Site icon Gdroit

Ouverture d’une procédure collective: le principe d’arrêt des poursuites individuelles

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

De toute évidence, il serait illusoire de vouloir atteindre ce triple objectif si aucun répit n’était consenti à l’entreprise pendant sa période de restructuration.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de règles ont été édictées afin d’instaurer une certaine discipline collective à laquelle doivent se conformer les créanciers.

Ces règles visent ainsi à assurer un savant équilibre entre, d’une part, la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et, d’autre part, éviter que des biens essentiels à l’activité de l’entreprise soient prématurément distraits du patrimoine du débiteur.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

La combinaison de ces quatre principes aboutit à un gel du passif de l’entreprise qui donc est momentanément soustrait à l’emprise des créanciers.

Focalisons-nous sur le principe d’arrêt des poursuites individuelles.

L’article L. 622-21 du Code de commerce prévoit que :

Ainsi, le jugement d’ouverture a-t-il pour effet de suspendre les poursuites individuelles susceptibles d’être diligentées par les créanciers à l’encontre du débiteur.

L’instauration de cette règle procède du même du même objectif que celui poursuivi par le principe d’interdiction des paiements : assurer un savant équilibre entre la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et éviter que certains créanciers mettent en péril la poursuite de l’activité de l’entreprise au moyen d’action en justice.

I) Le domaine de la règle

Le domaine du principe d’arrêt des poursuites individuelles tient, d’une part aux personnes visées et, d’autre part, aux actions diligentées.

A) Les personnes visées

Deux catégories de personnes sont visées par le principe d’arrêt des poursuites :

  1. Les créanciers

Si le principe d’arrêt des poursuites s’adresse en particulier aux créanciers, tous ne sont pas concernés par cette règle.

Il ressort, en effet, de l’article L. 622-21 que ne sont visés que « les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 ».

Trois catégories de créances sont ainsi exclues du champ d’application du principe d’arrêt des poursuites :

En dehors de ces trois catégories de créanciers, tous les autres créanciers du débiteur sont soumis au principe d’arrêt des poursuites individuelles.

2. Les garants et coobligés

==> Principe : les garants et coobligés personnes physiques

Il ressort de la lettre de l’article L. 622-21 du Code de commerce que le principe d’arrêt des poursuites ne s’imposerait qu’aux seuls créanciers du débiteur.

Est-ce à dire que cette règle ne bénéficierait pas aux garants ou aux coobligés de ce dernier ?

Par souci de cohérence et d’équité, le législateur a étendu le bénéfice du principe d’arrêt des poursuites à ces derniers par l’ordonnance du 18 décembre 2008.

L’article L. 622-28, al. 2 du Code de commerce dispose désormais en ce sens que « le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. »

Cette disposition ajoute que « le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans. »

Ainsi, dans un plus grand nombre de cas, le dirigeant qui s’est porté garant du débiteur ou a obtenu une garantie de ses proches n’aura pas à craindre les répercussions de l’ouverture de la procédure sur sa situation personnelle.

L’article L. 622-28 précise en outre que « les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires. »

==> Exclusion : les garants et coobligées personnes morales

Il ressort de l’article L. 622-28 du Code de commerce que le principe d’arrêt des poursuites ne profite qu’aux seuls garants et coobligés personnes morales.

S’agissant des personnes morales, elles sont soumises au droit commun.

Il en résulte que les créanciers du débiteur sont parfaitement fondés à les actionner en paiement dès lors que la créance invoquée est exigible.

B) Les actions visées

  1. L’arrêt des actions en justice

Deux catégories d’action en justice sont visées par le principe d’arrêt des poursuites :

2. L’arrêt des procédures d’exécution

L’article L. 622-21 du Code de commerce prévoit que le jugement d’ouverture « arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture. »

Deux sortes de procédures sont ici visées par cette disposition :

==> Les procédures de saisie

==> Les procédures de distribution

Le jugement d’ouverture n’a pas seulement pour effet d’arrêter les procédures de saisie, il fait également obstacle à la distribution du produit des saisies diligentées avant le jugement d’ouverture.

L’article R. 622-19 du Code de commerce précise que « conformément au II de l’article L. 622-21, les procédures de distribution du prix de vente d’un immeuble et les procédures de distribution du prix de vente d’un meuble ne faisant pas suite à une procédure d’exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture, en cours au jour de ce jugement, sont caduques. »

En cas de caducité, les fonds sont alors remis au mandataire judiciaire, le cas échéant par le séquestre qui par cette remise est libéré à l’égard des parties.

Ainsi, les fonds qui allaient être distribués sont réintégrés dans le patrimoine du débiteur

Dans l’hypothèse où le Tribunal saisi arrêt un plan, le mandataire judiciaire remet ces fonds au commissaire à l’exécution du plan aux fins de répartition.

II) Le contenu de la règle

Il ressort de l’article L. 622-21 du Code de commerce que le jugement d’ouverture :

Le principe ainsi énoncé a donc vocation à s’appliquer aux différents stades de la procédure.

A) La procédure n’a pas été engagée

Dans cette hypothèse, le jugement d’ouverture interdit le déclenchement d’une procédure nouvelle.

Les créanciers auxquels cette règle est applicable ne pourront dès lors que déclarer leur créance auprès du mandataire désigné.

B) La procédure a déjà été engagée

Trois hypothèses doivent être envisagées :

==> La procédure engagée est une action en justice

==> La procédure engagée est une mesure d’exécution

Dans cette hypothèse, la mesure est définitivement arrêtée.

Autrement dit, la procédure d’exécution engagée devient caduque.

==> La procédure engagée est une distribution du prix de saisie

Le jugement d’ouverture a également pour effet d’anéantir la procédure de distribution.

Le prix de la saisie est donc réintégré dans le patrimoine du débiteur.

B) La procédure engagée n’est pas visée par le principe d’arrêt des poursuites

L’article L. 622-23 du Code de commerce prévoit que « les actions en justice et les procédures d’exécution autres que celles visées à l’article L. 622-21 sont poursuivies au cours de la période d’observation à l’encontre du débiteur, après mise en cause du mandataire judiciaire et de l’administrateur lorsqu’il a une mission d’assistance ou après une reprise d’instance à leur initiative. »

Si donc les procédures qui ne rentrent pas dans le champ d’application de l’article L. 622-21 du Code de commerce peuvent prospérer, elles n’en sont pas moins subordonnées à la mise en cause du mandataire judiciaire et l’administrateur.

Quitter la version mobile