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Acte sous signature privée: les conditions de validité

==>Notion

À la différence de l’acte authentique, l’acte sous signature privée ne fait l’objet d’aucune définition textuelle. Le Code civil n’aborde que ses conditions de validité et sa force probante. Aussi, est-ce la doctrine qu’est revenue la tâche de le définir.

Selon Charles Demolombe, l’acte sous signature privée consiste en « un écrit rédigé sans l’intervention d’un officier public, sous la seule signature des parties, à l’effet de constater la preuve d’une obligation ou d’une libération ou de tout autre fait juridique »[1].

La définition de Charles Aubry est plus lapidaire. Pour cet auteur, « les actes sous seing privé sont des actes faits sans l’intervention d’officiers publics, et sous la signature des parties »[2].

Il ressort de ces définitions deux éléments qui caractérisent l’acte sous signature privée :

L’acte sous signature privée est régi aux articles 1372 à 1377 du Code civil. Nous nous focaliserons ici sur ses conditions de validité. 

1. Conditions communes à tous les actes sous signature privée

a. Absence de formalisme

À la différence de l’acte authentique, l’acte sous signature privée, pris en tant qu’instrumentum, n’est soumis, par principe, à aucune condition de forme particulière.

Il ne requiert, ni l’intervention d’un officier public ou d’un quelconque professionnel du droit, ni l’apposition de mentions spécifiques.

La seule condition devant être remplie pour que l’acte sous signature privée produise un effet probatoire, c’est qu’il soit signé par la ou les parties à l’acte.

Dans un arrêt du 27 janvier 1993, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « en dehors des exceptions prévues par la loi, l’acte sous signature privée n’est soumis à aucune autre condition de forme que la signature de ceux qui s’obligent » (Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115).

Pratiquement, cela signifie qu’il n’est pas exigé que l’acte sous signature privée soit rédigé en français, pourvu qu’il soit intelligible pour les parties (V. en ce sens Cass. 3e civ. 15 déc. 1998, n°97-17.673).

La personne du rédacteur est, par ailleurs, indifférente. L’acte sous signature privée peut très bien avoir été rédigé par un tiers, à la condition qu’il comporte la signature des parties à l’opération qu’il constate (Cass. 1ère civ. 21 févr. 2006, n°04-13.512).

La Cour de cassation rappelle en outre régulièrement que le procédé d’établissement de l’acte sous signature privée est sans incidence sur sa force probante. Il importe donc peu qu’il soit rédigé au crayon (Cass. com. 8 oct. 1996, n°94-17.967), de façon dactylographiée ou sur la base d’une formule prérédigée.

Il est encore admis que l’acte sous signature privée puisse ne pas être écrit en un seul et même contexte. Il peut ainsi résulter d’un échange de courriers.

Tel sera le cas, par exemple, lorsqu’un acquéreur adresse par voie postale une offre d’achat au vendeur qui l’accepte par retour de courrier.

Dès lors qu’une lettre missive est signée de la main de son auteur et qu’elle comporte les éléments requis par engager son signataire, elle peut se voir reconnaître la qualification d’acte sous signature privée (V. en ce sens Cass. req. 11 janv. 1892)

b. L’exigence de signature

La validité de l’acte sous signature privée est subordonnée à la seule apposition de la signature des parties sur l’instrumentum.

À l’analyse, il ne s’agit pas là d’une condition spécifique à l’acte sous signature privée ; elle joue en réalité pour tous les écrits.

Cette exigence résulte, pour rappel, de l’article 1367 du Code civil qui prévoit que la signature est « nécessaire à la perfection d’un acte juridique ».

Pour être précis, la signature est requise pour parfaire, non pas « l’acte juridique », mais « l’écrit » en tant que mode de preuve. La formulation de la règle est maladroite : le législateur confond ici l’instrumentum avec le negocium.

En effet, au sens strict, l’acte juridique c’est le negocium, soit l’opération voulue par son auteur. Or conformément au principe du consensualisme, la perfection du negocium est subordonnée à la seule expression des volontés. La signature n’est donc pas une condition de validité du negocium.

Si la signature est exigée c’est pour permettre d’établir l’existence et le contenu du negocium. C’est la raison pour laquelle elle est requise uniquement pour parfaire l’écrit, soit l’instrumentum constatant le negocium.

Comme souligné par des auteurs, la réforme du droit de la preuve opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 « aurait pu être l’occasion de corriger cette inadvertance, en érigeant la signature en condition de perfection de l’écrit, qu’il soit authentique ou sous signature privée, électronique ou papier, plutôt qu’en condition de l’acte juridique »[3].

Le législateur n’a pas saisi cette occasion ; il s’est contenté en 2016 de reprendre dans les mêmes termes la règle énoncée à l’ancien article 1316-4 du Code civil qu’il a transféré à l’article 1367.

Il a néanmoins innové seize ans plus tôt en reconnaissant, lors de l’adoption de la loi n°2000-230 du 13 mars 2000, une équivalence entre la signature manuscrite et la signature électronique.

Cette loi a introduit un article 1316-4, al. 2e dans le Code civil, devenu l’article 1367, al. 2e consécutivement à l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui prévoit que « lorsqu’elle est électronique, [la signature] consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. »

==> Notion de signature

Si désormais l’on s’arrête sur la notion de signature, le développement des nouvelles technologies de l’information l’a placé au centre des préoccupations des juristes.

Le mot signature est issu du latin signum qui signifie littéralement, le signe, la marque, le sceau ou encore l’empreinte.

Le terme signature s’est progressivement substitué dans le langage courant au mot « seing », aujourd’hui désuet, qui n’est autre que son doublet, car possédant la même origine étymologique.

Usuellement, une signature est donc un signe distinctif, une marque personnelle, généralement constituée du prénom et du nom de famille ou de leurs initiales, apposée permettant d’attribuer quelque chose à quelqu’un.

Plus précisément, elle se définit comme une « inscription de son nom, sous une forme particulière et reconnue, ou d’une marque spécifique, apposée par une personne sur un écrit afin d’en attester l’exactitude, d’en approuver le contenu et d’en assumer la responsabilité »[4].

Cette définition n’est manifestement pas très éloignée de celle retenue chez les juristes pour lesquels « il y a lieu d’admettre que constitue une signature valable toute marque personnelle manuscrite permettant d’individualiser son auteur sans nul doute possible et traduisant la volonté non équivoque de celui-ci de consentir à l’acte »[5]

À cet égard, en 1804, le Code civil ne comportait aucune définition de la signature alors que les dispositions qu’il renferme y font fréquemment référence.

Il est, en effet, de nombreux actes dont la validité est conditionnée à la signature de la partie à laquelle l’acte est opposé.

Cependant, il a toujours existé un consensus sur les fonctions de la signature.

Comme souligné par le Conseil d’État dans son rapport intitulé « Internet et les réseaux » rendu le 2 juillet 1998, la signature apposée sur un document est susceptible d’emporter trois types d’effets :

==> Consécration d’une définition

Il a fallu attendre la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique pour voir entrer dans le Code civil une définition de la signature.

La consécration légale de la définition de la signature a été rendue nécessaire par la reconnaissance de l’équivalence entre l’écrit électronique et l’écrit papier.

On peut lire en ce sens dans les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption du texte que « la reconnaissance de l’efficacité du document électronique comme mode de preuve serait privée de portée pratique si elle restait subordonnée à l’apposition d’une signature tracée de la main même de son auteur. »

En effet, pour qu’un écrit soit valable, il doit être signé. Or si la notion de signature se conçoit bien pour un écrit papier, il en va tout autrement pour un écrit électronique.

L’écrit électronique se présente sous une forme dématérialisée, de sorte que, par hypothèse, il n’admet pas les procédés traditionnels de signature. Aussi, la condition tenant à la signature de l’écrit devait-elle nécessairement être adaptée.

Pour ce faire, encore fallait-il déterminer les exigences auxquelles le procédé alternatif de signature devait répondre pour conférer à l’écrit électronique la même valeur que l’écrit papier, ce qui supposait de définir au préalable ce que l’on entendait par signature.

Parmi les définitions qui étaient possibles, le législateur a retenu une approche fonctionnelle de la signature.

L’ancien article 1316-4 du Code civil devenu l’article 1367 prévoit que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. »

==> Fonctions de la signature

Il ressort de l’article 1367 du Code civil que la signature est définie par les deux fonctions que lui attribue le législateur :

2. Conditions spécifiques à certains actes sous signature privée

a. Conditions spécifiques aux actes constatant un contrat synallagmatique

En application de l’article 1375 du Code civil, les actes sous signature privée constatant un contrat synallagmatique doivent répondre à l’exigence dite du « double original ». Ce principe est toutefois assorti d’exceptions.

==> Principe

L’article 1375, al. 1er du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct »

Cette exigence est usuellement désignée sous l’appellation « formalité du double original ».

La raison en est que les parties à un contrat synallagmatique sont généralement deux.

Si néanmoins elles sont plus nombreuses, alors l’article 1375, al. 1er du Code civil exige que l’instrumentum qui constate le contrat soit établi en autant d’originaux qu’il y a de parties, à la condition qu’il s’agisse d’un contrat synallagmatique.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit « un contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres. »

En d’autres termes, il s’agit d’un contrat qui crée des obligations réciproques et interdépendantes à la charge des deux parties. Chaque partie est tout à la fois créancier et débiteur.

Exemples :

Pour que donc l’exigence du double original s’applique, le contrat conclu entre les parties doit nécessairement stipuler des engagements réciproques.

Sont donc exclus du domaine de cette exigence notamment les contrats unilatéraux.

Dans un arrêt du 28 mars 1984, la Cour de cassation a ainsi jugé, s’agissant d’un contrat de prêt, que dans la mesure où il n’impose d’obligation qu’a l’emprunteur et qu’il ne présente pas de caractère synallagmatique rien n’exige qu’il soit établi en autant d’exemplaires que de parties (Cass. 1ère civ. 28 mars 1984, n°82-15.538).

S’agissant de l’objectif poursuivi par l’exigence du double original, à l’analyse elle vise à assurer la sécurité juridique des parties à l’acte.

En effet, en exigeant que chaque partie soit en possession d’un exemplaire original de l’acte, l’objectif recherché est double :

==> Conditions

Il ne suffit pas que l’acte soit établi en autant d’originaux qu’il y a de parties pour que l’exigence du double original soit remplie, il faut encore que deux conditions soient satisfaites :

==> Exceptions

L’exigence du double original en présence d’un acte sous signature privée constatant un contrat synallagmatique souffre de trois exceptions :

==> Sanction

Il ressort de l’article 1375, al. 1er du Code civil, que l’établissement d’une pluralité d’originaux est exigé à titre de preuve et non comme condition de validité du contrat synallagmatique constaté dans l’acte.

Aussi, en cas de manquement à cette exigence, l’écrit perd son statut de preuve parfaite, de sorte qu’il ne permet plus de faire la preuve de l’acte sur lequel il porte.

Est-ce à dire qu’il est dépourvu de toute valeur probante ?

Dans un arrêt du 19 février 2013 la Cour de cassation lui a reconnu la valeur de commencement de preuve par écrit.

Elle a jugé en ce sens que « la copie produite ne contenait pas la mention du nombre des originaux qui avaient été faits de la convention synallagmatique et ne pouvait dès lors valoir que comme commencement de preuve par écrit exigeant d’être complété par un élément extrinsèque » (Cass. 1ère civ. 19 févr. 2013, n°11-24.453).

b. Conditions spécifiques aux actes constatant un engagement unilatéral

==> Principe

En application de l’article 1376 du Code civil « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Il ressort de cette disposition que lorsqu’un acte sous signature privée constate un engagement unilatéral de payer une somme d’argent ou de livrer un bien fongible, le débiteur doit reproduire sur l’acte une mention exprimant le montant ou la quantité de l’engagement souscrit.

Cette exigence est appelée couramment formalité de la « mention manuscrite » ou du « bon pour ».

À l’analyse, la règle de preuve énoncée à l’article 1376 du Code civil a été instituée afin de prémunir le débiteur d’une fraude du créancier.

Lorsque, en effet, un acte sous signature privée est régularisé en vue de constater un contrat unilatéral, il n’est établi qu’en un seul exemplaire.

En application de l’article 1375, al. 1er du Code civil, l’exigence du double original ne joue que pour les contrats synallagmatiques.

Tel n’est pas le cas pour les contrats unilatéraux dont l’unique exemplaire est conservé par le seul créancier.

Il est alors en risque que celui-ci modifie le montant de l’engagement de son cocontractant en altérant les termes de l’acte.

Pour l’en dissuader, il a fallu trouver une parade. Cette parade a consisté à exiger, pour les contrats unilatéraux, qu’une mention soit reproduite sur l’acte de la main de celui qui s’oblige exprimant le montant en chiffres et en lettres de son engagement.

Cette formalité a ainsi pour fonction d’empêcher que l’acte ne soit falsifié.

Elle vise, autrement dit, à protéger le débiteur d’éventuels agissements malveillants du créancier.

==> Domaine

Tout d’abord, comme énoncée par l’article 1376 du Code civil, l’exigence du « bon pour » ne s’applique qu’aux seuls actes sous signature privée.

A contrario, cette exigence ne joue, ni pour les actes notariés, ni pour les actes sous signature privée contresignés par avocat :

Ensuite, pour que l’exigence énoncée à l’article 1376 du Code civil s’applique il ne suffit pas que l’on soit en présence d’un acte sous signature privée, il faut encore qu’il s’agisse d’un acte « par lequel une seule partie s’engage envers une autre », soit un acte constatant un engagement unilatéral.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci ».

Le contrat unilatéral se distingue de l’acte unilatéral en ce que, pour être valable, cela suppose l’accord des volontés.

Exemples :

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que les exigences posées par l’article 1376 du Code civil étaient inapplicables aux actes sous signature privée constatant une convention synallagmatique (V. en ce sens Cass. com. 26 juin 1990, n°88-14.444).

Enfin, l’exigence de mention énoncée par l’article 1376 du Code civil ne joue que lorsque l’engagement unilatéral consiste :

Il en résulte que lorsque l’engagement a pour objet la livraison d’un corps certain ou une obligation de faire, l’exigence énoncée par l’article 1376 du Code civil n’a pas lieu de jouer.

Dans un arrêt du 12 février 2003, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « que l’article 1326 du Code civil ne s’applique qu’à une obligation de payer ou de livrer un bien fongible, mais non à une obligation portant sur la bonne exécution d’un contrat de construction » (Cass. 3e civ., 12 févr. 2003, n° 01-11.295).

La Chambre commerciale a statué dans le même sens dans un arrêt du 18 juin 2013 en retenant, au visa des anciens articles 1120 et 1326 (devenu l’article 1376) du Code civil « qu’il résulte du premier de ces textes, que l’engagement de porte-fort constitue un engagement de faire, de sorte que le second ne lui est pas applicable » (Cass. com. 18 juin 2013, n°12-18.890).

==> Mise en œuvre

L’article 1376 du Code civil exige, à titre de preuve, la reproduction sur l’acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral d’une mention manuscrite exprimant le montant ou de la quantité de l’engagement « en toutes lettres et en chiffres. »

Deux questions immédiatement se posent : quelle doit être la forme de cette mention et quels éléments doit-elle comporter ?

==> Portée

Sous l’empire du droit antérieur, la question s’était posée de savoir quelle portée reconnaître à l’exigence de mention manuscrite énoncée par l’ancien article 1326 du Code civil.

Cette question avait donné lieu à un abondant contentieux en matière de cautionnement.

Pour rappel, à l’origine, la formalité du « bon pour » avait pour fonction d’empêcher que l’acte ne soit falsifié. Elle visait, autrement dit, à protéger le débiteur d’éventuels agissements malveillants du créancier.

À cette fin, l’acte constatant l’engagement unilatéral n’avait valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Nonobstant cette fonction probatoire de la mention manuscrite envisagée initialement par le législateur, à partir des années 1980, la jurisprudence en a fait un instrument de protection du consentement des cautions.

La Cour de cassation a, en effet, érigé l’exigence de mention manuscrite prescrite par l’ancien article 1326 du Code civil en condition de validité du cautionnement.

Aussi, désormais, l’absence de mention manuscrite était sanctionnée, non plus par l’abaissement de la valeur probatoire de l’acte au rang de commencement de preuve par écrit, mais par la nullité pure et simple du cautionnement.

Dans un arrêt du 30 juin 1987, la Première chambre civile a ainsi affirmé « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution ».

Elle en déduit que l’aval dont la régularité était contestée, en raison de sa signature en blanc, était bien nul (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation dans cet arrêt a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision, rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

L’enseignement qu’il y a lieu de retirer de ce revirement de jurisprudence est double :

Aujourd’hui, cette solution retenue par la jurisprudence ne soulève plus de doute. Elle est désormais bien ancrée en droit positif.

À l’occasion du transfert de l’article 1326 du Code civil à l’article 1376 du même Code opéré par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit de la preuve des obligations, le législateur en a profité pour préciser la fonction remplie par la règle énoncée par ce texte.

Si, en effet, l’article 1376 reprend à droit constant l’ancien article 1326, il en modifie légèrement la formulation afin, précise le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance, de « lever toute ambiguïté sur le caractère des mentions requises, qui ne sont pas des conditions de validité de l’acte unilatéral mais bien des conditions de preuve. »

Cette modification vise, en outre, à éviter les abus de blanc-seing et à faire prendre conscience au signataire de la mesure de son engagement.

Le nouveau texte est rédigé comme suit : « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. »

Dorénavant, l’absence de mention manuscrite sur un acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral lui fait donc perdre sa valeur de preuve. Il s’analyse en un simple commencement de preuve par écrit (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 mai 2005, n°04-14.695).

Pour pallier cette carence, il appartient au créancier de produire des éléments extrinsèques.

La question qui alors se pose est de savoir quels sont les éléments de preuve complémentaires admis par la jurisprudence.

En droit commun de la preuve, les éléments attendus par le juge doivent permettre de prouver le montant de l’obligation souscrite par le débiteur, lequel est insuffisamment établi par le commencement de preuve par écrit produit.

Dans un arrêt du 24 mai 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « un commencement de preuve par écrit peut être complété par tous moyens de preuve tels que témoignages et présomptions » (Cass. 1ère civ. 24 mai 2017, n°16-14.128).

 

 

[1] Ch. Demolombe, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles, t. 6 : Paris 1876, n° 350

[2] Ch Aubry, Cours de droit civil français d’après la méthode de Zachariae, Paris, 1978, rééd. Hachette – BNF, p. 220

[3] G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°1182, p. 1054.

[4] Définition tirée du Dictionnaire mise en ligne par le Centre Nationale de Ressources Textuelles et Lexicales : https://www.cnrtl.fr/definition/signature

[5] F. Terré, Introduction générale au Droit, Dalloz, 2000, n°522

[6] Scarlett-May Ferrié, « La date des actes sous signature privée (après l’ordonnance du 10 février 2016) », Recueil Dalloz, 2019 p.652

[7] F. Terré, Introduction générale au droit, éd. Dalloz, 2000, n°562, p. 569.

[8] J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction générale, éd. LGDJ, 1990, n°636, p. 608

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