécurité juridique.

==>Conditions

Trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que cette forme de subrogation conventionnelle opère :

==>Application : l’affacturage

La subrogation conventionnelle ex parte creditoris se rencontre notamment en matière d’affacturage, domaine dans lequel elle joue un rôle essentiel

L’affacturage consiste en l’opération par laquelle un créancier, l’adhérent, transfert à un établissement de crédit, le factor qualifié également d’affactureur, des créances commerciales par le jeu d’une subrogation personnelle moyennant le paiement d’une commission.

Ainsi, l’affactureur s’engage-t-il à régler, par anticipation, tout ou partie des créances qui lui sont transférées par l’adhérent ce qui permet à ce dernier d’être réglé immédiatement des créances à court terme qu’il détient contre ses propres clients.

L’une des principales caractéristiques de l’affacturage réside dans l’engagement pris par le factor de garantir à la faveur de l’adhérent le paiement des créances qui lui sont transférées.

Autrement dit, le factor s’engage à supporter le risque d’impayé en lieu et place de l’adhérent.

L’affacturage se distingue, dès lors, de l’escompte, du contrat de mandat ou encore de l’assurance-crédit.

L’opération d’affacturage repose sur le mécanisme de la subrogation personnelle.

L’affactureur (tiers solvens subrogé) paie l’adhérent (créancier subrogeant) qui, en contrepartie, lui transmet la titularité de la créance qu’il détient contre son client (débiteur subrogataire).

2. La subrogation ex parte debitoris

==>Principe

Il y a subrogation ex parte debitoris lorsque le débiteur emprunte une somme d’argent à l’effet de payer sa dette et de subroger le prêteur dans les droits du créancier.

L’article 1346-2 du Code civil prévoit en ce sens que « la subrogation a lieu également lorsque le débiteur, empruntant une somme à l’effet de payer sa dette, subroge le prêteur dans les droits du créancier

Ainsi, dans ce cas de subrogation conventionnelle, c’est le débiteur qui est à l’initiative de l’opération.

Le créancier est donc tiers à la convention subrogatoire.

L’opération s’explique lorsque les conditions de remboursement du prêteur, qui entend être subrogé par le débiteur, sont plus intéressantes que celles convenues avec le créancier originaire.

L’ordonnance du 10 février 2016 s’est inspirée du droit positif pour cette forme de subrogation.

==>Conditions

Il ressort de l’article 1346-2 du Code civil que les conditions de la subrogation ex parte creditoris ne sont pas les mêmes selon qu’elle intervient avec ou sans le concours du créancier.

III) Les effets de la subrogation

Comme précisé par le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016, le régime de la subrogation, s’il s’inspire des solutions classiques prévues dans le code civil ou admises par la jurisprudence, est néanmoins clarifié sur plusieurs points :

A) La transmission de la créance

Aux termes de l’article 1346-4 du Code civil « la subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu’il a payé, la créance et ses accessoires ».

Il ressort de cette disposition que la subrogation produit un effet translatif. Ainsi, la créance du subrogeant fait l’objet d’une transmission à la faveur du tiers subrogé.

Cette opération opère un transfert d’actif d’un patrimoine à un autre à l’instar de la cession de créance. Le tiers subrogé se retrouve substitué dans les droits du titulaire originaire de la créance.

La conséquence en est que le subrogé ne saurait acquérir plus de droits que n’en avaient le subrogeant au moment de la subrogation.

1. L’objet de la transmission

==>La créance principale

Il ressort de l’article 1346 du Code civil que la subrogation a pour effet de transmettre au subrogé la créance principale

Toutefois cette disposition précise, dans le même temps, que la subrogation n’opère qu’à concurrence des sommes payées par le tiers solvens au créancier

C’est là une grande différence avec la cession de créance

Contrairement au cessionnaire qui peut agir contre le débiteur pour le montant nominal de la créance sans égard pour le prix de cession éventuellement inférieur qu’il a réglé, le subrogé ne bénéficie de l’effet translatif de la subrogation qu’à la hauteur de ce qu’il a payé.

Cela s’explique par la nature de la subrogation qui est indéfectiblement attachée au paiement, de sorte qu’elle suit le même sort

==>Les accessoires de la créance

L’article 1346 du Code civil prévoit que la subrogation a également pour effet de transmettre au subrogé les accessoires de la créance

Ce sera ainsi le cas des sûretés et privilèges attachés à la créance, des garanties (vice caché, éviction), des actions en responsabilité etc.

==>Exclusion des droits attachés à la personne

L’article 1346 dispose que la subrogation n’opère pas de transmission « des droits exclusivement attachés à la personne du créancier »

Il s’agit de tous les droits consentis par le débiteur au subrogeant en considération de sa personne, soit qui présentent un caractère intuitu personae

Sont également visées toutes les prérogatives qui sont strictement attachées à la qualité du subrogeant

Dans un arrêt du 25 novembre 1992 la Cour de cassation a par exemple affirmé que « la suspension de la prescription dont bénéficie un mineur, qui lui est purement personnelle, cesse de produire effet à l’égard de la partie subrogée dans ses droits à partir du jour de la subrogation » (Cass. 2e civ. 25 nov. 1992, n°94-13.665).

2. Les limites de la transmission

==>Le paiement partiel

Aux termes de l’article 1346-3 du Code civil « la subrogation ne peut nuire au créancier lorsqu’il n’a été payé qu’en partie ; en ce cas, il peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui dont il n’a reçu qu’un paiement partiel ».

Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où le créancier n’a reçu qu’un paiement partiel de sa créance sans avoir renoncé au surplus de sa créance, celle-ci est alors fractionnée :

Cette règle se justifie pour deux raisons :

==>La priorité de paiement du créancier subrogeant

La question s’est posée de savoir si, en cas de paiement partiel, il n’y avait pas co-titularité conjointe des obligations.

Autrement dit, doit-on considérer que le subrogeant et le subrogé sont sur un même pied d’égalité s’agissant du droit – fractionné – de créance dont ils sont titulaires ?

La lecture de l’article 1346-3 révèle qu’il convient d’apporter une réponse négative à cette question.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que, en cas de paiement partiel, le créancier subrogeant « peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui dont il n’a reçu qu’un paiement partiel. »

Ainsi, si le subrogé se voit transmettre une créance hypothécaire de 1.000.000 euros en contrepartie d’un paiement de 500.000 euros et que l’immeuble est adjugé à 750.000 euros, le subrogeant percevra 500.000 euros et le subrogé 250.000 euros.

L’effet translatif n’aura donc pas opéré à concurrence du paiement du subrogé en raison de la préférence accordée au subrogeant. D’où l’adage nemo contra se subrogare censetur qui signifie que « nul n’est censé avoir subrogé contre soi ».

Sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence avait toutefois limité l’application de cette règle aux seules créances assorties d’une sûreté ou d’un privilège.

Lorsque la créance est chirographaire, la Cour de cassation estimait que le créancier subrogeant ne disposait d’aucun privilège (V. en ce sens Cass. 3e civ. 12 févr. 2003, n°01-12.234).

De toute évidence, la réforme est venue remettre en cause cette jurisprudence, dans la mesure où l’article 1346-3 ne distingue pas selon la nature de la créance.

Celui-ci n’est cependant pas d’ordre public, de sorte que les parties pourront y déroger.

3. Le sort des intérêts

La question s’est posée de savoir si le subrogé avait le droit aux intérêts conventionnels prévus dans le contrat initialement conclu entre le créancier subrogeant et le débiteur.

Dans un arrêt du 29 octobre 2002, la Cour de cassation avait répondu par la négative à cette question.

Au soutien de sa décision, elle avait affirmé que « la subrogation est à la mesure du paiement ; que le subrogé ne peut prétendre, en outre, qu’aux intérêts produits au taux légal par la dette qu’il a acquittée, lesquels, en vertu du second, courent de plein droit à compter du paiement » (Cass. 1ère civ. 29 oct. 2002, n°00-12.703).

Cette solution repose donc sur l’idée que, en ce que la subrogation est assise sur le paiement, c’est celui-ci qui constitue le fait générateur du droit de créance du subrogé.

En conséquence, il ne peut prétendre qu’aux intérêts au taux légal qui courent à compter de la date du paiement.

Cass. 1ère civ. 29 oct. 2002

Attendu que, par acte sous seing privé du 4 novembre 1986, le Crédit lyonnais a consenti à M. Dikran X… et à Mme Françoise X… un prêt de la somme de 200 000 francs, au taux effectif global de 12,33 % l’an, remboursable moyennant cent quatre vingt versements mensuels d’un montant de 2 442,96 francs, chacun ; que Mme Patricia X… s’est portée caution solidaire du remboursement de ce prêt par acte sous seing privé du 8 octobre 1986 comportant la mention manuscrite suivante : “lu et approuvé, bon pour caution solidaire de la somme de deux cent mille francs, plus les intérêts frais et accessoires” ;

qu’en conséquence de la défaillance des emprunteurs, le Crédit logement, qui s’était également porté caution solidaire du remboursement de ce même prêt, a payé le solde de celui-ci au Crédit lyonnais et a exercé un recours contre Mme Patricia X…, sur le fondement de quittances subrogatives des 3 janvier 1990 et 6 juillet 1992 ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1252 et 2033 du Code civil ;

Attendu, selon le premier des textes susvisés, que la subrogation est à la mesure du paiement ; que le subrogé ne peut prétendre, en outre, qu’aux intérêts produits au taux légal par la dette qu’il a acquittée, lesquels, en vertu du second, courent de plein droit à compter du paiement ;

Attendu que pour condamner Mme Patricia X…, à payer, pour sa part et portion, au Crédit logement les intérêts conventionnels de la dette cautionnée échus après la date des paiements faits par celui-ci au Crédit lyonnais, les juges du second degré ont retenu que le Crédit logement était conventionnellement subrogé dans les droits du Crédit lyonnais ; qu’en statuant ainsi, ils ont violé, par fausse application, les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce qu’il a condamné Mme Patricia X… à payer au Crédit logement les intérêts au taux de 12,33 % calculés sur la somme de 120 496,43 francs à compter du 7 octobre 1994, l’arrêt rendu le 3 juin 1998, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux

L’ordonnance du 10 février 2016 a maintenu cette jurisprudence.

L’article 1346-4 du Code civil prévoit en ce sens que « le subrogé n’a droit qu’à l’intérêt légal à compter d’une mise en demeure, s’il n’a convenu avec le débiteur d’un nouvel intérêt. »

Toutefois, les intérêts commencent à courir, non pas à compter de la date du paiement comme affirmé en 2002 par la Cour de cassation, mais à partir de la mise en demeure adressée au débiteur.

Par ailleurs, le texte précise que « ces intérêts sont garantis par les sûretés attachées à la créance, dans les limites, lorsqu’elles ont été constituées par des tiers, de leurs engagements initiaux s’ils ne consentent à s’obliger au-delà. »

B) L’opposabilité de la subrogation

Il convient de distinguer le régime de l’opposabilité de la subrogation au débiteur de celui applicable à l’opposabilité aux tiers.

==>L’opposabilité de la subrogation au débiteur

==>L’opposabilité de la subrogation aux tiers

L’article 1346-5 prévoir que « la subrogation est opposable aux tiers dès le paiement. »

Cette règle présente un intérêt en cas de concours de créanciers.

Ce n’est donc pas la date de notification de la quittance subrogative au débiteur dont il être tenu compte pour déterminer la date du transfert de la créance, mais bien la date du paiement.

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