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L’indemnisation du sinistre dans le cadre du contrat d’assurance : les droits de l’assurance (recours subrogatoire et faculté de résiliation)

Si le sinistre déclenche d’abord une obligation pour l’assureur — celle d’indemniser son assuré conformément au contrat —, il ouvre symétriquement des prérogatives qui tempèrent cette charge. L’assurance n’est pas un mécanisme à sens unique : elle repose sur un équilibre. L’assureur, tenu de verser l’indemnité, doit pouvoir, en retour, préserver ses intérêts et rétablir la charge définitive du dommage là où elle doit revenir.

Cette contrepartie s’exprime principalement à travers deux droits reconnus à l’assureur. Le premier est le recours subrogatoire, par lequel l’assureur, après paiement, se substitue à l’assuré pour agir contre le responsable du sinistre. Le second est le droit de résiliation, qui permet, dans certaines hypothèses, de mettre fin au contrat après sinistre afin de maîtriser le risque et d’éviter une aggravation future.

Ces prérogatives, différentes dans leur objet mais complémentaires dans leur fonction, rappellent que l’équilibre du rapport assurantiel ne réside pas seulement dans l’obligation d’indemniser : il suppose aussi que l’assureur conserve les moyens de limiter l’exposition au risque et de répercuter la charge du dommage sur son véritable débiteur.

A. Le recours subrogatoire de l’assureur

La question centrale est simple : qui doit, en définitive, porter le poids d’un dommage ? En pratique, c’est l’assureur qui intervient le premier, en exécutant la garantie due à son assuré. Mais cette intervention n’a pas pour objet de créer un gain chez la victime, ni d’effacer la dette du responsable. Le droit cherche donc à organiser le passage de la charge du dommage de celui qui a payé — l’assureur — vers celui qui devait répondre du sinistre — l’auteur ou son assureur de responsabilité.

C’est précisément la fonction du recours subrogatoire. Par ce mécanisme, l’assureur qui a indemnisé son assuré se trouve investi, à due concurrence de son paiement, des droits et actions que celui-ci détenait contre le tiers responsable. La subrogation ne crée pas une créance nouvelle, elle transfère une créance existante : la dette reste identique dans son objet et sa mesure, seul change le titulaire.

En cela, le recours subrogatoire exprime une double exigence : protéger l’assuré, indemnisé sans attendre, et rétablir l’équilibre en faisant peser, in fine, la charge sur le véritable débiteur. Il s’inscrit dans une architecture plus large, où coexistent d’autres instruments de réallocation — action directe, appel en garantie, contribution entre coresponsables — mais il occupe une place singulière : celle de l’« après-paiement », lorsque l’assureur prend la relève de son assuré pour rétablir la juste répartition des responsabilités.

1. Fondements et principes généraux du recours subrogatoire

a. Principe du recours subrogatoire

Née du latin subrogare, la subrogation dit l’idée de remplacement. Le droit en connaît deux visages : réelle, lorsqu’une chose en remplace une autre dans un patrimoine ; personnelle, lorsqu’une personne se substitue à une autre dans un rapport d’obligation. C’est cette dernière qui intéresse l’assurance : elle permet que celui qui a payé pour autrui prenne la place du créancier et poursuive le véritable débiteur.

En assurance de dommages, le mécanisme est d’une grande simplicité (C. assur., L.121-12). Dès qu’il a versé l’indemnité, l’assureur est subrogé “à concurrence du paiement” dans les droits et actions de l’assuré contre le tiers responsable (C. assur., L.121-12). Concrètement : le paiement éteint la dette de l’assureur envers son assuré ; dans le même temps, la créance que l’assuré détenait contre le responsable est transférée à l’assureur, avec ses accessoires (sûretés, prescriptions, etc.), et seulement dans la limite des sommes réglées (C. civ., 1346 s.).

Face à l’assureur subrogé, le tiers répond comme il répondrait à l’assuré : mêmes défenses, mêmes limites, rien de plus, rien de moins (C. civ., art. 1346-5). Il peut ainsi discuter le quantum, opposer la compensation, invoquer un partage de responsabilité et toutes exceptions inhérentes à la dette. Symétriquement, l’assuré indemnisé perd qualité à agir pour la part payée ; il ne conserve que le reliquat (franchise, insuffisance d’indemnité). En cas de paiement partiel, la loi protège le créancier d’origine : nul n’est censé s’être subrogé contre soi (nemo contra se subrogare censetur) ; l’assuré exerce par préférence ses droits pour ce qui lui reste dû, l’assureur venant après lui (C. civ., art. 1346-3).

Parce qu’elle n’est que l’accessoire d’un paiement, la subrogation ne transmet la créance qu’à due concurrence des sommes réglées ; les intérêts dus au subrogé obéissent, en principe, au taux légal à compter d’une mise en demeure, sauf convention nouvelle (C. civ., art. 1346-4). Pour le débiteur, la subrogation devient opposable lorsqu’il en a été notifié ou qu’il en a pris acte ; pour les tiers, elle produit effet dès le paiement (C. civ., art. 1346-5). Tout l’équilibre tient là : préserver le débiteur contre une aggravation de sa situation, sans frustrer l’équité qui commande que le payeur final ne soit pas celui qui n’était pas responsable.

Il importe, enfin, de ne pas confondre. la cession de créance transporte la créance comme on passe un flambeau. Elle n’attend aucun paiement préalable : le cessionnaire devient créancier pour le montant nominal, quel qu’ait été le prix de cession. Rien ne change pour le débiteur, sinon le nom de celui qui frappe à sa porte.

La délégation emprunte une autre voie. C’est un accord à trois voix où le débiteur présente un tiers au créancier ; ce tiers s’oblige directement envers lui. Nulle transmission de la créance initiale : on crée une dette nouvelle, parfois à côté de l’ancienne, parfois à sa place.

La subrogation, elle, ne vit qu’au rythme du paiement. Parce que quelqu’un a payé, il prend la place du créancier dans la même créance, avec ses accessoires, et à due concurrence seulement (C. civ., art. 1346 s. ; C. assur., L.121-12). La dette ne change ni d’objet ni de mesure ; seul le créancier change. Voilà pourquoi la subrogation n’est pas une simple technique de transfert, mais l’ombre portée d’un règlement : elle naît du paiement, elle se limite au paiement, elle suit le paiement.

L’action directe ne lui ressemble pas davantage. C’est un droit propre de la victime contre l’assureur du responsable : elle s’exerce sans qu’un paiement préalable ait été fait au profit de la victime par son propre assureur, et sans passer par la créance de celle-ci.

Quant à l’appel en garantie, il relève de la précaution d’avant-paiement : on appelle le garant pour qu’il prenne le relais si la condamnation survient. Le recours subrogatoire, au contraire, est un après-coup : il ne s’ouvre qu’une fois le règlement effectué, lorsque le payeur légitime vient chercher, chez le véritable débiteur, la charge finale du dommage.

b. Fondements

i. Genèse

Avant 1930, l’assureur ne disposait d’aucun recours automatique contre l’auteur du dommage. La Cour de cassation l’écartait au nom de l’effet relatif des conventions : le contrat d’assurance ne liait que l’assureur et l’assuré, le tiers responsable restant étranger au pacte (Cass. civ., 6 janv. 1914). La loi du 13 juillet 1930 a rompu avec cette position. Son article 36 — aujourd’hui codifié à l’article L. 121-12 du Code des assurances — dispose que l’assureur qui a payé l’indemnité est de plein droit subrogé, à concurrence de ce paiement, dans les droits et actions de l’assuré contre le tiers responsable. Autrement dit, le paiement opéré par l’assureur déclenche la subrogation et en fixe la mesure : l’assureur prend la place de l’assuré, mais seulement pour les sommes réglées.

Conçu d’abord pour l’assurance de dommages, ce mécanisme a été étendu par des textes spéciaux qui en ont reproduit la logique : en transport (C. assur., art. L. 172-29), en assurance aérienne et aéronautique (art. L. 175-29) et en assurance spatiale (art. L. 176-1). S’agissant des assurances de personnes, la subrogation n’a été admise que pour les prestations présentant un caractère indemnitaire, à la suite de la loi du 16 juillet 1992 désormais inscrite à l’article L. 131-2 du Code des assurances.

La jurisprudence a précisé, par étapes, la frontière entre prestations forfaitaires (sans subrogation) et prestations indemnitaire (ouvrant la subrogation). Par un arrêt du 17 mars 1993 (Cass. 1re civ., 17 mars 1993, n°91-11.665), la Cour de cassation décide que les prestations servies en exécution d’un contrat d’assurance de personnes « revêtent un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire, dès lors qu’elles sont calculées en fonction d’éléments prédéterminés par les parties indépendamment du préjudice subi ». En l’espèce, la garantie de ressources complétait, à concurrence de 100 % du salaire de base défini par le contrat, les prestations de sécurité sociale ou les fractions de salaire : la Cour d’appel avait pu en déduire, sans dénaturation, qu’il s’agissait d’une assurance de personnes à logique non indemnitaire, excluant la subrogation.

Cette approche a été nuancée par l’Assemblée plénière le 19 décembre 2003 (Ass. plén., 19 déc. 2003, n°01-10.670). La Cour de cassation énonce dans cet arrêt d’abord que le seul mode de calcul en fonction d’éléments prédéterminés ne suffit pas, à lui seul, à exclure le caractère indemnitaire. Mais, au vu du contrat jugé, elle constate deux points : (i) le contrat de prévoyance de groupe ne comportait aucune disposition spécifique pour le cas d’accident de la circulation ; (ii) les prestations versées au titre de l’incapacité temporaire totale et de l’incapacité permanente partielle étaient indépendantes, dans leurs modalités de calcul et d’attribution, des règles de la réparation du préjudice selon le droit commun. De ces constatations, l’Assemblée plénière déduit que ces prestations n’avaient pas de caractère indemnitaire et rejette le pourvoi : pas de subrogation dans ce cas.

Il s’en déduit une méthode simple : la qualification est in concreto. L’étiquette (« forfaitaire »/« indemnitaire ») ou l’existence d’un barème prédéterminé ne décident pas à elles seules. Ce qui importe, c’est de savoir si, par ses modalités de calcul et d’attribution, la prestation est arrimée aux règles de réparation du droit commun et répare effectivement un dommage objectivable : dans ce cas, elle est indemnitaire et peut ouvrir la subrogation (en assurances de personnes, C. assur., art. L. 131-2). À l’inverse, si la prestation demeure indépendante de cette logique de réparation, elle reste forfaitaire et n’ouvre pas droit à la subrogation.

Enfin, on rappelle le cadre général : la subrogation de l’assureur est une institution d’origine légale et spéciale (loi du 13 juillet 1930, aujourd’hui C. assur., art. L. 121-12), généralisée dans plusieurs branches (transports : L. 172-29 ; aérien/aéronautique : L. 175-29 ; spatial : L. 176-1). Elle suppose toujours un paiement préalable par l’assureur et se mesure à concurrence de ce paiement (L. 121-12), tandis qu’en assurances de personnes elle n’est ouverte que pour les prestations à caractère indemnitaire (L. 131-2).

ii. Ratio legis

La subrogation de l’assureur a pour finalité d’assurer l’effectivité du principe indemnitaire : l’assuré ne doit pas cumuler l’indemnité d’assurance avec la réparation due par l’auteur du dommage et le responsable ne doit pas tirer avantage de l’intervention de l’assureur. En d’autres termes, une fois l’indemnité versée, la charge finale du dommage doit revenir à celui qui l’a causé, conformément à la logique de l’article L. 121-1 du Code des assurances.

Pour atteindre ce résultat, la loi organise une substitution de créancier qui déroge à l’effet relatif des contrats. Après paiement, l’assureur est de plein droit subrogé dans les droits et actions de l’assuré contre le tiers responsable, et ce uniquement à concurrence des sommes réglées (C. assur., art. L. 121-12 ; C. civ., art. 1346). Cette substitution n’opère aucune novation : l’obligation du débiteur reste identique dans son objet, sa mesure et ses accessoires, seul change le titulaire de la créance. Le débiteur peut opposer à l’assureur subrogé toutes les exceptions qu’il pouvait opposer à l’assuré, ce que consacre l’article 1346-5 du Code civil.

La subrogation redistribue ainsi les rôles. L’assuré, indemnisé, perd qualité à agir pour la part déjà payée et ne conserve que son reliquat ; en cas de paiement partiel, il est payé par préférence pour ce reliquat, l’assureur venant ensuite, conformément à l’article 1346-3 du Code civil. Sur le plan probatoire, l’assureur justifie son droit à subrogation par la production du contrat et la preuve du paiement, sans qu’une cession ni une quittance subrogative ne soient nécessaires, la jurisprudence l’ayant clairement admis sous l’empire de l’article L. 121-12.

iii. Sources

Le fondement principal du recours subrogatoire de l’assureur réside à l’article L. 121-12 du Code des assurances. La subrogation naît du paiement de l’indemnité et elle opère de plein droit. L’assureur n’a pas à procéder à une cession de créance ni à faire signer une quittance subrogative pour exercer le recours. La Cour de cassation l’a admis de longue date (Cass. 1re civ., 5 avr. 1978), et le Conseil d’État a confirmé que l’administration ne peut pas exiger une quittance pour reconnaître la subrogation (CE, 23 déc. 2011, n° 335946). En pratique, la preuve est simple : la production du contrat et la justification du paiement suffisent (Cass. 2e civ., 9 févr. 2012, n° 10-26.362). Le Conseil d’État a également jugé que ce droit de subrogation s’exerce quelle que soit la cause du dommage, y compris lorsque l’état de catastrophe naturelle a été déclaré, et sans que la présence d’une réassurance y fasse obstacle (CE, 31 mai 2021, n° 434733).

En dehors du droit spécial des assurances, la subrogation peut résulter du droit commun. L’article 1346 du Code civil prévoit une subrogation légale lorsque celui qui paie a intérêt à le faire et entend reprendre la créance contre le débiteur final. La Cour de cassation a ainsi admis qu’un assureur, ayant désintéressé le créancier, puisse se retourner contre la personne sur qui doit peser la charge définitive de la dette sur le fondement de l’ancien article 1251, devenu l’article 1346 (Cass., 1ère civ. 27 nov. 2013, n°12-25.399). L’article 1346-1 du Code civil autorise, en outre, la subrogation conventionnelle : l’assureur peut recueillir une quittance subrogative. Cette quittance n’est pas une condition de la subrogation légale de l’article L. 121-12, mais elle renforce la sécurité juridique du recours lorsque l’assureur souhaite, au besoin, cumuler les fondements.

A cet égard, ’assureur peut choisir le fondement le plus approprié à la situation (droit spécial, droit commun légal, ou subrogation conventionnelle). Il peut, en cause d’appel, invoquer un autre fondement juridique poursuivant les mêmes fins sans encourir l’irrecevabilité pour prétention nouvelle, dès lors que la demande tend au même résultat au sens de l’article 565 du Code de procédure civile (Cass. 2e civ., 5 juin 2025, n° 23-12.593). Le droit né du paiement peut aussi être exercé à un stade procédural ultérieur : l’assureur peut se substituer à son assuré en appel ou agir dans une instance distincte lorsque les conditions de la subrogation sont réunies.

c. Domaine

i. Les situations qui ouvrent droit à la subrogation

La subrogation naît d’abord du paiement effectué par l’assureur et elle opère de plein droit en assurance de dommages sur le fondement de l’article L. 121-12 du Code des assurances; la production de la police et la preuve du paiement suffisent à l’établir, sans qu’une cession de créance ni une quittance subrogative ne soient nécessaires (Cass. 1re civ., 5 avr. 1978)

Des textes spéciaux couvrent ensuite des domaines matériels où la subrogation s’applique de la même façon. En assurance maritime, l’article L. 172-29 prévoit que l’assureur acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l’assuré nés des dommages garantis ; des textes identiques existent en assurance aérienne et aéronautique (art. L. 175-29) et en assurance spatiale (art. L. 176-1), tandis que les risques de catastrophes technologiques donnent également lieu à subrogation légale au profit de l’assureur intervenant (art. L. 128-3). En assurance des véhicules terrestres à moteur, la loi organise un cas particulier de subrogation lorsque la garde ou la conduite ont été obtenues contre le gré du propriétaire, ce qui impose de démontrer la soustraction frauduleuse du véhicule ou l’absence d’autorisation (C. assur., art. L. 211-1, al. 3 ; v. notamment Cass. 1re civ., 9 juin 1993).

Le mécanisme joue aussi en assurance de responsabilité. L’assureur de responsabilité qui a indemnisé la victime est subrogé dans ses droits contre les autres tiers responsables, à proportion de leur part, et il n’a pas besoin d’une décision préalable établissant la faute de son assuré pour exercer son action contre ces tiers (Cass. 3e civ., 25 avr. 2007, n°05-17.839). Plus largement, la Cour de cassation rappelle que même le débiteur qui s’acquitte d’une dette personnelle peut prétendre à la subrogation, légale ou conventionnelle, s’il a libéré, envers le créancier commun, celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette (Cass. 1re civ., 24 oct. 2000, n° 98-22.888). Le Conseil d’État admet, dans la même logique, la possibilité d’une double subrogation au profit de l’assureur, à la fois dans les droits de la victime sur le fondement de l’article 1346 du Code civil et dans les droits de son assuré sur le fondement de l’article L. 121-12 (CE, 20 déc. 2022, n° 445319).

En assurances de personnes, la subrogation est ouverte lorsque les prestations présentent un caractère indemnitaire au sens de l’article L. 131-2 du Code des assurances ; c’est aussi le cas lorsque l’assureur intervient comme tiers payeur au sens des articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, pour les frais médicaux et de rééducation, les indemnités journalières, les prestations d’invalidité et les salaires maintenus qui sont alors subrogatoires de plein droit. L’assurance dite « d’avance sur recours », prévue par l’article L. 131-2, alinéa 2, combiné avec l’article L. 211-25, ouvre également le recours subrogatoire contre le tiers responsable dans la limite du solde subsistant après les paiements des tiers payeurs de la loi de 1985 ; la subrogation demeure ainsi possible lorsque la prestation est véritablement indemnitaire dans sa logique de calcul et d’attribution.

D’autres acteurs bénéficient d’un droit de subrogation légal, ce qui étend encore le domaine. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (art. L. 421-9 à L. 421-13), le Fonds de garantie des assurés contre la défaillance d’entreprises d’assurance de personnes (art. L. 423-1 et s.) et le FIVA (loi du 23 décembre 2000, art. 53, VI) sont subrogés à due concurrence des prestations servies ; la juridiction administrative admet que cette action s’exerce aussi contre des personnes publiques lorsqu’aucune disposition n’y fait obstacle (CAA Versailles, 13 mars 2007). En coassurance, la société apéritrice est présumée investie d’un mandat général de représentation et peut agir par subrogation pour la totalité de l’indemnité, sous réserve d’établir la coassurance, sa qualité d’apériteur et la quittance subrogative mentionnant le règlement par tous les coassureurs (Cass. com., 21 nov. 2018, n° 17-23.598). Lorsque plusieurs lignes de garantie interviennent, le bénéfice du recours revient par priorité à l’assureur de seconde ligne dans la limite de ce qu’il a versé, le solde revenant à la première ligne (Cass. 1re civ., 28 nov. 1995, n° 93-12.904). En protection juridique, les frais engagés pour la défense des intérêts de l’assuré peuvent être recouvrés contre le tiers responsable sur le fondement de l’article L. 121-12 (Cass. 3e civ., 23 févr. 2017, n°16-11.740). En assurance-crédit, l’article L. 121-12 est applicable par renvoi légal (L. n° 72-650, 11 juill. 1972, art. 22), et en assurance-caution, l’article L. 443-1 autorise, par référence à l’article 1346 du Code civil, un recours subrogatoire contre le donneur d’ordre, ses coobligés et les autres cautions, ce texte ayant un caractère interprétatif confirmé par la jurisprudence (Cass. 2e civ., 13 déc. 2018, n° 17-22.624).

Enfin, lorsque l’assureur n’a pas lui-même la qualité d’assureur au sens de L. 121-12 (par exemple un GIE gestionnaire), la subrogation demeure ouverte sur le terrain conventionnel si une quittance subrogative a été donnée et si les contrats gérés sont produits pour établir l’étendue des garanties ; à défaut, l’article L. 121-12 est inapplicable en tant que tel, mais l’article 1346-1 du Code civil permet de fonder le recours (Cass. 1re civ., 2 oct. 2001, n°99-15.828).

ii. Les situations qui n’ouvrent pas droit à la subrogation

La subrogation ne s’exerce jamais contre l’assuré lui-même lorsque l’assureur lui a versé des prestations au titre d’une atteinte à la personne ; la seule action ouverte est l’action subrogatoire contre le tiers responsable ou son assureur, et non une action directe en remboursement contre l’assuré, sous peine de contourner la règle de priorité des tiers payeurs et la limite posée à l’article L. 211-25 (Cass. 2e civ., 23 oct. 2008, n°07-18.234). De manière plus générale, l’article L. 121-12, en son alinéa 1er, limite le périmètre personnel du recours « contre les tiers », ce qui exclut l’idée d’un recours de l’assureur contre son propre cocontractant au titre des sommes versées en exécution de la garantie.

La loi institue ensuite une immunité familiale qui fait obstacle au recours contre certaines personnes : l’assureur n’a aucun recours contre les enfants, descendants, ascendants, alliés en ligne directe, préposés, employés, ouvriers ou domestiques et, plus largement, contre toute personne vivant habituellement au foyer de l’assuré, sauf malveillance (C. assur., art. L. 121-12, al. 3). Cette immunité ne s’étend pas à l’assureur de la personne protégée, de sorte qu’un recours demeure possible contre l’assureur de responsabilité de celle-ci, ce qu’a jugé la Cour de cassation en 2012 ; la jurisprudence admet en outre une articulation avec l’article L. 121-2 (garantie des personnes dont l’assuré répond), sous réserve de l’exclusion légale de l’article L. 121-8 en cas d’émeutes ou de mouvements populaires, qui prévaut sur l’ordre public de L. 121-2 (Cass. 2e civ., 8 mars 2006). La malveillance, longtemps définie par l’intention de nuire à la victime, a été précisée par l’Assemblée plénière afin d’éviter de vider la garantie de sa substance en présence d’actes volontaires de mineurs (Ass. plén., 13 nov. 1987, n°86-17.185).

La subrogation n’est pas davantage recevable devant la juridiction répressive puisque l’assureur ne dispose d’aucun recours subrogatoire devant le juge pénal ; le recours doit être exercé devant la juridiction civile compétente (Cass. crim., 9 févr. 1994, n°93-83.047). Elle peut encore échouer lorsque, par le fait de l’assuré, elle ne peut plus s’opérer ; la loi prévoit alors une sanction consistant à décharger l’assureur de tout ou partie de sa garantie (C. assur., art. L. 121-12, al. 2), hypothèse illustrée lorsque le comportement de l’assuré fait perdre le droit au recours, par exemple par une déclaration tardive ayant empêché l’exercice utile de l’action.

En assurances de personnes, la subrogation n’est pas ouverte lorsque les prestations servies sont véritablement « forfaitaires » au sens où leur calcul est indépendant du préjudice subi ; dans ce cas, elles ne relèvent pas de la logique indemnitaire visée par l’article L. 131-2 et ne peuvent fonder un recours subrogatoire, en dehors des cas où la loi l’organise comme tiers payeur (loi du 5 juillet 1985, art. 29 et 30) ou au titre de l’« avance sur recours » strictement encadrée par l’article L. 211-25. À l’inverse, si la prestation est indemnitaires dans ses modalités de calcul et d’attribution, la subrogation redevient possible, mais elle reste limitée par la priorité des tiers payeurs et par l’interdiction faite à l’assureur d’agir contre son assuré, même lorsque le contrat parle d’« avance ».

Des limites existent également du côté de l’assureur de responsabilité. Lorsqu’il exerce son recours contre un co-responsable, il doit conserver à sa charge la part de responsabilité imputable à son assuré dans la dette solidaire envers la victime ; il ne peut se subroger au-delà de ce que l’assuré devait supporter in fine (Cass. 2e civ., 24 oct. 2013, n°12-21.861). De plus, l’article L. 121-12 ne profite qu’aux véritables assureurs et non aux structures de gestion ; un GIE ne peut donc pas invoquer la subrogation légale spéciale et doit, à défaut, se placer sur le terrain de la subrogation conventionnelle, sous réserve d’en rapporter la preuve utile (Cass. 1re civ., 2 oct. 2001, n° 99-15.828).

La renonciation contractuelle au recours constitue enfin une cause d’exclusion volontaire de la subrogation. L’assureur peut valablement renoncer, par convention avec l’assuré, à exercer son recours contre le responsable, y compris lorsque la responsabilité encourue est délictuelle ou quasi délictuelle ; toutefois, sauf stipulation contraire, cette renonciation n’emporte pas renonciation à agir contre l’assureur de responsabilité de ce responsable, la jurisprudence ayant abandonné l’ancienne solution plus stricte (Cass. 1re civ., 26 mai 1993, n°91-11.362 et 91-11.770).

2. Conditions d’exercice du recours subrogatoire

a. L’indemnisation préalable de l’assuré

?Droit commun

La subrogation personnelle procède du paiement : elle naît du règlement qui désintéresse le créancier et ne peut, par définition, intervenir ni avant—faute de fait générateur—ni après, l’obligation étant alors éteinte par le paiement (C. civ., art. 1346-4). En sa forme légale, elle suppose que le tiers solvens justifie d’un intérêt légitime et que son paiement libère, envers le créancier, celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette (C. civ., art. 1346). En sa forme conventionnelle, elle exige la concomitance de l’acte subrogatoire et du paiement, sauf manifestation antérieure de volonté permettant que la subrogation prenne effet « au moment du paiement » ; une subrogation annoncée avant le règlement relève de la cession de créance, tandis qu’une subrogation postérieure est sans objet (C. civ., art. 1346-1 ; Cass. com., 29 janv. 1991). Dans tous les cas, la subrogation se mesure au paiement : elle transmet au subrogé la créance telle qu’elle existe, avec ses accessoires, dans la limite des sommes effectivement versées (C. civ., art. 1346-4). Si le paiement est partiel, la subrogation est partielle ; le créancier originaire conserve par préférence le reliquat, conformément à l’article 1346-3 du Code civil, expression de l’adage nemo contra se subrogare censetur. Enfin, la subrogation n’emporte pas, par elle-même, transfert des intérêts conventionnels attachés au rapport initial : sauf stipulation nouvelle, le subrogé ne peut prétendre qu’aux intérêts au taux légal et à compter de la mise en demeure (C. civ., art. 1346-4).

L’opposabilité de la subrogation obéit à une logique binaire. À l’égard des tiers, elle est acquise dès le paiement, de sorte que la date du règlement fixe la priorité en cas de concours (C. civ., art. 1346-5, al. 3). À l’égard du débiteur, elle ne peut être invoquée par le subrogé qu’à la condition d’une notification ou d’une prise d’acte ; tant que cette exigence n’est pas satisfaite, le débiteur demeure fondé à opposer au subrogé toutes les exceptions inhérentes à la dette, ainsi que celles nées de ses rapports avec le subrogeant antérieurement à l’opposabilité (C. civ., art. 1346-5, al. 1 et 2). La preuve des conditions de la subrogation, au premier rang desquelles le paiement libératoire, relève du régime probatoire des faits juridiques : elle est libre. Peuvent être produits des relevés bancaires, des écritures comptables, une quittance subrogative ou une transaction ; la jurisprudence admet également des équivalents probatoires qui établissent le rattachement causal du règlement à la dette éteinte, tel un rapport d’expertise circonstancié (CE, 25 nov. 2021) ou une traçabilité informatique fixant la réalité et la date de l’ordre de paiement (Cass. 3e civ., 4 juill. 2024). Il s’ensuit que la destination matérielle des fonds est indifférente dès lors que le créancier est valablement désintéressé : la subrogation opère si le paiement, effectué pour le compte du subrogeant, a libéré la dette, la condition d’existence tenant au paiement lui-même et la condition d’opposabilité tenant à sa portée à l’égard du débiteur et des tiers.

==>Droit des assurances

En assurance de dommages, la subrogation légale n’existe qu’à la condition d’un paiement indemnitaire préalable effectué en exécution de la garantie. Elle naît du règlement opéré par l’assureur et se mesure strictement à ce règlement : la créance transmise est celle de l’assuré, avec ses accessoires, mais dans la limite des sommes effectivement versées. Il appartient donc à l’assureur d’établir que le versement a la qualité d’indemnité d’assurance, ce qui résulte en principe de la production de la police et des justificatifs de règlement ; d’autres pièces peuvent compléter ces éléments probatoires lorsqu’il s’agit de prouver le rattachement du paiement à la garantie (par exemple, un rapport d’expertise circonstancié ou la traçabilité d’un ordre de paiement : CE, 25 nov. 2021 ; Cass. 3e civ., 4 juill. 2024). À l’inverse, un versement hors garantie — geste gracieux, arrangement commercial, indemnité payée malgré une exclusion opposable, avenant non souscrit, restitution de la chose volée — n’ouvre aucun recours subrogatoire (v. not. Cass. 1re civ., 23 sept. 2003). La destination du paiement est indifférente dès lors que le créancier est valablement désintéressé : qu’il soit versé à l’assuré, à un prestataire ou directement à la victime en responsabilité civile, l’effet subrogatoire joue pourvu que le règlement éteigne la dette d’assurance (Cass. 2e civ., 31 mars 2022). La mesure du recours s’en déduit immédiatement : d’une part, l’assureur ne peut recouvrer que les sommes effectivement payées (il ne peut réclamer une « valeur à neuf » non réglée) ; d’autre part, le recouvrement reste plafonné par la dette du responsable envers l’assuré, de sorte que l’assureur ne peut exiger davantage que ce que le tiers devait à ce dernier. Enfin, l’assuré, une fois indemnisé, perd qualité pour agir à hauteur de la fraction payée — sauf mandat spécial — mais demeure recevable pour son reliquat : la subrogation suit le paiement et ne le dépasse jamais.

La subrogation produit ses effets à la date du paiement, qui fixe la naissance du droit transféré et la priorité en cas de concours ; la créance subrogée passe avec ses accessoires (sûretés, réserve de propriété), à l’exclusion des droits attachés à la personne. Les intérêts du recours subrogatoire ne courent qu’à compter de la mise en demeure du débiteur, sauf convention nouvelle. À l’égard du débiteur, l’invocation de la subrogation par l’assureur suppose, pour son opposabilité, notification ou prise d’acte ; à défaut, le débiteur peut opposer au subrogé les exceptions qu’il tenait du rapport antérieur. Un aménagement est toutefois admis en dommages-ouvrage : pour éviter l’« effet ciseau » des délais, l’assureur DO peut assigner avant d’avoir réglé, à la condition déterminante d’avoir effectivement payé avant que le juge du fond statue (Cass. 3e civ., 9 juill. 2003). Cet assouplissement ne modifie pas les conditions d’existence du droit : la subrogation naît du paiement ; le procès peut s’ouvrir plus tôt, mais le droit d’agir en qualité de subrogé n’advient qu’au règlement effectif qui éteint la dette d’assurance et transfère, à due concurrence, la créance de l’assuré contre le tiers.

b. L’existence d’un tiers responsable

==>La détermination de la qualité de tiers

Le recours subrogatoire n’est ouvert qu’à l’encontre d’un tiers au regard du contrat d’assurance. Il est, en revanche, irrecevable contre toute personne qui, au sens matériel de la police, bénéficie de la garantie. La jurisprudence a, à maintes reprises, rappelé cette exclusion. Ne peut être poursuivi à ce titre le conducteur ou gardien d’un véhicule lorsqu’il est couvert par une police de responsabilité automobile ; le copropriétaire garanti par une police d’immeuble ; l’officier ministériel assuré pour compte ; l’intervenant à l’acte de construire inclus dans une police « tous risques chantier » ; ou encore l’installateur bénéficiant d’une stipulation pour compte. Dans toutes ces hypothèses, l’intéressé n’est pas un tiers mais un assuré au sens de la police : l’assureur de dommages est donc privé de recours à son encontre. La solution demeure la même même lorsqu’une clause stipule que «les assurés ont qualité de tiers entre eux » : une telle stipulation est réputée inopérante à l’égard du recours subrogatoire, car elle ne modifie pas la qualité d’assuré que confère la police et ne peut pas contourner la règle d’irrecevabilité.

Cette qualification s’apprécie concrètement au regard du bénéfice effectif de la garantie au jour du sinistre, et non en fonction du seul libellé des parties. En pratique, il incombe donc à l’assureur qui envisage un recours de démontrer positivement la qualité de tiers de la personne mise en cause. Cette vérification doit être conduite police en main, en tenant compte non seulement des stipulations expresses mais aussi des assurances « pour compte » et des garanties par extension. Ainsi, en matière automobile, toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule est réputée assurée et ne peut être poursuivie par l’assureur. De même, les polices « tous risques chantier » intègrent dans leur périmètre l’ensemble des intervenants à l’acte de construire, ce qui ferme le recours à l’assureur contre eux. Cette cartographie préalable est décisive : elle permet d’écarter les cibles irrecevables et d’orienter l’action vers un véritable débiteur du dommage.

Lorsqu’une personne est reconnue extérieure au cercle des assurés, elle peut être tenue pour tiers débiteur au sens de l’article L. 121-12 du Code des assurances. Le recours devient alors recevable, qu’il s’agisse d’un cocontractant de l’assuré — par exemple un dépositaire tenu à restitution —, d’un sous-traitant intervenu dans l’exécution de l’ouvrage, ou encore d’une personne publique susceptible d’engager sa responsabilité sur le terrain administratif, notamment en cas de défaut d’entretien normal ou d’attroupements et rassemblements (CGCT, art. L. 2216-3). La jurisprudence insiste toutefois sur l’exigence de diligence lorsque le recours est exercé contre un sous-traitant : l’assureur doit agir sans retard, sous peine de voir son action paralysée.

Enfin, si le recours direct contre la personne assurée est fermé, il demeure la possibilité, lorsque le régime applicable l’autorise, d’agir contre l’assureur de responsabilité de cette personne (v. Cass. 3e civ., 17 déc. 2003). Mais quelle que soit la cible, l’assureur n’est subrogé que dans les droits dont son assuré disposait à la date du paiement : il agit dans les mêmes limites, supporte les mêmes exceptions, et ne peut revendiquer des prérogatives que l’assuré n’aurait pas eues (C. assur., art. L. 121-12 ; C. civ., art. 1346-4 et 1346-5).

En définitive, la reconnaissance de la qualité de tiers constitue la condition décisive de l’ouverture du recours subrogatoire. Si la personne bénéficie de la garantie, l’action lui est définitivement fermée ; si elle en est exclue, l’assureur peut valablement exercer son recours, dans les conditions et limites que connaissait déjà son assuré.

==>Conditions d’exercice du recours contre le tiers

Dès lors que la personne visée est tiers au contrat, l’article L. 121-12 du Code des assurances ouvre le recours quelle que soit la source de responsabilité invoquée: contractuelle, délictuelle, quasi-délictuelle ou administrative. A cet égard; la Cour de cassation rappelle que l’assureur n’a pas à démontrer, préalablement, un « rôle causal fautif » selon les canons du droit commun pour être recevable à agir : il suffit d’établir que le fait du tiers a causé le dommage pour engager l’action, le fondement juridique étant discuté au fond. La pratique en fournit des illustrations classiques : action contre le dépositaire bijoutier en raison de l’obligation de restitution (Cass. 1re civ., 10 juin 1997) ; action contre un sous-traitant, à la condition d’agir avec diligence ; action contre des personnes publiques selon les règles de la responsabilité administrative (défaut d’entretien, attroupements : CGCT, art. L. 2216-3), sous réserve des régimes spéciaux. Un régime particulier mérite toutefois d’être isolé : en matière de vol, la protection du possesseur de bonne foi (C. civ., art. 2276) interdit à l’assureur d’exercer une action en revendication sur le seul fondement de L. 121-12 lorsque le bien est retrouvé entre ses mains (Cass. 1re civ., 19 janv. 1994). L’automobile connaît ici une correction par l’article L. 211-1, al. 3 : lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire, l’assureur, après indemnisation, est subrogé pour agir contre la personne responsable – typiquement le gardien ou le conducteur non autorisé –, indépendamment de toute revendication ; la preuve du vol ou de l’absence de consentement pèse sur l’assureur et se trouve facilitée en cas de poursuites pénales, ainsi que le retient la jurisprudence citée dans vos sources. Quant à la mesure du recours, elle obéit à un double plafonnement, constant en jurisprudence : d’une part, les sommes effectivement versées par l’assureur (il n’est pas possible de recouvrer une « valeur à neuf » non payée) ; d’autre part, la dette du responsable envers l’assuré, l’assureur ne pouvant exiger plus que ce que le tiers devait à ce dernier. En présence d’un partage de responsabilité, l’opération s’effectue sur le préjudice de l’assuré et non sur l’indemnité d’assurance, ce qu’a encore rappelé le juge administratif (CE, 12 avr. 2023). Enfin, les incidences procédurales demeurent alignées sur l’action de l’assuré : l’objet, la compétence et la prescription se calquent sur son droit propre ; l’assignation engagée par l’assuré dans le délai peut profiter au subrogé ; après paiement, l’assuré perd qualité pour la fraction indemnisée (sauf mandat), et l’assureur a tout intérêt à notifier la subrogation au débiteur afin d’en assurer l’opposabilité et de prévenir tout paiement ou compensation postérieurs (C. civ., art. 1346-5).

En définitive, l’ouverture du recours subrogatoire dépend entièrement de la qualité de la personne visée. Lorsqu’elle bénéficie de la garantie d’assurance, elle ne peut en aucun cas être considérée comme un tiers et l’action de l’assureur est irrecevable. En revanche, si elle n’est pas couverte par la police, elle entre dans la catégorie des tiers débiteurs : l’assureur peut alors exercer son recours contre elle, mais uniquement dans les limites et aux conditions que connaissait déjà son assuré.

3. Effets du recours subrogatoire

a. Les effets à l’égard de l’assureur

Dès qu’il a versé l’indemnité, l’assureur est subrogé de plein droit dans les droits et actions de l’assuré contre le tiers responsable, à concurrence du paiement (C. civ., art. 1346-4 ; C. assur., art. L. 121-12). Il s’agit d’un mécanisme légal qui n’exige ni cession de créance ni quittance subrogative. La jurisprudence l’énonce avec constance : la simple production de la police et la preuve du règlement suffisent à établir la subrogation (Cass. 1re civ., 5 avr. 1978). Le transfert opère à la date du paiement et porte sur la créance telle qu’elle existait dans le patrimoine de l’assuré, avec ses accessoires, qu’il s’agisse des sûretés ou des clauses qui en renforçaient l’efficacité.

Depuis l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil encadre en outre l’opposabilité de la subrogation au débiteur. L’article 1346-5 dispose qu’elle ne produit ses effets à l’égard du tiers responsable qu’à condition qu’il en ait été informé, soit par une notification de l’assureur, soit parce qu’il a lui-même reconnu cette subrogation. Tant que cette information n’a pas été notitfiée, le tiers reste légitimement fondé à considérer que son seul créancier est l’assuré. Dans ce cas, il peut valablement s’acquitter entre ses mains, sans craindre d’être exposé à une nouvelle demande de l’assureur. Il pourrait même invoquer la compensation entre sa dette envers l’assuré et une créance qu’il détient sur lui, si les conditions étaient réunies avant qu’il n’ait eu connaissance de la subrogation (Cass. com., 23 juin 1992). C’est pourquoi il est essentiel, en pratique, que l’assureur avertisse sans délai le tiers responsable de son paiement, afin de sécuriser l’action récursoire et d’écarter toute extinction de la dette par un règlement intervenu directement entre les mains de l’assuré.

Le transfert de droits opéré par la subrogation ne se limite pas à la créance principale. Il englobe aussi ses accessoires, « à l’exception des droits exclusivement attachés à la personne » (C. civ., art. 1346-4). Sont ainsi transmis, outre l’action en responsabilité, les sûretés réelles ou personnelles attachées à la créance et les stipulations qui en garantissent l’exécution. La question des intérêts moratoires illustre bien cette extension. Dans un premier temps, la Cour de cassation a retenu, par un arrêt d’Assemblée plénière du 7 février 1986, que ces intérêts couraient à compter de la date d’émission de la quittance subrogative. Elle est ensuite revenue sur cette position pour appliquer la règle de droit commun, désormais posée par l’article 1231-6 (ancien art. 1153) du Code civil, selon laquelle les intérêts au taux légal ne courent qu’à compter de la mise en demeure adressée au débiteur (Cass. 1re civ., 7 mai 2002). Cela impose, en pratique, d’adresser rapidement une mise en demeure au tiers responsable ou à son assureur, afin de faire courir utilement les intérêts.

La mesure du recours suit par ailleurs exactement celle de l’indemnisation versée. Ainsi, en assurance incendie, la subrogation porte non seulement sur le montant des dommages matériels mais aussi sur les garanties annexes comme les frais de nettoyage ou les honoraires de l’expert d’assuré, dès lors qu’ils ont été effectivement réglés par l’assureur (Cass. 2e civ., 25 janv. 2024). À l’inverse, ne sont pas récupérables les sommes qui ne correspondent pas à la dette du responsable, telles que des débours sans cause ou des dommages-intérêts autonomes qui ne trouvent pas leur origine dans le sinistre indemnisé.

S’agissant des limites du recours, le principe directeur demeure classique : le subrogé n’a pas plus de droits que le subrogeant. L’assureur ne peut donc prétendre ni à une indemnisation supérieure à celle que l’assuré pouvait obtenir du tiers, ni à des droits que ce dernier n’avait pas (CE, 16 oct. 1995). Le recours est ainsi doublement borné : d’une part par le montant effectivement payé à l’assuré (C. civ., art. 1346-3 ; v. Cass. 1re civ., 21 févr. 2006, censurant un arrêt qui avait condamné le tiers à plus que le montant versé), d’autre part par l’assiette de la dette du responsable, l’assureur ne pouvant récupérer au-delà du préjudice juridiquement imputable au tiers (Cass. 2e civ., 5 avr. 2007). Parce qu’il reprend la position juridique de son assuré, l’assureur subrogé est également tenu par les stipulations qui liaient ce dernier au responsable : ainsi, une clause compromissoire convenue entre eux s’impose à l’assureur (Cass. 1re civ., 16 mars 2004). De même, si la responsabilité était partagée ou si une limitation contractuelle venait réduire le droit de l’assuré, le recours de l’assureur s’en trouve affecté (Cass. 2e civ., 24 oct. 2013).

L’exercice de ce recours obéit enfin à certaines règles procédurales. L’assureur peut agir seul, indépendamment de l’assuré, et choisir le moment pour se substituer à lui, y compris en intervenant en appel ou en introduisant une nouvelle instance après le paiement (Cass. 2e civ., 4 févr. 2010 ). Il n’a pas à attendre que la responsabilité de l’assuré ait été judiciairement constatée : le recours subrogatoire peut être exercé en l’absence de décision préalablement rendue (Cass. 3e civ., 25 avr. 2007). Mais la charge de la preuve pèse intégralement sur lui : il doit démontrer la responsabilité du tiers, établir l’existence du sinistre et son lien causal, et justifier du paiement, la simple mention « assureur subrogé » ne suffisant pas (Cass. 1re civ., 27 févr. 2001). En matière de coassurance, l’apériteur est présumé mandaté pour agir au nom de l’ensemble des coassureurs et peut réclamer le remboursement de la totalité de l’indemnité versée, sous réserve de produire la police ou son avenant mentionnant la coassurance et la quittance précisant la part de chacun (Cass. com., 21 nov. 2018). En revanche, la réassurance demeure sans incidence : elle ne fait pas obstacle au recours, l’assureur direct restant seul créancier et seul responsable à l’égard de l’assuré comme des tiers (CE, 31 mai 2021). Enfin, dans certaines hypothèses, notamment en assurance de responsabilité, l’assureur peut articuler la subrogation prévue à l’article L. 121-12 du Code des assurances avec celle de l’article 1346 du Code civil (ancien art. 1251, 3°), en se plaçant non seulement dans les droits de son assuré, mais aussi dans ceux de la victime. La jurisprudence administrative admet expressément cette double subrogation et considère que l’assureur exerce alors une action fondée sur les droits de la victime, avec toutes les exceptions qui auraient pu être opposées à celle-ci (CE, 20 déc. 2022).

b. Les effets à l’égard de l’assuré

La subrogation produit un effet immédiat : dès que l’assureur verse l’indemnité, l’assuré est dessaisi de ses droits contre le tiers responsable. Ceux-ci sont transmis à l’assureur, mais uniquement à hauteur de la somme payée (C. civ., art. 1346-4 ; C. assur., art. L. 121-12). L’assuré n’a donc plus la possibilité d’exercer une action personnelle contre l’auteur du dommage pour la part déjà indemnisée (Cass. 1re civ., 1er déc. 2009, n° 08-20.656). Cette règle répond à une exigence simple : éviter une double réparation d’un même préjudice, qui résulterait d’un cumul entre l’indemnité d’assurance et une action directe de la victime contre le responsable.

Ce dessaisissement n’est toutefois pas absolu. La jurisprudence et la doctrine ont reconnu plusieurs tempéraments qui permettent à l’assuré de conserver, dans certaines hypothèses, une capacité d’action résiduelle. Ainsi, l’assuré peut continuer à agir en justice, non pas en son nom propre, mais au nom de l’assureur subrogé, dès lors qu’une convention expresse ou tacite le prévoit. La Cour de cassation a admis qu’il puisse introduire ou poursuivre une action dans l’intérêt de son assureur, à condition d’établir l’existence d’un mandat ou d’une ratification (Cass. 1re civ., 29 avr. 1975). Ce mécanisme permet d’éviter les interruptions ou toutes autres difficultés procédurales qui pourraient survenir si l’assureur choisissait de ne pas agir lui-même.

De la même manière, tant que l’assureur n’a pas versé l’indemnité, l’assuré conserve ses droits contre le tiers responsable. La subrogation suppose un paiement préalable ; elle ne peut donc intervenir que pour les droits non encore exercés. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a ainsi jugé que l’assureur ne saurait se substituer à l’assuré lorsque celui-ci a déjà engagé une action contre le responsable (CAA Bordeaux, 16 oct. 2001).

Une troisième hypothèse doit être envisagée : celle du paiement partiel. Lorsque l’assureur n’indemnise que partiellement le dommage, l’assuré conserve le droit d’agir pour la part non réglée. La subrogation ne s’exerce alors que dans la mesure exacte du paiement (C. civ., art. 1346-3). La Cour de cassation l’a rappelé avec fermeté, soulignant que l’assuré peut conserver un droit d’action pour le reliquat de sa créance (Cass. 1re civ., 27 févr. 2007). Dans cette situation, les actions de l’assuré et de l’assureur coexistent, chacune pour sa part, ce qui suppose parfois une coordination procédurale afin d’éviter les doublons et les contradictions.

En sens inverse, certaines situations peuvent compromettre les recours de l’assureur du fait même du comportement de l’assuré. L’article L. 121-12, alinéa 2 du Code des assurances prévoit d’ailleurs que l’assureur peut être privé de son recours si l’assuré a rendu la subrogation impossible. Il est de nombreuses illustrations de l’application de cette règle en jurisprudence. Ainsi, une déclaration tardive du sinistre peut empêcher l’assureur d’agir efficacement contre le responsable et entraîner la perte de son recours (Cass. 3e civ., 8 févr. 2018). De même, si l’assuré renonce contractuellement à tout recours au profit du tiers responsable, l’assureur est définitivement privé de toute action subrogatoire (Cass. 1re civ., 3 nov. 1993). La solution est identique lorsque l’assuré a reconnu sa propre responsabilité : cette reconnaissance lie l’assureur dans ses rapports avec le tiers et neutralise son recours. Enfin, la prescription acquise du droit d’agir contre le tiers s’impose également à l’assureur, qui ne dispose jamais d’un délai supérieur à celui dont aurait bénéficié son assuré (Cass. 2e civ., 17 déc. 2020).

c. Les effets à l’égard du tiers

La subrogation est sans incidence sur la situation du tiers responsable. Par un effet de stricte symétrie, le tiers peut opposer à l’assureur subrogé toutes les exceptions et moyens de défense qu’il aurait pu soulever à l’encontre de l’assuré. La Cour de cassation l’a rappelé à plusieurs reprises : l’assureur agit dans les droits de son assuré et ne saurait être investi de prérogatives supérieures (Cass. 1re civ., 12 déc. 1977).

Cette règle permet notamment au tiers d’invoquer la compensation (Cass. com., 14 janv. 1997), la prescription (Cass. 1re civ., 18 nov. 2003), ou encore les clauses contractuelles opposables à l’assuré. Ainsi, lorsqu’un contrat conclu entre l’assuré et le tiers comportait une clause compromissoire, celle-ci lie également l’assureur subrogé, qui doit respecter la voie de règlement des différends choisie par son assuré (Cass. 1re civ., 16 mars 2004). L’assureur ne peut donc se soustraire aux limites conventionnelles qui pesaient sur l’assuré.

Au-delà des exceptions procédurales ou substantielles, le tiers dispose également d’un droit de contestation du montant de la créance subrogatoire. Devant le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, l’auteur du dommage peut contester la somme réclamée dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure (C. assur., art. R. 421-16).

Dans son arrêt du 29 mai 2009, l’Assemblée plénière a posé un principe essentiel : “constitue un droit fondamental, en vue d’un procès équitable, le droit d’être pleinement informé de la faculté de contester devant un juge une transaction opposée à celui qui n’y était pas partie” (Cass. ass. plén., 29 mai 2009, n°08-11.422).

L’affaire concernait un conducteur non assuré, assigné par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) après que celui-ci eut indemnisé la victime d’un accident. Pour justifier sa demande, le Fonds avait adressé au responsable deux lettres recommandées mentionnant que le remboursement était demandé « conformément aux articles L. 421-3 et R. 421-16 du Code des assurances ». Toutefois, ces lettres se bornaient à citer les textes sans mentionner explicitement l’existence d’une transaction, ni préciser le droit de contester, le délai imparti pour le faire et le point de départ de ce délai.

La Cour de cassation a jugé que cette information était insuffisante. En l’absence de notification claire et complète, la transaction conclue entre le Fonds et l’assureur de la victime ne pouvait être opposée au responsable non assuré. En d’autres termes, ce dernier ne pouvait être tenu par un accord auquel il n’avait pas participé et dont il n’avait pas été informé de manière effective.

Pour autant, l’Assemblée plénière a rappelé que cette inopposabilité n’empêchait pas le Fonds d’agir sur un autre fondement : en vertu de l’article L. 421-3 du Code des assurances, le FGAO demeure subrogé dans les droits du créancier de l’indemnité contre l’auteur de l’accident. Même si la transaction ne lui était pas opposable, le recours subrogatoire subsistait et devait être examiné par le juge du fond.

Un raisonnement similaire s’applique au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI). Dans ce cadre, l’auteur de l’infraction peut contester le montant de l’indemnité réclamée par le fonds, dans la mesure exacte des droits qu’il aurait pu opposer à la victime subrogeante (Cass. crim., 11 janv. 2002). À défaut d’exercer cette faculté dans les délais prévus, il s’expose toutefois à la forclusion, ce qui confère au recours du fonds une force particulière.

Enfin, le tiers peut également faire valoir que la responsabilité de l’assuré-victime est engagée dans la réalisation du dommage. Cette circonstance réduit corrélativement le droit à remboursement de l’assureur subrogé. En effet, si la victime était partiellement responsable, l’assureur ne peut réclamer au tiers que la part correspondant à la responsabilité imputable à celui-ci, et doit supporter la réduction corrélative (Cass. 2e civ., 24 oct. 2013). La logique indemnitaire commande ainsi que le recours de l’assureur ne puisse excéder ce que la victime elle-même aurait pu obtenir après application des règles de partage de responsabilité.

B. Le droit à résiliation de l’assureur

La survenance d’un sinistre constitue l’événement central de l’opération d’assurance : elle déclenche le droit à indemnité pour l’assuré et mobilise la prestation de l’assureur. Mais cet événement, révélateur de la réalisation du risque, peut également marquer un tournant dans la relation contractuelle. Le législateur a en effet prévu la possibilité, pour l’assureur comme pour l’assuré, de mettre un terme au contrat après la survenance d’un sinistre. Cette faculté, prévue par l’article R. 113-10 du Code des assurances, permet à l’assureur de mettre fin au contrat après un sinistre, lorsqu’il estime que la réalisation du risque révèle une aggravation du risque futur. En contrepartie, le texte accorde à l’assuré le droit de résilier ses autres contrats souscrits auprès du même assureur.

Le dispositif repose sur des règles générales valables pour l’ensemble des contrats d’assurance, mais il est assorti d’exceptions, en particulier pour l’assurance automobile obligatoire. Dans ce domaine, la résiliation n’est admise qu’en présence de comportements fautifs graves du conducteur, tels que l’alcoolémie, la consommation de stupéfiants ou certaines infractions routières (art. A. 211-1-2 C. assur.). L’objectif est double : protéger les victimes en garantissant la continuité de l’assurance, tout en permettant à l’assureur de se dégager lorsqu’un sinistre révèle un risque aggravé.

C’est dans ce cadre qu’il convient d’examiner les fondements, le champ d’application, les conditions de mise en œuvre et les effets de la résiliation du contrat d’assurance après sinistre.

1. Principe

La faculté de résiliation consécutive à un sinistre trouve son fondement dans l’article R. 113-10 du Code des assurances, qui permet à l’assureur de stipuler dans la police une clause l’habilitant à mettre fin au contrat après la survenance d’un sinistre. Cette faculté repose sur l’idée que la réalisation du risque peut révéler une aggravation du risque futur, rendant légitime une rupture anticipée de la relation contractuelle.

Toutefois, l’exercice de ce droit n’est pas absolu. Dans un arrêt du 18 janvier 2018, la Cour de cassation a censuré une cour d’appel qui avait écarté tout contrôle sur les motifs de la résiliation en se bornant à relever que le sinistre était de nature à engager la garantie de l’assureur. Elle a jugé qu’il incombait aux juges du fond de rechercher si la résiliation n’avait pas été exercée de manière abusive, par exemple dans le seul but de se libérer prématurément de ses obligations et d’assainir un portefeuille en vue de sa cession à un autre assureur (Cass. 2e civ., 18 janv. 2018, n°16-26.494). La résiliation après sinistre doit donc être mise en œuvre dans le respect des exigences de bonne foi et de proportionnalité.

Ce droit n’est pas sans contrepartie. En effet, l’article R. 113-10 prévoit qu’en cas de résiliation du contrat sinistré par l’assureur, l’assuré dispose à son tour, dans le délai d’un mois suivant la notification, de la faculté de mettre fin aux autres contrats souscrits auprès du même assureur. L’équilibre contractuel est ainsi préservé : la résiliation post-sinistre ne profite pas exclusivement à l’assureur, mais s’accompagne d’un droit équivalent reconnu à l’assuré.

Enfin, à côté de ce dispositif général, l’article A. 211-1-2 du Code des assurances introduit un régime particulier pour l’assurance automobile obligatoire. Dans ce domaine, la résiliation n’est admise qu’en présence de comportements fautifs graves du conducteur, tels que la conduite en état alcoolique, sous l’emprise de stupéfiants ou la commission d’une infraction routière ayant conduit à une suspension ou à une annulation du permis de conduire. L’objectif est ici de concilier la liberté contractuelle de l’assureur avec l’exigence d’ordre public de protection des victimes de la circulation.

2. Domaine d’application

a. Le principe

En théorie, le droit de résiliation post-sinistre n’est pas limité aux assurances facultatives : il concerne indistinctement tous les types de contrats d’assurance. La Cour de cassation a d’ailleurs jugé que l’article R. 113-10 s’applique même aux assurances obligatoires, dès lors que la clause figure expressément dans la police (Cass. 1re civ., 5 juin 1985).

b. Les exceptions

Cette extension connaît toutefois une limite notable en matière d’assurance automobile obligatoire. L’article A. 211-1-2 du Code des assurances circonscrit le droit de résiliation de l’assureur aux hypothèses où le sinistre a été causé :

Cette restriction répond à un double objectif : protéger la victime en évitant les situations d’absence de couverture, et sanctionner les comportements particulièrement fautifs du conducteur.

3. Modalités d’exercice

4. Effets

a. Date de prise d’effet

La résiliation prend effet un mois après la notification, que l’initiative provienne de l’assureur ou de l’assuré. Ce délai d’un mois joue le rôle de préavis minimal, destiné à permettre à l’assuré de se réassurer et d’éviter une rupture brutale de couverture.

b. Dénouement du contrat

La résiliation entraîne la restitution des primes afférentes à la période non courue. Ce principe est explicitement consacré par l’article R. 113-10 et traduit la logique indemnitaire de l’assurance : l’assureur ne peut conserver une prime correspondant à un risque qu’il n’assume plus.

5. Régimes spéciaux

Dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, l’article L. 191-6 du Code des assurances prévoit un régime particulier : chaque partie peut résilier dans le délai d’un mois suivant la conclusion des négociations relatives à l’indemnité.

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