Site icon Gdroit

La preuve par témoins: régime

==>Vue générale

La preuve par témoins ou preuve testimoniale, est un mode de preuve des plus anciens puisqu’il remonte à l’Antiquité. Il y est notamment fait mention dans la loi des XII des tables qui punissait les faux témoins. On a par ailleurs retrouvé la trace de nombreuses lois romaines qui encadraient strictement la capacité des personnes à témoigner.

La preuve testimoniale était également connue du système juridique médiéval qui avait accordé une place importante aux témoignages.

Jusqu’au XVIe siècle, les juges étaient particulièrement portés à privilégier ce mode de preuve, compte tenu de ce que l’écrit était encore peu répandu dans les relations d’affaires.

Surtout, la preuve par témoins s’avérait particulièrement fiable, les plaideurs craignant de recevoir un châtiment divin en cas de parjure.

Cette place conférée à la preuve testimoniale dans le système probatoire était exprimée par l’adage « témoins passent lettres », ce qui signifiait que ce mode de preuve prévalait sur l’écrit.

Le recours au témoignage connu toutefois un net recul dans la pratique judiciaire consécutivement à l’adoption de l’ordonnance de Moulins en février 1566.

Pour mémoire, cette ordonnance prescrivait en son article 54 l’obligation d’établir un écrit pour toutes les opérations dont le montant excédait 150 livres. Elle interdisait, par ailleurs, de prouver par témoins contre le contenu d’un contrat[1].

Ainsi, dorénavant, la preuve littérale primait sur la preuve testimoniale qui était reléguée au rang de preuve subsidiaire.

Cette primauté de l’écrit sur le témoignage sera reprise 250 ans plus tard par les rédacteurs du Code civil.

Ces derniers ont appréhendé ce mode de preuve avec une certaine méfiance, considérant que sa fiabilité était, par nature, limitée.

Deux raisons principales expliquent cette méfiance du législateur à l’endroit de la preuve testimoniale :

De façon générale, la qualité du témoignage dépend pour une large part de l’aptitude du témoin à se remémorer ce qu’il lui a été donné d’observer, mais également de sa capacité à rapporter fidèlement les faits qu’il a été en mesure de constater personnellement.

Surtout, comme souligné par des auteurs « le défaut majeur de la preuve testimoniale tient à sa nature même. Elle présente, en effet, un caractère nécessairement subjectif. Les qualités personnelles du témoin influent sur sa perception des événements »[2].

Bien que la preuve testimoniale n’occupe plus de place prépondérante dans le système probatoire français, elle n’en reste pas moins un mode de preuve fréquemment utilisée devant les juridictions, notamment lorsqu’il s’agit de rapporter la preuve d’un fait juridique.

Comme souligné par François Terré « dans toutes les matières où la preuve est libre, et même, sous certaines conditions dans le système de la preuve légale, le témoignage garde une place importante ; il reste le mode de preuve le plus courant lorsqu’une preuve littérale n’a pas pu être préconstituée »[3].

==>Notion

Classiquement, le témoignage est défini par la doctrine comme la déclaration faite par « une personne qui s’est trouvée présente, soit par hasard, soit à la requête des parties, à l’accomplissement de l’acte ou du fait contesté, et qui peut, par suite, en certifier au juge l’existence, la manière, ou les résultats »[4].

La définition retenue par le Code civil est, quant à elle, plus lapidaire. Le témoignage y est décrit à l’article 1381 comme un ensemble de « déclarations faites par un tiers dans les conditions du code de procédure civile », soit celles énoncées à aux articles 199 et suivants de ce code.

À cet égard, si l’on se reporte à l’article 199, il y est précisé que pour endosser la qualification de témoignage, la déclaration reçue par le juge doit être de nature à l’éclairer sur les faits litigieux dont le témoin doit avoir eu personnellement connaissance.

Il ressort de cette précision que pour être admise au rang de témoignage, la déclaration faite par un tiers doit nécessairement relater un fait qu’il a été personnellement en mesure de constater.

C’est là manifestement ce qui distingue la preuve testimoniale de la preuve par témoignage indirect, d’une part, et de la preuve par commune renommée, d’autre part.

==>Règles applicables

Sous l’empire du droit antérieur, la preuve par témoins était régie par des dispositions relevant d’une section consacrée à la preuve testimoniale.

Dans cette même section on trouvait toutefois des règles intéressant également la preuve littérale, ce qui n’a pas manqué de susciter des critiques.

Lors de l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant notamment réforme du droit de la preuve, le législateur en a profité pour rectifier cette maladresse en transférant une partie des dispositions relatives à la preuve testimoniale dans une section dédiée à l’admissibilité des modes de preuves.

Aussi, il ne subsiste désormais plus qu’une seule disposition relative à la preuve testimoniale dans le chapitre consacré aux différents modes de preuve : l’article 1381 du Code civil.

Le législateur a ainsi fait le choix de déconnecter les règles gouvernant l’admissibilité de la preuve par témoins de celles régissant les conditions et la force probante de ce mode de preuve.

I) Les conditions de la preuve par témoins

Les conditions de la preuve testimoniale tiennent :

A) Les conditions relatives à la personne du témoin

Compte tenu de l’incidence qu’un témoignage est susceptible d’avoir sur l’issue du litige, le législateur a institué un certain nombre de règles qui visent à garantir la fiabilité du témoignage, mais également à favoriser la manifestation de la vérité.

Ces règles s’articulent autour de trois axes :

1. La qualité du témoin

Pour être admis à témoigner, le témoin doit endosser la qualité de tiers au procès.

Cette exigence est énoncée par l’article 1381 du Code civil qui présente le témoignage comme « des déclarations faites par un tiers ».

L’article 199 du Code de procédure civile évoque dans le même sens le pouvoir du juge à « recevoir des tiers les déclarations de nature à l’éclairer sur les faits litigieux […] » lorsque la preuve testimoniale est admise.

Il en résulte que les parties à l’instance ne sont pas admises à témoigner ; à tout le moins leurs déclarations ne s’analysent pas en des témoignages.

Pratiquement, cela signifie que lorsqu’une partie formule une déclaration elle n’est pas tenue de déposer sous serment.

Aussi, en cas de fausse déclaration d’un plaideur, il ne s’expose pas aux sanctions encourues en cas de parjure.

2. La capacité du témoin

L’article 205, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « chacun peut être entendu comme témoin, à l’exception des personnes qui sont frappées d’une incapacité de témoigner en justice. »

Il ressort de cette disposition que si, par principe, quiconque peut être admis à témoigner en justice, une personne peut toutefois être privée de cette faculté en cas d’incapacité.

a. La liberté de témoigner

Conformément à l’article 205, al. 1er du Code civil, toute personne est, en principe, admise à fournir un témoignage, pourvu qu’elle soit tiers à l’instance et qu’elle ait eu personnellement connaissance des faits relatés.

Il en résulte que l’on ne saurait interdire à un témoin de s’exprimer au motif qu’il ne disposerait pas des compétences requises dans le domaine concerné par le litige ou qu’il entretiendrait des liens personnels ou professionnels avec l’une des parties à l’instance.

À cet égard, dans un arrêt du 29 octobre 2013, la Cour de cassation a consacré, au visa des articles 6 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, « la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice ».

Elle en déduit que « le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur » (Cass. soc. 29 oct. 2013, n°12-22.447).

En tout état de cause, c’est au juge qu’il reviendra d’apprécier, selon son intime conviction, le crédit qu’il y a lieu donner au témoignage qu’il reçoit.

b. L’incapacité de témoigner

S’il est admis que chacun peut être entendu comme témoin, c’est à la condition, précise l’article 205, al. 1er du Code de procédure civile, de ne pas être frappé d’une incapacité de témoigner en justice.

La règle n’est toutefois pas absolue ; elle souffre d’un tempérament.

i. Principe

Le témoignage d’une personne frappée d’une incapacité de témoigner n’est, en principe, pas recevable.

Cela signifie que le juge ne doit pas en tenir compte dans sa prise de décision ; il doit purement et simplement écarter les déclarations qu’il reçoit.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir quelles sont les personnes frappées d’une incapacité de témoigner.

À l’analyse, l’incapacité de témoigner peut avoir trois sources :

==>Les incapacités résultant d’une condamnation pénale

Il est des cas où une personne poursuivie pour un crime ou un délit pourra se voir infliger une interdiction de témoigner pendant une période donnée.

L’article 131-10 du Code pénale prévoit en ce sens que « lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d’une ou de plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d’un droit […] ».

L’article 131-26 du même Code précise que l’interdiction des droits civiques, civils et de famille peut porter sur « le droit d’exercer une fonction juridictionnelle ou d’être expert devant une juridiction, de représenter ou d’assister une partie devant la justice ».

En application du second alinéa de cette disposition l’interdiction frappant le droit de témoigner en juge « ne peut excéder une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit ».

==>Les incapacités résultant de l’existence d’un lien de parenté

Le législateur a institué en 1804 une incapacité de témoigner qui frappe les descendants d’époux qui s’opposent dans le cadre d’une procédure de divorce.

L’article 259 du Code civil prévoit en ce sens que si « les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l’aveu. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux. »

La règle ainsi énoncée est reprise dans les mêmes termes par le Code de procédure civile en son article 205, lequel prévoit que « les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l’appui d’une demande en divorce ou en séparation de corps ».

Ainsi, dans le cadre d’une procédure de divorce est-il fait interdiction aux enfants des époux d’apporter leur témoignage.

Cette interdiction se justifie par la nécessité de les tenir éloigner autant que faire se peut du conflit qui oppose leurs parents, à tout le moins d’éviter qu’ils se retrouvent dans une position qui les contraindrait à prendre partie pour l’un ou pour l’autre.

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’incapacité de témoigner énoncée à l’article 259 du Code civil et à l’article 205 du Code de procédure civile frappe, tant les enfants communs des époux (Cass. 2e civ. 20 mars 1972, n°71-10.107), que ceux qui seraient issus d’un premier lit (Cass. civ. 2e, 5 févr. 1986, n°84-14.467).

Cette incapacité à, par ailleurs, été étendue bien au-delà du cercle des enfants des époux puisqu’elle s’applique également aux conjoints de ces derniers (Cass. 2e civ. 18 nov. 1987, n°86-16.286), à leurs ex-conjoints (Cass. 1ère civ. 14 févr. 2006, n°05-14.686) ou encore à leurs concubins (Cass. 2e civ. 10 mai 2001, n°99-13.833).

Dans un arrêt du 12 juin 2014, la Cour de cassation a toutefois refusé de faire application de l’incapacité de témoigner qui frappe les enfants aux ascendants des époux.

Elle a affirmé en ce sens que « la prohibition de l’audition des descendants d’un époux sur les griefs invoqués à l’appui d’une demande en divorce ne peut être étendue aux ascendants de cet époux » (Cass. 1ère civ. 12 juin 2014, n°13-13.961).

Par ailleurs, régulièrement la Cour de cassation précise « que cette prohibition formelle inspirée par un souci de décence et de protection des intérêts moraux de la famille, doit s’entendre en ce sens qu’aucune déclaration de descendant obtenue sous quelque forme que ce soit ne peut être produite au cours d’une procédure de [divorce] » (Cass. 2e civ. 29 janv. 1969 ; Cass. 2e civ. 23 mars 1977, n°76-11.975).

Dans un arrêt du 1er février 2012 la Deuxième chambre civile est allée encore plus loin en jugeant que l’incapacité de témoigner, instituée à l’article 259 du Code civil et à l’article 205 du Code de procédure civile, « s’applique aux déclarations recueillies en dehors de l’instance en divorce », en conséquence de quoi « les déclarations des enfants recueillies lors de l’enquête de police ne peuvent être prises en considération » (Cass. 1ère civ. 1er févr. 2012, n°10-27.460).

==>Les incapacités résultant de la minorité du témoin

Bien que le mineur soit frappé d’une incapacité d’exercice générale, cela ne signifie pas pour autant qu’il soit privé de la faculté d’accomplir un certain nombre d’actes juridiques.

L’article 388-1, al. 1er du Code civil prévoit notamment que « dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. »

Il ressort de cette disposition qu’un mineur peut donc parfaitement être entendu comme témoin dans le cadre d’une instance, à la double condition toutefois que :

Lorsque ces deux conditions cumulatives sont remplies, le mineur pourra apporter son témoignage dans les conditions énoncées aux alinéas 2, 3 et 4 de l’article 388-1 du Code civil.

Aussi, tout d’abord, l’audition du mineur est de droit lorsqu’il en fait la demande, ce qui signifie que le juge ne peut pas refuser de recueillir son témoignage (art. 388-1, al. 2e C. civ.).

Ensuite, dans l’hypothèse où le mineur refuserait d’être entendu, le texte précise que le juge apprécie le bien-fondé de ce refus.

Le mineur peut alors être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne.

En tout état de cause, lorsque le mineur est entendu, son audition ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.

Enfin, l’alinéa 4 de l’article 388-1 du Code civil commande au juge de s’assurer que le mineur a bien « été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat ».

Dans la mesure où il est admis qu’un mineur puisse être entendu comme témoin dans le cadre d’une procédure qui le concerne, la question s’est posée de savoir si son témoignage était également recevable dans le cadre d’une procédure qui lui est étrangère.

À cette question, la Cour de cassation a répondu par la négative dans un arrêt du 1er octobre 2009.

Aux termes de cette décision elle a jugé que « le mineur, qui ne peut être entendu en qualité de témoin, ne peut attester » (Cass. 2e civ. 1er oct. 2009, n°08-13.167).

Dans le cadre d’une procédure qui ne concerne pas le mineur, il est donc indifférent que celui-ci soit doué de discernement : il est frappé d’une incapacité qui lui interdit de témoigner, quand bien même seraient mises en œuvre les conditions énoncées à l’article 388-1 du Code civil.

ii. Tempérament

L’article 205, al. 2e du Code civil prévoit que « les personnes qui ne peuvent témoigner peuvent cependant être entendues dans les mêmes conditions, mais sans prestation de serment. »

Cette disposition vient ainsi tempérer l’interdiction instituée à l’alinéa 1er du texte. L’incapacité de témoigner dont est susceptible d’être frappée une personne ne l’interdit pas d’être entendu par un juge, elle lui interdit seulement de déposer sous serment.

Ce tempérament ne s’applique toutefois pas aux enfants des époux qui s’opposent dans le cadre d’une procédure de divorce.

L’article 205, al. 2e dispose en effet que « les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l’appui d’une demande en divorce ou en séparation de corps. »

Ainsi, est-il fait interdiction aux enfants d’être entendus dans le cadre de l’instance en divorce de leurs parents, peu importe qu’ils soient.

3. Le rôle du témoin

a. Principe : l’obligation de témoigner

L’article 206 du Code de procédure civile prévoit que « est tenu de déposer quiconque en est légalement requis ».

Cette disposition fait ainsi peser sur les justiciables une obligation de témoigner dès lors que leur témoignage est requis par la justice.

Elle n’est autre qu’une déclinaison particulière du principe général énoncé à l’article 10 du Code civil selon lequel « chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. »

En cas de refus de témoigner, l’article 207 du Code de procédure civile précise que « les témoins défaillants peuvent être cités à leurs frais si leur audition est jugée nécessaire. »

Par ailleurs, la violation de l’obligation de témoigner est sanctionnée par une amende civile.

L’article 207 dispose, en effet, que « les témoins défaillants et ceux qui, sans motif légitime, refusent de déposer ou de prêter serment peuvent être condamnés à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros. »

Celui qui toutefois justifie n’avoir pas pu se présenter au jour fixé pourra être déchargé de l’amende et des frais de citation (art. 207 CPC in fine).

b. Exceptions : les dispenses de témoigner

En application de l’article 206 du Code de procédure civil il est deux cas où celui dont le témoignage est légalement requis peut se soustraire à son obligation de déposer :

==>La dispense résultant de l’existence d’un motif légitime

L’article 206 du Code de procédure civile prévoit que « peuvent être dispensées de déposer les personnes qui justifient d’un motif légitime ».

La question qui immédiatement se pose est de savoir ce que recouvre la notion de « motif légitime ».

Autrement dit, quel est le motif susceptible de justifier qu’un témoin dont l’audition est légalement requise puisse être dispensé de témoigner ?

Le texte ne le dit pas. C’est donc vers la jurisprudence qu’il convient de se tourner.

L’examen des décisions rendues révèle qu’il est deux sortes de motifs qui sont reconnus par les juridictions comme légitimes au sens de l’article 206 du Code de procédure civile :

==>La dispense résultant de l’existence d’un lien de parenté

L’article 206 du Code de procédure civile prévoit que peuvent refuser de déposer « les parents ou alliés en ligne directe de l’une des parties ou son conjoint, même divorcé. »

Ainsi, l’existence d’un lien de parenté avec l’une des parties au procès ou son conjoint peut constituer un motif légitime susceptible d’être invoquée par une personne refusant de témoigner.

En pratique toutefois, il peut être observé que cette dispense ne sera que très rarement sollicitée.

Aussi, est-il admis que les témoignages des proches soient produits aux débats, quand bien même ils sont, par nature, orientés, exception faite, comme vu précédemment, des déclarations des descendants portant sur les causes du divorce (art. 205 CPC).

En tout état de cause, le juge disposera toujours de la faculté d’écarter les témoignages apportés par les proches s’il estime qu’ils sont trop empreints de partialité.

B) Les conditions relatives à la forme du témoignage

En application de l’article 199 du Code de procédure civile, les déclarations formulées par les témoins « sont faites par attestations ou recueillies par voie d’enquête selon qu’elles sont écrites ou orales. »

Il ressort de cette disposition que les témoignages peuvent être recueillis selon deux modalités différentes :

1. Le recueil du témoignage au moyen d’une attestation

Un témoignage peut donc être recueilli au moyen d’une attestation. L’attestation se définit comme la déclaration d’un tiers formalisée par écrit.

Ce mode de formalisation du témoignage n’est admis que depuis l’adoption du nouveau Code de procédure civile, soit depuis 1975.

Sous l’empire du droit antérieur, aucune obligation n’était faite au juge de tenir compte des attestations produites. Puis la Cour de cassation est intervenue afin de contraindre les juridictions à apprécier leur force probante (V. en ce sens Cass. 1er juin 1954).

C’est désormais le Code de procédure civile qui confère aux attestations écrites la même valeur probatoire que les témoignages recueillis par une déposition orale. Leur production est régie aux articles 200 à 203 de ce Code.

a. Production de l’attestation

L’article 200 du Code de procédure civile prévoit qu’une attestation peut être produite :

Dans les deux cas, le texte dispose que le juge doit faire observer le principe du contradictoire en communiquant aux parties les attestations qui lui sont directement adressées.

À cet égard, dans un arrêt du 30 avril 2003, la Cour de cassation a jugé qu’il appartenait au juge de veiller, conformément au principe du contradictoire, à ce que les attestations produites aient été « régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire des parties » (Cass. 2e civ., 30 avr. 2003, n°01-03.497)

b. Établissement de l’attestation

L’article 201 prévoit que pour être valables, les attestations doivent nécessairement avoir été établies « par des personnes qui remplissent les conditions requises pour être entendues comme témoins ».

Ainsi, une attestation ne saurait être valablement reçu si elle a été établie :

c. Forme de l’attestation

==>L’exigence de formalisation d’un écrit

L’article 202, al. 3e du Code de procédure civile prévoit que l’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur.

Ce dernier doit, par ailleurs lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

==>L’absence de prestation de serment

L’attestation présente par ailleurs la particularité de ne pas exiger de son auteur qu’il prête serment.

Il en résulte que, en cas de fausse attestation, les sanctions encourues sont moindres.

L’auteur d’une fausse attestation ne pourra pas, en effet, être poursuivi pour l’infraction de témoignage, comme précisé plus après.

d. Contenu de l’attestation

En application de l’article 202 du Code de procédure civile, une attestation doit comporter plusieurs éléments :

e. Force probante de l’attestation

Il est désormais admis que les témoignages fournis au moyen d’attestation ont la même force probante que les témoignages fournis par voie d’enquête.

Dans les deux cas, c’est au juge qu’il revient d’apprécier, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir souverain, la force probante qu’il y a lieu de conférer aux témoignages produits.

À cet égard, si le juge n’était pas convaincu par un témoignage formalisé par écrit ou s’il souhaite en vérifier la crédibilité, l’article 203 du Code de procédure civil prévoit qu’il « peut toujours procéder par voie d’enquête à l’audition de l’auteur d’une attestation. »

f. Sanctions

2. Le recueil du témoignage par voie d’enquête

La procédure d’enquête est la seconde voie procédurale susceptible d’être mise en œuvre aux fins de recueillir les témoignages.

S’analysant en une mesure d’instruction, l’enquête consiste en une audition par le juge du témoin. Il en résulte qu’elle est régie :

S’agissant de ces dernières, elles prévoient qu’il y a lieu de distinguer deux sortes d’enquêtes :

a. L’enquête ordinaire

i. L’ouverture de l’enquête

==>L’initiative de l’ouverture de l’enquête

À l’instar de n’importe quelle mesure d’instruction, l’enquête peut être :

En pratique, il peut être observé que ce sont les parties qui, le plus souvent, seront à l’initiative de l’ouverture de l’enquête.

==>La demande de contre-enquête

==>La détermination des faits à prouver

Selon que l’enquête est ouverte à l’initiative des parties ou à l’initiative du juge, l’exigence tenant aux faits à prouver diffère :

En tout état de cause, dans la mesure où l’opportunité de diligenter une enquête relève du pouvoir souverain d’appréciation du juge, la décision finale d’ordonner une enquête lui revient.

Dans ces conditions, rien ne l’oblige à faire droit à une demande d’ouverture d’enquête émanant des parties.

==>La désignation des témoins

Deux situations doivent être distinguées s’agissant de la désignation des témoins

==>La fixation des modalités de l’enquête

==>Convocation des témoins

En application de l’article 228 du Code de procédure civile, « les témoins sont convoqués par le greffier de la juridiction huit jours au moins avant la date de l’enquête. »

Les convocations qui leur sont adressés doivent comporter deux séries de mentions :

Les personnes qui seraient entendues sans prestation de serment, en raison de l’incapacité de témoigner dont elles seraient frappées, sont informées de leur obligation de dire la vérité.

S’agissant des parties, l’article 230 du Code de procédure civile prévoit qu’elles sont « avisées de la date de l’enquête verbalement ou par lettre simple. »

Cette information faite aux parties se justifie car, en application du principe du contradictoire, elles doivent pouvoir assister aux auditions.

ii. Le déroulement de l’enquête

==>Auditions

==>Procès-verbal d’enquête

b. L’enquête sur-le-champ

Parce que l’enquête ordinaire suppose, pour être menée à bien, la mise en œuvre d’un formalisme rigoureux, ce qui dès lors est de nature à considérablement rallonger la durée de l’instruction de l’affaire, le législateur a institué, en 1973, l’enquête dite « sur-le-champ ».

Cette voie procédurale offre au juge une alternative à l’enquête ordinaire lui permettant de procéder de façon accélérée à l’audition de témoins.

Ainsi, l’article 231 du Code de procédure civile prévoit que « le juge peut, à l’audience ou en son cabinet, ainsi qu’en tout lieu à l’occasion de l’exécution d’une mesure d’instruction, entendre sur-le-champ les personnes dont l’audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité. »

L’enquête sur-le-champ présente ainsi la particularité de pouvoir être mise en œuvre sans qu’il soit nécessaire d’observer les formalités préalables propres à l’enquête ordinaire, telles que la détermination du mode et du calendrier de l’enquête ou encore l’observation d’un délai de 8 jours avant l’audition des témoins.

Elle demeure en revanche soumise aux dispositions générales énoncées aux articles 201 à 221 du Code de procédure civile, lesquelles sont applicables à toutes les formes d’enquête.

Les personnes susceptibles d’assister à l’enquête sur-le-champ sont ainsi les mêmes que celles pouvant être présentes à l’enquête ordinaire (art. 208 et 209 CPC).

Il en va de même pour le déroulement de l’audition des témoins qui doit également donner lieu à l’établissement d’un procès-verbal.

Surtout, le juge devra s’assurer que le principe du contradictoire est respecté, ce qui implique que les parties puissent discuter les dépositions des témoins entendus.

II) La force probante de la preuve par témoins

Parce que la preuve testimoniale relève de la catégorie des modes de preuve imparfaits, sa force probante est laissée à l’appréciation souveraine du juge.

Un auteur souligne ainsi que « avec la preuve témoins, on sort de la catégorie des preuves légales en ce sens que la loi ne détermine pas la valeur que le juge doit accorder au témoignage : la preuve par témoins est une preuve morale dont la force probante est abandonnée à l’intime conviction du Tribunal […] »[5].

Cela signifie donc que le juge n’est pas contraint de tenir pour vrais les faits relatés dans les dépositions des témoins. Il lui appartient seulement, en toute conscience, d’apprécier la valeur et la portée des témoignages qui lui sont soumis sur les circonstances de la cause.

Cette liberté d’appréciation des témoignages conférée au juge est régulièrement rappelée par la Cour de cassation (V. par exemple Cass. 2e civ. 18 févr. 1970, n°69-10.560 ; Cass. 2e civ. 3 mars 2011, n°10-30.175).

À cet égard, en raison de l’abolition de l’ancienne règle « testis unis, testis nullus », il est désormais permis au juge de fonder sa décision sur un témoignage unique.

Dans la pratique, il apparaît que les juridictions sont plutôt réticentes à reconnaître aux témoignages une grande force probante en raison de leur caractère éminemment subjectif.

Il est toujours très compliqué d’apprécier la crédibilité des déclarations formulées par un témoin qui, en raison des liens qu’il est susceptible d’entretenir avec une partie, peut être partial.

C’est d’ailleurs l’une des raisons premières qui conduisent les juges à écarter un témoignage des débats (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 21 oct. 1975, n°74-12.739).

En tout état de cause, comme précisé par la Cour de cassation dans un ancien arrêt rendu le 31 mai 1965, les juges du fond ne sont nullement tenus de préciser les raisons pour lesquelles ils décident de retenir ou de ne pas retenir un témoignage (Cass. 2e civ. 31 mai 1965, n°63-12.954).

  1. Art. 54 de l’ordonnance de Moulins adoptée en février 1566 : « pour obvier à la multiplication de faicts que l’on a veu cy-deuant estre mis en avant en jugement, subjects à preuve de tesmoings, et reproche d’iceux dont adviennent plusieurs inconveniens et involutions de procez : avons ordonné et ordonnons que d’oresnavant de toute choses excédant la somme ou valeur de cent livres pour une fois payer, seront passez contracts pardevant notaires et tesmoings par lesquels contracts seulement sera faicte et receue toute preuve esdictes matieres sans recevoir aucune preuve par tesmoings outre le contenu au contract ne sur ce qui seroit allégué avoir esté dit ou convenu avant iceluy lors et depuis. En quoy n’entendons exclurre les preuves des conventions particulieres et autres qui seraient faictes par les parties soubs leurs seings, seaux et escriptures privées. » ?
  2. J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction générale, éd. LGDJ, 1990, n°645, p. 620. ?
  3. F. Terré, Droit civil – Introduction générale au droit, éd. Dalloz, éd. 2000, n°580, p. 584. ?
  4. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, Paris, 1900, t. 2, n°22, p. 7. ?
  5. H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, éd. Litec, 2002, n°1777, p. 611. ?

Quitter la version mobile