Site icon Gdroit

L’obligation d’information due pour les contrats d’assurances vie individuels

Certaines branches d’assurance présentent des caractéristiques techniques ou économiques particulières qui justifient, en complément de l’obligation générale d’information, la mise en place d’un formalisme renforcé. Qu’il s’agisse des contrats comportant des garanties de responsabilité, des assurances non-vie, des assurances affinitaires ou encore de l’assurance emprunteur, des règles spécifiques encadrent l’information à délivrer au souscripteur. Ces exigences particulières répondent à un objectif commun : assurer une compréhension claire et complète des engagements souscrits, en tenant compte des risques propres à chaque type de contrat.

Nous nous concentrerons ici sur l’information due au preneur en cas de conclusion d’un contrat d’assurance vie individuel.

i. Règles générales

==>La remise d’une note d’information

Au cœur du dispositif protecteur du souscripteur d’assurance vie, la remise d’une note d’information constitue bien plus qu’un acte préparatoire : elle s’érige en exigence substantielle, codifiée à l’article L. 132-5-2 du Code des assurances, et vise à garantir la transparence et l’intelligibilité d’un engagement souvent complexe, tant sur le plan technique que financier.

L’article L. 132-5-2 impose à l’assureur de remettre cette note avant la conclusion du contrat, sauf lorsque celui-ci a une durée inférieure ou égale à deux mois. Elle doit l’être contre récépissé, ce qui atteste de sa remise effective et constitue le point de départ du délai de renonciation de 30 jours prévu à l’article L. 132-5-1.

Cette formalité répond à une finalité claire : permettre au souscripteur de prendre sa décision en connaissance de cause, dans un environnement juridique et économique souvent technique, notamment en présence de contrats en unités de compte, multisupports ou dotés de clauses fiscales spécifiques.

Le contenu de la note d’information est fixé avec précision par l’article A. 132-4 du Code des assurances, qui énumère les informations essentielles devant y figurer :

La jurisprudence insiste avec constance sur le fait que la note d’information ne peut se fondre dans les conditions générales du contrat. Il ne suffit donc pas de mentionner les caractéristiques du produit au sein d’un document contractuel global et parfois touffu : la notice doit faire l’objet d’une remise distincte, intelligible et formalisée, afin de garantir une lecture immédiate et une compréhension en toute autonomie par le souscripteur (Cass. 2e civ., 8 déc. 2016, n° 15-26.086).

La présentation séparée de la note d’information relève d’une exigence de lisibilité et de structuration de l’information. En dissociant les données essentielles du contrat de l’ensemble souvent volumineux des conditions générales, le législateur entend garantir une présentation claire, synthétique et directement intelligible par le souscripteur. Il s’agit de rendre lisibles, d’un seul regard, les paramètres décisifs de l’engagement projeté?: garanties, frais, modalités de rachat, régime fiscal.

Ce dispositif trouve sa justification dans sa finalité pédagogique : éclairer le consentement par une information préalablement hiérarchisée et rendue intelligible, selon une logique de transparence renforcée. Ainsi, la remise d’un document distinct n’est pas une exigence de pure forme?: elle participe pleinement de l’économie protectrice du droit des assurances, en structurant l’accès à l’information et en facilitant l’appropriation du contrat par le souscripteur.

Mais l’exigence de transparence ne s’arrête pas là : elle impose à l’assureur de signaler non seulement ce que le contrat contient, mais aussi ce qu’il ne prévoit pas. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que lorsque certaines garanties couramment proposées font défaut — telles qu’un taux d’intérêt garanti ou une prime de fidélité — leur absence doit être explicitement mentionnée dans la note d’information, sous peine de rendre cette dernière incomplète (Cass. 2e civ., 11 mars 2021, n° 18-12.376).

Il ne s’agit pas simplement d’éviter une  simple imprécision qui serait accessoire, mais de prévenir un risque réel de méprise sur le contenu du contrat. En effet, l’absence de mention explicite sur l’inexistence d’une garantie généralement attendue — tel un taux d’intérêt garanti ou une clause de fidélité — peut entretenir une confusion chez le souscripteur, en laissant supposer, à tort, que cette garantie est présente. Le silence, dans ce contexte, devient équivoque.

C’est précisément cette ambivalence que vient sanctionner la jurisprudence, en assimilant l’omission d’une information significative à une présentation inexacte, au regard de l’exigence de loyauté et de transparence posée par l’article L. 132-27 du Code des assurances. Cette approche consacre une véritable obligation de sincérité : la note d’information ne saurait se réduire à une vitrine des avantages contractuels. Elle doit, dans une perspective de transparence complète, restituer fidèlement tant les éléments positifs que les limites et exclusions du contrat.

==>L’exigence d’un encadré en tête de proposition d’assurance

L’article L. 132-5-2 du Code des assurances impose, pour tout contrat d’assurance vie ou de capitalisation comportant une valeur de rachat ou de transfert, l’insertion en tête de la proposition ou du projet de contrat d’un encadré informatif, présenté en caractères très apparents. Ce dispositif, précisé par l’article A. 132-8, vise à isoler, dans un format normé et immédiatement accessible, les éléments essentiels du contrat afin de garantir au souscripteur une lecture claire et structurée des engagements qu’il s’apprête à souscrire.

Ce dispositif s’applique exclusivement aux contrats comportant une valeur de rachat ou de transfert, à l’exclusion des contrats d’une durée inférieure ou égale à deux mois. Il concerne tant les contrats individuels que les assurances de groupe visées à l’article L. 132-5-3, auxquels s’ajoute une mention spécifique sur la faculté de modification du contrat par voie d’avenants entre le souscripteur et l’assureur.

A cet égard, la fonction première de l’encadré est d’assurer une information claire et directement accessible, à travers un support visuel standardisé, placé en tête de la documentation précontractuelle. Loin d’être purement formelle, sa vocation est pédagogique: il vise à rendre immédiatement perceptibles les éléments essentiels du contrat, souvent noyés dans un corpus contractuel dense et technique.

Cette exigence présente une spécificité notable : lorsqu’il est correctement inséré et rédigé, l’encadré permet à la proposition ou au projet de contrat de tenir lieu de note d’information (C. assur., art. L. 132-5-2, al. 2). Il s’agit donc d’un mécanisme de substitution, admis sous condition stricte : le respect intégral des prescriptions de forme et de contenu prévues par l’article A. 132-8 est impératif. En cas de manquement, l’assureur ne peut se prévaloir de cette dispense, et s’expose aux sanctions de l’article L. 132-5-2 (notamment la prorogation du délai de renonciation).

L’article A. 132-8 dresse une liste exhaustive des mentions devant figurer dans l’encadré. Parmi celles-ci figurent :

Sur le plan formel, l’encadré doit apparaître comme un espace parfaitement délimité, tant sur le fond que sur la forme. Il ne saurait être remplacé par un simple agencement typographique ou une présentation approximative. La Cour de cassation a ainsi censuré une cour d’appel qui avait considéré, à tort, que les premières lignes d’un document contractuel — bien que surmontées d’un titre, flanquées d’un trait vertical sur le côté et d’un bandeau horizontal — pouvaient être assimilées à un encadré au sens de la réglementation. En l’absence d’un véritable encadrement matériel, la haute juridiction a estimé que la cour d’appel avait dénaturé les pièces du dossier et violé l’article L. 132-5-2 (Cass. 2e civ., 22 oct. 2015, n° 14-25.533).

Cette rigueur n’est pas accessoire : elle est le corollaire de la fonction pédagogique assignée à ce support. L’encadré ne peut être noyé dans le corps du texte, dissimulé dans une notice ou relégué dans un document annexe. Il doit apparaître avec clarté, en ouverture du contrat, dans une présentation normée, lisible et immédiatement perceptible par tout souscripteur, professionnel ou non.

À défaut, toute altération de sa forme, tout contenu incomplet ou toute perte de visibilité est de nature à entacher la régularité de l’information précontractuelle. Une telle irrégularité peut alors justifier la prorogation du délai de renonciation, dans les conditions fixées à l’article L. 132-5-1, dès lors que le souscripteur ne peut être réputé avoir été valablement informé.

==>Sanctions

Le non-respect des formalités d’information prévues à l’article L. 132-5-2 du Code des assurances n’est pas sans conséquence. Le législateur et la jurisprudence ont prévu un régime de sanctions particulièrement protecteur du souscripteur, reflet de la place centrale que revêt l’information dans la formation du contrat d’assurance vie. Deux types de sanctions peuvent être distingués : l’une affectant le délai de renonciation, l’autre touchant l’opposabilité des stipulations contractuelles.

ii. Règles spéciales

Si tous les contrats d’assurance vie sont soumis à un socle commun d’exigences, certains produits, par leur structuration financière, appellent des règles spécifiques. Il en va ainsi des contrats comportant une valeur de rachat ou exprimés en unités de compte, qui, au-delà de leur nature assurantielle, s’inscrivent dans une logique d’investissement et exposent le souscripteur à des risques de marché. Ce double ancrage a conduit le législateur, sous l’impulsion du droit européen (dir. 2016/97 et règ. délégué 2017/2359), à imposer une information renforcée et adaptée.

==>Les contrats assortis de valeurs de rachat

L’article L. 132-5-2 du Code des assurances impose, pour tous les contrats d’assurance sur la vie ou de capitalisation comportant une valeur de rachat, que la proposition ou le projet de contrat comporte un tableau indiquant, au terme de chacune des huit premières années, à la fois les valeurs de rachat estimées et le cumul des primes versées. Cette exigence, d’ordre public, vise à garantir la transparence du rendement prévisible du contrat, et à permettre au souscripteur d’évaluer la liquidité de son investissement dans la durée.

Lorsque les valeurs de rachat ne peuvent être déterminées avec certitude au moment de la souscription — ce qui est fréquent pour les contrats exprimés en unités de compte ou en parts de provision de diversification — l’assureur doit alors indiquer les valeurs minimales disponibles ainsi que le mécanisme de calcul des valeurs de rachat ou de transfert (art. L. 132-5-2, al. 5 et art. A. 132-4-1 du Code des assurances). À défaut, il lui appartient de préciser expressément qu’aucune valeur minimale ne peut être établie, et de fournir une simulation illustrée conformément aux dispositions de l’article A. 132-5-2 du Code des assurances.

Dans les contrats exprimés en unités de compte, l’information devient nécessairement probabiliste : l’assureur présente alors des simulations de valeurs de rachat ou de transfert pour les huit premières années, reposant sur trois hypothèses économiques standardisées (hausse, baisse, stabilité des marchés). Ces simulations doivent inclure l’ensemble des frais applicables, notamment ceux qui grèvent la provision mathématique ou les unités de compte, y compris lorsque leur montant exact ne peut être déterminé à la souscription. L’assureur est alors tenu d’indiquer, en caractères très apparents, que certains prélèvements ne sont pas plafonnés (C. ass. A. 132-4-1, A. 132-5-2).

Cette exigence est particulièrement rigoureuse pour les contrats à provision de diversification : en vertu de l’article A. 132-5-2, les simulations doivent refléter différents scénarios combinant variations du taux d’actualisation et fluctuations de la valeur des parts, et intégrer les paramètres susceptibles d’évoluer au cours du contrat. Il doit en outre être précisé, avec toute la clarté requise, que l’assureur ne garantit que le nombre de parts, et non leur valeur en euros (C. ass. art. A. 132-4, A. 132-5-2, I et II).

Cette présentation chiffrée est doublée d’une explication littéraire, insérée sous le tableau, explicitant les hypothèses retenues et les modalités de calcul. Cette articulation entre données chiffrées et commentaire pédagogique permet d’éviter toute illusion quant à la sécurité ou à la rentabilité du contrat.

L’omission de cette information, ou une présentation approximative ou incomplète, est sanctionnée par la jurisprudence : elle peut entraîner l’inopposabilité des clauses concernées ou la prorogation du délai de renonciation prévue à l’article L. 132-5-1.

==>Les contrats multisupports

Pour les contrats multisupports, qui permettent une allocation différenciée entre différents actifs — euros, unités de compte, parts de provision de diversification — l’obligation d’information atteint un degré de sophistication supplémentaire. La réglementation impose la remise du document d’informations clés (DIC PRIIPs), ou à défaut une information équivalente sur les supports choisis (C. assur., art. A. 132-4, A. 132-6, A. 132-9-2). Cette documentation doit faire apparaître les caractéristiques principales de chaque support, leur profil de risque, les frais, la liquidité, et préciser que les valeurs de rachat ou de transfert peuvent être soumises à des aléas de marché, non plafonnés, potentiellement défavorables au souscripteur.

L’encadré d’information, prévu par l’article A. 132-8, joue ici un rôle clé de mise en garde. Il doit notamment mentionner, en caractères très apparents, que les sommes investies sur les unités de compte « ne sont pas garanties mais sujettes à des fluctuations à la hausse ou à la baisse », que « la durée du contrat recommandée dépend de la situation patrimoniale et de l’attitude du souscripteur vis-à-vis du risque », et renvoyer explicitement au conseil personnalisé de l’assureur. Le législateur a ainsi entendu responsabiliser l’intermédiaire, tenu à une obligation de conseil spécifique, centrée non plus sur le seul aléa assuré, mais sur le profil d’investisseur du souscripteur.

Quitter la version mobile