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Le droit de gage général: régime

Lorsqu’un créancier n’est muni d’aucune sûreté, sa situation est pour le moins précaire puisqu’il appartient à la catégorie des créanciers chirographaires.

Par chirographaire, il faut entendre la créance qui est constatée dans un acte « écrit de la main » (du grec chiro, la main et de graphein, l’écrit).

La spécificité des créanciers chirographaires est que leur capacité à recouvrer leur créance en cas de défaillance de leur débiteur repose sur l’exercice du seul droit de gage général conféré à tout créancier par l’article 2284 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. »

L’article 2285 poursuit en précisant que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence. »

Il ressort, en substance, de ces deux dispositions que toute personne qui s’est rendue débiteur d’une obligation répond de ses dettes sur l’ensemble de son patrimoine présent et futur, ce patrimoine constituant le gage commun des créanciers.

Si la référence au gage est maladroite, sinon erronée, dans la mesure où la garantie conférée aux créanciers au titre des articles 2284 et 2285 ne s’analyse nullement en une sûreté réelle, elle exprime néanmoins l’idée que tout créancier dispose d’un moyen de contrainte efficace aux fins d’assurer l’exécution de son obligation.

Plus qu’une prérogative reconnue au titulaire d’une créance de faire sanctionner la défaillance de son débiteur, le droit de gage général n’est autre, selon certains auteurs, que « l’expression du caractère civilement obligatoire de l’obligation ; il est la manifestation la plus élémentaire du pouvoir juridique de contrainte reconnu de façon égalitaire à tout créancier sur le patrimoine du débiteur »[8].

Bien qu’envisagé dans le Livre IV du Code civil consacré aux sûretés, le droit de gage général se situe au confluent des droits personnels dont il garantit l’exercice et des droits réels, car octroyant une parcelle d’abusus au créancier sur les biens de son débiteur, en ce qu’il peut les faire vendre pour en obtenir le prix.

À l’analyse, le droit de gage général ne constitue, ni une obligation, ni une sûreté. Il présente une nature hybride. Sa spécificité tient à la combinaison de plusieurs éléments qui tiennent à son assiette, à sa mise en œuvre et à ses titulaires.

==> L’assiette du droit de gage général

==> L’exercice du droit de gage général

Le droit de gage général ne confère, en aucune manière, un droit direct sur les biens du débiteur, raison pour laquelle la doctrine majoritaire lui refuse la qualification de droit réel.

Sa spécificité réside, entre autres, dans son exercice qui est subordonné à l’engagement de poursuites judiciaires et plus précisément à la réalisation de saisies.

Aussi, est-ce le droit de l’exécution qui gouverne la mise en œuvre du droit de gage général.

À cet égard l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution. »

Il ressort de cette disposition que pour exercer son droit de gage général, le créancier doit être muni d’un titre exécutoire.

Par titre exécutoire, il faut entendre, au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution :

Lorsque le créancier est muni d’un titre exécutoire, il pourra exercer son droit de gage général sur n’importe quel bien figurant dans le patrimoine de son débiteur.

Cette liberté de choix, reconnu par l’article 2284 du Code civil, est rappelée notamment :

La liberté dont jouit le créancier à diligenter des mesures d’exécution en opportunité, dans le cadre de l’exercice de son droit de gage général, n’est pas sans limite.

Cette prérogative ne confère, en effet, aucun droit de suite au créancier, de sorte qu’il ne pourra pas exercer de poursuites sur les biens sortis du patrimoine de son débiteur avant la date de naissance de sa créance.

En revanche, le créancier pourra saisir n’importe quel bien figurant dans le patrimoine du débiteur, dans la mesure où, comme indiqué précédemment, le droit de gage général a pour assiette une universalité de droit.

Aussi, tous les biens dont est propriétaire le débiteur répondent corrélativement de toutes ses dettes. Inversement, chacune de ses dettes vient grever chacun de ses biens

==> Les titulaires du droit de gage général

L’article 2285 du Code civil prévoit que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers »

Il ressort de cette disposition que :

Ainsi, tous les créanciers d’un même débiteur se voient conférer des prérogatives identiques, quelle que soit la date de naissance de leur créance.

Il y a donc une égalité parfaite entre créanciers chirographaires qui est instituée par le droit de gage général.

Seules circonstances susceptibles de rompre cette égalité qui préside aux rapports entre créanciers : les « causes légitimes de préférence ».

Les causes de préférence visées par l’article 2285 du Code civil ne sont autres que les sûretés réelles qui pourraient avoir été constituées par certains créanciers.

Le créancier muni d’une telle sûreté sera, en effet, titulaire d’un droit de préférence sur le bien grevé et primera, à ce titre, les autres créanciers quant aux éventuelles poursuites susceptibles d’être exercées sur ce bien.

En cas de concours de créanciers chirographaires, le principe d’égalité les contraindra à faire montre de diligence et de célérité quant à l’exercice de leurs poursuites.

En dehors d’une procédure collective, c’est la règle du premier saisissant qui s’appliquera, de sorte qu’il est un risque pour le créancier le moins réactif que le patrimoine de son débiteur ne soit vidé de son actif avant qu’il n’agisse.

Lorsque plusieurs créanciers ont vocation à se répartir le prix de vente d’un bien, comme précisé par l’article 2285 du Code civil, c’est une répartition au marc l’euro qui s’opère, chaque créancier percevant une fraction du prix au prorata de sa créance.

Quant à l’hypothèse où le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, il appartiendra à tous les créanciers de déclarer leur créance auprès du mandataire judiciaire ou, le cas échéant, du liquidateur, faute de quoi ils ne pourront pas prendre part à la distribution de l’actif dans le cadre de la procédure.

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Puf, coll. « Quadrige », 2016, v° Sûreté

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°2, p.2.

[3] Ph. Simlet et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°2, p. 5

[4] J.-D. Pellier, « Réforme des sûretés : saison 2 », Dalloz Actualité, 17 sept. 2021.

[5] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°3, p. 6

[6] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°5, p.4.

[7] J.-B. Seube, Droit des sûretés, éd. Dalloz, coll. « Cours Dalloz », 2020, n°3, p.2.

[8] J. Mestre, E. Putman et M. Billiau, Droit civil – Droit commun des sûretés réelles, éd. LGDJ, 1996, n°115, p. 104.

[9] G. Cornu, Droit civil – Les biens, éd. Domat, 2007, §5, p. 11.

[10] P.-Y Ardoy, Fiches de droit des sûretés, éd. Ellipses, 2018, p. 14

[11] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[12] D. Legais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°60, p. 64.

[13] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[14] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°550, p.369.

[15] Ibid, n°551, p. 370.

[16] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, coll. « précis », n°707, p. 6002.

[17] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°6, p. 10

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