Site icon Gdroit

Prime d’assurance : le défaut de paiement

Le paiement de la prime est l’obligation essentielle de l’assuré : sans prime, pas de financement du risque, et donc pas d’équilibre du contrat. Le défaut de paiement menace cet équilibre, car il placerait l’assureur dans une situation intenable : devoir couvrir un risque sans recevoir de contrepartie.

Conscient de cet enjeu, le législateur n’a pas laissé la question au seul droit commun des contrats. Il a institué un régime spécial, prévu par l’article L. 113-3 du Code des assurances, qui organise une réaction graduée et encadrée : d’abord une mise en demeure, ensuite la suspension de la garantie, et, en dernier ressort seulement, la résiliation du contrat.

Ce dispositif poursuit un double objectif :

Il en résulte un régime original, à la fois strict dans son formalisme et équilibré dans ses effets, qui s’applique principalement aux assurances de dommages, tout en connaissant des aménagements importants en assurance vie ou en cas de procédures collectives.

A. Principes généraux applicables au défaut de paiement

1. La notion de défaut de paiement

Le défaut de paiement se définit comme l’inexécution, à l’échéance convenue, de l’obligation principale de l’assuré : le règlement de la prime ou d’une fraction de prime (C. assur., art. L. 113-3, al. 2). Cette obligation constitue la contrepartie indispensable de l’engagement de l’assureur, souvent désignée comme « le prix du risque ».

À défaut de règlement, c’est l’équilibre économique du contrat qui est rompu : l’assureur se trouverait tenu d’une obligation de couverture sans contrepartie financière. La jurisprudence a d’ailleurs étendu cette notion au non-paiement d’une majoration de prime intervenue en cours de contrat, en considérant qu’elle relève de la même logique (Cass. crim., 10 oct. 1990, n° 89-83.831). À l’inverse, le non-paiement de la prime afférente à une garantie nouvelle et indépendante ne remet pas en cause les garanties antérieures (Cass. crim., 13 mai 1992, n° 91-83.471).

L’enjeu est donc double :

2. Un régime dérogatoire au droit commun

L’article L. 113-3 du Code des assurances institue une procédure spécifique qui déroge au droit commun de la résiliation du contrat (C. civ., art. 1217 s.). Alors que, dans le régime général, l’inexécution peut conduire à une résolution judiciaire ou conventionnelle, le législateur a retenu en matière d’assurance un mécanisme progressif et encadré, articulé en trois étapes successives :

Ce dispositif présente un caractère essentiellement non contentieux : il permet à l’assureur de mettre fin au contrat sans recourir au juge, tout en laissant à l’assuré un délai de régularisation. Pour autant, la voie judiciaire n’est pas exclue. L’assureur conserve la faculté d’agir en recouvrement forcé des primes impayées (Cass. 1re civ., 20 janv. 1987, n°85-14.586) ou d’en poursuivre l’exécution forcée lorsque le contrat n’a pas encore été résilié et que seule la garantie est suspendue (Cass. 1re civ., 1er déc. 1993, n° 92-10.283).

Il en résulte un régime hybride : non-contentieux dans son déroulement, puisqu’il repose sur une mise en demeure suivie d’effets automatiques, mais ouvert à l’intervention du juge en cas de contestation.

3. Le domaine d’application du mécanisme

Le champ d’application de l’article L. 113-3 est strictement délimité :

B. Les différentes étapes de la procédure applicable en cas de défaut de paiement

L’article L. 113-3 du Code des assurances encadre de manière stricte la réaction de l’assureur en cas de non-paiement de la prime, en instituant trois étapes non-contentieuse : mise en demeure – suspension – résiliation.

1. La mise en demeure de l’assuré

La mise en demeure constitue la clé de voûte du dispositif de l’article L. 113-3 du Code des assurances. Elle est l’acte qui déclenche la mécanique de suspension puis de résiliation du contrat. Sans elle, aucune sanction ne peut être opposée à l’assuré, ce que la jurisprudence a rappelé avec constance (Cass. 1re civ., 19 mars 1991, n°89-19.319).

a. Nature et fonction de la mise en demeure

La mise en demeure, définie par la doctrine comme « l’interpellation du débiteur pour l’enjoindre d’exécuter son obligation » (Vocabulaire juridique, Cornu), n’est pas une simple formalité : elle incarne à la fois une rappel de la dette et une mise en garde sur les conséquences de l’inexécution. Elle intervient après un premier délai légal de dix jours suivant l’échéance impayée, délai de grâce accordé à l’assuré pour régulariser spontanément sa situation (Cass. 2e civ., 9 déc. 2010, n° 09-71.998). L’envoi de cette lettre marque le point de départ des délais légaux de trente et quarante jours qui conduisent, respectivement, à la suspension et à la résiliation du contrat.

b. Forme et modalités de l’envoi

Conformément à l’article R. 113-1 C. assur., la mise en demeure doit être adressée par lettre recommandée, mais non nécessairement avec accusé de réception. La Cour de cassation l’a confirmé de longue date : l’assureur n’a pas à démontrer la réception effective du pli, le seul envoi régulier suffisant (Cass. 1re civ., 6 oct. 1993, n° 91-14.926). Ce choix du législateur vise à éviter qu’un assuré de mauvaise foi ne fasse échec à la procédure en refusant ou en négligeant de retirer le courrier. La charge de la preuve pèse toutefois sur l’assureur : il lui appartient d’établir l’envoi par la production d’un récépissé postal ou d’un registre dûment visé (Cass. 1re civ., 28 oct. 1997, n° 95-17.266).

La lettre doit être envoyée à « l’assuré ou à la personne chargée du paiement des primes », à leur dernier domicile connu (C. assur., art. R. 113-1). Il en résulte plusieurs cas de figure précisés par la jurisprudence :

La désignation du destinataire de la mise en demeure illustre le formalisme strict qui gouverne l’article L. 113-3 du Code des assurances. La Cour de cassation a jugé qu’une mise en demeure adressée à une autre personne qu’à l’assuré ou à son mandataire est inopposable et ne peut faire courir les délais de suspension et de résiliation (Cass. 1re civ., 19 mai 1992, n° 89-16.005). Dans cette affaire, l’assureur soutenait que la lettre avait été envoyée au lieu du risque, où résidait le fils de l’assuré, et que le paiement ultérieur de la prime avait été effectué à la suite d’une nouvelle demande adressée à cette même adresse. La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a toutefois relevé que cette adresse ne correspondait ni au domicile de l’assuré, ni à celui du courtier chargé du paiement des primes, et qu’il n’était pas établi qu’elle avait été indiquée par l’assuré ou son mandataire. Elle en a déduit que le délai de trente jours prévu par l’article L. 113-3 n’avait pu commencer à courir.

Ainsi, le formalisme attaché à la mise en demeure implique que l’acte soit notifié au véritable débiteur de la prime, à son dernier domicile connu de l’assureur, ou à son mandataire dûment habilité. Toute notification erronée est sans effet sur le cours de la procédure.

c. Contenu de la mise en demeure

Le contenu de la mise en demeure a longtemps été strictement encadré. Avantl’adoption du décret du 22 décembre 1992, l’article R. 113-1 du Code des assurances imposait que la lettre recommandée comporte un certain nombre de mentions obligatoires : l’indication expresse qu’il s’agissait d’une mise en demeure, le rappel du montant et de la date d’échéance de la prime, ainsi que la reproduction de l’article L. 113-3. Dans un arrêt du 10 mai 1989, la Cour de cassation a ainsi censuré la décision d’une cour d’appel qui avait constaté la résiliation du contrat sans vérifier la présence de ces mentions. Elle a rappelé qu’à défaut, la procédure de suspension et de résiliation est dépourvue de base légale (Cass. 1re civ., 10 mai 1989, n° 87-17.354).

Le décret de 1992 a supprimé ce formalisme réglementaire, mais la jurisprudence a maintenu une exigence de clarté et de précision du contenu de la lettre. Dans un arrêt du 20 décembre 2007, la Haute juridiction a cassé un arrêt ayant validé une mise en demeure émanant d’un assureur, laquelle indiquait simplement que celui-ci « se réservait la possibilité de résilier » (Cass. 2e civ., 20 déc. 2007, n° 06-21.455). Une telle formule, jugée équivoque, ne permettait pas à l’assuré de mesurer les conséquences exactes de son inaction. La Cour de cassation a posé le principe selon lequel la mise en demeure doit informer sans ambiguïté l’assuré sur la volonté ferme de l’assureur de résilier en cas de persistance du non-paiement et sur les effets légaux attachés à cette situation.

Plus récemment, la Cour de cassation a renforcé son contrôle au regard des exigences de transparence. Dans un arrêt du 24 novembre 2022, elle a censuré une lettre émanant d’un assureur réclamant à l’assuré une somme (83,90 €) présentée comme correspondant à une échéance impayée, alors que ce montant ne correspondait ni à l’échéancier contractuel, ni aux sommes effectivement prélevées. La Haute juridiction en a déduit que la mise en demeure était irrégulière, dès lors qu’elle ne permettait pas à l’assuré d’identifier clairement la dette réclamée. Elle a, en outre, précisé que l’assureur ne pouvait se prévaloir du non-paiement de fractions de prime qui n’avaient pas fait l’objet d’une mise en demeure régulière (Cass. 2e civ., 24 nov. 2022, n° 21-17.410).

De cette évolution, trois enseignements majeurs se dégagent :

Ainsi, bien que le législateur ait assoupli le formalisme textuel, la jurisprudence a substitué un formalisme substantiel, fondé sur la transparence et l’intelligibilité de l’information. Ce contrôle, qui s’inscrit dans la logique protectrice de l’article L. 113-3, conduit à sanctionner toute irrégularité en rendant la procédure inopposable à l’assuré.

d. Effets de la mise en demeure

i. Effet principal : ouverture du délai de grâce avec maintien de la garantie

L’envoi de la lettre recommandée de mise en demeure ouvre un délai de trente jours pendant lequel la garantie demeure acquise. Un sinistre survenant au cours de ce délai doit donc être pris en charge. Le paiement partiel n’est pas libératoire : il ne met pas fin à la procédure et ne modifie pas le maintien de la garantie tant que les trente jours ne sont pas échus (délai minimal fixé par L. 113-3 ; possibilité contractuelle d’un délai plus long au profit de l’assuré). Lorsque l’impayé résulte d’un prélèvement rejeté, la mise en demeure reste valable ; si l’assuré règle la prime litigieuse dans le délai, l’assureur doit sa garantie (v. not. solution retenue pour un règlement en espèces intervenu après rejet de prélèvement).

Sur le terrain des compensations, l’assureur peut, en principe, compenser sa dette d’indemnité avec la créance de prime (C. civ., art. 1289), sauf en assurance de responsabilité où la victime n’étant pas débitrice de la prime bénéficie d’un privilège : la compensation est inopposable à cette dernière.

ii. Effet « déclencheur » des délais légaux : calcul et point de départ

La mise en demeure constitue l’acte déclencheur de la procédure spéciale prévue à l’article L. 113-3 du Code des assurances.

La computation suit les articles 640 à 642 du Code de procédure civile : le jour de l’acte ne compte pas ; le délai court à zéro heure le lendemain de l’envoi (et non de la réception) ; il expire à 24 h du dernier jour, avec prorogation au premier jour ouvrable si l’échéance tombe un samedi, dimanche ou jour férié. Cette règle a été expressément consacrée (départ au lendemain de l’envoi ; prorogations).

Conséquence majeure : seul un envoi régulier fait courir les délais. Si la lettre est adressée à une adresse erronée qui n’a pas été indiquée par l’assuré ou son mandataire, aucun délai ne court (l’arrêt retient que la lettre n’avait été envoyée ni au domicile de l’assuré ni à celui du courtier chargé du paiement, et qu’il n’était pas démontré que cette adresse avait été fournie à l’assureur ; la suspension ne pouvait donc pas débuter).

À l’inverse, lorsque l’adresse utilisée est le dernier domicile connu au sens de R. 113-1 (y compris en cas de double domiciliation, l’envoi à l’une des deux adresses suffit), l’assureur n’a pas à prouver la réception matérielle : la lettre « non réclamée » n’impose pas une signification par huissier, et une erreur d’acheminement postal n’affecte pas la régularité de l’envoi dès lors que celui-ci a été fait conformément aux textes.

iii. Effets probatoires et procéduraux attachés à l’envoi

==>Preuve de l’envoi

La charge de la preuve pèse sur l’assureur. Les pièces purement internes (registre maison non visé) sont insuffisantes. En revanche, la preuve est rapportée par le bordereau d’envoi ou le récépissé portant une authentification postale (visa/cachet), la jurisprudence admettant désormais l’authentification apposée en tête et dernière page d’un envoi groupé. L’aveu ultérieur de l’assuré reconnaissant une suspension pour non-paiement vaut également preuve de l’envoi antérieur.

==>Prescription et intérêts moratoires

L’action de l’assureur en recouvrement des primes est soumise à la prescription biennale de l’article L. 114-1 du Code des assurances. Conformément à l’article L. 114-2, cette prescription est interrompue par l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par l’assureur à l’assuré.

Dans un arrêt ancien, la Cour de cassation avait admis, par équivalence, qu’une simple lettre recommandée, suivie d’un accusé de réception signé par l’assuré, suffisait à interrompre la prescription biennale, même en l’absence de demande formelle d’avis de réception (Cass. 1re civ., 20 juill. 1988, n° 87-11.852).

Cette souplesse a toutefois été abandonnée dans la jurisprudence postérieure, qui impose une lecture stricte du texte : seule la lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) interrompt valablement la prescription. L’aveu ultérieur de l’assuré ou la preuve de la réception effective ne suffisent plus.

En pratique, l’assureur doit donc se conformer strictement au formalisme prévu par le Code des assurances, sous peine de voir son action en recouvrement déclarée prescrite.

e. Régularisation par paiement : clôture de la phase « mise en demeure »

Si l’assuré règle intégralement la somme due avant l’expiration du délai de trente jours, la procédure est purge?e : le contrat poursuit normalement ses effets ; la suspension annoncée ne joue pas.

En cas de paiement partiel, la procédure suit son cours (la jurisprudence admet que le silence de l’assureur sur le maintien de la suspension malgré un paiement incomplet ne fait pas obstacle à l’application de L. 113-3).

2. La suspension de la garantie

a. Principe

L’article L. 113-3, al. 2 du Code des assurances prévoit qu’en cas de non-paiement d’une prime ou d’une fraction de prime, la garantie est suspendue de plein droit à l’expiration d’un délai de trente jours suivant l’envoi de la mise en demeure.

Cette suspension présente trois caractéristiques essentielles :

b. Nature juridique

La suspension de garantie prévue par l’article L. 113-3 du Code des assurances ne doit pas être confondue avec une résiliation anticipée du contrat. Contrairement à la résiliation, qui met fin au lien contractuel, la suspension ne fait que paralyser temporairement l’exécution des obligations principales de l’assureur, sans anéantir le contrat lui-même.

Dans son arrêt du 11 mars 1980, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « La suspension de garantie, à défaut de paiement des primes ou fractions de primes, ne délie pas l’assuré de son obligation de payer lesdites primes ou fractions de primes, sanction du retard apporté par lui dans l’exécution de son engagement ».

Cet attendu confirme le caractère asymétrique de la sanction :

Cette solution, parfois jugée sévère en doctrine, repose néanmoins sur la logique économique du contrat d’assurance : la prime constitue la contrepartie de la couverture du risque, mais aussi la condition du maintien de l’équilibre technique et financier du système assurantiel. L’inexécution de l’obligation de paiement est ainsi sanctionnée non seulement par la privation de garantie, mais encore par le maintien de la dette de prime.

Le jugement attaqué en l’espèce avait refusé de condamner l’assuré au paiement de la seconde fraction de prime, au motif que l’assureur n’avait fourni aucune prestation pendant la période couverte par cette fraction, en raison de la suspension intervenue antérieurement. La Cour de cassation a cassé cette décision, rappelant que la suspension de garantie n’emporte pas libération de la dette de prime : celle-ci demeure exigible jusqu’à la résiliation effective du contrat.

En somme, la suspension constitue une mesure conservatoire :

Cette dissociation, qui fait peser sur l’assuré une charge sans contrepartie immédiate, traduit la philosophie de l’article L. 113-3 : maintenir une pression financière sur l’assuré afin de l’inciter à régulariser sa situation, tout en évitant que l’assureur ne soit contraint d’exécuter une garantie pour laquelle il n’a pas perçu de rémunération.

c. Opposabilité et étendue de la suspension

La suspension de la garantie opère erga omnes : elle est opposable à l’assuré, à ses bénéficiaires, à ses créanciers, mais également aux victimes exerçant l’action directe contre l’assureur. Le Code des assurances en donne plusieurs illustrations. L’article R. 124-1 précise que la suspension prive la victime de la possibilité d’agir contre l’assureur au titre de l’action directe, tandis que l’article R. 211-13, 2° réaffirme cette règle en matière d’assurance automobile.

La logique est simple : faute de paiement de la prime, le contrat subsiste mais la garantie est paralysée, de sorte que nul tiers ne peut davantage en invoquer le bénéfice. La suspension constitue donc une véritable inopposabilité de la couverture, opposable à tous.

Toutefois, la portée de cette règle doit être nuancée en matière de responsabilité civile soumise au régime de la garantie subséquente. L’article L. 124-5 prévoit en effet que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré lorsque le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou de suspension, et que la réclamation est formée dans le délai subséquent prévu par le contrat.

C’est précisément ce qu’illustre la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 4 mars 2021 (Cass. 3e civ., 4 mars 2021, n° 19-26.333). En l’espèce, la société assurée n’avait pas réglé sa cotisation et la garantie avait été suspendue au 11 avril 2011. Or, les désordres (retards, malfaçons) reprochés étaient apparus dès le mois de mars 2011, donc avant la date de suspension. La réclamation de la victime, adressée en 2012 après la résiliation, était intervenue dans le délai subséquent contractuel. La Haute juridiction censure la Cour d’appel de Paris qui avait refusé toute indemnisation en retenant que la suspension rendait la garantie inopposable : la Cour de cassation rappelle au contraire que l’article L. 113-3 (suspension pour non-paiement) ne fait pas obstacle à l’application de l’article L. 124-5, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la suspension et que la réclamation intervient dans le délai subséquent.

Ainsi, si la suspension neutralise la couverture pour les sinistres postérieurs, elle ne saurait rétroagir ni priver d’effet la garantie subséquente attachée à des dommages déjà causés avant sa survenance. La règle est donc double :

Enfin, lorsque l’assureur s’est engagé contractuellement à informer un tiers intéressé (par exemple un bailleur ou un créancier nanti), son manquement peut engager sa responsabilité délictuelle ou contractuelle, indépendamment du mécanisme légal de suspension.

d. Durée et limites de la suspension

La suspension de la garantie n’est pas indéfinie. Elle est limitée à la période d’assurance à laquelle la prime impayée se rattache. Si une nouvelle échéance annuelle survient sans que le contrat ait été résilié, la garantie reprend pour l’avenir, à charge pour l’assureur de relancer une nouvelle procédure de mise en demeure en cas de nouvel impayé (Cass. 1re civ., 17 mars 1998, n° 96-14.220).

Ainsi, le non-paiement d’une prime relative à l’année N n’autorise pas la suspension de la garantie de l’année N+1 (Cass. 2e civ., 13 juin 2013, n° 12-21.019).

Lorsque la prime est fractionnée, le législateur a tranché : la suspension consécutive à une mise en demeure pour une fraction impayée perdure jusqu’à la fin de la période annuelle, quand bien même les fractions ultérieures auraient été payées (Cass. 1re civ., 23 févr. 1988, n° 86-14.311). La jurisprudence antérieure, qui admettait qu’un paiement ultérieur «réactivait » la couverture, a été abandonnée après la réforme de 1981.

e. La remise en vigueur de la garantie

La suspension de la garantie n’est pas irréversible. L’assuré peut réactiver le contrat en procédant au paiement intégral de la prime arriérée — ou, en cas de fractionnement, de la fraction mise en demeure ainsi que de celles échues depuis, outre les éventuels frais de poursuite et de recouvrement (C. assur., art. L. 113-3, al. 4). La garantie reprend alors effet à midi le lendemain du paiement.

Il en résulte deux conséquences essentielles :

C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 octobre 2006 : la cour d’appel avait retenu à tort qu’il appartenait à l’assureur de prouver que le règlement était postérieur à l’accident, alors que l’article L. 113-3 du Code des assurances met clairement cette charge sur l’assuré. L’arrêt est cassé pour inversion de la charge de la preuve, la Haute juridiction précisant que l’assuré doit établir que le paiement est antérieur à la veille du jour de la remise en vigueur du contrat (Cass. 2e civ., 5 oct. 2006, n° 05-10.786).

La jurisprudence admet toutefois certaines présomptions en matière probatoire : ainsi, en cas de règlement par chèque, la date portée sur le chèque fait présumer celle du paiement, sauf preuve contraire de l’assureur.

En définitive, la remise en vigueur constitue un mécanisme simple mais exigeant : elle dépend d’un paiement intégral, produit des effets limités dans le temps (ex nunc) et suppose une vigilance particulière de l’assuré dans l’administration de la preuve.

f. Renonciation à la suspension

L’assureur peut renoncer à se prévaloir de la suspension, mais cette renonciation doit être claire et non équivoque. Elle ne saurait résulter du simple fait d’avoir désigné un expert ou d’avoir laissé l’assuré en possession d’une attestation d’assurance (Cass. crim., 16 juill. 1987, n° 86-94.554), ni même de l’encaissement tardif de la prime initialement impayée. Seule une manifestation explicite de volonté peut être retenue.

3. La résiliation du contrat

a. Les conditions de la résiliation

La procédure spéciale de l’article L. 113-3, alinéa 3 du Code des assurances prévoit que, si l’assuré ne régularise pas le paiement dans les trente jours suivant l’envoi de la mise en demeure, l’assureur dispose de la faculté de résilier le contrat « dix jours après l’expiration de ce délai ».

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la résiliation n’est pas automatique : elle suppose une manifestation expresse de volonté de l’assureur, généralement matérialisée par une notification écrite, souvent incluse dans la lettre de mise en demeure elle-même. La jurisprudence admet en effet qu’une même lettre puisse valoir à la fois mise en demeure et notification de résiliation, dès lors que les délais légaux sont respectés (Cass. 1re civ., 10 janv. 1995, n° 92-13.158).

La sanction ne peut être opposée à l’assuré qu’à la condition que la procédure ait été scrupuleusement respectée. La Cour de cassation exige à la fois :

Il ne peut être reproché à l’assuré de « deviner » l’intention de l’assureur : à défaut d’une notification claire, la résiliation est inopposable.

C’est ce qu’illustre une affaire jugée par la Cour de cassation le 19 mars 1985 (Cass. 1re civ., 19 mars 1985, n° 83-17.072). En l’espèce, l’assureur avait adressé une mise en demeure qui ne visait que la suspension, puis était resté silencieux sur son intention de mettre fin au contrat. Le tribunal en avait déduit que ce silence valait résiliation. La Haute juridiction censure cette interprétation :

En l’absence d’une telle notification, la Haute juridiction juge que « le contrat reprenait automatiquement effet » à l’issue de la période de suspension, et qu’il ne pouvait être reproché aux juges du fond d’imputer à l’assuré la charge de deviner, à partir du silence de l’assureur, une volonté de résilier.

b. Les effets de la résiliation

La résiliation opère ex nunc : elle met fin au contrat pour l’avenir, sans remettre en cause les effets produits antérieurement. Ainsi, l’assureur n’est pas fondé à demander restitution des prestations versées pour des sinistres survenus avant la rupture (Cass. 1re civ., 9 févr. 1999).

En revanche, la résiliation ne libère pas l’assuré de sa dette relative à la prime impayée, qui demeure exigible. En revanche, il n’est pas tenu de payer la partie de prime correspondant à la période postérieure à la résiliation, car elle serait dépourvue de cause (Cass. 2e civ., 4 févr. 2016, n° 15-15.993).

De plus, un paiement effectué après la résiliation n’a aucun effet « reviviscent » : le contrat ne reprend pas vigueur, sauf renonciation expresse ou tacite de l’assureur (Cass. 1re civ., 18 févr. 2003, n° 99-21.175).

c. La question de la renonciation

L’assureur peut renoncer à la résiliation, mais cette renonciation doit résulter d’un acte clair et non équivoque. Elle peut être expresse (avenant annulant les effets de la mise en demeure) ou tacite, mais la jurisprudence est stricte.

Aussi, ne caractérisent pas une renonciation tacite :

En revanche, des comportements positifs et durables peuvent valoir renonciation, par exemple :

d. Responsabilités liées à la résiliation

L’assureur engage sa responsabilité s’il ne respecte pas la procédure impérative. Une résiliation irrégulière est nulle et peut entraîner l’obligation de garantir le sinistre malgré l’impayé (Cass. 2e civ., 4 oct. 2012).

Il peut aussi voir sa responsabilité retenue en cas de manquement à son devoir d’information, notamment s’il encaisse une prime après résiliation sans préciser que le contrat ne poursuit plus ses effets (Cass. 1re civ., 25 nov. 1992).

e. Spécificités en procédure collective

En cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l’assuré, la procédure de l’article L.113-3 demeure applicable. L’assureur doit adresser la mise en demeure et la notification de résiliation au liquidateur et non au débiteur dessaisi (Cass. com., 15 nov. 2016, n° 14-27.045).

Quitter la version mobile