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La formalisation du contrat d’assurance

Le contrat d’assurance se caractérise par une temporalité particulière : il ne se réduit pas à un accord instantané de volontés, mais se déploie dans une dynamique où l’exigence d’immédiateté de la couverture doit coexister avec les nécessités techniques de l’évaluation du risque. Cette tension entre urgence et prudence a conduit le législateur et la pratique à aménager un cadre juridique original, fondé sur deux instruments complémentaires : la note de couverture et la police d’assurance.

La note de couverture, document hybride et provisoire, permet de garantir sans délai un assuré en attente de la police définitive. Elle révèle, par sa souplesse et son efficacité immédiate, la spécificité assurantielle d’un droit qui accepte de déroger aux principes classiques du formalisme contractuel. À l’inverse, la police d’assurance, instrument définitif, concentre l’ensemble des exigences de protection du souscripteur et d’équilibre contractuel, par un formalisme rigoureux et un contenu détaillé.

L’étude conjointe de ces deux figures contractuelles met en lumière la dialectique fondamentale du droit des assurances : concilier la rapidité de l’action économique avec la sécurité juridique, offrir une protection effective tout en respectant les contraintes techniques d’une opération fondée sur la mutualisation et l’évaluation du risque.

1. Le contrat temporaire: la note de couverture

La formation du contrat d’assurance soulève une difficulté pratique majeure. Le candidat à l’assurance souhaite souvent bénéficier d’une protection immédiate, particulièrement lorsque l’urgence commande la mise en place d’une couverture sans délai. Parallèlement, l’assureur doit disposer du temps nécessaire à l’évaluation technique du risque, préalable indispensable à tout engagement responsable de sa part.

Cette opposition entre célérité et prudence trouve sa résolution dans un instrument juridique original : la note de couverture. Ni simple promesse ni contrat définitif, ce document hybride transcende les catégories traditionnelles du droit des contrats pour créer un espace juridique intermédiaire où peut s’épanouir une garantie provisoire.

L’originalité de cette construction ne réside pas seulement dans sa fonction pratique, mais dans sa capacité à révéler les spécificités profondes du contrat d’assurance. Là où le droit commun privilégie la stabilité des engagements, le droit des assurances admet la nécessité de solutions transitoires. Là où la théorie générale exige la complétude de l’accord contractuel, la technique assurantielle permet l’efficacité de conventions provisoires.

a. La notion de note de couverture

i. Définition et fonction

La note de couverture, parfois dénommée « lettre de garantie », « lettre de couverture » ou, dans le secteur mutualiste, « bulletin d’adhésion provisoire », constitue un document provisoire délivré par l’assureur ou son représentant pour constater l’existence d’une garantie avant l’établissement de la police d’assurance.

L’article L. 112-2, alinéa 4, du Code des assurances dispose que « seule la police ou la note de couverture constate [l’] engagement réciproque » des parties au contrat d’assurance. Cette formulation, qui place sur un pied d’égalité la police et la note de couverture, peut paraître quelque peu maladroite dans la mesure où elle occulte le caractère fondamentalement provisoire de cette dernière. Néanmoins, elle traduit la volonté du législateur de reconnaître pleinement l’efficacité juridique de ce document particulier.

Le caractère provisoire constitue l’essence même de la note de couverture. Cette précarité peut affecter soit l’instrumentum – le document n’étant destiné qu’à être remplacé par la police définitive – soit le negotium lui-même lorsque la garantie n’est accordée que pour une durée limitée en attendant l’examen complet du risque par l’assureur.

ii. Distinction avec les autres documents contractuels

==>La police d’assurance

La police d’assurance constitue le document contractuel définitif qui fixe de manière exhaustive les droits et obligations des parties. Soumise aux exigences formelles de l’article L. 112-3 du Code des assurances, elle doit comporter un ensemble de mentions obligatoires et respecter certaines conditions de présentation, notamment en ce qui concerne les clauses limitatives de droits qui doivent figurer « en caractères très apparents » selon l’article L. 112-4, alinéa 3.

À l’inverse, la note de couverture se caractérise par sa simplicité et sa souplesse formelle. Elle ne comporte que les éléments essentiels de la garantie et n’est soumise à aucun formalisme particulier. Cette différence de régime s’explique par la finalité distincte des deux documents : tandis que la police vise à organiser de manière complète et durable la relation contractuelle, la note de couverture répond à un besoin d’immédiateté qui justifie cette simplification.

==>L’attestation d’assurance

La distinction entre note de couverture et attestation d’assurance revêt une importance pratique considérable, bien que la jurisprudence ait parfois tendance à estomper les frontières entre ces deux catégories documentaires.

L’attestation d’assurance constitue un document purement probatoire destiné à permettre à l’assuré de justifier auprès des tiers qu’il a satisfait à une obligation d’assurance, qu’elle soit légale ou contractuelle. Sa fonction est exclusivement déclarative : elle constate l’existence d’un contrat préexistant sans créer d’engagement nouveau. Comme l’a précisé la Cour de cassation, l’attestation d’assurance « n’emporte aucun engagement de l’assureur envers l’assuré » et « est destinée à l’information des tiers » (Cass. 1re civ., 26 mai 1990).

En revanche, la note de couverture présente un caractère constitutif : elle matérialise l’engagement de l’assureur et délimite le contenu de la garantie accordée. Cette différence fondamentale explique que les deux documents n’aient pas la même efficacité probatoire dans les rapports entre assureur et assuré.

Toutefois, la jurisprudence a développé une approche pragmatique qui privilégie la substance sur la forme. Ainsi, un document initialement qualifié d’attestation peut être requalifié en note de couverture dès lors qu’il comporte suffisamment de précisions sur la nature et l’étendue de la garantie. La Cour de cassation a ainsi jugé qu’une attestation mentionnant les éléments essentiels du contrat vaut note de couverture qui constate l’engagement réciproque de l’assuré et de l’assureur (Cass. 2e civ., 14 déc. 2017, n° 16-24.311).

Cette jurisprudence de requalification, bien qu’elle puisse paraître favorable à l’assuré, n’est pas sans susciter des critiques doctrinales. Elle peut en effet conduire à une certaine insécurité juridique en rendant imprévisible le régime applicable au document litigieux. La chambre commerciale de la Cour de cassation adopte d’ailleurs une position plus restrictive en considérant que « les certificats d’assurance ne peuvent prévaloir sur les conditions générales du contrat d’assurance auquel ils se réfèrent » (Cass. com., 14 nov. 2000, n° 97-22.699).

b. La nature de la note de couverture

La détermination de la nature juridique de la note de couverture constitue l’une des questions les plus délicates du droit des assurances. Cette difficulté résulte de la diversité des situations pratiques que recouvre cette appellation générique et de l’ambiguïté inhérente au caractère « provisoire » de ce document. La doctrine contemporaine s’accorde généralement pour distinguer deux hypothèses principales selon les intentions des parties au moment de la délivrance de la note, chacune correspondant à une logique juridique distincte.

i. La dualité des conceptions juridiques de la note de couverture

==>Première conception : la note de couverture, instrumentum provisoire d’un contrat définitif

Dans cette première conception, la note de couverture constitue un simple mode de preuve provisoire d’un contrat d’assurance définitivement formé. Les parties sont parvenues à un accord parfait sur tous les éléments essentiels du contrat – garanties, prime, durée, risques couverts – et la note n’a d’autre fonction que de constater cet accord dans l’attente de l’établissement de la police définitive.

Cette analyse, qui correspond à l’interprétation privilégiée par l’article L. 112-2, alinéa 4, du Code des assurances, repose sur l’idée que le contrat d’assurance existe pleinement dans sa substance juridique. Seule sa matérialisation documentaire demeure incomplète, justifiant l’établissement ultérieur d’une police plus détaillée. La note de couverture joue alors le rôle d’un « acte de naissance » du contrat, en attendant l’établissement de son « acte d’état civil» définitif.

Cette qualification emporte des conséquences juridiques majeures. L’assureur est engagé pour toute la durée du contrat d’assurance, telle qu’elle a été convenue entre les parties, et non pas seulement pour la période mentionnée dans la note de couverture. L’assuré peut se voir opposer l’ensemble des stipulations contractuelles, y compris celles qui ne figurent pas expressément dans la note de couverture, sous réserve toutefois qu’il en ait eu connaissance au moment de la formation du contrat. Le contrat étant définitivement formé, l’ensemble des règles relatives à l’exécution, à la modification ou à la résiliation du contrat d’assurance trouve à s’appliquer selon les modalités de droit commun.

La jurisprudence a dégagé plusieurs indices permettant de caractériser cette première conception. Le plus significatif réside dans l’inadéquation entre le montant de la prime réclamée et la durée apparente de la garantie mentionnée dans la note. Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle jugé que cette qualification peut résulter de diverses circonstances, notamment du fait que l’assureur a réclamé une prime d’un montant supérieur à celui correspondant à la durée de garantie prévue dans la note (Cass. 1re civ., 15 févr. 1978), bien que cette circonstance ne soit « pas toujours décisive » (Cass. 1re civ., 3 juill. 2001, n°98-20.384).

==>Seconde conception : la note de couverture, negotium autonome et temporaire

Dans cette seconde conception, la note de couverture constitue un avant-contrat autonome par rapport au contrat définitif éventuellement à venir. L’assureur ne l’a délivrée que pour une durée strictement limitée, le temps d’examiner complètement le risque qui lui est proposé et de prendre une décision définitive quant à son acceptation. Dans cette configuration, il n’existe pas encore d’accord définitif entre les parties sur les éléments du contrat d’assurance.

Cette qualification correspond davantage à un engagement unilatéral de l’assureur qu’à un véritable contrat bilatéral. Comme l’observe pertinemment la doctrine, la meilleure preuve qu’il ne s’agit pas systématiquement d’un contrat, mais d’un engagement unilatéral, réside dans le fait que le document de preuve qui en découle n’est revêtu de la signature que du seul assureur. Cette analyse souligne l’originalité de ce mécanisme qui permet à l’assureur d’octroyer gracieusement une garantie provisoire sans que le bénéficiaire soit nécessairement redevable d’une contrepartie.

Cette seconde qualification produit des effets juridiques sensiblement différents de la première. L’engagement de l’assureur est strictement circonscrit à la durée expressément prévue dans la note de couverture. À l’expiration de cette période, la garantie cesse automatiquement si l’assureur n’a pas donné son accord définitif pour la conclusion d’un contrat d’assurance. Le contenu de la garantie provisoire peut être différent de celui ultérieurement défini dans la police définitive, et les conditions générales d’une police ultérieure ne peuvent être opposées rétroactivement à l’assuré pour la période couverte par la note de couverture.

Cette conception trouve particulièrement à s’appliquer dans les hypothèses d’urgence où un candidat à l’assurance sollicite une garantie immédiate avant même que l’assureur ait pu procéder à un examen approfondi du risque.

L’arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 1999 (Cass. 1re civ., 9 nov. 1999, n° 97-14.252) illustre parfaitement cette logique. En l’espèce, la société candidate à l’assurance avait sollicité l’assurance incendie d’une discothèque nouvellement acquise auprès d’un agent d’assurance. Deux polices successives lui avaient été proposées par le mandataire de la compagnie d’assurance, les 1er décembre et 29 décembre 1992, « accompagnées d’un document précisant que la garantie était consentie aux conditions de chaque offre, pour une durée de 30 jours correspondant au délai fixé pour la signature de la police définitive ». Un sinistre s’étant produit le 13 janvier 1993, soit avant l’expiration du délai de 30 jours, l’assureur déniait l’existence d’un contrat d’assurance.

La Cour de cassation a précisé la portée juridique de ce type d’engagement temporaire en énonçant un principe fondamental : « lorsqu’une note de couverture, qui n’est soumise à aucune forme, est délivrée pour la durée du délai d’acceptation d’une offre tarifée d’assurance, elle engage l’assureur, dans les conditions de l’offre, jusqu’au terme fixé, indépendamment des négociations du contrat définitif ».

Cette formulation révèle plusieurs enseignements essentiels. D’abord, l’engagement de l’assureur est strictement circonscrit dans le temps : il court « jusqu’au terme fixé », ni plus ni moins. Ensuite, cet engagement demeure autonome par rapport aux négociations ultérieures : il produit ses effets « indépendamment des négociations du contrat définitif ». Enfin, la survenance d’un sinistre pendant cette période temporaire ouvre droit à garantie, «peu important que l’assuré ait discuté certaines des garanties proposées ».

L’arrêt précise également les conditions de mise en jeu de cette garantie temporaire. L’assureur s’était engagé à « couvrir provisoirement, pendant le délai fixé pour la signature de la police définitive, le risque incendie inhérent à la discothèque dans les conditions de son offre d’assurance », et ce « sans subordonner la prise d’effet de cette note de couverture au paiement de la fraction de prime exigée en cas d’acceptation de l’offre par l’assuré ». Cette dernière précision souligne que l’engagement unilatéral de l’assureur peut être gratuit, ne nécessitant aucune contrepartie immédiate de la part du candidat à l’assurance.

ii. Les critères de qualification et leur mise en œuvre

La détermination de la nature juridique de la note de couverture relève de l’appréciation souveraine des juges du fond qui doivent rechercher les intentions réelles des parties au moment de sa délivrance. Cette recherche s’appuie sur un faisceau d’indices convergents qui permettent de caractériser l’une ou l’autre des deux conceptions.

Les critères temporels constituent un premier élément déterminant. La durée de la garantie prévue et son rapport avec celle du contrat définitif envisagé permettent d’orienter la qualification. Une note prévoyant une garantie de quelques semaines orientera vers la conception de l’engagement autonome temporaire, tandis qu’une note ne mentionnant aucune limitation temporelle ou prévoyant une durée correspondant à une année d’assurance suggérera l’existence d’un contrat définitif.

Les critères financiers fournissent un indice objectif des intentions des parties. Le montant de la prime demandée et son adéquation avec la période expressément couverte révèlent la nature de l’engagement. Une prime correspondant à une période supérieure à celle mentionnée dans la note révélera l’existence d’un contrat définitif, tandis qu’une prime proportionnelle à la durée apparente de couverture suggérera un engagement temporaire autonome.

Les critères formels permettent d’apprécier le degré d’achèvement de l’accord des parties. La précision des engagements pris par l’assureur, l’existence ou non d’une date d’expiration expresse, et la référence ou non aux conditions générales de l’assureur constituent autant d’indices de la volonté des parties. Un document détaillé faisant référence aux conditions générales orientera vers la première conception, tandis qu’un engagement sommaire et autonome suggérera la seconde.

Enfin, les critères circonstanciels complètent cette analyse. Les conditions entourant la délivrance du document, notamment l’urgence de la situation, la complexité du risque à analyser, et les déclarations expresses des parties constituent autant d’éléments d’appréciation pour les juges. L’urgence et la complexité du risque militent généralement en faveur de la conception de l’engagement temporaire autonome.

c. La forme et le contenu de la note de couverture

i. L’absence de formalisme légal

L’un des traits les plus remarquables de la note de couverture réside dans l’absence totale de formalisme qui préside à son établissement. L’article L. 112-3, alinéa 6, du Code des assurances précise que les dispositions relatives à la forme des polices « ne font pas obstacle à ce que, même avant la délivrance de la police ou de l’avenant, l’assureur et l’assuré ne soient engagés l’un à l’égard de l’autre par la remise d’une note de couverture ».

Cette dérogation au formalisme ordinaire du contrat d’assurance traduit une intention délibérée : permettre l’octroi immédiat d’une garantie sans attendre l’accomplissement des formalités requises pour l’établissement de la police définitive. Là où l’article L. 112-3, alinéa 1er, exige que le contrat d’assurance soit « rédigé par écrit », la note de couverture échappe à cette exigence formelle. Cette liberté constitue la contrepartie logique de son caractère provisoire et répond aux impératifs de célérité qui caractérisent l’activité assurantielle.

La Cour de cassation a confirmé cette approche en rappelant de manière constante que « la remise d’une note de couverture n’est soumise à aucune condition de forme » (Cass. 1re civ., 6 oct. 1993, n°90-15.852). Cette jurisprudence, réitérée à de nombreuses reprises, témoigne de la volonté des juges de préserver la souplesse inhérente à cette institution.

A cet égard, la note de couverture peut revêtir les formes les plus variées : lettres missives, télégrammes, télex, ou tout autre support écrit. La jurisprudence a même admis que la note de couverture puisse « être constituée par tout type de manifestations écrites », pourvu qu’elle émane de l’assureur ou de son représentant et qu’elle marque « sans ambiguïté, l’acceptation – provisoire ou définitive, selon les cas – par l’assureur de l’offre du candidat à l’assurance ».

Plus remarquable encore, cette liberté s’étend jusqu’à la possibilité d’un accord purement verbal. La jurisprudence a en effet admis que la note de couverture constate et non pas donne existence à l’engagement réciproque des parties, de telle sorte qu’un accord verbal peut avoir effet (Cass. 1re civ., 23 juin 1969). Cette solution, qui peut surprendre au regard de l’exigence générale d’écrit en matière d’assurance, s’explique par la fonction particulière de la note de couverture qui vise à constater un engagement préexistant plutôt qu’à le créer.

La pratique contemporaine a enrichi cette panoplie en recourant aux moyens de communication modernes. Ainsi, la jurisprudence a-t-elle validé des notes de couverture transmises par téléphone (Cass. 1re civ., 14 janv. 1992, n°90-13.352) ou par télécopie (CA Dijon, 17 oct. 1996). Ces solutions témoignent de l’adaptation du droit des assurances aux évolutions technologiques et aux exigences de rapidité de la vie économique.

Toutefois, cette souplesse n’est pas sans contrepartie. L’usage du téléphone, bien qu’admis en principe, soulève des difficultés probatoires considérables, la preuve de l’accord pouvant s’avérer très difficilement rapportable. La télécopie présente l’avantage de délivrer un écrit qui engage son émetteur au même titre que celui qu’il confie, mais suppose que les utilisateurs aient conscience de la portée juridique de leurs échanges.

Cette liberté quant à la forme de la note de couverture  n’est pas absolue et connaît certaines limites inhérentes à la nature même de l’engagement contractuel. Pour qu’un document puisse être qualifié de note de couverture, il doit satisfaire à des exigences minimales de contenu et de précision. Comme l’ont souligné certains auteurs, l’aspect informel de la note de couverture constitue bien le piège de la facilité.

L’absence de forme ne saurait en effet justifier l’absence de substance. Le document doit permettre d’identifier avec certitude les éléments essentiels de l’engagement : nature de l’assurance, détermination du risque, montant des primes. À défaut, le prétendu accord risque de se heurter à l’indétermination de son objet, vice rédhibitoire en droit des contrats.

De même, l’absence de signature, bien qu’admise par la jurisprudence récente, ne dispense pas d’établir par d’autres moyens la réalité de l’engagement de l’assureur. Cette preuve peut résulter des circonstances de l’espèce, des échanges entre les parties, ou de tout autre élément permettant de caractériser l’intention de s’engager.

ii. Le contenu minimal requis

==>Les éléments essentiels de la note de couverture

Si la forme de la note de couverture demeure libre, son contenu ne saurait être arbitraire. Pour mériter cette qualification juridique et produire ses effets, le document doit comporter certaines mentions essentielles qui permettent de délimiter précisément l’engagement de l’assureur et de distinguer la note de couverture d’un simple projet ou d’une déclaration d’intention dépourvue de force obligatoire.

La jurisprudence a progressivement déterminé les éléments minimaux que doit contenir une note de couverture. Un arrêt de principe de la Cour de cassation a posé l’exigence selon laquelle doivent figurer « la nature de l’assurance, la détermination du risque et des primes » (Cass. 1re civ., 14 janv. 1992, n°90-13.352). Cette triple exigence se justifie pleinement: comment concevoir qu’un assureur puisse valablement s’engager sans que soient précisés l’objet, l’étendue et la contrepartie de son engagement ?

Cette approche a été confirmée et enrichie par la jurisprudence ultérieure. L’arrêt de la Cour de cassation du 6 octobre 1993 (Cass. 1re civ., 6 oct. 1993, n°90-15.852) illustre parfaitement cette évolution en opérant une requalification remarquable d’un document initialement présenté comme une simple attestation.

En l’espèce, des désordres étaient apparus sur un ensemble immobilier après des travaux d’isolation thermique utilisant un procédé spécifique. Le maître de l’ouvrage recherchait la garantie de l’assureur du fabricant du procédé, mais celui-ci opposait les limitations de sa police d’assurance qui ne garantissait la « bonne tenue » du procédé que pour les maisons individuelles et pour une durée de deux années seulement. Le demandeur se prévalait alors d’un « certificat d’assurance » daté du 15 décembre 1975, qui « ne faisait état d’aucune condition ou exclusion de garantie ».

La cour d’appel avait rejeté la demande en considérant que ce certificat « n’est qu’une attestation rédigée unilatéralement par un membre du personnel » de la compagnie d’assurance et que, « destinée seulement à l’information, cette attestation n’a aucune valeur contractuelle, la nature et l’étendue des engagements de l’assureur ne pouvant être définies que par le contrat d’assurance ».

La Cour de cassation a censuré cette décision en procédant à une requalification fondée sur l’analyse du contenu du document. Elle a relevé que « cette attestation, qui avait été établie au nom de l’assureur par l’agent général mandataire de cette compagnie, et qui précisait le nom de l’assuré, le numéro de la police déjà souscrite, l’objet, la nature et la durée de la garantie, constituait une note de couverture qui engageait l’assureur ».

Cette décision est riche d’enseignements pour la qualification des documents d’assurance. La Cour de cassation affirme d’abord un principe fondamental : peu importe qu’un document soit intitulé « certificat » ou « attestation », seuls comptent son contenu réel et les engagements qu’il révèle. En l’espèce, bien que le document fût présenté comme une simple attestation d’information, la Cour a retenu la qualification de note de couverture en raison des éléments précis qu’il contenait.

L’arrêt dresse ensuite la liste des mentions qui caractérisent une véritable note de couverture : l’identification nominative de l’assuré, la référence au numéro de police souscrite, et surtout une délimitation complète de la garantie (objet, nature et durée). Ces éléments permettent de distinguer une note de couverture créatrice d’obligations d’une simple attestation purement informative.

Enfin, la décision met l’accent sur un élément souvent négligé : la qualité de l’émetteur du document. Pour que celui-ci puisse engager l’assureur, il doit émaner d’une personne habilitée, en l’occurrence un « agent général mandataire » disposant du pouvoir de représentation de la compagnie. Cette exigence garantit que l’engagement soit juridiquement opposable à l’assureur.

Au-delà de ces éléments essentiels que doit contenir la note de couverture, certaines stipulations particulières revêtent une importance cruciale selon les circonstances et la nature juridique de l’engagement consenti.

Lorsque la note de couverture n’est destinée qu’à procurer une garantie temporaire autonome, la mention de la durée maximale de cette garantie s’avère indispensable. Cette exigence résulte directement de la jurisprudence qui pose le principe selon lequel, en l’absence de stipulation contraire, c’est à l’assureur qu’incombe la charge de prouver que la garantie a pris fin (Cass. 1re civ., 25 oct. 1994, n°92-18.447).

De même, lorsque la garantie est subordonnée au paiement effectif de la prime, cette condition doit être clairement stipulée. L’arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2021 (Cass. 3e civ., 20 oct. 2021, n°20-18.950) illustre cette problématique en validant l’usage de conditions résolutoires dans les notes de couverture.

En l’espèce, la société demanderesse avait confié des travaux de peinture à une entreprise qui « lui avait remis une note de couverture d’assurance datée du 7 juin 2006, émanant de la SMABTP et portant comme condition résolutoire l’encaissement effectif d’un chèque d’acompte sur les cotisations d’assurance ». Des désordres étant survenus, la société recherchait la garantie de l’assureur, qui soutenait que la condition résolutoire s’était réalisée faute d’encaissement du chèque d’acompte.

La question centrale portait sur la charge de la preuve de la réalisation de cette condition résolutoire. La demanderesse soutenait que « le débiteur obligé sous une condition résolutoire a la charge de prouver la réalisation de cette condition » et reprochait à la cour d’appel de s’être fondée sur « la seule affirmation de l’assureur ou, ce qui revient au même, sur celle d’un de ses préposés » pour établir le non-encaissement du chèque.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en précisant que « la preuve de la présentation et du non-paiement du chèque d’acompte, qui, s’agissant de faits juridiques, pouvait se faire par tous moyens, était rapportée par la production d’une attestation du service comptable de l’assureur auquel elle incombait ».

Cette décision apporte plusieurs enseignements significatifs. D’abord, elle confirme la validité des conditions résolutoires dans les notes de couverture, permettant aux assureurs de subordonner l’efficacité de la garantie à l’encaissement effectif des primes. Ensuite, elle établit que la preuve du non-encaissement d’un chèque, qui constitue un fait matériel, peut être rapportée par tous moyens de preuve et n’est pas soumise aux règles strictes de preuve des actes juridiques. Enfin, elle admet qu’une attestation du service comptable de l’assureur constitue un moyen de preuve suffisant, sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond.

==>La problématique de la signature

La question de savoir si l’assureur doit nécessairement signer la note de couverture a longtemps divisé la pratique et la jurisprudence, révélant un conflit entre les partisans d’une approche formaliste et ceux d’une conception plus souple.

Initialement, une réponse ministérielle avait semblé trancher en faveur du formalisme en posant que « la note de couverture, dont la forme n’est pas réglementée, est constituée par tout écrit signé par l’assureur et indiquant les éléments essentiels du contrat. Elle n’est pas signée par l’assuré » (JOAN Q, 24 sept. 1990). Cette position exigeait donc impérativement la signature de l’assureur, même si elle dispensait l’assuré de toute formalité.

Mais les tribunaux ont progressivement abandonné cette exigence rigide. Ils considèrent aujourd’hui qu’une note de couverture peut être parfaitement valable sans signature, pourvu que l’engagement de l’assureur soit établi par d’autres éléments : émission par une personne habilitée, précision du contenu, acceptation tacite ou expresse par les parties.

d. Les effets de la note de couverture

i. Les effets créateurs de droit de la note de couverture

==>La mise en œuvre immédiate de la garantie

La note de couverture produit un effet juridique essentiel : elle permet la mise en œuvre immédiate de la garantie d’assurance avant même l’établissement de la police définitive. Cet effet créateur de droit constitue la raison d’être de l’institution et explique son succès dans la pratique commerciale.

Dès sa remise, la note de couverture fait naître au profit du souscripteur un droit à garantie qui peut être invoqué en cas de survenance d’un sinistre. Comme l’énonce l’article L. 112-2, alinéa 4, du Code des assurances, « seule la police ou la note de couverture constate [l’] engagement réciproque » des parties, plaçant ainsi les deux documents sur un pied d’égalité quant à leurs effets juridiques.

Cette efficacité immédiate distingue fondamentalement la note de couverture de la simple attestation d’assurance qui ne fait que constater l’existence d’un contrat préexistant sans créer d’obligation nouvelle. La note de couverture, elle, génère un véritable droit à indemnisation qui s’impose à l’assureur dès sa délivrance.

==>L’étendue de la couverture selon la nature de l’engagement

L’étendue de la garantie accordée par la note de couverture varie selon la qualification juridique retenue. Cette différence de régime détermine concrètement les droits du souscripteur en cas de sinistre et conditionne la durée de l’engagement de l’assureur.

Lorsque la note constitue la preuve provisoire d’un contrat définitivement formé, l’assureur est engagé pour toute la durée contractuelle convenue, et non pas seulement pour la période mentionnée dans la note. Le souscripteur bénéficie alors de l’intégralité des garanties prévues au contrat, sous réserve de l’opposabilité des conditions générales dont il a eu connaissance.

Lorsque la note constitue un engagement autonome et temporaire, l’assureur n’est tenu que dans les limites strictes de cet engagement. La couverture cesse automatiquement à l’expiration du délai prévu, indépendamment de toute manifestation de volonté des parties. Comme l’a précisé la Cour de cassation, l’assureur s’engage alors « dans les conditions de l’offre, jusqu’au terme fixé, indépendamment des négociations du contrat définitif » (Cass. 1re civ., 9 nov. 1999, n° 97-14.252).

ii. Les obligations corrélatives des parties

La note de couverture fait naître des obligations réciproques qui s’imposent aux parties dès sa délivrance.

e. La portée de la note de couverture

i. Les règles générales d’opposabilité

==>Le principe de connaissance préalable

L’une des questions les plus délicates soulevées par la note de couverture concerne l’opposabilité à l’assuré des clauses contractuelles qui n’y figurent pas expressément. Cette problématique revêt une importance pratique considérable compte tenu du caractère nécessairement succinct de ce document.

Le principe général veut que l’assureur ne puisse opposer à l’assuré que les stipulations dont celui-ci a eu connaissance au moment de la conclusion du contrat. S’agissant de la note de couverture, cette règle connaît une application particulière selon la nature juridique qui lui est reconnue. En effet, les indications portées sur ce document sont nécessairement succinctes et se distinguent nettement de la police qui, dans ses conditions générales et éventuellement ses conditions spéciales, comporte de nombreuses stipulations.

Cette situation soulève une difficulté pratique : l’assureur peut-il se prévaloir de clauses d’exclusion de garantie ou d’autres stipulations restrictives qui ne figurent pas expressément dans la note de couverture ?

La jurisprudence a apporté une réponse nuancée, subordonnant leur opposabilité à la remise de ces clauses au preneur d’assurance.

ii. Les règles spéciales d’opposabilité

==>L’opposabilité des conditions générales

Pour résoudre le dilemme entre brièveté et information complète, la pratique a développé l’usage de clauses de référence aux conditions générales de l’assureur. Ces clauses permettent d’incorporer par renvoi l’ensemble des stipulations contractuelles sans les reproduire intégralement dans la note.

Concrètement, cette technique conduit à l’usage de clauses de référence par lesquelles la note de couverture mentionne les conditions générales types qui s’appliqueront au contrat et que le souscripteur reconnaît avoir reçues. Cette formule-type permet de concilier la brièveté nécessaire du document provisoire avec l’exhaustivité requise pour une information complète de l’assuré.

Toutefois, l’efficacité de ces clauses de référence demeure subordonnée à la condition que l’assuré ait effectivement eu connaissance des conditions générales visées. Il ne suffit pas de mentionner l’existence des conditions générales ; il faut pouvoir établir leur remise effective au souscripteur.

La doctrine a souligné que ces mentions doivent permettre la mise en jeu de la garantie dans le cas où un sinistre se réalise avant l’établissement de la police ou d’un avenant. Cette finalité pratique explique l’exigence de précision : les conditions essentielles de la garantie accordée doivent être suffisamment déterminées pour permettre une application effective en cas de besoin.

==>L’opposabilité des clauses limitatives de droits

Les clauses d’exclusion, de nullité et de déchéance font l’objet d’un traitement spécifique en raison du danger qu’elles présentent pour l’assuré. L’article L. 112-4, alinéa 3, du Code des assurances exige que de telles clauses soient mentionnées « en caractères très apparents » dans le contrat.

La jurisprudence a étendu cette protection à la note de couverture dans un arrêt de principe du 13 mai 1998 qui illustre parfaitement les enjeux pratiques de cette problématique (Cass. 1re civ., 13 mai 1998, n°96-14.369).

En l’espèce, le syndic d’un centre commercial avait demandé à un agent d’assurance de couvrir l’immeuble « dans les mêmes conditions qu’une précédente assurance qui venait d’être résiliée et qui garantissait en particulier le risque de “vandalisme” ». L’agent avait remis au syndic une note de couverture précisant que « les dommages et la responsabilité du centre commercial étaient assurés » auprès de la compagnie et de co-assureurs, « cette note de couverture ne faisant pas état d’une exclusion du risque de vandalisme ». Un sinistre consécutif à des actes de vandalisme étant survenu après la remise de la note, l’assureur refusait sa garantie en invoquant une exclusion figurant dans ses conditions générales mais non reproduite dans la note de couverture.

La Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir retenu que « l’assureur était engagé par cette note de couverture et devait prendre en charge un sinistre consécutif à des actes de vandalisme ». Cette solution consacre le principe selon lequel les exclusions ne figurant pas dans la note de couverture sont inopposables à l’assuré, même si elles figurent dans les conditions générales de l’assureur.

Cette décision s’inspire directement de l’article L. 112-4, alinéa 3, du Code des assurances et témoigne de la volonté de la Cour de cassation de maintenir un niveau de protection équivalent à celui offert par la police définitive. Elle impose aux assureurs une vigilance particulière dans la rédaction des notes de couverture : ils ne peuvent plus se contenter de mentionner de manière générale l’applicabilité de leurs conditions générales mais doivent reproduire expressément les clauses limitatives de droits qu’ils entendent opposer à l’assuré. Cette contrainte illustre la tension permanente entre la vocation de simplicité de la note de couverture et l’impératif de protection de l’assuré.

==>L’opposabilité de plein droit des règles impératives

À l’inverse du régime applicable aux clauses contractuelles, certaines dispositions légales s’appliquent de plein droit, indépendamment de leur mention dans la note de couverture et sans qu’aucune incorporation ne soit nécessaire. Il s’agit notamment des règles relatives aux sanctions en cas de fausse déclaration du risque (articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances) ou aux obligations de l’assuré en cas de sinistre.

Comme l’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 28 février 1980, les règles qui concernent les sanctions en cas de fausse déclaration du risque sont applicables à celui qui a reçu une note de couverture, même si la note demeure muette sur ce point (Cass. 1re civ., 28 févr. 1980). Cette solution se justifie par le caractère d’ordre public de ces dispositions qui s’imposent aux parties indépendamment de leur volonté.

f. La force probante de la note de couverture

Contrairement à l’attestation d’assurance qui ne constitue qu’une présomption simple de l’existence d’un contrat, la note de couverture jouit d’une véritable force probante qui lui confère une efficacité juridique propre. Cette différence s’explique par la nature constitutive, et non simplement déclarative, de la note de couverture.

L’article L. 112-2, alinéa 4, du Code des assurances dispose que « seule la police ou la note de couverture constate [l’] engagement réciproque » des parties. Cette formulation, qui place les deux documents sur un pied d’égalité du point de vue probatoire, témoigne de la pleine reconnaissance par le législateur de l’efficacité de la note de couverture.

Reste que la jurisprudence n’a pas toujours été unanime sur la force probante de la note de couverture, particulièrement lorsque celle-ci contredit partiellement les stipulations de la police. Ces hésitations témoignent de la difficulté à concilier les impératifs de protection de l’assuré et de sécurité juridique pour l’assureur.

En cas de contestation sur l’existence ou l’étendue de la garantie accordée par une note de couverture, la répartition de la charge de la preuve obéit aux règles de droit commun. Il appartient à celui qui se prévaut de l’existence d’une garantie d’en établir la réalité et les modalités.

Toutefois, la jurisprudence a développé certaines solutions spécifiques. Ainsi, lorsqu’aucune date d’expiration n’est stipulée dans une note de couverture temporaire, c’est à l’assureur qu’incombe la charge de prouver que la garantie a pris fin (Cass. 1re civ., 25 oct. 1994, n°92-15.857). Cette solution, qui peut paraître sévère pour l’assureur, s’explique par le fait que celui-ci est le mieux placé pour connaître les conditions de cessation de son engagement.

2. Le contrat définitif: la police d’assurance

La police d’assurance constitue le document écrit qui constate l’existence et fixe le contenu du contrat d’assurance. Aux termes de l’article L. 112-2, alinéa 4, du Code des assurances, elle matérialise la rencontre de volontés entre l’assureur et le souscripteur. Cette définition légale masque la complexité technique d’un instrument qui dépasse largement sa fonction probatoire.

Le contrat d’assurance met en présence un assureur professionnel et un souscripteur généralement profane. L’assureur maîtrise la technique assurantielle et rédige unilatéralement des clauses souvent complexes, tandis que le souscripteur adhère à un contrat dont il ne comprend pas tous les enjeux. Cette asymétrie d’information crée un déséquilibre structurel.

Le législateur a choisi de soumettre la police d’assurance à un régime juridique spécifique pour corriger ce déséquilibre. L’objectif est double : protéger le souscripteur contre les abus de la partie forte et assurer la lisibilité d’un instrument technique complexe.

Le régime juridique de la police répond à cette finalité protectrice. Il impose des contraintes de forme strictes (langue française, caractères apparents), un contenu obligatoire détaillé, des règles de preuve adaptées et des principes d’interprétation favorables à l’assuré. Ces dispositions forment un ensemble cohérent destiné à rééquilibrer la relation contractuelle.

a. Définition de la police d’assurance

L’article L. 112-2, alinéa 4, du Code des assurances définit la police d’assurance comme le document écrit qui matérialise la rencontre de volontés du souscripteur et de l’entreprise d’assurance. Cette définition légale impose de distinguer rigoureusement deux concepts souvent confondus dans le langage courant.

La « police » désigne l’instrumentum, c’est-à-dire le document matériel qui constate l’accord des parties. Le « contrat d’assurance » constitue le negotium, soit l’accord de volontés lui-même. Cette distinction, héritée du droit romain, revêt une importance pratique fondamentale : le contrat peut exister sans la police, mais la police ne peut exister sans le contrat.

Le terme « police » provient de l’italien polizza qui signifie « certificat ». Il constitue l’appellation technique propre au contrat d’assurance. Certains organismes d’assurance ont proposé de l’abandonner au profit du terme générique de « contrat », mais cette proposition s’avère juridiquement inexacte. Comme l’observent les auteurs, « on n’améliore pas une langue en l’appauvrissant ».

La doctrine québécoise illustre parfaitement cette orthodoxie terminologique : « Le contrat d’assurance est formé dès que l’assureur accepte la proposition du preneur » (art. 2398 C. civ. Q.) ; « La police est le document qui constate l’existence du contrat d’assurance » (art. 2399, al. 1er, C. civ. Q.).

b. Structure matérielle de la police d’assurance

i. Composition traditionnelle

Le Code des assurances ne détermine pas la présentation matérielle de la police d’assurance. Cette liberté a conduit les assureurs à concevoir un ensemble documentaire composite : plusieurs écrits distincts qui, réunis, forment un contrat unique.

Cette technique répond à une nécessité pratique. L’assureur doit concilier l’uniformité des règles applicables à tous les assurés d’une même catégorie avec la personnalisation nécessaire à chaque situation particulière.

==>Les conditions générales

Les conditions générales constituent l’ossature standardisée de la police. Pré-imprimées, elles sont remises à tous ceux qui souscrivent auprès de l’entreprise d’assurance un contrat couvrant un même risque ou un même ensemble de risques.

Ces conditions énoncent les clauses communes à tous les membres de la mutualité des assurés. Elles décrivent les garanties de base, fixent les exclusions générales, déterminent les plafonds d’indemnisation et précisent les règles de fonctionnement du contrat. Elles comportent également les obligations respectives des parties et les sanctions attachées à leur méconnaissance.

L’uniformisation qu’elles permettent présente un double avantage. D’une part, elle facilite la gestion administrative des contrats pour l’assureur. D’autre part, elle assure l’égalité de traitement entre les assurés confrontés à des risques similaires.

L’opposabilité des conditions générales à l’assuré suppose qu’il ait reconnu les avoir reçues. Cette reconnaissance résulte de la mention portée sur les conditions particulières que l’assuré a approuvée. La Cour de cassation a ainsi validé le raisonnement d’une cour d’appel qui avait « retenu que lors de la signature des conditions particulières, l’assurée avait reconnu avoir reçu le jour même un exemplaire des conditions générales qu’elle produisait d’ailleurs en original affirmant sans preuve l’avoir reçu postérieurement au sinistre en contradiction avec la mention portée sur les conditions particulières qu’elle a approuvée » (Cass. 1re civ., 1er avr. 2003, n°00-14.616).

L’assureur doit donc rapporter la preuve de cette remise par la production des conditions particulières signées comportant cette mention de réception. L’assuré ne peut ensuite contredire cette reconnaissance qu’en apportant la preuve de ses allégations contraires.

==>Les conditions particulières

Les conditions particulières constituent l’élément personnalisé du contrat d’assurance. Elles réalisent l’adaptation du contrat aux spécificités de chaque souscripteur et du risque qu’il présente.

A cet égard, ces conditions comportent tous les éléments variables du contrat. Elles identifient précisément les parties contractantes, décrivent le risque couvert dans ses particularités, fixent les montants des capitaux assurés et déterminent le niveau des franchises applicables. Elles précisent également le montant de la prime due et les modalités de son paiement.

Les conditions particulières peuvent déroger aux conditions générales pour tenir compte des spécificités du risque ou répondre aux souhaits particuliers de l’assuré. Cette faculté de dérogation illustre leur rôle central dans la personnalisation du contrat d’assurance. Elles permettent d’adapter les garanties standard aux besoins concrets de l’assuré, qu’il s’agisse d’extensions de garantie, de modifications des exclusions ou d’aménagements des obligations contractuelles.

Traditionnellement, les conditions particulières suivent d’assez près les mentions contenues dans la proposition d’assurance sur lesquelles l’accord s’est fait. Elles traduisent contractuellement les éléments déclarés par le souscripteur lors de la formation du contrat.

L’opposabilité des conditions particulières à l’assuré est subordonnée à leur signature par ce dernier. Cette règle découle directement de leur fonction d’individualisation : l’assuré doit avoir expressément consenti aux stipulations qui lui sont spécifiquement destinées.

La jurisprudence applique rigoureusement ce principe. La Cour de cassation a ainsi cassé un arrêt de la cour d’appel de Versailles qui avait admis l’opposabilité de conditions particulières non signées au motif que l’assuré avait versé les cotisations et ainsi «implicitement accepté les conditions émises par l’assureur ». Pour la Haute juridiction, cette analyse était erronée : « en l’absence de signature par l’assuré des conditions particulières, celles-ci ne lui étaient pas opposables et (…) seule la proposition d’assurance signée et exécutée par l’assuré faisait la loi des parties » (Cass. 2e civ., 3 juill. 2014, n°13-21.734).

Cette solution illustre le formalisme protecteur du droit des assurances. Le simple versement des cotisations ne saurait valoir acceptation des conditions particulières. Seule la signature manifeste un consentement exprès et éclairé aux stipulations individualisées.

L’absence de signature des conditions particulières produit des effets juridiques spécifiques. Ces conditions ne peuvent être opposées à l’assuré, qui ne peut donc se voir reprocher leur méconnaissance. En revanche, l’assureur ne peut invoquer les stipulations qu’elles contiennent, notamment les aménagements de garantie qui lui seraient favorables.

Dans cette hypothèse, seuls les documents effectivement signés par l’assuré font la loi des parties. Il s’agit principalement de la proposition d’assurance, dès lors qu’elle a été signée et exécutée par l’assuré. Cette règle protège l’assuré contre l’opposabilité de clauses auxquelles il n’aurait pas expressément consenti.

L’assureur a donc intérêt à s’assurer de la signature effective des conditions particulières par l’assuré. À défaut, il s’expose à ne pouvoir invoquer les stipulations qui y figurent, ce qui peut considérablement limiter ses moyens de défense en cas de litige.

Les conditions particulières jouent également un rôle dans l’opposabilité des conditions générales. Comme précédemment analysé, la reconnaissance par l’assuré d’avoir reçu les conditions générales peut résulter d’une mention portée sur les conditions particulières qu’il a approuvées. Cette technique permet à l’assureur de prouver la remise des conditions générales par le biais des conditions particulières signées.

Dès lors que l’assureur remet les conditions particulières et les conditions générales à l’assuré, celles-ci se substituent à la proposition d’assurance initiale. La Cour de cassation a ainsi validé le raisonnement d’une cour d’appel qui avait relevé « que la proposition d’assurance, souscrite par l’assurée, n’excluait pas l’application des conditions générales de la police pourvu que celles-ci aient été portées à la connaissance de l’assuré » et retenu « que l’assurée avait eu connaissance, par les conditions particulières du contrat, de la clause d’exclusion de garantie invoquée par l’assureur, figurant également dans les conditions générales applicables » (Cass. 1re civ., 27 janv. 2004, n° 01-00.284).

La remise de la police définitive remplace donc les documents provisoires de formation du contrat. Les conditions particulières et générales deviennent « la loi des parties » et s’imposent à l’assuré dès lors qu’elles lui ont été régulièrement communiquées.

==>Les conventions spéciales

Les conventions spéciales forment une troisième catégorie de documents contractuels. Elles sont apparues pour répondre aux besoins créés par les polices multirisques, qui couvrent plusieurs types de risques dans un même contrat. Elles occupent une position intermédiaire entre les conditions générales et les conditions particulières, répondant aux besoins de précision technique sans atteindre le niveau d’individualisation propre à ces dernières.

Ces conventions définissent les modalités spécifiques à chaque type de garantie offerte dans le cadre d’un contrat multirisques. Leur fonction consiste à préciser les conditions générales en les adaptant aux particularités techniques de chaque risque couvert.

Dans un contrat multirisques-habitation, les conventions spéciales détaillent séparément les conditions applicables à chaque garantie : incendie, vol, dégâts des eaux, bris de glaces, responsabilité civile. Chaque convention précise les modalités de mise en œuvre de la garantie concernée, ses exclusions particulières, les obligations spécifiques de l’assuré et les modalités d’indemnisation.

Cette spécialisation technique répond à une nécessité pratique. Les différents risques couverts par une police multirisques présentent des caractéristiques propres qui justifient des stipulations adaptées. Les conditions générales, trop générales par nature, ne peuvent appréhender ces spécificités techniques.

Les conventions spéciales se situent à un niveau de précision intermédiaire. Elles sont plus spécifiques que les conditions générales, qui énoncent les règles communes à toutes les garanties, mais demeurent plus générales que les conditions particulières, qui individualisent le contrat pour chaque assuré.

Cette position intermédiaire leur confère un rang spécifique dans la hiérarchie contractuelle. Elles prévalent sur les conditions générales qu’elles précisent ou complètent, mais cèdent devant les conditions particulières qui peuvent les aménager pour tenir compte de la situation particulière de l’assuré.

Les conventions spéciales sont généralement intégrées à la police sous forme d’intercalaires ou d’annexes. Contrairement aux conditions particulières, elles ne comportent habituellement pas la signature des parties. Cette présentation matérielle soulève des questions délicates quant à leur opposabilité à l’assuré.

La jurisprudence subordonne l’opposabilité des conventions spéciales à leur intégration effective dans la police d’assurance. Les intercalaires qui ne font pas corps avec la police peuvent être déclarés inopposables à l’assuré. La Cour de cassation a ainsi jugé inopposable une feuille volante, ni datée, ni signée, et sans aucune référence à la police (Cass. 1re civ., 18 janv. 1965). De même, un document dactylographié comportant une franchise a été déclaré inopposable, faute de signature de l’assuré (Cass. 1re civ., 4 juin 1996).

Pour être opposables à l’assuré, les conventions spéciales doivent remplir plusieurs conditions cumulatives. Elles doivent d’abord faire corps avec la police d’assurance, c’est-à-dire être matériellement intégrées aux autres documents contractuels. Elles doivent ensuite être datées et porter une référence claire à la police principale.

L’absence de signature des conventions spéciales ne constitue pas, en elle-même, un obstacle à leur opposabilité, dès lors qu’elles font effectivement partie de la police remise à l’assuré et acceptée par lui. Toutefois, cette acceptation doit pouvoir être établie, soit par la signature de documents de renvoi, soit par l’exécution sans réserve du contrat.

La multiplication des documents contractuels engendre des difficultés pratiques considérables pour l’assuré. Les clauses de renvoi d’un document à l’autre compliquent la lecture de la police et nuisent à sa compréhension globale.

Cette complexité explique la tendance actuelle à la simplification documentaire. Les progrès de l’informatique permettent désormais l’édition d’un document unique intégrant toutes les stipulations contractuelles, y compris les spécifications techniques traditionnellement contenues dans les conventions spéciales. Cette évolution technique devrait conduire à une meilleure lisibilité des contrats d’assurance et réduire les contentieux liés à l’opposabilité des différents documents contractuels.

ii. Hiérarchie des documents contractuels

La police d’assurance réunit plusieurs documents qui peuvent contenir des clauses contradictoires. Il faut alors déterminer quelles stipulations s’appliquent en priorité.

==>Principe

Le droit français applique une règle simple : les stipulations spéciales prévalent sur les stipulations générales (specialia generalibus derogant). L’article 1119, alinéa 3, du Code civil consacre cette solution : « en cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières ».

Cette hiérarchie s’établit en trois niveaux :

La jurisprudence applique constamment ce principe. Les conflits entre conditions générales et conditions particulières se résolvent toujours en faveur des secondes (Cass. 1re civ., 17 juin 1986). Les conventions spéciales occupent le rang intermédiaire : elles prévalent sur les conditions générales mais cèdent devant les conditions particulières (Cass. 1re civ., 2 mai 1989).

==>Conditions

Cette règle ne joue qu’en cas de véritable contradiction entre les documents. Une simple différence de rédaction ne suffit pas. Il faut que les stipulations soient réellement inconciliables et qu’on ne puisse les appliquer simultanément (Cass. 1re civ., 7 juin 2001, n°99-21.617).

Si les clauses peuvent coexister, chaque document s’applique dans son domaine propre. Le juge doit rechercher l’intention commune des parties en interprétant le contrat dans son ensemble (Cass. 1re civ., 22 nov. 1988).

==>Limites

La hiérarchie suppose que la stipulation spéciale soit valide et opposable. Une condition particulière non signée ne peut prévaloir sur une condition générale régulièrement acceptée.

De plus, les conditions particulières s’imposent même si les conditions générales seraient plus favorables à l’assuré (Cass. 1re civ., 21 juin 1988). Cette règle peut paraître sévère, mais elle se justifie : les conditions particulières traduisent la volonté spécifique des parties pour ce contrat précis.

c. Exigences de forme de la police d’assurance

i. L’obligation d’écrit

==>Principe et fondements

L’article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances impose que « le contrat d’assurance est rédigé par écrit ». Cette exigence d’écrit constitue une spécificité du droit des assurances qui trouve ses origines dans l’ordonnance maritime de 1681.

L’écrit revêt ici une fonction exclusivement probatoire (ad probationem) et non solennelle (ad solemnitatem). La Cour de cassation l’a fermement rappelé dans un arrêt de principe : « si le contrat d’assurance ou tout avenant à ce contrat doit, dans un but probatoire, être rédigé par écrit, il constitue un contrat consensuel qui est parfait dès la rencontre des volontés de l’assureur et de l’assuré » (Cass. 1re civ., 15 févr. 1978, n° 76-13.154).

Cette solution trouve une illustration concrète dans l’espèce ayant donné lieu à cet arrêt. Un assuré avait sollicité la remise en vigueur de son contrat d’assurance automobile après une période de suspension. Bien qu’un accord soit intervenu entre l’assureur et l’assuré avant la survenance de l’accident, l’assuré avait refusé, après le sinistre, de signer l’avenant et de payer la prime. La cour d’appel en avait déduit que le contrat ne s’était pas formé.

La Cour de cassation a censuré cette analyse en rappelant que « le contrat de remise en vigueur de la garantie avait été définitivement conclu antérieurement à la réalisation du risque, et que le refus de signer l’avenant et de payer la prime opposé après coup par l’assuré n’affectait pas la validité de ce contrat ». Le contrat existait donc indépendamment de sa formalisation par écrit..

==>Portée de l’obligation

L’exigence d’écrit présente une portée plus large qu’en droit commun des contrats. Elle s’impose quelle que soit la somme en jeu et même si le contrat a un caractère commercial, par dérogation expresse à l’article 1359 du Code civil (Cass. 1re civ., 4 juin 1996, n°94-16.306).

Cette solution se justifie par la spécificité même du contrat d’assurance. L’article L. 112-3 constitue une disposition spéciale qui régit intégralement les conditions de forme du contrat d’assurance.

L’alinéa 2 de l’article L. 112-3 étend cette exigence aux modifications contractuelles : « toute addition ou modification au contrat d’assurance primitif doit être constatée par un avenant signé des parties ». Cette disposition assure la cohérence du formalisme tout au long de la vie du contrat.

==>Conséquences probatoires

Cette exigence d’écrit produit des conséquences importantes pour l’administration de la preuve contractuelle. La preuve par témoins n’est pas admissible pour établir l’existence ou le contenu du contrat d’assurance, même si l’intérêt litigieux était inférieur au seuil légal. Il en va de même des preuves par présomptions de fait.

Toutefois, les règles de preuve édictées par le Code des assurances ne sont pas d’ordre public. Les parties peuvent donc conventionnellement aménager l’exigence d’écrit pour l’adapter aux usages commerciaux contemporains, tout en préservant la sécurité juridique des relations contractuelles.

ii. L’usage de la langue française

==>Principe général

L’article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances impose que le contrat d’assurance soit rédigé « en français ». Cette obligation s’inscrit dans le cadre plus large de la défense de la langue française, généralisée par la loi n°94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.

L’obligation d’utiliser la langue française en matière d’assurance est cependant plus ancienne. Elle remonte au décret du 30 décembre 1938 et avait été spécifiquement renforcée par la loi n°89-1014 du 31 décembre 1989. Le législateur a ainsi reconnu la nécessité de protéger le souscripteur en lui facilitant la compréhension des documents contractuels.

Cette exigence ne vise pas seulement la police d’assurance elle-même, mais s’étend également aux informations transmises par l’assureur au souscripteur avant et pendant l’exécution du contrat.

==>Dérogations

L’ordonnance n°2001-350 du 19 avril 2001 a introduit un régime de dérogations qui tient compte de l’européanisation du marché des assurances. Ce régime distingue deux situations selon le droit applicable au contrat.

==>Cas particuliers

Les assurances maritimes bénéficient d’un régime particulier. L’article L. 111-1 du Code des assurances écarte l’application de l’article L. 112-3 pour ces contrats, sauf pour la navigation de plaisance. Cette exception se justifie par le caractère international du commerce maritime et les usages spécifiques de cette activité.

La Cour de cassation a confirmé cette spécificité dans une espèce où un assureur français contestait l’application d’une clause attributive de compétence rédigée en anglais. Pour la Haute juridiction, « dans les contrats internationaux de droit privé, les parties choisissent librement la langue dans laquelle elles rédigent leurs accords ; (…) s’il est fait exception à ce principe dans les contrats d’assurance des risques français qui, selon l’article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances, texte auquel l’article L. 111-2 du même Code interdit de déroger, doivent être rédigés en français, cette loi de police se trouve, par application de l’article L. 111-1 du Code des assurances, écartée dans les assurances maritimes, sauf lorsqu’il s’agit de couvrir les risques de la navigation de plaisance » (Cass. com., 11 mars 1997, n° 95-13.926).

L’arrêt précise également que « dès lors que le contrat d’assurance litigieux présentait un caractère international et qu’il n’était pas soutenu que la navigation en cause n’avait pas de but lucratif », l’obligation d’utiliser le français ne s’appliquait pas. Cette solution illustre l’adaptation du droit des assurances aux spécificités du commerce maritime international.

L’assureur n’est pas tenu de fournir spontanément une traduction du contrat à son client étranger. Cette solution a été affirmée dans une espèce concernant un emprunteur étranger qui reprochait à sa banque de ne pas lui avoir fourni une traduction du contrat d’assurance de groupe. La Cour de cassation a rejeté ce grief en relevant que « le premier juge a exactement énoncé qu’aucune disposition n’oblige une banque à fournir à son client étranger la traduction des termes d’un contrat de prêt passé avec lui ; (…) la banque a fourni un contrat rédigé en français comme le lui impose l’article L. 112-3 du code des assurances» (Cass. 2e civ., 22 nov. 2007, n°06-19.852).

La jurisprudence a également précisé que l’assureur n’est pas tenu d’informer le souscripteur étranger de la possibilité d’utiliser la langue de l’État dont il est ressortissant. Dans une affaire concernant un assuré de nationalité russe qui contestait l’opposabilité d’une clause d’exclusion, la Cour de cassation a jugé qu’« ayant exactement relevé que l’assureur n’est pas tenu au titre de son devoir d’information et de conseil d’informer le souscripteur qu’aux termes de l’article L. 112-3, alinéa 3, du code des assurances (…) le contrat et les informations transmises par l’assureur au souscripteur peuvent (…) être rédigés dans la langue ou dans l’une des langues officielles de l’État dont il est ressortissant, et constaté qu’en l’espèce une telle demande n’avait pas été faite, ce qui rendait inopérante la recherche visée au moyen, la cour d’appel a légalement justifié sa décision » (Cass. 2e civ., 14 déc. 2017, n°16-26.709).

Cette position se comprend : si la loi impose le français comme obligation principale, la traduction et l’information sur cette possibilité ne peuvent être que facultatives.

==>Sanctions

La violation de l’obligation d’utiliser la langue française peut entraîner des sanctions sévères. Cette fermeté jurisprudentielle a été illustrée dans une espèce concernant un assureur allemand qui tentait d’opposer à un assuré français une clause d’exclusion rédigée en langue étrangère.

La Cour de cassation a déclaré cette clause inapplicable en se fondant sur « la combinaison de ces textes d’ordre public ». Pour la Haute juridiction, « sans préjudice des dispositions de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relatives à l’emploi obligatoire de la langue française (…) et selon les articles L. 112-3 (…) et L. 111-2 du Code des assurances, les contrats d’assurances souscrits ou exécutés en France, sont impérativement rédigés en français ; (…) aux termes de l’article L. 112-4, du même Code, les clauses édictant des nullités, des déchéances ou des exceptions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; (…) il résulte de la combinaison de ces textes d’ordre public que c’est à juste titre que la cour d’appel a déclaré inapplicable l’exclusion de garantie invoquée par la compagnie Allianz, qui n’était pas rédigée en français » (Cass. 1re civ., 24 nov. 1993, n° 91-21.114).

Cette décision révèle que la sanction d’inapplicabilité résulte du cumul de deux exigences : l’obligation générale d’utiliser le français (art. L. 112-3) et le formalisme renforcé imposé aux clauses d’exclusion (art. L. 112-4). La Cour de cassation qualifie expressément ces dispositions de « textes d’ordre public », soulignant leur caractère impératif.

Il est donc probable que des stipulations qui échappent au formalisme renforcé de l’article L. 112-4 ne soient pas automatiquement déclarées inapplicables au seul motif qu’elles ne sont pas rédigées en français. En pareilles circonstances, le droit commun des obligations pourrait conduire à la mise en jeu de la responsabilité civile de l’assureur ou à la nullité du contrat pour vice du consentement.

==>Perspectives européennes

L’obligation d’utiliser la langue française s’inscrit dans un contexte européen qui reconnaît la légitimité de la protection linguistique. Cette compatibilité a été établie dans une affaire concernant l’étiquetage de denrées alimentaires où un hypermarché français était poursuivi pour avoir vendu des produits étiquetés uniquement en anglais.

La Cour de justice de l’Union européenne a distingué deux aspects de la réglementation française (CJCE, 12 sept. 2000, aff. Geffroy et Casino France SNC).

La Cour européenne a ainsi établi qu’une législation nationale prescrivant l’utilisation d’une langue déterminée demeure compatible avec le droit de l’Union, à condition de permettre l’usage alternatif d’une autre langue facilement compréhensible ou d’autres mesures d’information.

Cette jurisprudence européenne légitime l’approche française en matière d’assurance, qui concilie protection de la langue nationale et nécessités du commerce international par un système de dérogations encadrées. Les dispositions de l’ordonnance de 2001 permettant l’usage d’autres langues dans certaines conditions s’inscrivent parfaitement dans cette logique européenne de conciliation.

iii. Les exigences de lisibilité

==>Principe général : les caractères apparents

L’article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances exige que le contrat d’assurance soit rédigé « en caractères apparents ». Cette obligation s’applique à toutes les clauses du contrat et impose qu’elles soient facilement lisibles.

Cette exigence répond à un objectif de protection du souscripteur. Elle garantit que l’assuré puisse effectivement prendre connaissance du contenu de son contrat sans difficulté matérielle. L’apparence des caractères conditionne donc la capacité de l’assuré à comprendre ses droits et obligations.

L’appréciation du caractère apparent d’une clause relève du pouvoir souverain des juridictions du fond (Cass. 1re civ., 27 mai 1998, n°95-19.967). Toutefois, l’inapplicabilité des stipulations illisibles constitue une sanction appropriée, faute pour le souscripteur d’avoir pu consentir à la mise en œuvre d’une clause dont il n’a pas pu prendre connaissance.

==>Exigence renforcée : les caractères très apparents

Certaines clauses sont soumises à un formalisme renforcé et doivent figurer en caractères très apparents. L’article L. 112-4, alinéa 2, du Code des assurances dispose que « les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ».

Cette exigence s’étend également à la durée du contrat. L’article L. 113-15 du Code des assurances impose que « la durée du contrat doit être mentionnée en caractères très apparents », sans toutefois prévoir de sanction spécifique.

Ce formalisme renforcé s’explique par la nécessité d’attirer particulièrement l’attention du souscripteur sur des clauses susceptibles de le priver de garantie ou d’affecter ses droits. Il s’agit de clauses restrictives de droits qui justifient une protection accrue.

La jurisprudence a précisé le contenu de cette exigence. L’obligation de faire figurer certaines mentions en caractères très apparents « n’est satisfaite qu’à la condition que, grâce à leur grande lisibilité, la teneur de ces mentions ne puisse échapper à l’assuré » (Cass. civ., 14 mai 1946).

Les caractères très apparents doivent permettre à ce que grâce à leur grande lisibilité, la teneur des mentions ne puisse échapper à l’assuré. Il faut que les clauses concernées se détachent du contexte et puissent être vues d’un seul coup d’œil, de manière à attirer spécialement l’attention de l’assuré.

Cette différence peut résulter de divers procédés typographiques : taille des caractères, attributs particuliers (caractères gras ou soulignés) ou couleur spécifique. Les caractères utilisés ne doivent pas forcément différer de ceux employés pour l’impression d’autres clauses situées à proximité, dès lors que le procédé typographique utilisé permet à la stipulation litigieuse de se détacher du contexte (Cass. 1re civ., 28 juin 1988).

Toutefois, une jurisprudence contraire exige une différence effective entre les caractères (Cass. 1re civ., 25 mars 1991).

==>Appréciation de l’exigence

La jurisprudence se montre particulièrement rigoureuse dans l’appréciation de cette exigence. La Cour de cassation estime que la totalité du texte de la clause édictant l’exclusion ou la déchéance doit être rédigée en caractères très apparents.

Cette rigueur est illustrée par un arrêt où l’assureur contestait l’annulation d’une clause d’exclusion relative aux dommages subis par le matériel loué. La cour d’appel avait considéré cette clause comme non valable car, bien que « les cas d’exclusion étaient énumérés en caractères gras », « les termes “restent exclus” figuraient en caractères ordinaires ne les distinguant pas du contexte imprimé ». La Cour de cassation a validé cette analyse en relevant que « la cour d’appel a pu en déduire que la clause d’exclusion n’était pas rédigée en caractères très apparents conformément aux exigences de l’article L. 112-4, dernier alinéa, du Code des assurances » (Cass. 1re civ., 25 mars 1991, n°89-18.682).

De même, la Cour de cassation a confirmé l’annulation d’une clause où une partie seulement du texte respectait les exigences typographiques. Dans cette espèce, la GMF contestait la décision des juges du fond qui avaient déclaré non valable une clause d’exclusion. La Haute juridiction a validé le raisonnement de la cour d’appel qui avait «retenu non seulement que celle-ci était imprimée dans les mêmes caractères que ceux employés pour l’impression des articles voisins mais encore qu’aucun moyen typographique n’avait été mis en œuvre pour attirer spécialement l’attention de l’assuré sur cette clause dont la disposition finale relative à l’unicité du passager transporté n’était pas imprimée en caractères gras ou soulignés ». La Cour de cassation a approuvé cette analyse en considérant qu’« en déduisant de l’ensemble de ces éléments que ladite clause ne satisfaisait pas aux exigences de l’article L. 112-4 du Code des assurances, ils ont, de ce chef, légalement justifié leur décision » (Cass. 1re civ., 11 déc. 1990, n° 89-15.248).

L’appréciation des caractères très apparents peut donner lieu à des comparaisons entre différents procédés utilisés dans le même contrat. La Cour de cassation a ainsi estimé, en se retranchant derrière le pouvoir souverain des juges du fond, que lorsque des clauses d’exclusions en caractères gras cohabitent avec des clauses de couleur rouge, seules les secondes respectent les prescriptions légales, sans doute parce qu’elles attirent plus l’attention du lecteur (Cass. 1re civ., 1er déc. 1998, n°96-18.993).

Bien que l’appréciation des caractères très apparents relève du pouvoir souverain des juridictions du fond (Cass. 1re civ., 26 avr. 2000), la Cour de cassation exerce un contrôle de la motivation des décisions rendues au fond. Cela oblige les tribunaux à préciser en quoi les stipulations litigieuses respectent ou non l’exigence relative aux caractères très apparents.

==>Sanctions

La violation de l’exigence légale est sanctionnée par la neutralisation de la clause litigieuse, sans affecter la validité du contrat dans son ensemble. Cette sanction prend deux formes selon le texte applicable.

Pour les clauses visées par l’article L. 112-4, la clause non conforme est réputée non écrite (Cass. 1re civ., 1er déc. 1998, n° 96-18.993). Pour celles visées par l’article L. 113-15, elle est déclarée inopposable à l’assuré (Cass. 1re civ., 14 nov. 1979).

La jurisprudence a appliqué ces sanctions dans diverses situations. Une clause contractuelle de déchéance de garantie ne répondant pas aux dispositions de l’article L. 112-4 a été déclarée inopposable à l’assuré (Cass. 2e civ., 15 déc. 2011, n° 10-26.983).

De même, une cour d’appel était tenue de rechercher si la clause litigieuse était rédigée en termes très apparents de manière à attirer spécialement l’attention de l’assuré sur la nullité qu’elle édictait (Cass. 2e civ., 15 avr. 2010, n° 09-11.667).

Cette nullité ne peut être soulevée que par les parties au contrat et non par la victime exerçant l’action directe (Cass. 3e civ., 28 oct. 2003, n° 01-13.490). L’idée est que l’exigence de lisibilité vise à protéger le consentement et ne peut donc profiter à la victime qui est tiers au contrat.

==>Limites

La jurisprudence a précisé que l’exigence de caractères très apparents ne concerne que les stipulations d’origine conventionnelle. Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation a affirmé que l’article L. 112-4 « n’est pas applicable, sauf dispositions particulières, aux nullités, déchéances ou exclusions prévues par la loi » (Cass. 1re civ., 1er déc. 1993, n°89-12.854).

Cette solution trouve son illustration dans l’exclusion de la faute intentionnelle. Bien qu’elle constitue une cause d’exclusion de garantie, cette exclusion résulte directement de la loi et n’a pas à figurer en caractères très apparents dans la police d’assurance.

Cette jurisprudence restreint considérablement la portée du formalisme protecteur. Elle aboutit au paradoxe suivant : les exclusions les plus graves, parce qu’elles sont prévues par la loi, échappent à l’obligation d’information renforcée, tandis que des exclusions conventionnelles moins importantes y sont soumises.

Cette limitation s’avère particulièrement préjudiciable s’agissant des causes de nullité. La nullité sanctionnant un manquement survenu lors de la formation du contrat relève par nature du domaine légal. En conséquence, ces causes de nullité n’ont jamais à figurer en caractères très apparents, privant l’assuré d’une information pourtant essentielle sur les risques d’annulation de son contrat.

Cette évolution jurisprudentielle a suscité des réserves doctrinales. Certains auteurs dénoncent les excès d’un formalisme devenu contre-productif. La multiplication des exigences de forme et la rigueur excessive dans leur appréciation peuvent paradoxalement nuire à l’efficacité du dispositif protecteur en créant une instabilité contractuelle préjudiciable à tous les acteurs du marché de l’assurance.

d. Contenu de la police d’assurance

i. Mentions requises par l’article L. 112-4

L’article L. 112-4 du Code des assurances détermine le contenu obligatoire de la police d’assurance. Il énumère les informations que l’assureur doit impérativement fournir à l’assuré pour que celui-ci connaisse ses droits et obligations.

L’article impose d’abord que « la police d’assurance est datée du jour où elle est établie ». Cette date permet de situer le contrat dans le temps et peut s’avérer déterminante pour l’appréciation des droits des parties.

Le texte distingue ensuite deux séries de mentions. Les premières concernent les éléments essentiels du contrat (parties, risque, garantie, prime). Les secondes portent sur des aspects plus techniques (droit applicable, autorités de contrôle).

==>Mentions essentielles du contrat

Les mentions essentielles que la police « indique » concernent les éléments constitutifs du contrat d’assurance :

==>Mentions d’ordre technique

L’article L. 112-4 impose en outre des mentions relevant davantage de l’organisation technique et juridique de l’assurance :

==>Mentions spécifiques aux assurances en libre prestation de services

Les contrats et notes de couverture proposés en libre prestation de services sont soumis à des obligations particulières prévues aux articles L. 112-7 et L. 112-8 du Code des assurances. Ils doivent mentionner l’adresse de l’établissement qui accorde la couverture, le cas échéant celle du siège social et, pour le risque automobile, l’adresse du représentant de l’assureur chargé de gérer les sinistres en France.

Dès avant la conclusion du contrat, le souscripteur doit être informé, sur tous les documents qui lui sont remis, du nom de l’État membre de l’Union européenne où est situé l’établissement de l’assureur pressenti pour couvrir le risque.

ii. Mentions complémentaires de l’article R. 112-1

==>Champ d’application

L’article R. 112-1 du Code des assurances complète les exigences de l’article L. 112-4 en imposant des mentions supplémentaires aux polices d’assurance. Ce texte réglementaire s’applique spécifiquement aux « polices d’assurance relevant des branches 1 à 17 de l’article R. 321-1 », excluant les assurances sur la vie qui relèvent d’un régime particulier.

Ces mentions complémentaires visent à parfaire l’information de l’assuré sur les modalités pratiques d’exécution du contrat et sur ses droits et obligations tout au long de la relation contractuelle.

==>Éléments relatifs à la durée et à la continuité du contrat

==>Obligations déclaratives de l’assuré

==>Gestion des sinistres

==>Dispositions légales de référence

==>Mentions spécifiques à certains types d’assurances

iii. Sanction de l’absence des mentions obligatoires

==>Absence de sanction légale générale

Le Code des assurances ne prévoit aucune sanction spécifique pour l’omission des mentions obligatoires imposées par les articles L. 112-4 et R. 112-1. Cette lacune législative a contraint la jurisprudence à déterminer les conséquences de ces manquements selon les principes généraux du droit des contrats.

Conformément au principe du consensualisme qui régit le contrat d’assurance, l’absence d’une mention obligatoire n’affecte ni la validité de la convention ni même sa pleine efficacité, sauf dispositions particulières. Cette solution pourrait tout au plus engager la responsabilité civile de l’assureur, à condition que le souscripteur parvienne à prouver l’existence d’un préjudice, ou entraîner le prononcé de sanctions administratives par les autorités de contrôle.

==>Exception : la prescription biennale

La Cour de cassation a développé une jurisprudence d’exception concernant l’obligation de rappeler les dispositions relatives à la prescription biennale. Abandonnant l’approche traditionnelle, elle sanctionne désormais avec une particulière rigueur l’inobservation de cette exigence.

L’arrêt fondateur de cette évolution concerne une adhérente à un contrat d’assurance collective qui contestait l’opposabilité de la prescription biennale. La cour d’appel avait estimé que « le délai de prescription de l’article L. 114-1 ne figure pas dans les mentions obligatoires de la police » et qu’« il s’agit là d’une règle d’ordre public qui s’impose aux parties en l’absence de tout rappel contractuel ».

La Cour de cassation a censuré cette analyse en rappelant le principe selon lequel « aux termes de ce texte [l’article R. 112-1], les polices d’assurance doivent rappeler les dispositions de la loi concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance ; (…) l’inobservation de ces dispositions est sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du même Code » (Cass. 2e civ., 2 juin 2005, n° 03-11.871).

Cette décision établit clairement que l’obligation de rappel des dispositions sur la prescription constitue une condition d’opposabilité de ces règles à l’assuré, contrairement à l’analyse de la cour d’appel qui considérait cette prescription comme d’ordre public et donc applicable indépendamment de tout rappel contractuel.

Par suite, la jurisprudence a progressivement durci ses exigences, imposant un rappel exhaustif du régime de la prescription biennale. La simple mention du délai s’est révélée insuffisante.

S’agissant des causes d’interruption, la Cour de cassation a durci ses exigences dans une espèce concernant des fissures dues à la sécheresse. L’assureur opposait la prescription biennale à son assurée qui l’avait assigné en 2005 pour un sinistre déclaré en 2001. La cour d’appel avait validé cette défense en relevant que « la définition de la prescription, la durée, le point de départ et même la possibilité d’interrompre ce délai par l’expédition d’une lettre recommandée avec accusé de réception, sont expressément mentionnés » dans les conditions générales.

La Cour de cassation a censuré cette décision en précisant que « l’assureur est tenu de rappeler dans le contrat d’assurance, sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du code des assurances, les causes d’interruption de la prescription biennale prévues à l’article L. 114-2 du même code » (Cass. 2e civ., 3 sept. 2009, n° 08-13.094)).

Cette décision illustre l’insuffisance d’un rappel partiel des causes d’interruption. La simple mention de la lettre recommandée ne suffit pas : l’assureur doit rappeler l’ensemble des causes d’interruption prévues par l’article L. 114-2.

Cette rigueur jurisprudentielle s’étend également aux différents points de départ du délai de prescription, comme l’illustre une décision rendue dans une affaire opposant une société de construction à son assureur responsabilité civile. En l’espèce, la société S. (anciennement société S. Nord) avait indemnisé le maître d’ouvrage le 3 avril 2001 par déduction des pénalités de retard suite à des incidents survenus sur une station de pompage, puis assigné son assureur A. le 15 septembre 2003.

Les termes précis de l’arrêt révèlent que le contrat d’assurance comportait des dispositions relatives à la prescription : le titre VII des conditions générales énonçait que “toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans. Ce délai commence à courir du jour de l’événement qui donne naissance à cette action“, tandis que l’article 8.6 des conditions particulières procédait à un renvoi aux articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances.

Cependant, la Cour de cassation a censuré cette approche en relevant que “le contrat ne rappelait pas que, quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription court du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier“. L’attendu de principe précise que l’article R. 112-1 impose à l’assureur l’obligation de “rappeler dans le contrat d’assurance, sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du même code, les différents points de départ du délai de la prescription biennale prévus à l’article L. 114-2 de ce code” (Cass. 2e civ., 28 avr. 2011, n° 10-16.403).

Cette décision confirme que l’obligation d’information ne saurait se satisfaire d’une clause générique ou d’un simple renvoi légal, mais exige une énumération exhaustive des hypothèses spécifiques de déclenchement du délai prescriptif, notamment dans les relations triangulaires impliquant un recours de tiers.

Cette exigence d’exhaustivité témoigne d’une évolution conceptuelle de la jurisprudence qui, abandonnant toute complaisance formaliste, privilégie désormais l’effectivité de la protection de l’assuré. L’enrichissement progressif de ces exigences jurisprudentielles conduit naturellement à s’interroger sur les modalités pratiques du rappel contractuel et sur l’évolution des standards admis par la Haute juridiction.

Au-delà de ces développements récents, il convient d’examiner l’évolution jurisprudentielle quant aux modalités concrètes de formulation de ces rappels obligatoires. Si la Cour de cassation impose désormais une exhaustivité rigoureuse du contenu, ses exigences relatives à la forme du rappel ont connu une trajectoire plus nuancée.

La Cour de cassation a d’abord admis qu’il suffisait, pour satisfaire à l’exigence réglementaire, de faire référence aux articles correspondants du Code des assurances sans en reprendre le détail du contenu. Cette approche libérale trouve une illustration topique dans une décision rendue à l’occasion d’un litige opposant une commune à son assureur dommages-ouvrage.

En l’espèce, suite à l’apparition de fissures sur la façade d’un bâtiment en extension à la fin de l’année 1993, la commune avait déclaré le sinistre le 25 février 1994 et s’était vu opposer un refus de garantie le 26 juillet 1994. Lorsque l’assureur invoqua la prescription biennale pour faire échec à l’action en référé-provision engagée le 21 mars 2003, la commune contesta l’opposabilité de cette prescription en soutenant que “les modes d’interruption de la prescription biennale, énoncés à l’article L. 114-2 de ce Code, doivent, sous peine d’empêcher l’assureur de se prévaloir de cette prescription abrégée, être mentionnés dans la police d’assurance” et que l’assureur “s’était bornée, dans l’article 21 des conditions générales de sa police dommages-ouvrage, à renvoyer aux article L. 114-1 et L. 114-2 du Code des assurances sans mentionner explicitement les modes d’interruption de la prescription”.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en relevant que l’article 21 des conditions générales stipulait que “toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y a donné naissance dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du Code des assurances”. Elle en a exactement déduit que “les dispositions relatives à la prescription biennale avaient été rappelées dans la police, de sorte que les dispositions de l’article R. 112-1, alinéa 2, du même Code selon lequel les polices d’assurances doivent… rappeler la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance avaient été respectées et que l’assureur était fondé à opposer la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale” (Cass. 2e civ., 10 nov. 2005, n° 04-15.041).

Cette décision consacrait une interprétation souple de l’obligation de rappel, admettant qu’un simple renvoi textuel aux dispositions légales pouvait satisfaire aux exigences de l’article R. 112-1, sans nécessiter une reproduction littérale ou une explicitation détaillée du contenu de ces articles.

Toutefois, cette jurisprudence s’est affinée. L’évolution vers une conception plus restrictive du rappel contractuel apparaît nettement dans une décision rendue à l’occasion d’un litige opposant une société employeur à son assureur responsabilité civile suite à un accident du travail ayant donné lieu à une reconnaissance de faute inexcusable.

En l’espèce, suite à l’accident du travail dont avait été victime un salarié, un tribunal des affaires de sécurité sociale avait retenu l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur et octroyé au salarié le bénéfice d’une rente majorée ainsi qu’une indemnisation de son préjudice personnel. L’employeur avait alors assigné son assureur en garantie des conséquences pécuniaires de cet accident.

L’assureur contestait l’action en invoquant la prescription biennale et soutenait que “le code des assurances impose uniquement la mention des textes relatifs à la prescription, sans exiger une reproduction in extenso desdits textes” et que la cour d’appel avait “constaté la présence d’une clause, dans le contrat litigieux, selon laquelle « toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à dater de l’événement dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances »”.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en précisant que l’article R. 112-1 “oblige l’assureur à rappeler dans le contrat les dispositions des titres I et II du livre I de la partie législative de ce code concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance, ce qui suppose l’indication des différents points de départ du délai de la prescription biennale prévue à l’article L. 114-1 et des causes d’interruption du délai biennal prévues à l’article L. 114-2 du même code sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par ledit texte“.

Elle a relevé que la police d’assurance “se bornait à rappeler sans autres précisions que « toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à dater de l’événement dans les termes des articles L. 114-1 et L.114-2 du code des assurances »” et en a déduit à bon droit que l’assureur “n’était pas fondé à opposer la prescription biennale” (Cass. 2e civ., 22 oct. 2015, n°14-21.292).

Cette décision marque un tournant jurisprudentiel significatif : désormais, un simple renvoi aux textes légaux sans explicitation des “différents points de départ” et des “causes d’interruption” s’avère insuffisant pour satisfaire aux exigences de l’article R. 112-1.

Il convient toutefois de circonscrire la portée de cette évolution jurisprudentielle et de s’interroger sur son éventuelle extension à d’autres défaillances contractuelles. La rigueur déployée par la Cour de cassation en matière de prescription biennale procède-t-elle d’une logique générale appelée à irriguer l’ensemble du contentieux des mentions obligatoires, ou demeure-t-elle circonscrite à cette hypothèse particulière ?

Cette solution jurisprudentielle rigoureuse demeure spécifique à la prescription biennale. Il n’est pas certain qu’elle soit transposable à d’autres omissions, notamment lorsqu’elles portent sur les obligations à la charge de l’assuré. La jurisprudence n’a pas généralisé cette approche stricte à l’ensemble des mentions obligatoires.

Au demeurant, ces omissions restent relativement rares en pratique. Les exigences légales portent sur les stipulations essentielles du contrat d’assurance, que tout assureur connaît et ne manque généralement pas d’inclure dans ses polices.

La question du moment de l’information se révèle également déterminante pour l’efficacité juridique du rappel des dispositions prescriptives. Cette dimension temporelle soulève la question de savoir si une information tardive peut suppléer les carences initiales du contrat d’assurance.

La jurisprudence a précisé qu’un courrier ultérieur de l’assureur, adressé à son assuré postérieurement au sinistre et rappelant les termes de la prescription biennale, ne peut avoir aucune efficacité. Cette solution se trouve illustrée dans une décision rendue à l’occasion d’un litige opposant un syndicat de copropriétaires à son assureur multirisques suite à des infiltrations d’eau survenues dans un appartement.

En l’espèce, suite à des infiltrations d’eau survenues le 21 juillet 1995, des copropriétaires avaient assigné le syndicat de copropriétaires qui avait été condamné par jugement du 29 novembre 2005 à les indemniser. Le syndicat avait alors assigné son assureur le 1er juillet 2008 pour obtenir remboursement. L’assureur invoquait la prescription biennale et soutenait notamment qu’il “avait adressé à son agent général une lettre datée du 31 mai 2006, transmise au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Gray d’Albion le 9 juin suivant, qui rappelait expressément les dispositions de l’article L. 114-1 du code des assurances, ce dont il résultait que la prescription avait nécessairement commencé de courir, au plus tard, le 10 juin 2006“.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en relevant que “les conditions particulières du contrat d’assurance conclu entre le syndicat des copropriétaires et l’assureur ne portent aucune référence expresse à la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance, ni ne font spécifiquement mention des dispositions de l’article L. 114-1 du code des assurances” et que “le courrier ultérieur de l’assureur du 10 juin 2006, adressé à son assuré et rappelant les termes de la prescription biennale, ne peut avoir aucune efficience“. Elle en a exactement déduit “l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du code des assurances” (Cass. 2e civ., 30 juin 2011, n° 10-23.223).

Cette solution logique confirme que l’information doit être fournie dès la formation du contrat pour produire ses effets et qu’aucune régularisation a posteriori ne saurait pallier les carences initiales de l’information contractuelle.

e. Force probatoire de la police d’assurance

e.1. Fonction probatoire de la police d’assurance

La police d’assurance constitue l’instrument probatoire par excellence du contrat d’assurance, comme l’exprime clairement l’article L. 112-2 du Code des assurances en disposant que “seule la police ou la note de couverture constate l’engagement réciproque de l’assureur et de l’assuré“. Cette formulation confère à ces documents un monopole apparent dans la constatation des engagements contractuels.

Toutefois, cette prééminence probatoire ne doit pas occulter la nature consensuelle du contrat d’assurance. Comme le rappelle constamment la jurisprudence : “Si le contrat d’assurance ou tout avenant à ce contrat doit, dans un but probatoire, être rédigé par écrit, il constitue un contrat consensuel qui est parfait dès la rencontre des volontés de l’assureur et de l’assuré” (Cass. 1re civ., 15 févr. 1978, n°76-13.154). L’écrit n’est donc requis qu’ad probationem et non ad solemnitatem.

Cette exigence d’écrit trouve ses racines historiques dans l’ordonnance maritime de 1681 et se justifie par la complexité technique des relations assurantielles. L’article L. 112-3, alinéa 1er, impose que le contrat soit “rédigé par écrit, en français, en caractères apparents“, créant un régime dérogatoire au droit commun de la preuve.

La police ne se contente pas d’être un simple instrument probatoire : elle constitue également un acte créateur de droits. Toute modification de la police par les parties contractantes donne naissance à un nouveau lien contractuel, concrétisé par de nouvelles obligations. Cette dimension constitutive distingue la police des autres écrits probatoires.

e.2. La charge de la preuve

i. Principes généraux de répartition de la charge de la preuve

La détermination de la charge de la preuve obéit aux règles classiques énoncées à l’article 1353 du Code civil, selon lesquelles “celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit en prouver l’existence” et “celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation“. Toutefois, en pratique, cette règle de droit commun est d’application résiduelle car elle ne se pose que lorsque l’existence ou le contenu de la clause litigieuse fait l’objet de contestations effectives.

Cette problématique de la charge de la preuve ne surgit pas si la clause dont l’existence est alléguée n’est pas contestée par l’autre partie (Cass. 1re civ., 7 févr. 1995, n°92-12.634), ou a contrario si l’existence même du contrat n’était pas spécialement alléguée par l’assuré (Cass. 2e civ., 24 mai 2012, n°10-27.604).

ii. Preuve de l’existence du contrat

Lorsque l’existence du contrat fait l’objet de litiges, s’applique le principe selon lequel “c’est à celui qui l’invoque d’en rapporter la preuve“. Cette règle s’impose indistinctement à l’assureur exerçant une action récursoire, à l’assuré réclamant le règlement du sinistre, ou à la victime mettant en jeu la garantie de l’assureur du responsable (Cass. 1re civ., 29 avr. 1997, n° 95-10.564).

Cette exigence peut se révéler particulièrement délicate à satisfaire dans certaines configurations pratiques. Tel est notamment le cas lorsque des polices anciennes mais toujours en vigueur n’ont pas été conservées par l’assureur, situation fréquente en assurances de responsabilité où la réclamation de la victime peut intervenir plusieurs années après la souscription.

iii. Preuve du contenu du contrat

Lorsque seul le contenu du contrat fait l’objet de discussions, l’existence n’étant pas contestée, les mêmes règles trouvent rigoureusement application. Cette exigence probatoire distincte trouve une illustration parfaite dans une décision rendue à l’occasion d’un litige de responsabilité médicale consécutif à une contamination par le virus de l’hépatite C lors d’une transfusion sanguine.

En l’espèce, l’établissement de transfusion sanguine contestait la mise hors de cause de son assureur en soutenant que “la preuve d’un acte juridique peut être rapportée par témoignages ou présomptions dès lors qu’existe un commencement de preuve par écrit” et que la cour d’appel aurait dû “rechercher si la police de responsabilité civile n° 10.392.694, en ce qu’elle « annulait » la police n° 6.734.541, ne constituait pas un commencement de preuve par écrit, susceptible d’être valablement complété par des éléments extrinsèques“.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en relevant que l’arrêt retenait que “ni l’assureur ni l’assuré n’étaient en mesure de produire la police d’assurance, et que le fait que l’assuré apporte la preuve de l’existence d’un contrat ne le dispensait pas de l’obligation d’apporter également la preuve littérale et suffisante du contenu de celui-ci” (Cass. 2e civ., 13 mai 2004, n° 03-10.964).

Cette décision établit clairement la distinction entre la preuve de l’existence du contrat et celle de son contenu spécifique. Même lorsque l’existence du contrat d’assurance ne fait aucun doute, l’assuré demeure tenu d’établir de manière littérale et suffisante les stipulations particulières sur lesquelles il entend se fonder pour obtenir la garantie. Cette solution illustre parfaitement la rigueur avec laquelle la jurisprudence applique l’exigence de preuve écrite en matière d’assurance, même dans les situations où l’existence du contrat est incontestée.

Dans les rapports entre assureur et souscripteur, cette répartition s’opère selon la qualité de demandeur ou de défendeur. Le souscripteur doit établir qu’une clause contractuelle prévoyait la garantie de l’assureur, celui-ci ne pouvant être condamné au seul motif qu’il ne produit pas la police (Cass. 1re civ., 24 janv. 1995, n° 92-21.542).

Inversement, l’assureur doit prouver l’existence d’une clause prévoyant une déchéance (Cass. 1re civ., 25 oct. 1994, n°92-14.654) ou stipulant une exclusion, car il est alors “demandeur à l’exception” (Cass. 2e civ., 25 oct. 2012, n°11-25.490). Cette solution s’explique par l’application du principe de droit commun selon lequel le risque probatoire pèse sur celui qui soulève une exception.

iv. Régime spécifique dans les rapports triangulaires

Dans les rapports entre la victime et l’assureur du responsable, la jurisprudence a développé un régime probatoire remarquablement libéral. Si la victime doit établir l’existence du contrat, comme tout demandeur, elle est dispensée de prouver son contenu (Cass. 3e civ., 29 mai 2002, n°01-00.350).

Cette solution protectrice trouve sa justification dans le fait que la victime, tiers au contrat, ne dispose pas d’un exemplaire de la police. Il serait logiquement inéquitable que le risque d’une absence de preuve pèse sur elle lorsque l’assureur ne peut produire la police. La jurisprudence a étendu cette faveur probatoire aux clauses les plus variées : exclusions (Cass. 1re civ., 7 juill. 1998, n°96-16.360), plafonds (Cass. 1re civ., 24 juin 1970), franchises, non-application d’une extension territoriale (Cass. 1re civ., 27 juin 1995, n°93-12.148).

Lorsque la clause édicte une restriction de garantie au sens large (exclusion, plafond, franchise), cette solution n’est que l’application du droit commun qui veut que le risque probatoire soit supporté par l’assureur qui soulève une exception. En revanche, elle est pleinement dérogatoire lorsque la clause porte sur la définition du risque couvert.

Cette différenciation des régimes probatoires selon la qualité du demandeur produit des effets juridiques remarquables qui bouleversent l’économie générale du contrat d’assurance.

Cette dualité de régimes probatoires entraîne une conséquence remarquable : toutes les clauses restrictives dont l’assureur ne peut prouver l’existence deviennent inopposables à la victime, alors que le droit substantiel réserve cette solution aux seules déchéances. L’assureur se trouve dans la situation d’un garant qui fait une avance sur recours : il indemnise la victime sans tenir compte de la clause non prouvée, mais dispose d’une action récursoire contre le souscripteur sur qui pèse à titre définitif la charge probatoire.

L’équité commanderait que cette solution soit applicable quel que soit le mode de mise en cause de l’assureur : directement par la victime exerçant l’action directe, ou sur initiative de l’assuré qui l’appelle en garantie. Malheureusement, dans cette dernière hypothèse, il a été jugé que la charge probatoire reposait sur l’assuré, demandeur à la garantie d’assurance (Cass. 1re civ., 24 janv. 1995, n° 92-21.542). Cette solution n’est pas satisfaisante, car elle fait dépendre l’indemnisation complète de la victime d’un pur choix procédural.

e.3. Les modes de preuves

i Dans les rapports entre les parties

==>Principe de la preuve littérale

Les relations contractuelles entre assureur et souscripteur sont soumises à un régime probatoire rigoureux qui déroge aux règles de droit commun. L’obligation d’établir le contrat par écrit s’impose dans toutes les configurations : assurances individuelles, contrats collectifs lorsque l’adhérent est reconnu comme véritable partie contractante, et même dans les relations commerciales où le droit commun dispenserait ordinairement de cette formalité.

Cette spécificité puise son fondement dans l’article L. 112-3, alinéa 1er, qui impose que le contrat soit rédigé par écrit. Cette disposition crée un système dérogatoire aux règles générales de l’article 1359 du Code civil.

Aussi, l’obligation de preuve écrite s’impose quel que soit le montant en jeu et même dans les relations commerciales, où le droit commun dispenserait normalement de cette formalité (Cass. 1re civ., 4 juin 1996, n° 94-16.306).

Cependant, cette rigueur ne devrait pas s’étendre à la preuve du consentement lui-même. Ainsi, pour établir que l’assureur a accepté la proposition d’assurance avant la survenance du sinistre, tous les moyens de preuve demeurent admissibles, car il s’agit de prouver un fait juridique et non le contenu d’un acte juridique.

==>Diversité des supports probatoires admis

L’évolution de la jurisprudence témoigne d’une approche pragmatique dans l’appréciation des éléments de preuve. Les actes authentiques et sous seing privé constituent naturellement les preuves de référence, ces derniers bénéficiant d’une date certaine opposable aux tiers sans qu’aucune formalité d’enregistrement ne soit requise.

La complexité naît de l’admission progressive d’écrits moins formels. La jurisprudence a validé des supports variés : un exemplaire signé par le seul assureur (Cass. 1re civ., 6 janv. 1993, n° 91-12.748), des télégrammes (Cass. 1re civ., 12 juill. 1962), ou des mentions d’assurance reproduites dans des procès-verbaux officiels (Cass. 1re civ., 12 mai 1969).

L’admission de constats amiables portant des mentions pré-imprimées de l’assureur illustre cette souplesse (Cass. 2e civ., 24 juin 1998, n° 96-21.066), même si la jurisprudence exige que le document contienne des éléments substantiels permettant l’identification précise du véhicule assuré.

À l’inverse, l’absence de signature de l’assuré sur un document dactylographié fait obstacle à son utilisation probatoire (Cass. 1re civ., 4 juin 1996, n° 94-16.306). Cette solution, bien que rigoureuse, peut sembler excessive car elle limite les moyens de preuve alors que l’extension du domaine de la preuve littérale pourrait être compensée par une conception élargie de l’écrit admissible.

==>Adaptation aux évolutions technologiques

Le développement des nouvelles technologies de l’information a progressivement enrichi la palette des supports de preuve admissibles. L’article 1316 du Code civil, en consacrant l’équivalence entre documents électroniques et écrits traditionnels, a facilité cette évolution.

La télécopie illustre parfaitement cette ouverture jurisprudentielle. Après avoir reconnu sa validité probatoire (Cass. com., 2 déc. 1997), les tribunaux ont admis son utilisation pour des actes aussi importants que la résiliation contractuelle, dès lors que cette possibilité était contractuellement prévue (CA Lyon, 5 nov. 1993). Cette souplesse s’étend jusqu’à la reconnaissance de situations où l’impossibilité morale de se préconstituer une preuve écrite résulte d’usages professionnels établis (Cass. com., 22 mars 2011).

Concernant les photocopies, la jurisprudence a développé une approche nuancée particulièrement révélatrice. L’arrêt du 9 mai 1996 a marqué un tournant en validant une photocopie de bulletin de transfert en assurance-décès. Les juges avaient soigneusement vérifié que l’original était introuvable et que la copie constituait une reproduction fidèle, confirmée par des témoignages concordants sur la volonté du défunt (Cass. 1re civ., 9 mai 1996). Cette solution trouve son ancrage dans l’article 1348 du Code civil, qui encadre les reproductions fidèles et durables.

Toutefois, cette souplesse connaît des limites strictes. Sans preuve de sa conformité à l’original, la photocopie demeure sans valeur probante (Cass. 1re civ., 25 oct. 1994, n°92-14.654). Inversement, lorsque cette conformité n’est pas contestée par l’adversaire, le document acquiert pleine force probatoire (Cass. 1re civ., 7 févr. 1995, n° 92-12.634).

==>Modes de preuve subsidiaires

Malgré la primauté de l’écrit, certains moyens de preuve subsidiaires conservent leur pertinence. L’aveu, qu’il soit judiciaire ou extrajudiciaire, demeure recevable. Il peut résulter des écritures des parties (Cass. 1re civ., 9 mars 2004, n° 02-13.076), de correspondances relatives à la résiliation (Cass. 1re civ., 12 déc. 1966), ou porter sur l’acceptation d’un contrat téléphonique (Cass. 1re civ., 8 juill. 2003, n° 01-10.859).

Le commencement de preuve par écrit, complété par témoignages ou présomptions, trouve également sa place dans ce système probatoire (TI Saint-Denis, 12 mars 1965). Cette possibilité, conforme à l’article 1347 du Code civil, se justifie par l’incertitude qui peut affecter la force probante de certains écrits imparfaits.

==>Manifestations tacites de volonté

Nonobstant l’exigence d’écrit, la jurisprudence n’ignore pas totalement le caractère consensuel du contrat d’assurance. Les tribunaux admettent que l’accord des parties puisse résulter de comportements univoques, conformément aux dispositions générales de l’article 1113 du Code civil.

Cette approche pragmatique se manifeste dans plusieurs situations caractéristiques. Lorsque l’assureur transmet à l’assuré un projet de police pour signature, ce simple envoi révèle son intention de contracter (Cass. 1re civ., 28 févr. 1989). Plus significatif encore, l’apposition de sa propre signature sur le document contractuel constitue un engagement définitif, même antérieurement à tout retour signé par l’assuré (Cass. 1re civ., 6 janv. 1993, n° 91-12.748).

L’attitude de l’assureur face aux versements de l’assuré révèle également sa position contractuelle. L’encaissement de primes sans protestation peut traduire une acceptation de la proposition d’assurance, particulièrement lorsqu’il s’accompagne d’actes positifs de gestion (Cass. 1re civ., 17 févr. 1987).

Cependant, cette ouverture connaît des limites que la Cour de cassation rappelle régulièrement. L’arrêt rendu le 10 juillet 2002 par la Première chambre civile illustre parfaitement cette rigueur dans une affaire tragique d’assurance-vie.

En l’espèce, un médecin avait signé le 18 février 1993 deux bulletins d’adhésion (assurance-décès et pertes professionnelles) auprès de La Médicale de France, puis avait passé une visite médicale le 20 février et remis un chèque de 9 257,65 francs qui fut encaissé sans réserve le 17 mars. Tragiquement, l’assuré décédait le 25 mars suivant des suites d’une tumeur cérébrale diagnostiquée après la souscription mais avant l’encaissement du chèque.

Face à cette situation douloureuse, la Cour d’appel de Paris avait condamné l’assureur à verser la somme assurée aux héritiers, en relevant que “les consorts X… avaient apporté la preuve du contrat d’assurance conclu par leur auteur” du seul fait que l’assureur avait encaissé le chèque d’acompte “sans réserve”.

La Cour de cassation a censuré cette décision au motif que la cour d’appel avait statué “sans relever l’existence d’un écrit émanant de l’assureur faisant preuve du contrat d’assurance ou du moins, constitutif d’un commencement de preuve par écrit le rendant vraisemblable et régulièrement complété” (Cass. 1re civ., 10 juill. 2002, n° 99-15.430).

Cette solution peut sembler rigoureuse, voire inéquitable, dans un contexte aussi dramatique. Elle révèle toutefois une logique juridique cohérente qui distingue soigneusement deux opérations distinctes : la formation du contrat par le seul échange des consentements et l’établissement de sa preuve.

D’un point de vue purement théorique, l’encaissement du chèque par l’assureur après la visite médicale pouvait légitimement être interprété comme une acceptation de la proposition d’assurance. Cette analyse s’appuie sur le comportement univoque de l’assureur qui, en prélevant la somme, manifeste son intention de donner suite à la demande.

Cependant, la Cour de cassation rappelle que cette formation consensuelle du contrat, même avérée, ne dispense pas de l’exigence de rapporter la preuve du contrat d’assurance par écrit. L’article L. 112-3 impose un écrit qui ne peut être suppléé par de simples présomptions, même concordantes. Cette exigence vise à prévenir les contentieux en matérialisant clairement les termes de l’engagement de chaque partie.

La référence à l’article 1347 du Code civil n’est pas fortuite : elle ouvre néanmoins une possibilité de preuve subsidiaire par commencement de preuve par écrit complété par des éléments de preuve extrinsèques. Mais encore faut-il qu’existe un écrit émanant de l’assureur, ce qui n’était manifestement pas le cas en l’espèce où seuls les bulletins d’adhésion signés par l’assuré et l’encaissement du chèque étaient établis.

Cette jurisprudence illustre donc la tension entre deux impératifs : d’une part, respecter le caractère consensuel du contrat d’assurance qui se forme par la simple rencontre des volontés ; d’autre part, maintenir la sécurité juridique qu’apporte la preuve écrite en assurance. La solution retenue privilégie résolument la seconde considération, même au prix d’une apparente rigueur dans des situations humainement difficiles.

Cette rigueur s’explique par les particularités du contrat d’assurance. Les garanties sont souvent complexes, les montants en jeu considérables, et les litiges peuvent survenir des années après la souscription. Dans ce contexte, seul un écrit précis permet d’éviter les contestations sur l’étendue des engagements de chaque partie.

Ainsi, l’encaissement d’un chèque peut permettre de prouver que l’assureur a accepté de contracter, mais il ne démontre pas quelles garanties il s’est engagé à fournir, à quelles conditions, et pour quel montant. En cas de litige, ces éléments essentiels ne peuvent être établis que par la production d’un document écrit.

ii. Dans les rapports avec les tiers

==>Principe de liberté de la preuve

Les relations entre les tiers et les parties au contrat d’assurance obéissent à un régime probatoire distinct, marqué par une plus grande liberté, qui contraste avec l’exigence de preuve écrite imposée aux seuls contractants.

Cette liberté de la preuve se justifie pleinement lorsque le tiers — qu’il soit victime, bénéficiaire ou simple intéressé à l’opération d’assurance — cherche à établir l’existence ou le contenu du contrat. Ne participant pas à la formation de ce dernier, il ne peut se voir opposer l’exigence d’un écrit auquel il n’a pas eu accès, ni a fortiori être tenu de se constituer une preuve ab initio. La jurisprudence admet ainsi que le tiers peut rapporter la preuve du contrat d’assurance par tous moyens, y compris par voie de présomption (Cass. 1re civ., 17 juill. 1996, n° 94-16.796).

La question devient plus délicate lorsque l’initiative de la preuve n’émane pas du tiers, mais de l’assureur lui-même, qui entend opposer à un tiers les stipulations du contrat d’assurance. Se pose alors la question de savoir si l’assureur est tenu d’en rapporter la preuve par écrit.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 9 mai 1996, a apporté un éclairage important à cette interrogation (Cass. 1re civ., 9 mai 1996, n° 93-19.807). En l’espèce, le litige opposait deux assureurs à la suite d’un sinistre ayant donné lieu à une condamnation solidaire, l’un des assureurs réclamant à l’autre le remboursement d’une partie des sommes versées, en se fondant sur une clause de priorité figurant dans la police d’assurance. L’assureur demandeur produisait divers éléments extrinsèques à la police, laquelle n’avait pas été versée aux débats, pour établir l’existence d’une clause de tacite reconduction.

La juridiction du fond ayant admis cette preuve sur le fondement de simples présomptions, le pourvoi soutenait que la preuve des stipulations contractuelles, et notamment de la reconduction tacite du contrat, devait être rapportée par écrit, en application des articles L. 112-2 et L. 112-3 du Code des assurances.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en des termes particulièrement significatifs : elle rappelle que « la preuve par écrit des stipulations du contrat d’assurance n’est exigée que dans les rapports entre les parties au contrat et à l’égard de la victime ». Elle en déduit que la cour d’appel a pu à bon droit retenir l’existence de la clause litigieuse sur la base de présomptions, dès lors que l’existence du contrat n’était pas contestée et que le litige mettait en présence deux assureurs, tiers l’un à l’autre au contrat dont il s’agissait de démontrer une stipulation.

La portée de cette solution jurisprudentielle appelle une attention particulière. En affirmant que l’exigence de preuve écrite ne s’applique que dans les rapports entre les parties au contrat et à l’égard de la victime, la Cour de cassation restreint expressément le domaine dans lequel la preuve écrite constitue une condition impérative pour établir les stipulations du contrat d’assurance. Ce faisant, elle exclut de cette exigence les rapports impliquant des tiers non protégés, au premier rang desquels figurent les assureurs en recours ou tout autre tiers intervenant en dehors du lien d’assurance.

Autrement dit, en dehors de ces deux cercles protégés — les cocontractants et la victime du dommage —, la preuve des stipulations contractuelles peut être rapportée par tout moyen, y compris par voie de présomption, de comportement, ou d’éléments extrinsèques à la police. Cette solution consacre une application différenciée du régime probatoire, fondée sur la nature de la relation liant les parties au litige et sur la finalité protectrice du formalisme en matière d’assurance.

La distinction fondée sur la qualité du tiers auquel l’assureur oppose le contrat est déterminante pour apprécier le régime probatoire applicable. Elle reflète une conception fonctionnelle du formalisme, qui ne vise pas à imposer l’écrit de manière abstraite, mais à assurer la protection de ceux qui ne disposent pas des éléments du contrat, comme les victimes ou les bénéficiaires, et qui se trouvent, de ce fait, en situation d’infériorité probatoire.

C’est précisément cette logique qui justifie l’exigence renforcée de preuve par écrit lorsque l’assureur entend faire valoir une limitation ou une exclusion de garantie à l’encontre de la victime. La jurisprudence fait ici du formalisme un instrument de protection : il s’agit d’éviter qu’un tiers, qui n’a pas eu accès au contrat et ne peut en connaître les clauses, se voit opposer des stipulations dont l’assureur est seul maître. Dans cette configuration, la charge de la preuve pèse intégralement sur l’assureur, qui doit établir à la fois l’existence de la clause litigieuse et sa stipulation dans un écrit probant.

En revanche, lorsque le litige oppose l’assureur à un tiers non protégé, tel qu’un autre assureur, un intermédiaire ou un acquéreur du bien assuré, cette exigence de preuve écrite s’efface. Le droit commun de la preuve retrouve alors son application : la preuve des stipulations contractuelles peut être apportée par tous moyens, y compris par présomptions ou indices de comportement. C’est précisément ce qu’admet la Cour de cassation dans l’arrêt du 9 mai 1996, en validant la démonstration de l’existence d’une clause de tacite reconduction par de simples présomptions, au motif que le contrat litigieux n’était pas opposé à une partie ou à une victime, mais dans le cadre d’un recours entre deux assureurs.

Il en découle un régime probatoire gradué, fondé sur un principe simple : l’exigence de preuve écrite s’impose uniquement lorsque la protection d’un tiers le justifie, notamment lorsqu’il s’agit d’une victime ou d’un contractant n’ayant pas accès aux stipulations contractuelles. À l’inverse, lorsque le tiers ne bénéficie d’aucune protection spécifique — comme dans les rapports entre professionnels ou dans les recours entre assureurs —, la preuve peut être librement rapportée par tous moyens.

==>Etendue des moyens de preuve ouverts aux tiers

Le principe de liberté de la preuve, reconnu aux tiers au contrat d’assurance, leur permet d’établir l’existence ou le contenu de la garantie par tout moyen. Cette règle trouve une justification directe dans le fait que le tiers — qu’il soit victime, bénéficiaire ou simple intéressé — n’a pas participé à la formation du contrat et ne dispose pas, en principe, de la police d’assurance. Il serait donc déraisonnable de lui imposer une preuve par écrit qu’il n’a pas les moyens de se constituer.

Dans ce contexte, la jurisprudence reconnaît aux tiers la possibilité de recourir à des présomptions, pour démontrer la réalité du contrat ou l’étendue de la garantie. Celles-ci peuvent notamment être déduites du comportement de l’assureur, de ses déclarations, ou encore des modalités de gestion du sinistre (Cass. 2e civ., 17 juill. 1996).

Cette souplesse probatoire présente un intérêt pratique évident : elle pallie l’absence ou le refus de communication de la police d’assurance. Elle permet ainsi au tiers, et en particulier à la victime, de démontrer non seulement l’existence d’une couverture d’assurance, mais aussi son périmètre effectif, sans être tenu à un mode de preuve déterminé.

Il s’agit là d’un instrument de protection essentiel, qui s’inscrit dans la continuité des principes dégagés par la Cour de cassation : lorsque le formalisme ne se justifie pas par un impératif de protection du contractant ou de la victime, la charge de la preuve s’allège, et les modes de preuve se diversifient. À l’inverse, lorsque la preuve est invoquée contre un tiers protégé, elle doit répondre à des exigences accrues.

iii. Rôle particulier de l’attestation d’assurance

==>Définition de l’attestation d’assurance et distinction d’avec la note de couverture

L’attestation d’assurance est un document unilatéralement émis par l’assureur, destiné à établir que son cocontractant bénéficie d’une couverture en vigueur à une date donnée. Ce document, d’usage courant, permet à l’assuré de satisfaire à certaines obligations légales ou contractuelles qui imposent de justifier d’une assurance, comme en matière automobile (C. assur., art. R. 211-14), d’assurance décennale, ou encore d’assurance de responsabilité civile professionnelle.

L’attestation ne constitue pas, en elle-même, un acte contractuel : elle présuppose l’existence d’un contrat préexistant et se borne à en attester la réalité à des fins de preuve externe. Sa délivrance n’est en principe subordonnée à aucun formalisme, bien qu’en pratique elle obéisse à des modèles types pour certains secteurs régis (ex. : carte verte).

Il convient toutefois de ne pas la confondre avec la note de couverture, qui est un document à finalité très différente. Tandis que l’attestation suit la formation du contrat, la note de couverture la précède : elle constitue un engagement provisoire de l’assureur, souvent pris à l’occasion d’une souscription par l’intermédiaire d’un courtier, dans l’attente de l’émission de la police définitive. Elle a ainsi une véritable portée contractuelle, bien qu’à durée limitée.

La jurisprudence a néanmoins admis, dans certaines hypothèses, qu’une attestation puisse être requalifiée en note de couverture, notamment lorsque son contenu précise de façon suffisante la nature et l’étendue de la garantie (Cass. 1re civ., 30 mars 1994, n° 90-11.241). Cette requalification repose sur une analyse concrète du contenu du document et de l’intention des parties, mais elle demeure exceptionnelle. En principe, la distinction entre les deux instruments reste structurante, tant au regard de leur fonction que de leur valeur juridique.

==>Nature juridique et fonction probatoire

En dépit de son apparence formelle, l’attestation d’assurance ne constitue pas un acte contractuel. Elle n’a ni pour objet, ni pour effet de créer, modifier ou proroger les engagements de l’assureur. Elle se limite à constater l’existence d’un contrat en cours, dont elle est un simple reflet administratif, sans force obligatoire propre.

Sur le plan probatoire, elle ne constitue qu’une présomption simple de souscription, susceptible d’être renversée par tout moyen. La jurisprudence est constante sur ce point : l’attestation ne fait pas preuve du contrat, mais permet d’en présumer l’existence, sans dispenser celui qui s’en prévaut d’établir le contenu effectif des garanties (Cass. 2e civ., 26 oct. 2017, n° 16-18.151). Cette présomption peut d’ailleurs être écartée, par exemple si l’assureur établit que la police a été résiliée antérieurement à la date indiquée sur l’attestation.

La portée probatoire de l’attestation varie selon les contextes. Lorsqu’elle est exigée par la loi — comme en matière d’assurance automobile ou de responsabilité décennale —, elle peut constituer une présomption légale, dont la force est plus difficilement réfragable. À l’inverse, dans les hypothèses où elle est remise à la seule initiative de l’assuré ou pour répondre à une exigence contractuelle, elle constitue tout au plus une présomption de fait, dont la valeur dépendra de son contenu et des circonstances de sa délivrance.

En définitive, l’attestation d’assurance ne dispense ni l’assuré ni le tiers de rapporter la preuve de la validité et du contenu du contrat. Elle ne vaut ni commencement de preuve par écrit, ni reconnaissance de garantie, sauf à démontrer qu’elle a été délivrée avec l’intention d’engager l’assureur au-delà de la police elle-même — hypothèse exceptionnelle que la jurisprudence n’admet qu’avec rigueur.

==>Limites probatoires de l’attestation

L’attestation d’assurance ne peut suppléer les éléments essentiels à la validité du contrat, et notamment le paiement effectif de la prime. Ainsi, l’assureur n’est pas tenu à garantie en l’absence de règlement, même s’il a remis une attestation à l’assuré. Ce principe rappelle que l’attestation n’a pas de valeur contractuelle propre : elle ne lie ni ne contraint l’assureur au-delà des stipulations effectives de la police.

Ce constat s’étend à la question du contenu de la garantie. Conformément à l’article L. 112-6 du Code des assurances, l’assureur peut opposer aux tiers les exclusions et limitations de garantie opposables à l’assuré, même si elles ne figurent pas sur l’attestation (Cass. 3e civ., 20 oct. 2021, n°20-18.533). L’attestation ne prime donc jamais sur les dispositions de la police d’assurance à laquelle elle se réfère.

==>Responsabilité en cas de délivrance prématurée ou trompeuse

La remise d’une attestation en l’absence de contrat valable peut engager la responsabilité de son émetteur. La jurisprudence qualifie une telle délivrance de “création d’une illusion de garantie“, susceptible de générer un préjudice pour le tiers qui se serait fondé de bonne foi sur le document (Cass. 3e civ., 24 oct. 2012, n° 11-16.012). Cette responsabilité peut être retenue tant à l’égard de l’assureur que des intermédiaires impliqués, en particulier lorsque ceux-ci agissent en apparence au nom de la compagnie (Cass. crim., 27 nov. 2007, n°06-87.454).

==>Portée probatoire dans les rapports avec les tiers

Malgré ses limites, l’attestation conserve une portée probatoire non négligeable dans les rapports avec les tiers, notamment la victime exerçant une action directe. Si l’attestation ne saurait valoir preuve complète du contrat, elle peut constituer un indice sérieux, corroboré par le comportement de l’assureur, ses déclarations ou la gestion du sinistre (Cass. 2e civ., 17 juill. 1996). Dans cette perspective, elle participe à l’économie probatoire protectrice que le droit des assurances réserve aux tiers, en particulier aux victimes.

f. Règles d’interprétation de la police d’assurance

i. Conditions d’exercice du pouvoir d’interprétation du juge

==>La densité du contentieux lié à l’interprétation des polices d’assurance

Le droit des assurances se caractérise par un contentieux particulièrement dense relatif à l’interprétation des polices. Cette situation s’explique par plusieurs causes convergentes : la prolifération des contrats d’assurance, la complexité de leur structure et les difficultés linguistiques inhérentes à ce type de conventions.

La police d’assurance présente en effet une architecture particulièrement complexe. Elle articule généralement trois niveaux de stipulations : les conditions générales, acte prérédigé et uniformisé ; les conditions particulières, qui individualisent chaque contrat ; et les conventions spéciales, qui précisent les modalités de certaines garanties. Cette stratification contractuelle multiplie les risques de contradiction et d’ambiguïté entre les différentes stipulations.

À cette complexité structurelle s’ajoute une difficulté rédactionnelle. Le vocabulaire assurantiel, bien qu’en voie d’amélioration, demeure empreint d’une technicité qui peut nuire à la clarté des engagements contractuels. Les assureurs peinent parfois à concilier précision technique et accessibilité du langage, créant des zones d’ombre propices aux litiges d’interprétation.

==>Le pouvoir d’interprétation du juge

L’interprétation des contrats d’assurance relève de la compétence exclusive des juridictions du fond. Cette prérogative constitue un pouvoir souverain qui échappe, par principe, au contrôle de la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 22 oct. 1974). Les juges du fond jouissent donc d’une liberté d’appréciation dans l’analyse du sens des stipulations contractuelles ambiguës.

Cette liberté d’appréciation connaît cependant une limite majeure : elle ne peut s’exercer que face à des clauses présentant un caractère obscur ou ambigu. Lorsque les termes contractuels possèdent une signification claire et univoque, l’interprétation devient non seulement inutile mais interdite. Le principe interpretatio cessat in claris impose alors l’application littérale de la stipulation.

La Deuxième chambre civile a précisé la portée de cette règle dans un arrêt du 10 septembre 2015. En l’espèce, une clause de la police d’assurance prévoyait prévoyait le versement de prestations “pendant toute la durée de l’incapacité-invalidité donnant lieu à la pension de la sécurité sociale et jusqu’à la date de liquidation des assurances vieillesse telle qu’elle est prévue notamment aux articles L. 304 et suivants du code de la sécurité sociale“. Or, les articles L. 304 et suivants du Code de la sécurité sociale n’existaient pas.

La cour d’appel avait considéré que cette référence erronée rendait la clause ambiguë, justifiant son interprétation en faveur de l’assuré conformément à l’article L. 133-2 du Code de la consommation. Elle en avait déduit que la substitution d’une pension de vieillesse à une pension d’invalidité n’interrompait pas le versement des prestations.

La Cour de cassation censure la Cour d’appel en énonçant que “les juges du fond ne jouissent du pouvoir d’interpréter les conventions que si celles-ci sont obscures ou ambiguës” et que la cour d’appel “s’est bornée à relever que l’article 25 du contrat citait un article du code de la sécurité sociale qui n’existait pas, circonstance qui ne suffisait pas à le priver de clarté et ne nuisait pas à sa compréhension” (Cass. 2e civ., 10 sept. 2015, n°14-22.669).

Cette décision pose un principe clair : une erreur dans la référence à un texte légal ne rend pas automatiquement la clause ambiguë si son objectif reste compréhensible. En l’occurrence, bien que les articles L. 304 et suivants du Code de la sécurité sociale n’existent pas, la finalité de la clause demeurait évidente : faire cesser les prestations à la liquidation de la retraite.

La Cour de cassation refuse ainsi aux juges du fond la possibilité d’interpréter une clause sous prétexte qu’elle contient une référence juridique inexacte. Une simple erreur matérielle ne justifie pas d’écarter le sens apparent d’une stipulation, fût-ce au bénéfice de l’assuré. Cette solution protège la sécurité juridique en empêchant les tribunaux de dénaturer la volonté contractuelle sous couvert d’interprétation favorable.

==>L’interprétation des clauses d’exclusion

Les clauses d’exclusion de garantie font l’objet d’un encadrement en matière d’interprétation particulièrement strict. L’article L. 113-1 du Code des assurances exige que ces dispositions soient “formelles et limitées“, condition de leur validité et de leur opposabilité.

Cette exigence légale a conduit la Cour de cassation à adopter une position radicale : « une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée » (Cass. 1re civ., 22 mai 2001, D. 2001, p. 2776, note Beignier ; RGDA 2001, p. 944, note Kullmann).

Cette exigence légale a conduit la Cour de cassation à poser une règle sans concession. Dans un arrêt du 22 mai 2001, elle énonce qu’« une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée » (Cass. 1re civ., 22 mai 2001, D. 2001, n°99-10.849).

Cette formule découle directement de l’application de l’article L. 113-1 du Code des assurances. En l’espèce, un assuré réclamait le versement d’un capital invalidité après une transplantation cardiaque. L’assureur opposait une clause excluant “les incapacités contractées par l’assuré antérieurement à son admission dans l’assurance“. La cour d’appel avait validé cette exclusion en considérant que, “sans s’arrêter au sens littéral du terme incapacité“, il convenait d’entendre cette clause comme visant “la conséquence d’affections ou d’infirmités contractées par l’assuré avant la prise d’effet du contrat”.

La Cour de cassation censure cette solution au motif que “cette clause était ambiguë“. En refusant de s’en tenir au sens littéral du terme “incapacité” pour lui substituer une interprétation extensive, la cour d’appel avait reconnu implicitement que la clause nécessitait une interprétation. Or, une clause qui doit être interprétée ne peut, par définition, être considérée comme “formelle et limitée” au sens de l’article L. 113-1.

Cette jurisprudence, constamment réaffirmée (Cass. 3e civ., 27 oct. 2016, n° 15-23.841), établit un principe simple : toute exclusion ambiguë doit être écartée plutôt qu’interprétée.

Cette jurisprudence trouve une application récente dans un arrêt de la Deuxième chambre civile du 25 janvier 2024. L’affaire concernait une société de traiteur qui réclamait la garantie de ses pertes d’exploitation liées aux mesures de fermeture imposées pendant la pandémie de Covid-19. L’assureur opposait une clause d’exclusion stipulant que « demeure toutefois exclue : – la fermeture consécutive à une fermeture collective d’établissements dans une même région ou sur le plan national, – lorsque la fermeture est la conséquence d’une violation volontaire à la réglementation, de la déontologie ou des usages de la profession ».

L’assurée soutenait que cette clause était ambiguë et ne pouvait donc être considérée comme formelle et limitée. Elle faisait valoir que « ni l’emploi du singulier pour conjuguer le verbe “demeurer” ni l’usage de la conjonction de coordination “lorsque” n’avaient pu établir clairement le caractère cumulatif des deux propositions », créant un doute sur l’interprétation cumulative ou alternative des deux exclusions.

La Cour de cassation lui donne raison en censurant la cour d’appel qui avait validé l’exclusion. Elle énonce que « la clause d’exclusion précitée, rendue ambiguë par l’usage de la conjonction de subordination “lorsque”, nécessitait interprétation, de sorte qu’elle n’était pas formelle » (Cass. 2e civ., 25 janv. 2024, n° 22-14.739).

Cette décision illustre la rigueur de la Haute juridicition dans l’appréciation du caractère formel des exclusions. L’emploi de la conjonction “lorsque” introduisait une incertitude sur l’articulation entre les deux branches de l’exclusion : fallait-il les comprendre comme deux exclusions indépendantes ou comme une exclusion unique à double condition ? Cette ambiguïté rédactionnelle suffisait à priver la clause de son caractère formel, la rendant inapplicable.

Cette jurisprudence traduit une volonté claire de protection de l’assuré. En refusant d’interpréter les exclusions ambiguës, les tribunaux empêchent les assureurs de se soustraire à leurs obligations par le biais de rédactions volontairement équivoques. Cette approche incite également les compagnies d’assurance à améliorer la précision de leurs stipulations d’exclusion.

==>Le principe de l’interprétation in favorem de l’assuré

Le principe d’interprétation in favorem à l’assuré repose sur deux textes principaux qui se complètent pour offrir une protection étendue.

Le premier fondement concerne les assurés-consommateurs. L’article L. 211-1 du Code de la consommation dispose que les clauses des contrats proposés par les professionnels «s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ». Cette règle s’applique lorsque l’assuré contracte pour ses besoins personnels, en dehors de toute activité professionnelle.

Cette protection vaut également pour les contrats d’assurance collective. Même si l’employeur qui souscrit le contrat-cadre agit en professionnel, les salariés qui y adhèrent le font en qualité de consommateurs. L’article L. 211-1 leur profite donc, car le contrat leur est “proposé” au sens du texte.

Le second fondement vise les contrats d’adhésion. L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit l’article 1190 du Code civil, qui étend la règle d’interprétation favorable aux contrats d’adhésion. Cette innovation permet aux assurés professionnels d’en bénéficier, même s’ils ne sont pas consommateurs.

Cette extension présente un intérêt majeur en assurance. Les polices d’assurance constituent par nature des contrats d’adhésion : l’assureur rédige seul les conditions générales, l’assuré ne pouvant que les accepter ou les refuser en bloc.

Une limite importante tempère cette règle. Lorsqu’un courtier représentant l’assuré négocie réellement le contenu du contrat, celui-ci devient un contrat de gré à gré au sens de l’article 1110 du Code civil. L’interprétation favorable ne s’applique plus, puisque les clauses résultent d’une négociation équilibrée entre les parties.

L’interprétation in favorem à l’assuré a évolué : d’abord fondée sur les règles générales d’interprétation, elle s’appuie désormais sur des textes spéciaux permettant un contrôle de cassation.

Traditionnellement, les tribunaux appliquaient la règle générale d’interprétation contra stipulatorem. L’ancien article 1162 du Code civil prévoyait que les clauses ambiguës s’interprètent contre celui qui les a rédigées. Les tribunaux en déduisaient que « toute clause obscure ou ambiguë doit s’interpréter contre l’assureur » (CA Montpellier, 27 juin 1990). Cette solution se justifiait par le fait que l’assureur rédige seul ses polices.

Un tournant s’est opéré en 2003. La Première chambre civile a rendu un arrêt majeur le 21 janvier 2003 qui procède à un changement de fondement juridique du principe de l’interprétation in favorem de l’assuré  (Cass. 1ère civ. 21 janv. 2003, n° 00-13.342 et 00-19.001) . L’affaire concernait un assuré atteint de sclérose en plaque qui réclamait le versement d’un capital invalidité. L’assureur refusait de garantir au motif que l’assuré ne remplissait pas “la double condition prévue au contrat“.

La Cour de cassation se fonde directement sur l’article L. 133-2 du Code de la consommation, rappelant que ce texte impose que “les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel“. Elle constate ensuite que “la clause définissant le risque invalidité était bien ambiguë de sorte qu’elle devait être interprétée dans le sens le plus favorable” à l’assuré.

Cette décision marque une rupture méthodologique. Pour la première fois, la Cour de cassation fonde explicitement l’interprétation favorable sur le droit de la consommation plutôt que sur les règles générales d’interprétation des contrats.

Cette évolution a une conséquence majeure : la Cour de cassation contrôle désormais l’application de cette règle. En effet, le visa de l’article L. 133-2 permet à la Haute juridicition de censurer les arrêts qui méconnaissent l’obligation d’interpréter favorablement au consommateur. Alors qu’elle ne pouvait auparavant vérifier l’interprétation des clauses ambiguës, relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond, elle peut maintenant sanctionner le non-respect de l’interprétation favorable lorsque les conditions légales sont réunies.

Cette jurisprudence s’est confirmée dans de nombreux arrêts ultérieurs (Cass. 2e civ., 1er juin 2011, n° 09-72.552 et 10-10.843 0).

L’application aux contrats collectifs suit, quant à elle, une logique particulière. L’article L. 211-1 vise les contrats “proposés” au consommateur. Cette formulation permet d’inclure les contrats collectifs à adhésion facultative : même si l’employeur souscrit le contrat-cadre en professionnel, les salariés qui y adhèrent librement bénéficient de la protection consumériste. En revanche, les contrats collectifs à adhésion obligatoire échappent à cette règle, car ils ne sont pas réellement “proposés” aux bénéficiaires (Cass. 2e civ., 8 juill. 2010, n° 09-16.417).

L’interprétation favorable à l’assuré ne s’applique pas systématiquement. Elle connaît deux limites principales qui restreignent son domaine d’application.

Première limite : les clauses claires ne peuvent être interprétées. Lorsqu’une stipulation possède un sens évident, l’interprétation favorable devient inutile et interdite. Le principe interpretatio cessat in claris s’impose : on n’interprète que ce qui est obscur (Cass. 1re civ., 26 févr. 2020, n° 18-21.306).

La jurisprudence illustre cette règle par plusieurs cas concrets. L’arrêt de la Première chambre civile du 2 décembre 2003 offre un exemple éclairant. Un emprunteur avait souscrit une assurance “perte d’emploi” couvrant les échéances de son prêt “lorsque l’assuré licencié bénéficiait d’une allocation chômage”. Son employeur ayant mis fin au contrat de travail à l’issue de la période d’essai, l’assureur refusait sa prise en charge.

La cour d’appel avait accueilli la demande de l’assuré en considérant que “le but de la police étant de garantir à un emprunteur le paiement du prêt immobilier au cas où il se trouve privé d’emploi pour une raison indépendante de sa volonté, le terme ‘licencié’ doit s’entendre, quel que soit le sens de ce terme dans la jurisprudence sociale, d’une privation d’emploi non volontaire”.

La Cour de cassation censure cette interprétation extensive en rappelant que “sous couvert d’interprétation, les juges ne peuvent altérer le sens clair et précis d’un contrat, ni modifier les obligations que les parties avaient librement acceptées“. Elle précise que la cour d’appel, “en étendant la garantie due par l’assureur en interprétant le terme ‘licencié’, dont le sens clair et précis est exclusif de la rupture du contrat de travail pendant la période d’essai“, avait dénaturé le contrat (Cass. 1re civ., 2 déc. 2003, n° 01-10.019).

Cette solution confirme que l’interprétation favorable ne peut jouer lorsque les termes employés possèdent une signification juridique précise. Le terme “licencié” ayant un sens technique défini par le droit du travail, qui exclut la rupture pendant la période d’essai, aucune ambiguïté ne justifiait une interprétation extensive favorable à l’assuré.

De même, un arrêt de la Deuxième chambre civile du 16 novembre 2006 illustre ce principe à propos d’une garantie invalidité (Cass. 2e civ. 16 nov. 2006, n°06-10.424). Un gérant de société victime d’une chute réclamait l’indemnisation de ses séquelles au titre d’une assurance individuelle accident. L’assureur refusait sa garantie en soutenant que seule était couverte “l’invalidité absolue définitive correspondant à l’invalidité 3e catégorie telle que définie par la sécurité sociale“.

La cour d’appel avait donné raison à l’assuré par un raisonnement alambiqué. Elle considérait que “l’objet de la garantie était parfaitement désigné par le chapitre 3 comme étant l’accident, sans autre précision, le décès et l’invalidité ne pouvant être que les conséquences de l’accident” et que “l’assureur ajoutait donc au contrat des précisions qu’il ne contenait pas du fait d’une rédaction approximative“. Elle en déduisait que les clauses devaient s’interpréter “en cas de doute, en faveur du consommateur” et qu’à défaut d’exclusion claire, toute invalidité permanente était garantie.

La Cour de cassation censure cette solution en rappelant que “selon les stipulations contenues dans les chapitres 3 et 5 des conditions particulières, qui prévalent sur les conditions générales et sont dépourvus d’ambiguïté, seule était garantie, pour un capital d’un certain montant, l’invalidité absolue définitive correspondant à l’invalidité 3e catégorie telle que définie par la sécurité sociale, impliquant la nécessité de l’assistance permanente d’une tierce personne pour accomplir les actes essentiels de la vie“.

Cette décision établit un principe clair : lorsqu’une clause renvoie expressément à une classification légale précise, elle ne peut faire l’objet d’une interprétation extensive. En l’espèce, les conditions particulières limitaient la garantie à “l’invalidité 3e catégorie telle que définie par la sécurité sociale“, formule qui possède un contenu juridique déterminé.

La cour d’appel avait tort de considérer cette référence comme ambiguë. La classification de la sécurité sociale définit avec précision les trois catégories d’invalidité selon des critères médicaux objectifs. En visant spécifiquement la troisième catégorie, le contrat excluait automatiquement les invalidités de première et deuxième catégories, sans qu’il soit besoin d’une clause d’exclusion expresse.

L’interprétation favorable ne peut donc jouer pour étendre une garantie au-delà des limites clairement fixées par référence à un texte légal précis.

Seconde limite : la priorité donnée à l’intention commune des parties. Avant d’appliquer le principe de l’interprétation in favorem à l’assuré, le juge doit rechercher la volonté réelle des contractants. Si cette recherche permet de lever l’ambiguïté, l’interprétation in favorem devient inutile. L’article 1190 du Code civil le précise : l’interprétation favorable ne joue qu’en cas de “doute” persistant sur l’intention commune, après épuisement des autres méthodes d’interprétation.

==>Résolution des conflits entre stipulations contractuelles

Les tribunaux ne peuvent interpréter que les clauses ambiguës. Face à une stipulation claire et précise, ils doivent l’appliquer sans chercher à en modifier le sens. Cette règle fondamentale protège la sécurité juridique et respecte la volonté des parties.

La Cour de cassation sanctionne sévèrement toute dénaturation des clauses univoques. L’arrêt du 11 juin 2009 rendu par la Deuxième chambre civile illustre cette rigueur à propos d’une clause de subsidiarité. Une société de gestion de conteneurs réclamait la garantie du vol de 122 conteneurs citernes. Le contrat prévoyait que la garantie “intervient en excédent de garantie et capitaux couverts par ailleurs pour les risques assurés ou en cas de défaillance ou insuffisances desdites garanties“.

La cour d’appel avait accueilli la demande en considérant que cette clause, “rédigée sous forme affirmative, et sans indiquer que la garantie serait conditionnée à l’existence d’autres garanties, mais seulement qu’elle ‘intervient en excédent’ de telles garanties, constitue manifestement une clause de subsidiarité et ne saurait, sans dénaturation, être considérée comme stipulant exclusion“.

La Cour de cassation censure cette interprétation en rappelant que “la clause de subsidiarité subordonnait clairement la garantie de l’assureur à l’existence d’une autre assurance couvrant le même risque” et que la cour d’appel, “qui en a dénaturé le sens et la portée“, avait violé l’article 1134 du Code civil (Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-16.362). Cette décision démontre que la volonté de protéger l’assuré ne justifie jamais l’écartement d’une clause dont le sens est évident.

Cette rigueur s’observe dans de nombreuses applications. Les juges ne peuvent affirmer que le paiement d’un acompte fait courir la garantie lorsque la police prévoit expressément une prise d’effet “le lendemain à midi du jour du paiement de la première prime” (Cass. 1re civ., 10 mars 1964). De même, ils ne sauraient écarter une clause d’assistance exigeant l’accord préalable de l’assureur sous prétexte que l’assuré comateux ne pouvait la respecter, dès lors que cette exigence était clairement stipulée.

L’arrêt du 19 décembre 2000 illustre parfaitement ce principe. Un médecin victime d’une encéphalite herpétique à l’île Maurice avait été rapatrié d’urgence en France par son épouse, sans prévenir préalablement l’assureur. Le contrat stipulait que “l’organisation par le bénéficiaire ou par son entourage de l’une des assistances énoncées ne peut donner lieu à prise en charge que si Mondial Assistance a été prévenue préalablement et a donné son accord exprès“.

La cour d’appel avait écarté cette clause en retenant que l’assuré comateux était dans l’impossibilité de respecter cette obligation du fait de la force majeure, et que son épouse, “ne connaissant pas les termes du contrat d’assistance dont elle n’était qu’un bénéficiaire indirect, n’avait pu avertir Mondial Assistance de leur départ précipité“.

La Cour de cassation censure cette solution en précisant qu’aux termes de la clause litigieuse, “l’information de la société d’assistance incombait à l’entourage du bénéficiaire dès lors qu’il se chargeait d’organiser la prestation d’assistance“. Elle reproche ici à la Cour d’appel de ne pas avoir “constaté l’impossibilité absolue, pour Mme X…, de prévenir la société Mondiale Assistance” (Cass. 1re civ., 19 déc. 2000, n° 98-14.141). Cette décision confirme qu’une clause claire s’impose même en cas de difficultés pratiques d’exécution. En l’espèce, le fait que l’épouse ignore les termes du contrat ou que la situation soit urgente ne suffisait pas à écarter l’obligation de prévenir l’assureur. La Cour de cassation exige la démonstration d’une impossibilité matérielle absolue pour justifier l’inexécution d’une stipulation univoque.

Le contrôle de la dénaturation, codifié à l’article 1192 du Code civil, permet à la Cour de cassation de vérifier le respect de cette règle. Ce contrôle s’exerce avec une vigilance particulière lorsque les juges du fond s’écartent du sens apparent d’une clause.

La police d’assurance moderne présente une architecture complexe. Elle réunit généralement trois types de documents : les conditions générales, préimprimées et identiques pour tous les contrats d’une même catégorie ; les conditions particulières, qui individualisent chaque contrat ; et les conventions spéciales, qui précisent certaines garanties spécifiques. Cette diversité documentaire engendre inévitablement des contradictions.

Les conditions particulières priment les conditions générales. Cette règle, codifiée à l’article 1119, alinéa 3, du Code civil, énonce qu’« en cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières ». Cette prééminence se justifie logiquement : les conditions particulières, rédigées pour un assuré déterminé, expriment plus fidèlement la volonté des parties que les conditions générales uniformisées.

Cette hiérarchie ne souffre aucune exception. Elle s’applique même lorsque les conditions générales seraient plus avantageuses pour l’assuré (Cass. 1re civ., 9 févr. 1999, n°96-19.538). Le principe juridique l’emporte sur toute considération d’opportunité.

Les conventions spéciales se situent à un niveau intermédiaire (Cass. 1re civ., 2 mai 1989). Plus précises que les conditions générales mais moins personnalisées que les conditions particulières, elles servent notamment à détailler les modalités de garanties spécifiques dans les contrats multirisques.

L’application stricte de cette hiérarchie se vérifie dans la jurisprudence récente. L’arrêt du 4 octobre 2018 illustre parfaitement cette rigueur. Une SCI propriétaire d’un immeuble de dix appartements avait souscrit une assurance multirisque habitation “propriétaire non occupant”. L’immeuble étant devenu inoccupé à la suite d’un incendie, des vols et détériorations y avaient été commis. Un litige opposait les parties sur l’étendue de la garantie vol.

La cour d’appel avait limité l’indemnisation en retenant “qu’au titre de la garantie vol, seul celui effectué dans les locaux techniques ou d’entretien est garanti“. Cette restriction s’appuyait sur l’article 12 des conditions générales qui limitait effectivement la garantie vol aux seuls locaux techniques et d’entretien.

Cependant, la cour d’appel avait elle-même constaté que “selon ses conditions particulières, le contrat d’assurance souscrit par la SCI garantissait notamment le vol dans les parties communes de l’immeuble, celles-ci devant s’entendre comme celles utilisées par l’ensemble des locataires“. Cette stipulation des conditions particulières était manifestement plus large que celle des conditions générales.

La Cour de cassation rappelle d’abord le principe fondamental : “les clauses des conditions particulières d’une police d’assurance prévalent sur celles des conditions générales au cas où les premières sont inconciliables avec les secondes“. Elle censure ensuite la cour d’appel qui “a fait prévaloir les conditions générales de la police d’assurance limitant, en leur article 12, la garantie vol à celui commis dans les locaux techniques et d’entretien, bien que ces dernières soient inconciliables avec les premières” (Cass. 2e civ., 4 oct. 2018, n° 17-20.624).

Cette décision confirme que la règle de priorité s’applique sans exception : dès lors que les conditions particulières contredisent les conditions générales, les premières s’imposent automatiquement. Peu importe que les conditions générales soient plus restrictives ou que leur application puisse paraître logique, elles doivent céder devant les stipulations particulières incompatibles.

Cette hiérarchie ne joue qu’en cas de contradiction véritable. Lorsque les différents documents peuvent coexister harmonieusement, chacun s’applique dans son périmètre respectif. L’ordre de priorité n’intervient que face à une incompatibilité réelle entre les stipulations.

Un arrêt du 27 avril 2017 illustre cette nuance. Une société fabricant de circuits imprimés avait souscrit une assurance responsabilité civile avec une extension de garantie “dommages aux biens confiés“. Un incendie ayant détruit des biens de tiers dans ses locaux, l’assureur refusait sa garantie en invoquant l’article 4.1 des conditions générales excluant “les dommages matériels et immatériels causés par un incendie”.

L’assurée soutenait que cette exclusion générale était inconciliable avec l’extension de garantie souscrite dans les conditions particulières, laquelle couvrait “les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile incombant à l’assuré en raison des dommages causés aux biens qui lui sont confiés“. Elle invoquait la règle de priorité des conditions particulières sur les conditions générales.

La Cour de cassation rejette ce moyen en précisant que la cour d’appel avait légalement justifié sa décision en “ayant décrit l’articulation des différentes stipulations de la police d’assurance, ce dont il résultait que l’extension de garantie des dommages causés aux biens confiés prévue dans les conditions particulières n’était pas inconciliable avec l’exclusion générale des dommages causés dans l’établissement par un incendie” (Cass. 2e civ., 27 avr. 2017, n° 15-24.561).

Cette solution confirme qu’en l’absence d’incompatibilité véritable, les différentes stipulations coexistent selon leur logique propre. L’extension de garantie des conditions particulières ne remettait pas en cause l’exclusion générale des conditions générales, mais précisait simplement le périmètre d’une garantie spécifique. La hiérarchie documentaire n’avait donc pas lieu de s’appliquer.

En complément de ces règles de priorité documentaire, d’autres principes permettent de trancher les conflits contractuels dans des situations particulières.

Les mentions manuscrites l’emportent sur le texte imprimé. Cette règle ancienne (Cass. 1re civ., 9 oct. 1990, n° 88-10.758) s’explique par une présomption simple : l’ajout manuscrit d’une mention révèle une volonté délibérée de modifier le contrat-type. Contrairement au texte préimprimé, standardisé et répétitif, l’écriture manuelle témoigne d’une attention particulière portée à une stipulation spécifique.

En cas de divergence entre exemplaires, celui de l’assuré fait foi. Lorsque les versions détenues par chaque partie présentent des différences, la jurisprudence privilégie systématiquement l’exemplaire remis à l’assuré (Cass. 1re civ., 28 avr. 1993, n° 91-12.493). Cette préférence repose sur une double logique : d’une part, l’exemplaire de l’assuré constitue l’expression ultime de la volonté de l’assureur qui l’a rédigé et transmis ; d’autre part, l’assureur doit supporter les risques liés à ses propres défaillances dans la confection des documents contractuels.

L’intention commune des parties prime sur toutes ces règles. Ces principes techniques cèdent devant la volonté réelle des contractants clairement établie. Les juges doivent rechercher cette intention en considérant le contrat dans sa globalité (Cass. 1re civ., 22 nov. 1988). Cette recherche peut même conduire exceptionnellement à faire primer les conditions générales lorsque telle était manifestement la volonté partagée des parties (Cass. 1re civ., 30 oct. 1962).

La pratique révèle certaines incohérences dans l’application de ces principes. Certains domaines échappent régulièrement à l’interprétation favorable. Les clauses de plafond “par année et par sinistre” sont ainsi généralement interprétées de manière restrictive, fixant un montant maximum pour une année d’assurance quel que soit le nombre de sinistres (Cass. 1re civ., 9 juill. 1996, n° 94-19.876). De même, l’appréciation de la condition d’extériorité dans les assurances accidents donne lieu à des solutions variables : tantôt favorable à l’assuré pour un décès par fausse route alimentaire (Cass. 2e civ., 24 mai 2006, n° 05-13.639), tantôt défavorable pour un assuré victime d’apnées du sommeil qui s’était endormi au volant (Cass. 2e civ., 13 janv. 2012, n° 10-25.144).

Ces divergences s’expliquent par la difficulté à concilier deux impératifs : d’un côté, la protection de l’assuré considéré comme partie faible ; de l’autre, le respect de l’autonomie de la volonté et de la liberté contractuelle. Selon les circonstances de chaque espèce, l’un ou l’autre de ces objectifs peut prédominer, créant une apparente incohérence dans les solutions jurisprudentielles.

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