Une fois les opérations liquidatives menées par le notaire commis, celui-ci dresse un projet d’état liquidatif qu’il soumet aux copartageants. Ce dernier constitue l’ossature du partage et conditionne la répartition définitive des biens entre les indivisaires.
À l’issue de cette première phase, le tribunal intervient en qualité d’arbitre: il examine le projet, prend acte des observations formulées par les parties et, selon les circonstances, peut soit en prononcer l’homologation, lui conférant ainsi pleine efficacité juridique, soit ordonner sa rectification et renvoyer les parties devant le notaire.
L’issue du partage judiciaire s’articule ainsi autour de deux étapes déterminantes: d’une part, la soumission du projet d’état liquidatif aux copartageants, permettant à chacun d’exercer ses droits ; d’autre part, la décision du juge, qui peut soit consacrer le projet par son homologation, soit en exiger la révision.
Nous nous focaliserons ici sur la première étape.
Le projet d’état liquidatif aux copartageants, élaboré par le notaire commis, définit les modalités de répartition des biens indivis, fixe la valeur des lots et précise, le cas échéant, les soultes destinées à compenser d’éventuelles disparités d’attribution. Il s’agit, en somme, du socle sur lequel repose la liquidation de l’indivision, et dont l’acceptation ou la contestation par les copartageants conditionne la suite des opérations.
I) Convocation des copartageants
Historiquement, la convocation des copartageants en vue de la présentation du projet d’état liquidatif obéissait à un formalisme particulièrement strict. En effet, sous l’empire de l’ancien article 980 du Code de procédure civile, il appartenait au copartageant à l’initiative du partage judiciaire de sommer les autres indivisaires de se rendre à l’étude du notaire, afin d’y prendre connaissance du projet liquidatif, d’en entendre lecture et, le cas échéant, d’y apposer leur signature. Cette formalité devait être réalisée au moyen d’un exploit d’huissier ou d’un acte d’avocat à avocat, traduisant ainsi la rigueur du dispositif applicable. Toutefois, une certaine souplesse était admise lorsque toutes les parties avaient expressément consenti à une convocation officieuse par le notaire lui-même.
L’assouplissement progressif des règles de procédure a permis d’atténuer cette rigueur initiale, offrant ainsi une approche plus pragmatique du partage judiciaire. Désormais, le Code de procédure civile, dans sa rédaction issue de la réforme de 2006, ne prescrit aucune modalité spécifique quant à la manière dont le projet d’état liquidatif doit être porté à la connaissance des copartageants (art. 1373 C. civ.). Cette absence de cadre ne signifie pas pour autant un relâchement des exigences procédurales, mais témoigne plutôt d’un pragmatisme visant à adapter la procédure aux réalités pratiques du partage judiciaire.
Le notaire commis, investi d’une mission générale de conduite des opérations liquidatives et de conciliation des parties (art. 1364 et 1366 C. civ.), se voit confier la responsabilité d’assurer cette communication. Dès lors, il lui appartient d’organiser la convocation des copartageants, par tout moyen de nature à garantir leur information effective. En pratique, cette convocation peut prendre la forme d’un courrier recommandé avec accusé de réception, d’un courriel avec demande d’accusé de lecture, ou encore d’une remise en main propre contre signature.
Toutefois, la souplesse ainsi introduite ne saurait permettre qu’un copartageant soit écarté des opérations de liquidation en raison de sa seule inertie. Si un indivisaire omet de répondre à la convocation du notaire ou se dérobe aux échanges nécessaires à l’élaboration de l’état liquidatif, il ne saurait être laissé hors du processus sans précaution supplémentaire. Conformément à l’article 841-1 du Code civil, le notaire doit alors lui adresser une mise en demeure par acte extrajudiciaire afin qu’il se fasse représenter dans un délai de trois mois. Ce n’est qu’en cas de carence persistante que le notaire pourra saisir le juge afin que ce dernier désigne un représentant qualifié chargé d’agir au nom du défaillant jusqu’à l’achèvement des opérations.
Cette exigence répond à une double finalité. D’une part, elle garantit le respect du principe du contradictoire, en empêchant qu’un indivisaire puisse prétendre avoir été tenu à l’écart du partage. D’autre part, elle préserve la sécurité juridique de la procédure en évitant que le défaut de participation d’un copartageant ne serve ultérieurement de fondement à une contestation ou à une remise en cause des opérations déjà engagées.
II) La décision des copartageants
Une fois le projet d’état liquidatif porté à la connaissance des copartageants, deux voies s’offrent à eux : soit ils l’agréent unanimement, ce qui met fin à la procédure judiciaire, soit des contestations émergent, imposant une poursuite du partage sous l’égide du juge.
==>L’approbation unanime du projet d’état liquidatif
Lorsque tous les copartageants, pleinement capables et maîtres de leurs droits, adhèrent au projet établi par le notaire, la procédure contentieuse s’éteint naturellement. En vertu de l’article 842 du Code civil, les parties peuvent alors opter pour un partage amiable, lequel prend la forme d’un acte notarié. Cet acte, résultant d’un consensus, acquiert force exécutoire et permet une répartition définitive des biens sans nécessité d’intervention judiciaire.
Le notaire commis, garant de la régularité des opérations, informe alors le juge commis de cette adhésion unanime. Conformément à l’article 1372 du Code de procédure civile, le juge se borne à constater la clôture de la procédure, entérinant ainsi la transition d’un cadre contentieux à une solution négociée.
Ce mécanisme illustre la prééminence du principe de liberté contractuelle dans le partage judiciaire : tant que l’accord des parties se manifeste, l’intervention juridictionnelle devient superflue.
==>L’absence d’unanimité
À défaut d’accord unanime entre les copartageants, le processus contentieux se poursuit sous la supervision du juge. L’article 840 du Code civil prévoit ainsi que le partage doit être réalisé en justice dès lors que l’un des indivisaires refuse d’y consentir ou lorsqu’un différend survient quant à la manière de le mener à terme.
Plusieurs hypothèses peuvent justifier cette persistance du contentieux:
- L’opposition explicite d’un ou plusieurs copartageants, contestant la répartition proposée ou les modalités d’évaluation des biens.
- La présence d’un indivisaire frappé d’une incapacité ou présumé absent, empêchant la conclusion d’un accord valable.
- Des divergences quant à la satisfaction des droits de chacun, nécessitant l’arbitrage de l’autorité judiciaire.
Dans ces circonstances, l’article 1373 du Code de procédure civile impose au notaire commis d’établir un procès-verbal de difficultés, dans lequel il consigne les points litigieux et les positions respectives des parties. Ce document, assorti du projet d’état liquidatif, est ensuite transmis au juge commis, qui en assure la communication au tribunal afin qu’il statue sur les désaccords persistants.
Ce mécanisme vise un double objectif : préserver les droits des indivisaires en leur offrant une possibilité de contestation tout en assurant la continuité du processus de partage, empêchant ainsi qu’un refus isolé ne paralyse indéfiniment la liquidation.
À ce titre, l’intervention du juge se révèle essentielle pour garantir l’effectivité du partage et en assurer l’équité. L’opposition d’un indivisaire, même persistante, ne saurait suffire à entraver le bon déroulement des opérations: l’autorité judiciaire demeure le dernier recours pour arbitrer les désaccords et, le cas échéant, imposer le partage judiciaire.

