Le partage met fin à l’indivision en répartissant les biens entre les copartageants. Cependant, pour que cette répartition soit équitable, il est essentiel que chaque copartageant conserve sans difficulté les biens qui lui ont été attribués. Or, il peut arriver qu’un copartageant soit évincé du bien qu’il a reçu, par exemple si ce bien appartient en réalité à un tiers ou si une charge inconnue au moment du partage vient en limiter l’usage. Dans ce cas, une garantie spécifique s’applique afin de protéger l’équilibre du partage et d’éviter que l’un des copartageants ne subisse seul cette perte.
Les articles 884 et suivants du Code civil prévoient ainsi que les copartageants doivent se garantir mutuellement contre les évictions et les troubles qui trouvent leur origine dans une cause antérieure au partage. Ce principe repose sur un impératif fondamental : l’égalité entre les copartageants. Si un bien attribué lors du partage venait à disparaître ou à être grevé d’une charge inconnue, la perte ne peut être supportée uniquement par l’attributaire du bien, mais doit être partagée entre tous, proportionnellement à leurs droits. Cette garantie rappelle celle due par un vendeur à son acheteur, prévue aux articles 1625 et suivants du Code civil. Toutefois, la différence essentielle tient au fait que, dans une vente, il y a un transfert de propriété, alors que dans un partage, les copartageants sont censés recevoir des droits qu’ils détenaient déjà sur l’indivision.
Cette garantie joue aussi bien dans les partages amiables que dans les partages judiciaires. Elle s’applique quels que soient les biens attribués et protège les copartageants contre les conséquences d’une éviction ou d’un trouble affectant leur lot. En revanche, elle ne concerne en principe que les troubles causés par des tiers. Cela soulève une question : un copartageant pourrait-il être tenu responsable des troubles qu’il causerait lui-même après le partage ? Autrement dit, si un indivisaire porte atteinte aux droits d’un autre après la répartition des biens, peut-il être contraint de réparer le préjudice subi sur le fondement de la garantie des lots ?
Ainsi, la garantie entre copartageants vise à préserver la stabilité du partage en assurant que chacun conserve ce qui lui a été attribué sans subir de préjudice. Elle repose sur le principe d’égalité et empêche qu’un copartageant ne soit lésé par l’issue du partage. Toutefois, son application soulève plusieurs interrogations, notamment sur son champ exact et sur la possibilité d’inclure dans cette garantie les troubles causés par les copartageants eux-mêmes.
I) Conditions d’application
L’article 884 du Code civil érige la garantie des lots en une obligation pesant sur l’ensemble des copartageants. Toutefois, cette garantie ne joue que si certaines conditions, tenant à l’acte de partage, au trouble subi et à l’absence de faute du copartageant évincé, sont réunies.
A. Une garantie attachée au partage
La garantie des lots s’applique à toute opération de partage, quelle que soit la nature de l’indivision concernée. Il s’agit d’une garantie qui joue entre copartageants afin d’assurer l’équité du partage en cas d’éviction ou de trouble postérieur à l’attribution des biens. Cependant, l’existence même d’une telle garantie suppose un partage juridiquement valable. Dès lors, un partage affecté d’une cause de nullité ne saurait faire naître une quelconque obligation de garantie entre copartagés.
1. L’application de la garantie des lots à toutes les formes de partage
L’obligation de garantie s’applique aux partages successoraux, conjugaux ou encore sociétaires, ces derniers intervenant notamment lors de la dissolution d’une société civile ou d’une société créée de fait. Ce principe a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars 1983 affirmant que la garantie des lots joue indépendamment de la nature de l’indivision à laquelle le partage met fin (Cass. 1re civ., 22 mars 1983, n°82-12.135).
De même, la donation-partage est assimilée à un véritable partage et ouvre donc droit à la garantie entre les copartagés. Ce caractère distributif de la donation-partage justifie que chacun des donataires bénéficiaires puisse se prévaloir des règles relatives à la garantie des lots (Cass. 1re civ., 18 janv. 1983, n°81-12.638).
L’objectif de cette garantie est d’assurer une égalité entre les copartageants en leur conférant une protection contre d’éventuels troubles ou évictions affectant les biens qui leur ont été attribués. Cette garantie est d’autant plus essentielle que le partage, en tant qu’acte déclaratif, emporte l’extinction de l’indivision et l’attribution exclusive des biens aux copartageants concernés.
2. L’absence de garantie en cas de partage nul
Toutefois, la garantie des lots suppose nécessairement un partage juridiquement valide. À cet égard, un partage affecté d’une cause de nullité ne saurait produire d’effets juridiques et ne peut donc fonder une obligation de garantie entre copartageants. Cette solution a été affirmée de longue date par la jurisprudence.
Ainsi, l’omission volontaire d’un ayant droit constitue une cause de nullité du partage et empêche l’application de la garantie des lots. En effet, un partage opéré sans tenir compte de tous les indivisaires est entaché d’un vice fondamental affectant sa validité. Dans un arrêt du 21 mars 1922, la Cour de cassation a rappelé qu’un partage nul, notamment en raison de l’exclusion d’un héritier ou d’un indivisaire, ne saurait donner lieu à une obligation de garantie (Req. 21 mars 1922, DP 1923, 1. 60).
Cette position s’explique par la nature même du partage, qui doit être réalisé entre tous les titulaires de droits indivis. Si un partage est frappé de nullité, il est censé n’avoir jamais existé, ce qui empêche l’application des obligations qui en découlent, y compris la garantie des lots.
B. L’existence d’un trouble ou d’une éviction
La garantie des lots, attachée au partage, assure aux copartageants une protection contre les troubles et évictions affectant les biens qui leur ont été attribués. Toutefois, cette garantie ne joue que sous certaines conditions, notamment lorsque le trouble ou l’éviction trouve son origine dans une cause antérieure au partage. Il convient dès lors d’examiner les situations dans lesquelles cette garantie peut être mobilisée, en précisant la nature des troubles pris en compte.
1. L’éviction et les troubles de droit
L’éviction se définit comme une dépossession totale ou partielle du bien attribué à un copartageant. Elle peut résulter de la revendication d’un tiers se prévalant d’un droit réel préexistant au partage, ou d’une impossibilité pour le copartageant d’exercer pleinement ses droits sur le bien attribué. Dès lors qu’un tel trouble provient d’une cause antérieure au partage, la garantie joue de plein droit en faveur du copartageant lésé (Cass. 1re civ., 9 juin 1970, n°69-11.048).
La doctrine, notamment Aubry et Rau, souligne que seuls les troubles de droit sont couverts par la garantie. Ainsi, une revendication judiciaire d’un tiers, fondée sur un droit réel antérieur au partage, constitue un cas typique d’éviction ouvrant droit à la garantie des lots. En revanche, si l’attribution du bien à un copartageant est ultérieurement remise en cause pour un motif n’ayant aucun lien avec la situation antérieure au partage, la garantie ne saurait être invoquée.
2. L’exclusion des troubles de fait
Si la garantie couvre les troubles de droit, elle ne s’étend pas aux troubles de fait, c’est-à-dire aux atteintes qui ne reposent sur aucun fondement juridique. Par exemple, une occupation illicite du bien par un tiers ou une simple nuisance causée par le voisinage ne suffisent pas à justifier l’application de la garantie. Cette distinction, consacrée par la jurisprudence, exclut ainsi de la garantie tout trouble qui ne trouve pas son origine dans une atteinte à un droit préexistant.
Toutefois, une nuance mérite d’être apportée : lorsque le trouble émane directement d’un copartageant lui-même, il peut être pris en compte dans le cadre de la garantie du fait personnel. Tel est le cas lorsque l’un des copartageants revendique abusivement des droits sur un bien attribué à un autre, ou lorsqu’il entrave la jouissance paisible du lot de son cohéritier. La Cour de cassation a consacré cette exception en admettant que le trouble de fait causé par un copartageant puisse engager sa responsabilité et donner lieu à garantie (Cass. com., 8 déc. 1966).
3. L’insolvabilité du débiteur d’une créance attribuée lors du partage
Outre les troubles affectant la jouissance d’un bien immobilier ou mobilier, la garantie s’applique également lorsqu’un copartageant se voit attribuer, en partage, une créance irrécouvrable. En effet, si l’un des lots comprend une créance et que le débiteur de cette dernière est insolvable à la date du partage, le copartageant lésé peut se prévaloir de la garantie. Cette solution a été rappelée par la Cour de cassation, qui a jugé que lorsque l’insolvabilité du débiteur est révélée avant le partage, elle constitue un trouble ouvrant droit à la garantie des lots (Cass. 1re civ., 22 mars 1983).
L’objectif de cette règle est de garantir l’équilibre du partage et d’éviter qu’un copartageant ne se retrouve lésé par l’attribution d’un élément de patrimoine dépourvu de toute valeur effective. Dès lors, en présence d’une créance douteuse, il appartient aux copartageants d’exercer un contrôle préalable afin d’éviter toute contestation ultérieure.
C. L’exigence d’une cause antérieure au partage et l’absence de faute
La garantie des lots n’a pas un caractère absolu. Sa mise en œuvre est soumise à deux conditions : d’une part, le trouble ou l’éviction doit trouver sa cause dans une situation antérieure au partage, et d’autre part, le copartageant évincé ne doit pas être lui-même fautif. Ces exigences visent à préserver l’équilibre du partage tout en évitant des garanties abusives ou des contestations résultant de la négligence des copartageants eux-mêmes.
1. Une cause antérieure au partage : condition sine qua non de la garantie
L’article 884 du Code civil fonde le principe selon lequel la garantie ne s’étend qu’aux troubles dont l’origine est antérieure au partage. Cela signifie que le copartageant évincé ne peut prétendre à la garantie que si le trouble ou l’éviction découle d’un droit réel préexistant au partage, dont l’existence était ignorée ou sous-estimée au moment de la répartition des lots.
Ce principe a notamment été illustré par l’hypothèse d’une prescription acquisitive ayant débuté avant le partage mais s’achevant après celui-ci. Dans un tel cas, la garantie pourrait, en théorie, être invoquée par le copartageant évincé, car l’éviction résulterait d’une situation juridique initiée avant la répartition des lots. Cette analyse a été avancée par certains auteurs qui considèrent qu’une telle prescription doit être prise en compte dès lors qu’elle constitue une menace latente au moment du partage.
Toutefois, cette position doctrinale n’est pas exempte de nuances. En effet, certains auteurs soulignent que la garantie ne saurait jouer si l’omission d’un acte interruptif de prescription est imputable à la négligence du copartageant évincé. Dans cette hypothèse, l’éviction ne résulte plus d’un trouble préexistant au partage, mais bien d’une absence de diligence postérieure à celui-ci, excluant ainsi le jeu de la garantie.
2. L’exclusion de la garantie en cas de faute du copartageant évincé
Le second principe limitatif de la garantie réside dans l’exclusion de toute prise en charge des évictions causées par la faute du copartageant évincé. L’article 884 du Code civil précise en effet que la garantie cesse dès lors que l’éviction résulte d’une faute du copartageant concerné. Ce principe repose sur une logique de responsabilité individuelle : un copartageant qui, par sa propre imprudence ou inaction, favorise ou ne prévient pas son éviction, ne peut exiger une indemnisation de ses cohéritiers.
La faute du copartageant évincé peut prendre plusieurs formes :
- La négligence à faire valoir un moyen de défense : un copartageant qui se laisse condamner sans opposer les moyens de droit dont il dispose ne saurait invoquer la garantie.
- L’omission d’appeler les autres copartageants en garantie : si le copartageant, confronté à une revendication d’un tiers, s’abstient de solliciter l’intervention des autres copartageants dans le cadre du litige, il commet une faute qui exclut son droit à garantie (Cass. req., 24 déc. 1866).
Ainsi, l’application de la garantie suppose non seulement que le trouble soit antérieur au partage, mais également que le copartageant ait agi avec diligence pour préserver ses droits. La jurisprudence veille à ce que la garantie ne devienne pas un instrument de correction de la négligence ou de l’inertie des copartageants.
II) Mise en oeuvre
La garantie des lots ne constitue pas une simple protection théorique des copartageants : elle ouvre la voie à un recours spécifique, permettant au copartageant évincé d’obtenir réparation.
A) Le recours en garantie : modalités d’exercice
Lorsqu’un copartageant est évincé d’un bien qui lui a été attribué lors du partage, il dispose d’un recours en garantie contre les autres copartageants. Ce recours s’articule autour de deux voies procédurales, selon que l’éviction est encore hypothétique ou déjà consommée. Il bénéficie en outre à certaines catégories de tiers, en particulier les ayants cause et les créanciers du copartageant évincé.
1. L’appel en garantie avant l’éviction effective
Si le copartageant concerné fait l’objet d’une revendication judiciaire d’un tiers sur le bien qui lui a été attribué, il a la possibilité d’appeler ses copartageants en garantie dans la procédure principale. Cette démarche vise à prévenir un éventuel préjudice en intégrant d’emblée la question de la garantie dans le cadre du litige existant.
a. Un mécanisme préventif évitant la multiplication des contentieux
L’appel en garantie permet de traiter la question de l’éviction dans le cadre de la procédure engagée par le tiers, ce qui évite au copartageant menacé de devoir ultérieurement introduire une action autonome en réparation. Cette solution présente un double avantage:
- Elle limite le morcellement des contentieux, en évitant que le copartageant évincé ne doive engager une seconde procédure contre ses co-partageants une fois l’éviction constatée ;
- Elle assure une meilleure coordination des défenses, en permettant aux copartageants de faire front commun pour contester la revendication du tiers.
b. Un recours limité aux troubles de droit
Cet appel en garantie est toutefois conditionné à l’existence d’un trouble de droit, c’est-à-dire d’une revendication fondée sur un droit réel préexistant au partage.
Ainsi, si l’éviction résulte d’un trouble de fait, sans fondement juridique avéré, la garantie ne pourra être invoquée contre les copartageants.
2. L’action autonome après l’éviction
Lorsque l’éviction est déjà consommée, et que le copartageant a perdu la jouissance du bien litigieux, il lui reste la possibilité d’agir en garantie contre ses co-indivisaires par le biais d’une action autonome.
a. Une action visant à rétablir l’équilibre du partage
L’objectif de cette action en garantie est de rétablir l’égalité entre les copartageants, en compensant la perte subie par l’évincé. Cette compensation peut prendre plusieurs formes :
- Une indemnisation pécuniaire, à hauteur de la valeur du bien perdu ;
- L’attribution d’un autre bien, lorsque cela est possible, en compensation du lot évincé.
L’action en garantie trouve ainsi son fondement dans la nature compensatoire du partage, lequel doit préserver l’équilibre entre les copartageants.
b. Une action qui repose sur la garantie des lots
L’action en garantie après éviction repose sur l’obligation de garantie attachée au partage, laquelle s’inspire des mécanismes de garantie des vices cachés en matière contractuelle. Toutefois, elle se distingue du régime de la garantie des vices cachés, dans la mesure où elle ne suppose pas une faute des copartageants : leur responsabilité est objective et découle du simple fait de l’éviction.
3. L’extension du recours aux ayants cause et aux créanciers du copartageant évincé
L’action en garantie n’est pas un droit exclusivement réservé au copartageant directement évincé : elle peut être exercée par d’autres parties ayant un intérêt légitime à la protection du patrimoine partagé.
a. Les ayants cause du copartageant évincé
Les ayants cause du copartageant évincé disposent d’un droit propre à agir en garantie, qu’il s’agisse :
- D’héritiers, qui poursuivent la revendication initiée par le copartageant défunt ;
- De cessionnaires, ayant acquis les droits du copartageant évincé et subissant directement le préjudice lié à l’éviction.
Cette transmission du droit à garantie assure la continuité de la protection attachée au partage, en permettant aux ayants cause de faire valoir les droits qui leur reviennent par transmission successorale ou contractuelle.
b. L’action oblique des créanciers du copartageant évincé
Les créanciers du copartageant évincé disposent également d’un mécanisme spécifique leur permettant d’exercer la garantie en lieu et place du copartageant.
Cette faculté repose sur l’action oblique, qui leur permet d’agir en justice pour préserver leurs droits, lorsque le débiteur n’exerce pas lui-même ses droits contre ses co-partageants.
Ce recours présente un intérêt particulier lorsque le copartageant évincé :
- Est inactif ou refuse d’agir en justice ;
- Est insolvable, et que ses créanciers souhaitent garantir le recouvrement de leur créance en obtenant une compensation pour le bien perdu.
Grâce à cette action oblique, les créanciers peuvent éviter qu’une inaction du copartageant évincé ne les prive d’un recours utile, garantissant ainsi une meilleure protection de leurs droits.
B) Prescription de l’action en garantie
L’action en garantie des lots, permettant au copartageant évincé d’obtenir une compensation, est soumise à un régime de prescription encadré par le droit civil. Ce régime a connu une évolution majeure avec la réforme du 23 juin 2006, qui a considérablement réduit le délai pour agir en justice.
1. L’ancien régime : une prescription trentenaire
Avant la réforme de 2006, l’action en garantie obéissait au régime général de prescription applicable aux actions réelles et immobilières.
a. Un délai de 30 ans protecteur mais excessif
Conformément aux règles de prescription de droit commun, l’action en garantie pouvait être exercée dans un délai de 30 ans à compter de l’éviction.
Ce délai prolongé avait pour objectif de protéger les copartageants évincés, leur offrant une période étendue pour découvrir un éventuel trouble et agir en conséquence.
b. Une instabilité prolongée des partages
Toutefois, cette prescription trentenaire présentait d’importants inconvénients :
- Elle permettait de rouvrir des partages anciens, perturbant des situations patrimoniales stabilisées depuis des décennies.
- Elle entretenait une incertitude juridique persistante, en maintenant le risque de contestation sur une durée excessive.
- Elle compliquait la preuve des faits, puisque les événements à l’origine de l’éviction pouvaient être très anciens, rendant leur démonstration difficile.
Face à ces inconvénients, le législateur a choisi d’intervenir pour rationaliser le régime de prescription, en réduisant substantiellement le délai accordé aux copartageants évincés.
2. Le nouveau régime : une prescription abrégée à deux ans
La réforme du 23 juin 2006 a introduit une limitation plus stricte du droit d’agir en garantie, en instaurant un délai de prescription de deux ans, fixé par l’article 886 du Code civil.
a. Un délai plus court pour sécuriser les partages
Désormais, le copartageant évincé dispose de deux ans pour exercer son recours en garantie, ce délai courant à compter de l’éviction effective ou de la découverte du trouble.
Ce changement répond à un double objectif :
- Garantir la stabilité des partages, en évitant qu’ils ne soient remis en cause des décennies après leur réalisation.
- Limiter les contestations tardives, qui reposaient souvent sur des faits difficilement vérifiables, générant des incertitudes pour les héritiers ou copartageants.
Ce nouveau délai s’aligne ainsi sur la tendance générale du droit des successions et des indivisions, visant à raccourcir les périodes de contestation pour renforcer la prévisibilité des transmissions patrimoniales.
b. Une prise en compte du moment où l’éviction est révélée
Toutefois, la jurisprudence veille à ce que l’application de ce délai ne soit pas trop rigide et qu’elle tienne compte des circonstances propres à chaque situation.
Ainsi, lorsque le trouble ou l’éviction n’était pas immédiatement perceptible au moment du partage, le point de départ du délai est reporté à la date où le copartageant en a eu une connaissance effective.
Cette approche protège les copartageants évincés contre des situations où le trouble ne se manifeste qu’après plusieurs années, notamment dans les cas suivants :
- Une revendication tardive d’un tiers, révélant un droit réel antérieur au partage mais inconnu lors de l’attribution des lots.
- Une hypothèque non révélée lors du partage, qui n’est découverte qu’au moment de la saisie du bien.
- Une prescription acquisitive ayant produit ses effets après le partage, rendant impossible la jouissance du bien attribué.
III) Effets
La garantie des lots repose sur un principe d’égalité entre copartageants, garantissant que nul ne soit lésé par une éviction ou un trouble affectant son lot.
Toutefois, cette garantie ne conduit pas à une remise en cause du partage lui-même, mais ouvre droit à une indemnisation, dont les modalités de répartition et de mise en œuvre obéissent à des règles précises.
A) Une indemnisation et non une remise en cause du partage
2. Un principe de compensation financière
Contrairement à d’autres mécanismes juridiques permettant d’anéantir rétroactivement un acte (comme l’action en nullité), la garantie des lots n’a pas pour effet d’invalider le partage.
L’éviction d’un copartageant ne remet pas en cause l’opération de partage en elle-même, mais génère un droit à réparation. Cette solution s’explique par la nature même du partage, qui n’est pas une cession mais une attribution à titre déclaratif.
Dès lors, la réparation prend exclusivement la forme d’une indemnisation dont le montant est calculé en fonction de la valeur du bien évincé au jour de l’éviction (Cass. 1re civ., 9 juin 1970, n°69-11.048).
2. Une évaluation fondée sur la valeur réelle du bien
Le calcul de l’indemnité ne repose pas sur la valeur du bien au jour du partage, mais bien sur sa valeur au moment où l’éviction survient. Cette approche permet d’éviter une indemnisation inéquitable en raison de la dépréciation ou de l’appréciation du bien au fil du temps.
Ainsi, si un immeuble attribué lors du partage subit une éviction plusieurs années plus tard, l’indemnité due au copartageant évincé sera évaluée en fonction du prix du marché immobilier à cette date, et non de sa valeur au moment du partage.
B) Une répartition de l’indemnisation entre les copartageants
1. Une charge collective et proportionnelle
L’indemnisation due au copartageant évincé est répartie entre tous les copartageants, proportionnellement à l’émolument reçu lors du partage (art. 885 C. civ.).
Cette règle repose sur un principe d’équité : tous les copartageants ont bénéficié du partage, il est donc légitime qu’ils contribuent à la réparation.
2. La prise en compte de l’insolvabilité d’un copartageant
Toutefois, lorsque l’un des copartageants est insolvable, sa part d’indemnisation est répartie entre les autres, y compris le copartageant évincé lui-même.
Ce mécanisme, bien que critiquable en ce qu’il impose une charge supplémentaire au copartageant lésé, vise à préserver la solidarité entre copartageants et à éviter une rupture de l’équilibre du partage.
C) Une garantie étendue au fait personnel des copartageants
Outre la garantie traditionnelle, qui couvre les troubles de droit affectant les biens attribués, la jurisprudence a consacré une garantie du fait personnel des copartageants (Cass. com., 8 déc. 1966).
Cette garantie repose sur un principe fondamental : aucun copartageant ne peut, après le partage, adopter un comportement portant atteinte aux droits d’un autre.
Plusieurs situations ont donné lieu à l’application de cette garantie :
- L’exploitation d’un fonds de commerce concurrent à proximité immédiate de celui attribué à un autre copartageant a été jugée constitutive d’une violation de la garantie du fait personnel (Cass. com., 17 oct. 1984).
- La remise en cause d’un droit concédé lors du partage, par exemple en contestant la validité d’une servitude attribuée à un autre copartageant, peut également donner lieu à garantie.
Contrairement à la garantie classique, qui repose sur l’article 884 du Code civil, la garantie du fait personnel trouve son fondement dans l’obligation de bonne foi et le respect des engagements (art. 1104 C.civ.).
Ce fondement a des implications importantes :
- Elle pourrait être considérée d’ordre public, ce qui interdirait aux copartageants de l’exclure contractuellement.
- Elle repose sur une logique de loyauté entre copartageants, interdisant toute manœuvre destinée à priver un autre copartageant du bénéfice du partage.