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Les conditions de validité de l’acte authentique

En application de l’article 1364 du Code civil, les écrits valant mode de preuve parfait sont l’acte authentique et l’acte sous seing privé.

L’article 1366 précise que lorsque l’une ou l’autre forme d’acte est établie sur support électronique elle est dotée, par principe, de la même force probante que l’écrit rédigé sur support papier

Nous nous focaliserons ici sur l’acte authentique. 

==> Définition

L’acte authentique est défini par l’article 1369, al. 1er du Code civil comme « celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. »

À l’analyse, comme souligné par la doctrine, il s’agit là moins d’une définition de l’acte authentique que d’une liste énonçant ses conditions d’établissement.

Ce texte ne renseigne, en effet, pas vraiment sur ce qu’est un acte authentique, ni sur ce qu’est l’authenticité.

Dans le langage courant, l’authenticité se définit comme « la qualité de ce qui ne peut être controversé » ou encore comme la « qualité de ce qui est intrinsèquement vrai, pur ».

La notion d’authenticité est ainsi étroitement liée à celle de vérité. L’utilisation de ce terme dans les dispositions intéressant la preuve par écrit n’est pas un hasard.

Car en droit, qu’est-ce que prouver, sinon l’action visant à montrer la vérité fait.

Ambroise Colin et Henri Capitant ont avancé en ce sens que « prouver, c’est faire connaître en justice la vérité d’une allégation par laquelle on affirme un fait d’où découlent des conséquences juridiques »[1].

Qu’est-ce qui distingue l’acte authentique des autres modes de preuve et notamment de l’acte sous seing privé ? La différence entre ces deux formes d’actes réside essentiellement dans leur force probante.

La force probante de l’acte authentique le place au sommet de la hiérarchie des preuves par écrit.

Contrairement à l’acte sous seing privé qui souffre de la preuve contraire, l’acte authentique ne peut être combattu qu’à la condition de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux.

Cette particularité fait de l’acte authentique l’écrit qui procure le plus de sécurité juridique à son bénéficiaire.

C’est la raison pour laquelle il figure en bonne place dans le Code civil. La sous-section qui lui est consacrée vient coiffer les différents modes de preuve par écrit.

==> Conditions

Les conditions pour qu’un écrit soit qualifié d’authentique tiennent :

I) Le rédacteur de l’acte

En application de l’article 1369, al. 1er du Code civil, pour être reconnu comme authentique, un acte doit :

A) L’établissement de l’acte par un officier public

La principale condition de validité d’un acte authentique tient à la qualité de son rédacteur. Son établissement suppose, en effet, l’intervention d’un officier public.

Par officier public, il faut entendre une personne délégataire de la puissance publique de l’État au nom duquel il confère l’authenticité aux actes relevant de sa compétence.

Les officiers publics ne doivent pas être confondus avec les officiers ministériels qui sont des personnes titulaires d’un office conféré à vie par l’État et nommées par décision d’un ministre. Cette catégorie regroupe :

Si les officiers ministériels forment une catégorie distincte de celle des officiers publics, certains endossent néanmoins les deux statuts. Il s’agit des officiers publics et ministériels au nombre desquels figurent :

Là ne s’arrête pas la liste des officiers publics. Il faut y ajouter notamment :

Compte tenu de ces différentes sources de l’acte authentique, ils présentent une grande variété.

À cet égard, Gabriel Marty et Pierre Raynaud ont établi une classification des actes authentiques qui distingue :

En dehors de ces catégories, sont également assimilés à des actes authentiques :

B) La réception de l’acte par un officier public

==> Principe

Il ne suffit pas que l’acte authentique ait été rédigé par un officier public pour être valable, il faut encore qu’il ait été personnellement « reçu » par lui.

Autrement dit, l’échange des volontés entre les parties doit nécessairement être intervenu en présence de l’officier public.

La raison en est qu’il ne peut conférer un caractère authentique qu’aux seules énonciations de l’acte relatives aux faits qu’il a été en mesure de vérifier par lui-même.

Cette exigence s’applique tout particulièrement aux notaires. Sous l’empire du droit antérieur, l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI, modifiée par la loi du 25 juin 1973, autorisait le notaire à « habiliter un ou plusieurs de ses clercs assermentés à l’effet de donner lecture des actes et des lois et recueillir les signatures des parties. »

Ce n’était qu’à compter de leur signature par le notaire que les actes ainsi dressés acquéraient leur caractère d’actes authentiques notamment en ce qui concerne les énonciations relatives aux constatations et formalités effectuées par le clerc assermenté.

Cette faculté de délégation par le notaire de l’établissement de l’acte authentique à des clercs assermentés a été abolie par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

La faculté pour les notaires d’habiliter un ou plusieurs clercs de leur office a été progressivement perçue comme un des obstacles à l’accès au plein exercice de la profession, les notaires titulaires pouvant, grâce à cette habilitation, démultiplier leur capacité à assurer la réception des actes.

La suppression de la faculté pour les notaires d’habiliter un ou plusieurs clercs de leur office est alors apparue comme l’un des moyens de lever un obstacle à la nomination de notaires ; d’où sa suppression par le législateur lors de la libéralisation de l’installation des notaires.

Aujourd’hui, la validité d’un acte notarié est subordonnée à la présence personnelle de l’officier public au moment de la lecture des énonciations de l’acte et de la signature des parties.

==> Exceptions

Il est certains textes spéciaux qui autorisent des officiers publics à habiliter une personne aux fins d’instrumenter l’acte à leur place.

C’est le cas des huissiers qui peuvent déléguer à un clerc assermenté la signification de tous actes judiciaires et extrajudiciaires, à l’exception des procès-verbaux de constats et d’exécution et des ventes mobilières judiciaires ou volontaires (art. 5 de la loi du 27 décembre 1923).

Il en va de même pour les maires qui, en application de l’article R. 2122-10 du Code des collectivités territoriales, peuvent déléguer à un ou à plusieurs fonctionnaires titulaires de la commune tout ou partie des fonctions qu’il exerce en tant qu’officier de l’état civil.

C) La réception de l’acte par un officier public compétent

Pour que l’officier public qui instrumente confère à l’acte qu’il dresse son authenticité, encore faut-il qu’il soit compétent.

Plus précisément, il doit justifier :

Dans un arrêt du 20 mai 1976, la Cour de cassation a précisé que la violation d’une règle de compétence par un officier public était de nature à entacher d’une nullité d’ordre public l’acte, ce qui lui enlève son caractère authentique (Cass. 2e civ. 20 mai 1976, n°75-11.401).

II) Les solennités relatives à l’établissement de l’acte

A) Les solennités requises

L’établissement d’un acte authentique requiert l’observation par l’officier public d’un certain nombre de solennités qui diffèrent selon la nature de l’acte et l’opération constatée dans cet acte.

==> Règles communes

==> Règles applicables aux actes notariés

Des solennités spécifiques sont prévues notamment pour les actes notariés. Elles sont fixées par le décret n°71-941 du 26 novembre 1971.

B) La sanction du non-respect des solennités

Le non-respect des solennités requises par la loi est sanctionné par la nullité de l’écrit, sauf pour le cas de la violation de l’obligation d’annexer à l’acte notarié les procurations consenties par les parties.

1. La nullité de l’écrit

==> Principe

En application de l’article 1370 du Code civil, le non-respect d’une solennité requise par la loi a pour conséquence d’entacher l’acte authentique de nullité.

Dans un arrêt du 12 juillet 2007, la Cour de cassation a précisé qu’il s’agit d’une nullité absolue (Cass. 1ère civ. 12 juill. 2007, n°06-10.362).

À cet égard, la nullité frappe, en principe, non pas le negocium constaté dans l’acte, mais l’instrumentum.

La Cour de cassation a jugé en ce sens dans un arrêt du 28 octobre 2003 que « l’inobservation des dispositions de l’article 11 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 entraîne, en application de l’article 23 dudit décret, la nullité de l’acte instrumentaire considéré comme moyen de preuve, cette nullité ne s’étend pas à l’acte juridique dont il constitue le support » (Cass. 1ère civ. 28 oct. 2003, n°01-02.654).

Cela signifie, autrement dit, que la nullité du fait de l’incompétence ou de l’incapacité de l’officier, ou par un défaut de forme a seulement pour effet de faire perdre à l’acte son caractère authentique.

Par exception, la nullité entachera le negocium, lorsque l’authenticité de l’acte était érigée au rang de condition de validité de l’opération juridique.

Si, par exemple, la nullité frappe un acte authentique constatant une vente immobilière, alors elle s’étendra également à l’opération translative de propriété en elle-même.

==> Effets

La nullité frappant un acte authentique est susceptible de produire deux effets alternatifs :

2. Cas particulier du défaut d’annexion des procurations

La question s’est posée en jurisprudence de savoir quelle sanction il y avait lieu d’appliquer en cas de violation par le notaire de la règle énoncée à l’article 21 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971.

Selon cette disposition, lorsque les parties à l’acte sont représentées par un mandataire, les procurations doivent être annexées à l’acte à moins qu’elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l’acte. Dans ce cas, il est fait mention dans l’acte du dépôt de la procuration au rang des minutes.

Faute de précision du texte sur la sanction encourue en cas de non-respect de cette exigence, la question a été portée devant les juridictions.

Il s’en est suivi une controverse née de l’opposition entre la première et la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

Au soutien de la position de la Deuxième Chambre civile, il a été avancé que l’authentification de l’acte par le notaire suppose la vérification personnelle par ce dernier de l’identité des parties.

Or l’annexion des procurations à l’acte notarié ne serait autre que la dernière étape matérialisant l’exécution de cette obligation ; raison pour laquelle son non-respect devrait être sanctionné par la nullité de l’acte.

En contrepoint de cette thèse, d’autres auteurs ont soutenu, en substance, que ce qui confère à l’acte son caractère authentique ce n’est, en aucune façon, l’annexion des procurations à la minute ou à la copie exécutoire, mais l’apposition sur l’acte de la signature du notaire.

Autrement dit, ce qui permet d’établir que le notaire a vérifié personnellement l’identité des parties c’est la force probante de l’acte authentique qu’il tire de la signature du notaire et non de l’annexion des procurations à l’acte.

Entre ces deux thèses, la Chambre mixte a opté pour la seconde, soit celle adoptée par la Première chambre civile.

Dans un arrêt du 21 décembre 2012, elle a jugé que « l’inobservation de l’obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l’acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes ne fait pas perdre à l’acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire » (Cass. mixte, 21 déc. 2012, n°11-28.688).

Consécutivement à cette décision, la deuxième chambre civile s’est ralliée à la solution retenue par la Chambre mixte en jugeant dans un arrêt du 21 mars 2013 que « l’inobservation de l’obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l’acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes ne fait pas perdre à l’acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire » (Cass. 2e civ. 21 mars 2013, n°11-22.312).

Un an plus tard, la Première chambre civile a précisé dans un arrêt du 2 juillet 2014 que « les irrégularités affectant la représentation conventionnelle d’une partie à un acte notarié ne relèvent pas des défauts de forme que l’article 1318 du Code civil sanctionne par la perte du caractère authentique, et partant, exécutoire de cet acte, lesquels s’entendent de l’inobservation des formalités requises pour l’authentification par l’article 41 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, dans sa rédaction issue de celui n° 2005-973 du 10 août 2005 applicable en la cause » (Cass. 1ère civ. 2 juill. 2014, n°13-19.626).

Ainsi, pour la Cour de cassation toutes les irrégularités ne sont pas sanctionnées par la perte de l’authenticité de l’acte.

La Haute juridiction a jugé en ce sens que ne constituaient pas des irrégularités faisant perdre à l’acte notarié son caractère authentique :

Seules les violations qui affectent l’authentification de l’acte sont susceptibles de donner lieu à sa disqualification en acte sous seing privé ou, faute de signature par les parties, en commencement de preuve par écrit.

Il s’agira notamment des irrégularités visées :

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