Computation des délais de procédure
Maîtrisez les principes généraux de computation des délais : dies a quo, dies ad quem, prorogation légale et règles spécifiques aux différentes unités de temps.
I. Principes fondamentaux de la computation des délais
1Double finalité des délais procéduraux
Les délais de procédure civile poursuivent une double finalité impérative qui constitue le fondement de leur régime juridique :
- Garantir les droits de la défense : chaque partie doit disposer d'un temps suffisant pour préparer sa défense et exercer ses droits processuels dans des conditions respectueuses du principe du contradictoire
- Assurer la célérité de la justice : les délais contribuent à l'efficacité du service public de la justice en imposant un rythme procédural qui évite les lenteurs excessives
Cette dualité explique l'encadrement strict des délais par le Code de procédure civile, qui vise à concilier ces deux impératifs parfois antagonistes.
2Terminologie juridique essentielle
Un délai de procédure est une durée, exprimée en unités de temps (jours, mois ou années), qui court entre un dies a quo (point de départ) et un dies ad quem (échéance). Cette durée crée une règle juridique imposant d'accomplir un acte de procédure soit dans le délai (délai maximum), soit à l'expiration du délai (délai minimum).
Le dies a quo désigne le jour à compter duquel le délai commence à courir. Il s'agit du point initial de la computation, déterminé par l'acte, l'événement, la décision ou la notification qui déclenche le délai procédural.
Le dies ad quem correspond à la date d'expiration du délai. Il s'agit du dernier jour durant lequel l'acte de procédure peut valablement être accompli, sous peine de forclusion.
Un délai est qualifié de non franc lorsque la formalité ne peut être accomplie que jusqu'au jour d'expiration du délai, soit jusqu'au dies ad quem à vingt-quatre heures. Il s'agit désormais du principe en procédure civile.
Un délai est dit franc lorsque la formalité peut encore être valablement accomplie le lendemain du dies ad quem. Cette qualification, autrefois répandue, a été supprimée par le décret du 28 août 1972.
3Révolution du décret du 28 août 1972
Le décret du 28 août 1972 a opéré une réforme fondamentale en matière de computation des délais. Ce texte dispose expressément que « dans les textes en vigueur en matière civile, commerciale, sociale ou prud'homale, toutes les expressions ou indications tendant à conférer aux délais de procédure la qualité de délai franc sont supprimées ».
Conséquence majeure
Depuis cette réforme, tout délai prévu par un texte doit être considéré comme non franc, sauf disposition contraire expresse. Cette règle cardinale est désormais consacrée par l'article 642, alinéa 1er du Code de procédure civile.
Portée explicative de la suppression
Cette suppression mérite d'être explicitée : sous l'empire de l'ancien Code de procédure civile, un « délai franc » signifiait que ni le jour initial ni le jour final n'étaient comptés. Le décret de 1972 a unifié le système en posant désormais le principe selon lequel le jour de l'acte générateur ne compte pas (article 641, alinéa 1er), mais le délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures (article 642, alinéa 1er). Cette réforme a mis fin aux confusions entre délais « francs » et « non francs » qui existaient antérieurement.
4Principe d'expiration à vingt-quatre heures
L'article 642, alinéa 1er du Code de procédure civile énonce le principe fondamental : « Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures ».
Cette disposition signifie que l'acte de procédure peut être valablement accompli jusqu'au dernier instant du jour d'expiration, soit jusqu'à minuit. La partie conserve donc l'intégralité du dies ad quem pour procéder à la formalité requise.
5Mécanisme de prorogation légale
L'article 642, alinéa 2 du Code de procédure civile institue un mécanisme correcteur destiné à neutraliser les aléas calendaires : « Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ».
Illustration pratique
Situation : Un délai expire naturellement le samedi 15 mars.
Application de la prorogation : Le délai est automatiquement prorogé jusqu'au lundi 17 mars à vingt-quatre heures.
Justification : Cette prorogation évite que certains délais ne soient artificiellement réduits en raison de la survenance d'un jour non ouvrable.
Fondement conventionnel
La Cour de cassation a précisé que cette règle de prorogation, loin d'être une simple facilité procédurale, trouve son fondement dans l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant le droit d'accès au juge (Cass. 3e civ., 10 décembre 1985, n° 84-15.690). Elle s'applique automatiquement, sans qu'aucune diligence particulière ne soit requise du justiciable.
Prorogation maximale
La prorogation peut atteindre trois jours lorsqu'un jour férié tombe un vendredi ou un lundi, combiné avec le week-end. Par exemple, si le délai expire un jeudi et que le vendredi est férié, la prorogation s'étend jusqu'au lundi suivant.
6Exception : les délais à rebours
Les délais à rebours constituent une catégorie particulière qui déroge aux principes généraux. Ces délais courent à compter de la réalisation d'un événement futur et se calculent en remontant vers le passé.
Exemples caractéristiques : le délai de comparution, le délai de signification d'une assignation.
Régime jurisprudentiel spécifique
Première règle : Il s'agit toujours de délais francs, dont l'expiration intervient le lendemain du dernier jour du délai.
Seconde règle : Ces délais sont insusceptibles de prorogation. En cas d'expiration un samedi, la forclusion est acquise dès le vendredi à vingt-quatre heures.
Attention particulière
Le régime des délais à rebours échappe au mécanisme de prorogation de l'article 642, alinéa 2. Cette exception, d'origine jurisprudentielle, exige une vigilance accrue des praticiens.
II. Computation des délais exprimés en jours
ADétermination du point de départ (dies a quo)
Article 640 du Code de procédure civile
Le dies a quo est ainsi déterminé par quatre événements déclencheurs possibles :
- Un acte : la signification d'un exploit, le dépôt d'une requête
- Un événement : la survenance d'un fait juridique pertinent
- Une décision : le prononcé d'un jugement, la délivrance d'une ordonnance
- Une notification : la remise d'un acte par tout moyen légalement admis
Précision : délais de distance
Il convient de noter que les délais de distance ne s'appliquent pas à tous les actes de procédure. La jurisprudence constante exclut notamment leur application à la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation (Cass. 2e civ., 4 février 2021, n° 19-23.638), au motif que cet acte, loin de constituer un recours, s'inscrit dans la poursuite de l'instance conformément à l'article 631 du Code de procédure civile.
BRègle de non-computation du jour initial
Article 641, alinéa 1er du Code de procédure civile
Cette règle cardinale, connue sous l'adage « dies a quo non computatur in termino », signifie que le jour de l'événement déclencheur est neutralisé dans le calcul. Le délai commence à courir à zéro heure le lendemain de cet événement.
Application concrète
Hypothèse : Un jugement est signifié le mardi 10 mars et ouvre un délai d'appel de quinze jours.
Computation :
CDétermination du terme final (dies ad quem)
Méthode de calcul : Pour déterminer le dies ad quem, il convient d'ajouter au quantième du jour de l'événement déclencheur le nombre de jours que comprend le délai.
Exemple n° 1 : Expiration dans le même mois
Exemple n° 2 : Expiration dans le mois suivant
DApplication de la prorogation
Lorsque le dies ad quem tombe un samedi, dimanche ou jour férié, le délai est prorogé au premier jour ouvrable suivant (article 642, alinéa 2 CPC).
Illustration avec prorogation
III. Computation des délais exprimés en mois
APrincipe du même quantième
Article 641, alinéa 2 du Code de procédure civile
Le principe cardinal posé par cet article est celui du quantième identique : le délai expire au même quantième du mois final que celui du mois initial.
Exemple standard
BCas particulier : absence de quantième identique
Lorsque le mois d'expiration ne comporte pas de quantième identique à celui du jour initial, le délai expire le dernier jour du mois.
Cas du 29, 30 ou 31
CDélais mixtes (mois et jours)
Article 641, alinéa 3 du Code de procédure civile
Cette disposition impose une computation séquentielle : on procède d'abord au décompte des mois selon le principe du quantième identique, puis au décompte des jours selon les règles de l'article 641, alinéa 1er.
Exemple de computation mixte
Application pratique en saisie immobilière
Certains délais de procédure combinent plusieurs unités de temps (mois et jours). Cette règle trouve notamment application en matière de saisie immobilière (délai de paiement du prix : article R. 322-56 du Code des procédures civiles d'exécution).
Exemple pratique : Si une adjudication intervient le 1er janvier avec un délai de surenchère de 10 jours suivi d'un délai de paiement de 2 mois :
• Délai de surenchère : du 2 au 11 janvier (10 jours)
• Délai de 2 mois : du 12 janvier au 12 mars
• Si le 12 mars est un dimanche : prorogation au 13 mars (article 642, alinéa 2)
La règle de prorogation (article 642, alinéa 2) s'applique à chaque segment du délai mixte pris individuellement.
DAnnée bissextile et 29 février
Précaution particulière
Lorsqu'un délai débute le 29 février (année bissextile) et s'étend sur plusieurs mois, le délai expirera le 28 février de l'année suivante si celle-ci n'est pas bissextile.
Illustration
IV. Computation des délais exprimés en années
AApplication du principe du quantième identique
Les délais exprimés en années obéissent aux mêmes règles que les délais exprimés en mois (article 641, alinéa 2 CPC). Le délai expire au même quantième de la dernière année.
Exemple standard
BCas particulier du 29 février
Lorsqu'un délai débute un 29 février et qu'il doit expirer une ou plusieurs années plus tard, il faut vérifier si l'année d'expiration est bissextile.
Hypothèse : année d'expiration non bissextile
CProrogation et délais en années
Le mécanisme de prorogation de l'article 642, alinéa 2 s'applique également aux délais en années.
Application de la prorogation
DDomaines d'application
Les délais exprimés en années sont relativement rares en procédure civile contentieuse. On les rencontre principalement dans les domaines suivants :
- Tierce opposition : délai de trente ans pour former tierce opposition (article 583 CPC)
- Prescription des voies d'exécution : certains délais relatifs aux procédures d'exécution
- Radiation du rôle : délai de deux ans pour la péremption d'instance (article 386 CPC)
- Conservation des minutes : délais légaux imposés aux greffes et aux officiers ministériels
V. Textes fondamentaux et jurisprudence
§Textes fondamentaux
Article 640 du Code de procédure civile
Origine du délai
« Lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir. »
Article 641 du Code de procédure civile
Computation des délais
« Lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.
Lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. À défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.
Lorsqu'un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d'abord décomptés, puis les jours. »
Article 642 du Code de procédure civile
Expiration et prorogation des délais
« Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.
Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. »
Article 642-1 du Code de procédure civile
Champ d'application
« Les dispositions des articles 640 à 642 sont également applicables aux délais dans lesquels les inscriptions et autres formalités de publicité doivent être opérées. »
⚖Jurisprudence de la Cour de cassation
Cass. 2e civ., 12 juillet 2001, n° 00-17.329 – Importance des délais
Portée : La Cour de cassation rappelle l'importance fondamentale des délais de procédure, dont le non-respect entraîne la déchéance du droit d'agir. Cette décision souligne le caractère impératif des règles de computation.
Cass. 2e civ., 4 octobre 2001 – Impossibilité matérielle d'accomplir l'acte
Faits : Un justiciable invoque l'impossibilité matérielle d'accomplir un acte de procédure en raison de la fermeture du greffe, circonstance établie par constat d'huissier de justice.
Solution : La Cour de cassation juge que le plaideur dispose de la possibilité de régulariser l'acte le lendemain du jour d'expiration du délai.
Portée : Cette décision instaure une exception limitée au principe de l'article 641 du Code de procédure civile. Elle revient à raisonner de facto en délai franc lorsque l'impossibilité matérielle est démontrée.
Limite : Cette jurisprudence doit être maniée avec infinies précautions. Elle ne s'applique qu'aux hypothèses d'impossibilité matérielle rigoureusement établie et ne saurait constituer un principe général.
📜Texte historique : Décret du 28 août 1972
Décret n° 72-788 du 28 août 1972
Réforme fondamentale
« Dans les textes en vigueur en matière civile, commerciale, sociale ou prud'homale, toutes les expressions ou indications tendant à conférer aux délais de procédure la qualité de délai franc sont supprimées. »
Portée de la réforme :
- Suppression générale de la notion de délai franc en procédure civile
- Instauration du principe du délai non franc comme régime de droit commun
- Unification et simplification du régime de computation des délais
- Consolidation du principe d'expiration à vingt-quatre heures du dernier jour
🔄Actualisation et aide juridictionnelle
Mise à jour importante
Attention : Les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle ont été réformées par le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020. Ce texte a notamment modifié les modalités d'interruption des délais. L'ancien régime (décret du 19 décembre 1991) ne s'applique plus aux demandes d'aide juridictionnelle formées après le 1er janvier 2021.
📊Tableau synthétique des règles
| Type de délai | Base légale | Règle de computation | Prorogation |
|---|---|---|---|
| Délais en jours | Art. 640-641 CPC | Le jour initial ne compte pas. Expiration = quantième initial + nombre de jours |
Applicable (art. 642, al. 2) |
| Délais en mois | Art. 641, al. 2 CPC | Expiration au même quantième du mois final. Si quantième absent : dernier jour du mois |
Applicable (art. 642, al. 2) |
| Délais en années | Art. 641, al. 2 CPC | Même régime que les délais en mois. Expiration au même quantième de l'année finale |
Applicable (art. 642, al. 2) |
| Délais mixtes (mois et jours) |
Art. 641, al. 3 CPC | Computation séquentielle : 1) Décompte des mois 2) Puis décompte des jours |
Applicable (art. 642, al. 2) |
| Délais à rebours | Jurisprudence | Computation rétrograde depuis l'événement futur. Délai toujours franc |
Non applicable (forclusion dès le vendredi si expiration samedi) |
⚠️Points de vigilance pour les praticiens
Recommandations essentielles
- Anticipation systématique : Ne jamais attendre le dernier jour pour accomplir un acte de procédure
- Vérification calendaire : Toujours contrôler si le dies ad quem tombe un jour non ouvrable
- Prudence avec les délais à rebours : L'absence de prorogation exige une vigilance accrue
- Documentation de l'impossibilité matérielle : En cas de fermeture inopinée, établir immédiatement un constat d'huissier
- Attention aux délais mixtes : Bien respecter l'ordre de computation (mois puis jours)
- Cas du 29 février : Anticiper les difficultés liées aux années bissextiles
- Surveillance jurisprudentielle : Veiller aux évolutions en matière de dysfonctionnement du RPVA
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