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RGPD: le régime d’interdiction

==> La loi du 6 janvier 1978

Dans sa version initiale, la loi informatique et libertés prévoyait des formalités préalables différentes selon la qualité du responsable du traitement

==> La loi du 6 août 2004

Transposant la directive européenne du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, la loi du 6 août 2004 a mis un terme à la distinction fondé sur le critère organique (secteur public / secteur privé) quant à déterminer les formalités à accomplir préalablement à la mise en œuvre d’un traitement.

Désormais, la loi établit une distinction, fondée sur un critère matériel, entre les données, en prévoyant que les formalités peuvent être allégées pour « les catégories les plus courantes de traitements à caractère public ou privé, qui ne comportent manifestement pas d’atteinte à la vie privée ou aux libertés ».

Ainsi, ce qui est pris en considération, c’est le risque que représente le traitement à l’égard du droit des personnes.

Tandis que les traitements de données non sensibles sont soumis à un régime de déclaration, les traitements de données sensibles sont soumis à un régime d’autorisation.

==> La loi du 20 juin 2018

Transposant le Règlement général sur a protection des données (RGPD), la loi du 20 juin 2018 simplifie, en les supprimant la plupart du temps, les formalités préalables imposées par la loi de 1978, qu’il s’agisse des obligations de déclaration ou d’autorisation.

Ces formalités sont remplacées par l’obligation, pour le responsable du traitement, d’effectuer préalablement une analyse d’impact en cas de risque élevé pour les droits et libertés de la personne concernée et, le cas échéant, de consulter la CNIL.

Toutefois, comme l’autorise le règlement, la loi maintient des formalités préalables pour certains traitements.

Pour les données les plus sensibles, leur traitement est purement et simplement interdit par la loi informatique et libertés

Au bilan, trois sortes de régimes juridiques sont applicables aux traitements de données à caractère personnel :

S’agissant de ce dernier régime, deux catégories de données à caractère personnel ne peuvent, par principe, faire l’objet d’un traitement :

I) Les données sensibles

==> Principe

Les données sensibles, au sens de la loi informatique et libertés, sont de deux ordres :

Pour ces données dites sensibles, le principe posé à l’article 8 de la loi informatique et libertés c’est l’interdiction du traitement. Une justification à cette interdiction est avancée au considérant 51 du RGPD.

Aux termes de ce considérant, il est précisé que les données à caractère personnel qui sont, par nature, particulièrement sensibles du point de vue des libertés et des droits fondamentaux méritent une protection spécifique, car le contexte dans lequel elles sont traitées pourrait engendrer des risques importants pour ces libertés et droits.

==> Exceptions

Le principe d’interdiction de traitement des données sensibles est assorti de plusieurs exceptions :

II) Les données d’infraction

==> Le RGPD

L’article 10 du RGPD prévoit que le traitement des données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales et aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes ne peut être effectué que sous le contrôle de l’autorité publique, ou si le traitement est autorisé par le droit de l’Union ou par le droit d’un ‘État membre qui prévoit des garanties appropriées pour les droits et libertés des personnes concernées.

Tout registre complet des condamnations pénales ne peut être tenu que sous le contrôle de l’autorité publique.

==> La loi informatique et libertés

Aux termes de l’article 9 de la loi informatique et libertés les traitements de données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales, aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes ne peuvent être effectués que par :

==> Conseil constitutionnel

La loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles transposant l’article 10 du RGPD, a été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-765 DC du 12 juin 2018, en son article 9, al. 1.

Après avoir rappelé que l’article 10 du RGPD n’autorise le traitement de données à caractère personnel en matière pénale ne relevant pas de la directive du même jour que dans certaines hypothèses, parmi lesquelles figure la mise en œuvre de tels traitements « sous le contrôle de l’autorité publique », le Conseil constitutionnel a jugé : « Le législateur s’est borné à reproduire ces termes dans les dispositions contestées, sans déterminer lui-même ni les catégories de personnes susceptibles d’agir sous le contrôle de l’autorité publique, ni quelles finalités devraient être poursuivies par la mise en œuvre d’un tel traitement de données.

En raison de l’ampleur que pourraient revêtir ces traitements et de la nature des informations traitées, il a été jugé que ces dispositions affectaient, par leurs conséquences, les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.

Dès lors, les mots « sous le contrôle de l’autorité publique ou » ont été considérés comme entachés « d’incompétence négative » (paragr. 45).

Pour rappel, le principe d’incompétence négative signifie qu’il échoit au législateur d’exercer pleinement sa compétence pour fixer les règles relatives aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques

A cet égard les dispositions déférées au contrôle du Conseil constitutionnel avaient ceci de spécifique qu’elles autorisaient la mise en œuvre d’un traitement de données en matière pénale, sans préciser en rien quelles personnes pouvaient bénéficier de cette autorisation, ni au nom de quelles finalités.

Dans ses observations devant le Conseil constitutionnel, le Premier ministre, afin de défendre la constitutionnalité de la disposition figurant au 1° de l’article 13, faisait valoir qu’elle « reprenait les termes mêmes des dispositions précises et inconditionnelles de l’article 10 du RGPD et ne saurait donc être utilement contestée ».

Toutefois, d’une part, d’une manière générale, ainsi que cela résultait de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de transposition de directives, les exigences constitutionnelles découlant de l’article 88-1 ne priment pas sur les règles de compétence fixées dans la Constitution et, dès lors, ne limitent pas le pouvoir du juge constitutionnel de s’assurer que le législateur n’est pas resté en deçà de sa propre compétence, y compris lorsqu’il s’est borné à tirer les conséquences nécessaires de dispositions européennes.

D’autre part, en l’espèce, le Conseil constitutionnel a considéré que l’article 10 du RGPD, qui autorise, par exception, les États membres à prévoir des traitements de données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales, aux infractions et aux mesures de sûreté, ne limite pas les garanties qui peuvent, dans ce cas, être adoptées par chaque État, en plus de celles énoncées par le RGPD.

Or, au regard des exigences de l’article 34 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur ne pouvait se borner à reproduire à l’identique les termes « sous le contrôle de l’autorité publique » figurant à l’article 10 du RGPD, sans préciser les catégories de personnes susceptibles de mettre en œuvre, sous un tel contrôle, des traitements de données personnelles en matière pénale, et sans préciser les finalités d’un tel traitement.

Compte tenu de leur portée indéterminée, le Conseil constitutionnel a souligné, dans le sillage de sa décision n° 2004-499 DC, que les dispositions contestées affectaient les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, qui relèvent de la compétence du législateur, en raison de l’ampleur que pourraient revêtir ces traitements et de la nature des informations traitées.

Il a donc censuré ces dispositions comme entachées d’incompétence négative.

Compte tenu de cette censure, dès lors que l’article 10 du règlement européen dispose qu’un tel traitement de données personnelles en matière pénale ne peut – notamment – « être effectué que sous le contrôle de l’autorité publique », il revient donc au législateur, s’il souhaite adapter le droit interne à ces dispositions, de préciser quelles catégories de personnes pourraient en bénéficier et au nom de quelles finalités.

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