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Le devoir de mise en garde du banquier à l’égard de la caution non avertie (Cass. com. 15 nov. 2017)

Dans un arrêt du 15 novembre 2017, la Cour de cassation a apporté des précisions sur le devoir de mise en garde du banquier à l’égard de la caution non avertie.

==> Faits

Par acte du 15 décembre 2010 un établissement bancaire consent à une société un prêt en vue de financer le prix d’acquisition d’un fonds de commerce d’un montant de 60 000 euros

Le prêt est garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire la gérante de la société

Consécutivement à un défaut de paiement de l’emprunteur, la caution est actionnée en paiement par la banque

==> Demande

Après avoir été assignée en paiement, la caution engage reconventionnellement la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde

==> Procédure

Par un arrêt du 14 décembre 2015, la Cour d’appel de PAU condamne la banque au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde.

Les juges du fond estiment, en effet, que dans la mesure où la caution était en l’espèce non-avertie, il appartenait à la banque de mettre en garde la caution sur les chances – nulles – de succès de l’opération projetée et sur les capacités pour la société d’injecter des capitaux dans l’affaire.

==> Solution

Par un arrêt du 15 novembre 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’établissement bancaire.

Elle justifie sa décision en affirmant que « la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

La chambre commerciale relève que, en l’espèce :

Elle en conclut que la banque était tenue à l’égard de la caution d’un devoir de mise en garde lors de la souscription de son engagement.

La haute juridiction précise qu’il importait peu que cet engagement fût adapté à ses propres capacités financières.

==> Analyse

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de l’arrêt rendu en l’espèce par la Cour de cassation :

Cass. Com. 15 nov. 2017
Donne acte à la société Banque populaire Occitane du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Lalloz et M. Y..., en sa qualité de liquidateur de cette société ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, 14 décembre 2015), qu’en vue de financer le prix d’acquisition d’un fonds de commerce d’un montant de 60 000 euros, la société Banque populaire Occitane (la banque) a, par un acte du 15 décembre 2010, consenti à la société Lalloz, dont la gérante était Mme Z..., un prêt du même montant, garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire de Mme Z... ; qu’assignée en paiement, celle-ci a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde ; Attendu que la banque fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à Mme Z... la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte de l’article 1147 du code civil que s’il n’existe pas de disproportion manifeste entre les capacités financières de la caution et un risque d’endettement né de l’octroi du crédit, le banquier est dispensé de son devoir de mise en garde ; qu’au cas présent, la cour d’appel qui constate que l’engagement de caution de Mme Z... n’était pas manifestement disproportionné et donc que le prêt cautionné était adapté aux capacités financières de Mme Z..., ne pouvait décider que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article susvisé ;

2°/ qu’il résulte de l’article 1147 du code civil que le devoir de mise en garde mis à la charge du banquier dispensateur du crédit oblige ce dernier avant d’apporter son concours à vérifier si les capacités financières de la caution sont adaptées au crédit envisagé et à l’alerter sur les risques encourus par un endettement excessif ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait justifier un manquement de la banque à un devoir de mise en garde envers la caution au motif erroné que cette dernière se serait abstenue d’opérer des vérifications élémentaires sur les chances de succès de l’opération projetée et sur les capacités pour la société d’injecter des capitaux dans l’affaire, sans violer l’article susvisé;

Mais attendu que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur ; qu’après avoir constaté que Mme Z... n’était pas une caution avertie et retenu que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement, la cour d’appel en a, à bon droit, déduit que la banque était tenue à l’égard de Mme Z... à un devoir de mise en garde lors de la souscription de son engagement, peu important que celui-ci fût adapté à ses propres capacités financières ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;
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