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L’établissement de la prime d’assurance

==>La notion de prime

La prime d’assurance constitue le pivot du contrat d’assurance : elle en matérialise l’onérosité et en conditionne l’efficacité.

Définie comme la contrepartie financière de la garantie accordée par l’assureur, elle est exigée de l’assuré en échange de l’engagement pris par l’assureur de couvrir un risque déterminé. Elle incarne ainsi le prix du transfert de risque et confère à l’assurance sa nature de contrat onéreux et synallagmatique.

Mais la prime ne se réduit pas à cette seule dimension bilatérale. Dans la technique assurantielle, elle a aussi une fonction collective : versée par chaque assuré, elle alimente un fonds commun qui permet à l’assureur d’indemniser les sinistres de ceux qui sont atteints par la réalisation du risque. La prime participe donc au mécanisme de mutualisation: chacun contribue à une masse de ressources destinée à absorber les charges imprévisibles affectant certains membres du groupe.

La doctrine insiste dès lors sur le caractère dual de la prime :

==>Prime et cotisation

La prime d’assurance ne doit pas être confondue avec la cotisation mutualiste. Dans le cadre des sociétés d’assurance mutuelles et, plus encore, des mutuelles régies par le Code de la mutualité, la cotisation exprime avant tout la participation solidaire du membre au financement collectif, dans une structure dépourvue de but lucratif (C. mutualité, art. L. 111-1). Elle traduit un acte d’adhésion et d’appartenance à un groupement : chaque membre contribue non pour rémunérer directement son propre risque, mais pour assurer la pérennité d’un système de solidarité interne.

À l’inverse, dans l’assurance commerciale, la prime est inscrite dans une logique contractuelle et individuelle : elle est calculée en fonction du risque particulier présenté par l’assuré et constitue la contrepartie immédiate de la couverture offerte par l’assureur. Là où la cotisation renvoie à une logique communautaire et désintéressée, la prime renvoie à une logique de marché et de contrepartie synallagmatique.

==>La prime comme élément d’équilibre contractuel

Cet équilibre s’inscrit dans la théorie générale des obligations. Sous l’empire du Code civil de 1804, la prime était rattachée à la cause objective du contrat : contrepartie de l’engagement de l’assureur (anc. art. 1108 et 1131 C. civ.). Depuis la réforme du droit des contrats (ord. 10 févr. 2016), la référence explicite à la cause a disparu, mais la logique demeure. L’article 1162 C. civ. exige désormais un « contenu licite et certain », ce qui suppose que la prime corresponde à une prestation réelle et proportionnée. La prime apparaît donc comme l’un des éléments essentiels à la validité même du contrat, condition de l’équilibre contractuel aux côtés de l’aléa qui fonde l’opération.

==>La prime et l’aléa assurantiel

La prime est en effet indissociable de l’incertitude du risque. L’article L. 113-1 du Code des assurances précise que « l’assureur ne répond pas des pertes ou dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ». Cette prohibition d’ordre public rappelle que l’assurance n’a de sens qu’en présence d’un événement incertain. La justification économique et juridique de la prime réside précisément dans ce mécanisme : la logique assurantielle repose sur un échange singulier, le versement d’une prestation certaine – la prime – contre la prise en charge d’un événement incertain. En l’absence d’aléa, la prime perd sa raison d’être et le contrat dégénère en opération illicite, assimilable à une libéralité ou à un pari prohibé.

==>Une obligation essentielle de l’assuré

De ce double ancrage – équilibre contractuel et incertitude du risque – découle toute la complexité du régime juridique de la prime. Celle-ci doit être déterminée et calculée selon des critères objectifs, parfois encadrés par la loi ou par le Bureau central de tarification. Elle doit aussi être payée conformément aux prescriptions du Code des assurances (art. L. 113-2 et L. 113-3), sous peine de sanctions sévères. La jurisprudence constante souligne que le paiement de la prime constitue une obligation cardinale de l’assuré : son inexécution entraîne la mise en œuvre du processus légal de suspension et, le cas échéant, de résiliation du contrat, tout en laissant subsister la dette de prime antérieure (v. notamment Cass. 1re civ., 23 sept. 2003, n° 00-12.781).

==>Enjeux

L’étude du régime de la prime dépasse donc la simple mécanique comptable. Elle conduit à interroger la fonction structurante de la prime dans la théorie générale du contrat, son rôle dans la mise en œuvre de la garantie et son articulation avec la protection du consommateur.

À travers elle se révèlent les tensions propres au droit des assurances : entre liberté contractuelle et encadrement réglementaire, entre équilibre économique de l’assureur et protection de l’assuré, entre exigence de solvabilité et accessibilité de la couverture des risques.

Nous nous focaliserons ici sur l’établissement de la prime d’assurance.

I. Les critères d’établissement de la prime

A. Principes généraux

1. La liberté de tarification

La fixation de la prime d’assurance est aujourd’hui dominée par le principe de liberté des prix, consacré en droit français par l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, puis confirmé par la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 portant adaptation du Code des assurances à l’ouverture du marché européen.

Ces textes ont définitivement abrogé l’ancien régime de tarifs administrés, hérité d’une conception dirigiste du marché de l’assurance, où les pouvoirs publics imposaient aux compagnies des barèmes de primes minimales ou maximales selon les branches. Désormais, conformément à l’article L. 310-1 du Code des assurances, la fixation du prix est libre, sous réserve du respect des règles générales de concurrence et des exigences prudentielles propres au secteur assurantiel.

Cette liberté a une double finalité :

Toutefois, il ne saurait s’agir d’une liberté absolue. La détermination de la prime demeure encadrée par des contraintes techniques et juridiques qui imposent sa rationalité. Comme le soulignaient déjà les thèses classiques de P. Weyer et de J. Guineau, la prime n’est pas un prix de marché arbitraire : elle doit être construite pour assurer à la fois la viabilité économique du contrat et la solvabilité de l’assureur. La doctrine contemporaine a prolongé cette idée en montrant que la prime résulte d’un véritable travail actuariel fondé sur la probabilité des sinistres et la mutualisation des risques.

Concrètement, l’assureur procède à une évaluation statistique du risque :

À cette prime pure s’ajoutent des chargements (frais d’acquisition, de gestion, marge de sécurité, rémunération du capital mobilisé) qui forment la prime nette, laquelle est ensuite majorée des prélèvements fiscaux et parafiscaux (taxe sur les conventions d’assurance, contributions diverses). Le prix final payé par l’assuré est donc le résultat d’une construction rigoureuse et normée, très éloignée d’une simple liberté commerciale.

Ce caractère rationnel de la prime constitue la garantie de l’équilibre contractuel : la prime versée doit être proportionnée au risque assumé, conformément à l’économie du contrat synallagmatique d’assurance. La jurisprudence le rappelle régulièrement : la prime est la contrepartie nécessaire de la garantie, et sa fixation doit préserver la logique d’équivalence entre les prestations (v. not. Cass. 1re civ., 4 févr. 1982).

Ainsi, si le droit positif affirme la liberté de tarification comme principe, la réalité technique et juridique en fait une liberté encadrée, où la rigueur actuarielle et le respect des équilibres économiques et contractuels tempèrent toute tentation d’arbitraire.

2. La proportionnalité au risque et la divisibilité de la prime

La prime d’assurance constitue avant tout la contrepartie du risque pris en charge par l’assureur. Elle se décompose en plusieurs strates : la prime pure ou technique, qui exprime la contribution exacte de l’assuré à la mutualisation des risques ; les chargements (frais de gestion, d’acquisition, marge de sécurité, rémunération du capital), qui conduisent à la prime nette ; enfin, les prélèvements fiscaux et parafiscaux (taxe sur les conventions d’assurance, contribution attentats, surprime CatNat), qui aboutissent à la prime totale effectivement supportée par l’assuré.

Ce lien organique entre prime et risque emporte deux conséquences juridiques :

Mais la proportionnalité prime/risque ne joue pas seulement au niveau structurel du contrat: elle intervient également dans le contrôle de certaines pratiques en assurance-vie. L’article L. 132-13 du Code des assurances prévoit en effet que les primes versées à ce titre échappent, en principe, aux règles du rapport et de la réduction successorale. Toutefois, elles peuvent être réintégrées dans la succession si elles apparaissent comme «manifestement exagérées eu égard aux facultés » du souscripteur.

La Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, a précisé le régime de cette sanction dans un arrêt du 23 novembre 2004 (Cass. mixte, 23 nov. 2004, n° 01-13592). Elle y affirme que le caractère manifestement exagéré des primes doit s’apprécier au moment de leur versement, et non de manière rétrospective, en tenant compte de plusieurs critères :

En l’espèce, une assurée âgée de 65 ans avait souscrit plusieurs contrats d’assurance-vie auprès d’un assureur et désigné des bénéficiaires tiers. À son décès, son héritier réservataire contestait le caractère excessif des primes versées. La Cour de cassation relève que les revenus de la souscriptrice (pensions et retraites confortables), l’existence d’épargnes complémentaires et la proportion des primes par rapport à son patrimoine global (un quart environ de son patrimoine mobilier) excluaient toute disproportion manifeste. La demande de réintégration successorale fut donc rejetée.

Ce faisant, la Haute juridiction réaffirme que la liberté contractuelle en matière d’assurance-vie reste subordonnée à un principe de proportionnalité : si l’assurance-vie conserve son autonomie par rapport au droit commun des libéralités, c’est à la condition que les primes n’aient pas pour effet de détourner les règles d’ordre public relatives à la réserve héréditaire. La proportionnalité apparaît ici comme le garde-fou permettant d’éviter l’instrumentalisation de l’assurance-vie à des fins de contournement successoral.

3. La segmentation tarifaire : entre sélection des risques et interdiction de discrimination

a. L’interdiction des discriminations fondées sur le sexe

Pendant longtemps, le sexe de l’assuré a été considéré comme un critère actuariel «naturel», au même titre que l’âge ou l’état de santé. Les actuaires justifiaient cette approche par l’existence d’écarts statistiques objectivement mesurables : en assurance-vie, l’espérance de vie plus longue des femmes entraînait des primes et des rentes calculées différemment ; en assurance automobile, la fréquence et la gravité des sinistres différaient selon le sexe des conducteurs. Cette différenciation reposait donc sur une logique de stricte équivalence entre prime et risque, reflet de la conception technique dominante de l’assurance.

Cependant, l’évolution des valeurs sociales et des exigences juridiques a conduit à reconsidérer cette pratique. Ce qui relevait d’une logique purement actuarielle est désormais considéré comme une atteinte au principe d’égalité. La tarification fondée sur le sexe met ainsi en évidence la tension entre la rationalité technique de l’assurance et l’exigence de protection des droits fondamentaux. Cette tension a été tranchée par le droit européen, l’arrêt Test-Achats (CJUE, 1er mars 2011) imposant l’abandon définitif de toute distinction tarifaire entre hommes et femmes.

==>La directive 2004/113/CE du 13 décembre 2004

La directive 2004/113/CE du 13 décembre 2004, transposée en France par la loi n°2007-1775 du 17 décembre 2007 (C. assur., art. L. 111-7), a introduit le principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes dans l’accès aux biens et services. Son article 5 § 1 posait une règle claire : l’utilisation du sexe comme facteur actuariel ne devait pas entraîner de différences en matière de primes et de prestations pour les contrats conclus après le 21 décembre 2007.

Toutefois, son article 5 § 2 ménageait une dérogation : les États membres pouvaient autoriser, de façon encadrée, le maintien de différences proportionnées lorsque le sexe constituait un facteur déterminant du risque, à condition de s’appuyer sur des données actuarielles pertinentes, fiables et publiées. C’est cette exception qui fut contestée devant la Cour constitutionnelle belge, puis renvoyée devant la Cour de justice de l’Union européenne.

==>La transposition en droit français : la loi du 17 décembre 2007 et les arrêtés de 2007

La France a transposé cette directive par la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007, qui a introduit dans le Code des assurances l’article L. 111-7. Celui-ci posait désormais en principe que « toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la prise en compte du sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations ayant pour effet des différences en matière de primes et de prestations est interdite ». Toutefois, reprenant la faculté offerte par l’article 5 § 2 de la directive, le législateur a prévu que des arrêtés ministériels puissent autoriser des dérogations lorsque les différences tarifaires étaient objectivement justifiées par des données actuarielles fiables.

Sur ce fondement, quatre arrêtés du 19 décembre 2007 ont maintenu la possibilité de distinguer les primes en assurance accidents, maladie, automobile et vie (C. assur., art. A. 111-2 à A. 111-5).

Ce dispositif reflétait la tradition actuarielle ancienne. En effet, bien avant l’introduction de l’article L. 111-7, plusieurs dispositions du Code des assurances consacraient indirectement la légitimité du recours au sexe comme variable technique. Ainsi :

Ces textes traduisaient une conception historiquement dominante : le sexe, parce qu’il corrélait de manière statistiquement significative avec la mortalité ou la morbidité, pouvait être retenu comme variable tarifaire légitime. C’est ce modèle, profondément enraciné dans la pratique assurantielle, que la loi de 2007 et les arrêtés dérogatoires ont initialement entendu préserver.

==>L’arrêt Test-Achats

Cette solution a toutefois été remise en cause par deux évolutions. D’une part, la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, qui transpose plusieurs directives européennes en matière de lutte contre les discriminations, a consacré une interdiction générale des discriminations dans l’accès aux biens et services, directement applicable au secteur assurantiel. D’autre part, et surtout, la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt Test-Achats du 1er mars 2011, a jugé invalide la faculté dérogatoire prévue à l’article 5 § 2 de la directive 2004/113/CE (CJUE, 1er mars 2011, aff. C-236/09).

La Cour a d’abord rappelé que l’égalité entre hommes et femmes constitue un principe fondamental du droit de l’Union, garanti par les articles 21 (interdiction des discriminations, notamment fondées sur le sexe) et 23 (égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines) de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En matière d’assurance, elle a relevé que la directive reposait sur l’idée que la situation des assurés hommes et femmes est juridiquement comparable en ce qui concerne le calcul des primes et des prestations.

Or, permettre aux États membres d’autoriser, sans limite de durée, le maintien de différences de traitement fondées sur le sexe revenait à priver d’effet utile l’objectif d’égalité posé par le législateur européen. Comme l’a souligné la Cour, l’article 5 § 2 introduisait une contradiction interne : il consacrait, en principe, l’interdiction des discriminations tarifaires, tout en permettant qu’elles se poursuivent indéfiniment dès lors qu’elles étaient justifiées par des données actuarielles.

La CJUE a donc jugé que cette dérogation était incompatible avec les articles 21 et 23 de la Charte, et a déclaré l’article 5 § 2 invalide. Toutefois, consciente de l’impact économique de sa décision, elle a différé les effets de cette invalidation au 21 décembre 2012, afin de laisser aux assureurs et aux États membres un délai raisonnable pour adapter leurs pratiques contractuelles et législatives.

Cet arrêt a constitué un véritable tournant : en érigeant la règle des primes unisexes en exigence fondamentale, la Cour a affirmé la primauté du principe d’égalité sur les considérations techniques ou statistiques traditionnellement invoquées par le secteur assurantiel. L’argument de la rationalité actuarielle — selon lequel le sexe constitue une variable objectivement pertinente pour mesurer le risque — a ainsi cédé devant une logique normative de protection des droits fondamentaux.

==>La mise en conformité du droit français : l’arrêté du 18 décembre 2012

Pour se conformer à cette jurisprudence, la France a adopté l’arrêté du 18 décembre 2012, qui a supprimé la validité des arrêtés dérogatoires de 2007 et inséré un nouvel article A. 111-6 du Code des assurances. Depuis le 21 décembre 2012, les primes et prestations doivent être unisexes pour tous les contrats d’assurance. Les contrats conclus avant cette date ont pu continuer à produire effet, mais toute modification intervenue postérieurement emporte application automatique de la règle d’égalité.

Enfin, la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 a consolidé ce dispositif en intégrant la règle directement à l’article L. 111-7 C. assur., et en l’étendant aux mutuelles (C. mut., art. L. 110-3) ainsi qu’aux institutions de prévoyance (CSS, art. L. 931-3-2).

==>Portée et limites de la règle

L’interdiction des discriminations fondées sur le sexe illustre la tension entre logique actuarielle et impératifs d’égalité. Les assureurs perdaient un critère de segmentation historiquement central, mais le droit a affirmé que l’égalité entre hommes et femmes prime sur les considérations techniques.

Il reste toutefois admis que certaines distinctions demeurent possibles lorsqu’elles ne sont pas liées au sexe mais à des facteurs objectivement corrélés au risque (âge, profession, usage du véhicule, etc.). Par ailleurs, les coûts liés à la grossesse et à la maternité font l’objet d’une protection particulière : ils ne peuvent en aucun cas fonder une différenciation de primes (directive 2004/113, art. 5 § 3).

b. Les discriminations prohibées par le droit commun

Au-delà du critère du sexe, la tarification des contrats d’assurance doit se conformer aux principes généraux de non-discrimination consacrés par le droit commun. La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, qui transpose plusieurs directives européennes relatives à l’égalité de traitement, prohibe toute distinction fondée notamment sur l’origine, l’appartenance ethnique ou raciale, la religion, les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. Une différenciation tarifaire qui reposerait sur de tels critères serait, en conséquence, illicite et frappée de nullité.

Parmi ces critères, la question de l’état de santé occupe une place particulière. En effet, si l’appréciation médicale constitue en principe un élément objectivement lié à l’évaluation du risque — ce qui justifie son usage par l’assureur — le législateur est intervenu pour en limiter les effets les plus radicaux. La convention AERAS (« s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé »), régulièrement révisée, organise l’accès à l’assurance emprunteur pour les personnes présentant des antécédents médicaux lourds. Elle repose sur une logique de solidarité : mutualisation des risques à un niveau interprofessionnel, partage de charge entre assureurs et réassureurs, et mécanismes de plafonnement des surprimes.

Ce dispositif illustre la recherche d’un équilibre délicat entre deux logiques : d’une part, la rationalité technique de l’assurance, qui impose de corréler la prime au risque ; d’autre part, l’impératif d’égalité et de dignité, qui commande d’éviter que certains assurés soient exclus du marché en raison de leur vulnérabilité. L’encadrement de la tarification en matière de santé démontre ainsi comment le droit, loin de nier la logique actuarielle, cherche à la tempérer pour prévenir les effets socialement inacceptables de la sélection des risques.

c. Les exigences de loyauté et de transparence

L’encadrement de la tarification ne se réduit pas à l’interdiction de certains critères discriminatoires : il s’inscrit aussi dans une exigence générale de loyauté contractuelle. En vertu de l’article L. 112-2 du Code des assurances, l’assureur est tenu de fournir au souscripteur, préalablement à la conclusion du contrat, des informations claires et précises sur le montant de la prime ainsi que sur l’étendue des garanties correspondantes. Cette obligation d’information, qui s’inscrit dans le prolongement des règles générales du droit de la consommation et de la transparence contractuelle, constitue le socle de la formation du consentement en matière d’assurance.

La transparence tarifaire poursuit une double finalité. D’une part, elle permet au candidat à l’assurance d’apprécier la pertinence de l’offre qui lui est faite et de comparer les conditions proposées par différents assureurs dans un marché concurrentiel. D’autre part, elle vise à prévenir les dérives de la segmentation tarifaire en imposant que toute différenciation de prix repose sur des critères objectivement justifiés par l’évaluation du risque. La prime doit ainsi apparaître comme l’expression d’un calcul rationnel et loyal, et non comme le résultat d’une politique commerciale opaque ou arbitraire.

La jurisprudence a, à plusieurs reprises, rappelé que l’opacité dans la fixation ou la communication de la prime est susceptible d’entraîner des sanctions, soit au titre du manquement à l’obligation précontractuelle d’information, soit, plus largement, au titre des pratiques commerciales trompeuses. Dans ce cadre, le contrôle du juge ne porte pas sur l’opportunité économique de la tarification — qui demeure du ressort de l’assureur — mais sur la régularité et la transparence de l’information délivrée à l’assuré.

Ainsi, la loyauté et la transparence constituent le prolongement indispensable de la liberté tarifaire : elles garantissent que cette liberté, loin de se transformer en instrument d’exclusion ou d’abus, s’exerce dans le respect des principes de bonne foi contractuelle et de protection du consommateur.

4. La spécificité mutualiste : cotisation variable et ristournes

À la différence du modèle assurantiel commercial, fondé sur une logique bilatérale et lucrative, le système mutualiste obéit à une finalité strictement solidaire. En application de l’article L. 111-1 du Code de la mutualité, les mutuelles n’ont pas pour objet de réaliser des bénéfices mais de garantir à leurs membres une couverture en répartissant entre eux les charges résultant des risques. La cotisation y exprime donc moins une contrepartie contractuelle qu’une participation collective à l’équilibre du groupe.

Cette logique se traduit par la technique de la cotisation variable. Une cotisation prévisionnelle est exigée en début d’exercice, calculée de manière à couvrir le montant anticipé des sinistres et des frais de gestion. En fin d’exercice, un ajustement intervient :

La jurisprudence a confirmé que cette variabilité ne pouvait jouer que dans les conditions strictement définies par les statuts ou le règlement mutualiste et qu’elle devait correspondre à un déficit réel et objectivement constaté. Ainsi, la Cour de cassation a rappelé que l’appel de cotisations supplémentaires n’était légitime que s’il était contractuellement prévu et économiquement justifié (Cass. 2e civ., 13 juin 2013, n° 12-21.019).

Cette spécificité illustre une différence fondamentale : dans le système mutualiste, la tarification n’est pas conçue comme un instrument concurrentiel de fixation des prix, mais comme une technique de répartition ex post des charges collectives. La cotisation, loin d’être le prix d’une garantie individualisée, traduit l’adhésion à une communauté de risques et la participation à son équilibre financier.

Ainsi, si la liberté tarifaire demeure la règle de principe en assurance, elle se décline selon des modalités distinctes : logique contractuelle et actuarielle dans l’assurance commerciale ; logique solidaire et réajustable dans les structures mutualistes. Les deux régimes témoignent de la plasticité du droit des assurances, qui s’adapte à des finalités économiques et sociales différentes.

B. Tarifications particulières

1. Primes fixées par la loi

Le principe demeure celui de la liberté tarifaire de l’assureur, reflet de l’autonomie de la volonté et de la logique actuarielle. Toutefois, dans certains secteurs jugés sensibles, le législateur est intervenu pour encadrer, voire imposer, des modalités de tarification dérogatoires. L’objectif est double : garantir l’effectivité de l’assurance obligatoire et assurer une certaine solidarité face à des risques d’intérêt général. Trois mécanismes principaux peuvent être relevés.

a. Automobile : le système du bonus-malus

En matière d’assurance automobile, rendue obligatoire par l’article L. 211-1 du Code des assurances, la tarification n’est pas laissée à la seule discrétion des assureurs. La clause-type dite « bonus-malus » – codifiée aux articles A. 121-1 et suivants du Code des assurances – institue un mécanisme de réduction ou de majoration des primes en fonction de la sinistralité du conducteur.

Ce système, véritable traduction réglementaire de l’équité actuarielle, repose sur un principe de responsabilisation de l’assuré : chaque sinistre entraîne une majoration, tandis qu’une conduite sans accident est récompensée par une réduction progressive de la prime. Ainsi, la régulation ne vise pas seulement la solvabilité de l’assureur, mais également la prévention du risque routier. La doctrine souligne toutefois que ce mécanisme, rigide dans sa formule, laisse peu de marge d’adaptation aux réalités économiques des marchés assurantiels.

b. Catastrophes naturelles : la surprime « CatNat »

Le régime des catastrophes naturelles, instauré par la loi du 13 juillet 1982 et codifié à l’article L. 125-1 du Code des assurances, illustre l’irruption d’une logique de solidarité nationale dans le calcul des primes. Tous les contrats de dommages aux biens et d’automobile doivent comporter une cotisation additionnelle spécifique, affectée à la couverture du risque de catastrophe naturelle.

Cette surprime est fixée par voie réglementaire : depuis l’arrêté du 27 décembre 2024, les taux sont uniformisés à 20 % pour les contrats multirisques habitation et professionnels, 12% pour les garanties dommages automobiles, 6 % pour les pertes d’exploitation sans dommages et 20 % pour celles consécutives à des dommages. L’assureur ne dispose donc d’aucune marge de négociation.

Le choix de ce mode de financement, supervisé par la Caisse centrale de réassurance (CCR), répond à un impératif d’égalité et de mutualisation : chacun contribue à la prise en charge de risques d’ampleur exceptionnelle, dont la probabilité est incertaine mais les conséquences potentiellement catastrophiques. Cette logique s’écarte de la pure rationalité actuarielle, puisqu’elle repose sur un principe de socialisation des pertes.

c. Contribution « attentats »

Un mécanisme analogue existe pour la couverture du risque terroriste. Depuis 1986, tous les contrats de dommages aux biens comportent une contribution obligatoire au profit du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme (FGTI). Son montant est fixé par décret et s’élève, depuis le 1?? juillet 2024, à 6,50 € par contrat. Ce niveau a été reconduit en 2025.

Là encore, la tarification est entièrement déterminée par la puissance publique, ce qui traduit une logique d’intervention étatique face à un risque qui échappe par nature aux modèles de prévision classiques. La justification est ici éthique et politique autant qu’économique : il s’agit d’assurer une solidarité nationale face à la violence terroriste, en garantissant une indemnisation rapide et homogène des victimes.

2. Primes fixées par le bureau central de tarification

Le Bureau central de tarification (BCT) constitue une institution originale du droit des assurances, créée pour garantir l’effectivité des obligations d’assurance dans les hypothèses où le libre jeu du marché se révèle défaillant.

En effet, si la liberté contractuelle fonde le principe de la tarification assurantielle, elle ne saurait priver d’effet les obligations légales de couverture imposées dans certains secteurs. Le BCT apparaît ainsi comme un régulateur de dernier recours, destiné à concilier la solvabilité des assureurs et le droit fondamental des assurés à accéder à une couverture obligatoire.

a. Finalité et champ d’application

Le rôle du BCT est de pallier les refus de garantie, explicites ou déguisés (par la fixation de primes exorbitantes équivalant à un refus). Lorsqu’un assuré ne parvient pas à trouver une couverture sur le marché, il peut saisir le BCT, lequel fixe alors la prime et oblige un assureur désigné à garantir le risque.

Le dispositif s’applique à plusieurs domaines où l’assurance est rendue obligatoire par la loi :

b. Procédure

La procédure, organisée par les articles R. 250-1 à R. 250-6 du Code des assurances, repose sur un mécanisme de saisine individuelle. L’assuré qui se voit refuser la garantie ou qui estime la prime proposée manifestement disproportionnée dispose d’un délai de 15 jours pour saisir le BCT. Celui-ci instruit le dossier, entend les parties et fixe la prime applicable. La décision du Bureau s’impose à l’assureur, qui ne peut refuser de contracter aux conditions ainsi arrêtées.

Ce dispositif instaure un véritable droit à l’assurance obligatoire, en transformant une obligation de souscrire (pesant sur l’assuré) en une obligation de garantir (pesant sur l’assureur).

c. Portée et limites

Le BCT ne procède pas lui-même à l’évaluation actuarielle du risque : il fixe une prime «raisonnable » en s’appuyant sur les données économiques disponibles et sur les pratiques de marché. Il ne s’agit pas de créer un tarif uniforme, mais de prévenir les abus manifestes. Ce rôle de régulation vise donc davantage à assurer l’équilibre entre solvabilité des assureurs et protection des assurés qu’à instaurer une mutualisation radicale.

La jurisprudence a confirmé la portée contraignante des décisions du BCT. La Cour de cassation a jugé que l’assureur ne pouvait se soustraire à l’obligation de couvrir dès lors qu’il était désigné par le Bureau, sous peine de sanctions.

II. La composition de la prime

La prime d’assurance constitue bien davantage qu’un simple prix contractuel : elle est l’expression monétaire de l’équilibre économique du contrat, et la contrepartie directe de l’engagement de garantie souscrit par l’assureur. À la fois instrument de mutualisation et vecteur de solvabilité, elle cristallise l’essence même de l’opération d’assurance, dont elle traduit la dimension à la fois technique, financière et juridique.

Si son montant est fixé dans le cadre de la liberté tarifaire, consacrée par l’ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix (art. L. 410-1 C. com.) et confirmée par la loi du 31 décembre 1989, cette liberté n’est qu’apparente : elle s’exerce dans un champ balisé par des contraintes actuarielles, prudentielles et fiscales. La prime ne saurait être arbitraire : elle doit garantir la solvabilité de l’assureur et refléter la réalité du risque, sous peine de compromettre la fonction même d’assurance.

Traditionnellement, on distingue deux strates dans sa composition. La prime pure, d’abord, constitue le noyau technique : elle exprime le coût statistique du risque, calculé à partir des lois de probabilité et de l’intensité des sinistres. Mais cette composante, strictement actuarielle, est inapte à couvrir l’ensemble des charges liées à l’activité d’assurance. D’où l’adjonction des chargements commerciaux et fiscaux, qui transforment la prime pure en prime commerciale, puis en prime totale.

Ainsi, la prime payée par l’assuré ne se limite pas à financer les sinistres : elle reflète aussi le coût du fonctionnement de la mutualité assurantielle, la rémunération éventuelle du capital investi, et les prélèvements obligatoires destinés à l’État ou aux fonds de garantie. Elle devient alors un instrument de régulation économique et sociale, traduisant les équilibres recherchés entre solvabilité des assureurs, protection des assurés et exigences fiscales.

A. La prime pure : expression technique du risque

La prime pure (également dite prime technique, prime de risque ou prime d’équilibre) est l’espérance mathématique du coût des sinistres sur une période de référence, le plus souvent l’année d’assurance. Elle doit, par la seule mutualisation, permettre à l’assureur d’honorer les indemnités prévisibles sur un portefeuille de risques homogènes ; elle se distingue des « chargements » qui relèvent de la prime commerciale. Le principe indemnitaire irrigue sa construction en assurance de choses (C. assur., art. L.121-1), sans exclure la validité des clauses « valeur à neuf » qui organisent une reconstruction sans abattement de vétusté (Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n°14-13.332).

1. La méthode de calcul

La prime pure, ou prime technique, repose sur une démarche actuarielle rigoureuse. Elle exprime le coût théorique du risque pour une période de référence – le plus souvent l’année – et se calcule à partir de deux paramètres essentiels : la fréquence et le coût moyen des sinistres.

La fréquence du risque correspond à la probabilité de survenance d’un sinistre. Elle est déterminée par l’observation statistique de séries homogènes de risques similaires : nombre de sinistres rapporté au nombre total d’unités d’exposition (parc de véhicules, habitations assurées, entreprises couvertes, etc.).

Le coût moyen des sinistres est obtenu en divisant le montant total des indemnités versées au cours de la période par le nombre de sinistres survenus. Il reflète l’intensité moyenne du dommage.

Ces deux éléments se combinent dans la formule de base :

Prime pure (unitaire) = Fréquence x Coût moyen

La prime ainsi obtenue constitue une valeur unitaire, généralement rapportée à l’assiette d’assurance (capital assuré, chiffre d’affaires, masse salariale, etc.). Pour obtenir un taux technique (exprimé en pourcentage ou en millième), il suffit de rapporter la prime pure unitaire à une unité d’assiette. L’application de ce taux à l’assiette propre de chaque assuré permet enfin de déterminer la prime pure individuelle.

Exemple 1 – Assurance incendie habitation (biens à valeur déterminée)

Imaginons un portefeuille de 10 000 maisons assurées contre l’incendie. Si 10 sinistres surviennent au cours de l’année, la fréquence est de :

Si le montant total des indemnités versées s’élève à 900 000 €, le coût moyen par sinistre est de :

Si le montant total des indemnités versées s’élève à 900 000 €, le coût moyen par sinistre est de :

Rapportée à un capital assuré de 100 000 €, cette prime correspond à un taux technique de 0,9 ‰.

Exemple 2 – Assurance responsabilité civile exploitation (assiette extrinsèque)

Dans un secteur professionnel donné, on observe 20 sinistres par an pour 1 000 entreprises assurées. La fréquence est donc de :

Si le coût total des indemnités atteint 1 000 000 €, le coût moyen par sinistre est de 50 000 €. La prime pure moyenne par entreprise s’élève alors à :

Si l’assiette tarifaire retenue est le chiffre d’affaires, et que le chiffre d’affaires moyen observé dans le secteur est de 2 millions d’euros, la prime peut être convertie en un taux de prime d’environ 0,5 ‰ du chiffre d’affaires.

2. L’assiette de la prime selon la branche

a. Biens (valeurs déterminées)

Lorsque l’objet de l’assurance est un bien dont la valeur peut être fixée de manière précise et stable, l’assiette de la prime correspond au capital assuré. Celui-ci peut être déterminé selon plusieurs méthodes, qui traduisent chacune une approche différente de l’indemnisation.

La première méthode consiste à retenir la valeur vénale du bien, c’est-à-dire sa valeur d’échange sur le marché au jour du sinistre. Elle correspond au prix auquel le bien pourrait être vendu. La seconde est celle de la valeur d’usage, qui se calcule en tenant compte du coût de remplacement du bien diminué d’un abattement pour vétusté. Elle reflète donc la valeur effective pour l’assuré d’un bien déjà utilisé. Enfin, il est possible de retenir la valeur à neuf, qui correspond au coût de reconstruction ou de remplacement du bien sans déduction pour vétusté. Cette dernière modalité n’est cependant admise qu’à la condition qu’elle soit expressément stipulée par le contrat, sous forme de clause dite « valeur à neuf », dont la jurisprudence a confirmé la validité (Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n° 14-13.332), sous réserve du respect du principe indemnitaire et des plafonds contractuellement fixés.

La détermination de cette assiette peut être réalisée de deux manières. Dans le cas le plus simple, il s’agit d’une valeur déclarée : l’assuré évalue unilatéralement son bien et la valeur ainsi retenue sert à la fois de base de calcul de la prime et de plafond d’indemnisation. Une telle déclaration peut être contestée si elle s’avère manifestement erronée ou frauduleuse, mais elle constitue en principe la référence du contrat. À l’inverse, certaines polices prévoient une valeur agréée, qui résulte d’un accord exprès et contradictoire entre l’assureur et l’assuré au moment de la souscription. Cette pratique est particulièrement fréquente dans les assurances portant sur des biens de grande valeur ou difficilement évaluables, tels que les risques industriels, les objets d’art ou les collections. L’intérêt de la valeur agréée est d’éviter tout litige ultérieur : le capital assuré est alors fixé définitivement et s’impose aux deux parties.

Un exemple permet de mesurer l’incidence du choix de l’assiette. Supposons qu’un atelier soit assuré pour une valeur à neuf de 1 200 000 euros, avec un taux technique de 0,75 ‰. La prime pure annuelle s’élèvera alors à 900 euros. Si le même bien est évalué en valeur d’usage, avec un abattement de 20 % pour vétusté, son assiette tombe à 960 000 euros, et la prime pure à 720 euros. On voit ici que la référence d’évaluation n’est pas neutre : elle conditionne directement la promesse d’indemnisation. Retenir une valeur à neuf permet d’espérer un remboursement intégral du coût de reconstruction, mais implique une prime plus élevée. À l’inverse, retenir une valeur d’usage réduit le coût de la couverture mais conduit à une indemnité inférieure en cas de sinistre.

Ainsi, le choix de l’assiette traduit une véritable option économique et contractuelle, où s’équilibrent, d’un côté, le niveau de protection souhaité par l’assuré et, de l’autre, le coût de la couverture qu’il est prêt à supporter.

b. Biens (valeurs fluctuantes : stocks)

Certains biens assurés, en particulier les stocks de marchandises, de matières premières ou de produits finis, présentent une valeur fluctuante au cours de l’année. Fixer une somme assurée figée serait inadapté :

Pour remédier à cette difficulté, les assureurs recourent à des polices spéciales dites flottantes ou d’abonnement, qui permettent d’ajuster l’assiette en fonction de la réalité économique des existences.

==>Principe des polices à déclarations périodiques

L’assuré s’engage à déclarer régulièrement la valeur de ses stocks (par mois, par trimestre, ou selon une autre périodicité convenue). Ces déclarations servent de base à la détermination de l’assiette de prime.

==>Les différentes formules de police

La doctrine et la pratique distinguent plusieurs formules de police:

Exemple chiffré – Police sur stocks de marchandises

Une entreprise déclare la valeur de ses stocks chaque trimestre :

La moyenne annuelle est de :

Si le taux technique appliqué par l’assureur est de 0,4 %, la prime pure annuelle sera :

==>Intérêt économique et juridique

c. Responsabilité civile

En matière de responsabilité civile, la difficulté tient à l’absence de valeur intrinsèque directement mesurable du risque. Contrairement à l’assurance de biens, où l’assiette est constituée par la valeur du bien assuré, il n’existe pas de « capital » directement attaché à la responsabilité. La tarification repose donc sur des indicateurs d’exposition, choisis en fonction de la nature de l’activité de l’assuré et censés refléter le volume ou l’intensité du risque couvert.

Les principaux indicateurs retenus sont :

La prime pure est alors calculée par application d’un taux technique déterminé par la loi des grands nombres : un pourcentage (ou un millième) fixé par unité d’exposition, multiplié par la quantité effectivement déclarée par l’assuré. Les contrats prévoient par ailleurs des plafonds et agrégats de garantie, qui fixent les limites maximales d’indemnisation de l’assureur et conditionnent donc le calcul actuariel.

Exemple – Responsabilité civile produits (taux sur chiffre d’affaires)

Un taux technique de branche est fixé à 0,12 % du chiffre d’affaires. Pour une entreprise déclarant un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros, la prime pure est :

Cet exemple illustre le lien direct entre l’exposition économique (ici le volume de ventes) et la tarification actuarielle de la responsabilité civile.

d. Assurances de personnes

En assurances de personnes, l’assiette ne repose pas sur des indicateurs économiques extrinsèques, mais sur les capitaux assurés ou les prestations forfaitaires stipulées au contrat. La prime pure reflète ainsi deux dimensions fondamentales:

Ainsi, en assurance décès, la prime pure annuelle correspond au produit du capital stipulé par la probabilité de décès de l’assuré dans l’année. En assurance vie entière ou en rente, le calcul intègre la probabilité de survie à chaque âge et l’actualisation des paiements futurs.

Exemple – Assurance décès temporaire

Un assuré de 40 ans souscrit une assurance décès pour un capital de 100 000 €. Si la probabilité de décès dans l’année à cet âge est estimée à 0,002 selon la table de mortalité, la prime pure annuelle sera :

Cet exemple illustre la spécificité de l’assurance de personnes : la prime pure repose sur des bases biométriques et financières, et non sur la seule fréquence et intensité statistique des sinistres.

3. Paramètres complémentaires : durée de garantie et intérêt

Les sources admettent que, au-delà de la fréquence et du coût moyen, d’autres paramètres techniques influent sur la prime pure : la durée de la garantie et, selon les branches, les taux d’intérêt. Si la garantie est souscrite pour une fraction d’année et que le risque est stationnaire, la prime s’obtient prorata temporis ; si le risque est saisonnier (période estivale en automobile, par exemple), une pondération spécifique s’impose. En assurance-vie, la prime pure inclut structurellement l’intérêt technique et les provisions mathématiques ; en dommages, l’intégration ex ante des produits financiers dans le calcul de la prime pure n’est pas d’usage en France, l’équilibre économique se constatant plutôt a posteriori au niveau du compte technique/financier (v. doctrine citée).

4. Les règles proportionnelles : garde-fous de l’équilibre technique

a. Règle proportionnelle de prime (sous-tarification du risque)

==>Quand s’applique-t-elle ?

Elle vise l’hypothèse d’une déclaration inexacte non intentionnelle du risque par l’assuré (erreur, omission) révélée après le sinistre. Dans ce cas, l’indemnité est réduite au prorata du rapport entre la prime effectivement payée et la prime qui aurait été due si le risque avait été exactement déclaré (C. assur., art. L. 113-9, al. 3).

Si l’inexactitude est découverte avant tout sinistre, l’assureur peut proposer une majoration de prime ou résilier (L. 113-9, al. 2). Si la fausse déclaration est intentionnelle, on bascule dans la nullité (L. 113-8), non dans la proportionnalité.

Traduction mathématique de l’effet juridique d’une fausse déclaration:

==>Exemple

Taux réellement dû : 0,90 ‰ ; taux payé : 0,60 ‰ ; dommage : 300 000 €.

Points d’attention pratiques:

b. Règle proportionnelle de capitaux (sous-assurance)

==>Quand s’applique-t-elle ?

Elle concerne l’assurance de choses (et, par extension, certaines RC indexées sur une valeur déterminée) lorsque, au jour du sinistre, la valeur réelle de la chose assurée excède la somme garantie. L’assuré est alors réputé son propre assureur pour l’excédent et supporte une part proportionnelle du dommage (C. assur., art. L. 121-5). La jurisprudence l’applique de plein droit lorsque des valeurs déterminées ont été convenues.

Traduction mathématique de l’effet juridique d’une fausse déclaration:

==>Exemple

Valeur réelle : 150 000 € ; somme garantie : 100 000 € ; dommage : 90 000 €.

==>Où s’applique-t-elle en pratique ?

c. Clauses et techniques qui neutralisent ou atténuent la proportionnalité

La première technique consiste à recourir à la garantie au premier risque : dans ce cas, l’assureur s’engage à indemniser le sinistre dans la limite d’un plafond déterminé, sans appliquer la règle proportionnelle de capitaux. L’assuré reste toutefois son propre assureur pour l’excédent au-delà du plafond contractuel.

Une autre modalité couramment employée est l’indexation automatique ou la réévaluation des capitaux assurés, qui permet de suivre l’évolution des coûts de reconstruction ou l’inflation. Cette technique évite qu’une sous-assurance ne résulte mécaniquement de la seule variation des prix.

La stipulation d’une valeur agréée constitue également un instrument efficace. Lorsque les parties arrêtent d’un commun accord une valeur de référence — par exemple pour un risque industriel ou une œuvre d’art —, la discussion sur la valeur réelle au jour du sinistre est évitée et le calcul de l’indemnité s’en trouve sécurisé.

Certaines polices introduisent en outre des clauses de marge d’erreur ou de tolérance, en prévoyant qu’un écart limité entre la valeur déclarée et la valeur réelle (souvent 10 à 20 %) ne déclenchera pas l’application de la règle proportionnelle.

Enfin, l’information de l’assuré joue un rôle déterminant. La Commission des clauses abusives a critiqué, notamment en matière de multirisques habitation, l’application trop automatique de la règle proportionnelle sans que l’assuré ait reçu une information claire ni les outils nécessaires pour actualiser les capitaux assurés. C’est pourquoi la pratique recommande la mise en place de questionnaires de mise à jour, de simulateurs ou encore d’avenants d’actualisation réguliers.

d. Comment choisir la bonne règle (et l’anticiper) ?

En pratique, il convient de distinguer les hypothèses. Lorsque le problème provient d’une sous-tarification du risque, c’est-à-dire d’une erreur dans la déclaration de ses caractéristiques (superficie, nature de l’activité, dispositifs de protection, etc.), la règle applicable est la proportionnelle de prime prévue à l’article L. 113-9, alinéa 3 du Code des assurances.

À l’inverse, lorsque la difficulté résulte d’une sous-assurance, c’est-à-dire d’une somme garantie inférieure à la valeur réelle des biens au jour du sinistre, c’est la proportionnelle de capitaux qui s’applique de plein droit en vertu de l’article L. 121-5 du Code des assurances.

Enfin, si une intention frauduleuse est établie, aucune proportionnalité n’entre en jeu : la sanction est la nullité du contrat sur le fondement de l’article L. 113-8.

En termes de bonnes pratiques, il est recommandé de réexaminer périodiquement, au moins une fois par an, les déclarations de risque et les capitaux assurés. Le recours à des mécanismes tels que l’indexation, la garantie au premier risque, la valeur agréée ou encore des avenants de réévaluation permet d’éviter que l’assuré ne découvre au jour du sinistre une réduction d’indemnité inattendue.

B. La prime commerciale : chargements et fiscalité

La prime pure ne constitue qu’une base technique : elle correspond à l’équilibre actuariel entre la fréquence et l’intensité des sinistres. Or, une telle prime, réduite au seul coût du risque, ne permet pas à l’entreprise d’assurance de couvrir ses propres frais, ni de satisfaire aux obligations réglementaires et fiscales attachées à son activité. C’est pourquoi elle est augmentée de divers chargements commerciaux et fiscaux, lesquels conduisent successivement à la formation de la prime nette (ou prime commerciale) puis de la prime totale.

1. Les chargements commerciaux

Les chargements commerciaux regroupent l’ensemble des frais liés au fonctionnement et à la commercialisation du contrat d’assurance. Ils recouvrent plusieurs catégories :

En pratique, ces divers chargements sont additionnés à la prime pure pour obtenir la prime nette. Ainsi, à titre d’exemple, une prime pure de 90 € pourra être majorée de 40 € de chargements commerciaux (frais de gestion et commissions), ce qui conduit à une prime nette de 130 €.

2. Les chargements fiscaux

À cette prime nette viennent ensuite s’ajouter les prélèvements fiscaux et parafiscaux, perçus par l’assureur pour le compte de l’État ou de fonds spécifiques. Ces taxes, prévues notamment à l’article 1001 du Code général des impôts, varient considérablement selon les branches d’assurance :

En outre, certaines branches supportent des contributions forfaitaires spécifiques, indépendantes du montant de la prime. Ainsi, depuis le 1er juillet 2024, une contribution de 6,50 € par contrat est affectée au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme (Arrêté du 22 décembre 2023).

Exemple chiffré : si la prime nette (prime pure + chargements commerciaux) s’élève à 130 €, une taxe de 30 % applicable à une assurance incendie habitation portera la prime totale à 169 €. En y ajoutant, le cas échéant, les contributions forfaitaires, le montant acquitté par l’assuré peut être sensiblement alourdi.

3. Distinctions selon les opérateurs

La décomposition de la prime révèle également une différence structurelle entre les mutuelles et les sociétés commerciales d’assurance.

Dans les mutuelles, l’assurance repose sur un principe de solidarité et de non-lucrativité (C. assur., art. L. 114-1 et s.). La prime nette tend à se limiter à la prime pure majorée des seuls frais de gestion, sans marge de profit. On parle traditionnellement d’assurance au prix coûtant : les adhérents cotisent pour couvrir collectivement les risques, et les éventuels excédents sont réinvestis au bénéfice de la communauté mutualiste.

À l’inverse, dans les sociétés commerciales d’assurance, la prime nette comprend généralement une marge bénéficiaire, destinée à rémunérer le capital investi et à financer la croissance. Cette logique lucrative s’inscrit dans le cadre concurrentiel, mais elle peut conduire à une différenciation tarifaire plus marquée.

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