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Preuve: le régime des copies

Contrairement à ce que suggère l’article 1364 du Code civil, l’acte sous seing privé et l’acte authentique ne sont pas les seules formes d’écrits à être pourvues d’une force probante.

Il y a lieu également de compter sur les copies de ces actes dont le régime a été profondément réformé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Par copie il faut entendre dans le langage courant « la reproduction aussi exacte que possible d’un modèle »[1]. L’approche des juristes de la notion de copie n’est pas très éloignée de cette définition.

Les auteurs s’accordent à dire qu’une copie consiste en « la reproduction d’un acte original, mais qui n’est pas elle-même signée par les parties »[2].

Lorsque le Code civil a été adopté en 1804, ses rédacteurs n’ont entendu conférer aux copies qu’une force probante très limitée.

La raison en est que les techniques de reproduction étaient pour le moins rudimentaires, sinon inexistantes.

La seule façon de copier un acte était de le reproduire à la main. Or il s’agit là d’une technique peu fiable qui ne garantit nullement la conservation de l’intégrité du contenu de l’exemplaire original copié.

L’évolution des techniques de reproduction (photocopie, télécopie, microfilm, dispositif de copie électronique etc.) a toutefois bouleversé les pratiques.

Ces procédés ont permis d’obtenir des copies de plus en plus fiables, à telle enseigne que certains opérateurs tels que les banques et les assureurs ont progressivement abandonné l’archivage physique de leurs documents originaux à la faveur d’un stockage magnétique puis numérique.

Ce phénomène qui révélait une inadéquation du cadre légal avec les besoins de la vie des affaires a conduit peu à peu la jurisprudence et le législateur à reconnaître aux copies une véritable force probante.

Afin de mieux appréhender le régime probatoire actuel des copies, arrêtons-nous, au préalable, sur les règles qui leur étaient applicables sous l’empire du droit antérieur, lesquelles ont connu une profonde évolution.

I) Droit antérieur

A) En 1804

Lorsque le Code civil a été adopté, les copies d’actes juridiques étaient régies par les anciens articles 1334 à 1336.

Ces dispositions s’articulaient autour d’un principe, lequel était assorti de plusieurs exceptions.

==>Principe

L’ancien article 1334 du Code civil prévoyait que « les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre, dont la représentation peut toujours être exigée. »

Ainsi, était-il admis qu’une copie puisse être produite en justice aux fins de prouver un acte juridique. La partie adverse pouvait néanmoins toujours exiger la production de l’original.

Il en avait été tiré la conséquence par la jurisprudence que la force probante d’une copie était subordonnée à l’existence de l’écrit original. Lorsque cette condition était remplie la copie pouvait alors valoir faire foi au même titre que l’original (Cass. req. 16 févr. 1926).

La règle énoncée par l’article 1334 du Code civil procédait de la volonté des rédacteurs du Code civil de toujours permettre la comparaison de la copie produite avec l’original.

Il faut se souvenir que, en 1804, les techniques de reproduction des actes juridiques n’étaient pas fiables.

Aussi, ne pouvait-on raisonnablement pas leur reconnaître une valeur juridique sans se ménager une garantie, laquelle ne pouvait que consister en l’exigence de subsistance de l’orignal.

La copie était ainsi dépourvue de toute valeur juridique autonome. Elle ne pouvait faire foi que par l’entremise de l’original qui, en cas de disparition ou d’impossibilité pour son détenteur de le produire, privait la copie de toute force probante, à tout le moins lorsqu’une contestation était élevée.

Car en effet, l’exigence de subsistance de l’original ne valait qu’autant qu’il existait un litige relatif :

Dans l’hypothèse, en revanche, où aucune contestation n’était formulée auprès du juge, il était admis par la jurisprudence que la copie puisse faire foi (V. par exemple Cass. 1ère civ. 30 avr. 1969 ; Cass. 2e civ., 10 nov. 1998, n°96-21.767).

==>Exceptions

Par exception, l’ancien article 1335 du Code civil reconnaissait une force probante d’intensité variable à certaines copies d’actes répondant à des critères bien précis, nonobstant la disparition de l’original

Ainsi, ce texte conférait-il la même force probante que l’original aux :

Il était encore reconnu la valeur de commencement de preuve par écrit aux :

B) Loi du 12 juillet 1980

À la fin des années 1970, compte tenu de l’évolution des techniques de reproduction de l’écrit et de l’abandon progressif par certains opérateurs économiques de l’archivage papier, le dispositif tel que prévu par les rédacteurs du Code civil en 1804 était devenu inadapté aux nouvelles pratiques.

Afin de remédier à cette situation et notamment répondre aux besoins exprimés par les banques qui avaient fait le choix de ne plus conserver les chèques en raison du coût de l’archivage à la faveur d’une reproduction sur microfilms, il est apparu nécessaire que le législateur intervienne.

C’est ce qu’il a fait en adoptant la loi n°80-525 du 12 juillet 1980 laquelle a introduit un article 1348, al. 2e dans le Code civil qui a renforcé la valeur juridique des copies en leur conférant une force probante autonome.

Ce texte prévoyait, en effet, que « lorsqu’une partie ou le dépositaire n’a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable », cette copie était admise pour faire la preuve d’un acte juridique par exception à l’exigence de la preuve par écrit.

Aussi, désormais une copie pouvait-elle faire foi nonobstant la disparition de l’original dont sa persistance n’était donc plus une exigence absolue.

Pour que la copie puisse toutefois être pourvue d’une force probante autonome, soit pour le cas où l’original n’existerait plus ou ne pouvait pas être produit, encore fallait-il que soient démontrées la fidélité de la reproduction et la durabilité du support utilisé.

À cet égard, le texte précisait que « est réputée durable toute reproduction indélébile de l’original qui entraîne une modification irréversible du support. »

Bien que cette précision renseignât sur ce qu’il fallait entendre par une copie « durable », cela était loin d’être suffisant pour déterminer quelles étaient les copies qui répondaient aux conditions de reproduction énoncée par l’article 1348, al. 2e du Code civil.

Si ce texte visait au premier chef les microfilms, la question s’est rapidement posée pour les autres procédés de reproduction.

La Cour de cassation a, par exemple, été invitée à se prononcer sur la technique de la photocopie.

Dans un arrêt remarqué du 25 juin 1996, elle a jugé que cette technique pouvait être admise au rang des procédés permettant l’obtention d’une « reproduction fidèle et durable ».

Elle en déduisit que la photocopie qui était produite aux débats « ne constituait pas un commencement de preuve par écrit, mais faisait pleinement la preuve de l’existence » de l’acte juridique dont l’existence était contestée au cas particulier (Cass. 1ère civ. 25 juin 1996, n°94-11.745).

Dans cette décision, la haute juridiction reconnaissait ainsi à la photocopie la valeur d’une preuve complète, puisque n’exigeant pas qu’elle soit corroborée, comme c’est le cas pour un commencement de preuve par écrit, par des éléments probatoires extrinsèques, tels que des témoignages ou des présomptions.

D’autres procédés de reproduction ont été soumis à l’appréciation de la Cour de cassation qui s’est distinguée par son approche audacieuse des textes.

Dans un arrêt du 27 mai 1986, il lui a fallu notamment dire si, à l’instar de la photocopie ou du microfilm, la technique de la copie carbone répondait aux exigences de fiabilité et de durabilité posées par l’ancien article 1348, al. 2e du Code civil (Cass. 1ère civ. 27 mai 1986, n°84-14.370).

En l’espèce, un entrepreneur agricole avait assigné une CUMA (Coopérative d’utilisation de matériel en commun) en paiement du prix d’une ensileuse.

Au soutien de sa demande il produisait les doubles, obtenus à l’aide de papiers carbone, de la facture relative à la vente de cette machine, laquelle portait les signatures de deux administrateurs de la CUMA.

La Cour d’appel a accueilli la demande dirigée contre la CUMA au motif que les copies carbones produites par le demandeur valaient commencement de preuve par écrit et que celui-ci était corroboré par des témoignages et des présomptions.

La CUMA a alors formé un pourvoi auprès de la Cour de cassation en avançant notamment que les copies d’acte sous seing privé n’ayant, par elles-mêmes, aucune valeur juridique et ne pouvaient, dans ces conditions, suppléer le défaut de production de l’original.

Contre toute attente, la Première chambre civile approuve la décision entreprise par les juges du fond, considérant que les copies carbones dont se prévalait le demandeur constituaient bien des commencements de preuve par écrit pouvant dès lors faire preuve de l’acte litigieux pourvu qu’elles soient confortées par des éléments de preuve extrinsèques.

La solution adoptée par la Haute juridiction est ici surprenante.

En effet, compte tenu de ce que, en l’espèce, elle ne reconnaît nullement à la copie carbone le caractère fidèle et durable, condition sine qua non exigée par l’ancien article 1348, al. 2e du Code civil pour faire foi, elle aurait dû considérer que cette copie n’avait guère plus de valeur qu’un simple indice, sauf à ce que le demandeur soit en capacité de produire l’exemplaire original auquel cas il y avait lieu de faire application de l’ancien article 1334 du Code civil.

Telle n’est toutefois pas la voie empruntée par la Haute juridiction. Par une interprétation pour le moins libérale des textes en vigueur à l’époque, elle préfère adopter une position intermédiaire en reconnaissant la valeur de commencement de preuve par écrit à la copie carbone alors même qu’elle ne répondait ni à l’exigence de fiabilité, ni à l’exigence de durabilité.

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la Chambre commerciale est allée encore plus loin dans un arrêt du 2 décembre 1997 qualifié de « révolutionnaire »[3] par la doctrine en jugeant que « l’écrit constituant, aux termes de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1981, l’acte d’acceptation de la cession ou de nantissement d’une créance professionnelle, peut être établi et conservé sur tout support, y compris par télécopies, dès lors que son intégrité et l’imputabilité de son contenu à l’auteur désigné ont été vérifiées, ou ne sont pas contestées » (Cass. com. 2 déc. 1997, n°95-251).

Par cette décision, la Cour de cassation admet pour la première fois que l’écrit électronique puisse posséder la même force probante que l’écrit papier.

Pour cette dernière, les juges du fond ne pouvaient pas rejeter la preuve de l’acte litigieux au seul motif qu’il avait été établi sous forme électronique.

Pour se déterminer, il leur appartenait, au préalable, d’analyser les circonstances dans lesquelles avait été émis l’écrit pour établir s’il pouvait ou non être retenu comme établissant la preuve d’un acte.

Au total, bien qu’il puisse être porté au crédit de la loi du 12 juillet 1980 d’avoir été le premier texte à reconnaître à la copie d’un écrit une valeur probatoire indépendante de l’original, le dispositif, tel que prévu par l’ancien article 1348, al. 2e du Code civil, souffrait de deux carences principales.

Pour ces deux raisons, il est apparu nécessaire que le législateur intervienne à nouveau afin de clarifier le régime juridique des copies.

II) Droit positif

Le législateur s’est attelé à la tâche de réformer le régime juridique des copies à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Dans le rapport au Président de la République accompagnant cette ordonnance, le législateur justifie cette réforme en avançant que :

C’est sur la base de ces deux constats que le législateur a donc façonné un nouveau régime de la copie qui a désormais pour siège le nouvel article 1379 du Code civil.

En substance, cette disposition, qui définit la copie et en fixe la valeur probante en un texte unique, pose un nouveau principe selon lequel la copie possède la même force probante que l’original, pourvu qu’elle réponde à l’exigence de fiabilité.

A) Principe : l’équivalence de la copie fiable à l’original

L’article 1379 du Code civil prévoit que « la copie fiable a la même force probante que l’original. »

Il s’évince de cette disposition un principe général d’équivalence entre la copie dite fiable et l’original.

Surtout, et c’est là une rupture avec l’ancien article 1334 du Code civil, cette équivalence opère peu important que l’original subsiste ou pas, et peu important l’origine.

Autrement dit, il est indifférent que l’original ait disparu ou que son détenteur soit dans l’incapacité de le produire ; la copie possède la même valeur probatoire que l’original pourvu qu’elle soit fiable.

À l’analyse, en énonçant un principe général d’équivalence entre les deux types d’écrits, le législateur confirme l’autonomie probatoire qu’il avait entendu conférer à la copie à l’occasion de l’adoption de la loi du 12 juillet 1980.

B) Condition : l’exigence de fiabilité

L’article 1379 du Code civil subordonne la force probante reconnue à la copie à la fiabilité de celle-ci.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « copie fiable ».

Pour le déterminer, il convient de combiner les deux premiers alinéas de l’article 1379 du Code civil d’où il ressort que la reconnaissance de la fiabilité d’une copie peut résulter :

1. La reconnaissance de la fiabilité résultant de présomptions

Afin de faciliter la preuve de la fiabilité de la copie produite aux débats pour la partie sur laquelle pèse la charge de cette preuve, le législateur a institué deux présomptions : une présomption irréfragable et une présomption simple :

==>La présomption irréfragable de fiabilité

L’article 1379, al. 1er prévoit que « est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d’un écrit authentique. »

Ainsi, dès lors que la copie a été établie par un officier public, elle bénéficie d’une présomption irréfragable de fiabilité, ce qui signifie qu’elle ne souffre pas de la preuve contraire.

Le législateur a ainsi abandonné l’ancien dispositif qui distinguait selon que la copie litigieuse avait été rédigée par notaire ou par un magistrat et selon qu’elle était ou non ancienne de plus de trente ans.

Dorénavant, plus aucune distinction n’est opérée entre les copies exécutoires et authentiques : elles possèdent toutes ma même valeur probatoire que l’original.

À cet égard, compte tenu de ce qu’elles bénéficient d’une présomption irréfragable de fiabilité, elles ne peuvent plus être contestées, sauf à emprunter la voie procédurale de l’inscription en faux régie par les articles 303 à 316 du Code de procédure civile.

==>La présomption simple de fiabilité

L’article 1379, al. 2e du Code civil prévoit que « est présumée fiable jusqu’à preuve du contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

Il ressort de cette disposition l’instauration d’une présomption simple de fiabilité pour les actes sous seing privé, lesquels, pour bénéficier de cette présomption, doivent répondre à deux critères bien précis :

Les caractéristiques techniques des procédés utilisés, destinés à garantir la fidélité à l’original et la durabilité de la copie, et entraînant le bénéfice de la présomption de fiabilité ont été définies par le décret n°2016-1673 du 5 décembre 2016.

Ce texte réglementaire énonce des critères différents selon que l’on est en présence d’une copie papier ou d’une copie électronique :

Au total, dès lors que la copie produite aux débats répond aux critères de fidélité à l’original et de durabilité du support, elle est présumée simple.

Il s’agit là toutefois, d’une présomption simple de sorte qu’elle peut être combattue par la preuve contraire.

Plus précisément, conformément à l’article 1354 du Code civil, cette présomption peut « être renversée par tout moyen de preuve ».

2. La reconnaissance de la fiabilité résultant de l’appréciation du juge

Dans l’hypothèse où la copie litigieuse ne bénéficierait d’aucune présomption de fiabilité, soit parce qu’elle n’aurait pas été établie par un officier public, soit parce qu’elle ne répondrait pas aux critères énoncés par l’article 1379, al. 2e du Code civil, cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne pourrait pas être reconnue comme étant fiable.

Cette fiabilité sera toutefois « laissée à l’appréciation du juge » comme énoncé par l’article 1379, al. 1er du Code civil.

Autrement dit c’est à la partie qui se prévaut de la copie produite aux débats qu’il reviendra de prouver sa fiabilité qui, selon le Rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance du 10 février 2016, « s’entend des qualités de fidélité à l’original d’une part, et de durabilité dans le temps d’autre part. »

C) Force probante

La force probante d’une copie diffère selon que cette copie est ou non reconnue fiable.

  1. Dictionnaire de l’Académie Française, v° Copie ?
  2. Dictionnaire du vocabulaire juridique, éd. Lexisnexis, 2022, v° Copie. ?
  3. H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, Litec, 2002, n°1762, p. 607. ?

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