La validité d’une clause d’exclusion ne dépend pas de sa nature (cause du sinistre, circonstances de survenance, comportement de l’assuré), mais de son respect des exigences de forme (art. L. 112-4 C. assur.) et de fond (art. L. 113-1 C. assur.) : formelle, limitée, très apparente. Aussi, trois grandes catégories peuvent être distinguées selon le fondement de l’exclusion : la cause du sinistre, les circonstances ou le lieu de sa réalisation, et le comportement de l’assuré.
==>Les exclusions fondées sur la cause du sinistre
L’article L. 113-1 du Code des assurances pose que « les exclusions conventionnelles de garantie doivent être formelles et limitées ». Cette exigence implique que la clause soit rédigée en des termes suffisamment précis pour ne pas prêter à interprétation, et qu’elle ne prive pas la garantie de son objet essentiel.
C’est dans ce cadre que la Cour de cassation exerce un contrôle de légalité strict. L’arrêt du 8 octobre 2009 en fournit une illustration marquante (Cass. 2e civ., 8 oct. 2009, n° 08-19.646).
Dans cette affaire, l’assureur avait opposé à l’assuré une exclusion rédigée de la manière suivante : « sont toujours exclus les dommages qui résultent, sauf cas de force majeure (…) de l’insuffisance, soit d’une réparation soit d’une modification indispensable, notamment à la suite d’une précédente manifestation d’un dommage, des locaux ou installations dont l’assuré est propriétaire ou occupant, plus généralement des biens assurés».
La cour d’appel, pour écarter la garantie, avait cru devoir interpréter cette stipulation au regard du comportement de l’assuré, considérant qu’il avait manqué de diligence après deux tentatives d’incendie, en ne mettant pas en œuvre les mesures de protection préconisées par les autorités.
La Cour de cassation censure ce raisonnement : en ce qu’elle nécessitait une interprétation pour déterminer sa portée, la clause litigieuse n’était pas formelle ; et en raison de son caractère trop général, elle ne pouvait pas non plus être considérée comme limitée. La Haute juridiction en conclut que l’arrêt d’appel a violé l’article L. 113-1.
Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt:
- D’une part, une exclusion qui renvoie à des notions vagues ou extensibles («insuffisance d’une réparation ou d’une modification indispensable », « plus généralement des biens assurés ») échoue au contrôle de formalisme, car elle impose au juge une interprétation pour en délimiter le champ ;
- D’autre part, une clause trop générale échoue également au critère de limitation, car elle est susceptible de vider la garantie de sa substance en couvrant une pluralité indéterminée de situations.
En creux, la Cour de cassation suggère ainsi ce qui fonde la validité des exclusions relatives à la cause du sinistre : elles doivent viser des hypothèses précises et objectivement identifiables. À titre d’exemple, la jurisprudence admet des clauses excluant les dommages consécutifs à une cause particulière, telle qu’une explosion d’explosifs (v. Cass. 1re civ., 6 janv. 1993, n° 89-20.730), dès lors que l’assuré peut identifier sans ambiguïté le risque écarté et que la garantie conserve son efficacité pour les autres événements.
À l’inverse des exclusions qui visent une cause déterminée et objectivement identifiable, sont réputées non écrites celles qui renvoient à des catégories trop générales, indéterminées ou dépourvues de bornes claires.
La Cour de cassation, sur le fondement de l’article L. 113-1 du Code des assurances, rappelle que les exclusions doivent être « formelles et limitées de façon à permettre à l’assuré de connaître exactement l’étendue de la garantie convenue ». L’exigence de formalisme proscrit les renvois à des notions vagues ou équivoques, tandis que l’exigence de limitation interdit les clauses susceptibles de vider la garantie de sa substance en raison de leur généralité excessive.
L’arrêt du 13 décembre 2012 illustre avec netteté cette exigence (Cass. 2e civ., 13 déc. 2012, n° 11-22.412). La Cour de cassation y censure une clause visant les « trombes, cyclones, inondations, tremblements de terre et autres phénomènes à caractère catastrophique », considérant qu’elle n’était ni formelle ni limitée : en se référant à une catégorie générale et indéterminée (« autres phénomènes à caractère catastrophique »), la clause ne permettait pas à l’assuré de connaître exactement l’étendue de la garantie.
Cet arrêt s’inscrit dans la ligne de celui du 8 octobre 2009 (Cass. 2e civ., 8 oct. 2009, n° 08-19.646), où la Haute juridiction avait déjà censuré une exclusion rédigée en termes trop vagues (« réparations ou modifications indispensables »), faute de précision suffisante. Dans les deux hypothèses, la Cour de cassation sanctionne la même dérive : l’emploi de formules générales qui confèrent à l’assureur une marge d’interprétation excessive et privent l’assuré d’une lecture claire et prévisible de sa couverture.
Cette jurisprudence met ainsi en lumière la fonction protectrice de l’article L. 113-1 du Code des assurances. En imposant que les exclusions soient formelles et limitées, le législateur confère à la Cour de cassation un rôle de gardien de l’intelligibilité contractuelle. La règle ne se borne pas à une exigence de style ou de technique rédactionnelle : elle traduit une exigence matérielle de prévisibilité de la couverture, corollaire de la sécurité juridique et de l’équilibre contractuel entre assureur et assuré.
Il ne s’agit pas seulement d’écarter les clauses rédigées en termes volontairement obscurs ou ambigus, mais plus largement d’empêcher toute rédaction qui, par son indétermination, autoriserait l’assureur à moduler a posteriori l’étendue de la garantie. La prohibition vise donc à éviter que l’assuré, confronté à des formules telles que « réparations ou modifications indispensables » (Cass. 2e civ., 8 oct. 2009, n° 08-19.646) ou « autres phénomènes à caractère catastrophique » (Cass. 2e civ., 13 déc. 2012, n° 11-22.412), se retrouve dans une situation de dépendance interprétative vis-à-vis de l’assureur.
La doctrine a justement souligné que cette ligne jurisprudentielle exprime un souci constant de préserver l’efficacité économique et sociale du contrat d’assurance. Un contrat dont les exclusions seraient rédigées en termes trop généraux manquerait à sa finalité première: offrir une protection effective contre des risques déterminés. À cet égard, la Cour de cassation impose un véritable contrôle de proportionnalité entre la liberté contractuelle de l’assureur et la nécessité de maintenir une couverture identifiable et exploitable par l’assuré.
Enfin, cette exigence contribue à distinguer les délimitations de l’objet du contrat – qui fixent positivement le périmètre de la garantie – des clauses d’exclusion – qui en retranchent certains événements. Les premières échappent à l’exigence de formalisme et de limitation, car elles définissent le risque assuré ; les secondes, en revanche, doivent se soumettre à ce double contrôle, faute de quoi elles sont réputées non écrites. La sanction est donc particulièrement rigoureuse : loin d’une simple nullité relative, c’est une véritable disparition de la clause du contrat, sans possibilité de régularisation, ce qui renforce son caractère d’ordre public de protection.
==>Les exclusions fondées sur les circonstances ou le lieu du sinistre
Lorsqu’elles sont précises, ces exclusions sont admises. Par exemple, une clause excluant « les dommages survenus hors des locaux déclarés situés à […] » opère une simple délimitation de la couverture, sans vider la garantie de sa substance (Cass. 1re civ., 6 janv. 1993, n° 89-20.730).
En revanche, une exclusion visant les dommages résultant d’un « défaut d’entretien » sans préciser de critères objectifs ou sans lister les hypothèses concernées est écartée comme imprécise et contraire à l’exigence de formalisme et de limitation (Cass. 2e civ., 12 déc. 2013, n° 12-29.862).
==>Les exclusions fondées sur le comportement de l’assuré
La Cour de cassation valide les exclusions qui se réfèrent à des critères légaux ou médicaux objectifs. Ainsi, une clause excluant « les conséquences d’un acte effectué dans un état d’imprégnation alcoolique caractérisé par un taux supérieur à la limite fixée par le code de la route » est jugée régulière, car elle s’appuie sur un seuil chiffré prévu par la loi (Cass. 2e civ., 25 oct. 2018, n° 17-31.296).
À l’inverse, une clause excluant « les dommages causés par l’inobservation des règles de l’art » est inopérante lorsque lesdites règles ne sont pas définies ni identifiées, l’assuré n’étant pas en mesure de connaître avec précision l’étendue de la garantie (Cass. 3e civ., 26 nov. 2003, n° 01-16.126).
Un garde-fou demeure en matière de responsabilité civile (art. L. 121-2 C. assur.). Même rédigée de manière précise, une clause qui aurait pour effet de moduler la couverture en fonction de la gravité d’une faute imputée à l’assuré ou à ses préposés est prohibée, car elle contreviendrait au principe légal selon lequel l’assureur est garant des dommages causés par les personnes dont l’assuré répond, quelles que soient la nature et la gravité de leurs fautes (Cass. 1re civ., 27 mai 1986, n° 84-16.420).
En revanche, une simple délimitation de l’objet du risque est admise, comme dans l’hypothèse d’une police de responsabilité civile excluant les dommages aux biens confiés : la couverture demeure effective pour les autres dommages et ne se trouve pas anéantie.
