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Entreprises en difficulté: les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.

En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.

Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour instaurer des procédures dont la vocation commune est l’appréhension des difficultés rencontrées par l’entreprise.

Tantôt cette appréhension des difficultés de l’entreprise sera préventive, tantôt elle sera curative.

==> Prévention des entreprises en difficulté / Traitement des entreprises en difficulté

Deux sortes de procédures doivent être distinguées :

==> Genèse de la procédure de sauvegarde

Antérieurement à la grande réforme du droit des entreprises en difficulté engagée par la loi du 26 juillet 2005, on ne dénombrait que deux procédures de traitement des entreprises en difficultés :

Si ces deux procédures réformées par la loi du 25 janvier 1985 poursuivaient déjà comme objectif le sauvetage des entreprises et des emplois, le législateur a cherché, en 2005, à compléter les dispositifs de traitement des entreprises en difficulté afin de permettre aux différents acteurs en présence d’agir encore plus tôt lorsqu’une entreprise est en mauvaise posture économique, sans pour autant que les droits des créanciers soient totalement lésés.

Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, il peut être observé que l’ouverture d’une procédure collective était soumise à la survenance d’une cessation des paiements du débiteur.

La cessation des paiements était le seul et unique critère permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire, à l’exception des cas exceptionnels d’« ouverture-sanction » de la procédure.

L’application de ce critère avait pour inconvénient majeur de manquer cruellement de souplesse :

En 2005, le législateur est venu mettre un terme à cette situation pour le moins absurde, en permettant l’ouverture d’une procédure collective sans qu’il soit besoin d’établir la cessation des paiements.

Pour ce faire la loi du 26 juillet 2005 a institué la procédure de sauvegarde applicable à tout débiteur « qui justifie de difficultés susceptibles de le conduire à la cessation des paiements »

Il s’agit, autrement dit, d’une procédure judiciaire qui s’ouvre avant même que le débiteur ne soit en cessation des paiements.

Cette innovation majeure tendait à répondre à la critique récurrente adressée au droit antérieur, selon laquelle la prise en charge judiciaire des difficultés des entreprises intervient, dans la majeure partie des cas, trop tardivement, à un moment où la situation du débiteur est tellement obérée que l’issue de la procédure ne peut être que la liquidation.

Aussi, la nouvelle procédure de sauvegarde, s’inspirant de dispositifs existant dans d’autres traditions juridiques – notamment le chapitre 11 du titre 11 du code fédéral américain, relatif à la faillite – a été pensée pour assurer une réorganisation de l’entreprise en lui permettant de faire face aux difficultés qu’elle traverse.

==> Finalité de la procédure de sauvegarde

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Ainsi poursuit-elle un triple objectif :

Ces trois objectifs poursuivis par la procédure de sauvegarde ont, indéniablement, guidé la main du législateur quant au façonnement du régime judiciaire de cette procédure.

Il en va de même des décisions adoptées par la Cour de cassation qui, pour la plupart, doivent être interprétées à l’aune de la finalité de la procédure de sauvegarde.

Pour bien comprendre où la procédure de sauvegarde se situe par rapport aux autres procédures de traitement des entreprises en difficulté, comparons-la avec les objectifs poursuivis par ces dernières.

==> Parachèvement de la réforme

Instaurée par la loi du 26 juillet 2005, la procédure de sauvegarde a fait l’objet de plusieurs réformes successives en 2008, 2010 et 2014.

==> La procédure de sauvegarde ou la procédure de droit commun

Il ressort de l’articulation des dispositions du Code de commerce consacrées au traitement des entreprises en difficulté que la procédure de sauvegarde est érigée en procédure de droit commun.

Elle constitue, autrement dit, la procédure dont les règles s’appliquent aux autres procédures collectives soit aux procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.

Il en résulte que les Titres III et IV du Livre VI du Code de commerce ne comportent que des dispositions particulières.

Il conviendra, en conséquence, pour le praticien de se reporter au Titre II du Livre VI afin d’accéder aux dispositions générales qui régissent les procédures de traitement des entreprises en difficulté, ce qui n’est pas sans susciter l’étonnement dans la mesure où la procédure de sauvegarde est celle à laquelle il est le moins recouru dans la pratique.

Au vrai, la différence majeure qui existe entre les trois procédures collectives envisagées par le Code de commerce réside essentiellement dans leurs conditions d’ouverture.

S’agissant de la procédure de sauvegarde, son ouverture est, en principe, subordonnée à la satisfaction de conditions qui tiennent :

Toutefois, il est des circonstances qui justifieront que la procédure de sauvegarde soit applicable à un débiteur qui ne remplira aucune de ces deux séries de conditions. On dira alors qu’elle fait l’objet d’une extension (III).

I) La condition tenant à l’activité de l’entreprise

Aux termes de l’article L. 620-2, al. 1er du Code de commerce « la procédure de sauvegarde est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé. »

Il ressort de cette disposition que sont éligibles à la procédure de sauvegarde deux catégories de personnes :

A) Les débiteurs exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole

La première catégorie de personnes susceptibles de bénéficier de la procédure de sauvegarde regroupe les débiteurs exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole

Ce qui importe, ce n’est donc pas la qualité de commerçant, d’artisan ou d’agriculteur, mais la nature de l’activité exercée.

Peu importe la forme de l’entreprise concernée, ce qui compte c’est qu’elle exerce une activité commerciale, artisanale ou agricole.

  1. L’exercice d’une activité commerciale

a) Principe

Les personnes qui, en principe, exercent une activité commerciale ne sont autres que les commerçants.

La question qui alors se pose est de savoir qu’est-ce qu’un commerçant ?

i) Définition de la qualité de commerçant

Aux termes de l’article L. 121-1 du Code de commerce, « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».

Trois enseignements peuvent être tirés de cette définition du commerçant :

ii) Les éléments constitutifs de la qualité de commerçant

==> L’accomplissement d’actes de commerce

==> L’accomplissement d’actes de commerce à titre de profession habituelle

==> L’accomplissement d’actes de commerce de façon indépendante

iii) L’établissement de la qualité de commerçant

==> La présomption de la qualité de commerçant

==> La preuve de la qualité de commerçant

Dans l’hypothèse où aucune immatriculation au registre du commerce et des sociétés n’a été effectuée, la qualité de commerçant se prouve par tous moyens.

Il conviendra de démontrer la satisfaction des conditions exigées à l’article L. 121-1 du Code de commerce.

Parfois, la seule démonstration de l’exploitation d’une entreprise commerciale suffira (V. en ce sens Cass. com., 11 févr. 2004 : JurisData n° 2004-022278)

b) Cas particuliers

==> Les associés en nom collectif

Conformément à l’article L. 221-1 du Code de commerce les associés en nom collectif endossent la qualité de commerçant

Aussi, cela signifie-t-il que le droit commercial leur est applicable.

Est-ce à dire qu’ils peuvent nécessairement solliciter le bénéfice de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ?

Une lecture stricte de l’article L. 611-4 du Code de commerce devrait étonnamment nous conduire à répondre par la négative à cette question.

Pour mémoire ce texte prévoit que la procédure de sauvegarde ne peut bénéficier qu’aux seuls débiteurs qui exercent une activité commerciale.

Or nonobstant leur qualité de commerçant, techniquement les associés en nom collectif n’exercent aucune activité commerciale.

Lorsqu’ils accomplissent un acte de commerce, ils agissent au nom et pour le compte de la société dans laquelle ils sont intéressés.

Il en résulte que la procédure de sauvegarde ne devrait pas leur être applicable dans la mesure où ils n’exercent aucune activité commerciale.

Dans un arrêt du 5 décembre 2013, la Cour de cassation a pourtant décidé du contraire.

Cass. 2e civ., 5 déc. 2013
Sur le moyen unique, après avis de la chambre commerciale en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (juge de l'exécution, tribunal d'instance de Bayonne, 17 juin 2011), que M. et Mme X..., qui se sont portés cautions solidaires d'un prêt consenti à la société en nom collectif dont ils étaient les associés gérants, ont saisi une commission de surendettement d'une demande de traitement de leur situation de surendettement ; qu'un créancier a contesté la décision de la commission ayant déclaré leur demande recevable ;

Attendu que M. et Mme X... font grief au jugement de les déclarer irrecevables à saisir la commission de surendettement alors, selon le moyen, que la procédure de traitement du surendettement bénéficie sans restriction à la caution personne physique dont l'engagement garantit le paiement de dettes professionnelles, nées notamment de l'activité d'une société ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande des débiteurs tendant au bénéfice du traitement de leur surendettement, le jugement attaqué a retenu que leur engagement de caution souscrit au profit d'une société était afférent à une opération professionnelle ; qu'en statuant de la sorte, le juge de l'exécution a violé l'article L. 330-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Mais attendu que les associés gérants d'une société en nom collectif qui ont de droit la qualité de commerçants sont réputés exercer une activité commerciale au sens des articles L. 631-2 et L. 640-2 du code de commerce qui disposent, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, que les procédures de redressement et liquidation judiciaires sont applicables à "toutes personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale" ; qu'il s'ensuit qu'en application de l'article L 333-1 du code de la consommation, ils sont exclus du bénéfice des dispositions relatives au surendettement des particuliers ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision d'irrecevabilité se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

==> Les personnes physiques qui exercent une activité commerciale mais qui n’ont pas satisfait à l’obligation d’inscription au RCS

Cette obligation est énoncée à l’article L. 123-1 du Code de commerce qui prévoit dispose que :

« Il est tenu un registre du commerce et des sociétés auquel sont immatriculés, sur leur déclaration :

Dans un arrêt du 25 mars 1997, la Cour de cassation avait estimé en ce sens qu’une personne physique qui n’a jamais été inscrite au registre du commerce ne peut être sur sa demande, admise au bénéfice du redressement judiciaire (Cass. com., 25 mars 1997)

Cette solution est sans aucun doute applicable à la procédure de sauvegarde.

Cass. com., 25 mars 1997
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 26 septembre 1994), que Mme X... qui a géré, en société créée de fait, un fonds de commerce de bijouterie de 1985 à 1989, a déclaré le 19 février 1993 son état de cessation des paiements ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de l'admettre au bénéfice du redressement judiciaire au motif, selon le pourvoi, qu'elle ne justifiait pas avoir été en état de cessation des paiements à l'époque de sa gestion, alors, d'une part, que la cessation des paiements est appréciée au jour où statue la juridiction, même en cause d'appel ; qu'en se plaçant au moment où Mme X... gérait le fonds de commerce pour apprécier si elle était en état de cessation des paiements, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, et alors, d'autre part, et en tout état de cause, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que, pour débouter Mme X... de sa demande d'admission au bénéfice du redressement judiciaire, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'intéressée ne justifiait pas avoir été en état de cessation des paiements au moment de sa gestion ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à une analyse, même sommaire, des pièces versées aux débats par Mme X..., la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon l'article 65, alinéa 1er, du décret du 30 mai 1984, la personne assujettie à immatriculation au registre du commerce qui n'a pas requis cette dernière à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter du commencement de son activité ne peut se prévaloir, jusqu'à immatriculation, de la qualité de commerçant, tant à l'égard des tiers que des administrations publiques ;

Attendu que l'arrêt a relevé que Mme X..., personne physique, n'a jamais été inscrite au registre du commerce ; qu'il en résulte qu'elle ne pouvait être sur sa demande, admise au bénéfice du redressement judiciaire ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux erronés de la cour d'appel, l'arrêt se trouve légalement justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

==> Les personnes qui ont cessé leur activité commerciale mais qui ont omis de solliciter leur radiation du RCS

Si l’on opte pour une lecture stricte de l’article L. 611-4 du Code de commerce, seules les personnes qui exercent une activité commerciale sont éligibles à la procédure de sauvegarde.

Il en résulte que celles qui ont cessé leur activité ne devraient pas pouvoir, a priori, se prévaloir de cette procédure.

Quid, néanmoins, lorsqu’une personne physique a cessé son activité commerciale, mais qu’elle demeure toujours inscrite au RCS ?

Pour mémoire :

Il ressort de la combinaison de ces deux dispositions que :

En conclusion, la personne qui a cessé son activité commerciale mais qui a omis de solliciter sa radiation du RCS est présumée exercer une activité commerciale.

Dans ces conditions, la procédure de sauvegarde devrait lui être applicable.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 17 février 2015.

Cass. com., 17 févr. 2015
Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (juge de l'exécution, tribunal d'instance de Muret, 14 août 2012), rendu en dernier ressort, que Mme X... a formé un recours contre la décision ayant déclaré irrecevable sa demande de traitement de sa situation de surendettement ;

Attendu que Mme X... fait grief au jugement de confirmer cette décision alors, selon le moyen, que le commerçant qui donne son fonds en location-gérance cesse d'être commerçant ; qu'en déduisant la qualité de commerçante de Mme X... de ce qu'elle a donné son fonds en location-gérance et de ce qu'elle est en conséquence demeurée inscrite au registre du commerce et des sociétés, le tribunal a statué par des motifs impropres à établir qu'elle effectuait des actes de commerce, et a dès lors privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du code de commerce ;

Mais attendu que le décret n° 86-465 du 25 mars 1986 a supprimé l'obligation faite à celui qui donne son fonds en location-gérance de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ; qu'ayant relevé que Mme X... était inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 11 juin 2001 pour une activité de terrassements et location d'engins de travaux publics et qu'elle était demeurée inscrite après avoir donné son fonds en location-gérance le 1er juillet 2002, de sorte qu'elle était présumée avoir la qualité de commerçant, le juge de l'exécution a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

2. Les personnes qui exercent une activité artisanale

Les commerçants ne sont pas les seules personnes à être éligibles à la procédure de sauvegarde. Celles qui exercent une activité artisanale peuvent également solliciter l’ouverture de cette procédure.

L’article L. 620-2, al. 1er du Code de commerce le leur permet explicitement.

Comme pour les commerçants la question se pose de savoir ce qu’est une personne qui exerce une activité artisanale.

S’il n’existe aucune véritable définition juridique des artisans, la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 fait obligation aux personnes qui exercent une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, à l’exclusion de l’agriculture et de la pêche et qui ont moins de dix salariés de s’immatriculer au répertoire des métiers spécifique aux artisans.

Quatre grands secteurs d’activité sont ainsi distingués (V. en ce sens : http://www.artisanat.fr/Default.aspx?tabid=292):

Est-ce à dire que pour solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, l’artisan doit nécessairement être immatriculé au répertoire des métiers ?

Antérieurement à l’ordonnance du 18 décembre 2008, il convenait de répondre par l’affirmative à cette question.

L’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 visait, en effet, « toute personne immatriculée au répertoire des métiers ».

Seuls les artisans de droit pouvaient de la sorte solliciter l’ouverture d’une procédure collective.

L’ordonnance du 18 décembre 2008 a modifié cet état du droit en faisant désormais référence aux personnes qui exercent une activité artisanale.

On peut en déduire qu’il n’est donc plus nécessaire que l’artisan soit immatriculé au répertoire des métiers pour solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

Aussi, cette procédure est-elle également applicable aux artisans de fait, nonobstant l’exigence posée à l’article R. 621-1 du Code de commerce qui conditionne la demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde notamment à la fourniture d’un « extrait d’immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l’article R. 621-8 et à l’article L. 526-7 ou, le cas échéant, le numéro unique d’identification ».

3. Les personnes qui exercent une activité agricole

Jusqu’à une époque récente, le législateur a toujours répugné intégrer les agriculteurs dans le giron des procédures collectives.

Cette exclusion reposait sur l’idée que l’activité agricole était, par nature, étrangère à la sphère commerciale.

De plus en plus, la jurisprudence tendait pourtant à distinguer parmi les agriculteurs :

Lors de l’adoption de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social, le législateur en a tiré la conséquence que les agriculteurs devaient pouvoir bénéficier des procédures collectives à l’instar des commerçants et des artisans. L’assimilation n’est cependant pas totale.

En toute hypothèse, les agriculteurs sont éligibles à la procédure de sauvegarde. Pour ce faire, ils doivent :

4. Les personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante

Les personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

 ==> S’agissant des personnes morales de droit privé

Il s’agit de toutes les personnes morales quelle que soit leur forme ou leur objet.

Le législateur n’a pas conditionné le bénéfice de la procédure de sauvegarde à l’exercice par les personnes morales d’une activité commerciale ou artisanale.

Il est seulement nécessaire que le groupement concerné satisfasse à deux conditions cumulatives :

Si ces deux conditions sont remplies, le groupement pourra bénéficier de la procédure de sauvegarde.

Dans cette perspective sont notamment visées :

À l’inverse sont exclus du bénéfice de la procédure de sauvegarde les groupements dépourvus de la personnalité morale, tels que :

==> S’agissant des personnes physiques exerçant une activité indépendante

Selon l’article L. 611-5 du Code de commerce il s’agit de toutes celles qui  exercent une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

Cette catégorie de personnes est plus difficile à cerner. La difficulté de leur identification tient à notion d’« activité professionnelle indépendante » dont la définition interroge.

Cass. com. 9 févr. 2010
Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mars 2008), que M. X..., qui exerçait individuellement la profession d'avocat depuis 1977, a constitué en 2005 la SELARL d'avocats Cabinet Michelet (la SELARL) ; que se prévalant d'une créance de 277 510 euros représentant des sommes facturées à ses clients au titre de la TVA et non reversées à l'administration des impôts, lors de son exercice professionnel individuel, le chef de service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 7e Gros Caillou Varenne (le comptable des impôts) a, par acte du 25 juin 2007, assigné M. X... en liquidation judiciaire ;

Attendu que le comptable des impôts fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a rappelé que l'assignation visait M. X..., avocat, et non pas la SELARL ; qu'elle a considéré que M. X... était débiteur à l'égard du comptable des impôts d'une somme de 277 510 euros au titre de son activité individuelle ; qu'en relevant elle-même que M. X... demeurait inscrit au tableau de l'ordre des avocats du barreau de Paris et qu'il n'avait pas cessé son activité professionnelle d'avocat lorsqu'il avait créé la SELARL, de sorte qu'on ne pouvait opposer au créancier poursuivant l'expiration du délai d'un an visé à l'article L. 631-5 du code de commerce, tout en constatant que le comptable ne pouvait assigner l'intéressé en liquidation judiciaire au titre des créances nées de son activité individuelle d'avocat dans la mesure où, à la date d'assignation, il exerçait sa profession au sein d'une SELARL, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 631-5, L. 640-2 et L. 640-5 du code de commerce ;

Mais attendu que l'avocat, qui a cessé d' exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société d'exercice libéral, n'agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société ; qu'il cesse dès lors d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L. 640-2 du code de commerce ; que le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de liquidation judiciaire après cette cessation d'activité, lorsque tout ou partie du passif provient de l'activité professionnelle antérieure ; que toutefois, si la procédure est ouverte sur l'assignation d'un créancier, cette dernière doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité individuelle ;

Attendu qu'ayant relevé que la SELARL a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 11 janvier 2005, l'arrêt retient que M. X..., depuis cette date, n'agit plus en son nom propre mais exerce les fonctions d'avocat au nom de la société, qu'il en déduit exactement, que ce dernier n'exploite plus pour son propre compte une entreprise libérale ;

Et attendu que M. X... ayant cessé d'exploiter, en son nom propre, une activité indépendante , au sens des articles L. 640-2 et suivants du code de commerce, à compter de l'immatriculation de la SELARL au registre du commerce le 11 janvier 2005, le comptable des impôts, qui l'a assigné en liquidation judiciaire le 25 juin 2007, était irrecevable en sa demande ; que ce motif de pur droit rend le moyen sans portée ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

II) La condition tenant à la situation de l’entreprise

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce « il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L. 620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. »

Ainsi pour être éligible à la procédure de sauvegarde, le débiteur doit établir la réunion de deux conditions cumulatives :

A) L’existence de difficultés insurmontables

Dès lors que l’entreprise rencontre des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde est envisageable pour le débiteur.

Que doit-on entendre par la formule « difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter » ? L’article L. 620-1 du Code de commerce ne le dit pas.

Ce silence est sans aucun doute volontaire, l’intention ayant animé le législateur étant de laisser au juge un grand pouvoir d’appréciation.

Bien que le législateur ne donne aucune définition des difficultés insurmontables, deux éléments peuvent servir d’appui pour mieux cerner la notion :

  1. Les critères d’ouverture des procédures collectives voisines

Afin de déterminer le niveau gravité de la difficulté qui doit être atteint par l’entreprise pour justifier l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, on peut, tout d’abord, se reporter à la hiérarchie des différents critères d’ouverture d’une procédure collective :

Il ressort de cette définition que pour être considérées comme insurmontables, les difficultés ne doivent pas seulement être prévisibles, mais bel et bien avérées.

Elles doivent être tellement graves que le débiteur n’est pas en mesure de redresser la barre de son entreprise.

Toutefois, si lesdites difficultés peuvent être de nature à conduire à la cessation des paiements, elles ne doivent, en aucun cas, consister en une cessation des paiements, sauf à basculer sur l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire voire de liquidation.

Il appartiendra donc au Tribunal de déterminer la nature des difficultés rencontrées par le débiteur et d’identifier la cause de leur caractère insurmontable.

Pourquoi le débiteur n’est-il pas en mesure de les surmonter seul ?

Plusieurs causes peuvent être à l’origine de cette situation.

2. Les critères dégagés par la jurisprudence

Deux épisodes jurisprudentiels ont contribué à l’entreprise de délimitation de la notion de difficultés insurmontables

==> Les arrêts du 26 juin 2007

Dans deux arrêts du 26 juin 2007 la chambre commerciale de la Cour de cassation considère notamment que « la situation de la société débitrice doit être appréciée en elle-même, sans que soient prises en compte les capacités financières du groupe auquel elle appartient » (Cass. com. 26 juin 2007, n°06-20820 et n°06-17821)

Peu importe donc que la société mère soit en bonne santé, le tribunal doit statuer en considération de la seule situation de la société débitrice.

La Cour de cassation ajoute que « les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde doivent être appréciées au jour où il est procédé à cette ouverture »

La position adoptée ici par la Cour de cassation se justifie par l’idée que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde doit être un ultime recours

Si, entre le moment où le Tribunal a été saisi et le moment où il se prononce, la situation de l’entreprise s’est améliorée il est inutile d’ouvrir une procédure qui, parce qu’elle n’est pas confidentielle comme la conciliation, est susceptible d’effrayer les créanciers.

Cass. com. 26 juin 2007
Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 26 septembre 2006), que la société N. Schlumberger, dont le capital est détenu par la société Euroshor, elle-même contrôlée à parité par le groupe NSC et le groupe Orlandi, a sollicité, le 22 janvier 2006, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ; que le 7 février 2006, le tribunal a accueilli sa demande ; que la société Euler Hermes Sfac (la société Euler Hermes) a fait tierce opposition au jugement ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société Euler Hermes fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la tierce opposition, alors, selon le moyen, que le débiteur sollicitant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde doit justifier de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, de nature à la conduire à la cessation des paiements ; qu'en considérant que la situation devait s'apprécier au regard des seules ressources propres de la société N. Schlumberger SAS, excluant le soutien que le groupe était prêt à apporter à la société, pourtant de nature à rendre les difficultés surmontables, la cour d'appel, ajoutant une condition au texte, a violé l'article L. 620-1 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant retenu que, pour l'ouverture de la procédure de sauvegarde d'une filiale, il est indifférent de savoir quelle sera la position que prendra la société mère dans le cadre de la période d'observation et l'éventuelle élaboration d'un plan de sauvegarde et que la situation de la société débitrice doit être appréciée en elle-même, sans que soient prises en compte les capacités financières du groupe auquel elle appartient, la cour d'appel, qui n'a pas relevé l'existence d'un engagement de la société mère en faveur de sa filiale, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur la seconde branche du moyen :

Attendu que la société Euler Hermes fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que, pour apprécier l'existence de difficultés insurmontables de nature à conduire à la cessation des paiements, la juridiction doit se placer au jour où elle statue ; qu'en se plaçant au jour de la demande d'ouverture de procédure, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération la situation véritable et objective du débiteur, s'est fondée sur des considérations hypothétiques qui se sont révélées fausses en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 620-1 du code de commerce ;

Mais attendu que les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde doivent être appréciées au jour où il est procédé à cette ouverture ; qu'ayant relevé que, même si la débitrice disposait de lignes de crédit non négligeables à la date de saisine du tribunal lui permettant d'envisager le financement d'un nouveau plan social dont la décision avait été prise au début de l'année 2006, l'épuisement prévu de ces lignes de crédit dans un avenir proche et l'existence d'un passif échu notable la plaçaient dans une situation extrêmement fragile de nature à la conduire à la cessation des paiements, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée seulement d'après les éléments existants à la date de la demande d'ouverture de la sauvegarde mais a apprécié la situation au jour du jugement d'ouverture, a pu en déduire que la société Schlumberger justifiait de difficultés qu'elle ne pouvait surmonter de nature à la conduire à la cessation des paiements ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Les arrêts du 8 mars 2011 (affaire Cœur de Défense)

Dans trois arrêts rendus en date du 8 mars 2011, la Cour de cassation a estimé qu’il est indifférent que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ait été sollicitée par le débiteur pour échapper à ses engagements (Cass. com. 8 mars 2011)

Dès lors que l’existence de difficultés insurmontables est établie, le débiteur est fondé à réclamer l’ouverture de cette procédure.

Au total, que retenir de la jurisprudence ?

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde doit être appréciée à l’aune du seul critère qu’est l’existence de difficultés insurmontables !

La notion de « difficultés insurmontables » est, de toute évidence, suffisamment large pour englober de nombreuses situations.

On peut néanmoins se demander si une seule difficulté suffit (par exemple, la perte du principal client, comme cela a été suggéré pendant les travaux parlementaires), ou s’il en faudra au moins deux.

A priori l’article L. 620-1 du Code de commerce vise indifféremment les difficultés :

Partant, le juge devra se livrer à une appréciation in concreto de la situation afin de savoir si le débiteur dispose ou non la faculté de surmonter les difficultés rencontrées.

Face à deux situations identiques, la conclusion du juge pourra être différente, selon que le débiteur a ou non les moyens de réagir.

En toute hypothèse, les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde devront toujours être appréciées au jour où il est procédé à cette ouverture (Cass. com., 26 juin 2007)

Cass. com. 8 mars 2011
Vu leur connexité, joint les pourvois n° M 10-13.988, N 10 13.989 et P 10-13.990 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société par actions simplifiée Heart of La Défense (société HOLD), dont le capital est entièrement détenu par une holding, la société Dame Luxembourg, a acquis, par l’intermédiaire d’une société civile immobilière, l’ensemble immobilier à usage de bureaux destiné à la location appelé “Coeur Défense” ; que, pour les besoins du financement de cette acquisition, la société HOLD a contracté auprès de la société Lehman Brothers Bankhaus AG deux prêts, garantis par une hypothèque inscrite sur l’immeuble, par une cession de créances professionnelles portant sur l’ensemble des créances de loyers et charges au titre des baux existants ou futurs conclus par la société HOLD et par le nantissement de la totalité des actions de celle-ci consenti par la société Dame Luxembourg avec pacte commissoire ; que les prêts portant intérêt à taux variable, la société HOLD a également conclu deux contrats de couverture du risque de leur variation avec la société Lehman Brothers international, en qualité de contrepartie, elle-même garantie par la société Lehman Brothers Inc. ; que, dans le cadre d’une opération de titrisation, la créance du prêteur a été ensuite cédée au fonds commun de titrisation Windermere XII (le FCT), dont la société Eurotitrisation est le gestionnaire ; que les sociétés Lehman Brothers international et Inc. ayant fait l’objet, au Royaume-Uni et aux États-Unis, de procédures collectives, la société Eurotitrisation a demandé une nouvelle contrepartie, en indiquant que les contrats de couverture n’étaient plus conformes aux critères de notation, ce qui constituait un cas de défaut ; que les sociétés HOLD et Dame Luxembourg ont, alors, chacune, demandé, le 28 octobre 2008, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ; que, le 3 novembre 2008, le tribunal a accueilli ces demandes et, par jugement du 9 septembre 2009, a arrêté le plan de sauvegarde, rejetant, le 7 octobre 2009, la tierce opposition formée entre-temps par la société Eurotitrisation à l’encontre des jugements d’ouverture de la procédure ; que les loyers et charges à venir ayant fait l’objet, en référé, d’un séquestre, un dernier jugement, prononcé au fond le 19 octobre 2009, a ordonné la mainlevée de cette mesure ainsi que le versement des sommes séquestrées entre les mains de la société Eurotitrisation, celle-ci s’engageant à reverser les sommes nécessaires aux dépenses d’entretien de l’ensemble immobilier ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° P 10-13.990 :

Attendu que les sociétés HOLD et Dame Luxembourg font grief à l’arrêt (RG n° 09/22756) d’avoir déclaré recevable la tierce opposition formée par la société Eurotitrisation, alors, selon le moyen, que la tierce opposition visant le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, qui ne peut être demandée que par le débiteur, n’est recevable qu’à la condition, pour le créancier demandeur, d’établir que ledit jugement a été prononcé en fraude de ses droits ou d’invoquer des moyens propres ; qu’un moyen propre ne peut tendre à la contestation d’un effet inhérent à la procédure, ni être commun à tous les créanciers ; qu’en se bornant à énoncer en l’espèce, pour dire que la société Eurotitrisation disposait de moyens propres, que la société HOLD avait, en sollicitant l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, cherché à imposer au FCT la modification des contrats de prêts qu’elle disait n’être plus en mesure de respecter et que la société Dame Luxembourg avait, pour sa part, cherché à faire échec à la mise en oeuvre du pacte commissoire, sans rechercher, concrètement, si les arguments ainsi invoqués, relatifs aux buts prêtés aux demandeurs à la sauvegarde, lesquels ne se distinguaient pas des effets légaux de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, n’auraient pas pu être invoqués par n’importe quel autre créancier de la société HOLD, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 661-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l’article 583 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’il résulte des articles L. 661-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, et 583, alinéa 2, du code de procédure civile, que la tierce opposition est ouverte à l’encontre du jugement statuant sur l’ouverture de la procédure de sauvegarde à tout créancier invoquant des moyens qui lui sont propres ; qu’ayant retenu que la société Eurotitrisation alléguait que la procédure de sauvegarde avait pour but exclusif de permettre aux sociétés HOLD et Dame Luxembourg d’échapper, au moins temporairement, à l’exécution de leurs obligations contractuelles envers le seul FCT, qu’elle représentait, ou de la contraindre à négocier leur aménagement, de sorte que les moyens invoqués par le créancier lui étaient propres, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en ses trois premières branches :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, ensemble l’article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour accueillir la tierce opposition de la société Eurotitrisation et rétracter le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société HOLD, l’arrêt retient que celle-ci n’a pas prétendu éprouver de difficultés à poursuivre son activité de bailleresse de bureaux, mais seulement fait état de circonstances imprévues lui rendant plus onéreuse l’exécution de son obligation de couverture du risque de variation des taux d’intérêt, imposée par les contrats de prêt ayant originellement financé son acquisition et que la difficulté alléguée ne concerne que le renchérissement du contrat de couverture ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la société HOLD soutenait qu’il était impossible de trouver, en octobre 2008, une nouvelle contrepartie pour des contrats de couverture et que le prix d’un tel produit financier, de l’ordre de 60 à 70 millions d’euros, était, non seulement insurmontable, mais purement théorique en l’absence de tout marché à ce moment, la cour d’appel a méconnu l’objet du litige ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi, pris en sa huitième branche :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, ensemble l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour accueillir la tierce opposition de la société Eurotitrisation et rétracter le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Dame Luxembourg, l’arrêt retient que la seule conséquence pour elle de la défaillance de la société HOLD serait la perte de son investissement, en exécution du pacte commissoire portant sur les actions nanties de sa filiale, mais qu’elle n’aurait à faire face à aucune autre dette après son exécution, la dette délictuelle invoquée par les obligataires du FCT n’étant pas fondée et le prêt de 249 000 000 euros envers ses actionnaires n’étant pas prouvé ni exigible, les actionnaires soutenant la demande de sauvegarde ;

Attendu qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Dame Luxembourg qui soutenait qu’elle serait privée de son seul actif par la défaillance de sa filiale, tandis qu’elle se trouverait exposée au risque de devoir rembourser le prêt, figurant à son bilan, de 249 000 000 euros consenti par ses propres actionnaires, ce qui était de nature à la conduire à la cessation des paiements au sens du premier des textes susvisés, la cour d’appel a violé ces textes ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris ses quatrième et cinquième branches, et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, réunis :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que, si la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin, notamment, de permettre la poursuite de l’activité économique, il ne résulte pas de ce texte que l’ouverture de la procédure soit elle-même subordonnée à l’existence d’une difficulté affectant cette activité ;

Attendu que, pour rétracter les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg, l’arrêt retient aussi que la première n’invoque pas l’existence de difficultés pouvant affecter son activité de bailleresse et que la seconde n’a pas prétendu éprouver de difficultés à poursuivre son activité de gestion de son portefeuille de titres ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa huitième branche et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, réunis :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que, hors le cas de fraude, l’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, au motif qu’il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles, dès lors qu’il justifie, par ailleurs, de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements ;

Attendu que, pour rétracter les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg, l’arrêt retient encore que la première a cherché à porter atteinte à la force obligatoire de la clause des contrats de prêt lui imposant une obligation de couverture répondant à certains critères de notation et la seconde à échapper à l’exécution du pacte commissoire ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa neuvième branche et le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, réunis :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que, pour rétracter les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg, l’arrêt retient que l’activité de location immobilière de la première pourrait se poursuivre normalement quelle que soit la composition de son actionnariat ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, si la société débitrice justifie de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à la conduire à la cessation des paiements, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ne peut lui être refusée au motif que ses associés ne seraient pas fondés à éviter, par ce moyen, d’en perdre le contrôle, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et, vu l’article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l’arrêt RG n° 09/22756 entraîne, par voie de conséquence, celle de l’arrêt RG n° 09/21530, qui a dit sans objet l’appel du ministère public à l’encontre du jugement du 9 septembre 2009 ayant arrêté le plan de sauvegarde, et de l’arrêt RG n° 09/21184, qui a confirmé, en raison de la rétractation du jugement de sauvegarde, la mainlevée du séquestre des loyers et charges et ordonné le versement des sommes séquestrées entre les mains de la société Eurotitrisation ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il confirmé le chef du dispositif du jugement déféré ayant déclaré recevable la tierce opposition, l’arrêt RG n° 09/22756 rendu le 25 février 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

B) L’absence de cessation des paiements

Autre condition pour que le débiteur soit éligible à la procédure de sauvegarde, il ne doit pas être en cessation des paiements.

Manifestement, il s’agit là d’une notion centrale du droit des entreprises en difficulté : de la caractérisation de ses éléments constitutifs dépend l’ouverture ou non d’une procédure collective.

Sous l’empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, la cessation des paiements était le seul critère permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire, à l’exception des cas exceptionnels d’« ouverture-sanction » de la procédure.

Désormais, depuis l’instauration de la procédure de sauvegarde par la loi du 25 juillet 2005, le déclenchement d’une procédure collective n’est plus lié à l’existence avérée d’une cessation des paiements, tandis que les procédures amiables de résorption des difficultés des entreprises peuvent intervenir après la cessation des paiements du débiteur.

Immédiatement une nouvelle d’ordre notionnel se pose : qu’est-ce que la cessation des paiements ? (A)

Pour être complet, il conviendra, après avoir cerné la notion, d’envisager son régime juridique.

  1. La notion de cessation des paiements

Étrangement, tandis que le siège du droit commun des procédures collectives est situé dans la partie du Code de commerce dédiée à la procédure de sauvegarde, la définition de la cessation des paiements est traitée, quant à elle, dans la partie consacrée à la procédure de redressement judiciaire.

À bien y réfléchir, cette localisation de la notion de cessation des paiements dans le Titre III du Livre VI n’est, en soi, pas illogique.

Le législateur a souhaité envisager cette notion, non pas dans sa fonction négative (condition d’exclusion de la procédure de sauvegarde), mais dans sa fonction positive (condition d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire).

Ces remarques liminaires effectuées, que doit-on entendre par la notion de cessation des paiements ?

Classiquement, les auteurs envisagent cette notion en adoptant une double approche, la première positive, la seconde négative.

Nous ne dérogerons pas à la règle.

a) L’approche positive de la cessation des paiements

Initialement, la cessation des paiements n’était définie par aucun texte. Aussi, la définition de cette notion était, jusqu’assez tardivement, pour le moins rudimentaire.

Dans un premier temps, la jurisprudence estimait que la cessation des paiements était caractérisée dès lors que le débiteur n’était pas en mesure de régler une dette à l’échéance.

Puis, les Tribunaux ont sensiblement modifié leur appréciation de la cessation des paiements en considérant qu’elle était établie dès lors que la situation du débiteur était gravement compromise et non pas seulement momentanément obérée.

Enfin, dans un arrêt de principe rendu par la Chambre commerciale en date du 14 février 1978, la Cour de cassation a considéré que l’état de cessation des paiements est caractérisé lorsque le débiteur n’est pas « mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible » (Cass. com. 14 févr. 1978).

Cass. com. 14 févr. 1978
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : vu l'article premier de la loi du 13 juillet 1967 ;
Attendu que, pour débouter l’URSSAF des landes de sa demande de mise en liquidation des biens de Barada, la cour d'appel a retenu par motifs propres et par motifs adoptes des premiers juges, que, le défaut de paiement d'une seule dette ne suffisant pas à constituer l'état de cessation des paiements, la situation de Barada, qui justifiait avoir versé des acomptes importants et dont la dette envers l’URSSAF ne se montait plus qu'à 39.639 francs 45 centimes, n'était pas désespère et sans issue, de sorte que la cessation de ses paiements n'était pas établie ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Barada était en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale a sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties le 9 juin 1976 par la cour d'appel de Pau.

Par cet arrêt, la Cour de cassation posait les premiers jalons de la définition de la cessation des paiements.

Et pour cause, le législateur la reprendra lors de l’adoption de la loi du 25 janvier 1985.

Cette définition a, par la suite, été reprise par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises

L’article L. 631-1 du Code de commerce dispose en ce sens que « il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements »

L’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté a précisé cette définition en ajoutant au texte que « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements. »

Que retenir de cette définition de la cessation des paiements, dont l’ébauche a d’abord été faite par la jurisprudence, puis qui a été précisée après avoir été consacrée par le législateur ?

Il ressort de l’article L. 620-1 du Code de commerce que trois éléments constitutifs caractérisent la notion de cessation des paiements :

i) Le passif exigible

Que doit-on comprendre par passif exigible ? Toute la difficulté de cerner le sens à donner à cette formule réside dans le terme exigible.

À la vérité, cet adjectif recèle un sens manifeste et un sens moins évident qui prête à discussion.

Aussi convient-il d’envisager les deux sens.

?) Le sens manifeste de la notion de passif exigible

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de l’adjectif exigible :

?) Le sens discuté de la notion de passif exigible

En pratique, l’état de cessation des paiements se révélera lorsque le débiteur ne sera pas en mesure de procéder au règlement d’une dette échue.

Encore faut-il toutefois que le créancier constate le défaut de paiement du débiteur.

À la vérité, tant que le débiteur n’est pas actionné en paiement, l’état de cessation des paiements relève du domaine de l’abstrait en ce sens qu’il ne produit aucun véritable effet.

Cette situation, qui dans le monde des affaires se rencontre fréquemment, conduit alors à se demander si l’exigibilité à laquelle fait référence l’article L. 620-1 du Code de commerce doit se comprendre

OU

Selon que l’on retient l’une ou l’autre conception, la situation est, de toute évidence, plus ou moins favorable au débiteur.

Quel raisonnement tenir pour justifier l’une ou l’autre approche de la notion d’exigibilité ?

La question a fait l’objet d’un important débat doctrinal nourri par un contentieux fourni.

Surtout, il ressort de la jurisprudence que la position de la Cour de cassation sur cette question a considérablement évolué jusqu’à finalement être consacrée en 2008 par le législateur.

==> Première étape : adoption d’une conception souple de la notion de passif exigible

Tout d’abord, dans un certain nombre d’arrêts, la Cour de cassation a pu estimer que l’absence de réclamation du paiement d’une dette par le créancier auprès du débiteur pouvait s’analyser comme l’octroi tacite d’un délai de paiement (V. en ce sens com. 22 févr. 1994)

Ensuite, dans un arrêt du 12 novembre 1997, la chambre commerciale a condamné une Cour d’appel pour n’avoir pas tiré les conséquences de la non-réclamation par le Trésor d’une dette fiscale au débiteur ( com. 12 nov. 1997)

Pour la Cour de cassation le défaut de paiement de cette dette n’était, en effet, pas suffisant pour établir le défaut de paiement du passif exigible, contrairement à ce qui avait été jugé par les juges du fond.

Avec cet arrêt, la chambre commerciale introduit l’idée que, au fond, seules les dettes exigées par le créancier doivent être prises en compte dans la détermination du passif exigible.

Cette position – libérale – de la Cour de cassation a été confirmée, un an plus tard, dans un arrêt controversé rendu le 28 avril 1998 ( com 28 avr. 1998).

Cass. com 28 avr. 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 septembre 1995), que les associés de la société à responsabilité limitée Normandie express cuisines (société Normandie) ayant décidé sa dissolution anticipée, Mme Y..., gérante, a été désignée en qualité de liquidateur amiable;

Que celle-ci a informé la société civile immobilière REG (le bailleur), propriétaire des locaux loués à la société Normandie, de son intention de résilier le bail ;

Que, par lettre du 8 novembre 1990, le bailleur lui a répondu que la résiliation ne pouvait intervenir qu'au terme de la période triennale en cours, soit le 25 juin 1993, et que "sans que cela constitue de notre part une renonciation à nos droits", il mettait "les locaux en relocation pour le 1er janvier 1991";

Qu'aucun loyer n'ayant été réglé après cette date, le bailleur, par acte du 19 mars 1991, a assigné la société Normandie en paiement de l'arriéré;

Qu'après condamnation de la société au paiement d'une certaine somme à ce titre, le bailleur l'a assignée en redressement judiciaire;

Que le Tribunal a ouvert la procédure simplifiée de redressement judiciaire de la société Normandie, par jugement du 10 juin 1992, puis l'a mise en liquidation judiciaire;

que M. X..., désigné en qualité de représentant des créanciers puis de liquidateur de la procédure collective, a demandé que la date de cessation des paiements soit reportée au 1er janvier 1991 et que Mme Y... soit condamnée, sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, à supporter les dettes sociales, lui reprochant d'avoir, en omettant de déclarer la cessation des paiements de la société Normandie, contribué à l'insuffisance d'actif ;

[…]

Et sur le second moyen :

Attendu que le liquidateur de la procédure collective reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement des dettes sociales alors, selon le pourvoi, qu'en vertu des articles 37, 38 et 141 de la loi du 25 janvier 1985, dans leur rédaction applicable en la cause, le bailleur ne peut prétendre au paiement des loyers échus postérieurement à la renonciation de la personne qualifiée pour y procéder à poursuivre le bail, et acquiert du fait de cette renonciation le droit de faire prononcer en justice la résiliation du contrat;

qu'en retenant, pour décider que la tardiveté de la déclaration de cessation des paiements de la société Normandie n'avait pas contribué à l'insuffisance d'actif, que la bailleresse aurait pu produire sa créance de loyers à échoir jusqu'à l'expiration de la période triennale en cours même si le contrat avait été résilié dès la cessation des paiements, la cour d'appel a donc violé les textes ci-dessus mentionnés ;

Mais attendu que le moyen se borne à prétendre que la déclaration de la cessation des paiements de la société Normandie faite dans le délai légal par Mme Y... aurait, par suite de la possibilité de renoncer à la poursuite du contrat de bail en cours qu'offrait l'ouverture de la procédure collective, évité l'accumulation d'une dette de loyer postérieurement à cette renonciation;

que, dès lors que les dettes nées après le jugement d'ouverture et, par conséquent, celles postérieures à la renonciation, n'entrent pas dans le passif pris en compte pour la détermination de l'insuffisance d'actif pouvant être mise à la charge des dirigeants, ce moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Deuxième étape : adoption d’une conception stricte de la notion de passif exigible

Dans un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation a durci sa position quant à l’approche de la notion de passif exigible ( com. 27 févr. 2007)

Cass. com. 27 févr. 2007
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 13 septembre 2005), que la société Avenir Ivry (la société) a été mise en liquidation judiciaire par le tribunal qui s'était saisi d'office ; que la cour d'appel a réformé le jugement et a ouvert une procédure de redressement judiciaire ;

Attendu que la société et son mandataire ad hoc font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué et d'avoir fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 13 septembre 2005, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en s'abstenant de rechercher, cependant qu'elle y était invitée, si la commune d'Ivry, après avoir exercé son droit de préemption sur les deux immeubles de la société, n'avait pas émis, le 15 février 2005, l'offre de les acquérir au prix correspondant à la valeur retenue par le juge de l'expropriation, en sorte que ces immeubles eussent constitué un actif disponible pour être immédiatement cessibles au bénéficiaire du droit préférentiel de les acheter, par la seule acceptation de son offre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-1 du code de commerce ;

2°/ qu'en retenant l'état de cessation des paiements de la société après avoir relevé que ses dettes étaient exigibles, sinon exigées, et quand le liquidateur à liquidation judiciaire, qui s'en rapportait à justice sur les mérites de l'appel contre la décision du premier juge ayant statué sur sa saisine d'office, soulignait qu' aucune poursuite n'est en cours concernant le passif déclaré lequel, dans ces conditions, n'est pas à ce jour exigé, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-1 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt a exactement retenu que l'actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n'était pas disponible ;

Attendu, d'autre part, que la société, qui n'avait pas allégué devant la cour d'appel qu'elle bénéficiait d'un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif, de sorte que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Troisième étape : Consécration légale de la conception stricte de la notion de passif exigible

La solution retenue par la Cour de cassation dans ses deux arrêts du 27 février 2007 a été reprise le législateur à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008.

Ce texte est venu compléter l’article L. 631-1 du Code de commerce en y apportant la précision que « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.»

Il ressort de cette disposition que c’est donc au débiteur qu’il appartiendra de prouver l’existence d’un délai de paiement.

Cette exigence ne déroge toutefois en rien à la règle aux termes de laquelle, il revient au créancier, en toute hypothèse, d’établir au soutien de son assignation en redressement ou en liquidation judiciaire l’état de cessation des paiements du débiteur.

?) L’exigence d’un passif exigible reposant sur une créance certaine et liquide

Bien  que l’article L. 631-1 du Code de commerce ne semble conditionner la cessation des paiements qu’à l’établissement d’un passif exigible, celui-ci n’en doit pas moins reposer sur une créance certaine et liquide.

Autrement dit, le Tribunal ne devra pas s’arrêter à la seule constatation du défaut de paiement du débiteur ; il devra également vérifier que les créances dont se prévaut le créancier sont certaines et liquides.

Pour constituer un élément de la cessation des paiements, la dette impayée ne doit pas être litigieuse c’est-à-dire qu’elle ne doit être contestée :

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 novembre 2008 est une illustration de cette exigence (Cass. 1ère civ. 25 nov. 2008).

Cass. 1ère civ. 25 nov. 2008
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 631-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la SCI Alliance (la SCI) a été condamnée par deux ordonnances de référé à payer diverses sommes à titre de provision à la société Gilles matériaux (société Matériaux) ; que la SCI, qui n'a pas réglé lesdites sommes, a saisi les juges du fond ; que dans le même temps, la société Matériaux a fait assigner la SCI aux fins de faire constater son état de cessation des paiements et voir, en conséquence, prononcer l'ouverture d'un redressement judiciaire à son encontre ;

Attendu que pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI, l'arrêt retient que la créance de la société Matériaux est exigible en vertu des ordonnances de référé et que le fait qu'une instance au fond soit en cours n'en suspend pas l'exécution provisoire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le sort définitif de la créance était subordonné à une instance pendante devant les juges du fond, de sorte que cette créance, litigieuse et donc dépourvue de caractère certain, ne pouvait être incluse dans le passif exigible retenu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de sursis à statuer, l'arrêt rendu le 25 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

ii) L’actif disponible

Pour être en cessation des paiements, le débiteur doit se trouver dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Quel sens donner à la formule « actif disponible » ?

Il s’agit de l’actif immédiatement réalisable, soit celui qui le débiteur est en mesure de rassembler afin de satisfaire à la demande de règlement du créancier.

==> Problématique

La difficulté soulevée par la notion d’actif disponible réside dans la question de savoir ce que l’on doit entendre par « disponible ».

Plus précisément, à partir de quand peut-on considérer que l’actif du débiteur est disponible ?

Est-ce seulement l’actif mobilisable immédiatement ? À très court terme ? À court terme ? À moyen terme ?

Où placer le curseur ?

Si le débiteur possède des biens immobiliers, doivent-il être pris en compte dans le calcul de l’actif disponible où doit-on estimer que l’existence d’un délai entre la demande du créancier et la vente des biens ne permet pas de les intégrer dans l’actif disponible ?

==> La jurisprudence

Il ressort de la jurisprudence que la notion d’actif disponible est entendue très étroitement par la Cour de cassation.

Bien que cette dernière n’ait pas donné de définition précise de la notion, ces différentes décisions permettent de cerner son niveau d’exigence à l’endroit des juges du fond.

Cass. com. 26 juin 1990
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 380-1 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, créancière de la Société d'exploitation du circuit automobile du district de Lacq (la SECADIL) en vertu d'un prêt de somme d'argent consenti à cette dernière avec la garantie à première demande du district de Lacq (le district) qui avait, par ailleurs, accepté que les sommes versées par lui à ce titre ne deviennent pas immédiatement exigibles dans ses rapports avec la débitrice, la Société de financement régional Elf-Aquitaine (la SOFREA), après commandement fait à l'emprunteuse pour avoir paiement des échéances non réglées, l'a assignée en redressement judiciaire ;

Attendu que, pour surseoir à statuer sur cette demande, l'arrêt retient que la garantie donnée par le district avait pour effet d'apurer le passif de la SECADIL vis-à-vis des tiers, sans y substituer une créance exigible, de sorte que la SOFREA, en l'état, n'apportait pas la preuve de la cessation des paiements de la débitrice, cette preuve ne pouvant être établie que si le jeu des " cautions " ne permettait pas le règlement du prêt ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, après avoir relevé que la SECADIL était dans l'impossibilité de faire face à ses engagements tant envers la SOFREA qu'envers les autres organismes prêteurs, " le terme d'état de cessation des paiements pouvant donc s'appliquer à elle ", et alors que ni l'existence de la garantie à première demande consentie par le district, ni l'accord de celui-ci pour différer l'exigibilité à son égard de la dette de la SECADIL résultant d'une éventuelle mise en oeuvre de la garantie ne pouvaient influer sur l'appréciation de l'état de cessation des paiements de la société au moment où elle statuait sur la demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur la demande de mise en redressement judiciaire de la SECADIL, l'arrêt rendu le 18 octobre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

==> Conclusion

Il ressort de la jurisprudence que la notion d’actif disponible doit être entendue très étroitement.

Il ne peut s’agir que des éléments immédiatement réalisables.

Un parlementaire avait suggéré de n’y intégrer que les éléments d’actifs réalisables à un mois (Amendement Lauriol : JOAN CR, 16 oct. 1984, p. 4690).

Cette proposition n’a pas été retenue, le gouvernement de l’époque ne souhaitant pas enfermer la notion de cessation des paiements dans des délais, ce qui présenterait l’inconvénient de considérablement réduire la marge d’appréciation laissée au juge.

Or en matière de traitement des entreprises en difficulté, c’est le principe du cas par cas qui préside à la décision des tribunaux.

Aussi, l’actif disponible correspond-il à celui qui peut être mobilisé à très court terme, ce qui exclut tous les biens dont la réalisation suppose l’accomplissement de formalités.

La conséquence en est que ne peut être comprise dans l’actif disponible la valeur du patrimoine immobilier du débiteur qui, bien que supérieure au passif exigible, n’est pas réalisable immédiatement.

iii) L’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible

Pour être en cessation des paiements, il ne suffit pas que le débiteur présente un lourd passif exigible, encore faut-il que celui-ci ne puisse pas être couvert par l’actif disponible.

Aussi, cela signifie-t-il que le simple défaut de paiement du débiteur ne saurait fonder l’ouverture d’une procédure collective.

Dès lors que le débiteur a la capacité de faire face, il est à l’abri, à la condition toutefois que l’actif dont il fait état ne soit pas artificiel ni ne soit obtenu par des moyens frauduleux, telle l’émission de traites de complaisance.

Concrètement, c’est seulement lorsque le débiteur ne sera plus en mesure de se faire consentir des crédits par ses créanciers ou par un organisme prêteur que la cessation des paiements sera caractérisée.

L’ouverture d’une procédure collective apparaît alors inévitable.

b) L’approche négative de la cessation des paiements

La cessation des paiements se distingue de plusieurs situations et notions qu’il convient d’envisager afin de mieux la cerner.

==> Cessation des paiements et insolvabilité

La cessation des paiements c’est la situation du débiteur qui s trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible

L’insolvabilité c’est la situation du débiteur qui se trouve dans l’impossibilité de faire face à la totalité des dettes qui pèsent sur sa tête avec l’ensemble de son actif.

Autrement dit, tandis que pour établir la cessation des paiements on se limite à comparer le passif exigible à l’actif disponible, l’insolvabilité résulte d’un déséquilibre entre l’ensemble du passif contracté par le débiteur et la totalité de l’actif porté à son crédit.

Si, la plupart du temps, les entreprises qui font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire sont insolvables, cette situation ne saurait se confondre avec l’état de cessation des paiements.

Deux raisons peuvent être avancées au soutien de ce constat :

==> Cessation des paiements et situation irrémédiablement compromise

La situation irrémédiablement compromise est la situation dans laquelle se trouve un débiteur qui emprunte de manière irréversible le chemin de la liquidation judiciaire.

Autrement dit, lorsque le débiteur est dans cette situation il n’y a plus aucun espoir qu’il surmonte les difficultés rencontrées.

Les dettes accumulées sont telles, que l’élaboration d’un plan de redressement est inutile. Aussi, le Président du Tribunal n’aura d’autre choix que de prononcer la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Si la situation irrémédiablement compromise ne constitue pas l’événement déclencheur d’une procédure collective, lorsqu’elle est établie elle ouvre le droit du banquier de résilier unilatéralement, sans préavis, sa relation avec le débiteur, sans risque pour lui de voir sa responsabilité engagée pour rupture abusive.

L’article L. 313-12, al. 2e du Code monétaire et financier prévoit en ce sens que « l’établissement de crédit ou la société de financement n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise. »

==> Cessation des paiements et défaut de paiement

Le défaut de paiement du débiteur ne saurait, en aucun, cas constituer une cause d’ouverture d’une procédure collective, sauf à ce que cette défaillance soit la manifestation de l’état de cessation des paiements.

Cette règle a notamment trouvé application dans un arrêt de la chambre commerciale du 27 avril 1993.

Cass. com. 27 avr. 1993
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que la cessation des paiements est distincte du refus de paiement et doit être prouvée par celui qui demande l'ouverture du redressement judiciaire ;

Attendu que pour confirmer la mise en redressement judiciaire de M. X... sur assignation de l'Union des travailleurs indépendants mutualistes de l'Hérault (l'UTIMH), à laquelle il est redevable d'un arriéré de cotisations, l'arrêt attaqué retient que son passif fait présumer l'état de cessation de ses paiements, et qu'il lui appartient, en conséquence, de rapporter la preuve que sa défaillance est justifiée par un refus de paiement résultant d'une prise de position de caractère syndical et qu'il est en mesure de régler ses dettes, ce qu'il ne fait pas ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que M. X... se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

2. Le régime de la cessation des paiements

==> La preuve de la cessation des paiements

==> La date de la cessation des paiements

==> Report de la date de cessation des paiements

==> L’unité de la cessation des paiements

Cass. com. 4 nov. 2014
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la société Arizona (la société) les 4 février et 9 avril 2008, M. Y..., agissant en qualité de liquidateur, a assigné le gérant de cette société, M. X... (le dirigeant), en responsabilité pour insuffisance d’actif et en prononcé d’une mesure d’interdiction de gérer ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l’article L. 651 2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report ;

Attendu que pour condamner le dirigeant à contribuer à l’insuffisance d’actif de la société, l’arrêt retient que cette dernière était en cessation des paiements depuis au moins le 5 juillet 2007 et qu’en s’abstenant d’en faire la déclaration dans le délai de quarante cinq jours, le dirigeant a commis une faute de gestion ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si la date du 5 juillet 2007 était celle fixée par le jugement d’ouverture ou un jugement de report, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 653 8, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, et l’article R. 653 1, alinéa 2, du même code ;

Attendu que pour condamner le dirigeant à une mesure d’interdiction de gérer, l’arrêt retient l’omission de déclarer, dans le délai légal, la cessation des paiements, dont il fixe la date au 5 juillet 2007 ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si la date du 5 juillet 2007 était celle fixée par le jugement d’ouverture ou un jugement de report, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 janvier 2013, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée

III) L’extension de la procédure de sauvegarde

Lorsqu’une procédure de sauvegarde est ouverte elle n’a, en principe, pour seul sujet que le débiteur qui justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter.

Et pour cause, la finalité d’une telle procédure est d’assurer « la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Attraire dans le champ d’une telle procédure à une personne morale ou physique tierce qui se porte bien serait, par conséquent, un non-sens, quand bien même cette personne se trouverait dans une position de dépendance économique par rapport au débiteur.

Fort de ce postulat, doit-on tirer la conséquence que dès lors qu’une entreprise est in bonis, cette situation constitue un obstacle à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ?

Très tôt la jurisprudence a rejeté cette thèse.

Dès le XIXe siècle elle a considéré qu’une entreprise qui ne rencontrait aucune difficulté pouvait parfaitement faire l’objet d’une procédure collective, soit parce qu’elle n’était autre qu’une personne morale fictive derrière laquelle se réfugiait le débiteur aux fins d’organiser son insolvabilité, soit parce qu’existait entre elle et ce dernier une confusion des patrimoines.

Pour ce faire, la jurisprudence a forgé la règle de l’extension de procédure.

Cette règle consiste à étendre une procédure collective préalablement ouverte à l’encontre d’un débiteur à une ou plusieurs autres personnes qui ne remplissent pas nécessairement les conditions d’éligibilité.

La juridiction saisie mène à bien la procédure ainsi ouverte à l’encontre des personnes morales ou physiques visées comme s’il n’y avait qu’un seul débiteur. Les éléments d’actif et de passif font alors l’objet d’une appréhension globale.

Schéma 1

Lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, le législateur est venu consacrer cette construction jurisprudentielle en ajoutant un alinéa 2 à l’article L. 621-2 du Code de commerce aux termes duquel « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »

Lorsque l’une des causes d’extension de la procédure de sauvegarde énoncée par ce texte est caractérisée (A), il s’ensuit la mise en œuvre d’une procédure commune aux personnes visées (B), laquelle emporte des conséquences singulières (C)

A) Les causes d’extension de la procédure de sauvegarde

Il ressort de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce que la procédure de sauvegarde est susceptible de faire l’objet d’une extension dans deux cas :

  1. La confusion de patrimoines

En substance, la confusion des patrimoines consiste pour des personnes morales ou physiques qui, en apparence, arborent des patrimoines distincts, se comportent comme s’il n’existait qu’un seul patrimoine.

La notion de confusion des patrimoines n’est toutefois définie par aucun texte. Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche d’en délimiter les contours.

Il ressort des décisions rendues en la matière que la confusion de patrimoines est établie par la caractérisation de deux critères alternatifs que sont :

a) L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines

Ce critère correspond à l’hypothèse où les patrimoines sont tellement enchevêtrés l’un dans l’autre qu’il est impossible de les dissocier.

L’analyse de la jurisprudence révèle que cette situation se rencontre dans deux cas distincts :

==> Existence d’une confusion des comptes

Il ressort d’un arrêt rendu en date du 24 octobre 1995, que l’imbrication des patrimoines peut se déduire de l’existence d’une confusion des comptes entre ceux tenus par le débiteur et la personne morale ou physique avec laquelle il est en relation d’affaires (Cass. com. 24 oct. 1995).

La confusion des comptes n’est pas le seul indice auquel s’attachent les juges pour retenir l’imbrication des patrimoines.

Cass. com. 24 oct. 1995
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Leading reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Bourges, 8 décembre 1992) de lui avoir étendu le redressement judiciaire de la société Forest I aux motifs, selon le pourvoi, que le jugement d'extension ne se trouvait pas entaché de nullité et de vice de forme, alors, d'une part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal ne pouvait statuer sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à son encontre qu'après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil les représentants du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel ;

que cette formalité substantielle n'ayant pas été remplie, la procédure d'extension devait être annulée et le jugement infirmé et que la cour d'appel aurait dû répondre au moyen ainsi soulevé ;

et alors, d'autre part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'elle n'avait pas pu présenter sa défense devant les premiers juges et qu'il en était résulté une violation du contradictoire et des droits de la défense devant entraîner l'annulation du jugement dont appel et que la cour d'appel était tenue de se prononcer sur le moyen ainsi soulevé ;

Mais attendu, d'une part, que le débiteur n'a pas qualité pour invoquer le défaut de convocation des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel préalablement à la décision du tribunal sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;

Attendu, d'autre part que l'appel de la société Leading tendant à l'annulation du jugement, la cour d'appel se trouvait saisie de l'entier litige et devait, en vertu de l'article 562, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, statuer sur le fond, même si elle déclarait le jugement nul ;

que, dès lors, le moyen est irrecevable, faute d'intérêt ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Leading reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que le redressement judiciaire d'une personne morale ne peut être étendu à une autre qu'en cas de confusion de leurs patrimoines ou de fictivité de l'une d'elles ;

que ne répond à aucune de ces hypothèses une imbrication d'intérêts suite à l'exécution de contrats les ayant liées entre elles et la nécessité d'une expertise amiable destinée à apurer les comptes entre les parties ; que la cour d'appel n'ayant relevé aucun élément de fait établissant une quelconque confusion de patrimoines entre deux sociétés indépendantes ou leur fictivité ou celle de leurs activités communes, elle n'a pu étendre de la société Forest I à la société Leading le redressement judiciaire de la première qu'en violation des articles 1842, alinéa 1er, du Code civil, et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté, tant par motifs propres qu'adoptés, qu'en application d'un accord de commercialisation, la société Forest I, qui avait acquis une participation de 50 % dans le capital de la société Leading, a pris en location-gérance le fonds de commerce de cette société, mettant en commun avec elle certains moyens de gestion financière, industrielle et comptable et qu'à la suite d'un désaccord entre les parties et de la désignation judiciaire d'un adminis- trateur provisoire de la société Leading, il a été décidé de procéder à la rétrocession des actions de la société Leading détenues par la société Forest I et à la résiliation du contrat de location-gérance mais que faute de paiement du prix des actions de la société Leading, ces accords n'ont pas été appliqués, l'arrêt relève que l'exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d'imbrication inextricable entre elles ; que par ces constatations et appréciations retenant la confusion de patrimoines des deux sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi

==> Existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine

L’imbrication des patrimoines ne se caractérise pas seulement par la confusion des comptes, elle peut également avoir pour origine l’existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine.

Cette situation a été mise en exergue par un arrêt du 2 juillet 2013 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 2 juill. 2013).

Cass. com. 2 juill. 2013
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 novembre 2011), que Mme X..., qui exerçait, à titre personnel, une activité dans le secteur du bâtiment sous l'enseigne RS Construction, a été mise en liquidation judiciaire le 19 décembre 2007 ; que le liquidateur a assigné en extension de la liquidation judiciaire sur le fondement de l'article L. 621-2 du code de commerce le conjoint de Mme X... et l'Eurl Construction et rénovation du sud (l'Eurl), immatriculée le 21 novembre 2007 par M. X... qui en était l'unique associé et le gérant ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé à son encontre et à l'encontre de l'Eurl l'extension de la procédure de liquidation judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ que la procédure de liquidation judiciaire d'une personne ne peut être étendue à une autre qu'en cas de fictivité de la personnalité morale ou de confusion de leur patrimoine ; qu'en affirmant que l'organisation du travail de l'entreprise « s'est en permanence poursuivie, au point qu'il s'agit plus d'une imbrication ou même d'une confusion, mais d'une véritable et exacte et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine, avec les mêmes personnes », c'est-à-dire en écartant expressément la confusion des patrimoines sans retenir de fictivité de la personnalité morale, tout en étendant la liquidation judiciaire à M. X... et à l'Eurl, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations, en violation de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en étendant la procédure collective à M. X... et à l'Eurl sans rechercher s'il y avait eu confusion entre leur patrimoine et celui de Mme X... ou si la personnalité morale était fictive, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

3°/ que pour étendre la procédure de liquidation judiciaire d'une personne à une autre personne sur le fondement de la confusion des patrimoines, des relations financières anormales ou une confusion des comptes doivent être caractérisées entre les deux personnes ; qu'à défaut de caractériser une telle situation entre Mme et M. X..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

4°/ que dans ses conclusions d'appel M. X... indiquait qu'« en l'absence de toutes autres ressources du couple, M. X... décidait de constituer une Eurl, immatriculée le 21 novembre 2007, il reprenait les engagements qu'il avait signés pour le compte de sa société en formation (11 juillet 2007) notamment auprès de Mme Y..., maître d'ouvrage » ; qu'en affirmant « qu'il reconnaît ainsi que bien avant de créer sa propre société et même la procédure collective de son époux (novembre 2007), il a mis en oeuvre en sous main, dans son intérêt et celui de son épouse, une structure pour continuer la même activité avec un même client », voyant ainsi dans la constitution de l'Eurl un comportement frauduleux, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. X..., en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, la participation active de M. X... dans l'exploitation de l'activité de son épouse et l'immixtion de celle-ci dans l'activité de l'Eurl, l'arrêt retient que l'Eurl, immatriculée dans le même temps où Mme X... déclarait sa cessation des paiements et portant une raison sociale proche de l'enseigne de Mme X..., a poursuivi les activités et les chantiers en cours et réglé les factures de cette dernière ; qu'il retient encore, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'organisation du travail entre les deux conjoints s'est en permanence poursuivie au point de créer une véritable et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine et que la création de l'Eurl ne constituait qu'un leurre ; que, par ces constatations et appréciations, caractérisant, d'un côté, l'existence de relations financières anormales justifiant l'extension de la liquidation judiciaire de Mme X... à son conjoint et, de l'autre, la fictivité de l'Eurl justifiant l'extension de la même procédure à la société, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

b) L’existence de relations financières anormales

Lorsque les personnes qui font l’objet de la procédure d’extension sont des personnes morales, la confusion des patrimoines se déduira de l’existence de relations financières anormales.

La jurisprudence a sensiblement évolué sur la définition de ce critère.

==> Premier temps : exigence de flux financiers anormaux

Dans un arrêt rendu le 11 mai 1993, la jurisprudence avait défini la confusion de patrimoines par un critère déterminant : l’existence de flux financiers anormaux tels qu’il n’est plus possible de distinguer les actifs et les passifs des deux sociétés.

Elle avait estimé en ce sens dans cette décision « qu’ayant relevé que la présence de dirigeants ou d’associés communs, l’identité d’objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu, l’existence de relations commerciales constantes et la communauté de clientèle ne suffisaient pas à démontrer la confusion des patrimoines des sociétés Agratex, Soproco et Sofradimex, dès lors qu’elles conservaient une activité indépendante, un actif et un passif propre et qu’aucun flux financier anormal n’existait entre elles, la cour d’appel, qui a effectué les recherches visées aux deux premières branches du moyen et n’avait pas à effectuer celle, inopérante, visée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision »

La Cour de cassation s’appuiera sur cette notion pour caractériser la confusion des patrimoines dans de nombreux autres arrêts.

Dans un arrêt du 10 juillet 2012, elle estime, par exemple, que « ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l’imbrication inextricable des patrimoines » (Cass. com. 10 juill. 2012).

==> Second temps : exigence de relations financières anormales

Dans un arrêt du 7 janvier 2003, la Cour de cassation se réfère non plus à la notion de « flux financiers anormaux », mais de « relations financières anormales » pour retenir la confusion des patrimoines (Cass. com. 7 janv. 2003).

Cass. com. 7 janv. 2003
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 novembre 2010), que, le 3 mars 1999, M. X... et Mme Y... ont constitué une société civile immobilière BLM (la société BLM) qui a donné à bail, le 24 mars 1999, un immeuble à l'entreprise individuelle de Mme Y... ; que, le 1er juillet 2008, Mme Y... a été mise en liquidation judiciaire, M. Z... étant désigné liquidateur ; que, le 30 juin 2009, le tribunal a prononcé l'extension de la liquidation judiciaire de Mme Y... à la société BLM et à M. X... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'extension à son encontre de la liquidation judiciaire de Mme Y..., alors, selon le moyen, que des flux financiers anormaux ne sont susceptibles de caractériser une confusion de patrimoines que s'ils procèdent d'une volonté systématique et qu'ils se sont déroulés sur une période étendue ; que la cour d'appel qui, pour retenir une confusion de patrimoines, s'est bornée à relever l'existence de flux anormaux entre l'entreprise La Flèche deux roues et M. X..., sans constater que ces prétendus flux procédaient d'une volonté systématique et s'étaient déroulés pendant une période étendue, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-2 et L. 631-2 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que M. X..., qui s'était en réalité conduit comme le gérant de fait de l'entreprise liquidée depuis sa création, avait, s'immisçant sans titre dans la comptabilité de Mme Y..., établi pour le compte de celle-ci des chèques sans procuration sur le compte de l'entreprise et des factures, ainsi qu'à titre personnel passé des commandes pour des pièces détachées et diverses fournitures pour un véhicule automobile sans rapport démontré avec l'exercice de ce commerce ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a constaté que ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l'imbrication inextricable des patrimoines personnels de M. X... et Mme Y..., a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

2. La fictivité de la personne morale

Conformément à l’article L. 621-2 du Code de commerce, l’extension de la procédure de sauvegarde peut également résulter de la fictivité de la personne morale.

Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par fictivité. Qu’est-ce qu’une personne morale fictive ?

Dans un arrêt Franck du 19 février 2002, soit avant l’intervention du législateur en 2005, la Cour de cassation avait déjà estimé (Cass. com. 19 févr. 2002) que la fictivité d’une société soumise à une procédure collective devait être sanctionnée par l’extension de ladite procédure au véritable maître de l’affaire.

Cass. com. 19 févr. 2002
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., Mme Y... et M. Y... ont constitué, le 14 décembre 1988, la société Garaude production investissements (société GPI) qui est devenue actionnaire de la société Z... ; que la société GPI a été mise en redressement judiciaire le 4 novembre 1994, converti en liquidation judiciaire le 10 mars 1995, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a demandé au tribunal de constater la fictivité de la société GPI et d'étendre notamment à M. Y... la procédure collective ouverte à l'égard de cette société ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Vu l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-5 du Code de commerce ;

Attendu que, pour étendre à M. Y... la liquidation judiciaire de la société GPI, l'arrêt retient que la société GPI et la société Z... avaient les mêmes associés, que l'emprunt contracté par la société GPI auprès de la société Sicofrance avait pour seul but de procurer à la société Z..., qui lui avait donné mandat de le souscrire, les liquidités dont celle-ci avait besoin, que la société GPI, sans autre activité pendant quatre ans que d'avoir contracté un emprunt destiné à la société Z..., n'avait réalisé aucune des opérations industrielles et commerciales comprises dans son objet social ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. Y..., associé, était le maître de l'affaire sous couvert de la personne morale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE,

EN RÉSUMÉ :

B) La procédure d’extension de la procédure de sauvegarde

C) Les conséquences de l’extension de la procédure de sauvegarde

Plusieurs conséquences sont attachées à l’extension d’une procédure collective :

Cass. com. 17 juill. 2001
Sur le moyen unique :

Vu l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 624-3 du Code de commerce ;

Attendu que les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu'il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d'autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d'une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n'ont pas été les dirigeants ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que plusieurs associations, dont Flash, Conventillo Z..., Jules A... et Mercure, ont été mises en redressement, le 1er octobre 1991, puis liquidation judiciaires ;

que le tribunal a constaté la confusion des patrimoines de l'ensemble de ces associations et a reporté leur date de cessation des paiements au 1er avril 1990 ; que le liquidateur a assigné, notamment, M. Chatelain, président des associations Flash et Conventillo Z..., et Mme Llop, présidente des associations Jules A... et Mercure en paiement de l'insuffisance d'actif "de la liquidation judiciaire des associations" ;

Attendu que pour condamner M. Chatelain et Mme Llop à supporter l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire des associations Flash, Conventillo Z..., Jules A..., Mercure, Z... 94 et Interface communication, à concurrence d'1 000 000 francs, l'arrêt retient qu'en raison de la confusion des patrimoines ordonnée par le tribunal, les fautes de gestion commises par les dirigeants ont contribué à la création de l'insuffisance d'actif de l'ensemble des associations, tout en relevant que M. Chatelain et Mme Llop n'exerçaient, chacun, des fonctions de dirigeants, qu'au sein de deux des associations ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

[1] P.-M. LE CORRE, « La réforme du droit des entreprises en difficulté », Dalloz 2009, sp. N°211.3

[1] P. Didier, Droit commercial, éd. Economica, 2004, t.1, p. 67.

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