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La qualification du fonds de commerce sous le régime légal: bien commun ou bien propre ?

Les gains et salaires ne sont pas les seuls biens qui proviennent de l’industrie personnelle des époux à tomber en communauté. Subissent le même sort les biens directement créés par les époux, mais encore les plus-values apportées à un bien.

Encore faut-il que l’acte de création intervienne pendant le mariage et que le bien créé ne présente pas un caractère trop personnel.

Ces deux exigences ne sont pas sans soulever des difficultés juridiques pour certains biens. Nous envisagerons ici la qualification du fonds de commerce créé au cours du mariage.

Selon la définition couramment admise, le fonds de commerce est un ensemble de d’éléments mobiliers corporels (matériel, marchandises, outils,) et incorporels (droit au bail, brevets, nom commercial) qui sont affectés à l’exploitation d’une activité commerciale.

Parce qu’un fonds de commerce est une universalité de fait, il constitue un bien qui se distingue des éléments qui le composent.

La question qui alors se pose est de savoir quelle est la qualification endossée par ce bien.

Lorsqu’un fonds de commerce a été créé au cours du mariage tombe-t-il en communauté ou appartient-il en propre à l’époux qui l’exploite ?

==> Principe

Très tôt, la jurisprudence a admis que le fonds de commerce créé au cours du mariage était un bien commun.

La raison en est que son existence procède d’un acte de création et plus précisément de la fourniture d’un travail de développement commercial. Or en application de l’article 1401 du Code civil tout bien qui provient de l’industrie personnelle des époux endosse la qualification de bien commun.

Le fonds de commerce n’échappe pas à la règle : il doit être inscrit à l’actif de la communauté, de sorte que, lors de la liquidation de la communauté, il devra faire l’objet d’un partage entre les époux.

Si l’énoncé de cette règle se conçoit bien, plus délicate est sa mise en œuvre. En effet, il est certaines situations susceptibles de soulever des difficultés.

Ces difficultés tiennent, d’une part, à la date création du fonds de commerce et, d’autre part, à l’affectation de biens propres à son exploitation.

==> Cas particuliers

Il est des cas où l’exploitation d’un fonds de commerce est subordonnée à la titularité d’un diplôme ou à l’obtention d’une autorisation administration.

Tel est notamment le cas pour les officines de pharmacie ou encore pour les licences de taxi.

Qu’il s’agisse d’un diplôme ou d’une autorisation administrative, dans les deux cas ils sont octroyés intuitu personae et donc sont très étroitement attachés à la personne de leur titulaire.

On s’est alors demandé si, pour cette catégorie spécifique de fonds de commerce, il n’y avait lieu de distinguer :

S’agissant des officines de pharmacie, après avoir refusé de faire application de cette distinction, la Cour de cassation l’a finalement retenue dans un arrêt du 18 octobre 2005.

La première chambre civile a jugé en ce sens que « la propriété de l’officine était réservée aux personnes titulaires du diplôme de pharmacien mais que la valeur du fonds de commerce tombait en communauté » (Cass. 1ère civ. 18 oct. 2005, n°02-20329).

Il ressort de cette jurisprudence que l’officine de pharmacie serait donc un bien mixte, de sorte qu’elle resterait propre à l’époux s’agissant de l’exploitation du fonds attachée au diplôme de pharmacien. Quant à sa valeur, elle serait un bien commun.

Bien que critiquée par une partie de la doctrine, cette solution a, par suite, été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 décembre 2013 (Cass. 1ère civ. 4 déc. 2013, n°12-28076).

À cet égard, elle est venue préciser que, pour déterminer si la valeur du fonds tombe en communauté, il est indifférent que l’obtention de l’autorisation préfectorale de création de l’officine de pharmacie soit intervenue antérieurement à la célébration du mariage.

Pour la Haute juridiction, dans la mesure où, à cette date, la clientèle, élément essentiel du fonds de commerce, n’existe que de manière potentielle, seule l’ouverture au public doit être prise en compte car elle entraîne la création d’une clientèle réelle et certaine.

Au cas particulier, cette ouverture au public était intervenue postérieurement à la célébration du mariage. La Cour de cassation en déduit que « la valeur de l’officine devait être réintégrée dans l’actif de la communauté ».

S’agissant des licences de taxi, la même solution que celle retenue par la jurisprudence pour les officines de pharmacie semble pouvoir être appliquée.

Dans un arrêt du 16 avril 2008 la Cour de cassation s’est, en effet, appuyée sur la distinction entre le titre et la finance pour décider que « le caractère personnel de ” l’autorisation de stationnement ” délivrée par l’Administration pour l’exercice de la profession d’exploitant de taxi n’a pas pour effet d’exclure de la communauté la valeur patrimoniale de la faculté de présenter un successeur qui y est attachée ».

Elle en tire la conséquence que c’est « à bon droit que la cour d’appel a jugé que la valeur patrimoniale de la licence de taxi faisait partie de l’actif de la communauté » (Cass. 1ère civ. 16 avr. 2008, n°07-16105).

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