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Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel

==> Ratio legis

Lorsqu’un entrepreneur individuel exerce, en nom propre, son activité professionnelle, il s’expose à ce que la totalité de son patrimoine – professionnel et personnel – soit saisie en cas de difficultés financières.

Jusque récemment, le seul moyen pour un entrepreneur de préserver son patrimoine personnel en limitant le gage des créanciers aux biens exploités à titre professionnel était de créer une société.

En effet, le recours à la forme sociétale répond parfaitement au souci de distinguer patrimoine professionnel et patrimoine personnel, dettes professionnelles et dettes personnelles.

Une société, personne morale distincte de l’entrepreneur, dispose d’un patrimoine propre et répond des dettes résultant de son activité. Quant au patrimoine personnel de l’entrepreneur, il demeure extérieur à l’activité professionnelle et, par conséquent, est protégé de ses aléas.

La création d’une personne morale se révèle néanmoins parfois inadaptée à l’exercice d’une activité professionnelle à titre individuel en raison de la lourdeur du formalisme et des obligations qui pèsent sur le chef d’entreprise.

Par ailleurs, des études ont révélé que la vulnérabilité de leur statut ou plutôt de leur absence de statut, ne suffisait pas à inciter les entrepreneurs individuels à faire le choix systématique de la forme sociétale. Ils sont en proie à des « freins psychologiques », que l’on peut résumer en une réticence de l’entrepreneur à constituer une personne morale distincte.

==> De l’EURL à l’EIRL

Fort de ce constat, le législateur a cherché à encourager les entrepreneurs à se tourner vers la forme sociale en simplifiant les règles de création et de fonctionnement des sociétés :

Nonobstant ces réformes successives qui visaient à encourager l’exercice de l’entreprenariat individuel au moyen d’une forme sociale, ni l’EURL ni l’insaisissabilité de la résidence principale n’ont attiré les entrepreneurs.

Le législateur en a tiré la conséquence, qu’il convenait de changer de paradigme et d’ouvrir une brèche dans le sacro-saint principe de l’unicité du patrimoine.

Pour mémoire, ce principe théorisé au début du XIXe siècle par Charles Aubry et Charles-Frédéric Rau, signifie qu’une personne ne peut être titulaire que d’un seul patrimoine. Aussi, parle-t-on, d’unicité ou d’indivisibilité du patrimoine.

Ainsi, une personne qui affecterait certains biens à l’exercice d’une activité professionnelle n’aurait, par principe, pas pour effet de créer un ensemble de biens et de dettes séparé de son patrimoine personnel, sauf à créer une personne morale ou à accomplir les formalités aux fins de constituer un patrimoine professionnel.

Très tôt le principe d’unicité du patrimoine a été critiqué par la doctrine en ce qu’elle exposait l’entrepreneur individuel à des risques financiers importants sur son patrimoine personnel pour des dettes nées dans le cadre de son activité professionnelle.

Jusque récemment, la seule solution qui s’offrait à lui pour contourner le principe d’unicité du patrimoine était de créer une société, laquelle serait titulaire d’un patrimoine distinct de son propre patrimoine.

À cet égard, tout entrepreneur individuel, qu’il soit commerçant, artisan, indépendant ou agriculteur, peut créer une société unipersonnelle à responsabilité limitée et opérer de cette manière une distinction entre son patrimoine personnel et son patrimoine professionnel.

L’EURL n’a toutefois pas obtenu le succès escompté, les entrepreneurs individuels préférant majoritairement exercer leur activité en nom propre.

Par souci de justice sociale et de protection de la famille des entrepreneurs ayant adopté cette seconde modalité – risquée – d’exercice, le législateur a finalement décidé d’ouvrir une brèche dans le principe d’unicité du patrimoine en créant, par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

La particularité de ce statut – et c’est la révolution opérée par ce texte – est qu’il permet à l’entrepreneur individuel, tout à la fois d’exercer son activité en nom propre et de créer un patrimoine d’affectation.

Pour la première fois, l’entrepreneur individuel était ainsi autorisé à affecter un patrimoine à l’exercice de son activité professionnelle de façon à protéger son patrimoine personnel et familial, sans créer de personne morale distincte de sa personne.

À l’analyse, la création d’un patrimoine d’affectation déroge aux règles posées aux articles 2284 et 2285 du Code civil, en établissant que les créances personnelles de l’entrepreneur ne sont gagées que sur le patrimoine non affecté, et les créances professionnelles sur le patrimoine affecté.

L’admission de la constitution d’un patrimoine d’affectation opère donc une rupture profonde avec le dogme de l’unicité du patrimoine organisé jusqu’alors par le droit civil français.

Le bénéfice du régime de l’EIRL était toutefois subordonné à l’observation d’un formalisme rigoureux visant à garantir la sécurité juridique de l’entrepreneur lui-même et des tiers.

Pour créer un patrimoine d’affectation, l’entrepreneur devait notamment :

Là encore, à l’instar de l’EURL, l’EIRL n’a pas rencontré un franc succès chez les entrepreneurs individuels.

Selon une étude réalisée par le Conseil d’État, en 2021, seuls 97 000 chefs d’entreprise étaient soumis au régime de l’EIRL alors que, à la même époque, on comptait près de 3 millions de travailleurs indépendants.

Les raisons de cet échec doivent sans doute être recherchées dans la complexité des formalités administratives et comptables requises pour créer une EIRL, quoiqu’elles aient été progressivement simplifiées, notamment par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « PACTE ».

C’est dans ce contexte, qu’il est à nouveau apparu nécessaire de réformer le statut de l’entrepreneur individuel.

==> La création d’un statut unique d’entrepreneur individuel

Animé par la volonté de renforcer la protection des travailleurs indépendants, le législateur est intervenu en 2022 aux fins de créer un statut unique d’entrepreneur individuel.

À cet effet, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a innové en instaurant une séparation de plein droit entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.

Il n’est désormais plus nécessaire que celui-ci procède à une déclaration préalable d’affectation.

Dès lors qu’une personne exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes, elle est titulaire de deux patrimoines :

Outre la consécration d’une séparation de plein droit des patrimoines de l’entrepreneur individuel, la loi du 14 février 2022 a instauré un dispositif permettant la transmission universelle du patrimoine professionnel entre vifs, y compris sous la forme d’un apport en société.

Ce dispositif déroge au principe selon lequel une personne physique ne peut, de son vivant, transmettre son patrimoine.

Pour cette catégorie de personnes, il est seulement permis de transmettre des biens et des obligations à titre particulier.

Le régime de cette transmission universelle de patrimoine instauré par la loi du 14 février 2022 est largement emprunté à celui applicable en cas de fusion de sociétés ou de réunion des parts sociales en une seule main.

À cet égard, bien qu’ouvert désormais aux personnes physiques, ce nouveau dispositif, à l’instar de la séparation des patrimoines professionnel et personnel, ne peut bénéficier qu’aux seuls entrepreneurs individuels.

Aussi, convient-il, avant d’envisager un à un chacun de ces dispositifs, d’aborder les conditions du statut d’entrepreneur individuel qui diffèrent sensiblement de celles anciennement requises pour accéder au statut d’EIRL.

Section 1 : Les conditions du statut unique d’entrepreneur individuel

§1: Les conditions d’éligibilité au statut d’entrepreneur individuel

Le statut institué par la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs individuels.

L’article L. 526-22 du Code de commerce définit l’entrepreneur individuel comme « une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. »

Il ressort de cette disposition que la qualité d’entrepreneur individuel requiert la réunion de plusieurs éléments cumulatifs :

Il ressort de ces quatre éléments constitutifs de la notion d’entrepreneur individuel que le statut attaché à cette qualité est ouvert à de nombreux agents économiques au nombre desquels figurent notamment les commerçants, les artisans, les agriculteurs et plus généralement tous les autres professionnels indépendants, qu’ils relèvent ou nom d’une profession réglementée.

À cet égard, comme indiqué par les travaux parlementaires, l’immatriculation à un registre de publicité légale professionnelle n’est pas une condition pour bénéficier du statut d’entrepreneur individuel : ce statut peut donc bénéficier à un entrepreneur individuel dont la profession n’est pas soumise à une réglementation qui lui est propre et qui n’est donc pas inscrit sur un registre spécifique ou un ordre particulier.

§2: Les conditions d’exercice du statut d’entrepreneur individuel

==> La dénomination professionnelle

L’article R. 526-27 du Code de commerce issu du décret n° 2022-725 du 28 avril 2022, pose deux exigences s’agissant de la dénomination professionnelle adoptée par l’entrepreneur individuel :

À ces deux exigences énoncées par l’article R. 526-27 du Code de commerce, il convient d’en compter une troisième lorsque l’entrepreneur individuel exerce une activité commerciale.

En effet, l’article R. 123-237 du Code de commerce prévoit que toute personne immatriculée au registre du commerce et des sociétés est tenu d’indiquer sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par elle ou en son nom la dénomination utilisée pour l’exercice de l’activité professionnelle incorporant son nom ou nom d’usage précédé ou suivi immédiatement des mots : “ entrepreneur individuel ” ou des initiales : “ EI ”.

Il devra indiquer, en outre, sur son site internet la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée.

==> Le compte bancaire

Sous l’empire du droit antérieur, l’article L. 526-13 du Code de commerce imposait à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) d’« ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l’activité à laquelle le patrimoine a été affecté ».

Le décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 a mis fin à cette obligation, de sorte que l’entrepreneur individuel n’est plus tenu d’ouvrir un compte bancaire exclusivement dédié à son activité professionnelle.

L’article R. 526-27 du Code de commerce prévoit seulement que « chaque compte bancaire dédié à son activité professionnelle ouvert par l’entrepreneur individuel doit contenir la dénomination dans son intitulé. »

Section 2 : Le contenu du statut unique d’entrepreneur individuel

Le statut de l’entrepreneur individuel repose sur trois dispositifs spécifiques :

§1 : La séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel

I) Le principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

==> Patrimoine professionnel et patrimoine personnel

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a donc instauré un principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel.

Cela signifie que toute personne endossant le statut d’entrepreneur individuel est désormais titulaire, de plein droit, soit sans qu’il soit nécessaire d’accomplir un quelconque acte de volonté ou toute autre formalité, de deux patrimoines distincts :

Sous l’empire du droit antérieur, la ligne de démarcation entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel de l’entrepreneur exerçant en EIRL procédait d’une déclaration d’affectation.

Pratiquement cette déclaration consistait pour l’entrepreneur à désigner les biens qu’il jugeait nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle.

Désormais, la consistance de l’un et l’autre patrimoine est déterminée par un critère fixé par la loi : le critère de « l’utilité ».

==> Le critère de l’utilité

En application de l’article L. 526-22 du Code de commerce, le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel serait donc constitué – automatiquement – de l’ensemble des biens, droits, obligations et sûretés « utiles » à l’exercice de son activité professionnelle.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « utile ». Il s’agit là d’une notion qui occupe une place centrale dans le dispositif mis en place par le législateur.

Aussi, afin de garantir la sécurité juridique de l’entrepreneur individuel, de ses ayants droit, mais également des tiers, le décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 est venu préciser la notion d’utilité en dressant une liste des biens, droits et obligations réputés utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel.

L’article R. 526-26 du Code de commerce, issu de ce décret, prévoit en ce sens :

En premier lieu, que les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utiles à l’activité professionnelle, s’entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité, tels que :

En second lieu, que lorsque l’entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu’ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise. Sous la même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

==> Sort des biens mixtes

À l’occasion des travaux parlementaires, le Sénat avait relevé que le projet de loi examiné était silencieux sur le sort des biens mixtes, soit ceux utilisés à la fois à des fins professionnelles ou personnelles.

La question qui est alors susceptible de se poser est de savoir à quelle masse de biens ce type de bien appartient, à tout le moins comment articuler le droit de gage des créanciers professionnel et personnel.

Afin d’apporter une meilleure protection à l’entrepreneur individuel les sénateurs ont proposé de limiter les biens relevant du patrimoine professionnel à ceux « exclusivement utiles » à l’exercice de l’activité professionnelle.

De cette façon, les biens à usage mixte seraient nécessairement compris dans le patrimoine personnel.

En contrepartie, il a été imaginé que le droit de gage des créanciers professionnels soit étendu au patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel à hauteur de la valeur d’un droit d’usage des biens mixtes, correspondant à leur utilisation effective dans un cadre professionnel pour une durée d’une année.

L’illustration a été donnée du local dont l’entrepreneur individuel est propriétaire ou locataire qui serait utilisé à des fins professionnelles et personnelles. Les créanciers professionnels seraient en droit de saisir sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur l’équivalent des sommes dues pour une mise à disposition non exclusive du local pendant un an.

Bien que séduisante, cette proposition n’a finalement pas été retenue par l’Assemblée nationale au motif qu’elle aurait conduit à ajouter de la complexité au critère de l’utilité.

Faute de précision dans la version finale de la loi du sort des biens mixtes, la Conseil d’État a suggéré qu’un décret soit adopté afin de pallier cette carence qui est de nature à affecter la sécurité juridique de l’entrepreneur individuel.

==> Charge de la preuve

L’article L. 526-22, al. 6e du Code de commerce prévoit que la charge de la preuve incombe à l’entrepreneur individuel pour toute contestation de mesures d’exécution forcée ou de mesures conservatoires qu’il élève concernant l’inclusion ou non de certains éléments d’actif dans le périmètre du droit de gage général du créancier.

Aussi, appartiendra-t-il à l’entrepreneur, pour échapper aux poursuites de ses créanciers, de prouver que le bien appréhendé :

Le texte ajoute que la responsabilité du créancier saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu’il a procédé à une mesure d’exécution forcée ou à une mesure conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général.

Avant d’appréhender un ou plusieurs biens de l’entrepreneur individuel, le créancier devra donc s’assurer que le bien convoité relève du patrimoine sur lequel s’exerce son droit de gage général. À défaut, il s’expose à engager sa responsabilité.

II) Les effets du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

A) La date de prise d’effet du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

L’article L. 526-23 du Code de commerce régit la prise d’effet du principe de séparation des patrimoines dont la mise en œuvre consiste pour l’entrepreneur individuel à ne répondre de ses dettes contractées dans le cadre de son activité professionnelle que sur son seul patrimoine professionnel.

L’enjeu pour le législateur était de permettre aux tiers de savoir au moment où ils contractent avec un entrepreneur individuel s’il est ou non tenu de répondre de ses engagements sur l’ensemble de ses biens.

Afin de satisfaire à cet objectif, le législateur a subordonné la limitation du droit de gage des créanciers de l’entrepreneur individuel à la condition que son activité professionnelle ait fait l’objet, à la date de naissance de la créance, d’une mesure de publicité adéquate : immatriculation à un registre de publicité légale, inscription sur une liste ou au tableau d’un ordre etc.

Dans l’hypothèse toutefois où aucune obligation d’immatriculation ne pèse sur l’entrepreneur individuel, la date de prise d’effet est fixée au jour de l’accomplissement du premier acte matérialisant le commencement d’activité professionnelle.

Pratiquement, la prise d’effet du principe de séparation des patrimoines diffère donc selon que pèse ou non sur l’entrepreneur individuel une obligation d’immatriculation.

B) Le déploiement des effets du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

1. Dans les rapports entre l’entrepreneur et les créanciers professionnels

1.1 Principe

L’article L. 526-22, al. 3e du Code de commerce prévoit que « par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil et sans préjudice des dispositions légales relatives à l’insaisissabilité de certains biens, notamment la section 1 du présent chapitre et l’article L. 526-7 du présent code, l’entrepreneur individuel n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l’article L. 526-25. »

Il ressort de cette disposition que l’entrepreneur individuel répond des dettes contractées dans le cadre de son activité professionnelle sur son seul patrimoine professionnel.

C’est là la conséquence directe du principe de séparation des patrimoines qui donc limite le gage des créanciers professionnels qui ne pourront donc pas exercer leurs poursuites sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

La séparation entre les patrimoines professionnel et personnel n’est toutefois pas absolue ; elle souffre de quelques tempéraments visant tantôt à octroyer de la souplesse quant à la mise en œuvre du dispositif, tantôt à protéger certains créanciers.

1.2 Tempéraments

Le législateur a assorti le principe de séparation des patrimoines de deux tempéraments afin de faciliter l’accès au crédit de l’entrepreneur individuel dans ses rapports avec les créanciers professionnels.

a. Constitution de sûretés sur le patrimoine personnel

L’article L. 526-22, al. 4e du Code de commerce autorise l’entrepreneur individuel, nonobstant le principe de séparation des patrimoines, à consentir à ses créanciers professionnels des sûretés constituées sur des biens relevant de son patrimoine personnel.

Par exemple, il peut constituer une hypothèque sur un bien immobilier personnel en garantie d’un prêt contracté auprès d’un établissement de crédit aux fins de financer son activité professionnelle.

L’alinéa 3 du texte précise, en revanche, que « la distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorise pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il est débiteur principal. »

Cette règle qui interdit à l’entrepreneur individuel de s’auto-cautionner trouve sa racine dans l’économie générale de l’opération de cautionnement qui requiert que la caution soit une personne distincte du débiteur principal.

Déjà sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation avait jugé dans un arrêt du 28 avril 1964 qu’un entrepreneur individuel ne pouvait pas cautionner les dettes souscrites au titre de son activité professionnelle.

Au soutien de sa décision, elle avait avancé que « celui qui est débiteur d’une obligation à titre principal ne peut être tenu de la même obligation comme caution » (Cass. com. 28 avr. 1964). Était ainsi posée l’interdiction de l’engagement de caution souscrit pour soi-même.

Il en résulte que la faculté pour l’entrepreneur principal de consentir à ses créanciers professionnels des garanties conventionnelles n’opère que pour les sûretés réelles.

Il peut enfin être observé que cette faculté n’est prévue par la loi qu’au bénéfice des créanciers professionnels.

Aucune disposition de ce type n’est prévue en sens inverse, au profit des créanciers personnels.

Il s’en déduit qu’il est fait interdiction à l’entrepreneur individuel de constituer une sûreté sur un bien relevant de son patrimoine professionnel aux fins de garantir une dette personnelle.

b. Renonciation à la séparation des patrimoines

b.1 Principe de la renonciation

Afin de ne pas limiter les capacités de financement de l’entrepreneur individuel, la loi l’autorise à renoncer purement et simplement au principe de séparation des patrimoines.

En exerçant ce droit, l’entrepreneur permet ainsi à ses créanciers d’étendre leur droit de gage sur tout ou partie de son patrimoine personnel.

Concrètement, le créancier poursuivant pourra ainsi saisir les biens personnels de l’entrepreneur individuel pour obtenir le recouvrement de sa créance, à l’exclusion de ceux frappés d’insaisissabilités telle que la résidence principale.

Cette faculté de renonciation a été prévue par le législateur afin de ne pas empêcher les entrepreneurs qui n’ont que peu de garanties à proposer d’accéder plus facilement au crédit.

Comme relevé lors de débats parlementaires, il s’agit là d’une grande avancée par rapport au statut de l’EIRL, qui ne permettait pas une renonciation spécifique : c’était « tout ou rien ».

b.2 Modalités de la renonciation

La renonciation étant un acte grave, dont les conséquences peuvent être ruineuses pour l’entrepreneur, sa validité est subordonnée à l’observation d’un certain nombre de modalités fixées par la loi.

i. Une demande formulée par le créancier professionnel

L’article L. 526-25 du Code de commerce prévoit que la renonciation de l’entrepreneur au principe de séparation des patrimoines n’est valable que si, au préalable, le créancier professionnel en a fait la demande.

Cette demande, formulée par le créancier professionnel doit être écrite

Le créancier professionnel devra s’assurer qu’elle a bien été réceptionnée par l’entrepreneur individuel, dans la mesure où la réception de la demande de renonciation fait courir au délai de réflexion.

ii. L’observation d’un délai de réflexion 

iii. L’établissement d’un acte de renonciation

?: Conditions de fond 

?: Conditions de forme

==> Remise d’un modèle d’acte

L’article D. 526-29 du Code de commerce prévoit que « si le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier, il remet gratuitement un exemplaire du modèle type à l’entrepreneur individuel qui en fait la demande. »

À cet effet, un modèle type d’acte de renonciation a été approuvé par l’arrêté du 12 mai 2022 relatif à certaines formalités concernant l’entrepreneur individuel et ses patrimoines (accessible à partir du lien suivant : modèle de renonciation)

==> Les mentions figurant dans l’acte

L’article L. 526-25 du Code de commerce prévoit que la renonciation par l’entrepreneur individuel au principe de séparation des patrimoines « doit respecter, à peine de nullité, des formes prescrites par décret. »

Il y a donc lieu de se reporter à l’article D. 526-28 issu du décret n° 2022-799 du 12 mai 2022 afin de déterminer les formes devant être observées par l’acte de renonciation.

Cette disposition prévoit que doivent figurer plusieurs sortes de mentions sur l’acte de renonciation :

==> La signature de l’acte de renonciation

L’article D. 526-28 du Code de commerce prévoit que, à peine de nullité, l’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation apposent leur signature sur l’acte, ainsi que la date et le lieu.

Ce texte précise qu’il peut être fait usage d’une signature électronique qualifiée répondant aux exigences du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.

c. L’inopposabilité de la séparation des patrimoines aux créanciers publics

L’article L. 526-24 du Code de commerce prévoit une dérogation au principe de séparation des patrimoines au profit des créanciers publics et plus précisément de l’administration fiscale et des organismes de recouvrement de la sécurité sociale.

Cette disposition prévoit que « le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale porte sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, dans les conditions prévues aux I et II de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales, ou d’inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dans les conditions prévues à l’article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale ».

Ainsi, la dissociation des patrimoines ne sera pas opposable à l’administration fiscale et aux organismes de sécurité sociale en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales ou sociales.

Le texte ajoute que cette inopposabilité joue également pour les impositions mentionnées au III de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle dont est redevable la personne physique exerçant une activité professionnelle en tant qu’entrepreneur individuel ou son foyer fiscal peut être recherché sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel. Le présent III n’est pas applicable au recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux lorsque l’entrepreneur individuel a opté pour l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l’article 1655 sexies du code général des impôts. »

Enfin, l’article L. 526-24 du Code de commerce précise, s’agissant spécifiquement des organismes de sécurité sociale, que la séparation des patrimoines professionnels et personnels de l’entrepreneur individuel leur est inopposable pour les impositions et contributions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 133-4-7 du même code.

2. Dans les rapports entre l’entrepreneur et les créanciers personnels

a. Principe

L’article L. 526-22, al. 6e du Code de commerce prévoit que « seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel ».

Il ressort de cette disposition que l’entrepreneur individuel répond des dettes contractées en dehors du cadre de son activité professionnelle sur son seul patrimoine personnel.

Il en résulte que les biens relevant du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sont hors de portée de ses créanciers personnels dont le gage est limité aux seuls biens qui ne sont pas utiles à l’activité professionnelle.

Ce principe n’est toutefois pas absolu. Le législateur l’a assorti de tempéraments.

b. Tempéraments

En application du principe de séparation des patrimoines, parce qu’il existe une corrélation entre les dettes contractées par l’entrepreneur individuel et le passif engagé, les tempéraments dont ce principe est assorti devraient, en toute logique, jouer symétriquement à la faveur tant des créanciers professionnels que des créanciers personnels.

Telle n’est toutefois pas la voie empruntée par le législateur qui a institué une différence de traitement entre les deux catégories de créanciers.

Les possibilités offertes aux créanciers personnels de l’entrepreneur individuel de se soustraire à l’application du principe de séparation des patrimoines sont, en effet, bien plus limitées que celles dont bénéficient les créanciers professionnels.

==> Tempéraments retenus

Le principe de séparation des patrimoines souffre de deux tempéraments en faveur des créanciers personnels

==> Tempéraments exclus

Deux tempéraments au principe de séparation des patrimoines qui jouent en faveur des créanciers professionnels ne bénéficient pas aux créanciers personnels.

Ainsi, comme relevé dans les travaux parlementaires, une nette dissymétrie oppose les créanciers professionnels aux créanciers personnels.

Les premiers, pour assurer le recouvrement de leur créance, pourront saisir dans certaines conditions tout ou partie des biens compris dans le patrimoine personnel, soit qu’ils soient titulaires d’une sûreté conventionnelle assise sur l’un de ces biens, soit qu’ils bénéficient d’une renonciation à la séparation des patrimoines.

Les seconds, en revanche, ne pourront exercer leur droit de gage général sur le patrimoine professionnel qu’à titre subsidiaire et dans la limite du montant du bénéfice du dernier exercice clos.

Les biens à usage professionnel sont donc mis hors de portée des créanciers personnels, comme s’ils étaient logés dans une société.

Selon Christophe-André Frassa, cette dissymétrie peut se justifier. En effet, alors que le patrimoine professionnel est défini limitativement, ce n’est pas le cas du patrimoine personnel, qui comprend tous les biens et droits non compris dans l’autre patrimoine.

En outre, parmi les biens de l’entrepreneur individuel, les plus précieux (notamment, le cas échéant, sa résidence principale) seraient le plus souvent compris dans son patrimoine personnel et pourraient donc être appréhendés par ses créanciers personnels.

Afin de ne pas diminuer excessivement les droits des créanciers professionnels, il est donc légitime de ne pas autoriser, au profit des créanciers personnels, la constitution de sûretés sur des biens professionnels ou la renonciation à la séparation des patrimoines.

III) L’extinction des effets du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

L’article L. 526-22 du Code de commerce prévoit deux cas de réunion des patrimoines professionnels et personnels :

§2 : Le dispositif de transmission universelle du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

==> Généralités

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a fortement innové en prévoyant la possibilité pour l’entrepreneur individuel de procéder à une transmission universelle entre vifs de son patrimoine professionnel.

Le transfert universel du patrimoine professionnel peut être défini comme la cession, à titre universel et indivisible, de l’ensemble des biens, droits et obligations compris dans ce patrimoine. Elle peut être consentie à titre onéreux ou gratuit. La cession des biens et droits à une société peut également revêtir la forme d’un apport en société.

L’objectif recherché par le législateur est de faciliter la transmission d’une entreprise individuelle (par vente ou donation) ou de faciliter sa transformation en société, tout en préservant les droits des créanciers.

À cet égard, comme souligné par l’étude d’impact réalisé au stade du projet de loi, le dispositif envisagé vise à « créer un continuum permettant d’assurer la fluidité du passage d’une activité amorcée en entreprise individuelle vers l’exploitation en société pour en poursuivre le développement et la croissance ».

Le dispositif instauré par le législateur permet a priori à l’entrepreneur individuel de bénéficier d’un régime de faveur quant aux modalités de la transmission des biens et obligations composant son patrimoine qui, s’ils étaient transmis à titre particulier, seraient soumis à des règles hétérogènes et, pour certaines, contraignantes (donation, cession de créances, vente immobilière etc.).

Le dispositif de transmission universelle de patrimoine présente l’avantage de pouvoir être mise en œuvre par l’effet d’un seul acte soumis aux seules conditions attachées aux modalités de transmission propres à l’universalité[1].

I) Le principe de transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

L’article L. 526-27 du Code de commerce prévoit que « l’entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci. »

Cette disposition reconnaît donc à l’entrepreneur la faculté de céder ou de donner l’intégralité de son patrimoine et de préciser que cette transmission s’opère sans qu’il y ait lieu de procéder à une liquidation.

Cela signifie qu’il n’est pas besoin pour l’entrepreneur individuel de se libérer de ses obligations pour transmettre son patrimoine.

Elles sont transmises, sans novation, ni extinction, au bénéficiaire de la transmission, lequel se substitue à l’entrepreneur individuel dans ses rapports d’obligations.

Cette faculté de transmission universelle octroyée à l’entrepreneur individuel constitue une véritable nouveauté en ce qu’elle déroge au principe général interdisant à une personne physique de transmettre, de son vivant, son patrimoine.

Cette interdiction s’explique par le fait que « le patrimoine est la représentation pécuniaire de la personne ».

Autrement dit, si le patrimoine exprime la situation financière de son titulaire, il traduit surtout son aptitude à être titulaires de droits et d’obligations. Or cette aptitude perdure aussi longtemps que la personne est en vie.

Cette caractéristique du patrimoine emporte notamment comme conséquence son incessibilité du vivant de la personne physique.

Si rien n’empêche le titulaire – personne physique – d’un patrimoine à céder tous ses biens et/ou toutes ses dettes, il ne peut, en revanche, céder son aptitude à acquérir de nouveaux droits et contracter de nouvelles dettes.

C’est la raison pour laquelle le patrimoine d’une personne physique est incessible entre vifs. Il ne peut être transmis qu’à cause de mort.

Tel était du moins l’état du droit positif avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 qui a instauré un dispositif permettant à un entrepreneur individuel de transmettre un ensemble d’actifs et de passifs afférents à son activité professionnelle.

Il peut être observé que contrairement à la cession d’un fonds de commerce, qui ne porte que sur un actif composé de divers biens et droits, le transfert de patrimoine professionnel peut aussi porter sur des dettes professionnelles.

De ce point de vue, le transfert d’un patrimoine professionnel ressemble très étroitement, dans son principe, à la succession d’une personne physique.

En effet, le patrimoine transmis s’analyse ici comme une universalité de droit, soit comme un ensemble constitué d’un actif et d’un passif.

Pour cette raison, la transmission universelle de patrimoine ne s’envisage que si elle vise à céder l’intégralité de l’actif et du passif de l’entrepreneur individuel présentant un caractère professionnel.

À cet égard, l’article L. 526-27 du Code de commerce précise que cette transmission s’opère sans qu’il y ait lieu de procéder à une liquidation.

Cela signifie qu’il n’est pas besoin pour l’entrepreneur individuel de se libérer de ses obligations pour céder son patrimoine.

Elles sont transmises, sans novation, ni extinction, au bénéficiaire de la transmission, lequel se substitue à l’entrepreneur individuel dans ses rapports d’obligations.

II) Le régime de la transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

A) Les modalités de transmission

L’article L. 526-27, al. 2e du Code de commerce prévoit que le transfert universel du patrimoine professionnel peut s’opérer selon trois modalités différentes :

B) Règles applicables

Si le régime de la transmission universelle de patrimoine est, pour une large part, emprunté à celui applicable en cas de fusion de sociétés ou de réunion des parts en une seule main, il s’en distingue néanmoins en raison de la différence de situation.

En effet, à la différence de la transmission universelle du patrimoine d’une société dissoute, celle d’un patrimoine professionnel n’emporte pas disparition de la personne de l’entrepreneur individuel.

Pour cette raison, le législateur a été contraint d’opérer un certain nombre d’adaptations, à telle enseigne que certaines règles interrogent sur le caractère réellement universel de la transmission de patrimoine telle qu’envisagée pour l’entrepreneur individuel

==> Des règles propres à la transmission universelle

L’un des principaux intérêts de la transmission universelle réside pour son auteur dans la possibilité de soumettre le transfert de son patrimoine à un régime juridique unique.

Si, en effet, il avait transmis à titre particulier les éléments de ce patrimoine, chaque opération, prise individuellement, aurait été soumise à un régime juridique spécifique.

C’est d’ailleurs ce que rappelle en substance l’article L. 526-27, al. 1er du Code de commerce en prévoyant que « le transfert non intégral d’éléments de ce patrimoine demeure soumis aux conditions légales applicables à la nature dudit transfert et, le cas échéant, à celle du ou des éléments transférés. »

Ce n’est donc que si le transfert porte sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel que les règles propres à la transmission universelles peuvent jouer.

À cet égard, selon les modalités choisies par l’entrepreneur individuel pour transmettre son patrimoine, la transmission universelle obéira à des règles différentes.

La transmission universelle à titre onéreux devrait ainsi être soumise au régime de la vente, tandis que la transmission universelle à titre gratuit devrait être soumise au régime des donations.

Quant à la transmission du patrimoine au profit d’une société, elle devrait être régie par les règles de l’apport.

Afin que la transmission universelle du patrimoine de l’entrepreneur individuel puisse s’opérer efficacement et pour faciliter sa mise en œuvre, le législateur a écarté le jeu de plusieurs règles susceptibles d’interférer avec le transfert.

L’article L. 526-29 du Code de commerce prévoit ainsi que ne sont pas applicables au transfert universel du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel, toute clause contraire étant réputée non écrite :

Aussi, dans l’hypothèse où le patrimoine de l’entrepreneur individuel comprendrait un bien indivis ou un fonds de commerce, la transmission de ce patrimoine ne pourra ainsi pas se heurter à l’exercice du droit de préemption d’un coindivisaire ou à la mise en œuvre du privilège du vendeur.

La transmission universelle s’opèrera nonobstant ces dispositifs qui, en cas de transfert à titre particulier, feraient obstacle à la réalisation de l’opération.

==> La résurgence de règles de droit commun

Bien que le dispositif de transmission universelle d’un patrimoine présente la particularité d’être soumis à un seul et même régime juridique, l’article L. 526-27, al. 3e du Code de commerce assortit ce principe d’une exception.

Cette disposition prévoit, en effet, que « sous réserve de la présente section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats. »

Une lecture du texte suggère que, nonobstant la transmission universelle, les règles propres au transfert de chaque bien et de chaque obligation logés dans le patrimoine transmis demeureraient applicables.

La règle ainsi posée est pour le moins énigmatique dans la mesure où son application littérale conduirait à ruiner le principe même de la transmission universelle qui devrait précisément avoir pour effet de neutraliser le jeu des règles applicables à chaque opération prise individuellement.

En l’absence de dispositions qui précisent l’intention du législateur, la question de l’articulation entre les règles propres à la transmission universelle et celles propres au transfert de chaque élément du patrimoine est ouverte.

C) Les conditions de transmission

Selon les modalités choisies par l’entrepreneur individuel pour transmettre son patrimoine, les conditions applicables diffèrent.

Certaines conditions s’appliquent, en revanche, quelle que soit la modalité de transmission retenue

1. Conditions communes

La transmission universelle du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel est subordonnée à la réunion de deux conditions générales :

2. Conditions spécifiques

Selon les modalités de transmission choisies par l’entrepreneur individuel les conditions d’application diffèrent.

==> La transmission universelle à titre onéreux

Dans cette hypothèse, ce sont donc les règles de la vente qui devraient s’appliquer.

Aussi, pour être valide, la transmission devra notamment satisfaire aux conditions posées à l’article 1583 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. »

Bien que s’imposant comme naturelle en cas de cession à titre onéreux du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, l’application du régime de la vente n’est pas sans soulever des difficultés.

Il est plusieurs questions qui se posent auxquelles les textes n’apportent, pour l’heure, aucune réponse.

Ainsi, le cédant du patrimoine sera-t-il tenu aux mêmes garanties que celles du vendeur (garantie des vices cachés, garantie d’éviction) ? La rescision pour lésion sera-t-elle possible, lorsque le patrimoine professionnel comprend des biens dont la vente peut être rescindée ? Le cédant à titre onéreux jouira-t-il des divers privilèges du vendeur ?

==> La transmission universelle à titre gratuit

Dans cette hypothèse, la transmission universelle s’analysera en une donation. Elle pourra prendre la forme d’une donation ordinaire ou d’une donation-partage.

En tout état de cause, ce sont les règles des libéralités qui ont vocation à s’appliquer et plus précisément celles relatives aux donations.

Pour être valable, la transmission supposera notamment, conformément à l’article 931 du Code civil, d’établir un acte notarié.

==> La transmission universelle sous la forme d’un apport en société

Lorsque la transmission universelle prend la forme d’un apport en société, elle s’analyse en un apport en nature.

Aussi, ce sont les règles du droit des sociétés qui s’appliquent ; mais pas seulement.

Les articles L. 526-30 et L. 526-31 énoncent trois règles spécifiques applicables à la transmission universelle sous forme d’apport en société.

III) Les effets de la transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

A) Les effets de la transmission universelle entre les parties

L’article L. 526-27, al. 2e du Code de commerce prévoit que « le transfert universel du patrimoine professionnel emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui-ci est constitué ».

Le transfert vise ici à transférer le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel envisagé comme une universalité de droit.

Par universalité de droit il faut entendre, pour mémoire, un ensemble pécuniaire permanent qui comprend, un actif et un passif réuni autour d’une même personne et dont l’un répond de l’autre.

Aussi, est-ce l’ensemble de l’actif, mais également du passif qui sont transférés, étant précisé que ce transfert s’opère sans liquidation.

Le transfert a donc pour effet de libérer l’entrepreneur individuel de ses obligations professionnelles qui sont transmises au bénéficiaire du patrimoine.

S’agissant des sûretés constituées en garantie des obligations transférées, elles subissent le même sort en raison de leur caractère accessoire.

L’opération de transmission ne devrait donc pas avoir pour effet de libérer les cautions, ni de remettre en cause les sûretés réelles constituées sur les biens relevant du patrimoine professionnel, objet du transfert.

B) Les effets de transmission universelle à l’égard des tiers

La transmission universelle de patrimoine n’est pas sans incidence sur les tiers, en particulier sur les créanciers de l’entrepreneur individuel.

L’opération a pour effet de leur donner un nouveau débiteur, le bénéficiaire de la transmission universelle, qui se substitue à l’entrepreneur individuel.

Il en résulte que le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire de l’apport en société devient débiteur des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, sans que cette substitution emporte novation à leur égard.

Si, à première vue, cette substitution de débiteur s’apparente à une cession de dette, à l’analyse, elle s’en distingue en ce que l’accord des créanciers cédés n’est pas requis.

Ces derniers sont donc « cédés » de plein droit par l’effet de la transmission universelle du patrimoine.

Dans le silence des textes, cette cession joue pour tous les créanciers y compris pour ceux dont la créance est issue d’un contrat intuitu personae, ce qui n’est pas sans portée atteinte au principe d’autonomie de la volonté.

Pour cette raison, le législateur a mis en place un dispositif visant à assurer la protection des créanciers antérieurs auxquels le changement le débiteur est susceptible de préjudicier.

Ce dispositif s’articule autour de deux séries de règles qui instituent :

1. Le formalisme d’opposabilité aux tiers de la transmission universelle de patrimoine

==> Formalités générales

L’article L. 526-27 du Code de commerce prévoit que « le transfert de propriété ainsi opéré n’est opposable aux tiers qu’à compter de sa publicité, dans des conditions prévues par décret. »

Il ressort de cette disposition que l’opposabilité de la transmission universelle est subordonnée à l’accomplissement de formalités de publicité.

La date de ces formalités correspond, en quelque sorte, à la ligne de démarcation entre les créanciers antérieurs et les créanciers postérieurs.

À cet égard, seuls les créanciers dont la créance est née antérieurement avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel.

S’agissant des formalités à accomplir, l’article D. 526-30 du Code de commerce prévoit que le cédant, le donateur ou l’apporteur publie, à sa diligence, le transfert universel du patrimoine professionnel, sous forme d’avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, au plus tard un mois après sa réalisation.

Cet avis contient les indications suivantes :

L’avis publié au bulletin est accompagné d’un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés composant le patrimoine professionnel, tel qu’il résulte du dernier exercice comptable clos actualisé à la date du transfert, ou, pour les entrepreneurs individuels qui ne sont pas soumis à des obligations comptables, à la date qui résulte de l’accord des parties.

L’état descriptif est établi dans des formes prévues par arrêté du ministre chargé de l’économie.

La sanction de l’absence de réalisation de ces formalités est l’inopposabilité du transfert aux tiers.

==> Formalités spéciales

En principe, les formalités accomplies au titre de la transmission universelle devraient dispenser l’entrepreneur individuel d’accomplir les formalités qui auraient été exigées s’il avait transmis, à titre particulier, les biens et obligations composant son patrimoine professionnel.

Reste que le transfert de propriété de certains biens demeure soumis à l’accomplissement de formalités spécifiques.

À tout le moins, c’est ce que l’on peut déduire de l’article L. 526-27, al. 3e du Code de commerce qui prévoit que « sous réserve de la présente section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats. »

Aussi, dans l’hypothèse où le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel comprendrait des immeubles, son transfert supposerait l’accomplissement de formalités auprès des services de la publicité foncière, conformément à l’article 28 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.

2. Le droit d’opposition des tiers à la transmission universelle de patrimoine

==> L’octroi d’un droit d’opposition

L’article L. 526-28, al. 1er du Code de commerce prévoit que « les créanciers de l’entrepreneur individuel dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel »

Le législateur a ainsi octroyé la faculté aux créanciers qui s’estimeraient lésés par la transmission du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel de réagir.

Si comme précisé par l’alinéa 2 du texte, l’opposition formée par un créancier n’a pas pour effet d’interdire le transfert du patrimoine professionnel, elle vise en revanche pour le créancier à obtenir auprès d’un juge le remboursement de sa créance ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes.

==> La titularité du droit d’opposition

En application de l’article L. 526-28, al. 1er du Code de commerce, le droit d’opposition ne peut être exercé que par les seuls créanciers « dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété ».

S’agissant des créanciers dont les droits sont nés postérieurement au transfert, ils ne disposent d’aucun droit de gage sur l’entrepreneur individuel qui a cédé son patrimoine professionnel, raison pour laquelle ils ne peuvent pas former opposition.

S’agissant des créanciers antérieurs, le texte n’opère aucune distinction entre eux, de sorte que le droit d’opposition devrait pouvoir être exercé, tant pour les créanciers professionnels, que par les créanciers personnels de l’entrepreneur.

Comme souligné par certains auteurs, l’ouverture d’un droit d’opposition aux créanciers personnels ne se justifie en aucune manière, dans la mesure où la transmission du patrimoine professionnel de l’entrepreneur est sans incidence sur leur droit de gage qui demeure cantonné au patrimoine personnel.

Tout au plus, ils perdent la faculté, en cas d’insuffisance d’actif dans le patrimoine personnel, d’appréhender le montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel (art. L. 526-22, al. 6e C. com.).

La situation des créanciers professionnels est, au contraire, tout à fait différente. L’opération de transfert affecte directement leur droit de gage en ce qu’ils subissent un changement de débiteur.

À supposer que leur nouveau débiteur ne soit pas solvable ou se trouve en difficulté financière, ils auront tout intérêt à réclamer auprès de l’entrepreneur individuel, soit le règlement immédiat de leur créance, soit à la constitution de sûretés.

==> L’exercice du droit d’opposition

§3 : L’insaisissabilité de la résidence principale et des biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel

I) Principe de l’insaisissabilité

Autre entorse faite par le législateur au principe d’unicité du patrimoine : l’adoption de textes qui visent à rendre insaisissable de la résidence principale et plus généralement les biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel.

Les biens couverts par cette insaisissabilité sont, en effet, exclus du gage général des créanciers, ce qui revient à créer une masse de biens protégée au sein même du patrimoine de l’entrepreneur individuel.

Cette protection patrimoniale dont jouit ce dernier a été organisée par une succession de lois qui, au fil des réformes, ont non seulement assoupli les conditions de l’insaisissabilité de la résidence principale, mais encore ont étendu son assiette aux autres biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle.

Ainsi, cette dernière loi a-t-elle renforcé la protection de ce dernier qui n’est plus obligé d’accomplir une déclaration pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité.

Reste que cette insaisissabilité, de droit, ne vaut que pour la résidence principale. S’agissant, en effet, des autres biens immobiliers détenus par l’entrepreneur et non affectés à son activité professionnelle, leur insaisissabilité est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de déclaration.

II) Domaine

En application de l’article L. 526-1 du Code de commerce le dispositif ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs immatriculés à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante.

Il convient ainsi d’opérer une distinction entre les entrepreneurs individuels pour lesquels le texte exige qu’ils soient immatriculés et ceux qui ne sont pas assujettis à cette obligation

Au total, le dispositif d’insaisissabilité bénéficie aux entrepreneurs individuels, au régime réel comme au régime des microentreprises, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée propriétaires de biens immobiliers exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, ainsi qu’aux entrepreneurs au régime de la microentreprise et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL).

III) Régime

Désormais, le régime de l’insaisissabilité des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel diffère, selon qu’il s’agit de sa résidence principale ou de ses autres biens immobiliers.

==> L’insaisissabilité de la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 1er du Code de commerce dispose désormais en ce sens que « les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité de la résidence principale est de droit, de sorte qu’elle n’est pas subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration.

Le texte précise que lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.

==> L’insaisissabilité des biens immobiliers autres que la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 2e du Code de commerce prévoit que « une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. »

Ainsi, si les biens immobiliers autres que la résidence principale peuvent bénéficier du dispositif de l’insaisissabilité, c’est à la double condition que l’entrepreneur individuel accomplisse, outre les formalités d’immatriculation le cas échéant requises, qu’il accomplisse une déclaration d’insaisissabilité et qu’il procède aux formalités de publication.

Enfin, il convient d’observer que la déclaration d’insaisissabilité ne peut porter que sur les biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel.

Aussi, elle se distingue de la déclaration d’affection du patrimoine du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, laquelle porte obligatoirement sur les biens, droits, obligations ou sûretés nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle et facultativement sur les biens, droits, obligations ou sûretés utilisés dans ce cadre (cette dernière, permet d’exclure du patrimoine professionnel tous les biens mobiliers et les droits qui ne peuvent être protégés par la déclaration d’insaisissabilité).

Il en résulte que, l’entrepreneur d’une EIRL peut limiter l’étendue de la responsabilité en constituant un patrimoine d’affectation, destiné à l’activité professionnelle, sans constituer de société, étant précisé que les deux déclarations peuvent être cumulées.

IV) Effets

S’agissant de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que l’insaisissabilité, qui est ici de droit, ne produit ses effets qu’à l’encontre des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne.

Dès lors que la dette est contractée dans le cadre de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, il bénéficie du dispositif d’insaisissabilité de sa résidence principale. La date de la créance est ici indifférente.

S’agissant des biens immobiliers autres que la résidence principale, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.

Il en résulte que les dettes à caractère professionnel contractées antérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité, elles demeurent exécutoires sur l’ensemble des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel, y compris sur sa résidence principale.

En toute hypothèse, seules les dettes contractées dans le cadre d’une activité professionnelle autorisent l’entrepreneur individuel à se prévaloir de l’insaisissabilité de ses biens immobiliers.

En outre, en application de l’article L. 526-1, al. 3 du Code de commerce, l’insaisissabilité n’est jamais opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.

Par ailleurs, les effets de l’insaisissabilité et ceux de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque l’entrepreneur est attributaire du bien. Ils subsistent également en cas de décès jusqu’à la liquidation de la succession.

Enfin, en cas de cession des droits immobiliers sur la résidence principale, le prix obtenu demeure insaisissable, sous la condition du remploi dans le délai d’un an des sommes à l’acquisition par l’entrepreneur individuel d’un immeuble où est fixée sa résidence principale.

V) La renonciation

À l’analyse le dispositif d’insaisissabilité mis en place par le législateur peut avoir un impact sur l’accès au crédit, dans la mesure où la résidence principale ne fait plus d’emblée partie du gage de l’ensemble des créanciers.

C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu que l’entrepreneur individuel puisse, afin de ne pas limiter ses capacités de financement, d’y renoncer.

==> Principe

L’article L. 526-3 du Code de commerce prévoit que « l’insaisissabilité des droits sur la résidence principale et la déclaration d’insaisissabilité portant sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, non affecté à l’usage professionnel peuvent, à tout moment, faire l’objet d’une renonciation soumise aux conditions de validité et d’opposabilité prévues à l’article L. 526-2 ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité qui protège les biens immobiliers de l’entrepreneur individuel peut, sur sa décision, être levée à la faveur de créanciers avec lesquels il aurait contracté dans le cadre de son activité professionnelle.

Cette faculté de renonciation dont jouit l’entrepreneur individuel peut porter sur tout ou partie des biens.

Elle peut également être faite au bénéfice d’un ou de plusieurs créanciers désignés par l’acte authentique de renonciation.

Afin d’obtenir un prêt, il est donc possible à l’entrepreneur individuel de renoncer au profit d’une banque à l’insaisissabilité de sa résidence principale.

==> Conditions

Tout d’abord, la renonciation au dispositif d’insaisissabilité doit être effectuée au moyen d’un acte notarié à l’instar de la déclaration d’insaisissabilité.

Ensuite, l’article R. 526-2 du Code de commerce prévoir que cette renonciation doit dans un délai d’un mois, faire l’objet d’une demande d’inscription modificative au registre du commerce et des sociétés.

Enfin, lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci.

==> Révocation

La renonciation peut néanmoins, à tout moment, être révoquée dans les mêmes conditions de validité et d’opposabilité que celles prévues pour la déclaration d’insaisissabilité.

Il s’agit là d’une faculté qui peut être exercée discrétionnairement par l’entrepreneur individuel, sans que les créanciers puissent former opposition.

Cette révocation n’aura toutefois d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à sa publication.

[1] V. en ce sens N. Jullian, « La transmission du patrimoine de l’entrepreneur, de nouvelles opérations au service des entrepreneurs individuels », JCP E, n°13, mars 2022, 1137.

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