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La mitoyenneté: régime juridique

==> Notion

La mitoyenneté est définie classiquement comme l’« état d’un bien sur lequel deux voisins ont un droit de copropriété et qui sépare des immeubles, nus ou construits, contigus »[1].

Il ressort de cette définition que la mitoyenneté se caractérise par trois éléments :

Il ressort de ces trois éléments qui caractérisent la mitoyenneté qu’il s’agit là d’une forme particulière de propriété qui a son régime propre.

==> Nature

Le Code civil traite de la mitoyenneté avec les servitudes et plus précisément dans le chapitre consacré aux servitudes établies par la loi.

Est-ce à dire que la mitoyenneté est constitutive d’une servitude au sens de l’article 637 du Code civil ?

Pour mémoire, cette disposition définit la servitude comme « une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire. »

Pour la majorité des auteurs, la mitoyenneté ne s’analyse pas en une servitude dans la mesure où elle n’instaure pas vraiment de relation entre un fonds servant et un fonds dominant les propriétaires étant mis sur un même pied d’égalité.

La mitoyenneté n’implique pas, en effet, la création d’une charge pour l’un et d’un droit réel pour l’autre. Les propriétaires sont investis d’un même droit de propriété qu’ils exercent en commun sur le bien séparant leurs fonds respectifs.

Ajoutés à cela, les modes d’acquisition de la mitoyenneté diffèrent sensiblement de ceux institués en matière de servitude. Pour exemple, la destination du bon père de famille qui ne joue pas en matière de mitoyenneté. À l’inverse, le jeu de la prescription abrégée est exclu pour les servitudes.

La mitoyenneté ne s’analysant pas en une servitude, la question de sa nature s’est posée en doctrine et en jurisprudence.

Si elle emprunte à l’indivision de nombreux traits, elle s’en distingue en ce qu’elle ne place pas les propriétaires des fonds contigus dans une situation temporaire ; la mitoyenneté leur confère un droit de propriété perpétuel sur l’élément de séparation.

De la même manière, elle ne correspond pas à la copropriété des immeubles bâtis, faute de division du mur, de la clôture ou de la haie en parties communes et parties privatives.

À l’examen, la mitoyenneté n’est autre qu’une forme particulière d’indivision assujettie à un régime juridique spécifique.

Telle est la position que semble avoir adopté la Cour de cassation qui, par exemple, dans un arrêt du 19 février 1985 a jugé que « la mitoyenneté constitue un droit de propriété indivise » (Cass. 3e civ. 19 févr. 1985, n°83-16496).

Dans une décision du 20 juillet 1989 elle a encore affirmé que « la mitoyenneté est un droit de propriété dont deux personnes jouissent en commun », ce qui l’a conduite à censurer une Cour d’appel qui l’avait qualifié de servitude (Cass. 3e civ. 20 juill. 1989, n°88-12883).

Cass. 3e civ. 20 juill. 1989
Sur les deux moyens réunis :

Vu les articles 656, 657 et 658 du Code civil ;

Attendu que la mitoyenneté est un droit de propriété dont deux personnes jouissent en commun ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 28 janvier 1988), qu'après avoir acquis de M. Y... une maison d'habitation, les époux X..., qui désiraient procéder à des travaux de transformation, se sont heurtés au propriétaire voisin qui a invoqué ses droits de mitoyenneté sur un mur séparatif et un couloir d'entrée ; que les époux X..., se plaignant du défaut de mention dans l'acte de vente de la convention portant que le mur et le couloir " seront communs et mitoyens ", ont assigné en garantie d'éviction partielle M. Y... qui a lui-même appelé en cause les notaires rédacteurs de l'acte ;

Attendu que pour exclure, à la charge du vendeur, l'obligation de rappeler dans l'acte de vente une situation qu'il qualifie de servitude par destination du père de famille, tout en relevant que l'acte de donation-partage, qui est à son origine, mentionne de manière expresse le caractère commun et mitoyen des parties d'immeuble en cause, l'arrêt retient que l'indivision forcée ou copropriété s'analyse en une forme particulière de mitoyenneté, laquelle constitue une servitude ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 1988, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux

La spécificité de la mitoyenneté réside essentiellement dans son mode d’acquisition et plus précisément dans la possibilité pour le propriétaire d’un fonds d’acquérir la propriété mitoyenne de l’élément séparant le fonds voisin par voie de cession forcée.

À cet égard, elle est régie aux articles 653 à 673 du Code civil qui organisent son établissement, ses effets ainsi que son extinction.

I) L’établissement de la mitoyenneté

A) La constitution de la mitoyenneté

La mitoyenneté peut s’établir selon 4 modes d’acquisition différents. À cet égard, elle peut résulter :

  1. La mitoyenneté résultant d’un accord de volontés

Deux hypothèses doivent ici être distinguées :

==> La convention conclue avant l’élévation de l’élément de séparation

Parce que les dispositions qui régissent la mitoyenneté sont supplétives, il est permis de l’acquérir par un mode d’établissement autre que ceux envisagées par ces dispositions.

Aussi, rien n’interdit d’acquérir la mitoyenneté d’un élément de séparation de deux fonds par voie de convention, ce qui exige la rencontre des volontés des propriétaires.

À cet égard, le seul échange des consentements suffit à régulariser l’opération, l’écrit n’étant nullement exigé par les textes.

L’établissement d’un acte permettra néanmoins de se préconstituer une preuve d’acquisition de la mitoyenneté par titre et de déterminer, formellement, la répartition des frais entre propriétaires.

Sur ce point, les parties sont libres de prévoir un partage des frais à hauteur de la moitié pour chacune, tout autant qu’elles peuvent prévoir une répartition inégale.

Elles peuvent également organiser, dans la convention, les charges qui devront être assurées par chaque propriétaire quant à l’entretien de l’élément de séparation et à ses travaux de rénovation.

En l’absence d’écrit, la jurisprudence pose une présomption de mitoyenneté lorsqu’il est établi que le mur, la clôture ou la haie a été élevé à frais communs (V. en ce sens Cass. 3e civ. 4 janv. 1973).

==> La convention conclue postérieurement à l’élévation de l’élément de séparation

La convention visant à acquérir la mitoyenneté peut être conclue, tout autant, antérieurement à l’élévation de l’élément de séparation, que postérieurement.

Dans cette dernière hypothèse, l’opération s’analyse en une cession volontaire. Elle peut être conclue à titre onéreux ou à titre gratuit.

En tout état de cause, dans la mesure où il s’agit de céder un droit réel immobilier, l’opération doit donner lieu à l’établissement d’un acte authentique et à l’accomplissement de formalités de publicité foncière.

2. La mitoyenneté résultant d’un acte unilatéral de volonté

Si la mitoyenneté peut résulter de la conclusion d’une convention, elle peut également s’acquérir par voie de cession forcée, soit être imposée au propriétaire du mur convoité, alors même que l’ouvrage n’empiète pas sur le fonds voisin.

À cet égard, selon Christian Atias, cette technique d’établissement de la mitoyenneté serait « la principale particularité de la mitoyenneté »[2]

==> Énoncé de la règle

L’article 661 du Code civil prévoit en ce sens que « tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de la dépense qu’il a coûté, ou la moitié de la dépense qu’a coûté la portion du mur qu’il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. »

Il ressort de cette disposition que le propriétaire peut, par sa seule volonté, exiger que son voisin lui cède la mitoyenneté du mur élevé sur son fonds, le long de la ligne séparative.

À cet égard, la jurisprudence considère de longue date et de manière constante que le droit d’acquérir la mitoyenneté par décision unilatérale revêt un caractère absolu et discrétionnaire.

Dans un arrêt du 11 mai 1925, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la faculté d’acquérir la mitoyenneté avec toutes les conséquences légales qu’elle comporte est absolue ; que l’article 661 du code civil impose seulement l’obligation de payer au maître du mur la moitié de sa valeur et la moitié de la valeur du sol sur lequel il est bâti ; que l’exercice du droit n’est pas soumis à d’autres conditions et que notamment l’acquéreur n’est tenu de justifier d’aucun intérêt ».

Christian Atias souligne que « celui qui l’exerce est maître du moment, de l’importance et des motifs de son acquisition »[3].

Aucune restriction au droit du voisin n’est donc posée par le juge. À l’inverse de l’exercice du droit de propriété lui-même, le droit d’imposer la mitoyenneté n’est donc pas susceptible d’abus.

==> Justification de la règle

Initialement, la règle posée à l’article 661 du Code civil se justifiait pour des raisons pratiques, voire d’intérêt général.

En effet, la faculté de rendre ce mur mitoyen permet au voisin d’y prendre appui (c’est-à-dire de réaliser une emprise) pour construire son propre bâtiment. Le texte permet, dans ces conditions, de réaliser une double économie de moyens et de place dans les bourgs et les villes.

Des auteurs ont ainsi fait observer que si est « institué un véritable droit d’expropriation pour cause d’utilité privée […] l’intérêt général [y] trouve également son compte, par l’économie de terrain, de matériaux et de main-d’œuvre qu’il permet »[4].

Reste que dès la fin du XIXe siècle, la cession forcée permise par l’article 661 du code civil a fait l’objet de certaines critiques de nature juridique et technique.

La critique s’est d’abord fondée sur l’article 545 du code civil qui dispose que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

Or, d’une part l’article 661 du code civil restreint les prérogatives du propriétaire au mépris apparent de l’article 544, d’autre part il consacre une sorte d’expropriation au nom d’un intérêt qui, selon une argumentation que la présente reprend, serait privé (c’est l’intérêt du voisin que de rendre le mur mitoyen) et non public, comme l’exige pourtant l’article 545 du code civil ainsi que l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dont il serait la traduction dans le code civil.

Cette apparente contrariété de l’article 661 du Code civil à cette dernière disposition, qui relève du préambule de la Constitution, a conduit des requérants, dans le cadre d’un litige civil, à soulever une question prioritaire de Constitutionnalité.

Dans sa décision de renvoi, la Cour de cassation a jugé sérieuse la question de savoir si l’article 661 du code civil n’était pas à la source d’une « grave dénaturation du droit de propriété du maître du mur qui perd ses droits exclusifs, sans justification évidente d’une nécessité publique »

Par décision du 12 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a répondu que cette disposition était parfaitement conforme à la Constitution (Cons. const., 12 nov. 2010, n° 2010-60 QPC).

Pour ce faire, les juges de la rue de Montpensier ont raisonné en deux temps :

Dans un premier temps, le Conseil a jugé que l’article 661 du code civil n’avait « pour effet que de transformer en indivision le droit exclusif du maître du mur qui, dans les limites de l’usage en commun fixées par les articles 653 et suivants du code civil, continue à exercer sur son bien tous les attributs du droit de propriété ».

Il en résulte, selon le juge constitutionnel, qu’« en l’absence de privation de ce droit, l’accès à la mitoyenneté autorisé par le texte en cause n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ».

Le Conseil souligne ainsi que le maître qui subit la cession forcée de mitoyenneté demeure bien propriétaire du mur, de sorte que l’on ne saurait parler d’une véritable privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 – même si la doctrine civiliste retient parfois cette qualification.

Dans un second temps, les juges ont exercé un contrôle des restrictions apportées par l’article 661 du Code civil à l’exercice du droit de propriété, ce qui implique, d’abord qu’elles soient justifiées par un motif d’intérêt général, ensuite qu’elles soient proportionnées à l’objectif poursuivi et enfin qu’elles ne conduisent pas, par leur gravité à une dénaturation du sens et de la portée de la propriété.

S’agissant de l’intérêt général, le Conseil a jugé que la mitoyenneté « détermine un mode économique de clôture et de construction des immeubles ainsi que d’utilisation rationnelle de l’espace ».

La cession forcée de mitoyenneté permet en effet d’éviter la construction d’ouvrages inutiles en autorisant en particulier le voisin à réaliser une emprise sur l’immeuble du maître d’origine.

Ainsi, si l’intérêt du voisin, cessionnaire de la mitoyenneté, est indiscutable, l’accès forcé à la mitoyenneté n’en répond pas moins également à un motif d’intérêt général

À cet égard, le Conseil a considéré comme étant « proportionné à l’objectif poursuivi par le législateur ».

Quant aux garanties de fond et de procédure qui entourent la mise en œuvre de l’article 661 du code civil, le juge constitutionnel relève d’une part que cet accès forcé à la mitoyenneté est « réservé au propriétaire du fonds joignant le mur » et, d’autre part, qu’il est « subordonné au remboursement à son propriétaire initial de la moitié de la dépense qu’a coûté le mur ou de la portion qu’il veut rendre mitoyenneté la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti », le juge judiciaire fixant, le cas échéant, le montant de ce remboursement.

Dans ces conditions, le Conseil en conclut que l’article 661 du Code civil ne présente pas « un caractère de gravité tel qu’elle dénature le sens et la portée » du droit de propriété et que, par voie de conséquence, il ne porte pas une atteinte inconstitutionnelle aux conditions d’exercice du droit de propriété garanti par l’article 2 de la Déclaration de 1789.

==> Nature de la cession forcée

A la question de savoir quelle est la nature de la cession forcée instituée à l’article 661 du Code civil, plusieurs thèses ont été avancées par les auteurs.

D’aucuns ont pu soutenir qu’il s’agirait là d’une véritable expropriation pour cause d’utilité privée. La thèse peine néanmoins à convaincre dans la mesure où le propriétaire qui subit la cession forcée de mitoyenneté demeure bien propriétaire du mur, de sorte que l’on ne saurait

parler d’une véritable privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 – même si la doctrine civiliste retient parfois cette qualification.

Une partie de la doctrine a également pu qualifier la cession forcée de vente, l’enjeu résidant notamment dans l’octroi de la garantie des vices cachés à l’acquéreur du mur.

Si, un temps, la jurisprudence a semblé souscrire à cette thèse (Cass. civ. 11 mai 1925), elle a finalement écarté la qualification de vente considérant que, en l’absence d’accord des volontés, la vente ne pouvait être valablement formée (Cass. 1ère civ. 19 janv. 1954).

D’autres auteurs préfèrent encore qualifier la cession forcée de mitoyenneté de « cessation de droits privatifs », car il n’y a « pas un transfert de droit d’un patrimoine à un autre, mais plutôt un partage »[5]

Selon ces derniers, le droit change certes de nature, mais il demeure. Le mur, devenu mitoyen par la volonté unilatérale du voisin, reste en effet dans le patrimoine du maître d’origine, même si les deux propriétaires des fonds contigus en jouiront désormais en commun.

La mitoyenneté constitue bien une forme particulière de copropriété, ainsi que certains termes du code civil le laissent d’ailleurs entendre[6].

a) Les conditions de la cession forcée

a.1. La condition tenant à l’exercice du droit

==> La titularité du droit

En application de l’article 661 du Code civil, le droit de provoquer la cession forcée de l’élément de séparation est conféré à « tout propriétaire joignant un mur ».

La question qui immédiatement se pose est de savoir si seul celui qui a la pleine propriété du fonds peut se prévaloir du texte ou si cette faculté est ouverte plus généralement à tous ceux titulaires d’un droit réel immobilier.

À l’examen, la doctrine est plutôt favorable à ce que le droit d’acquérir par décision unilatérale la mitoyenneté d’un mur soit également conféré à l’usufruitier, au superficiaire, à l’emphytéote et plus généralement à celui qui jouit d’un démembrement du droit de propriété.

À l’inverse, le titulaire d’un simple droit personnel, tel que le preneur à bail, est exclu du dispositif institué par l’article 661 du Code civil.

==> Le caractère discrétionnaire du droit

Régulièrement, la jurisprudence affirme que le droit d’acquérir la mitoyenneté par décision unilatérale revêt un caractère absolu et discrétionnaire.

Dans un arrêt du 11 mai 1925, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la faculté d’acquérir la mitoyenneté avec toutes les conséquences légales qu’elle comporte est absolue ; que l’article 661 du code civil impose seulement l’obligation de payer au maître du mur la moitié de sa valeur et la moitié de la valeur du sol sur lequel il est bâti ; que l’exercice du droit n’est pas soumis à d’autres conditions et que notamment l’acquéreur n’est tenu de justifier d’aucun intérêt ».

Dans un arrêt du 25 avril 1972, la première chambre civile a encore jugé qu’il résulte de l’article 661 que « la faculté d’acquérir la mitoyenneté d’un mur par un propriétaire qui le joint est absolue, en l’absence de convention contraire, et que la seule condition imposée a ce dernier est de payer le prix de la mitoyenneté à acquérir » (Cass. 3e civ. 25 avr. 1972, n°71-10119).

Plus récemment, dans un arrêt du 19 septembre 2007, la Cour de cassation a néanmoins précisé que bien que, absolue et discrétionnaire la faculté reconnue par l’article 661, un empiétement du mur convoité fait obstacle à l’acquisition de la mitoyenneté (Cass. 3e civ. 19 sept. 2007, n°06-16384).

En dehors de cette hypothèse, le droit d’acquérir la mitoyenneté d’un mur par voie de cession forcée peut être exercé discrétionnairement, soit sans que le propriétaire du fonds voisin soit tenu de justifier d’un quelconque motif.

Il lui est donc permis d’exercer la prérogative dont il est titulaire pour des raisons de pure commodité. Il est indifférent que l’acquisition de la mitoyenneté lui procure une utilité particulière ou soit commandée par la nécessité.

Parce qu’il s’agit d’un droit discrétionnaire, son exercice est, par conséquent, insusceptible de dégénérer en abus de droit.

Les juridictions sont allées jusqu’à admettre que la faculté d’acquérir la mitoyenneté d’un mur pouvait être exercée, alors même qu’une construction s’appuie déjà sur le mur privatif, l’objectif de la manœuvre étant de régulariser une situation jusque-là illicite (V. en ce sens CA Rennes 30 juin 1998).

La Cour de cassation a néanmoins condamné ce montant considérant qu’une situation d’empiétement faisait obstacle, en tout état de cause, à l’acquisition de la mitoyenneté d’un mur (Cass. 3e civ. 19 sept. 2007, n°06-16384).

==> L’imprescriptibilité du droit

Parce que le droit de propriété est imprescriptible, il en va de même du droit d’acquérir la mitoyenneté d’un mur privatif.

Le titulaire de ce droit peut néanmoins y renoncer dans la mesure où la règle énoncée à l’article 661 du Code civil n’est pas d’ordre public.

Les propriétaires sont donc libres d’y déroger par convention contraire, étant précisé que la renonciation peut être expresse ou tacite.

Elle sera tacite notamment en cas de constitution d’une servitude au profit du fonds joignant le mur, servitude qui serait incompatibilité avec la mitoyenneté (V. en ce sens Cass. req. 6 avr. 1875).

a. 2. La condition tenant à l’objet de la cession

i) Un mur

==> La restriction de l’objet de la cession aux seuls murs

La faculté d’exiger la cession de la mitoyenneté n’est reconnue que pour les seuls murs à l’exclusion de toute autre forme d’élément de séparation.

Cette restriction du domaine d’application de l’article 661 du Code civil se déduit de l’article 668 qui exclut expressément la possibilité de provoquer la cession forcée de l’élément de séparation des héritages lorsqu’il consiste en un fossé ou une haie.

Cette disposition prévoit en ce sens que « le voisin dont l’héritage joint un fossé ou une haie non mitoyens ne peut contraindre le propriétaire de ce fossé ou de cette haie à lui céder la mitoyenneté. »

Ainsi, toute autre forme de clôture qu’un mur ne peut faire l’objet d’une cession forcée de la mitoyenneté.

Par mur il faut entendre, selon la définition commune, tout ouvrage de maçonnerie vertical (parfois oblique), d’épaisseur et de hauteur variable, formé de pierres, de briques, de moellons superposés et liés par du mortier ou du ciment, et élevé sur une certaine longueur pour constituer le côté d’un bâtiment, enclore ou séparer des espaces, soutenir et supporter des charges.

La jurisprudence a eu l’occasion d’affirmer qu’une simple cloison ou un grillage ne pouvaient pas être qualifiés de mur dans la mesure où il s’agit d’un assemblage rudimentaire de matériaux qui ne sont ni superposés les uns sur les autres, ni liés entre eux par du mortier.

==> L’admission de l’acquisition de la mitoyenneté d’une portion de mur

L’article 661 du Code civil prévoit que la mitoyenneté peut porter sur « tout ou partie » d’un mur.

Ainsi, le mur peut être mitoyen sur seulement une portion, peu importe que cette portion soit limitée en hauteur ou en longueur.

L’assiette de la mitoyenneté est déterminée par le titulaire du droit d’en exiger la cession forcée (Cass. req. 27 févr. 1939). La raison en est qu’il s’agit là d’une expression du pouvoir discrétionnaire dont est investi le propriétaire du fonds joignant le mur.

==> Les murs insusceptibles de faire l’objet d’une mitoyenneté

Il est des murs qui, en raison de leur nature ou de la qualité de leur propriétaire ne peuvent pas faire l’objet d’une mitoyenneté.

ii) Un mur opérant la jonction entre deux fonds contigus

La faculté d’exiger la cession forcée du mur élevé sur le fonds voisin ne peut être exercée qu’à la condition que l’ouvrage opère la jonction entre les deux fonds contigus.

Aussi, en cas de positionnement du mur en retrait de la ligne séparative, la mitoyenneté de celui-ci est insusceptible de faire l’objet d’une acquisition par voie de cession forcée.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 1er juillet 1965 (Cass. 1ère civ. 1er juill. 1965).

Il ressort de cette décision que dès lors que le mur est situé en retrait de la ligne séparative, y compris lorsque ce retrait est insignifiant (15 cm au cas particulier), il ne peut être fait application de l’article 661 du Code civil, faute de quoi cela reviendrait à admettre qu’il puisse être empiété sur le fonds voisin, alors même que cette atteinte au droit de propriété est prohibée par l’article 545 du Code civil.

Pour cette raison, la faculté de contraindre le propriétaire d’un mur à en céder la mitoyenneté ne peut être exercée qu’à la condition que l’ouvrage soit élevé juste au niveau de la ligne séparative.

Si le positionnement du mur en retrait de cette ligne fait obstacle au jeu de la cession forcée, il en va de même lorsque l’ouvrage est élevé sur la ligne séparative, cette situation s’apparentant à un empiétement.

iii) Cas particulier du mur élevé sur la ligne séparative

Lorsque le mur a été élevé à cheval sur la ligne divisoire, la situation s’analyse en un empiétement. Cette situation n’est pas sans renforcer la position du propriétaire du fonds sur lequel il est empiété.

Parce qu’il est porté atteinte à son droit de propriété, ce dernier est susceptible, en effet, de se prévaloir du bénéfice de l’article 545 du Code civil qui l’autorise à exiger, non pas la cession forcée de la mitoyenneté du mur, mais sa démolition.

Régulièrement, la jurisprudence rappelle que l’empiétement sur la propriété d’autrui, aussi insignifiant soit-il, autorise le propriétaire du fonds empiété à solliciter la démolition de l’ouvrage.

Dans un arrêt du 29 février 1984, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 545 du code civil, aux termes duquel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, doit être appliqué dans toute sa rigueur même si l’empiétement est dû à une erreur commise de bonne foi et même si son importance est minime » (Cass. 3e civ. 29 févr. 1984, n°83-10585).

La démolition ne sera toutefois ordonnée que si le propriétaire victime de l’empiétement en fait la demande.

À cet égard, il n’est pas exclu qu’il préfère renoncer à formuler une telle demande, lourde de conséquences, considérant qu’il a tout intérêt à tirer profit des utilités procurées par le mur.

La question qui alors se pose est de savoir si, faute de trouver un accord avec le propriétaire du mur, il peut malgré tout en acquérir la propriété et, dans l’affirmative, sur quel fondement.

À cette question, la réponse apportée par la Cour de cassation a été pour le moins fluctuante, de sorte que le droit positif est le résultat d’une longue construction jurisprudentielle.

?: L’évolution de la jurisprudence

Si dans un premier temps, la jurisprudence a pu considérer que l’empiétement du mur sur le fonds voisin ne faisait pas obstacle à l’acquisition de sa mitoyenneté, elle a, par suite, abandonné cette position, excluant par là même que l’ouvrage puisse être acquis par voie d’accession.

Cass. 3e civ. 8 mars 1972
Sur le premier moyen : vu l'article 555 du code civil ;

Attendu que les dispositions de ce texte, qui règle les effets de l'accession lorsqu'un tiers a construit, avec des matériaux lui appartenant, sur le fonds d'un autre, avec lequel il n'est lie par aucune convention ou autrement, quant au sort de sa construction, sont étrangères aux rapports nés entre voisins de la mitoyenneté, laquelle est soumise au régime qui lui est propre ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de la cour d'appel qu'en 1934, x... a construit, exactement à cheval sur la ligne divisoire de son fonds et de celui dont la société civile immobilière du..., à Strasbourg, est propriétaire, le mur pignon de son immeuble, contre lequel, en 1959, cette société a appuyé la construction qu'elle a fait édifier ;

Que, sur l'action de x... tendant à obtenir paiement de la moitié de la valeur actuelle du mur utilise par la société défenderesse et, subsidiairement, du coût des matériaux et de la main-d’œuvre estimes a la date du remboursement, la société civile a conclu à l'inapplicabilité, en la cause, de l'article 555 du code civil, et a offert de rembourser la moitié de la dépense qu'avait coutée le mur pignon litigieux ;

Attendu que l'arrêt attaque accueille la demande en son principe, sur le fondement de l'article 555 du code civil, en retenant, par adoption des motifs des premiers juges, la bonne foi de x..., et déclaré la société civile tenue au remboursement, a son choix soit d'une somme égale a l'augmentation de valeur de son fonds par la présence du mur litigieux, soit du coût des matériaux et du prix de la main-d’œuvre, estimes a la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouve ce mur ;

Attendu qu'en statuant de la sorte, après avoir admis que le demandeur justifiait l'empiétement de son mur sur le fonds voisin par l'application d'un usage existant dans la ville de Strasbourg et décidé, par un motif, qui n'est pas critique, que le mur litigieux devait être considéré comme mitoyen, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen : casse et annule l'arrêt rendu entre les parties le 29 avril 1966, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée.

Cass. 3e civ. 11 mai 1982
Sur le moyen unique : attendu, selon l'arrêt attaque (Aix-en-Provence, 28 octobre 1980), qu'en 1929, fut édifié un immeuble, appartenant aujourd'hui a la copropriété le Madrid, dont le mur pignon était à cheval sur la ligne séparant le fonds voisin, sur lequel, en 1957, la société nouvelle immobilière du cap (société du cap), a construit un immeuble qui s'appuyait sur ce mur pignon et qu'elle a vendu à la copropriété le Trianon ;
Qu'en 1971, le syndicat des copropriétaires le Madrid a assigné en paiement du prix d'acquisition de la mitoyenneté de ce mur le syndicat des copropriétaires le Trianon lequel a appelé en garantie la société du cap ;

Attendu que cette dernière fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au syndicat le Madrid la moitié du coût, évalué au jour du paiement, de la construction du mur, alors, selon le moyen, d'une part, que nul propriétaire ne peut être tenu de céder sa propriété, que la cour d'appel qui a fondé toute son argumentation sur l'hypothèse d'une cession du sol, indûment occupe, par son propriétaire à l'auteur de l'empiétement, a, ainsi, viole l'article 545 du "code civil", et alors, d'autre part, que "l'acquisition, par un propriétaire joignant un mur, de la mitoyenneté de celui-ci implique la construction de cet édifice sur le fonds voisin, que la cour d'appel qui a, cependant, fait application des dispositions de l'article 661 du code civil, au cas d'empiétement sur le fonds d'autrui, a, ainsi, viole lesdits textes". mais attendu qu'après avoir exactement écarté l'application des articles 555 et 661 du code civil, l'arrêt retient à bon droit que celui sur le sol duquel le mur séparatif du fonds a été en partie construit par son voisin, ce dont il résulte que ce mur avait, dès l'origine, vocation à la mitoyenneté, peut en acquérir la mitoyenneté en remboursant au constructeur la moitié du coût de sa construction, actualise au jour de l'acquisition de la mitoyenneté, la valeur de la moitié du sol n'ayant pas à être remboursée puisqu'elle lui appartient déjà ;

D'où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 28 octobre 1980 par la cour d'appel d’Aix-en-Provence;

Cass. 3e civ. 9 juill. 1984
Sur le moyen unique :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Bastia, 4 janvier 1983) de les avoir déboutés de leur demande formée contre leur voisin, M. Y..., en remboursement de la moitié du coût de la construction d'un mur séparatif, alors, selon le moyen, "que, d'une part, en déclarant qu'il était établi que le mur séparatif a été construit en limite des propriétés sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les époux X..., si celui-ci avait ou non été édifié à cheval sur les deux propriétés, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et alors que, d'autre part, en déclarant que, bien qu'en fait son assise ait pu empiéter sur le terrain Cadet, le mur litigieux demeure privatif pour avoir été édifié sans l'accord exprès du propriétaire voisin, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 653, 666, 661, 663, 1235 et 1376 à 1381 du Code civil" ;

Mais attendu qu'après avoir relevé souverainement que les époux X... avaient pris l'initiative de faire construire un mur de clôture sans qu'ait été obtenu l'accord de M. Y..., propriétaire de la parcelle limitrophe, la Cour d'appel en a justement déduit que ce mur demeurait privatif bien que son assise ait pu empiéter sur le terrain Cadet ; que, par ces seuls motifs, la décision se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 4 janvier 1983 par la Cour d'appel de Bastia.

Cass. 3e civ. 19 sept. 2007
Sur le moyen unique :

Vu les articles 545 et 661 du code civil ;

Attendu que nul ne peut être contraint de céder sa propriété ; que tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de la dépense qu'il a coûté, ou la moitié de la dépense qu'a coûté la portion du mur qu'il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti ; que la dépense que le mur a coûté est estimée à la date de l'acquisition de sa mitoyenneté, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mars 2006), que les époux X... , dont la maison d'habitation s'adosse à celle des époux Y... , ont fait procéder par M.Z..., architecte, à un exhaussement de leur construction qui repose sur le mur de ces derniers ; que les époux Y... ont assigné les époux X... en vue de la destruction de la surélévation et en paiement de dommages-intérêts ; que les époux X... ont invoqué l'acquisition par prescription de la mitoyenneté du mur jusqu'à l'héberge et demandé le bénéfice de la cession forcée de mitoyenneté pour la partie du mur située au dessus ;

Attendu que pour constater la cession forcée de mitoyenneté de la partie du mur sur laquelle s'adosse la surélévation, au-delà de l'héberge, l'arrêt retient que les époux X... ont acquis par usucapion la mitoyenneté du mur séparatif jusqu'à l'héberge, que la portion supérieure de ce mur est restée privative et donc propriété exclusive des époux Y..., que la surélévation du pavillon des époux X... constitue un empiétement fautif sur la propriété Y... et que les époux X... sont fondés à se prévaloir des dispositions de l'article 661 du code civil, la faculté reconnue par cet article étant absolue et discrétionnaire, que l'atteinte, faite antérieurement à la volonté exprimée de son auteur de rendre le mur mitoyen à la propriété voisine, n'est pas un obstacle au droit d'acquérir la mitoyenneté ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'un empiétement fait obstacle à l'acquisition de la mitoyenneté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mars 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

?: Le droit positif

En l’état du droit positif, le propriétaire du fonds sur lequel le mur séparatif empiète dispose de deux options :

==> La démolition du mur

Dans la mesure où l’élévation d’un mur sur la ligne séparative est constitutive d’un empiétement le propriétaire du fonds empiété peut exiger la démolition de l’ouvrage en application de l’article 545 du Code civil.

Cette faculté d’exiger la démolition est d’autant plus envisageable que la jurisprudence a écarté l’application de l’article 555, considérant, pour mémoire, que les règles énoncées par cette disposition qui régissent « les effets de l’accession lorsqu’un tiers a construit, avec des matériaux lui appartenant, sur le fonds d’un autre, avec lequel il n’est lie par aucune convention ou autrement, quant au sort de sa construction, sont étrangères aux rapports nés entre voisins de la mitoyenneté, laquelle est soumise au régime qui lui est propre » (Cass. 3e civ. 8 mars 1972, n°71-10315).

La neutralisation de l’article 555 interdit, dès lors, au propriétaire du mur de se prévaloir de sa bonne foi et, par voie de conséquence, d’échapper à la sanction de la démolition.

Aussi, en cas d’empiétement de l’ouvrage sur le fonds voisin, c’est l’article 545 du Code civil qui a vocation à s’appliquer (Cass. 3e civ., 10 nov. 2009, n° 08-17526).

Il est indifférent que cet empiétement se situe au niveau du sol, du sous-sol ou qu’il soit aérien. Il est encore indifférent que l’empiétement sur le fonds voisin soit insignifiant et qu’il ne cause aucune gêne, ni aucun préjudice.

Dans un arrêt du 29 février 1984, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 545 du code civil, aux termes duquel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, doit être appliqué dans toute sa rigueur même si l’empiétement est dû à une erreur commise de bonne foi et même si son importance est minime » (Cass. 3e civ. 29 févr. 1984, n°83-10585).

Il peut être observé, par ailleurs, que lorsque l’empiétement sur le fonds voisin est établi, la demande de démolition ne peut jamais dégénérer en abus de droit (V. en ce sens Cass. 3e civ. 7 juin 1990, n° 88-16.277).

Dans un arrêt du 21 décembre 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « tout propriétaire est en droit d’obtenir la démolition d’un ouvrage empiétant sur son fonds, sans que son action puisse donner lieu à faute ou à abus ; que l’auteur de l’empiétement n’est pas fondé à invoquer les dispositions de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que l’ouvrage qu’il a construit méconnaît le droit au respect des biens de la victime de l’empiétement » (Cass. 3e civ. 21 déc. 2017, n°16-25406).

Le droit au respect du domicile ne justifie pas plus qu’il puisse être empiété sur le fonds voisin sans encourir la démolition de l’ouvrage construit de façon illicite.

C’est ainsi que dans un arrêt du 17 mai 2018, la Cour de cassation a considéré que, en cas d’empiétement, nonobstant l’ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;« l’expulsion et la démolition étant les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien, l’ingérence qui en résulte ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété » (Cass. 3e civ. 17 mai 2018, n°16-15792).

Enfin, dans la mesure où le droit de propriété ne se perd pas par le non-usage (art. 2227 C. civ.), le droit de démolition de l’ouvrage qui empiète sur son fonds est imprescriptible (V. en ce sens Cass. 3e civ. 5 juin 2002, n°00-16077).

Cette imprescriptibilité ne fait toutefois pas obstacle au jeu de la prescription acquisitive qui opèrera lorsque la possession sera caractérisée dans tous ses éléments constitutifs et qu’elle ne sera affectée d’aucun vice.

==> La conservation du mur

Seconde alternative dont dispose le propriétaire du fonds empiété, il peut renoncer à exiger la démolition du mur à la faveur d’une conservation de l’ouvrage élevé illicitement sur la ligne divisoire.

En optant pour cette solution, il se retrouve dans une situation pour le moins particulière dans la mesure où il est privé de la possibilité d’acquérir la mitoyenneté du mur, tant par voie de cession forcée sur le fondement de l’article 661 du Code civil, que par voie d’accession en application de l’article 555.

La seule solution pour lui de devenir propriétaire mitoyen du mur : conclure une convention avec le propriétaire de ce dernier.

Pour le convaincre de régulariser un accord le propriétaire du fonds empiété pourra avancer qu’il renonce, en contrepartie, à solliciter la démolition de l’ouvrage.

Faute de vouloir acquérir la mitoyenneté de l’ouvrage, il pourra réclamer une indemnité à son propriétaire en réparation du préjudice causé par l’empiétement.

Il pourrait, par ailleurs, y être forcé s’il retirait une utilité particulière du mur en y appuyant, par exemple, une construction.

De toute évidence, la situation dans laquelle se trouve le propriétaire du fonds empiété n’est pas satisfaisante.

Cet état du droit positif a conduit les rédacteurs de l’avant-projet de réforme du droit des biens à proposer l’introduction d’un article 636 dans le Code civil qui disposerait :

L’adoption de cette disposition permettrait de concilier la situation d’empiétement d’un mur positionné sur la ligne séparative et l’acquisition de sa mitoyenneté qui, pour sanctionner l’auteur de l’empiétement, ne donnerait pas lieu à remboursement pour moitié du coût de construction de l’ouvrage.

a. 3. La condition tenant à l’octroi d’une indemnité

==> Principe d’octroi d’une indemnité

L’article 661 du Code civil prévoit que la cession forcée de la mitoyenneté d’un mur privatif est subordonnée au remboursement « au maître du mur la moitié de la dépense qu’il a coûté, ou la moitié de la dépense qu’a coûté la portion du mur qu’il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. »

Ainsi, une indemnité est due au propriétaire du mur qui est contraint d’en céder la mitoyenneté. Il s’agit ici de le dédommager des frais de main-d’œuvre et de matériaux avancés pour la construction de l’ouvrage.

À cet égard, le créancier de cette indemnité n’est autre que le propriétaire du mur dont la mitoyenneté est cédée.

À cet égard, dans un arrêt du 7 janvier 1971, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’obligation de payer une indemnité pour l’acquisition de la mitoyenneté était « personnelle au constructeur », de sorte que, en cas de vente par le demandeur à la cession  de son fonds consécutivement à l’exercice de son droit d’acquérir la mitoyenneté du mur, la dette était insusceptible d’être transmise à l’acquéreur, sauf à prévoir dans l’acte de vente une stipulation expresse et non équivoque (Cass. 3e civ. 7 janv. 1971, n°69-10803)

Cass. 3e civ. 7 janv. 1971
Sur le premier moyen : attendu que y..., après avoir adossé un immeuble contre le mur élevé par z... sur la ligne divisoire de leurs propriétés, l'a vendu a dame veuve x... sans avoir acquis la mitoyenneté de ce mur ;

Attendu qu'il est fait grief au tribunal d'instance de condamner y... à payer à z... la moitié du coût de la construction de l'ouvrage et de mettre hors de cause l'acheteur, au motif que, le mur étant mitoyen par nature, y..., dès l'instant où il avait appuyé l'immeuble contre lui était devenu seul débiteur de la moitié du prix, alors qu'en ne mettant pas à la charge de dame veuve x... le règlement de la dette, le jugement attaque aurait notamment viole le principe de la distinction des droits réels et personnels ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le mur litigieux a été construit, en application du règlement d'un lotissement, à cheval sur la ligne séparative des fonds, le tribunal en déduit justement que l'obligation de payer une indemnité pour l'acquisition de la mitoyenneté est personnelle au constructeur et que, partant, la dette de y... ne pouvait être transférée a dame veuve x..., qu'au moyen d'une stipulation expresse et non équivoque qui n'existe pas dans l'acte de vente ;

Que le moyen n'est donc pas fondé ;

==> Règles de calcul de l’indemnité

b) Les effets de la cession forcée

==> La date de la cession forcée

Dans le silence de l’article 661 du Code civil, la jurisprudence considère que « la cession de la copropriété s’opère par l’effet de la demande d’acquisition et à sa date » (Cass. 1ère civ., 19 janv. 1954).

Autrement dit, la cession forcée produit ses effets, non pas à la date du jugement qui constate le transfert de propriété, mais au jour de la demande formulée par l’acquéreur.

La raison en est que, la faculté d’acquérir la mitoyenneté d’un mur est de droit et qu’il s’agit d’une prérogative qui peut être exercée discrétionnairement, soit sans que son titulaire n’ait à justifier d’un motif particulier et qui donc nécessiterait l’intervention du juge.

Dans ces conditions, il est logique que ce soit à la date d’exercice du droit d’acquérir la mitoyenneté du mur que les effets de la cession doivent jouer.

==> Les effets de la cession à l’égard des propriétaires

==> Les effets de la cession à l’égard des tiers

La cession forcée de la mitoyenneté d’un mur a pour objet des droits réels immobiliers. Il en résulte qu’elle est soumise à l’exigence prescrite par l’article 28 du décret du 4 janvier 1955 qui exige l’accomplissement de formalités de publicité foncière.

Cette disposition prévoit, pour mémoire, que « sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles […] tous actes, même assortis d’une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs »

Faute de publicité de la cession de la mitoyenneté, elle sera inopposable aux tiers et, plus précisément, aux futurs acquéreurs successifs des fonds sur lesquels le mur est édifié.

Dans un arrêt du 9 juin 1939, la Cour de cassation a ainsi jugé que « l’acquéreur d’un immeuble ne saurait se voir opposer la cession de la mitoyenneté du mur de clôture dudit immeuble que son vendeur aurait faite auparavant à un propriétaire voisin si la transcription de cette cession de mitoyenneté n’est intervenue qu’après la transcription de la vente d’immeuble » (Cass. civ., 9 juin 1939).

Ainsi, à l’obtention du jugement constatant la cession forcée de la mitoyenneté, celui-ci devra être publié auprès des services de la publicité foncière.

3. La mitoyenneté résultant de la prescription acquisitive

i) Principe

La mitoyenneté d’un bien (mur, haie, fossé, clôture) séparant deux héritages contigus peut s’acquérir par voie d’usucapion, soit par le jeu de la prescription acquisitive.

La jurisprudence l’admet de longue date. Dans un arrêt du 8 décembre 1971 elle a, par exemple, jugé que lorsque pendant plus de trente ans les propriétaires d’une maison adossée à un mur privatif ont eu, tant par eux-mêmes que par leurs auteurs la jouissance non contestée d’un droit de mitoyenneté sur ce mur, ils sont fondés à s’en prévaloir pour l’avoir acquis par voie de prescription (Cass. 3e civ. 8 déc. 1971, n°70-12340)

La prescription acquisitive jouera le plus souvent dans cette configuration, soit lorsqu’un ouvrage prend appui sur un mur privatif édifié sur le fonds voisin et que son propriétaire n’élève aucune contestation pendant un certain délai.

Sous l’effet du temps, la situation a vocation à se consolider, la prescription produisant, à l’expiration de son terme, un effet acquisitif primant sur n’importe quel titre.

ii) Conditions

Pour que la prescription acquisitive puisse jouer, encore faut-il que le propriétaire qui s’en prévaut puisse justifier, d’une part, d’une possession caractérisée dans ses éléments constitutifs et, d’autre part, d’une possession utile

==> Une possession caractérisée dans ses éléments constitutifs

La caractérisation de la possession est subordonnée à la réunion de deux éléments cumulatifs :

Le corpus de la possession s’analyse comme l’exercice d’une emprise physique sur la chose. L’article 2255 du Code civil précise en ce sens que « la possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit ».

Quant à l’animus se définit comme la volonté du possesseur de se comporter à l’égard de la chose comme s’il en était le véritable propriétaire.

Il s’agit, autrement dit, de son état d’esprit, soit de l’élément psychologique de la possession. Il faut avoir l’intention de se comporter comme le titulaire du droit exercé pour être fondé à se prévaloir des effets attachés à la possession.

L’exigence du corpus et de l’animus, exclut que la mitoyenneté du mur puisse être acquise dans le cadre, soit d’une détention précaire, soit d’un acte de pure faculté ou de simple tolérance.

Elle le sera par voie de prescription uniquement s’il est démontré que le propriétaire du fonds voisin a exercé une emprise physique sur le mur et qu’il s’est comporté comme exerçant un droit de propriété sur l’ouvrage.

La Cour de cassation a pu préciser que « le fait d’appuyer une construction contre un mur constitue un acte de possession caractérisé car le propriétaire de ladite construction se comporte comme si le mur était sa propriété exclusive » (Cass. 3e civ., 8 décembre 1971).

La Cour de cassation a, dans le même sens, validé la décision d’une Cour d’appel qui avait considéré que l’ancrage du garage de propriétaires dans le mur pignon de la maison voisine et le maintien de cette situation pendant plus de trente ans avaient fait acquérir à son propriétaire la mitoyenneté de la surface ainsi usucapée (Cass. 3e civ. 9 déc. 1992, n°90-20762).

Elle a en revanche considéré que la réfection d’un mur au moyen d’un enduit ou par simple recrépissage était insuffisante quant à caractériser une possession utile (V. en ce sens Cass. 3e civ. 13 mars 1984).

Pour que la prescription acquisitive puisse jouer, il faut que les travaux réalisés sur le mur soient substantiels.

==> Une possession utile

L’article 2261 du Code civil dispose que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. »

Il ressort de cette disposition que pour être efficace, la possession ne doit être affectée d’aucun vice. Plus précisément, pour produire ses pleins effets, elle doit être utile.

Par utile, il faut entendre susceptible de fonder une prescription acquisitive. On dit alors que la prescription est utile ad usucapionem, soit par l’usucapion.

La prescription ne sera utile que si elle présente les quatre caractères énumérés par la loi, étant précisé que la dernière partie du texte « à titre de propriétaire », se rapporte non pas aux caractères de la possession mais à son existence, et plus précisément à son animus.

iii) Durée de la prescription

Lorsque la possession est caractérisée dans tous ses éléments et qu’elle est utile elle produira son effet acquisitif à l’expiration d’un certain délai.

L’article 2272 du Code civil prévoit en ce sens que « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ».

Pour prescrire en matière immobilière il convient donc de posséder utilement le bien pendant un délai de 30 ans.

Il est ici indifférent que le possesseur soit de mauvaise foi. La bonne foi n’est pas érigée en condition d’application de la prescription trentenaire.

Par exception à la prescription trentenaire, l’alinéa 2 de l’article 2272 du Code civil prévoit que « celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »

Lorsqu’ainsi les conditions posées par ce texte sont remplies, la prescription acquisitive est ramenée à 10 ans en matière de propriété immobilière.

Reste que, en matière de mitoyenneté, ces conditions ne sont presque jamais réunies, de sorte que la prescription abrégée ne jouera jamais.

Le possesseur se heurtera, en effet, à l’exigence de justifier :

Dans un arrêt du 5 octobre 1994 la cour de cassation a, par exemple, considéré qu’un règlement de copropriété dont se prévalait un copropriétaire ne lui conférait qu’un droit d’usage et de jouissance sur une partie délimitée du mur séparatif, et que, dans ces conditions il « ne constituait pas pour son titulaire un juste titre permettant une usucapion abrégée » (Cass. 3e civ. 5 oct. 1994, n°92-15926).

Cass. 3e civ. 5 oct. 1994
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 avril 1992), que la ville de Paris a acquis, par acte des 1er et 9 juillet 1968, une parcelle de terrain retranchée de l'immeuble ..., bordant l'immeuble ... ; que la ville de Paris a assigné la société civile immobilière (SCI) Union foncière de Paris, propriétaire du lot n° 35 de l'immeuble ... pour se faire reconnaître copropriétaire indivise pour moitié du mur pignon de cet immeuble ;

Attendu que la SCI Union foncière de Paris fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, d'une part, que la présomption de mitoyenneté posée par l'article 653 du Code civil peut être combattue par tous moyens ; qu'il était établi et non contesté que, par bail enregistré le 17 mai 1968, les consorts X..., propriétaires de l'immeuble au mur litigieux, avaient donné en location ce mur aux fins d'affichage publicitaire et que, depuis cette date et sans aucune interruption jusqu'à l'instance, les propriétaires successifs ont renouvelé les contrats de location ; qu'il était également établi que lorsque la ville de Paris a acquis sa parcelle par acte des 1er et 9 juillet 1968, la face du mur 116, avenue Ledru-Rollin donnant sur cette parcelle comportait déjà trois panneaux publicitaires et que son acte ne faisait aucune référence ni allusion à une prétendue mitoyenneté ou copropriété de ce mur, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire si tel avait été le cas ; d'où il suit qu'en jugeant que le mur litigieux était la propriété indivise de la SCI Union foncière de Paris et de la ville de Paris, bien qu'il ne fût pas contesté que la SCI Union foncière de Paris et ses auteurs avaient accompli sur ce mur des actes de propriété exclusive, écartant toute possibilité de mitoyenneté ou de copropriété, la cour d'appel a violé les articles 653 et 1353 du Code civil ; d'autre part, qu'aux termes de l'alinéa 2, de l'article 2, de la loi du 10 juillet 1965, " les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire " ; que ce texte analyse donc expressément le droit du copropriétaire sur son lot comme un droit de propriété exclusive, et non point en un simple droit d'usage ou de jouissance qui ne constitue en réalité que l'émolument généré par le titre ; que de l'application combinée des articles 2 de la loi du 10 juillet 1965 et 2265 du Code civil, il résulte donc qu'une partie peut acquérir par 10 ans, en vertu d'un juste titre, un lot de copropriété ; que la SCI Union foncière de Paris, s'est vu apporter, par M. David Y..., par acte notarié du 26 février 1979, le lot de copropriété n° 35, ce dernier l'avait lui-même acquis de la société LND, par acte notarié du 22 novembre 1977 ; que ce lot était expressément constitué " d'un emplacement réservé à l'affichage sur le mur séparatif d'avec l'immeuble ..., sur une hauteur de 8 mètres à partir du niveau du sol, et sur une largeur de 16 mètres environ... " ; qu'en conséquence, la SCI Union foncière de Paris et son auteur direct bénéficiaient d'un juste titre leur ayant conféré sur le mur litigieux un droit exclusif de propriété ; d'où il suit qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 2265 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant souverainement relevé qu'il n'était pas démontré par la SCI Union foncière de Paris que le mur pignon de l'immeuble ... séparatif d'avec l'immeuble ... était privatif, la cour d'appel en a justement déduit que ce mur était présumé mitoyen ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, sans violer l'article 2 de la loi du 10 juillet 1965, que le lot n° 35 du règlement de copropriété dont se prévalait la SCI ne lui conférait qu'un droit d'usage et de jouissance sur une partie délimitée du mur séparatif, la cour d'appel en a exactement déduit que ce droit ne constituait pas pour son titulaire un juste titre permettant une usucapion abrégée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

iv) Étendue de l’acquisition

Par un arrêt du 7 octobre 1980, la Cour de cassation a jugé que l’acquisition de la mitoyenneté d’un mur s’étendait dans la limite de l’emprise exercée sur l’ouvrage par le possesseur (Cass. 3e civ. 7 oct. 1980, n°79-11610).

Autrement dit, lorsque la mitoyenneté est acquise par prescription, elle se limite toujours à la partie du mur qui a fait l’objet d’une possession utile.

Lorsque, de la sorte, une construction est appuyée à un mur privatif pendant plus de trente ans, la mitoyenneté ne pourra être revendiquée que pour la surface du mur qui a supporté l’ouvrage.

Dans un arrêt du 23 mars 2010, la Cour de cassation a apporté une précision pour le moins utile à la règle en jugeant que lorsque l’immeuble d’habitation et la cuisine accolés au mur séparatif avaient manifestement plus de trente ans et que l’extension de la cuisine qui datait de moins de trente ans s’appuyait sur ce mur, la mitoyenneté du mur pouvait être étendue à l’emprise de cette extension, en raison l’indivisibilité des deux ouvrages (Cass. 3e civ. 23 mars 2010, n°09-10.381).

4. La mitoyenneté résultant d’une acquisition forcée

La jurisprudence a développé un mode d’acquisition de la mitoyenneté en dehors de ceux envisagé par les textes.

Ce mode d’établissement jurisprudentiel de la mitoyenneté, que la doctrine qualifie « d’acquisition forcée » correspond à l’hypothèse où le constructeur d’un mur élevé en limite de fonds force son voisin à en acquérir la mitoyenneté.

Il s’agit, autrement dit, de la situation inverse de celle visée à l’article 661 du Code civil. Ici c’est le propriétaire du mur qui force le propriétaire du fonds voisin à en acquérir la mitoyenneté et non ce dernier qui exige à ce qu’elle lui soit cédée.

La décision qui a reconnu ce mode d’acquisition de la mitoyenneté, à tout le moins qui est le plus souvent citée, est un arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 mai 1939.

Dans cet arrêt la chambre des requêtes a affirmé que « par le seul fait qu’il appuyait sa construction sur le mur séparatif de l’immeuble voisin, Germonty pouvait être contraint à payer le montant de sa part de mitoyenneté » (Cass. req. 9 mai 1939).

Il ressort de cette décision que le domaine du mode d’établissement de la mitoyenneté par voie d’acquisition forcée est limité à l’hypothèse où le propriétaire d’un fonds joignant un mur privatif s’en sert comme d’un support pour y appuyer ses propres constructions.

À l’examen, l’acquisition forcée n’est admise par la jurisprudence que si deux conditions cumulatives sont réunies :

5. La mitoyenneté résultant de l’exercice du droit de se clore

a) Principe

Si tout propriétaire d’un fonds est titulaire du droit discrétionnaire de se clore, il est dès cas où cet acte lui est imposé par la loi.

L’article 663 du Code civil dispose en ce sens que « chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins assis ès dites villes et faubourgs »

Il ressort de cette disposition que le propriétaire d’un fonds situé dans un espace urbain peut contraindre son voisin à participer à la construction et à l’entretien d’une clôture afin d’empêcher toute communication entre les deux propriétés.

Cette clôture forcée est présentée par une partie de la doctrine comme répondant à un objectif de salubrité publique, en ce sens qu’il s’agirait d’empêcher la constitution de terrains vagues et de lutter contre l’insécurité.

D’autres auteurs arguent, au contraire, que dans la mesure où la règle ainsi édictée n’est pas d’ordre public elle viserait seulement à assurer la tranquillité et la vie privée des habitants des villes.

Reste que pour qu’un propriétaire soit contraint d’élever une clôture sur son fonds encore faut-il que son voisin se prévale du bénéfice de l’article 663. Or la mise en œuvre de cette disposition est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions.

b) Conditions

c) Effets

==> Le partage des frais de construction

L’exercice de la faculté prévue à l’article 663 du Code civil a pour effet de contraindre le propriétaire du fonds voisin à « contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins ».

Il s’infère de la règle ainsi poser que les frais de construction doivent être partagés à parts égales entre les propriétaires des deux fonds, étant précisé que le montant des frais s’évalue au jour de la construction.

La clôture alors édifiée sera mitoyenne de sorte que les propriétaires seront copropriétaires de l’ouvrage.

==> Les caractéristiques de la clôture

S’agissant des caractéristiques de la clôture, elles sont envisagées par l’article 663 qui prévoit que « la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus et, à défaut d’usages et de règlements, tout mur de séparation entre voisins, qui sera construit ou rétabli à l’avenir, doit avoir au moins trente-deux décimètres de hauteur, compris le chaperon, dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et vingt-six décimètres dans les autres. »

Il ressort du texte que la clôture doit présenter certaines caractéristiques, faute de quoi l’un des propriétaires pourra contraindre l’autre à se conformer aux exigences requises.

B) La preuve de la mitoyenneté

Si, à l’instar de la propriété, la mitoyenneté d’un mur se prouve par tout moyen, le législateur a institué des présomptions spécifiques afin d’alléger la charge qui pèse sur les parties et faciliter l’office du juge.

Reste que tous les modes de preuve ne se valent pas. Une hiérarchie se dégage en effet des textes qui régissent la preuve de la mitoyenneté.

  1. Les modes de preuves admis pour établir la mitoyenneté

1.1 Le titre

==> Principe

La mitoyenneté peut se prouver par titre, comme le suggèrent les articles 6653 et 666 du Code civil qui y font directement référence.

Par titre il faut entendre tout acte qui opère constitution de droits de réels et plus précisément de droits de copropriété. Il peut donc s’agir d’un acte translatif (vente, donation, échange) ou déclaratif (jugement, partage).

La forme du titre est indifférente, de sorte qu’il peut être établi, tout autant par acte authentique, que par acte sous seing privé.

La jurisprudence n’exige pas non plus que le titre produit pour établir la mitoyenneté soit commun aux deux parties.

Dans un arrêt du 3 juillet 1973, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 653 du code civil n’exige pas que les titres, dont il appartient aux juges du fait d’interpréter le sens et la portée, soient communs aux deux propriétaires voisins » (Cass. 3e civ., 3 juill. 1973, n° 72-11.192)

Le titre peut donc n’émaner que d’une seule partie, ce qui, en pareil cas, ne sera pas sans incidence sur sa force probante qui s’en trouvera diminuer.

Il est, en effet, préférable d’être muni d’un titre qui est commun aux deux parties, plutôt qu’un titre qui est propre à l’une d’elles.

==> Force probante

À la différence du droit des contrats où la production d’un écrit lie le juge qui n’a d’autre choix que de tenir pour vrai les faits constatés dans l’acte qui lui est soumis, en droit des biens le titre n’est pas assorti de la même force probante.

En effet, il ne constitue pas une preuve parfaite, mais seulement une présomption rendant vraisemblable ou non la mitoyenneté du mur.

La raison en est que la production d’un titre ne permet pas de prouver avec certitude que l’on est propriétaire.

Pour y parvenir, il faudrait être en mesure de démontrer que l’acquéreur tient son droit d’un auteur qui était lien même titulaire de la mitoyenneté du mur, lequel auteur tenait également son droit d’une personne qui endossait avant lui la qualité de copropriétaire et ainsi de suite.

Cette preuve, qualifiée, au Moyen-Âge la probatio diabolica est, par hypothèse, impossible à rapporter. Établir irréfutablement la légitimité du rapport d’appropriation d’un bien, revient, en effet, à exiger de l’acquéreur qu’il remonte la chaîne des transferts successifs de propriété jusqu’au premier propriétaire, preuve que « seul le diable pourrait rapporter ».

Aussi, le titre ne constitue jamais une preuve irréfutable de la propriété et pareillement de la mitoyenneté car il n’est pas exclu que la chaîne translative de propriété comporte une irrégularité et, de ce fait, ait été rompue.

Est-ce à dire que la production d’un titre est inutile ? Il n’en est rien. Ainsi que l’observent des auteurs « un titre régulier et publié rend hautement vraisemblable le droit revendiqué et permet au juge, sauf circonstances particulières, de reconnaître à son titulaire, selon la formule d’Aubry et Rau, un droit meilleur et plus probable »[8].

Autrement dit, si le titre ne permet pas de prouver avec certitude la titularité de la mitoyenneté, il fournit une présomption dont la valeur probante est suffisamment forte pour emporter, à elle seule, la conviction du juge, à plus forte raison si le titre est commun aux deux parties.

Si, en revanche, le titre émane d’une seule partie, il n’aura la valeur que d’une présomption du fait de l’homme, ce qui implique qu’il aura la même force probante que les éléments de fait susceptibles de corroborer les présomptions légales de mitoyenneté instituées par les articles 653 et 666 du Code civil.

1.2 La prescription

==> Principe

La prescription acquisitive est un mode de preuve admis pour établir la mitoyenneté d’un mur où son caractère purement privatif.

Pour produire ses effets, il devra être démontré que la possession exercée par celui qui se prévaut de la mitoyenneté du mur est caractérisée dans tous ses éléments constitutifs (corpus et animus) et qu’elle est utile (continue, paisible, publique et non équivoque).

En d’autres termes, il faudra établir que les propriétaires des deux fonds contigus se sont comportés comme si le mur était mitoyen.

Dans l’hypothèse inverse, soit lorsqu’un propriétaire s’est comporté comme si le mur était sa propriétaire exclusive, la preuve d’absence de mitoyenneté sera rapportée (V. en ce sens Cass. civ. 8 nov. 1905).

==> Force probante

Rapporter la preuve de l’acquisition de la mitoyenneté par voie de prescription acquisitive permet de combattre n’importe quel autre mode de preuve, en particulier la preuve par titre.

La raison en est que les titres n’ont la valeur que de simples présomptions. Or la prescription produit de son effet acquisitif, de plein droit, dès lors qu’une possession utile est établie, nonobstant la production d’un titre.

1.3 Les présomptions

Afin de déterminer le statut d’un élément séparatif (mur, haie, fossé, arbre) élevé en limite de fonds, le législateur a édicté des présomptions qui visent à établir, tout autant la mitoyenneté de cet élément que sa non-mitoyenneté.

a) Les présomptions de mitoyenneté

Les présomptions de mitoyenneté sont énoncées aux articles 653 et 666 du Code civil. Tandis que le premier de ces articles institue une présomption spéciale de mitoyenneté, en ce qu’elle ne concerne que les seuls murs séparatifs, le second pose une présomption générale qui donc a vocation à s’appliquer à toute sorte de clôture.

a.1 La présomption générale de mitoyenneté

i) Principe

L’article 666, al. 1er du Code civil dispose que « toute clôture qui sépare des héritages est réputée mitoyenne, à moins qu’il n’y ait qu’un seul des héritages en état de clôture, ou s’il n’y a titre, prescription ou marque contraire. »

Il ressort de cette disposition qu’est instituée par la loi une présomption de mitoyenneté pour toutes les clôtures dont la fonction est de délimiter la frontière entre deux fonds contigus.

Cela signifie que, en l’absence de titre, de prescription ou de présomption spéciale contraire (marque de non-mitoyenneté), la preuve de la mitoyenneté de l’élément séparatif pourra être réputée rapportée par le juge, étant précisé qu’il dispose, en la matière, d’un pouvoir souverain d’appréciation.

La Cour de cassation l’a, par exemple rappelé dans un arrêt du 8 décembre 2004 en précisant que les juges du fond ne sont pas tenus de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’ils décident de retenir ou d’écarter pour déterminer la mitoyenneté ou la non-mitoyenneté d’un élément séparatif (Cass. 3e civ. 8 déc. 2004, n°03-15541).

À cet égard, afin de faire jouer la présomption de mitoyenneté énoncée à l’article 666 du Code civil, les juridictions exigeront le plus souvent du revendiquant qu’il produise, a minima, un commencement de preuve de la mitoyenneté. Il peut s’agit d’un témoignage ou d’un document qui établit l’absence de marques de non-mitoyenneté.

ii) Domaine

La présomption de mitoyenneté instituée à l’article 666 du Code civil est de portée générale dans la mesure où elle intéresse « toute clôture qui sépare des héritages ». Elle ne distingue pas selon que la clôture consiste en un mur, une haie, un arbre ou un fossé.

Toutefois, parce que l’article 653 envisage spécifiquement la présomption de mitoyenneté des murs, ces derniers sont exclus du domaine de la présomption édictée par l’article 666 qui ne concerne donc que les seules haies, arbres, grillages et fossés et plus généralement toute forme de clôture qui ne consiste pas en un mur.

iii) Régime

==> Conditions d’application de la présomption

==> Renversement de la présomption

La présomption instituée par l’article 666 du Code civil est susceptible d’être renversée dans plusieurs cas énumérés par ce même texte.

a.2 Présomption spéciale de mitoyenneté

i) Principe

L’article 653 du Code civil prévoit que « dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu’à l’héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s’il n’y a titre ou marque du contraire. »

Il ressort de cette disposition qu’est instituée une présomption de mitoyenneté lorsqu’est assignée à un mur la fonction de séparer deux fonds contigus.

À l’examen, cette présomption n’est qu’une application particulière aux murs de la présomption générale de mitoyenneté posée à l’article 666 pour « toute clôture qui sépare des héritages »

Aussi, obéit-elle sensiblement aux mêmes règles à commencer par celle faisant de cette présomption un mode de preuve subsidiaire, en ce sens qu’elle n’a vocation à jouer qu’autant qu’elle n’est pas contredite par un titre, une prescription, ou encore une marque de non-mitoyenneté.

À l’instar de la présomption édictée à l’article 666, les juridictions exigent du demandeur, pour que la présomption de l’article 653 produise ses effets, qu’il rapporte, a minima, un commencement de preuve de la mitoyenneté. Il peut s’agit d’un témoignage ou d’un document qui établit l’absence de marques de non-mitoyenneté.

À cet égard, la Cour de cassation rappelle régulièrement que le juge dispose en la matière d’un pouvoir souverain d’appréciation étant précisé que les juges du fond ne sont pas tenus de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’ils décident de retenir ou d’écarter pour déterminer la mitoyenneté ou la non-mitoyenneté d’un élément séparatif (Cass. 3e civ. 8 déc. 2004, n°03-15541).

ii) Domaine

Ainsi qu’il l’a été rappelé, la présomption posée à l’article 653 du Code civil n’est qu’une application particulière aux murs séparatifs de la présomption générale de mitoyenneté édictée à l’article 666.

Est-ce à dire que tous les murs élevés sur un fonds sont susceptibles d’être réputés pour tout ou partie mitoyens sous l’effet de cette présomption légale ? Il n’en est rien.

Tout d’abord, la présomption de l’article 653 n’a vocation à jouer que pour les murs remplissant la fonction d’élément de séparation de deux fonds contigus.

L’exigence de contiguïté des héritages est une condition d’application de cette présomption, Il en résulte que dans l’hypothèse où les fonds seraient séparés par un chemin ou une bande de terre qui n’appartiendrait à un tiers, la présomption de l’article 653 serait privée d’efficacité.

Il en va de même lorsque, en l’absence d’accord des volontés, le mur est édifié sur la ligne divisoire. Cette situation s’analyse en un empiétement qui, non seulement fait obstacle au jeu de la présomption, mais encore autorise le propriétaire du fonds empiété à exiger la démolition de l’ouvrage construit illicitement (V. en ce sens Cass. 3e civ. 29 févr. 1984, n°83-10585).

Ensuite, tous les murs édifiés en limite de fonds ne relèvent pas du domaine d’application de la présomption édictée à l’article 653 du Code civil, laquelle ne vise que trois catégories de murs séparatifs :

==> Les murs servant de séparation entre bâtiments contigus

==> Les murs servant de séparation entre cours et jardins

L’article 653 prévoit que la présomption de mitoyenneté a également vocation à jouer pour les murs servant de séparation entre cours et jardins.

Les notions de cour et de jardin ne sont pas définies par le texte, raison pour laquelle il y a lieu de se reporter aux définitions usuelles.

S’agissant de la cour, elle se définit comme un espace découvert entouré de murs, de haies ou de bâtiments, attenant à une maison d’habitation et à ses commodités ou à un édifice.

S’agissant du jardin, il consiste, quant à lui, en un terrain généralement clos, attenant ou non à une habitation, planté de végétaux utiles ou d’agrément.

Dans un arrêt du 12 février 1970 la Cour de cassation a indiqué qu’il revenait aux juges du fond d’apprécier souverainement s’agissant de fonds supportant un immeuble à usage d’habitation et une construction a usage de garage si « ces constructions étaient assimilables aux cours et jardins, rendant applicable pour le mur de séparation édifié à la limite des deux héritages les dispositions de l’article 653 du code civil? » (Cass. 3e civ., 12 févr. 1970, n° 68-10537).

À l’analyse, il convient de retenir une interprétation plutôt large de la notion de cours et de jardin. À cet égard, il n’est pas exigé, selon la doctrine majoritaire, que les héritages soient totalement clos pour faire jouer la présomption posée à l’article 653 du Code civil.

Il est également indifférent qu’un bâtiment soit adossé sur une partie du mur séparatif, sauf à ce qu’il s’agisse d’un mur de soutènement auquel cas il est réputé appartenir au propriétaire du fonds dont il sert exclusivement les intérêts (V. en ce sens Cass. req. 13 févr. 1939).

==> Les murs servant de séparation entre enclos dans les champs

L’article 653 du Code civil pose une présomption de mitoyenneté du mur servant de séparation entre enclos dans les champs.

Pour que cette présomption puisse jouer, encore faut-il que les deux héritages soient entièrement clos.

La raison en est que si un seul des deux héritages est clos, il est vraisemblable que la partie de clôture commune aux deux fonds ait été mise en place sans volonté de son auteur de la rendre mitoyenne. Quel intérêt pour le propriétaire d’un fonds de ne clôturer que la partie contiguë de son fonds ?

On peut raisonnablement penser qu’il n’y en a aucun. C’est la raison pour laquelle le législateur a préféré écarter le jeu de la présomption de mitoyenneté édictée à l’article 653 du Code civil en pareille circonstance.

La question qui alors se pose est de savoir comment apprécier l’état de clôture : à partir de quand peut-on considérer qu’un héritage est suffisamment clôturé pour donner lieu à l’application de la présomption ?

Une clôture consiste ainsi à tout ce qui vise à empêcher la pénétration d’un tiers ou d’animaux dans une propriété.

La circulaire n°78-112 du 21 août 1978 assimile à une clôture les « murs, portes de clôture, clôtures à claire-voie, clôtures en treillis, clôtures de pieux, clôtures métalliques, palissades, grilles, herses, barbelés, lices, échaliers »

Ces listes établies par les textes ne sont pas exhaustives, le juge disposant d’un pouvoir d’appréciation en la matière.

En tout état de cause, la clôture élevée par le propriétaire sur son fonds peut être naturelle (une haie) ou artificielle (un mur), pourvu qu’elle obstrue le passage et qu’elle soit continue et constante (art. L. 424-3 C. env.)

A l’analyse, il ressort de la jurisprudence que constitue une clôture tout ouvrage dont la finalité consiste à fermer l’accès à tout ou partie d’une propriété peut constituer une clôture,

Dans un arrêt du 21 juillet 2009, le Conseil d’État a précisé que, un tel ouvrage n’a pas à être implanté en limite de propriété pour constituer une clôture.

S’agissant de l’exigence de clôture qui s’infère de l’article 653 du Code civil, il n’est pas nécessaire que la clôture qui entoure le fonds soit uniforme et de même nature, ce qui importe c’est qu’elle enclose le terrain et qu’elle empêche la communication avec les héritages voisins.

iii) Régime

==> Date d’appréciation de la présomption

La question s’est posée de savoir à quelle date les conditions d’application de la présomption posée à l’article 653 du Code civil devaient être réunies.

Autrement dit, doit-on se placer à la date de revendication de la mitoyenneté du mur litigieux ou doit-on se situer au jour de son édification ?

Très tôt, la jurisprudence a tranché en faveur de la seconde solution (Cass. 1ère civ. 8 févr. 1960). Il n’y a donc pas lieu de s’en tenir à la situation des bâtiments au jour de la demande en justice, mais bien de remonter dans le temps pour s’arrêter à l’époque où le mur a été érigé.

Dans un arrêt du 8 mars 1989, la Cour de cassation a jugé en ce sens que le propriétaire du mur litigieux l’avait écrêté dix années auparavant et que le faîtage de ce mur est à double il y avait lieu de « rechercher si la nouvelle configuration du sommet était conforme à celle adoptée à l’origine et si la participation ou l’accord du propriétaire voisin avait été sollicité pour la réalisation de cette modification » (Cass. 3e civ. 8 mars 1989, n°87-17821).

Aussi, s’il est démontré que, à l’époque de l’édification du mur les propriétaires des fonds contigus avaient exclu de le rendre mitoyen, le jeu de la présomption édictée à l’article 653 du Code civil s’en trouve paralysé.

À l’inverse, elle produira tous ses pleins effets, s’il est établi que la mitoyenneté avait été décidé dès l’origine, alors même que l’un des bâtiments n’existe plus depuis lors.

==> Renversement de la présomption

À l’instar de l’article 666 du Code civil, siège de la présomption générale de mitoyenneté, l’article 653 prévoit que la présomption spéciale de mitoyenneté joue qu’autant qu’elle n’est pas contredite par un titre ou une marque contraire.

S’agissant d’un titre, il est indifférent qu’il s’agisse d’un acte déclaratif, translatif ou encore abdicatif ou encore qu’il émane d’une seule ou des deux parties.

Quant à la prescription, il devra être démontré une possession caractérisée dans tous ses éléments constitutifs et utile. Cette possession pourra fonder tout autant une acquisition de la mitoyenneté par usucapion, qu’une appropriation exclusive du mur par l’un des propriétaires.

La présomption de mitoyenneté peut, enfin, être combattue par l’établissement de marques de non-mitoyenneté, telles que prévues à l’article 654 du Code civil.

b) Les présomptions de non-mitoyenneté

Si le Code civil a édicté des présomptions de mitoyenneté afin de faciliter l’office du juge dans l’appréciation des preuves qui lui sont rapportées, il a également énoncé des présomptions de non-mitoyenneté qui, lorsque les conditions sont réunies, permettre de combattre leurs opposées.

Ces présomptions de non-mitoyenneté ne sont toutefois pas irréfragables : elles peuvent toujours être renversées sous l’effet d’un titre ou de la prescription acquisitive, de sorte que si elles figurent en bonne place dans la hiérarchie des modes de preuve, elles ne se situent pas à son sommet.

Ainsi que l’écrivait le Doyen Carbonnier, elles visent à conférer une valeur probatoire à « des détails de construction qui donnent à penser que le mur a été élevé par un seul des deux voisins car, suivant l’usage, un mur privatif n’est pas construit de la même manière qu’un mur mitoyen ».

Les présomptions de mitoyenneté sont énoncées à l’article 654 du Code civil lorsque c’est la mitoyenneté d’un mur qui est discutée et à l’article 666 pour les fossés.

i) Les présomptions de non-mitoyenneté des murs ( 654 C. civ.)

Si, les présomptions de non-mitoyenneté des murs sont d’abord édictées par l’article 654 du Code civil, la jurisprudence a estimé que la liste énoncée par ce texte ne présentait aucun caractère limitatif.

Aussi s’est-elle autorisée à en édicter en dehors de l’article 654, les juges du fond disposant en la matière d’un pouvoir souverain d’appréciation.

==> Les présomptions de non-mitoyenneté visées par l’article 654 du Code civil

L’article 654 du Code civil envisage trois marques de non-mitoyenneté des murs :

==> Les présomptions de non-mitoyenneté édictées en dehors de l’article 654 du Code civil

La question s’est posée en doctrine et en jurisprudence du caractère limitatif de la liste des marques de non-mitoyenneté établie à l’article 654 du Code civil.

Si, une partie de la doctrine, confortée par certaines décisions, a avancé que cette liste devait être interprétée restrictivement, ce qui excluait la reconnaissance de marques de non-mitoyenneté en dehors de celles énumérés par le texte, très tôt, la jurisprudence s’est prononcée dans le sens contraire (V. en ce sens Cass. req. 12 nov. 1902).

Dans un arrêt du 1er mars1961, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « les énonciations de l’article 654 du code civil n’ont pas un caractère limitatif » (Cass. 1ère civ. 1er mars 1961).

Dans un arrêt du 23 juin 2016 la troisième chambre a précisé que les juges du fond disposaient, en la matière d’un pouvoir souverain d’appréciation, raison pour laquelle ils sont autorisés à déduire des éléments de preuve versés aux débats « l’existence d’une marque de non-mitoyenneté de nature à écarter la présomption de l’article 653 du code civil » (Cass. 3e civ. 23 juin 2016, n°15-14741).

Aussi, pour exemple, les juridictions ont admis comme marques de non-mitoyenneté, en dehors de l’article 654 du Code civil :

ii) Les présomptions de non-mitoyenneté des fossés ( 666 C. civ.)

L’article 666, al. 2e du Code civil dispose que « pour les fossés, il y a marque de non-mitoyenneté lorsque la levée ou le rejet de la terre se trouve d’un côté seulement du fossé. »

L’alinéa 3 précise que « le fossé est censé appartenir exclusivement à celui du côté duquel le rejet se trouve. »

Par levée, il faut entendre un amas de terre placé sur les bords du fossé, ordinairement pour retenir l’eau qu’il contient.

Quant au rejet, est ici visée l’hypothèse où l’on jette de la terre hors du fossé, soit en creusant, soit en le curant, laquelle terre sert à former une levée.

Une fois encore, le législateur voit dans la présence d’une levée ou d’un rejet de terre que d’un seul côté du fossé une marque de non-mitoyenneté. Puisqu’un seul propriétaire jette de son côté les terres qui sont retirées du fossé, il est vraisemblable que ce fossé n’appartienne qu’à lui seul.

À l’inverse, si le jet ou la levée se trouve des deux côtés ou s’il y a l’apparence de jet ni d’un côté, ni de l’autre, et que les deux bords du fossé soient unis, il n’y a pas lieu de faire jouer la présomption de non-mitoyenneté.

C’est alors la présomption posée à l’alinéa 1er de l’article 666 qui a vocation à produire tous ses effets, à la condition toutefois que les deux fonds soient en état de clôture.

2. La hiérarchisation des modes de preuve

Plusieurs modes de preuves sont admis pour déterminer si un élément séparatif entre deux fonds présente ou non un caractère mitoyen.

La question qui alors se pose est de savoir quelle preuve prime sur l’autre en cas de litige porté devant le juge, celui-ci disposant, en tout état de cause, d’un pouvoir souverain d’appréciation.

Il s’infère des différents textes traitant de la mitoyenneté qu’une hiérarchisation des modes de preuve peut être établie, laquelle repose sur la force probante conférée à chacun d’eux.

==> La prescription acquisitive

La prescription acquisitive se trouve au sommet de la hiérarchie lorsqu’elle est caractérisée dans tous ses éléments constitutifs et qu’elle n’est affectée par aucun vice.

Ce mode de preuve prime sur le titre qui, s’il est assorti d’une force probante importante, ne permet pas d’établir, avec certitude, la mitoyenneté d’un élément séparatif.

En effet, le titre ne constitue jamais une preuve irréfutable de mitoyenneté car il n’est pas exclu que la chaîne translative de propriété comporte une irrégularité et, de ce fait, ait été rompue.

À l’inverse la prescription, lorsqu’elle est acquise, permet d’établir la mitoyenneté du mur ou son appropriation exclusive. Seule contrainte pour le propriétaire qui s’en prévaut : démontrer que les conditions de mise en œuvre ce mode de preuve sont réunies.

==> Le titre

Bien que le titre ne soit pas situé au sommet de la hiérarchie des modes de preuves en matière de mitoyenneté, cela ne signifie pas, pour autant, qu’il est dénué de toute valeur probante.

Bien au contraire. Ainsi que l’observent des auteurs « un titre régulier et publié rend hautement vraisemblable le droit revendiqué et permet au juge, sauf circonstances particulières, de reconnaître à son titulaire, selon la formule d’Aubry et Rau, un droit meilleur et plus probable »[9].

Autrement dit, si le titre ne permet pas de prouver avec certitude la titularité de la mitoyenneté, il fournit une présomption dont la valeur probante est suffisamment forte pour emporter, à elle seule, la conviction du juge, à plus forte raison si le titre est commun aux deux parties.

La jurisprudence considère à cet égard que, lorsqu’il émane des deux parties, le titre prime les présomptions légales de mitoyenneté et de non-mitoyenneté (V. en ce sens Cass, 1ère civ. 6 févr. 1967).

Si, en revanche, le titre émane d’une seule partie, il n’aura la valeur que d’une présomption du fait de l’homme, ce qui implique qu’il aura la même force probante que les éléments de fait susceptibles de corroborer les présomptions légales de mitoyenneté instituées par les articles 653 et 666 du Code civil.

==> Les présomptions spéciales de non-mitoyenneté

Selon la doctrine majoritaire, les présomptions de non-mitoyenneté, tirées de la lettre de l’article 654 du Code civil ou d’une interprétation extensive, l’emportent sur les présomptions de mitoyenneté dans la mesure où les premières sont spéciales, tandis que les secondes sont générales[10].

C’est là une application du principe selon lequel la loi spéciale déroge toujours à la loi générale. Reste que, en la matière, le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation l’autorisant à ne pas s’expliquer sur les éléments de preuve qu’ils décident de retenir ou d’écarter pour déterminer la mitoyenneté ou la non-mitoyenneté d’un élément séparatif (Cass. 3e civ. 8 déc. 2004, n°03-15541).

Aussi, les marques de non-mitoyenneté devront être suffisamment caractérisées et établies pour emporter la conviction du juge. À défaut, il pourra se déterminer en s’appuyant sur les présomptions générales de mitoyenneté.

==> Les présomptions générales de mitoyenneté

Par hypothèse, les présomptions de mitoyenneté édictées aux articles 653 et 666 du Code civil n’ont vocation à s’appliquer que faute de preuve préférable en rang.

Aussi, ce n’est qu’en l’absence de prescription, de titre et de marque de non-mitoyenneté que les présomptions générales de mitoyenneté pourront produire leurs effets.

À cet égard, la Cour de cassation est venue préciser dans un arrêt du 29 janvier 2000, « dans le doute, il devait être tranché en faveur de la mitoyenneté en vertu de la présomption de mitoyenneté posée par l’article 653 du Code civil et constaté que le mur en parpaings avait été édifié sur la moitié de cet ancien mur » (Cass. 3e civ., 29 nov. 2000, n° 99-10409)

II) Les effets de la mitoyenneté

A) Les droits conférés par la mitoyenneté aux copropriétaires

  1. Le droit général d’usage

Bien que les textes qui traitent de la mitoyenneté et plus précisément des droits des copropriétaires ne le disent pas, il est admis qu’elle leur confère un droit général d’usage sur le bien qui sépare leurs héritages respectifs.

Ainsi que l’expriment des auteurs « chaque copropriétaire est en droit de tirer du mur mitoyen toutes sortes d’utilités, pourvu que celles- ci n’empêchent pas l’autre copropriétaire d’exercer le même droit et sous la réserve de ne pouvoir pratiquer d’ouvertures dans le mur »[11].

Ce droit d’usage, qui est un droit réel, présente les mêmes caractères que le droit de propriété, en ce sens qu’il est exclusif, absolu et perpétuel.

S’agissant de l’exclusivité du droit d’usage, elle confère aux copropriétaires un monopole quant à l’usage de la face du mur située de leur côté.

Par exclusif, il faut, en effet, entendre, ce qui exclut de tout partage. Appliqué au droit d’usage, cela signifie qu’il confère à son titulaire le pouvoir de s’opposer à toute immixtion d’un tiers et d’empêcher autrui de s’en servir.

Chaque copropriétaire est donc seul maître de sa partie du mur dont il retire les utilités à titre privatif.

Ces derniers peuvent, ainsi, faire usage de la face donnant sur leur fonds comme s’ils en étaient propriétaires à titre individuel. Le copropriétaire de la face opposée ne peut donc, ni interdire, ni imposer à son voisin qu’il affecte son côté du mur à une destination particulière.

À cet égard, il peut être observé que la mitoyenneté confère aux copropriétaires un droit d’usage plus étendu sur leur partie de l’élément séparatif que celui dont ils seraient titulaires en cas d’indivision.

Ils sont notamment autorisés à accomplir des actes en considération de leur seul intérêt personnel sans avoir à tenir compte de l’intérêt collectif, sinon celui qui intéresse la destination commune du mur.

S’agissant de l’absoluité du droit d’usage, elle implique que chaque copropriétaire peut faire tout ce qu’il lui sied de sa partie du mur pourvu que ce ne soit pas prohibé par les lois et les règlements et que l’usage qui en fait ne porte pas atteinte aux droits de son voisin.

Ils sont ainsi autorisés à faire usage du mur pour y apposer des affiches, panneaux publicitaires, pour y faire courir de la vigne vierge, pour apposer un revêtement, un enduit, des panneaux photovoltaïques ou encore pour y fixer des éléments de décorations ou des instruments.

S’agissant de la perpétuité du droit d’usage, elle implique que ce droit, à l’instar de la propriété, ne se perd pas par le non-usage.

C’est là une différence entre la mitoyenneté et l’indivision, cette dernière étant, par nature, une situation temporaire qui donc n’a pas vocation à se prolonger dans le temps.

2. Les droits spéciaux

Il convient ici de distinguer selon que l’élément séparatif est un mur ou consiste en une autre forme de clôture

2.1. L’élément séparatif est un mur

a) Droit d’appui d’une construction

Un mur mitoyen n’a pas seulement vocation à servir de clôture aux deux fonds qu’il sépare, il est également susceptible de remplir la fonction de point d’appui et d’ancrage pour une construction.

Cette autre fonction du mur ne peut toutefois procurer une utilité qu’à son seul propriétaire. En effet, l’appui ou l’adossement d’une construction appartenant à autrui contre un mur non mitoyen s’analyse en un empiétement du droit de propriété (V. en ce sens Cass. 3e civ. 9 juin 1982).

Dans un arrêt du 4 janvier 1973, la Cour de cassation a, par exemple, censuré une Cour d’appel qui avait jugé régulière une construction adossée à un mur privatif, « sans rechercher si avant d’appuyer sa construction contre le mur litigieux, [le constructeur] avait sollicité et obtenu le consentement de ses voisins et sans s’assurer que le nouvel ouvrage n’était pas nuisible aux droits du voisin » (Cass. 3e civ. 4 janv. 1973, n°71-12119)

Aussi, l’acquisition de la mitoyenneté représente bien souvent un enjeu pour le propriétaire du fonds voisin qui souhaite bâtir.

Lorsque le mur est mitoyen, si les copropriétaires sont autorisés, par principe, à y adosser une construction, le Code civil assortit néanmoins cette faculté d’un tempérament qui vise à prévenir les éventuelles atteintes portées aux droits de l’autre.

Il ne faudrait pas, en effet, qu’en y appuyant une construction, un copropriétaire prive son voisin d’une utilité qu’il serait légitimement en droit d’attendre du mur mitoyen.

i) Principe

L’article 657 du Code civil prévoit que « tout copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen, et y faire placer des poutres ou solives dans toute l’épaisseur du mur, à cinquante-quatre millimètres près, sans préjudice du droit qu’a le voisin de faire réduire à l’ébauchoir la poutre jusqu’à la moitié du mur, dans le cas où il voudrait lui-même asseoir des poutres dans le même lieu, ou y adosser une cheminée. »

Cette disposition confère ainsi aux copropriétaires d’un mur mitoyen le droit d’en faire usage comme d’un point d’ancrage pour « des poutres ou solives » et ce « dans toute l’épaisseur du mur ».

Cet usage du mur mitoyen est néanmoins soumis à l’observation de règles de l’art précisées par le texte :

Outre ces règles de l’art posées par l’article 657 du Code civil, le constructeur devra composer avec les contraintes énoncées à l’article 662 lequel exige notamment, en cas d’adossement d’un ouvrage contre le mur mitoyen d’obtenir l’accord préalable du copropriétaire.

ii) Tempérament

L’article 662 du Code civil prévoit que « l’un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d’un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l’autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l’autre. »

En première approche, la lecture de cette disposition n’est pas sans interpeller quant à son articulation avec l’article 657 du Code civil.

Les deux textes posent, en effet, des principes qui apparaissent contradictoires : tandis que l’article 657 autorise un copropriétaire d’adosser une construction contre le mur mitoyen sans qu’il lui soit nécessaire d’obtenir l’accord préalable de son voisin, l’article 662 suggère le contraire.

La question qui alors se pose est de savoir comment concilier ces deux dispositions. Cette interrogation n’est pas sans avoir suscité de nombreux débats en doctrine.

L’interprétation qui a finalement été retenue par la majorité des auteurs est de dire que les règles énoncées par les articles 657 et 662 du Code civil ne sont nullement contradictoires.

Tandis que le premier de ces textes poserait un principe général autorisant les copropriétaires à librement bâtir contre le mur mitoyen, le second exigerait l’obtention préalable du consentement du voisin pour les travaux qui seraient de nature à porter atteinte à ses droits.

À l’analyse, afin de déterminer si la réalisation de telle ou telle construction contre le mur mitoyen exige l’obtention d’un accord du voisin, la jurisprudence distingue selon que les travaux entrepris sont ou non de nature à affecter la solidité du mur.

==> Les travaux de construction affectent la solidité du mur

Lorsque les installations faites sur un mur mitoyen compromettent la solidité du mur ou créent pour le fonds voisin une véritable incommodité les juges auront tendance à considérer qu’il y a lieu de faire application de l’article 662 du Code et que, par voie de conséquence, le consentement du voisin est requis.

Tel sera notamment le cas pour l’adossement ou l’appui d’un ouvrage, ces techniques ayant pour effet d’exercer une pression sur le mur et donc de provoquer potentiellement des dommages (Cass. 3e civ. 6 mars 1973).

En cas de refus du voisin, l’article 662 prévoit qu’il y a lieu de faire « régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l’autre. »

Cet expert pourra être désigné par voie d’ordonnance sur requête ou de référé, l’expertise devant, en tout état de cause, être réalisée au contradictoire des deux copropriétaires.

Reste que, en cas d’adossement d’un ouvrage contre le mur mitoyen par un copropriétaire au mépris des règles posées par l’article 662, cette situation ne s’analysera nullement comme un empiétement dans la mesure où, par hypothèse, il n’est pas sans droit ni titre.

Dans ces conditions, la sanction encourue ne saurait consister en une démolition systématique sans possibilité pour le juge de la modérer.

Aussi, pour la Cour de cassation, le choix de la sanction à prononcer relève du pouvoir souverain des juges du fond auxquels il revient d’adapter la mesure à prendre en fonction de la gravité de l’atteinte portée aux droits du voisin

Dans un arrêt du 19 juin 1973 la troisième chambre civile a validé en ce sens la décision d’une Cour d’appel qui, après avoir « constaté que les travaux reprochés [aux copropriétaires] avaient été effectués contrairement aux dispositions des articles 662 et 675 du code civil, n’a fait qu’user du pouvoir souverain dont elle disposait pour apprécier si la démolition des ouvrages faits dans le mur mitoyen sans l’observation des mesures imposées par les textes susvisés devait être ou non ordonnée » (Cass. 3e civ. 19 juin 1973, n°72-13096).

La sanction encourue peut, de la sorte, consister tout autant en une modification de l’ouvrage qu’en une démolition. Le juge peut encore opter pour une condamnation au paiement de dommages et intérêts, à la condition que le demandeur justifie d’un préjudice (Cass. 3e civ. 28 mai 1979).

Dans l’hypothèse où la construction ne compromettrait pas la solidité du mur, ni ne créerait d’incommodité pour le voisin, aucune sanction ne saurait être prononcée à l’encontre du constructeur, celui-ci agissant dans le cadre, non plus de l’article 662 du Code civil, mais de l’article 657.

==> Les travaux de construction n’affectent pas la solidité du mur

Lorsque les travaux de construction entrepris sont de faible importance et n’affectent pas la solidité du mur mitoyen, le constructeur pourra agir librement (Cass. 3e civ. 22 févr. 1977).

Des auteurs observent en ce sens que « pour des travaux ne comportant ni dommage, ni inconvénient pour le voisin, le copropriétaire qui s’est abstenu de se conformer à la prescription de l’article 662 n’encourt aucune sanction »[12].

Tel sera le cas, par exemple, lorsque les travaux consisteront à pratiquer un enfoncement de poutres ou de solives dans le mur ou encore un percement.

L’auteur de ces travaux sera néanmoins tenu d’observer les règles de l’art prescrites à l’article 657 du Code civil et notamment veiller à ce que les poutres ou solives soient positionnées à plus de 54 millimètres de l’extrémité du mur.

b) Droit d’exhaussement

Une fois le mur mitoyen édifié, les dimensions que lui ont données ses constructeurs ne sont pas intangibles, en particulier pour ce qui est de sa hauteur.

Les rédacteurs du Code civil ont, en effet, conféré à chaque copropriétaire un droit à l’exhaussement du mur.

Parce qu’il s’agit là d’une faculté susceptible d’être exercée discrétionnairement par chacun d’eux, le copropriétaire est investi du droit, en contrepartie, d’acquérir la mitoyenneté de la partie du mur exhaussée.

b.1. Le droit de procéder discrétionnairement à l’exhaussement du mur

i) L’exercice du droit à l’exhaussement du mur

==> Principe

L’article 658 du Code civil prévoit que « tout copropriétaire peut faire exhausser le mur mitoyen ». Par exhaussement, il faut entendre l’action d’augmenter la hauteur du mur, soit de le surélever.

Ce droit à l’exhaussement est reconnu de façon symétrique à chaque copropriétaire, étant précisé qu’il s’agit d’un droit discrétionnaire.

Autrement dit, il peut être exercé sans que le constructeur n’ait à fournir de motifs, ni que le voisin ne puisse s’y opposer ou être sollicité pour exprimer son avis sur les modalités de mise en œuvre de l’opération.

La jurisprudence considère, à cet égard, que l’exhaussement, bien qu’il consiste à prendre appui sur le mur pour y incorporer un ouvrage, ne s’analyse pas en un adossement qui relèverait de l’article 662 du Code civil (V. en ce sens Cass. 3e civ. 12 avr. 1972).

Il en résulte que le constructeur n’est nullement tenu d’obtenir le consentement de son voisin préalablement à la réalisation des travaux d’exhaussement du mur.

Il devra seulement s’assurer que le mur qu’il entend exhausser est mitoyen afin de ne pas encourir la sanction attachée à la situation d’empiétement.

Dans un arrêt du 22 mars 2006, la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait refusé d’accéder à la demande de démolition d’un exhaussement, alors même que celui-ci avait été réalisé sur la base d’une partie privative du mur.

Si la base de ce mur était mitoyenne, celui-ci avait néanmoins fait l’objet d’un premier exhaussement demeuré privatif faute d’acquisition de la mitoyenneté par les copropriétaires du second exhaussement.

Aussi, pour la troisième chambre civile, construire un exhaussement sur l’exhaussement appartenant privativement à des copropriétaires s’analyse en un empiétement susceptible de justifier la démolition de la partie de l’ouvrage édifié en violation de leur droit de propriété (Cass. 3e civ., 22 mars 2006, n° 05-10093).

Cass. 3e civ., 22 mars 2006
Sur le moyen unique :

Vu l'article 545 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 octobre 2004), que Mme X..., propriétaire d'un immeuble séparé de celui appartenant aux consorts B... par un mur mitoyen, a, en 1989, fait rehausser ce mur et édifier un garage dont la toiture recouvrait l'exhaussement ainsi réalisé ;

qu'en 1994, les consorts B... ont construit un hangar prenant appui sur le mur qu'ils ont à leur tour fait rehausser, en "découpant" la partie de la toiture du garage de Mme X... qui le surplombait ; que Mme X... a assigné les consorts B... pour obtenir la démolition de ce second exhaussement et la remise en l'état du toit ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande, l'arrêt retient que les documents techniques produits aux débats ne font pas apparaître que l'un ou l'autre des exhaussements serait dangereux pour la solidité du mur, que les dispositions de l'article 660 du Code civil permettent à un voisin qui n'a pas contribué à l'exhaussement d'un mur mitoyen d'acquérir la mitoyenneté de cette partie du mur, que les époux B... déclarent vouloir acquérir la mitoyenneté et qu'à raison de la solution retenue quant à la propriété de cet exhaussement, il ne peut être fait droit à la demande de démolition et de remise en état formulée par Mme X... sur le fondement de l'article 545 du Code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le fait de découper la toiture de l'immeuble de Mme X... et de construire un exhaussement sur l'exhaussement appartenant privativement à ces derniers portait atteinte à leur droit de propriété, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté la demande des consorts B... d'acquérir la mitoyenneté de l'exhaussement réalisé par Mme X..., fixé la valeur de cette acquisition à la moitié de la somme de 650 euros et débouté Mme X... de sa demande en démolition et en remise en état antérieur du mur et de la toiture, l'arrêt rendu le 5 octobre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

==> Mise en œuvre

Dès lors que l’exhaussement du mur ne réalise aucun empiétement sur le fonds voisin, le constructeur dispose d’une relativement grande liberté pour mener à bien l’opération.

Il a, en effet, la faculté de recourir aux matériaux de son choix, tout autant qu’il peut exhausser à la hauteur qui lui convient. Il ne sera limité dans son entreprise que par les règles d’urbanisme qui sont d’ordre public.

Quant au coût de l’exhaussement du mur, l’article 658 du Code civil précise que c’est au constructeur qu’il revient de le prendre intégralement en charge.

==> Limites

Le droit à l’exhaussement connaissait deux limites qui tiennent, d’une part à l’abus de droit, d’autre part, à la capacité du mur à supporter un exhaussement, enfin au respect des servitudes.

ii) Les effets du droit à l’exhaussement du mur

L’exhaussement d’un mur mitoyen produit deux effets :

?: Caractère privatif de la partie du mur exhaussé

En cas d’exhaussement d’un mur mitoyen, la partie surélevée est la propriété exclusive du constructeur.

La règle s’infère de l’article 660 du Code civil qui confère au voisin le droit d’acquérir la mitoyenneté du mur.

Aussi, le mur demeure mitoyen pour sa partie inférieure et devient privatif pour la partie exhaussée. Parce que cette partie du mur est la propriété exclusive du copropriétaire qui l’a édifiée, il est investi des mêmes prérogatives qu’un propriétaire.

Il est notamment autorisé pratiquer dans le mur des jours de souffrance et des vues dans le respect des règles énoncées aux articles 676 et suivants du Code civil (V. fiche sur les servitudes relatives aux ouvertures).

?: Obligation de supporter le coût d’entretien lié à l’exhaussement

Le droit à l’exhaussement d’un mur mitoyen n’est pas conféré aux copropriétaires sans contrepartie.

L’article 658 du Code civil oblige, en effet, le constructeur à :

==> L’obligation de supporter les coûts d’entretien et de réparation liés à l’exhaussement du mur

Le constructeur a l’obligation de supporter les coûts d’entretien et de réparation qui intéressent, tant la partie exhaussée du mur, que la partie mitoyenne.

==> L’obligation de réparer les conséquences des troubles causés par l’exhaussement du mur

L’article 658 du Code civil prévoit que le copropriétaire à l’initiative de l’exhaussement doit « rembourser au propriétaire voisin toutes les dépenses rendues nécessaires à ce dernier par l’exhaussement. »

Il s’agit ici de dédommager le voisin pour le préjudice résultant des troubles causés par l’exhaussement du mur indépendamment des frais d’entretien et de réparation du mur qui sont d’ores et déjà mis à la charge du constructeur.

Ainsi, le copropriétaire qui subit l’exhaussement peut solliciter une indemnité en réparation des incommodités créées par les travaux ou encore pour la détérioration d’une partie de son fonds consécutivement aux opérations menées.

À cet égard, le texte précise que seules « les dépenses rendues nécessaires » ont vocation à être prises en charge par le constructeur.

Aussi, pour que le préjudice dont se prévaut le voisin puisse donner lieu à indemnisation, il lui faudra établir l’existence d’un lien de causalité entre les troubles qu’il dénonce et les travaux d’exhaussement du mur.

La Cour de cassation a rappelé cette exigence dans un arrêt du 28 juin 1967 aux termes duquel elle a affirmé que « le propriétaire voisin peut prétendre au remboursement des frais de transformation ou de surélévation des cheminées placées à proximité du mur, dès lors qu’il y a relation de cause à effet entre l’exhaussement de celui-ci et le mauvais fonctionnement des cheminées » (Cass. 3e civ. 28 juin 1967).

b.2. Le droit d’acquérir la mitoyenneté de la partie exhaussée du mur

L’article 660 du Code civil dispose que « le voisin qui n’a pas contribué à l’exhaussement peut en acquérir la mitoyenneté en payant la moitié de la dépense qu’il a coûté et la valeur de la moitié du sol fourni pour l’excédent d’épaisseur, s’il y en a. »

Tout autant que les copropriétaires d’un mur mitoyen sont titulaires d’un droit à l’exhaussement qu’ils peuvent exercer discrétionnairement, le voisin qui subit cet exhaussement se voit conférer la faculté d’en acquérir la mitoyenneté.

Il s’agit ici d’un prolongement de la règle énoncée à l’article 661 du Code civil qui, pour mémoire, prévoit que « tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de la dépense qu’il a coûté, ou la moitié de la dépense qu’a coûté la portion du mur qu’il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. »

La mitoyenneté de la partie du mur exhaussée peut, en effet, s’acquérir par voie de cession forcée, en ce sens que le copropriétaire qui était à l’initiative de l’exhaussement ne peut refuser à son voisin l’exercice de cette faculté qui est discrétionnaire.

La cession forcée de la partie surélevée du mur ne peut toutefois être exigée que moyennant une indemnisation du constructeur qui, en application de l’article 658 du Code civil, est censé avoir supporté intégralement le coût des travaux d’exhaussement.

Cette indemnisation consistera à payer :

Le texte précise que « la dépense que l’exhaussement a coûté est estimée à la date de l’acquisition, compte tenu de l’état dans lequel se trouve la partie exhaussée du mur. »

2.2. L’élément séparatif n’est pas un mur

a) Droit à la perception des fruits et produits retirés d’une haie

Les rédacteurs du Code civil ont envisagé aux articles 669 et 670 le sort des fruits et produits susceptible d’être retirés d’une haie mitoyenne composée d’arbres et d’arbustes.

Ces dispositions distinguent selon que la haie est vivante ou morte :

b) Droit de destruction de la haie ou du fossé jusqu’à la limite de propriété

==> Les haies

L’article 668 du Code civil prévoit que « le copropriétaire d’une haie mitoyenne peut la détruire jusqu’à la limite de sa propriété, à la charge de construire un mur sur cette limite. »

S’il est ainsi permis pour le copropriétaire d’une haie mitoyenne de la détruire pour la partie qui est plantée sur son fonds, c’est à la condition qu’il édifie un mur à ses frais.

Dans l’hypothèse où il détruirait l’intégralité de la haie et notamment la partie située sur le fonds voisin, il s’exposerait à une condamnation au remboursement des frais nécessaires à la plantation d’une nouvelle haie ainsi que ceux engendrés par la réalisation d’opérations de bornage et d’arpentage.

==> Les fossés

L’article 668 prévoit pour les fossés la même règle que celle énoncée pour les haies, à savoir que chaque copropriétaire a la faculté de détruire le fossé mitoyen jusqu’à la limite de sa propriété, à la charge de construire un mur sur cette limite.

Le texte précise néanmoins que cette règle ne vaut que pour un « fossé mitoyen qui ne sert qu’à la clôture ». Autrement dit, la faculté de destruction du fossé est écartée, lorsque celui-ci sert à l’écoulement des eaux.

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser que cette interdiction prime sur le droit de se clore dont l’exercice est paralysé (CA Toulouse, 3 jull. 1985).

B) Les obligations résultant de la mitoyenneté qui pèsent sur les copropriétaires

La mitoyenneté n’est pas seulement source de droits, elle fait corrélativement peser sur chaque copropriétaire des charges qui se composent d’obligations et d’interdictions.

Parce qu’il s’agit de charges réelles, leur sort est attaché, non pas à la situation personnelle des copropriétaires, mais à la situation de la chose.

Il en résulte qu’elles se transmettent aux propriétaires successifs des fonds séparés par la clôture mitoyenne.

  1. L’obligation d’entretien et de conservation

L’article 655 du Code civil prévoit que « la réparation et la reconstruction du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit, et proportionnellement au droit de chacun. »

Il ressort de cette disposition que pèse sur chaque copropriétaire une obligation générale d’entretien et de conservation du mur mitoyen.

Si, en principe, les dépenses exposées pour l’exécution de cette obligation sont réparties entre les copropriétaires, il est des cas où elles peuvent être supportées par seulement l’un d’eux

==> Principe

L’article 655 du Code civil prévoit qu’il appartient à chaque propriétaire de contribuer aux dépenses engendrées par les travaux d’entretien et de conservation de l’élément séparatif à proportion de leur droit, soit à concurrence de la moitié.

La copropriété conférant les mêmes droits aux copropriétaires il est normal que les dépenses exposées pour l’entretien, la réparation et la conservation du bien commun soient partagées équitablement.

Ainsi que l’observent des auteurs « l’obligation de contribuer aux dépenses est subordonnée au caractère réellement nécessaire de celles-ci, compte tenu de la destination du mur »[13].

Autrement dit, les travaux à engager doivent être commandés par le mauvais état du mur pour justifier une répartition de la contribution entre chaque copropriétaire.

Si la dépense exposée répond à une convenance personnelle d’un seul copropriétaire, elle devra être supportée par lui seul.

Les juridictions disposent, en la matière, d’un pouvoir souverain pour apprécier l’opportunité de la dépense.

==> Exceptions

Il est des cas où, par exception à la règle posée à l’article 655 du Code civil, les frais d’entretien et de conservation de l’élément séparatif devront être supportés par un seul copropriétaire.

Plusieurs situations peuvent être envisagées :

2. L’interdiction de pratiquer des ouvertures

==> Principe

L’article 675 du Code civil dispose que « l’un des voisins ne peut, sans le consentement de l’autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre ou ouverture, en quelque manière que ce soit, même à verre dormant. »

Lorsqu’ainsi, les deux fonds contigus sont séparés par un mur mitoyen, il est fait interdiction aux propriétaires de percer des ouvertures, quelle que soit leur nature.

Tant la création de jours, que de vues suppose l’obtenir l’accord du propriétaire du fonds voisin. Pour mémoire, le mur mitoyen est celui qui est détenu en copropriété par les propriétaires de deux fonds contigus et qui, ensemble, exercent des droits (ex. appui d’un bâtiment) et supportent des charges (entretien) soumis à un régime spécial pour leur acquisition et leur preuve.

C’est l’existence de cette copropriété entre voisins qui fait obstacle à la possibilité de percer des ouvertures à discrétion. Admettre le contraire, reviendrait à empêcher, en cas d’ouverture, l’un des propriétaires à exercer son droit d’appuyer une construction ou des plantations sur le mur mitoyen.

Or l’article 657 du Code civil prévoit que « tout copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen, et y faire placer des poutres ou solives dans toute l’épaisseur du mur, à cinquante-quatre millimètres près, sans préjudice du droit qu’a le voisin de faire réduire à l’ébauchoir la poutre jusqu’à la moitié du mur, dans le cas où il voudrait lui-même asseoir des poutres dans le même lieu, ou y adosser une cheminée. »

Afin de préserver les droits des copropriétaires d’un mur mitoyen, il a donc été posé un principe général d’interdiction de création d’ouverture dans cette catégorie de murs.

Le non-respect de cette interdiction s’apparenterait à un empiétement sanctionné alors par la suppression de l’ouverture réalisée (V. en ce sens Cass. 3e civ. 25 mars 2015, n°13-28137).

Cass. 3e civ. 25 mars 2015
Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 675 du code civil ;

Attendu que l'un des voisins ne peut, sans le consentement de l'autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre ou ouverture, en quelque manière que ce soit, même à verre dormant ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 11 mars 2013), que M. et Mme Y... ont fait édifier à la bordure de leur fonds et de celui de leur voisin, M. X..., un mur dans lequel ils ont intégré un dispositif d'ouverture consistant en deux châssis basculants et comportant une ventilation ; que M. X..., se fondant sur le caractère mitoyen de ce mur les a assignés en suppression de ce dispositif ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que le mur est mitoyen mais que l'installation de M. et Mme Y... garantit une discrétion suffisante ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que l'installation constituée de châssis basculants réalisait une ouverture prohibée par l'article 675 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi incident qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de suppression d'ouvertures de M. X..., l'arrêt rendu le 11 mars 2013 entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom autrement composée ;

==> Exceptions

Le principe d’interdiction de percement d’une ouverture dans un mur mitoyen est assorti de plusieurs exceptions :

En dehors de ces cas, le percement d’une ouverture dans un mur mitoyen demeure strictement interdit, sous peine de remise en état du mur (Cass. 3e civ. 10 juill. 1996, n°94-16357).

III) L’extinction de la mitoyenneté

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que, à l’instar du droit de propriété, la mitoyenneté ne se perd pas par le non-usage, ce qui signifie que le temps est sans effet sur le statut de l’élément séparatif qui, sauf à ce qu’il soit approprié à titre privatif par l’un des copropriétaires, demeure commun (V. en ce sens Cass. 3e civ. 19 févr. 1985).

Reste que bien que le Code civil soit relativement silencieux sur l’extinction de la mitoyenneté, elle peut avoir plusieurs causes.

A) L’extinction de la mitoyenneté pour cause d’appropriation privative de l’élément séparatif

Première cause de disparition de la mitoyenneté, elle peut cesser lorsque l’élément séparatif fait l’objet d’une appropriation privative.

Il est parfaitement envisageable qu’un copropriétaire cède à son voisin son droit, ce qui aurait pour effet de l’investir d’un droit de propriété exclusif sur la clôture.

Il en va de même en cas d’acquisition par voie de prescription, ce qui suppose que celui qui se prévaut d’un droit exclusif sur le mur justifie d’une possession caractérisée dans tous ses éléments constitutifs et utile.

B) L’extinction de la mitoyenneté pour cause d’interposition d’une voie publique entre les deux fonds contigus

La mitoyenneté peut avoir pour cause le rattachement de l’un des fonds au domaine public.

S’il n’est pas exclu qu’un mur séparant le domaine public du domaine public puisse être mitoyen, il est admis que la mitoyenneté cesse en cas d’interposition de la voie publique entre les deux héritages initialement contigus.

Dans un arrêt du 28 mars 1966, la Cour de cassation a néanmoins précisé que « si la mitoyenneté suppose l’existence d’héritages contigus et cesse avec ses effets propres sur tous les points ou la contiguïté des héritages n’existe plus, la cessation de cet état laisse subsister le droit de copropriété » (Cass. 3e civ. 28 mars 1966).

Il ressort de cette décision que, nonobstant la disparition de la mitoyenneté pour cause d’expropriation fondée sur une mesure d’alignement, le propriétaire du fonds partiellement exproprié ne perd pas sa qualité de copropriétaire du mur initialement mitoyen.

La conséquence en est qu’il est peut s’opposer à ce que la destination de l’élément séparatif soit modifiée ou qu’il en soit fait usage pour servir de support à des panneaux d’affichage publicitaire.

Tel était le sens de la décision rendue par la Cour de cassation en 1966, laquelle a réaffirmé sa position dans un arrêt du 18 mai 1994.

Aux termes de cet arrêt, elle a jugé que « la mitoyenneté supposant l’existence de deux immeubles contigus, lorsque l’un d’eux disparaît, les effets attachés par la loi à la mitoyenneté cessent, laissant seuls subsister ceux résultant de l’indivision » (Cass. 3e civ. 18 mai 1994, n°92-19763 et 92-20830).

Cass. 3e civ. 18 mai 1994
Sur le premier moyen de chacun des pourvois, réunis :

Vu l'article 653 du Code civil ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, (Paris, 7 décembre 1990 et 9 juillet 1992), que la Compagnie foncière et immobilière de Bologne (CFIB) ayant démoli, pour reconstruire en recul et à l'alignement, un immeuble dont elle était propriétaire s'appuyant sur un mur mitoyen avec l'immeuble du ..., la partie du mur ainsi dégagée est devenue un pignon de l'immeuble voisin ; que la CFIB a vendu, d'une part, à la ville de Paris, la bande de terrain longeant le mur pignon de la rue de Passy, et, d'autre part, à la Société immobilière financière et allumettes (SIFA), aux droits de laquelle se trouve la compagnie foncière de Passy, l'immeuble qu'elle avait édifié ; qu'un local commercial situé au rez-de-chaussée a été loué à la société X... France aux droits de laquelle s'est trouvée la Société d'exploitation des magasins urbains à grande surface (Semuag), puis la société des Galeries Lafayette ; que la société X... France ayant installé une enseigne sur le mur pignon, le syndicat des copropriétaires du ... a assigné les sociétés SIFA, Semuag et X... France, pour faire juger qu'il était seul propriétaire du mur pignon, et pour obtenir des dommages-intérêts ;

Attendu que, pour décider que le mur pignon est la propriété exclusive du syndicat des copropriétaires, l'arrêt retient que la ville de Paris a précisé, dans une lettre du 23 juin 1987, que la cession du terrain excluait la propriété des murs limitrophes et qu'aux termes de l'article 552 du Code civil, la propriété du sol entraînant la propriété du dessus et du sous-sol, seule la ville de Paris pouvait prétendre à se voir attribuer des droits sur le mur pignon qui est édifié le long de la parcelle qu'elle a acquise, mais que la ville ayant abandonné de façon non équivoque la mitoyenneté du mur pignon dont elle ne réclame pas la propriété indivise, ce mur est devenu la pleine propriété du syndicat des copropriétaires du ... ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la Ville de Paris avait déclaré ne pas avoir acquis de droits sur les murs limitrophes à son terrain, et alors que la mitoyenneté supposant l'existence de deux immeubles contigus, lorsque l'un d'eux disparaît, les effets attachés par la loi à la mitoyenneté cessent, laissant seuls subsister ceux résultant de l'indivision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'aucun grief n'est dirigé contre l'arrêt du 7 décembre 1990 ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen de chacun des pourvois :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 7 décembre 1990 ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.

Si la copropriété du mur persiste, alors même que la mitoyenneté a cessé, la question s’est posée de savoir si les interdictions attachées à cette dernière survivaient, en particulier celle qui prohibe la pratique de jours de souffrance et de vues dans le mur.

La doctrine est partagée sur cette question. Quant à la jurisprudence elle semble avoir admis que les interdictions étaient levées en raison de la disparition de la mitoyenneté (V. en ce sens Cass. civ. 21 juill. 1862).

C) L’extinction de la mitoyenneté pour cause d’abandon

L’article 656 du Code civil prévoit une cause d’extinction pour le moins singulière de la mitoyenneté, puise qu’il s’agit de son abandon par l’un des copropriétaires.

Cet abandon de la mitoyenneté qui procède d’un acte unilatéral et discrétionnaire s’analyse en ce que l’on appelle un déguerpissement.

Par déguerpissement, il faut entendre l’« abandon de la propriété ou de la possession d’un immeuble pour se soustraire aux charges foncières ou obligations réelles qui le grèvent ».

Classiquement la faculté d’abandonner un bien se justifie par le caractère réel des obligations qui y sont attachées.

Parce que leur sort est lié à celui de la chose, son propriétaire doit pouvoir s’y soustraire en même temps qu’il renonce au droit réel dont il est titulaire.

Aussi, on ne peut, en principe, maintenir un copropriétaire dans la mitoyenneté, sauf les cas où la loi le prévoit.

  1. Les conditions d’abandon de la mitoyenneté

L’exercice de la faculté d’abandon de la mitoyenneté est subordonné à la réunion de plusieurs conditions cumulatives.

a) L’absence d’avantage procuré par le mur à l’auteur de l’abandon

L’article 656 du Code civil exclut la possibilité pour un copropriétaire d’abandonner la mitoyenneté d’un mur dans l’hypothèse où le mur a pour fonction de soutenir un bâtiment qui lui appartient.

La jurisprudence a étendu cette limitation au droit d’abandon aux cas où le copropriétaire tirerait profit, de quelque façon que ce soit, des utilités du mur.

Dans un arrêt du 23 novembre 1976, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la faculté d’abandon ne peut être exercée par l’un des propriétaires lorsqu’il retire du mur litigieux un avantage particulier » (Cass. 3e civ. 23 nov. 1976, n°75-11367).

La règle ainsi posée se justifie par le résultat pour le moins fâcheux auquel serait susceptible de conduire, en certaines circonstances, l’exercice de la faculté d’abandon.

Il serait, en effet, difficilement acceptable qu’un copropriétaire qui tire profit des utilités du mur puisse corrélativement se soustraire aux charges attachées à la mitoyenneté en déguerpissant.

Afin d’éviter que cette situation ne se produire, la jurisprudence a donc renforcé la limitation prévue par la loi en l’étendant à toutes les hypothèses où le mur procure des avantages aux copropriétaires qui serait susceptibles de survivre à l’abandon de la mitoyenneté (V. en ce sens Cass. 3e civ. 20 déc. 1989).

Il est, dans ces conditions, exclu qu’un copropriétaire puisse déguerpir alors que le fossé mitoyen sert l’écoulement des eaux qui provenant pour partie de son fonds, ainsi que le prévoit l’article 667 du Code civil.

Il en va de même lorsque le mur mitoyen remplit la fonction de soutènement du fonds de celui qui envisage d’exercer sa faculté d’abandon (V. en ce sens Cass. 3e civ. 25 sept. 2002, n°00-22701).

Dans un arrêt du 27 octobre 2009, la Cour de cassation est venue préciser que le copropriétaire qui exprime le souhait de déguerpir doit être en mesure de prouver qu’il ne retire plus aucun avantage particulier du mur mitoyen (Cass. 3e civ. 27 oct. 2009, n°08-20510).

b) L’absence de dette de contribution aux dépenses d’entretien et de réparation

Bien que le Code civil soit silencieux sur ce point, l’exercice de la faculté d’abandonner la mitoyenneté d’un élément séparatif est subordonné à l’absence de dette de contribution aux dépenses d’entretien et de réparation visés à l’article 655 du Code civil.

Dans son arrêt du 23 novembre 1976 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la faculté d’abandon ne peut être exercée par l’un des copropriétaires pour se soustraire aux dépenses de réparation ou de reconstruction rendues nécessaires par son fait » (Cass. 3e civ. 23 nov. 1976, n°75-11367).

Il en résulte qu’il est fait obstacle au droit d’abandonner la mitoyenneté d’un élément séparatif lorsque le copropriétaire ne s’est pas acquitté de ses dettes de réparation et d’entretien qui lui échoient, à plus forte raison si les dépenses ont été engendrées par sa faute.

Là encore, il ne faudrait pas que le déguerpissement soit un moyen pour un copropriétaire de se soustraire à ses obligations et de faire supporter par son voisin le coût des travaux de réparation du mur alors même que les dépenses ont été rendues nécessaires par son fait personnel ou résultent d’un défaut d’entretien qui existait au jour où il se prévaut de la faculté d’abandon.

Aussi, le droit de déguerpir est subordonné au paiement préalable des dépenses de remise en qui incombent au copropriétaire que souhaite l’exercer (V. en ce sens Cass. 3e civ. 21 mars 1990, n°88-16258).

Dans un arrêt du 4 novembre 1963, la Cour de cassation a par exemple affirmé que « le droit d’abandon ne saurait être légitimement exercé que lorsque la démolition a été effectuée et que c’est seulement après qu’il a été pourvu, par qui de droit, au rétablissement du mur mitoyen en état que l’auteur de la démolition peut être dispensé, pour l’avenir, des charges de la mitoyenneté » (Cass. 1ère civ. 4 nov. 1963).

2. Les modalités d’abandon de la mitoyenneté

L’abandon de la mitoyenneté d’un élément séparatif s’analyse en un acte juridique unilatéral, soit d’un acte dont la production des effets n’est pas subordonnée à l’accord du destinataire.

Aussi, s’agissant du déguerpissement, il est indifférent que le voisin consente ou non à l’acte d’abandon. La seule exigence est que cet acte soit accompli par une personne capable et dont la volonté n’est entachée d’aucun vice.

==> Objet de l’acte d’abandon

À l’instar du droit de propriété, la mitoyenneté est un droit divisible de sorte qu’il est admis que l’acte d’abandon ne porte que sur portion de l’élément séparatif (Cass. 3e civ. 3 avr. 1865).

==> Forme de l’acte d’abandon

Aucun formalisme particulier n’est exigé s’agissant de l’accomplissement d’un acte d’abandon de la mitoyenneté.

Il est admis que l’abandon puisse être formalisé, tout autant par voie d’acte authentique, que par voie d’acte sous seing privé.

Dans un arrêt du 4 octobre 1973 la Cour de cassation avait affirmé, à cet égard, que « si la renonciation à un droit ne se présume pas, elle peut résulter de faits impliquant sans aucun doute la volonté de renoncer » (Cass. 3e civ. 4 oct. 1973, n°72-11548).

En pratique, conformément à l’article 28 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955, l’acte d’abandon devra néanmoins revêtir la forme authentique, faute de quoi il ne pourra pas faire l’objet de formalités de publicité pourtant exigées pour le rendre opposable aux tiers.

==> Publicité de l’acte d’abandon

Parce que l’acte d’abandon consiste à renoncer à un droit réel immobilier, il doit faire l’objet de formalités de publicité (article 28 du décret du 4 janvier 1955).

À défaut, cet acte ne pourra pas être opposé aux tiers et, en particulier, aux copropriétaires de l’élément séparatif mitoyen qui se succéderont.

==> Notification de l’acte d’abandon

Bien que le copropriétaire qui entend abandonner la mitoyenneté de l’élément séparatif n’ait pas besoin d’obtenir l’accord de son voisin, cet accord est néanmoins requis pour la régularisation de l’acte authentique sans lequel aucune formalité de publicité ne peut être accomplie.

En effet, la publicité de l’acte d’abandon est subordonnée à la constatation dans l’acte authentique de l’accord du voisin.

Faute d’accomplissement des formalités de publicité l’exercice de la faculté d’abandon de la mitoyenneté est donc paralysé.

Pour sortir de cette situation de blocage, la seule option qui s’offre à l’auteur de l’abandon est de saisir le Juge aux fins de constater le déguerpissement et que le voisin est devenu seul propriétaire de l’élément séparatif.

La décision rendue par la juridiction saisie pourra alors être adressée aux services de la publicité foncière pour publication, ce qui la rendra, à compter de cette date, opposable aux tiers.

3. Les effets de l’abandon de la mitoyenneté

==> Les effets à l’égard du copropriétaire qui exerce sa faculté d’abandon

L’abandon de la mitoyenneté produit deux effets pour son auteur : un effet abdicatif et libératoire

==> Les effets à l’égard du copropriétaire qui subit l’exercice de la faculté d’abandon

L’abandon de la mitoyenneté par un copropriétaire produit un effet dévolutif à l’égard du copropriétaire qui subit le déguerpissement, en ce sens qu’il devient propriétaire à titre individuel et exclusif de l’élément séparatif.

Il en résulte qu’il est désormais seul maître de la clôture, ce qui implique qu’il peut décider seul de sa destination et, notamment interdire tout usage de l’ouvrage par l’auteur de l’abandon qui est dorénavant privé de la possibilité d’en retirer un quelconque avantage et, notamment d’y adosser une construction ou de pratiquer des enfoncements.

Corrélativement, c’est à copropriétaire devenu seul propriétaire privatif qu’il revient de supporter entièrement les charges d’entretien et de conservation du mur, sauf à ce qu’il renonce concomitamment à la mitoyenneté, auquel cas la démolition du mur se fera à frais commun et l’emprise au sol sera partagée en deux.

[1] Lexique des termes juridique, éd. Dalloz, 2001.

[2] Ch. Atias, Droit civil, Les biens : LexisNexis, 2014, n° 423, p. 316.

[3] Ch. Atias, Droit civil, Les biens : LexisNexis, 2014, n° 535

[4] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2009, n°746, p. 656.

[5] 2 G. Paisant et L. Tranchant, JurisClasseur Civil Code, Art. 653 à 662, Fasc. 20, Servitudes, « Régime juridique de la mitoyenneté des murs », n° 3.

[6] À ce sujet, les arrêts les plus récents de la Cour de cassation parlent d’un « droit de propriété indivise » (Cass. 3e civ. 19 février 1985 : Bull. n° 37) ou d’un « droit de propriété dont deux personnes jouissent en commun » (Cass. 3e civ., 20 juillet 1989 : Bull. n° 173).

[7] F. Terré et Ph. Simpler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2007, n°749, p. 675.

[8] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, Dalloz, éd. 2007, n°537, p. 418.

[9] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, Dalloz, éd. 2007, n°537, p. 418.

[10] Ibid, n°667, n°759

[11] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, éd. 2007, n°759, p. 683

[12] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, éd. 2007, n°761, p. 669.

[13] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz 2007, n°765, p. 671.

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