Gdroit

La nullité des sociétés

En tant qu’elle constitue un acte juridique, la société devrait, en théorie, encourir la nullité toutes les fois que l’un de ses éléments constitutifs fait défaut.

La société n’est, cependant, pas un acte ordinaire. Le pacte social que les associés ont conclu lors de la constitution de la société donne naissance à une personne morale qui jouit d’une pleine et entière capacité juridique.

Dans cette perspective, lorsque les tiers nouent des relations économiques avec la société, ils contractent, non pas directement avec les associés, mais avec une personne morale en considération de son autonomie patrimoniale. On dit alors que la société fait écran, en ce sens qu’elle s’interpose entre les associés et les tiers.

Dès lors, dans l’hypothèse où la société ferait l’objet d’une annulation, il est un risque que ses créanciers se retrouvent sans débiteurs. Les recours dont ils disposent contre les associés sont, en effet, par nature, pour le moins aléatoires et limités.

Aussi, afin de procurer aux tiers de bonne foi la sécurité juridique qu’ils sont légitimement en droit d’attendre dans leurs rapports avec une société, le législateur, notamment européen, a considérablement restreint les causes de nullité (I), tout autant qu’il a encadré les modalités d’exercice de l’action en nullité (II).

I) Les causes de nullité

Deux textes énoncent les causes de nullités encourues par une société :

Il ressort de la combinaison de ces deux articles que la nullité d’une société peut résulter :

Nonobstant le silence des textes, il convient d’ajouter, à ces trois séries de causes de nullité, la fraude dont la jurisprudence estime, conformément à l’adage fraus omnia corrumpit, qu’elle constitue également une cause de nullité.

A) La nullité résultant de la violation d’une disposition qui compose le régime général du contrat

Aux termes du nouvel article 1128 du Code civil, « sont nécessaires à la validité d’un contrat :

  1. Le consentement des associés

Les articles 1832 et 1128 du Code civil ayant érigé le consentement comme une condition de validité du contrat de société, celui-ci est nul dès lors que les associés n’ont pas valablement consenti à leur engagement.

Aussi, cela suppose-t-il que le consentement des associés existe et qu’il ne soit pas vicié

a) L’existence du consentement des associés

La condition relative à l’existence du consentement se traduit, en droit des sociétés, par l’exigence d’un consentement non simulé.

La simulation consiste pour les associés à donner l’apparence de constituer une société alors que la réalité est toute autre.

Aussi, la simulation peut-elle prendre trois formes différentes. Elle peut porter :

==> La simulation portant sur l’existence du contrat de société

Dans l’hypothèse où la simulation porte sur l’existence du contrat de société, on dit que la société est fictive.

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==> La simulation portant sur la nature du contrat conclu entre les associés

Cette hypothèse se rencontre lorsque la conclusion du pacte social dissimule une autre opération.

Sous couvert de la constitution d’une société, les associés ont, en effet, pu vouloir dissimuler une donation ou bien encore un contrat de travail.

Aussi, les associés sont-ils animés, le plus souvent, par une intention frauduleuse.

Ils donnent au pacte qu’ils concluent l’apparence d’un contrat de société, alors qu’il s’agit, en réalité, d’une opération dont ils se gardent de révéler la véritable nature aux tiers.

==> La simulation portant sur la personne d’un ou plusieurs associés

Cette catégorie de simulation correspond à l’hypothèse de l’interposition de personne. Autrement dit, l’associé apparent sert de prête-nom au véritable associé qui agit, dans le secret, comme un donneur d’ordre.

Dans cette configuration deux contrats peuvent être identifiés :

Quid de la validité de la simulation par interposition de personne ?

b) L’intégrité du consentement des associés

Pour que le contrat de société soit valable, il ne suffit pas que le consentement des associés existe, il faut encore qu’il soit intègre.

Aussi cela suppose-t-il qu’il soit exempt de tous vices.

Comme en matière de droit des contrats, trois vices de consentement sont susceptibles de conduire à l’annulation d’une société :

2. La capacité des associés

Pour pouvoir prendre part à la constitution d’une société, encore faut-il jouir de la capacité juridique.

Par capacité juridique, il faut entendre l’aptitude à être titulaire de droits et à les exercer.

En raison de l’absence de dispositions particulières en droit des sociétés concernant la capacité juridique, il convient de se tourner vers le droit commun de la capacité civile et commerciale.

Aussi, convient-il de distinguer la capacité des personnes physiques de la capacité des personnes morales.

La capacité des personnes physiques

La capacité des personnes morales

3. L’objet social

==> Définition

Ni le Code civil, ni le Code de commerce ne donne de définition de l’objet social, bien que de nombreux textes normatifs y fassent référence.

C’est donc vers la doctrine qu’il convient de se tourner afin d’en cerner la notion.

Les auteurs s’accordent à définir l’objet social comme « le programme des activités auxquelles la société peut se livrer en vue de faire des bénéfices ou des économies et d’en faire profiter ses membres »[1].

Ainsi, l’objet social représente-t-il l’ensemble des activités que la société s’est donné pour tâche d’exercer. Il s’agit du but poursuivi par la société.

==> Conditions de validité

La validité de l’objet social est subordonnée à la satisfaction de deux conditions :

À défaut de respect de l’une de ces conditions, la société encourt la nullité

a) La détermination de l’objet social

L’exigence de détermination de l’objet social suppose qu’il soit précisé dans les statuts et qu’il soit possible.

b) La licéité de l’objet social

B) La nullité résultant de la violation d’une disposition spéciale qui régit le contrat de société

Aux termes de l’article 1832 du Code civil :

« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.

Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne.

Les associés s’engagent à contribuer aux pertes. »

Il ressort de cette disposition que la validité d’une société est subordonnée à la réunion de trois éléments constitutifs :

  1. La pluralité d’associés

La condition tenant à la pluralité d’associés doit être envisagée :

==> Lors de la constitution de la société

==> Au cours de la vie sociale

La condition tenant à la pluralité d’associé doit être remplie, tant lors de la constitution de la société qu’au cours de la vie sociale.

Aussi, cela signifie-t-il que dans l’hypothèse où, au cours de la vie social, le seuil du nombre d’associés fixé par la loi n’est plus atteint, soit en raison du décès d’un associé, soit en raison du retrait d’un ou plusieurs associés, la société devrait être dissoute.

Bien qu’il s’agisse là d’un principe que l’on peut aisément déduire de l’article 1832 du Code civil, tel n’est cependant pas la règle instaurée par l’article 1844-5 du Code civil, lequel a posé comme principe, la survie – temporaire – de la société en cas de « réunion de toutes les parts en une seule main ».

L’article 1844-5 du Code civil dispose en effet que « La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n’entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. »

 Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

Deux issues sont envisageables lorsque l’hypothèse de réunion de toutes les parts en une seule main se produit :

2. La constitution d’apports

Conformément à l’article 1832 du Code civil, les associés ont l’obligation « d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie », soit de constituer des apports à la faveur de la société.

La mise en commun d’apports par les associés traduit leur volonté de s’associer et plus encore d’œuvrer au développement d’une entreprise commune.

Aussi, cela explique-t-il pourquoi la constitution d’un apport est exigée dans toutes les formes de sociétés, y compris les sociétés créées de fait (Cass. com. 8 janv. 1991) et les sociétés en participation (Cass. com. 7 juill. 1953).

==> Conditions générales tenant à l’objet de l’apport

Faits :

Demande :

Assignation de la société afin de faire reconnaître leurs droits

Procédure :

Dispositif de la décision rendue au fond:

Motivation des juges du fond:

Moyens des parties :

Problème de droit :

L’apport en industrie effectué par deux associés d’une société civile d’exploitation agricole est-il valable alors qu’il n’a pas expressément été prévu par les statuts ?

Solution de la Cour de cassation :

Par un arrêt du 14 décembre 2004, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les deux associés

La Cour de cassation condamne, en l’espèce l’idée que des apports en industrie puissent être effectués par des associés sans que le pacte social l’ait prévu : les parts d’industrie, comme les parts sociales doivent être expressément déterminées par les statuts.

En l’espèce, la chambre commerciale rappelle que ce formalisme procède d’une exigence légale posée à l’article 1835 du Code civil.

Dans cette perspective, pour la Cour de cassation il ne saurait y avoir d’apport valablement réalisé sans qu’il soit prévu dans les statuts.

Cette règle ne s’applique pas seulement aux apports en industrie. Elle vaut également pour les apports en numéraire et les apports en nature.

À défaut de précision dans les statuts de l’existence d’un apport ou de sa forme, l’associé ne saurait s’en prévaloir aux fins de revendiquer l’octroi de droits sociaux.

Quid dans l’hypothèse où la possibilité de réaliser un apport non prévu dans les statuts procède d’une délibération des associés ?

Pour mémoire, l’article 1854 du Code civil dispose que dans les sociétés civiles « les décisions peuvent encore résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte »

Or en l’espèce, comme le soutien le pourvoi, il y avait bien eu une décision de tous les associés tendant à reconnaître l’apport en industrie des deux requérants.

Dès lors, on pouvait légitimement se poser la question de savoir si cet accord unanime de tous les associés pouvait pallier le défaut de mention dans les statuts de la possibilité d’effectuer un apport en industrie.

Aussi, apparaît-il que la solution rendue par la Cour d’appel était loin d’être acquise. D’où le recours par la Cour de cassation a la formule « à bon droit » pour approuver la décision des juges du fond

La haute juridiction estime, en effet, que la décision résultant du consentement unanime des associés ne peut avoir pour effet de modifier les statuts que dans l’hypothèse où elle est formalisée dans un acte.

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser de manière très explicite que la modification des statuts ne peut « être établie pas tous moyens et se déduire du mode de fonctionnement de la société » (Cass. 1re civ., 21 mars 2000).

3. La participation aux résultats

Il ressort de l’article 1832 du Code civil que l’associé a vocation :

a) Le partage des bénéfices et des économies

Deux objectifs sont été assignés par la loi à la société :

Que doit-on entendre par bénéfices ?

La loi donne en donne plusieurs définitions :

En raison de leur trop grande spécificité, aucune de ces définitions légales des bénéfices ne permet de distinguer la société des autres groupements.

Pour ce faire, c’est vers la jurisprudence qu’il convient de se tourner.

Dans un célèbre arrêt Caisse rurale de la commune de Manigod c/ Administration de l’enregistrement rendu en date du 11 mars 1914, la Cour de cassation définit les bénéfices comme « tout gain pécuniaire ou tout gain matériel qui ajouterait à la fortune des intéressés ».

L’adoption d’une définition des bénéfices par la Cour de cassation procède, manifestement, d’une volonté de distinguer la société des autres groupements tels que :

==> L’inclusion des groupements d’intérêt économique dans le champ de la qualification de société

Bien que la définition des bénéfices posée par la Cour de cassation ait le mérite d’exister, elle n’en a pas moins été jugée trop restrictive.

En estimant que les bénéfices ne pouvaient consister qu’en un gain pécuniaire ou matériel, cette définition implique que les groupements qui se sont constitués en vue, non pas de réaliser un profit, mais de générer des économies sont privés de la possibilité d’adopter une forme sociale.

Or la structure sociétaire présente de très nombreux avantages.

Aussi, afin de permettre aux groupements d’intérêt économique, dont l’objet est la réalisation d’économies, de se constituer en société, le législateur a-t-il décidé d’intervenir.

La loi du 4 janvier 1978 a, de la sorte, modifié l’article 1832 du Code civil en précisant qu’une société peut être instituée « en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. »

Si, cet élargissement de la notion de société a permis aux groupements d’intérêt économique d’adopter une forme sociale, il a corrélativement contribué à flouer la distinction entre les sociétés et les groupements dont le but est autre que la réalisation de bénéfices.

Ainsi, la frontière entre les sociétés et les associations est parfois difficile à déterminer.

==> L’exclusion des associations du champ de la qualification de société

Quelle est la distinction entre une société et une association ?

La différence entre ces deux groupements tient à leur finalité.

Ainsi, le critère de la distinction entre la société et l’association est le partage des bénéfices.

Tandis que la société se constitue dans un but exclusivement lucratif, l’association se forme, en principe, dans un but non-lucratif

En apparence, ce critère ne semble pas soulever de difficultés. Sa mise est œuvre n’est, cependant, pas aussi aisée qu’il y paraît.

En effet, si l’on procède à une lecture attentive de la loi du 1er juillet 1901, il ressort de l’alinéa 1er que ce qui est interdit pour une association, ce n’est pas la réalisation de bénéfices, mais leur distribution entre ses membres.

Dans ces conditions, rien n’empêche une association de se constituer dans un but à vocation exclusivement lucrative.

Aussi, lorsque cette situation se rencontre, la différence entre l’association et la société est pour le moins ténue.

b) La contribution aux pertes

Aux termes de l’article 1832, al. 3 du Code civil, dans le cadre de la constitution d’une société « les associés s’engagent à contribuer aux pertes ».

Aussi, cela signifie-t-il que, en contrepartie de leur participation aux bénéfices et de l’économie réalisée, les associés sont tenus de contribuer aux pertes susceptibles d’être réalisées par la société.

Le respect de cette exigence est une condition de validité de la société.

L’obligation de contribution aux pertes pèse sur tous les associés quelle que soit la forme de la société.

==> Contribution aux pertes / Obligation à la dette

Contrairement à l’obligation à la dette dont la mise en œuvre s’effectue au cours de la vie sociale, la contribution aux pertes n’apparaît, sauf stipulation contraire, qu’au moment de la liquidation de la société.

En effet, pendant l’exercice social, les associés ne sont jamais tenus de contribuer aux pertes de la société. Ces pertes sont compensées par les revenus de la société.

Ce n’est que lorsque l’actif disponible de la société ne sera plus en mesure de couvrir son actif disponible (cession des paiements) que l’obligation de contribution aux pertes sera mise en œuvre.

Tant que la société n’est pas en liquidation, seule la société est tenue de supporter la charge de ces pertes.

 ==> Principe de contribution aux pertes

Quelle est l’étendue de l’obligation de contribution aux pertes ?

En toute hypothèse, chaque associé est tenu de contribuer aux pertes proportionnellement à la part du capital qu’il détient dans la société.

Toutefois, une répartition inégalitaire est admise à certaines conditions.

==> Répartition inégalitaire autorisée

L’article 1844-1, al. 1er du Code civil dispose que « la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l’associé qui n’a apporté que son industrie est égale à celle de l’associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire. »

Plusieurs enseignements ressortent de cette disposition :

==> Prohibition des clauses léonines

Aux termes de l’article 1844-1, al. 2 du Code civil « la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites ».

Trois interdictions ressortent de cette disposition qui prohibe ce que l’on appelle les clauses léonines, soit les stipulations qui attribueraient à un associé « la part du lion ».

En vertu de cette disposition sont ainsi prohibées les clauses qui :

La présence d’une clause léonine dans les statuts n’est pas une cause de nullité de la société. La stipulation est seulement réputée non-écrite, de sorte que le partage des bénéfices et des pertes devra s’opérer proportionnellement aux apports des associés.

4. L’affectio societatis

La validité du contrat de société n’est pas seulement subordonnée par l’existence du consentement des associés à l’acte constitutif du groupement qu’ils entendent instituer, elle suppose encore que ces derniers soient animés par la volonté de s’associer. Cette exigence est qualifiée, plus couramment, d’affectio societatis.

==> Affectio societatis / Consentement

Contrairement à la condition tenant au consentement des associés qui est exigé au moment de la formation du contrat de société, l’affectio societatis doit exister :

Yves Guyon affirme en ce sens que l’affectio societatis est plus « que le consentement à un contrat instantané. Elle s’apparenterait davantage au consentement au mariage, qui est non seulement la volonté de contracter l’union mais aussi celle de mener la vie conjugale »[1]

Aussi, si l’affectio societatis venait à disparaître au cours de la vie sociale, la société concernée encourrait la dissolution judiciaire pour mésentente, conformément à l’article 1844-7, 5° du Code civil (Cass. Com. 13 févr. 1996)

==> Définition

L’affectio societatis n’est défini par aucun texte, ni même visée à l’article 1832 du Code civil. Aussi, c’est à la doctrine et à la jurisprudence qu’est revenue la tâche d’en déterminer les contours.

Dans un arrêt du 9 avril 1996, la Cour de cassation a défini l’affectio societatis comme la « volonté non équivoque de tous les associés de collaborer ensemble et sur un pied d’égalité à la poursuite de l’œuvre commune » (Cass. com. 9 avr. 1996).

Bien que le contenu de la notion diffère d’une forme de société à l’autre, deux éléments principaux ressortent de cette définition :

==> Rôle de l’affectio societatis

L’affectio societatis remplit, grosso modo, deux fonctions distinctes. Il permet d’apprécier, d’une part, l’existence de la société et, d’autre part, la qualité d’associé.

==> La sanction du défaut d’affectio societatis

Dans la mesure où aucun texte ne vise expressément l’exigence d’affectio societatis quant à la validité du contrat de société, on est légitimement en droit de s’interroger sur sa sanction.

Conformément au principe « pas de nullité sans texte », le défaut d’affectio societatis ne devrait, en effet, jamais conduire le juge à prononcer la nullité de la société.

Qui plus est, la directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, ne prévoit pas que le défaut d’affectio societatis soit constitutif d’une cause de nullité.

Toutefois, les juridictions ont tendance à rattacher la condition tenant à l’affectio societatis à l’article 1832 du Code civil.

Aussi, est-ce, par exemple, en s’appuyant précisément sur ce texte que la chambre commerciale a jugé que la nullité prononcée par une Cour d’appel à l’encontre d’une société en raison de l’absence d’affectio societatis entre les associés était bien fondée (Cass. com., 15 mai 2007).

C) La nullité résultant de la violation d’une disposition expresse du Livre II du Code de commerce

Aux termes de l’article L. 235-1 du Code de commerce « la nullité d’une société ou d’un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats».

La question qui alors immédiatement se pose est de savoir quelles sont les causes de nullité prévues par le Livre II du Code de commerce.

À l’examen, ledit livre ne vise expressément qu’une seule cause de nullité, une seconde cause étant néanmoins débattue par la doctrine

==> Le défaut d’accomplissement des formalités de publicité relatives aux sociétés en nom collectif et en commandite simple

Aux termes de l’article L. 235-2 du Code de commerce prévoit en ce sens que « dans les sociétés en nom collectif et en commandite simple, l’accomplissement des formalités de publicité est requis à peine de nullité de la société, de l’acte ou de la délibération, selon les cas, sans que les associés et la société puissent se prévaloir, à l’égard des tiers, de cette cause de nullité. Toutefois, le tribunal a la faculté de ne pas prononcer la nullité encourue, si aucune fraude n’est constatée. »

Ainsi, dans les sociétés en nom collectif et en commandite simple l’accomplissement des formalités de publicité est exigé à peine de nullité.

En pratique, il s’agira là néanmoins d’une cause de nullité exceptionnelle, dans la mesure où le greffe du Tribunal de commerce vérifiera, systématiquement, avant toute immatriculation de la société, que les formalités requises ont bien été accomplies.

La cause de nullité prévue à l’article L. 235-2 du Code de commerce n’est donc qu’un cas d’école.

Le juge est-il tenu de prononcé la nullité dès lors qu’il constate le défaut d’accomplissement des formalités de publicité ou s’agit-il d’une simple faculté ?

Il apparaît que l’article L. 235-2 du Code de commerce n’oblige en rien le juge à prononcer la nullité. Il lui laisse un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de prononcer la nullité de la société.

Conformément à l’article L. 210-7 du Code de commerce, cette cause de nullité est susceptible de faire l’objet d’une régularisation

==> L’absence de tenue d’une assemblée constitutive pour les sociétés faisant appel public à l’épargne

Aux termes de l’article L. 225-8, al. 3 et 4 du Code de commerce :

« L’assemblée générale constitutive statue sur l’évaluation des apports en nature et l’octroi d’avantages particuliers. Elle ne peut les réduire qu’à l’unanimité de tous les souscripteurs.

À défaut d’approbation expresse des apporteurs et des bénéficiaires d’avantages particuliers, mentionnée au procès-verbal, la société n’est pas constituée. »

Toute la question est alors de savoir que doit-on entendre par « la société n’est pas constituée » ?

Est-ce une cause de nullité qui est instituée par ce texte ? Cependant, une société qui n’est pas constituée n’est pas nulle pour autant. Car une société nulle, est une société qui a bien été constituée mais dont l’acte constitutif est entaché d’une irrégularité.

D) La nullité fondée sur la théorie de la fraude

Quelle sanction adopter, lorsqu’une société est constituée dans un but frauduleux ?

  1. Exposé de la problématique

Cette hypothèse se rencontrera

Conformément au principe général du droit fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt tout), on pourrait estimer que la constitution d’une société dans un but frauduleux est sanctionnée par la nullité.

Cependant, aucun texte du Code civil, ni du Code de commerce ne vise la fraude comme cause de nullité. Or il ne saurait y avoir de nullité sans texte.

Reste néanmoins que lorsqu’une société est constituée dans un but frauduleux, on pourrait estimer que la cause du contrat de société est illicite.

Aussi, pourrait-on faire application du nouvel article 1162 du Code civil qui prévoit que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. ».

Dans ces conditions, rien n’empêche que la fraude puisse être sanctionnée par la nullité sur le fondement du droit commun des contrats. Cette solution aurait indéniablement le mérite de fournir un support textuel à la nullité de la société fondée sur la fraude.

2. Position de la jurisprudence

Si, dans un premier temps, la jurisprudence était plutôt opposée à prononcer la nullité constituée dans un but frauduleux, dans un second temps elle a finalement admis que la fraude puisse être une cause nullité.

Qui plus est, la Cour de cassation est passée d’une conception subjective, à une conception objective de la fraude, facilitant alors l’action en nullité fondée sur la fraude.

==> Première étape : la conception subjective de la fraude

Dans un arrêt Demuth du 28 janvier 1992, la Cour de cassation a admis pour la première fois qu’une société qui avait été constituée dans un but frauduleux puisse être annulée (Cass. com., 28 janv. 1992)

Faits :

Demande :

Procédure :

« Les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité. Ils ne peuvent, sans leur conjoint, percevoir les capitaux provenant de telles opérations »

Problème de droit :

La question qui se posait ici était de savoir une société qui avait été créée en vue de frauder les droits de l’épouse d’un des associés peut être annulée

Solution de la Cour de cassation :

Sens de l’arrêt:

Valeur de l’arrêt

==> Deuxième étape : la conception objective de la fraude

Dans un arrêt du 7 octobre 1998, la Cour de cassation est passée d’une conception subjective de la fraude à une conception objective estimant que « un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat » (Cass. 1ère civ. 7 oct. 1998).

Il ressort de cette décision qu’il n’est, désormais, plus nécessaire que tous les associés aient été touchés par la fraude que la société constituée dans un but frauduleux encourt la nullité.

==> La reconnaissance de la fraude comme principe général du droit européen

Dans un arrêt Centros du 9 mars 1999 et un arrêt Inspire Art du 30 septembre 2003, la CJUE a eu l’occasion d’affirmer que la fraude constituait une limite à la liberté d’établissement des sociétés.

Dans ces deux décisions, la fraude est érigée par la juridiction européenne comme un principe général de droit européen.

Dans l’arrêt Centros, la CJUE estime notamment que les États sont fondés à « prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l’égard de la société elle-même, le cas échéant en coopération avec l’État membre dans lequel elle est constituée, soit à l’égard des associés dont il serait établi qu’ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d’une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de l’État membre concerné. » (CJCE, 9 mars 1999, n° C-212/97)

Dans l’arrêt Inspire Art, le même raisonnement est tenu (CJCE, 30 sept. 2003, n° C-167/01).

Si, dès lors, la fraude est érigée au rang de principe général du droit européen, cela signifie qu’elle constitue une cause autonome de nullité.

La jurisprudence de la Cour de cassation en matière de nullité pour fraude ne serait donc pas contraire au droit européen.

E) La restriction des causes de nullité par le droit de l’Union européenne

==> Les causes de nullité en droit de l’Union européenne

Le Conseil de l’Union européenne a adopté le 9 mars 1968 une directive « tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 58 deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers » (directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968 )

L’objectif affiché par le législateur européen est, selon ses termes, « d’assurer la sécurité juridique dans les rapports entre la société et les tiers ainsi qu’entre les associés, de limiter les cas de nullité ainsi que l’effet rétroactif de la déclaration de nullité et de fixer un délai bref pour la tierce opposition à cette déclaration ».

Ainsi, la directive du 9 mars 1968 a été adoptée dans le dessein de réduire les causes de nullité des sociétés à la portion congrue.

Il peut être observé que ce texte ne concerne que les sociétés commerciales, de sorte que les sociétés de personne sont exclues de son champ d’application.

Aussi, l’article 11 de ce texte énonce que :

« La législation des États membres ne peut organiser le régime des nullités des sociétés que dans les conditions suivantes: 1. la nullité doit être prononcée par décision judiciaire;

les seuls cas dans lesquels la nullité peut être prononcée sont:

a) le défaut d’acte constitutif ou l’inobservation, soit des formalités de contrôle préventif, soit de la forme authentique;

b) le caractère illicite ou contraire à l’ordre public de l’objet de la société;

c) l’absence, dans l’acte constitutif ou dans les statuts, de toute indication au sujet soit de la dénomination de la société, soit des apports, soit du montant du capital souscrit, soit de l’objet social;

d) l’inobservation des dispositions de la législation nationale relatives à la libération minimale du capital social;

e) l’incapacité de tous les associés fondateurs;f) le fait que, contrairement à la législation nationale régissant la société, le nombre des associés fondateurs est inférieur à deux.

En dehors de ces cas de nullité, les sociétés ne sont soumises à aucune cause d’inexistence, de nullité absolue, de nullité relative ou d’annulabilité »

==> Confrontation avec les causes de nullité en droit interne

Pour mémoire, en droit interne, deux textes énoncent les causes de nullités encourues par une société :

Il ressort de la combinaison de ces deux articles que la nullité d’une société peut résulter:

À l’examen, il ressort de la confrontation du droit interne et du droit de l’Union européenne, que de nombreuses causes de nullité édictées en droit français ne sont pas prévues par l’article 11 de la directive du 9 mars 1968.

Arrêt Marleasing

(CJCE, 13 nov. 1990)

Dans un arrêt du 13 novembre 1990, la Cour de justice de l’Union européenne a été conduite à se prononcer sur l’interprétation à donner de l’article 11 de la directive du 9 mars 1968 qui restreint les causes de nullité des sociétés.
1 Par ordonnance du 13 mars 1989, parvenue à la Cour le 3 avril suivant, le juge de première instance et d’ instruction n° 1 d’ Oviedo a posé, en vertu de l’ article 177 du traité CEE, une question préjudicielle concernant l’ interprétation de l’ article 11 de la directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’ article 58, deuxième alinéa, du traité CEE pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers ( JO L 65, p . 8 ).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’ un litige opposant la société Marleasing SA, la requérante au principal, à un certain nombre de défenderesses au nombre desquelles figure La Comercial Internacional de Alimentación SA ( ci-après : “La Comercial “). Cette dernière a été constituée sous la forme d’ une société anonyme par trois personnes, parmi lesquelles se trouve la société Barviesa, qui a fait apport de son patrimoine .
3 Il résulte des motifs de l’ ordonnance de renvoi que Marleasing a conclu à titre principal, sur la base des articles 1261 et 1275 du code civil espagnol, qui privent de tout effet juridique les contrats sans cause ou dont la cause est illicite, à l’ annulation du contrat de société instituant La Comercial, au motif que la constitution de cette dernière serait dépourvue de cause juridique, entachée de simulation et serait intervenue en fraude des droits des créanciers de la société Barviesa, cofondatrice de la défenderesse . La Commercial a conclu au rejet intégral de la demande en invoquant, notamment, le fait que la directive 68/151, précitée, dont l’ article 11 dresse la liste limitative des cas de nullité des sociétés anonymes, ne fait pas figurer l’ absence de cause juridique parmi ces cas .
4 La juridiction nationale a rappelé que, conformément à l’ article 395 de l’ acte relatif aux conditions d’ adhésion du royaume d’ Espagne et de la République portugaise aux Communautés européennes ( JO 1985, L 302, p . 23 ), le royaume d’ Espagne était tenu de mettre la directive en vigueur dès son adhésion, transposition qui n’ avait pas encore eu lieu au jour de l’ ordonnance de renvoi . Considérant donc que le litige soulevait un problème d’ interprétation du droit communautaire, la juridiction nationale a posé à la Cour la question suivante :
“L’ article 11 de la directive 68/151/CEE du Conseil du 9 mars 1968, qui n’a pas été mise en œuvre dans le droit interne, est-il directement applicable pour empêcher la déclaration de nullité d’une société anonyme pour une cause autre que celles énumérées à l’article précité ?”
5 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure et des observations présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d’audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .
6 Sur la question de savoir si un particulier peut se prévaloir de la directive à l’encontre d’une loi nationale, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et, par conséquent, la disposition d’une directive ne peut pas être invoquée en tant que telle à l’encontre d’une telle personne ( arrêt du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec . p . 723 ).
7 Il ressort, toutefois, du dossier que la juridiction nationale vise, en substance, à savoir si le juge national qui est saisi d’un litige dans une matière entrant dans le domaine d’application de la directive 68/151, précitée, est tenu d’interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de cette directive, afin d’empêcher la déclaration de nullité d’une société anonyme pour une cause autre que celles énumérées à son article 11 .
8 En vue de répondre à cette question, il convient de rappeler que, comme la Cour l’ a précisé dans son arrêt du 10 avril 1984, Von Colson et Kamann, point 26 ( 14/83, Rec . p . 1891, l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l’article 5 du traité, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles. Il s’ensuit qu’en appliquant le droit national, qu’il s’agisse de dispositions antérieures ou postérieures à la directive, la juridiction nationale appelée à l’interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l’article 189, troisième alinéa, du traité .
9 Il s’ensuit que l’exigence d’une interprétation du droit national conforme à l’article 11 de la directive 68/151, précitée, interdit d’interpréter les dispositions du droit national relatives aux sociétés anonymes d’une manière telle que la nullité d’une société anonyme puisse être prononcée pour des motifs autres que ceux qui sont limitativement énoncés à l’article 11 de la directive en cause .
10 En ce qui concerne l’ interprétation à donner à l’ article 11 de la directive, et notamment son paragraphe 2, sous b ), il y a lieu de constater que cette disposition interdit aux législations des États membres de prévoir une annulation judiciaire en dehors des cas limitativement énoncés dans la directive, parmi lesquels figure le caractère illicite ou contraire à l’ ordre public de l’ objet de la société .
11 Selon la Commission, l’expression “l’objet de la société” doit être interprétée en ce sens qu’elle vise exclusivement l’objet de la société, tel qu’il est décrit dans l’acte de constitution ou dans les statuts. Il s’ensuivrait que la déclaration de nullité d’une société ne pourrait pas résulter de l’activité qu’elle poursuit effectivement, telle que, par exemple, spolier les créanciers des fondateurs.
12 Cette thèse doit être retenue. Ainsi qu’il ressort du préambule de la directive 65/151, précitée, son but était de limiter les cas de nullité et l’effet rétroactif de la déclaration de nullité afin d’assurer la “sécurité juridique dans les rapports entre la société et les tiers ainsi qu’entre les associés” ( sixième considérant ). De plus, la protection des tiers “doit être assurée par des dispositions limitant, autant que possible, les causes de non-validité des engagements pris au nom de la société “. Il s’ensuit, dès lors, que chaque motif de nullité prévu par l’article 11 de la directive est d’interprétation stricte. Dans de telles circonstances, les mots “l’objet de la société” doivent être compris comme se référant à l’objet de la société tel qu’il est décrit dans l’acte de constitution ou dans les statuts.
13 11 y a donc lieu de répondre à la question posée que le juge national qui est saisi d’un litige dans une matière entrant dans le domaine d’application de la directive 68/151 est tenu d’interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de cette directive, en vue d’empêcher la déclaration de nullité d’une société anonyme pour une cause autre que celles énumérées à son article 11 .

Faits :

Procédure :

Problème de droit :

Solution :

Deux enseignements peuvent être tirés de cette décision :

==> Réception de la jurisprudence Marleasing en droit français

Manifestement, la jurisprudence Marleasing a, dans un premier temps, été accueillie pour le moins fraîchement en droit interne, après quoi une période d’incertitude s’est installée en jurisprudence.

Deux décisions ont particulièrement retenu l’attention :

==> Le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation

Dans un arrêt du 10 novembre 2015, la Cour de cassation semble s’être ralliée à la position adoptée par la CJUE dans l’arrêt Marleasing.

La Cour de cassation affirme, en effet, « qu’il résulte des dispositions des articles 1833 et 1844-10 du code civil, qui doivent, en ce qui concerne les causes de nullité des sociétés à responsabilité limitée, être analysées à la lumière de l’article 11 de la directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, repris à l’article 12 de la directive 2009/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, tel qu’interprété par l’arrêt de la Cour de justice de l’union européenne du 13 novembre 1990, (Marleasing SA/Comercial Internacional de Alimentación SA, C-106/89) que la nullité d’une société tenant au caractère illicite ou contraire à l’ordre public de son objet doit s’entendre comme visant exclusivement l’objet de la société tel qu’il est décrit dans l’acte de constitution ou dans les statuts »

Faits :

Procédure :

Solution :

II) L’action en nullité

==> La titularité de l’action en nullité

Aux termes de l’article 31 du Code de procédure civil « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »

Ainsi, pour engager une action en nullité, cela suppose-t-il pour le requérant de justifier d’une qualité à agir.

Or en matière de nullité, la qualité à agir dépend de la nature de l’intérêt protégé par la règle sanctionnée par la nullité.

==> La prescription de l’action en nullité

Par exception à l’article 2224 du Code civil qui prévoit que l’action en nullité se prescrit par 5 ans, le délai de prescription est raccourci à 3 ans en matière de nullité de société

Les articles 1844-14 du Code civil et L. 235-9 du Code de commerce disposent en ce sens que « les actions en nullité de la société ou d’actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue. »

Quid du point de départ de la prescription lorsque l’irrégularité qui entache la constitution de la société persiste au cours de la vie sociale, tel que le défaut d’affectio societatis ou l’illicéité de l’objet social ?

Dans un arrêt remarqué du 20 novembre 2001, la Cour de cassation a estimé que « les actions en nullité de la société se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue » (Cass. 1ère civ., 20 nov. 2001)

Ainsi, la haute juridiction reproche à la Cour d’appel d’avoir jugé que « s’agissant d’une nullité permanente, seule la disparition de la cause de celle-ci, soit la reconstitution d’une affectio societatis fait courir la prescription de trois ans de l’article 1844-14 du Code civil »

Pour la première chambre civile, le point de départ du délai de prescription n’est pas le jour de la disparition de la cause de nullité, mais au jour. Le délai court dès lors que la cause de nullité survient.

==> L’exception de nullité

Conformément à l’adage quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum, la nullité est toujours susceptible d’être opposée comme exception en défense à une action principale en exécution d’une obligation.

La Cour de cassation a notamment rappelé cette règle, applicable en matière de nullité de société, dans un arrêt du 20 novembre 1990 (Cass. com., 20 nov. 1990)

La chambre commerciale affirme en ce sens que « si l’action en nullité d’une délibération d’une assemblée générale prise en violation des statuts de la société est soumise à la prescription triennale instituée par l’article 1844-14 du Code civil, l’exception de nullité est perpétuelle ».

Dans un arrêt du 25 novembre 1998, la Cour de cassation réitère sa solution en affirmant que « la prescription d’une action en nullité n’éteint pas le droit d’opposer celle-ci comme exception en défense à une action principale » (Cass. 3e civ., 25 nov. 1998).

Dans un arrêt du 13 février 2007, la première chambre civile a néanmoins précisé que « l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté » (Cass. 1ère civ. 13 févr. 2007)

==> La régularisation de la nullité

Lors de l’élaboration du régime de nullité, le législateur ne s’est pas contenté de restreindre les causes de nullité, il a, en parallèle, considérablement facilité la régularisation des sociétés dont la constitution est entachée d’une irrégularité.

Deux cas de figure doivent être distingués :

==> Les effets de la nullité

[1] Y Guyon, Droit des affaires, tome 1 : Economica, 11e éd., 2002, n° 124, p. 127

[2] .P. Didier, « Brèves notes sur le contrat-organisation », in L’avenir du droit – Mélanges en hommage à F. Terré, Dalloz-PUF-Juris-classeur, 1999, p. 636.

[3] G. Ripert et R. Roblot par M. Germain, Traité de droit commercial, LGDJ, 17 éd. 1998, t.1, n°1051, p. 822.

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