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La date d’ouverture de la succession

La mort n’est pas la fin. Elle met seulement un terme à ce qui a commencé et à ce qui a vécu. Mais la vie se poursuit à travers ce qui reste et continue à exister.

Lorsque la Camarde vient frapper à la porte de celui dont l’heure est venue, le trépas emporte certes extinction de la personnalité juridique. Le défunt laisse néanmoins derrière lui un patrimoine, sans maître, qui a vocation à être immédiatement transmis à ceux qui lui survivent.

Cette transmission du patrimoine qui intervient concomitamment au moment du décès est exprimée par l’adage hérité de l’ancien droit « le mort saisit le vif par son hoir le plus proche ».

Ce principe procède de l’idée que la personne du défunt survit à travers ses successeurs – héritiers et légataires – lesquels ont vocation à recueillir l’ensemble de ses biens, mais également la totalité de ses dettes.

Parce que l’ouverture d’une succession s’accompagne d’enjeux, en particulier financiers, souvent importants, elle est de nature à plonger la famille dans une crise qui sera parfois profonde, les successeurs se disputant le patrimoine du défunt.

Le droit ne peut bien évidemment pas rester indifférent à cette situation qui menace la paix sociale et dont l’Histoire a montré qu’elle pouvait conduire à l’effondrement de royaumes entiers. La succession de Charlemagne a profondément marqué l’Histoire de France.

Bien que les héritiers soient immédiatement saisis à la mort du défunt, ce qui, concrètement, signifie qu’ils entrent en possession de son patrimoine sans période intercalaire, la transmission qui s’opère n’échappe pas à l’emprise du droit.

À cet égard, les règles qui connaissent de la transmission à cause de mort forment ce que l’on appelle le droit des successions.

Il ressort de ce corpus normatif que la transmission par voie successorale peut être réglée :

Que la transmission à cause de mort s’opère par l’effet de la loi ou par l’effet d’un testament, elle requiert, dans les deux cas, et au préalable, l’ouverture de la succession du défunt.

Cette ouverture de la succession soulève trois questions : quelles en sont les causes, à quel moment doit-elle intervenir et en quel lieu ?

Nous nous focaliserons ici sur la date d’ouverture de la succession.

I) Enjeux

La date d’ouverture de la succession présente un enjeu majeur en raison de l’instantanéité de la transmission à cause de mort.

Parce que « le mort saisit le vif », les héritiers sont réputés entrer en possession du patrimoine du de cujus concomitamment à son décès.

La détermination du moment où s’ouvre la succession est donc essentielle, sinon crucial à trois égards :

II) Détermination de la date d’ouverture de la succession

Selon que l’ouverture de la succession résulte d’un décès, d’une absence ou d’une disparition, le moment où elle s’ouvre varie.

A) L’ouverture de la succession résulte d’un décès

1. Fixation de la date d’ouverture de la succession

Lorsque l’ouverture de la succession résulte d’un décès, ce qui est le cas le plus fréquent, alors c’est à la date à laquelle ce décès est intervenu que la succession s’ouvre.

Cette date correspond, en principe, au jour où le médecin a constaté la mort du de cujus, selon les examens cliniques prescrits par les articles R. 1232-1 et R. 1232-2 du Code de la santé publique.

Le constat de la mort par le médecin doit donner lieu à l’établissement d’un certificat de décès sur lequel seront notamment mentionnées la date et l’heure de décès.

En application de l’article 78 du Code civil, ces informations seront alors reprises par l’officier d’état civil lorsqu’il dressera l’acte de décès qui consiste à faire état de la mort du défunt sur le registre d’état civil.

2. Preuve de la date d’ouverture de la succession

a. La preuve par l’acte de décès

La preuve de la mort du défunt se fait, en principe, au moyen de l’acte de décès qui devra être produit au notaire par les héritiers.

Parce que l’acte de décès appartient à la catégorie des actes d’état civil, il est réputé constater, « d’une manière authentique, un événement dont dépend l’état d’une ou de plusieurs personnes » (Cass. 1ère civ. 14 juin 1983, n°82-13.247).

L’acte de décès tire donc sa force probante de son caractère authentique. Il en résulte qu’il fait foi jusqu’à inscription de faux, à tout le moins s’agissant de l’existence matérielle des faits que l’officier public y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence dans l’exercice de ses fonctions (Cass. 1ère civ. 26 mai 1964).

S’agissant de la date du décès, dans la mesure où elle n’aura pas été constatée par l’officier d’état civil en personne, elle pourra être contestée par quiconque justifie d’un intérêt à agir en rapportant la preuve contraire.

Dans un arrêt du 19 octobre 1999, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « si l’acte de décès n’établit, quant à l’heure du décès, qu’une simple présomption, il appartient à celui qui la conteste d’en établir l’exactitude » (Cass. 1ère civ., 19 oct. 1999, n° 97-19.845).

b. La rectification des erreurs/omissions de l’acte de décès

L’acte de décès est susceptible d’être affecté de deux sortes d’anomalies : des erreurs et des omissions.

L’erreur pourra consister en une date fausse ou inexacte, tandis que l’omission correspondra à l’hypothèse où la date de la mort du défunt ne figure pas sur l’acte de décès, à tout le moins de façon lacunaire.

Dans les deux cas, l’anomalie fait obstacle à l’ouverture de la succession, dans la mesure où la date du décès du de cujus n’est pas certaine, faute de pouvoir être prouvée.

Aussi, appartient-il aux héritiers de solliciter la rectification de l’acte de décès.

À l’analyse, la procédure de rectification obéit à des règles qui distinguent selon que l’anomalie affectant l’acte de décès est ou non purement matérielle.

c. Cas particulier des comourants

==> Données du problème

Il est un cas où la détermination de la date du décès requiert une attention somme toute particulière : c’est l’hypothèse où plusieurs personnes ayant vocation à hériter les unes des autres décèdent dans un même événement.

Cette situation – tragique – se rencontrera lors de catastrophes aériennes, de naufrages maritimes, d’accidents de la route, d’attentats terroristes, de catastrophes naturelles (incendie, avalanche, tsunami etc.) ou encore en temps de guerre (bombardement, déportation, etc.).

La difficulté soulevée par la situation des comourants tient à la détermination de l’ordre des successions.

Selon la chronologie des décès que l’on retient, la dévolution successorale est susceptible d’être radicalement différente.

Supposons un couple marié qui périt dans un accident de la route. Tandis que l’époux laisse pour seul parent un frère, sa conjointe laisse quant à elle une tante.

Il ressort de cet exemple que plusieurs solutions peuvent être adoptées aux fins de déterminer la désignation des héritiers :

Tandis que les rédacteurs du Code civil avaient opté pour la première solution, le législateur a, lors de l’adoption de la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 préféré la seconde.

==> Droit antérieur

Le système mis en place par les rédacteurs du Code civil reposait sur des présomptions légales de survie permettant d’établir une chronologie des décès et, par voie de conséquence, la dévolution successorale.

Ces présomptions de survie, instituées aux anciens articles 721 et 722 du Code civil, elles reposaient sur l’âge et le sexe des comourants.

Le système ainsi mis en place a été vivement critiqué au motif qu’il reposait sur des présomptions de survie artificielles et incomplètes : à âge égal, si un homme et une femme décèdent lors d’un même événement, l’homme est ainsi présumé avoir survécu à la femme.

La jurisprudence a bien tenté de limiter les effets des présomptions de survie en adoptant une interprétation restrictive des textes, si bien qu’un certains nombre de cas ne relevaient pas de leur domaine d’application (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 8 févr. 2005, n°02-18.767).

Les juridictions n’en demeuraient pas moins contraintes d’y avoir recours lorsque les conditions requises étaient remplies.

Fort de ce constat, lors de l’adoption de la loi du 3 décembre 2001, le législateur a décidé d’abolir les présomptions de survie à la faveur d’un système plus simple et surtout épuré de toute différence de traitement liée au sexe.

i. Domaine du dispositif

Il s’infère de l’article 725-1 du Code civil que le dispositif applicable aux comourants requiert que les décès qui frappent les comourants interviennent dans un même évènement.

Si, sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence exigeait que les comourants aient des vocations héréditaires réciproques, la loi du 3 décembre 2001 a supprimé cette exigence.

==> L’exigence tenant à la survenance des décès dans un même événement

L’article 725-1 du Code civil prévoit expressément que la théorie des comourants ne s’applique que « lorsque deux personnes […] périssent dans un même événement ».

A défaut, c’est l’ordre de survenance des événements qui déterminera l’ordre des décès.

A cet égard, les décès seront réputés être intervenus dans un même événement lorsqu’il existera une unité de lieu, de temps et d’action. Tel sera le cas des victimes qui périssent dans un accident d’avion ou dans le naufrage d’un navire.

Lorsque, en revanche, l’un de ses éléments (lieu, temps, action) fera défaut, la jurisprudence aura tendance à considérer que les décès sont intervenus dans des événements différents.

==> L’abandon de l’exigence tenant à l’existence de vocations héréditaires réciproques

Sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence subordonnait l’application des présomptions de survie à l’existence de vocations héréditaires réciproques.

Aussi, lorsqu’un seul des comourants avaient vocation à hériter de l’autre, le jeu de ces présomptions était écarté.

La loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 a aboli l’exigence tenant à l’existence de vocations successorales réciproques.

L’article 725 du Code civil prévoit désormais que le dispositif des comourants est applicable « lorsque deux personnes, dont l’une avait vocation à succéder à l’autre, périssent dans un même événement ».

Il est donc indifférent que des personnes décédées dans un même événement soient appelées à hériter les unes des autres.

En revanche, cette vocation successorale doit être de nature légale, ce qui implique que la théorie des comourants ne joue pas pour :

ii. Contenu du dispositif

S’inspirant de certaines législations étrangères, le système mis en place par la loi du 3 décembre 2001 repose sur deux règles énoncées à l’article 725-1 du Code civil, la seconde étant assortie d’une exception.

B) L’ouverture de la succession résulte d’une absence

Lorsque le de cujus est présumé mort par voie de déclaration judiciaire d’absence, sa succession s’ouvre, conformément à l’article 128, al. 1er du Code civil, à la date de la transcription du jugement déclaratif d’absence dans le registre d’état civil.

C) L’ouverture de la succession résulte d’une disparition

En application de l’article 91, al. 3e du Code civil, la succession de celui ayant fait l’objet d’une déclaration judiciaire de disparition, s’ouvre, non pas à la date de prononcé du jugement déclaratif, mais à la date à laquelle le disparu est déclaré mort, laquelle doit nécessairement être fixée par la décision.

À l’instar du jugement déclaratif d’absence, le dispositif du jugement déclaratif de décès est transcrit sur les registres de l’état civil du lieu réel ou présumé du décès et, le cas échéant, sur ceux du lieu du dernier domicile du défunt.

Mention de la transcription est faite en marge des registres à la date du décès.

En cas de jugement collectif, des extraits individuels du dispositif sont transmis aux officiers de l’état civil du dernier domicile de chacun des disparus, en vue de la transcription.

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