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Gestion de l’indivision: la constitution de sûretés

La règle de l’unanimité dans l’indivision protège les coïndivisaires contre les décisions unilatérales pouvant affecter leurs droits indivis.

A l’analyse, cette règle s’applique à une grande variété d’actes au nombre desquels figurent notamment, les actes de disposition, certains actes de gestion locative, les actes constitutifs de sûreté, les actes d’affectation d’un bien indivis à une activité professionnelle ou encore les actions en justice.

Nous nous focaliserons ici sur la constitution de sûretés.

La constitution de sûretés sur un bien indivis (nantissement, gage, hypothèque) est soumise à des règles strictes en raison des implications qu’elle peut avoir sur les droits de tous les coïndivisaires. La règle de l’unanimité, prévue par l’article 815-3 du Code civil, joue ici un rôle central pour garantir la protection des intérêts des indivisaires non constituants.

==>Nantissement

Le nantissement, en tant que sûreté réelle portant sur un bien incorporel (tel qu’un fonds de commerce, des droits d’exploitation, ou des créances), peut être constitué sur un bien indivis.

Toutefois, pour être valable et pleinement opposable, tous les coïndivisaires doivent y consentir.

En effet, le nantissement est un acte de disposition. Or, en indivision, tout acte de disposition nécessite l’accord unanime des indivisaires afin de protéger leurs droits indivis et éviter tout déséquilibre patrimonial.

Lorsque tous les coïndivisaires consentent à la constitution d’un nantissement, celui-ci produit ses effets indépendamment des résultats du partage.

Ainsi, le créancier titulaire de la sûreté pourra exercer ses droits, y compris par voie d’exécution forcée, sans attendre le partage.

Lorsque le nantissement est constitué par un seul indivisaire, sans l’accord des autres, sa validité est limitée et conditionnée au résultat du partage.

En effet, en l’absence de consentement unanime, le nantissement n’oblige que le constituant et est inopposable aux autres coïndivisaires.

Dans un arrêt du 26 avril 2000, la Cour de cassation a jugé en ce sens qu’un nantissement sur un fonds de commerce indivis, constitué par un seul indivisaire sans l’accord des autres, était dépourvu d’efficacité (Cass. 1ère civ., 26 avril 2000, n°97-10.616).

Cette solution protège les indivisaires non parties à l’acte de constitution du nantissement.

Si, néanmoins, le bien indivis grevé par le nantissement est attribué au constituant lors du partage, la sûreté est rétroactivement consolidée.

En revanche, si le bien est attribué à un autre indivisaire, la sûreté devient caduque, car le constituant n’a jamais eu la pleine propriété de l’objet grevé.

==>Gage

Pour constituer un gage valable sur un bien indivis, l’accord unanime des coïndivisaires est requis.

A l’instar du nantissement, le gage est un acte de disposition, car il vient grever une charge sur le bien indivis et expose potentiellement celui-ci à une exécution forcée en cas de défaillance du débiteur.

Lorsque tous les indivisaires consentent à la constitution du gage, celui-ci est pleinement opposable aux tiers et aux coïndivisaires.

Le créancier gagiste pourra alors saisir le bien grevé en cas de non-paiement de la créance garantie, sans attendre le partage.

Lorsque, en revanche, le gage est constitué par un seul indivisaire, sans l’accord des autres, sa portée est limitée et il devient inopposable aux coïndivisaires non consentants.

Dans cette hypothèse, le gage ne joue que pour la part indivise du constituant.

En d’autres termes, le créancier gagiste ne pourra exiger l’exécution forcée de la sûreté que sur la fraction indivise détenue par l’indivisaire constituant.

Enfin, il peut être observé que l’efficacité complète du gage dépend directement de l’attribution du bien grevé lors du partage.

Si le bien grevé est attribué à l’indivisaire ayant consenti le gage lors des opérations de partage, la sûreté est consolidée rétroactivement.

Dans ce cas, le créancier pourra exercer ses droits sur le bien grevé, conformément au principe de l’effet déclaratif du partage.

Si toutefois le bien est attribué à un autre indivisaire, le gage devient inopposable.

Le créancier ne pourra alors se prévaloir de la sûreté, le constituant n’ayant jamais été le propriétaire exclusif du bien.

==>Hypothèque

Lorsqu’une hypothèque est constituée sur un bien indivis, trois situations peuvent se présenter :

  • Hypothèque consentie par tous les coïndivisaires pour une dette commune
    • Constitution et validité
      • En application de l’article 2412 du Code civil, une hypothèque peut être constituée sur un bien indivis par tous les indivisaires aux fins de garantir une dette commune.
      • Pour ce faire, chaque indivisaire doit consentir à l’hypothèque mais également reconnaître la dette commune à garantir.
      • A cet effet, les indivisaires doivent disposer de leur pleine capacité juridique et du pouvoir de consentir, notamment lorsqu’ils agissent dans le cadre d’une représentation.
    • Effets avant et après le partage
      • L’article 2412 du Code civil prévoit que « l’hypothèque d’un immeuble indivis conserve son effet quel que soit le résultat du partage si elle a été consentie par tous les indivisaires. »
      • Il en résulte que le créancier peut faire valoir son droit sur le bien grevé, y compris avant le partage (Cass. com., 28 juin 2005, n°02-20.452).
      • En cas de défaillance du débiteur, le créancier peut saisir le bien sans attendre la fin de l’indivision.
      • Contrairement à l’ancien privilège du copartageant, remplacé par l’hypothèque légale spéciale (art. 2402, 4° C. civ.), l’hypothèque ne rétroagit pas à la date de création de l’indivision. Elle prend rang à compter de son inscription.
  • Hypothèque consentie par tous les coïndivisaires pour la dette d’un indivisaire
    • Principe
      • Il est permis aux coïndivisaires de consentir à une hypothèque grevant l’ensemble d’un bien indivis afin de garantir la dette personnelle de l’un d’entre eux.
      • Une telle hypothèque se rencontrera, le plus souvent, dans le cadre d’acquisitions immobilières indivises.
      • Par exemple, lorsqu’un indivisaire contracte un emprunt pour financer une acquisition, les autres coïndivisaires peuvent autoriser la constitution d’une hypothèque sur l’ensemble du bien indivis aux fins de garantir la dette souscrite.
      • A l’analyse, les coïndivisaires non débiteurs, en autorisant l’acte, jouent le rôle de cautions réelles, engageant leurs droits indivis sans s’obliger personnellement au remboursement de la dette garantie.
      • Reste que ces derniers doivent expressément consentir à l’hypothèque.
      • Par leur accord, ils autorisent l’affectation du bien indivis en garantie, mais ils ne s’engagent pas personnellement au paiement de la dette.
      • Leur obligation est limitée à leur part dans l’indivision.
      • Aussi, l’hypothèque engage les droits des coïndivisaires proportionnellement à leur quote-part dans le bien indivis.
      • En cas de défaillance du débiteur, l’immeuble peut être saisi et vendu, affectant alors les droits de tous les indivisaires.
    • Effets
      • L’hypothèque consentie par tous les coïndivisaires pour garantir la dette personnelle de l’un d’entre eux produit des effets similaires à ceux d’une hypothèque constituée pour une dette commune.
      • Conformément à l’article 2412 du Code civil, cette hypothèque conserve son plein effet, quel que soit le résultat du partage.
      • Le créancier hypothécaire peut exercer son droit de préférence et saisir le bien grevé avant que l’indivision ne soit liquidée (Cass. com., 28 juin 2005, n°02-20.452).
      • Les coïndivisaires non débiteurs ne sont toutefois pas tenus personnellement de rembourser la dette.
      • Leur part dans le bien indivis constitue la seule garantie accordée au créancier.
      • A cet égard, si la vente forcée du bien grevé est réalisée, le produit de la vente est réparti entre le créancier hypothécaire et les coïndivisaires en fonction de leurs droits respectifs.
  • Hypothèque consentie par un indivisaire agissant seul
    • Constitution par un seul indivisaire
      • Un indivisaire peut, sous certaines conditions, constituer une hypothèque portant sur sa seule quote-part dans un bien indivis.
      • Cette hypothèque, bien que permise, est juridiquement limitée et subordonnée à l’issue du partage, conformément à l’article 2412 du Code civil.
      • L’hypothèque constituée par un indivisaire agissant seul ne peut grever que ses droits indivis dans le bien.
      • Elle est inopposable aux autres indivisaires et n’a aucun effet sur la totalité du bien indivis.
      • Aussi, l’efficacité finale de cette hypothèque est conditionnée au résultat des opérations de partage.
      • Tant que le partage n’a pas attribué le bien au constituant, les effets de l’hypothèque demeurent aléatoire et suspendus.
      • Cette hypothèque, bien que valable entre le créancier et le constituant, est donc tributaire du devenir du bien dans l’indivision.
    • Effets du partage sur l’hypothèque
      • Le sort de l’hypothèque constituée par un seul indivisaire est déterminé par l’effet déclaratif du partage, qui rétroagit à la date d’ouverture de l’indivision.
      • Si le bien hypothéqué est attribué à l’indivisaire constituant au terme du partage, l’hypothèque est consolidée rétroactivement.
      • Cette rétroactivité confère au créancier un droit de préférence sur le bien, le plaçant en position de force pour recouvrer sa créance.
      • Dans un arrêt du 1er octobre 2020, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’hypothèque d’un immeuble indivis conserve son effet quel que soit le résultat du partage si elle a été consentie par tous les indivisaires. Dans le cas contraire, elle ne conserve son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a consentie est, lors du partage, alloti du ou de ces immeubles indivis ou, lorsque l’immeuble est licité à un tiers, si cet indivisaire est alloti du prix de la licitation. » (Cass. 3e civ. 1er oct. 2020, n°19-20.007).
      • Il se déduit de cette décision que, si, à l’inverse, le bien est attribué à un autre indivisaire, l’hypothèque devient caduque.
      • Le créancier ne dispose alors d’aucun moyen juridique pour exiger le paiement sur ce bien.
      • Cette situation s’explique par l’effet déclaratif du partage en ce sens que l’indivisaire est réputé n’avoir jamais été propriétaire du bien attribué à autrui.

==>La fiducie

La fiducie, mécanisme juridique introduit en droit français par la loi n°2007-211 du 19 février 2007, est un acte de disposition qui consiste à transférer temporairement un bien à un fiduciaire, à charge pour ce dernier de le gérer dans un but déterminé.

Lorsqu’elle concerne un bien indivis, la constitution d’une fiducie est strictement encadrée.

Tout d’abord, l’accord de tous les coïndivisaires est indispensable pour transférer le bien indivis dans le patrimoine fiduciaire.

À défaut de cet accord, l’acte de fiducie sera inopposable aux indivisaires non consentants.

Ensuite, la fiducie, en tant qu’acte de disposition, suit le même régime que les autres actes de cette nature.

Ainsi, si un seul indivisaire tente de constituer une fiducie sur l’intégralité d’un bien indivis, cette dernière ne produira d’effet que pour sa quote-part.

S’agissant des effets de la fiducie sur un bien indivis, ils dépendent du sort du bien lors du partage.

Si le bien mis en fiducie est attribué au constituant lors du partage, la fiducie est rétroactivement consolidée et produit tous ses effets.

Dans l’hypothèse, en revanche, où le bien indivis est attribué à un autre indivisaire, la fiducie devient inefficace, car le constituant n’a jamais été pleinement propriétaire du bien transféré.

Le fiduciaire devra alors restituer le bien à l’indivisaire auquel il est attribué.

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