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L’extinction du cautionnement par voie principale: régime

Les causes d’extinction du cautionnement sont nombreuses et parfois complexes. La raison en est qu’il s’agit d’une opération triangulaire qui mobilise plusieurs rapports d’obligations.

Classiquement on distingue deux sortes de causes d’extinction du cautionnement :

Ces différentes causes d’extinction du cautionnement sont envisagées aux articles 2313 à 2320 du Code civil.

À cet égard, l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a réaffirmé que le cautionnement pouvait s’éteindre, soit par voie principale, soit par voie accessoire.

Nous nous focaliserons ici sur l’extinction du cautionnement par voie principale. 

Bien que le cautionnement présente un caractère accessoire, il n’en reste pas moins un contrat distinct de l’obligation principale.

Aussi, est-il soumis aux mêmes causes d’extinction que n’importe quel contrat indépendamment de celles susceptibles d’affecter le rapport d’obligation dont il garantit l’exécution.

L’article 2313 du Code civil prévoit en ce sens que « l’obligation de la caution s’éteint par les mêmes causes que les autres obligations. »

À l’analyse, afin d’appréhender les causes d’extinction par voie principale du cautionnement, il y a lieu de distinguer selon qu’elles intéressent l’obligation de règlement ou l’obligation de couverture.

==> Obligation de règlement/obligation de couverture

La distinction entre l’obligation de règlement et l’obligation de couverture a été théorisée par Christian Mouly aux fins d’envisager les différentes causes d’extinction du cautionnement et plus spécifiquement d’expliquer celles qui concernent le cautionnement de dettes futures.

Pour mémoire, l’obligation future est celle qui n’est pas encore née au jour de la souscription du cautionnement.

Cette situation se rencontre en matière de cautionnement dit « omnibus », soit celui qui vise à garantir toutes les dettes à venir du débiteur principal.

Par souci de protection de la caution qui, par hypothèse, ignore, au jour où elle s’oblige, l’étendue de son engagement, le législateur a prévu des causes d’extinction propres au cautionnement de dettes futures.

Ainsi, l’article 2316 du Code civil prévoit que « lorsqu’un cautionnement de dettes futures prend fin, la caution reste tenue des dettes nées antérieurement, sauf clause contraire. »

Il ressort de cette disposition que lorsqu’un cautionnement a pour objet des dettes futures son extinction ne libère pas nécessairement la caution de son obligation de garantie.

Selon que la dette est née avant ou postérieurement à la fin du cautionnement, la garantie ne produira pas les mêmes effets.

Il s’agit là d’une consécration de la distinction entre l’obligation de couverture et l’obligation de règlement.

En substance cette distinction s’articule comme suit :

En présence d’un cautionnement de dettes futures, pour déterminer à partir de quand la caution est libérée de son engagement, la distinction entre l’obligation de couverture et l’obligation de règlement conduit à distinguer selon que la dette est née antérieurement ou postérieurement à la fin du cautionnement :

Aussi, afin de déterminer si la dette est couverte par le cautionnement, la date à prendre en compte c’est le jour de naissance de la créance : les créances nées antérieurement à l’extinction du cautionnement doivent être réglées par la caution, même si leur date d’exigibilité est postérieure.

Au bilan, la distinction entre l’obligation de règlement et l’obligation de couverture révèle qu’il existe deux catégories de causes d’extinction par voie principale du cautionnement :

§1: Les causes d’extinction de l’obligation de règlement

I) Le paiement

Bien que le « mode normal d’extinction du cautionnement »[1] soit le paiement effectué par le débiteur principal entre les mains du créancier, le paiement fait par la caution a également pour effet de la libérer de son obligation, sous réserve de satisfaire à un certain nombre de conditions.

A) Les conditions du paiement

1. La validité du paiement

Pour que le paiement réalisé par la caution entre les mains du créancier ait pour effet d’éteindre le cautionnement, encore faut-il qu’il soit valable.

Cela signifie notamment :

Là ne sont pas les seules conditions de validité du paiement ; celui-ci peut être anéanti en raison de sa réalisation en période suspecte (art. L. 632-1 C.com.) ou encore parce que le bien fourni au créancier à titre de paiement n’appartenait pas à la caution.

Quelles que soient les causes d’annulation du paiement, son anéantissement se répercutera sur l’engagement de caution qui sera rétroactivement maintenu (V. en ce sens Cass. com. 14 avr. 1992, n°89-21.863).

2. Le quantum du paiement

Pour que la caution soit libérée de son obligation, elle doit avoir intégralement payé le créancier, faute de quoi elle pourra toujours être appelée en garantie pour la fraction de la dette échue et non payée.

Aussi, en cas de paiement partiel, la caution n’est libérée qu’à due concurrence de ce qu’elle a réglé.

Conformément à l’article 1343-1 du Code civil, dans l’hypothèse où l’obligation garantie porte intérêt, le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts, puis sur le capital.

Par ailleurs, en cas de pluralité de dettes garanties par la caution envers un même créancier, l’article 1342-10 du Code civil confère à cette dernière la faculté d’indiquer celle qu’elle entend acquitter en priorité.

À défaut d’indication, le texte précise que l’imputation a lieu comme suit : d’abord sur les dettes échues, parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter. Il s’agira le plus souvent des dettes les plus onéreuses.

À égalité d’intérêt, l’imputation se fera sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.

B) Les effets du paiement

Le paiement – valable et intégral – réalisé par la caution entre les mains du créancier a pour effet d’éteindre le cautionnement. Il en résulte que la caution est libérée de son obligation.

Tel n’est toutefois pas le cas du débiteur principal qui reste tenu sur le fondement des deux recours ouverts à la caution qui a payé.

En effet, si conformément à l’article 2288 du Code civil, la caution « s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci », l’engagement pris n’est qu’accessoire.

Autrement dit, la caution, lorsqu’elle est appelée en garantie, intervient à titre subsidiaire, ce qui signifie qu’elle n’a pas vocation à supporter le poids définitif de l’obligation garantie.

La caution est seulement tenue à une obligation à la dette ; elle ne s’oblige pas à y contribuer.

Pour cette raison, une fois son obligation de paiement exécutée auprès du créancier, la caution est investie de deux recours contre le débiteur principal :

Tandis que le recours personnel se justifie par le caractère subsidiaire de l’engagement de caution, le recours subrogatoire n’est autre qu’une application, au cautionnement, des règles qui encadrent la subrogation personnelle.

Les deux recours procurent à la caution des avantages différents :

Au bilan, les recours personnel et subrogatoire présentent des avantages différents dont il devra être tenu compte par la caution avant d’agir contre le débiteur principal.

Reste que, la plupart du temps, afin d’optimiser ses chances de succès, elle exercera les deux recours, lesquels peuvent se cumuler.

Dans un arrêt du 29 novembre 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que, en application des articles 2305 (devenu 2308) et 2306 (devenu 2309) « la caution peut exercer soit un recours personnel soit un recours subrogatoire ; que ces deux recours ne sont pas exclusifs l’un de l’autre » (Cass. 1ère civ. 29 nov. 2017, n°16-22.820).

À cet égard, dans cette décision, la Première chambre civile précise que « l’établissement d’une quittance subrogative à seule fin d’établir la réalité du paiement est sans incidence sur le choix de la caution d’exercer son recours personnel ».

Il est ainsi admis que la caution puisse agir contre la caution sur le fondement, tant du recours personnel, que du recours subrogatoire.

II) La dation en paiement

La dation en paiement s’analyse en un mode d’extinction des obligations.

Plus précisément, elle se définit comme « la convention par laquelle le créancier accepte de recevoir en paiement une prestation différente de celle qui était prévue au contrat »[2].

La dation en paiement est envisagée par l’article 1342-4 du Code civil comme l’opération consistant, pour le créancier, à « accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû ».

Concrètement, c’est le fait pour le débiteur d’une obligation ayant pour objet, par exemple une somme d’argent, de s’acquitter de sa dette par l’exécution d’une autre prestation, telle que la délivrance d’une chose ou la fourniture d’un service d’une valeur équivalente.

Lorsque la dation en paiement intervient dans le cadre de l’exécution du cautionnement, la question se pose de savoir si elle produit le même effet que le paiement ordinaire, soit la libération de la caution.

Pour la doctrine, une réponse positive s’impose. La dation en paiement a pour effet d’éteindre le cautionnement, pourvu que ce mode de paiement envisagé par la caution soit accepté par le créancier.

Cette position a été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mai 1980. Dans cette affaire, la caution prétendait s’être libérée de son engagement par la remise au créancier, à titre de dation en paiement, de valeurs mobilières pour un montant correspondant à celui garanti par le cautionnement.

Les juges du fond, dont la décision est validée par la Chambre commerciale, ont néanmoins estimé que la preuve de cette remise n’avait pas été rapportée, raison pour laquelle la caution est déboutée de sa demande de décharge (Cass. com. 20 mai 1980, n°79-11.128).

III) La remise de dette

A) Principe

La remise de dette est définie à l’article 1350 du Code civil comme « le contrat par lequel le créancier libère le débiteur de son obligation ».

Ainsi, la remise de dette produit-elle un effet extinctif. Elle délie le débiteur de tout ou partie de son engagement, ce qui revient pour le créancier à renoncer au droit de créance dont il est titulaire à l’encontre du débiteur, sous réserve d’acceptation de ce dernier.

La question qui alors se pose est de savoir si, à l’instar de n’importe quel débiteur, la caution peut se prévaloir d’une remise de dette totale ou partielle qui lui serait consentie par le créancier.

Rien ne l’interdit. Cette possibilité s’évince d’ailleurs de l’article 1350-2 du Code civil, bien que cette disposition ne vise que les seules cautions solidaires.

B) Effets

Si la remise de dette octroyée à la caution est sans incidence sur la situation du débiteur principal, elle est, en revanche, susceptible de produire des effets sur d’éventuels cofidéjusseurs.

1. Effets sur le débiteur principal

==> Principe

L’article 1350-2, al. 2e du Code civil prévoit que « la remise consentie à l’une des cautions solidaires ne libère pas le débiteur principal ».

Il ressort de cette disposition que la remise de dette octroyée à la caution ne profite pas au débiteur principal qui donc reste tenu dans les mêmes termes envers le créancier.

La raison en est que, lorsque le créancier renonce au cautionnement conclu à son profit, il n’entend pas nécessairement renoncer au droit de créance dont il est titulaire à l’encontre du débiteur principal.

Aussi, pour que la remise de dette bénéficie également au débiteur principal, la volonté du créancier devra avoir été clairement exprimée (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 20 mai 2009, n°08-12.922).

==> Tempérament

L’article 1350-2, al. 3e du Code civil apporte un tempérament à la règle privant le débiteur principal du bénéfice de la remise de dette consentie à la caution.

Cette disposition prévoit, en effet, que « ce que le créancier a reçu d’une caution pour la décharge de son cautionnement doit être imputé sur la dette et décharger le débiteur principal à proportion ».

Autrement dit, lorsque la remise de dette est consentie à la caution en contrepartie d’un paiement partiel, elle profite au débiteur principal à concurrence du montant payé.

Cette règle vise à empêcher le créancier d’être payé deux fois et donc d’obtenir, par le biais de sa renonciation au bénéfice du cautionnement, plus que ce qui lui est dû.

La fonction d’une sûreté n’est pas de procurer un enrichissement à son bénéficiaire mais de garantir l’exécution d’une obligation.

Pour cette raison, la doctrine majoritaire estime que la règle énoncée à l’article 1350-2, al. 3e du Code civil est d’ordre public, de sorte qu’il ne peut pas y être dérogé par convention contraire.

2. Effets sur les cofidéjusseurs

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1287, al. 3e du Code civil prévoyait que la remise ou décharge conventionnelle « accordée à l’une des cautions ne libère pas les autres. »

Il fallait comprendre, autrement dit, que la remise de dette consentie à une caution était sans incidence sur la situation de ses cofidéjusseurs.

Très tôt s’est posée la question de savoir s’il fallait appliquer cette règle à toutes les cautions sans distinction ou s’il y avait lieu d’appréhender différemment la situation des cautions simples et des cautions solidaires.

Selon que l’on se trouve dans l’un ou l’autre cas, l’incidence de la règle énoncée par l’ancien article 1287 du Code civil n’était, en effet, pas la même :

==> Réforme du droit des obligations

À l’occasion de la réforme du droit des obligations opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il est apparu nécessaire de clarifier l’incidence de la remise de dette consentie à une caution solidaire sur la situation de ses cofidéjusseurs.

Aussi, la position retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 18 mai 1978 a-t-elle été entérinée à l’article 1350-2, al. 2e du Code civil.

Cette disposition prévoit que « la remise consentie à l’une des cautions solidaires […] libère les autres à concurrence de sa part. »

Ainsi, l’engagement des cautions solidaires non déchargées de leur obligation par le créancier est-il réduit à hauteur de la part de la caution bénéficiant de la remise de dette.

Dans un arrêt du 11 juillet 1984 la Cour de cassation a précisé que « lorsque le créancier, moyennant, le paiement d’une certaine somme, a déchargé l’une des cautions solidaires de son engagement, les autres cautions solidaires ne restent tenues que déduction faite soit de la part et portion dans la dette du cofidéjusseur bénéficiaire de la remise conventionnelle, soit du montant de la somme versée par ce dernier lorsque cette somme excède sa part et portion » (Cass. 1ère civ. 11 juill. 1984, n°82-16.837).

Cette solution a été consacrée à l’article 1350-2, al. 3e in fine du Code civil dispose que « les autres cautions ne restent tenues que déduction faite de la part de la caution libérée ou de la valeur fournie si elle excède cette part. »

IV) La novation

A) Principe

La novation consiste en un « contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée » (art. 1329 C. civ.)

Il s’agit, autrement dit, d’une modalité d’extinction d’une obligation préexistante par la substitution d’une obligation nouvelle.

Ce mécanisme présente la particularité de lier indivisiblement l’extinction de la première obligation et la création de la seconde.

Autrement dit, la création de l’obligation nouvelle ne peut s’opérer sans extinction de l’obligation primitive.

La novation peut avoir lieu :

Lorsque les conditions sont remplies, la novation a donc pour effet d’éteindre l’obligation ancienne qui est substituée par une obligation nouvelle.

En l’absence de disposition contraire, le rapport d’obligation qui résulte du cautionnement est susceptible de s’éteindre par voie de novation, pourvu que les parties aient eu la volonté de lier indissociablement les opérations d’extinction et de création d’obligation qui se servent mutuellement de cause.

Cette exigence est énoncée à l’article 1330 du Code civil qui prévoit que « la novation ne se présume pas ; la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte. »

La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 15 janvier 1975 « qu’il n’est pas nécessaire que l’intention de nover soit exprimée en termes formels dès lors qu’elle est certaine » (Cass. 3e civ. 15 janv. 1975, n°73-13.331).

Il est ainsi admis qu’elle puisse être tacite. Dans un arrêt du 19 mars 1974, la Première chambre civile a jugé en ce sens, après avoir rappelé que « l’acte novatoire ne doit pas nécessairement être passe par écrit », que celui-ci pouvait parfaitement résulter des circonstances de la cause (Cass. 1ère civ. 19 mars 1974, n°72-12.118).

La Chambre commerciale a encore affirmé que si la novation ne se présume pas, elle peut résulter « des faits et actes intervenus entre les parties » pourvu qu’elle soit certaine (Cass. com. 19 mars 1979, n°77-12.889).

Reste que lorsque la novation ne sera pas clairement exprimée dans l’acte, il sera souvent difficile de sonder l’intention des parties.

Ont-elles voulu substituer une obligation par une autre ou seulement stipuler des obligations successives qui n’entretiennent pas nécessairement de lien entre elles ?

Dans le doute, les obligations souscrites successivement par un débiteur au profit d’un même débiteur seront réputées, non pas se substituer les unes aux autres, mais s’additionner.

Les combinaisons possibles sont nombreuses, raison pour laquelle la preuve de la novation n’est pas aisée à rapporter.

Aussi, la caution sera-t-elle, la plupart du temps, bien en peine d’établir que l’obligation dont elle garantit l’exécution a été novée.

Dans plusieurs arrêts la Cour de cassation a, par exemple, estimé que, en cas de cession de parts d’une société, la souscription d’un cautionnement par l’associé cessionnaire n’emportait pas nécessairement novation du cautionnement qui avait été souscrit dans les mêmes termes par l’associé cédant (V. notamment Cass. com. 29 janv. 2002, n°99-12.976).

À cet égard, il a été décidé que le créancier n’était tenu, ni d’une obligation d’information, ni d’une obligation de conseil sur le maintien, faute de novation, du cautionnement souscrit par les cautions cédantes.

De façon générale, les juridictions se montrent très exigeantes quant à la preuve de l’intention des parties de procéder à une substitution de garantie (V. Cass. com. 3 juill. 2007, n°05-21.699).

La Cour de cassation exige notamment que le créancier ait clairement donné son accord à cette substitution, faute de quoi les cautionnements souscrits successivement seront réputés se cumuler (V. en ce sens Cass. com. 14 janv. 2004, n°01-11.767).

B) Effets

==> Les effets sur le débiteur principal

L’article 1335 du Code civil prévoit que « la novation convenue entre le créancier et une caution ne libère pas le débiteur principal. ».

Il ressort de cette disposition que la novation qui affecte le cautionnement est sans incidence sur l’obligation garantie, de sorte que le débiteur principal reste tenu dans les mêmes termes envers le créancier.

La raison en est que, lorsque le créancier accepte que le cautionnement conclu à son profit fasse l’objet d’une novation, il n’entend pas nécessairement renoncer au droit de créance dont il est titulaire à l’encontre du débiteur principal.

Aussi, pour que la remise de dette bénéficie également au débiteur principal, la volonté du créancier devra avoir été clairement exprimée (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 20 mai 2009, n°08-12.922).

==> Les effets sur les cofidéjusseurs

V) La compensation

1. Principe

La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes ».

Cette modalité d’extinction des obligations suppose ainsi l’existence de deux créances réciproques.

Outre l’exigence de réciprocité des créances, l’article 1347-1 du Code civil prévoit que la compensation ne peut avoir lieu qu’en présence de « deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. »

Lorsque ces conditions sont réunies, la compensation produit donc un effet extinctif des créances réciproques. Le cautionnement ne déroge pas à la règle.

Il est, en effet, admis que la créance que la caution détiendrait à l’encontre du créancier puisse se compenser avec ce qu’elle doit à ce dernier au titre du cautionnement souscrit.

S’il n’est ainsi pas douteux que la caution puisse opposer au créancier la compensation de sa dette de cautionnement, plus délicate est en revanche la question de savoir si cette compensation peut être invoquée par le débiteur principal.

L’ancien article 1294, al. 2e du Code civil prévoyait que « le débiteur principal ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à la caution. »

S’il s’infère clairement de cette disposition qu’il est fait interdiction au débiteur principal d’opposer au créancier la compensation de l’obligation dont il est débiteur envers la caution, la question s’est posée de savoir s’il en va différemment lorsque cette compensation a été invoquée par la caution elle-même.

Autrement dit, lorsque la compensation procède d’une action volontaire de la caution, le débiteur principal peut-il s’en prévaloir aux fins de se décharger de son obligation envers le créancier ?

La doctrine majoritaire a estimé qu’il y avait lieu de l’admettre dans la mesure où la compensation s’analyse en un paiement.

Or si le créancier est réputé avoir été payé par la caution par le jeu de la compensation, l’obligation principale devrait être éteinte et, par voie de conséquence, le débiteur libéré de son engagement, à tout le moins envers le créancier.

De façon assez surprenante, tel n’est pas la solution qui a été retenue par la Cour de cassation.

Dans un arrêt du 13 mars 2012, elle a jugé « qu’il résulte de la combinaison des articles 1234, 1294, alinéa 2, et 2288 du code civil que la compensation opérée entre une créance de dommages-intérêts, résultant du comportement fautif du créancier à l’égard de la caution lors de la souscription de son engagement, et celle due par cette dernière, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n’éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l’obligation de la caution ».

Pour la Chambre commerciale, la compensation intervenue entre les créances réciproques du créancier et de la caution est ainsi sans incidence sur l’obligation principale qui subsiste.

Cette solution est pour le moins surprenante, dans la mesure où lorsqu’elle intervient dans les rapports entre le débiteur principal et le créancier on reconnaît à la compensation un effet extinctif.

Le nouvel article 1347-6 du Code civil prévoit en ce sens que « la caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal. »

Des auteurs ont souligné que la décision entreprise en 2012 par la Cour de cassation « montre à quel point le caractère accessoire du cautionnement joue à sens unique, c’est-à-dire que l’obligation principale ne suit pas le sort de l’obligation à garantir, à tout le moins lorsque cette dernière s’éteint sans que le créancier n’ait reçu de la caution un paiement au sens strict »[4].

2. Cas particulier de la compensation en présence d’une créance de dommages et intérêts

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence avait admis que certaines fautes imputables au créancier, telles que le manquement au devoir de mise en garde, pouvaient donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts à la caution.

Faute d’être déchargée de son engagement, la caution était donc titulaire d’une créance de dommages et intérêts à l’encontre du créancier susceptible de se compenser avec la créance née du cautionnement.

Dans un arrêt du 3 novembre 2010, la Cour de cassation a estimé que la compensation devait s’analyser en un paiement de la dette de caution à due concurrence des dommages et intérêts devant lui être versés par le créancier (Cass. com. 3 nov. 2010, n°09-16.173).

Compte tenu de ce que la caution était alors réputée avoir exécuté son obligation à l’égard du créancier, il s’en déduisait qu’elle était autorisée à exercer ses recours contre le débiteur principal à hauteur du montant de la dette compensée.

Bien que conforme aux principes régissant le mécanisme de la compensation, cette situation a été vivement critiquée par la doctrine.

Elle conduisait, en effet, à permettre à la caution de poursuivre le débiteur principal en paiement, alors même que, pratiquement, elle n’avait versé aucune somme d’argent au créancier. Cette situation était ainsi de nature à procurer à la caution un enrichissement injustifié.

Sensible aux arguments avancés par les auteurs, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt rendu en date du 13 mars 2012.

Aux termes de cette décision, elle a estimé « qu’il résulte de la combinaison des articles 1234, 1294, alinéa 2, et 2288 du code civil que la compensation opérée entre une créance de dommages-intérêts, résultant du comportement fautif du créancier à l’égard de la caution lors de la souscription de son engagement, et celle due par cette dernière, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n’éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l’obligation de la caution » (Cass. com. 13 mars 2012, n°10-28.635).

Autrement dit, pour la Chambre commerciale, l’extinction partielle de la dette de la caution est sans effet sur la dette principale garantie. La compensation ne libère donc pas le débiteur principal et par voie de conséquence, ne permet pas à la caution d’exercer un recours contre le débiteur principal.

La solution ainsi adoptée permettait de rétablir une certaine équité, la caution étant privée de la possibilité de s’enrichir aux dépens du débiteur principal. Reste qu’elle demeurait contraire aux règles présidant au fonctionnement de la compensation, ce qui, de l’avis général de la doctrine, n’était pas satisfaisant.

==> Réforme du droit des sûretés

L’article 2299, al. 2e du Code civil prévoit que, en cas de manquement au devoir de mise en garde « le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci. »

Il ressort de cette disposition que la sanction du devoir de mise en garde est modifiée.

Désormais, il s’agit d’une déchéance du droit du créancier et non plus de la mise en jeu de la responsabilité de celui-ci ouvrant droit à des dommages et intérêts.

Comme précisé par le Rapport au Président de la République, c’est là une source de simplification, en particulier sur le terrain procédural.

En retenant comme sanction la déchéance du droit du créancier contre la caution – à concurrence du préjudice subi par cette dernière – le législateur a souhaité éviter que ne puisse jouer la compensation.

La sanction de la déchéance présente l’avantage de n’avoir aucune incidence sur l’obligation principale, en ce sens que l’octroi de dommages et intérêts à la caution n’a pas pour effet de libérer, à due concurrence, le débiteur.

Parce que ce dernier demeure tenu à l’obligation garantie, la caution ne peut exercer aucun recours contre lui, à tout le moins tant qu’elle n’a pas réglé le créancier.

VI) La confusion

Selon l’article 1349 du Code civil « la confusion résulte de la réunion des qualités de créancier et de débiteur d’une même obligation dans la même personne. »

Parce que l’on ne peut pas conclure un contrat avec soi-même, la réunion des qualités de créancier et de débiteur sur la même tête emporte extinction de l’obligation.

Cette situation peut se produire en matière de cautionnement lorsque la caution réunit, soit les qualités de caution et de créancier, soit les qualités de caution et de débiteur principal.

VII) La prescription

La prescription est une cause d’extinction du cautionnement par voie principale. Cette situation est susceptible de se rencontrer lorsque le délai de prescription applicable à l’engagement de caution est plus court que celui affectant l’obligation principale.

S’agissant du point de départ du délai de prescription du cautionnement il y a lieu de distinguer selon que la caution s’est engagée pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée :

S’agissant du délai de la prescription du cautionnement, il est admis qu’il puisse différer de celui applicable à l’obligation principale.

À cet égard, conformément à l’article 2224 du Code civil, le délai de droit commun du cautionnement est de 5 ans.

Il est néanmoins des cas où le délai pour agir contre la caution sera bien plus court. Il en va ainsi notamment en matière de crédit à la consommation.

Dans l’hypothèse où un cautionnement est souscrit en garantie d’un crédit à la consommation, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 10 décembre 1991 que la caution pouvait se prévaloir du délai de forclusion biennale institué par l’article R. 312-35 du Code de la consommation (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 10 déc. 1991, n°90-12.834).

À l’inverse, dans un arrêt du 6 septembre 2017 elle a estimé que la prescription de deux ans édictée à l’article L. 218-2 du Code de la consommation n’était pas applicable à l’action engagée par un établissement de crédit à l’encontre de la caution garantissant le remboursement d’un crédit à la consommation.

Elle justifie sa décision en avançant que cette disposition ne s’applique qu’aux seules actions exercées par des professionnels fournissant des biens ou services.

Or le prêteur ne fournit ici aucun service ; il se limite à accepter un cautionnement qui donne lieu à un engagement unilatéral : celui contracté par la caution (Cass. 1ère civ. 6 sept. 2017, n°16-15.331).

VIII) Le bénéfice de subrogation ou de cession d’actions

==> Notion

L’article 2314 du Code civil prévoit que « lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s’opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu’elle subit. »

En substance, cette disposition confère à la caution un moyen de défense lui permettant d’être déchargée de son obligation lorsque le créancier l’a empêchée, par sa faute, d’être subrogée dans ses droits.

Pour bien comprendre ce dispositif qui donc vise à sanctionner le créancier fautif, revenons un instant sur la situation de la caution lorsqu’elle est appelée en garantie par le créancier.

Conformément à l’article 2288 du Code civil, en souscrivant un contrat de cautionnement, la caution s’est obligée envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.

Après s’être acquittée de son obligation, elle est investie de recours contre le débiteur au nombre desquels figure le recours subrogatoire.

L’article 2309 du Code civil reconnaît, en effet, à la caution le droit de se subroger dans les droits du créancier après avoir payé tout ou partie de ce qui était dû par le débiteur.

Parmi les droits transmis à la caution par le jeu de la subrogation on compte notamment les sûretés réelles et personnelles, les privilèges et plus généralement tous les droits préférentiels qui se rattachent à la créance principale.

Ainsi, la caution pourra se prévaloir de l’ensemble de ces droits contre le débiteur afin d’être remboursée du montant qu’elle a payé au créancier, étant précisé que lorsqu’elle est appelée en garantie la caution intervient toujours à titre subsidiaire, en ce sens qu’elle n’a pas vocation à supporter le poids définitif de l’obligation garantie.

La conséquence en est que le créancier doit prendre toutes les mesures pour protéger les droit et actions susceptibles d’être transmis à la caution, faute de quoi les chances de cette dernière de recouvrer sa créance s’en trouveront amoindries. Il est alors un risque qu’elle subisse un important préjudice.

Pour protéger la caution de la négligence du créancier, lequel n’aurait pas pris toutes les mesures utiles aux fins de conserver notamment les sûretés dont il est bénéficiaire, le législateur a estimé qu’il y avait lieu de faire de cette négligence une cause de décharge de la caution.

C’est ce que l’on appelle le bénéfice de subrogation ou de cession d’actions par référence aux origines romaines de ce mécanisme qui n’est pas nouveau.

==> Origines

Le bénéfice de subrogation n’est pas une création des rédacteurs du Code civil, il est hérité du droit romain.

La fidejussio, qui est en quelque sorte l’ancêtre du cautionnement, ne conférait aucun recours au fidéjusseur qui avait désintéressé le créancier contre le débiteur principal.

Pour être remboursé, deux actions distinctes lui étaient néanmoins ouvertes :

La cause de décharge prévue à l’article 2314 du Code civil est ainsi directement inspirée de cette exceptio cedendarum actionum

À l’analyse, techniquement cette décharge consiste moins en un bénéfice de cession d’actions, qu’en un bénéfice de subrogation ; d’où la nouvelle formulation « bénéfice de subrogation ».

Reste que, comme souligné par des auteurs, « c’est en réalité l’absence de bénéfice de subrogation qui déclenche ce moyen de défense » de sorte qu’il conviendrait plutôt de parler « d’exception de défaut de subrogation »[5].

En tout état de cause, aujourd’hui, le bénéfice de subrogation est un moyen de défense fréquemment soulevé par les cautions. Ces dernières fondent dans cette règle l’espoir d’être déchargée de leur engagement, à tout le moins à concurrence du préjudice subi.

==> Fondement

Indépendamment de l’article 2314 du Code civil qui confère au bénéfice de subrogation un fondement textuel, les auteurs ont tenté de percer la nature de ce moyen de défense dont est titulaire la caution sans qu’aucun consensus ne se dégage vraiment.

A l’analyse aucun des fondements proposés par les auteurs n’est satisfaisant, ce qui a conduit un auteur à écrire que le bénéfice de subrogation ne serait autre finalement qu’un « mécanisme autonome […] [qui] doit se concevoir comme une atténuation à l’unilatéralité du cautionnement destinée à assurer un brin de collaboration entre le créancier et la caution »[6]. Il s’agirait, autrement dit, d’une manifestation du solidarisme contractuel.

==> Renonciation

Le deuxième alinéa de l’article 2314 du Code civil interdit à la caution de renoncer au bénéfice de subrogation toute clause contraire étant « réputée non écrite ».

Cette précision est issue de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises.

A) Les titulaires du bénéfice de subrogation

==> Les personnes éligibles au bénéfice de subrogation

==> Les personnes non-éligibles au bénéfice de subrogation

Pour mémoire, en cas d’engagement solidaire, le créancier peut réclamer à chaque débiteur pris individuellement le paiement de la totalité de la dette.

À cet égard une fois le créancier désintéressé, celui à qui il a été demandé régler la totalité de la dette, à tout le moins plus que sa part, dispose d’un recours contre ses codébiteurs.

L’article 1317 du Code civil prévoit, en effet, que « entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part ».

En raison de l’octroi d’un recours au codébiteur qui a payé le créancier contre les autres, la question s’est posée de savoir si, au même titre que la caution, il ne pourrait pas se prévaloir du bénéfice de subrogation.

Tandis qu’une partie de la doctrine a soutenu cette thèse, la jurisprudence l’a rejetée.

Dans un arrêt du 17 décembre 2003 elle a refusé de reconnaître à un codébiteur solidaire le bénéfice de subrogation au motif que celui-ci n’endossait pas la qualité de caution (Cass. com. 17 déc. 2003, n°01-11.198).

Bien que, au fond, le codébiteur solidaire se retrouve dans la même situation que la caution, la solution retenue par la Cour de cassation se justifie par le domaine d’application de l’article 2314 du Code civil qui est cantonné au cautionnement.

Cette disposition ne peut donc s’appliquer qu’aux seules cautions.

B) Les conditions du bénéfice de subrogation

La mise en œuvre du bénéfice de subrogation est subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives :

1. La perte d’un droit préférentiel

L’article 2314 du Code civil subordonne la mise en œuvre du bénéfice de subrogation à l’impossibilité pour la caution de se subroger « aux droits du créancier ».

Autrement dit, elle doit justifier de la perte de droits qu’elles auraient pu exercer aux fins d’exercer son recours subrogatoire à l’encontre du débiteur.

La jurisprudence exige, par ailleurs, que les droits qui ont été perdus par le créancier aient existé au moment où la caution s’est engagée.

a. L’exigence tenant à la nature des droits visés par l’article 2314

Sous l’empire du droit antérieur, l’article 2314 du Code civil était – en apparence – plus précis que le texte adopté à l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

En effet, cette disposition ne visait pas de façon générale les « droits du créancier », mais les « droits, hypothèques et privilèges du créancier ».

Est-ce à dire que le législateur a entendu élargir le domaine d’application de l’article 2314 ?

Il n’en est rien. À l’analyse, les notions de « droits », « hypothèques » et « privilèges » sont redondantes. La première notion, soit celle de « droits », recouvre à elle seule les deux autres (hypothèques et privilèges)

C’est la raison pour laquelle la jurisprudence a reprécisé le périmètre des droits dont la perte par le créancier est sanctionnée par la décharge de la caution.

Dans un arrêt du 21 mars 1984, la Cour de cassation a ainsi jugé que l’article 2314 n’avait vocation à s’appliquer « qu’en présence de droits qui comportent un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance » (Cass. 1ère civ. 21 mars 1984, n°83-10.035).

Cette décision a le mérite de clarifier le domaine d’application du bénéfice de subrogation. Elle soulève néanmoins une interrogation : que doit-on entendre par « droit préférentiel » ?

Faute de précision apportée par la Cour de cassation, le Professeur Christian Mouly a proposé la définition suivante : « tout droit susceptible de conférer à son titulaire une plus grande facilité dans la perception de sa créance que le droit de gage général »[7].

La notion de droit préférentiel aurait donc un périmètre des plus étendu. Elle couvrirait non seulement les sûretés, mais également tous les mécanismes remplissant la fonction de garantie.

Plus largement encore, la notion de droit préférentiel comprendrait tout droit ou action ouvrant à son titulaire une autre voie que le droit de gage général pour recouvrer sa créance.

i. Les droits dont la perte justifie la mise en œuvre du bénéfice de subrogation

ii. Les droits dont la perte ne justifie la mise en œuvre du bénéfice de subrogation

==> Principe

Régulièrement, la jurisprudence rappelle que, pour que la perte d’un droit soit susceptible d’être sanctionnée par la décharge de la caution, le droit perdu devait procurer un avantage particulier à son bénéficiaire pour le recouvrement de sa créance.

Pour cette raison, elle a toujours considéré que l’amoindrissement du droit de gage général ne justifiait pas la mise en œuvre du bénéfice de subrogation (Cass. 1ère civ. 21 mars 1984, n°83-10.035).

Pour mémoire, en application des articles 2284 et 2285 du Code civil toute personne qui s’est rendue débiteur d’une obligation répond de ses dettes sur l’ensemble de son patrimoine présent et futur, ce patrimoine constituant le gage commun des créanciers.

Par hypothèse, le droit de gage général ne confère aucun avantage particulier puisque reconnu à tout créancier justifiant d’une créance chirographaire.

Faute de constituer un droit préférentiel, il est logique que sa réduction soit sans incidence sur l’engagement de caution.

Lorsque dès lors, le créancier est demeuré inactif face à l’aggravation de la situation financière du débiteur, ce qui a eu pour conséquence de diminuer l’assiette de son droit de gage général, la jurisprudence refuse de reconnaître à la caution le droit de se prévaloir du bénéfice de subrogation (V. en ce sens Cass. com. 3 mai 1967 ; Cass. 1ère civ. 21 mars 1984, n°83-10.035).

Il en va de même lorsque le créancier a laissé le débiteur dilapider son patrimoine par des ventes mobilières et immobilières (Cass. 1ère civ. 5 oct. 1982).

La jurisprudence refuse encore de prononcer la décharge de la caution dans l’hypothèse où le créancier déciderait de consentir une prorogation du terme au débiteur.

Dans un arrêt du 27 février 1968, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « les cautions ne sont pas déchargées par la simple prorogation du terme accorde par le créancier au débiteur principal » (Cass. 1ère civ. 27 févr. 1968).

La Chambre commerciale a réitéré cette solution dans un arrêt du 26 septembre 2006 (Cass. com 26 sept. 2006, n°05-12.004).

La même solution devrait être retenue dans l’hypothèse où le créancier n’engagerait aucune poursuite à l’encontre du débiteur à l’échéance du contrat principal (V. en ce sens Cass. com. 14 mars 2000, n°96-14.034).

Lorsque toutefois la prorogation du terme où l’absence de poursuites aurait pour conséquence la perte d’une sûreté et plus généralement d’un droit préférentiel, la caution sera pleinement fondée à se prévaloir de la décharge de son engagement (V. en ce sens Cass. civ. 25 mai 1938).

==> Tempérament

Si la dégradation générale de la situation financière du débiteur ne justifie pas, lorsqu’elle procède de la faute du créancier, la mise en œuvre du bénéfice de subrogation, la question s’est posée de savoir si l’absence de déclaration d’une créance chirographaire pouvait être regardée comme une cause de décharge de la caution.

En effet, la déclaration de créance ouvre droit de participer aux répartitions et dividendes résultant de la procédure collective.

Or cette faculté peut, d’une certaine manière, s’analyser en un droit préférentiel dans la mesure où le créancier déclarant est rempli de ses droits en priorité par rapport à ceux qui n’auraient pas déclaré leur créance.

Deux situations sont susceptibles de se présenter :

b. L’exigence tenant à la date de naissance des droits visés par l’article 2314

==> Principe

Pour que la caution soit fondée à se prévaloir du bénéfice de subrogation il ne suffit pas qu’elle justifie de la perte par le créancier d’un droit préférentiel, il faut encore qu’elle prouve que ce droit préférentiel était né au jour où elle s’est engagée.

Autrement dit, elle doit établir qu’elle comptait sur ce droit préférentiel à la date de souscription du cautionnement.

Bien que non exprimée explicitement par l’article 2314 du Code civil, cette exigence a été posée très tôt par la jurisprudence.

Dans un arrêt du 5 octobre 1964, la Cour de cassation a, par exemple, affirmé que « la caution même solidaire, est déchargée dès que, par le fait du créancier, elle ne peut plus être subrogée dans les droits, privilèges et hypothèques de celui-ci, ce n’est qu’autant que les garanties existaient antérieurement à son engagement » (Cass. 1ère civ. 5 oct. 1964).

Cette solution repose sur l’idée que la caution s’est engagée en considération notamment des droits préférentiels dont était titulaire le créancier et dans lesquels elle projetait de se subroger en cas d’appel en garantie.

Il en résulte que la caution ne devrait pas pouvoir se prévaloir du bénéfice de subrogation dans l’hypothèse où le créancier :

==> Tempéraments

Bien que le bénéfice de subrogation n’ait pas vocation à s’appliquer en présence de droits préférentiels qui seraient nés postérieurement à la conclusion du cautionnement, la jurisprudence a assorti ce principe de deux tempéraments.

2. La faute du créancier

a. La caractérisation de la faute

La mise en œuvre du bénéfice de subrogation suppose que la perte du droit préférentiel procède d’une faute du créancier.

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 2314 du Code civil évoquait « le fait » du créancier.

Très tôt, la jurisprudence a toutefois exigé que ce fait consiste en une faute.

Dans un arrêt du 2 avril 1996, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’application de l’article 2037 du Code civil est subordonnée à un fait de commission ou d’omission, mais imputable au créancier, c’est-à-dire fautif » (Cass. com. 2 avr. 1996, n°93-19.074).

Le législateur a consacré cette solution à l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

L’article 2314 du Code civil précise bien désormais que la caution est déchargée de son obligation à la condition que le bénéfice de subrogation ne puisse plus s’opérer en faveur du créancier « par la faute de celui-ci ».

Le texte pose ici deux conditions tenant à la faute :

i. La perte d’un droit préférentiel causée par une faute

Le bénéfice de subrogation ne pourra donc jouer que si la perte d’un droit préférentiel est causée par une faute.

La question qui alors se pose est de savoir ce que recouvre la notion de faute : quels sont les faits du créancier susceptibles d’être qualifiés de faute ?

==> Les faits constitutifs d’une faute

Tout d’abord, la faute peut consister tout autant en un fait volontaire qu’en un fait involontaire (négligence ou imprudence).

Dans un arrêt du 6 octobre 1971, la Première chambre civile a affirmé, par exemple, que « l’article 2037 du Code civil s’applique aussi bien au cas où c’est par simple négligence du créancier que la subrogation de la caution est devenue impossible qu’au cas où cette impossibilité proviendrait d’un fait direct et positif de sa part » (Cass. 1ère civ. 6 oct. 1971, n°69-13.473).

Ensuite, il est indifférent que le fait reproché au créancier consiste en un acte positif ou en une abstention :

==> Les faits non constitutifs d’une faute

S’il ne fait aucun doute que le créancier s’expose à une décharge de la caution dans l’hypothèse où la perte d’un droit préférentiel a pour cause la violation d’une obligation qui pesait sur lui, plus délicate est la question de savoir s’il commet une faute, au sens de l’article 2314 du Code civil, si cette perte procède du non-exercice d’une simple faculté.

Cette question n’est pas sans avoir donné lieu à un contentieux abondant, lequel s’est concentré notamment sur l’attribution judiciaire d’un bien gagé ou nanti, mais également sur la conversion d’une sûreté provisoire en sûreté définitive.

Dans un premier temps, la jurisprudence était plutôt encline à considérer que le bénéfice de subrogation ne pouvait pas jouer lorsque la constitution ou la préservation d’un droit préférentiel étaient subordonnées à l’exercice d’une simple faculté.

Dans un arrêt du 22 mai 2002, la Première chambre civile a jugé, par exemple, que n’était pas constitutif d’une faute le non-exercice par le créancier privilégié du droit conféré par l’article L. 121-13 du Code civil l’autorisant à se faire attribuer, sans qu’il y ait besoin de délégation expresse, les indemnités dues par suite d’assurance contre l’incendie, contre la grêle, contre la mortalité du bétail, ou les autres risques dans la mesure au motif que ce droit n’est autre qu’une simple faculté (Cass. 1ère civ. 22 mai 2002, n°99-13.085).

Dans un arrêt du 8 juillet 2003, elle a statué dans le même sens s’agissant l’absence de demande, par le créancier, d’attribution judiciaire de son gage, considérant qu’il ne s’agissait nullement d’une obligation, mais d’une simple faculté (Cass. 1ère civ. 8 juill. 2003, n°01-03.177).

Dans un deuxième temps, la Chambre commerciale a adopté une position dissidente en admettant que le non-exercice d’une simple faculté puisse constituer une faute.

Dans un arrêt du 13 mai 2003, elle a, en effet, jugé que « l’attribution judiciaire du gage prévu par l’article 159, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, devenu l’article L. 622-21, alinéa 3, du Code de commerce, ne constitue qu’une faculté pour le créancier, ce dernier, lorsqu’il est par ailleurs garanti par un cautionnement, commet une faute au sens de l’article 2037 du Code civil si, en s’abstenant de demander cette attribution, il prive la caution d’un droit qui pouvait lui profiter » (Cass. com. 13 mai 2003, n°00-15.404).

Autrement dit, pour la chambre commerciale, quand bien même l’attribution d’un gage judiciaire constitue une simple faculté, dès lors que son exercice est susceptible de porter atteinte aux intérêts de la caution.

Dans un troisième temps, la Cour de cassation s’est réunie en chambre mixte afin de trancher le débat qui avait opposé la Première chambre civile à la Chambre commerciale.

Dans un arrêt du 17 novembre 2006, elle a décidé que « le créancier qui, dans le même temps, se garantit par un cautionnement et constitue une sûreté provisoire s’oblige envers la caution à rendre cette sûreté définitive » (Cass. ch. Mixte, 17 nov. 2006, n°04-19.123), alors même que la conversion d’une sûreté provisoire en sûreté définitive n’est, en principe, qu’une simple faculté.

C’est donc la solution adoptée par la Chambre commerciale qui a finalement été retenue par Chambre mixte.

La Première chambre civile s’est ralliée à cette position dans un arrêt du 3 avril 2007. Aux termes de cette décision elle a décidé que « le prêteur de deniers, bénéficiaire du privilège institué par l’article 2374 du Code civil, qui se garantit par un cautionnement, s’oblige envers la caution à inscrire son privilège » (Cass. 1ère civ. 3 avr. 2007, n°06-12.531).

Il ressort de cette jurisprudence que le créancier est tenu de prendre toutes les mesures utiles aux fins de préserver les droits préférentiels dont il est titulaire dès lors que la caution pourrait en tirer avantage et ce quand bien même leur exercice relève d’une simple faculté.

Le créancier doit donc agir en considération, non pas de son intérêt propre, mais de l’intérêt de la caution, faute de quoi il s’expose à ce que cette dernière soit déchargée de son engagement.

Dans un quatrième temps, en rupture avec la position adoptée par la Cour de cassation, le législateur a, à l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, ajouté un troisième alinéa à l’article 2314 du Code civil.

Cet alinéa prévoit que « la caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d’une sûreté. »

Ainsi, n’est plus constitutif d’une faute le fait pour le créancier de ne pas exercer une simple faculté intéressant l’exécution d’une sûreté, quand bien même les intérêts de la caution seraient en jeu.

Selon le Rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance « est principalement visé le choix entre saisie, attribution judiciaire ou pacte commissoire ; la solution inverse porte en effet une atteinte excessive aux droits du créancier qui peut légitimement ne pas souhaiter devenir propriétaire du bien grevé de sûreté. »

ii. Une faute imputable au créancier

La perte du droit préférentiel dont se prévaut la caution aux fins d’être déchargée de son engagement au titre de l’article 2314 du Code civil doit être exclusivement imputable au créancier (V. en ce sens Cass. com. 23 sept. 2020, n°19-13.378).

Il est admis que le bénéfice de subrogation puisse également être mis en œuvre lorsque la faute a été commise, non pas par le créancier lui-même, mais par son préposé ou son représentant.

En revanche, le bénéfice de subrogation ne peut pas jouer lorsque cette faute est imputable, soit à la caution (Cass. com. 9 mai 1995, n°92-21.644), soit au débiteur principal (Cass. 1ère civ. 9 mai 2001, n°98-23.144), soit plus généralement à un tiers (Cass. 1ère civ. 4 oct. 2000, n°97-22.233).

Il en va de même lorsque la perte du droit préférentiel résulte d’un événement qui est étranger au créancier et sur lequel il n’a aucune emprise, telle que l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur principal (Cass. 1ère civ. 14 nov. 2001, n°99-12.740) ou encore la dépréciation d’un bien grevé d’une sûreté en raison de la modification du plan d’occupation des sols (Cass. 1ère civ. 4 janv. 2005, n°03-10.642).

Plus délicate est la question de savoir si le bénéfice de subrogation peut être mis en œuvre lorsque la perte d’un droit préférentiel est partiellement imputable au créancier.

Tandis que certains auteurs ont soutenu qu’il y avait lieu d’opérer, dans un tel cas, un partage des responsabilités, d’autres ont soutenu que le créancier devait être exonéré totalement de sa responsabilité.

Quant à la jurisprudence, elle s’est prononcée dans les deux sens, avant que la Cour de cassation n’intervienne afin de trancher le débat.

Dans un arrêt du 12 novembre 1991, elle a jugé que le bénéfice de subrogation ne pouvait être mis en œuvre qu’à la condition que l’empêchement de la caution à être subrogée dans les droits du créancier ait pour cause une faute de ce dernier (Cass. com. 12 nov. 1991, n°86-19.296).

Aussi, quand bien même le créancier serait partiellement responsable, la caution ne saurait se prévaloir du bénéfice de subrogation.

La Cour de cassation rappelle régulièrement que « la caution n’est déchargée que si, par le fait exclusif du créancier, elle ne peut plus être subrogée dans les droits de celui-ci » (Cass. com. 6 juill. 2010, n°09-16.163).

b. La charge de la preuve

Afin que le bénéfice de subrogation puisse être mis en œuvre, encore faut-il que soit prouvé :

La question qui alors se pose est de savoir sur qui pèse la charge de la preuve :

Dans un arrêt du 13 novembre 1996, la Cour de cassation a jugé « qu’il appartient à la caution qui invoque l’extinction de son engagement de rapporter la preuve que la subrogation a été rendue impossible par le fait du créancier » (Cass. 1ère civ. 13 nov. 1996, n°94-16.475).

Pour s’exonérer de sa responsabilité, le créancier devra, de son côté, prouver que la perte du droit préférentiel qui lui est reprochée ne lui est pas imputable, à tout le moins que partiellement (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 8 juill. 2003, n°01-03.177).

3. L’existence d’un préjudice

==> L’existence d’un préjudice

Bien que l’article 2314 du Code civil ne subordonne pas la mise en œuvre du bénéfice de subrogation à l’existence d’un préjudice qui aurait été causé à la caution par la perte du droit préférentiel, la jurisprudence l’exige.

Cette exigence a été posée très tôt par la Cour de cassation (V. notamment Cass. civ. 6 août 1873).

Cette dernière estime que le bénéfice de subrogation ne saurait jouer dans l’hypothèse où la caution n’aurait tiré aucun profit effectif des droits susceptibles de lui être transmis (Cass. 1ère civ. 25 juin 1980, n°79-11.591).

Autrement dit, le préjudice sera établi si le droit préférentiel perdu par la faute du créancier représentait un avantage particulier pour le recours de la caution contre le débiteur ou ses cofidéjusseurs de sorte que sa perte porte atteinte aux intérêts de la caution.

Ce préjudice peut consister en la perte pure et simple d’une sûreté ou de son rang, en la diminution de son assiette et plus généralement de la dépréciation de la valeur d’un droit préférentiel.

==> Appréciation du préjudice

La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 24 février 1987 que le préjudice « doit s’apprécier à la date de l’exigibilité de l’obligation de la caution, c’est-à-dire à la date de la défaillance du débiteur principal » (Cass. 1ère civ. 24 févr. 1987, n°85-12.406).

La Chambre commerciale a statué dans le même sens dans un arrêt du 10 juin 2008 (Cass. com. 10 juin 2008, n°07-18.519).

C’est donc au jour de la défaillance du débiteur principal et non à la date de souscription du cautionnement que le préjudice doit être évalué.

==> La preuve du préjudice

La question de la preuve du préjudice a donné lieu à un vif débat en jurisprudence. Deux thèses se sont affrontées :

La Première chambre civile a, pendant longtemps, statué dans le sens de la première thèse. C’est donc à la caution qu’il appartiendrait de prouver que la perte d’un droit préférentiel lui a causé un préjudice (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 15 décembre 1998, n°96-20.680).

De son côté, la Chambre commerciale a toujours retenu la solution inverse, considérant que la perte du droit préférentiel fait présumer le préjudice causé à la caution de sorte que la charge de la preuve revient au créancier. Pour s’exonérer de sa responsabilité, il lui faut donc démontrer que la perte du droit n’a causé aucun préjudice à la caution – soit que le droit préférentiel était inefficace, soit que la caution dispose d’autres droits préférentiels (Cass. com. 3 nov. 1975, n°74-11.845).

La Troisième chambre civile a, quant à elle, adopté la même solution que la Chambre commerciale dans un arrêt du 4 décembre 2002.

Aux termes de cet arrêt elle reproche à une Cour d’appel d’avoir inversé la charge de la preuve en déboutant une caution de sa demande de décharge, au motif que le préjudice subi n’était pas établi.

Au soutien de sa décision elle affirme de façon très explicite « qu’il appartient au créancier, pour ne pas encourir la déchéance de ses droits contre la caution, d’établir que la subrogation, qui est devenue impossible par son inaction, n’aurait pas été efficace » (Cass. 3e civ. 4 déc. 2002, n°01-03.567).

La Première chambre civile se ralliera finalement à cette position dans un arrêt du 18 mai 2004. Elle y affirme « qu’il appartient au créancier, pour ne pas encourir la déchéance de ses droits contre la caution, d’établir que la perte d’un droit préférentiel a causé à celle-ci un préjudice inférieur au montant de son engagement, ou ne lui en a causé aucun » (Cass. 1ère civ. 18 mai 2004, n°03-12.284).

La Chambre commerciale a réaffirmé la règle ainsi adoptée par l’ensemble des chambres de la Cour de cassation dans un arrêt du 8 avril 2015. Dans cette décision elle rappelle que « c’est au créancier de prouver que la perte du droit préférentiel dont se plaint la caution n’a causé aucun préjudice à celle-ci » (Cass. com. 8 avr. 2015, n°13-22.969).

Ainsi, est-ce non pas à la caution de prouver l’existence d’un préjudice, celui-ci étant présumé dès lors qu’est établie la perte d’un droit préférentiel, mais au créancier de démontrer que cette perte est sans incidence sur la situation de la caution.

C) Les effets du bénéfice de subrogation

L’article 2314 du Code civil prévoit que lorsque les conditions du bénéfice de subrogation sont réunies « la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu’elle subit. »

Pour que la caution puisse se prévaloir d’une décharge totale, il faudra donc que le préjudice occasionné par la perte d’un droit préférentiel corresponde au montant du cautionnement souscrit.

À défaut, la décharge ne sera que partielle puisque se limitant au préjudice effectivement subi par la caution.

La Cour de cassation a rappelé cette règle notamment dans un arrêt du 24 février 1987 aux termes duquel elle affirme que « la caution n’est déchargée qu’à concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation et dont elle a été privée par la faute du créancier » (Cass. 1ère civ. 24 févr. 1987, n°85-12.406).

À cet égard, comme précisé par l’alinéa 2e de l’article 2314 du Code civil « toute clause contraire est réputée non écrite. »

§2: Les causes d’extinction de l’obligation de couverture

À la différence de l’extinction de l’obligation de règlement qui a pour effet de libérer purement et simplement la caution de son engagement, l’extinction de l’obligation de couverture met seulement fin à la garantie pour l’avenir.

Ainsi, la caution demeure-t-elle tenue à l’obligation de règlement pour les dettes nées pendant la période de couverture, soit entre la date de conclusion du cautionnement et la date du fait générateur de l’extinction de l’obligation de couverture.

À cet égard les causes d’extinction de cette obligation diffèrent selon que l’on est en présence d’un cautionnement à durée déterminée ou d’un cautionnement à durée indéterminée.

I) Les cautionnements à durée déterminée

A) L’absence de faculté de résiliation unilatérale

En présence d’un cautionnement souscrit pour une durée déterminée, la caution ne dispose d’aucune faculté de résiliation unilatérale, sauf stipulation contraire dans l’acte.

Il s’agit là d’une application du principe général énoncé à l’article 1212 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme. »

Cette règle se justifie par le principe de force obligatoire du contrat. Il en est le descendant direct.

Les parties sont donc liées par le terme du contrat qu’elles ont conclu. Aussi, la rupture anticipée du contrat serait constitutive d’une faute contractuelle.

B) La survenance de l’échéance

Lorsque le cautionnement est à durée déterminée, l’obligation de couverture s’éteint à l’échéance convenue entre les parties (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 16 janv. 2001, n°98-17.199).

La caution est ainsi libérée pour l’avenir ; mais subsiste toutefois l’obligation de règlement qui joue pour les dettes souscrites par le débiteur principal avant la survenance de l’échéance.

Dans un arrêt du 28 janvier 1992, la Cour de cassation a rappelé cette règle en jugeant que « sauf stipulation contractuelle limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier, est sans incidence sur l’obligation de la caution le fait qu’elle soit appelée à payer postérieurement à la date limite de son engagement, dès lors qu’il n’est pas contesté que la dette du débiteur principal était échue auparavant » (Cass. com. 28 janv. 1992, n°90-14.919).

La plupart du temps, le terme de l’engagement de caution sera stipulé dans le contrat de cautionnement. Il est néanmoins des cas où il ne sera pas mentionné dans l’acte et résultera d’un événement auquel on prêtera un effet extinctif.

Toute la difficulté sera alors de déterminer si le cautionnement est ou non assorti d’un terme. Dans l’affirmative, la caution pourra se prévaloir de l’extinction de l’obligation de couverture à l’arrivée de ce terme.

1. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le législateur avait érigé la stipulation d’un terme en une condition de validité du cautionnement lorsque celui-ci était conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel par voie d’acte sous seing privé.

L’ancien article L. 331-1 du Code de la consommation exigeait, en effet, que la caution fasse précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

« En me portant caution de X, dans la limite de la somme de […] couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de […], je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même. »

La formulation de cette mention qui, devait être reproduite à l’identique par la caution, impliquait qu’un terme soit stipulé dans l’acte de cautionnement, faute de quoi la sûreté encourait la nullité.

Lorsqu’ainsi l’engagement de caution était souscrit par une personne physique par voie d’acte sous seing privé, il ne pouvait être conclu que pour une durée déterminée.

Seuls les cautionnements souscrits par une personne morale ou régularisés en la forme authentique ou par acte d’avocat échappaient à cette exigence.

2. Réforme des sûretés

Si l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a maintenu l’exigence tenant à la mention manuscrite, elle en a modifié la formulation.

Le nouvel article 2297 du Code civil prévoit en ce sens que « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. »

Il s’infère de cette disposition que la précision relative à la durée du cautionnement ne constitue plus un élément devant absolument figurer dans la mention reproduite par la caution.

Aussi, la stipulation d’un terme n’est-elle plus exigée comme une condition ad validitatem pour les cautionnements souscrits par des personnes physiques.

Désormais, tous les engagements de caution peuvent être souscrits pour une durée indéterminée.

L’autre enseignement qui peut être retiré de la nouvelle formulation de la mention manuscrite tient aux modalités d’expression du terme dont est susceptible d’être assorti un cautionnement.

Si la stipulation du terme par écrit n’est plus exigée ad validitatem pour les cautionnements conclus par des personnes physiques, la question se pose de savoir si cette stipulation ne pourrait ne pourrait pas être implicite à l’instar de ce qui est admis pour les cautionnements non soumis à l’exigence de mention manuscrite.

Pour se soustraire à leur engagement, il est fréquent que les cautions cherchent à opposer au créancier l’extinction de l’obligation de couverture en se prévalant de la survenance d’un terme implicite.

L’argument avancé consiste à dire, en substance, que la durée d’un cautionnement peut tenir à l’existence de circonstances ayant déterminé le consentement de la caution ; en particulier les changements affectant la situation juridique de la caution, du débiteur ou du créancier.

Si la jurisprudence admet parfois qu’un cautionnement puisse comporter un terme implicite, reste que, pour l’heure, aucun principe général n’a été formellement énoncé. Les juridictions raisonnent au cas par cas.

==> Les circonstances constitutives d’un terme implicite

Au nombre des circonstances invoquées par les cautions ayant conduit la jurisprudence ou le législateur à admettre la stipulation d’un terme implicite on compte :

==> Les circonstances non constitutives d’un terme implicite

II) Les cautionnements à durée indéterminée

A) La résiliation unilatérale

Selon que le cautionnement garantit une obligation principale à durée déterminée ou indéterminée la faculté de résiliation de l’engagement de caution diffère.

1. Le cautionnement garantissant une obligation principale à durée indéterminée

==> Principe

Lorsque le cautionnement est conclu pour une durée indéterminée, en application du principe de prohibition des engagements perpétuels, désormais énoncé à l’article 1210 du Code civil, il a toujours été admis en jurisprudence que la caution était investie du droit d’y mettre fin unilatéralement (V. en ce sens Cass. 3e civ. 25 avr. 1990, n°88-15.189).

Cette règle a été consacrée par le législateur à l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

Le nouvel article 2315 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsqu’un cautionnement de dettes futures est à durée indéterminée, la caution peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. »

L’enseignement qui peut être retiré de cette disposition est double :

Il peut être observé que l’article 2302 du Code civil fait peser l’obligation pour le créancier professionnel, en présence d’un cautionnement à durée indéterminée, de rappeler, à ses frais, à la caution notamment « sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée. »

==> Effets

La résiliation d’un cautionnement à durée indéterminée à pour effet de mettre fin à la seule obligation de couverture.

Cela signifie que l’obligation de règlement persiste pour les dettes nées entre la souscription du cautionnement et la date de résiliation.

Aussi, la caution n’est-elle libérée de son engagement que pour les dettes futures, soit celles nées postérieurement à la résiliation.

S’agissant des dettes couvertes au titre de l’engagement de caution, il est indifférent qu’elles soient exigibles ou encore que le créancier ait engagé des poursuites (V. en ce sens Cass. com. 16 oct. 1990, n°88-17.252).

Dans un arrêt du 13 juin 1995, la Cour de cassation a, par ailleurs, précisé que « la solidarité entre cautions n’a pas pour effet leur représentation mutuelle dans l’exercice de la faculté individuelle de révocation ».

Autrement dit, la résiliation produit ses effets à l’égard de son seul auteur et non à l’égard des cofidéjusseurs (Cass. 1ère civ. 13 juin 1995, n°92-19.358).

La Première chambre civile a toutefois précisé que, en présence de plusieurs cautions, la résiliation de l’une était susceptible de libérer les autres (Cass. 1ère civ. 7 déc. 1999, n°97-22.505).

S’agissant de la preuve de la résiliation, elle doit être rapportée par la caution. Concrètement, elle doit démontrer que le créancier a été touché par la notification qui lui a été adressée ; d’où la nécessité de procéder par voie de lettre recommandée avec accusé de réception (Cass. com. 22 juin 1999, 96-14.122).

2. Le cautionnement garantissant une obligation principale à durée déterminée

La question qui ici se pose est de savoir si, en présence d’un contrat de cautionnement conclu pour une durée indéterminée mais garantissant une obligation assortie d’un terme extinctif, la caution est investie d’une faculté de résiliation unilatérale de son engagement.

Comme vu précédemment, en application du principe de prohibition des engagements perpétuels, la caution devrait, en l’absence de terme stipulé dans l’acte de cautionnement, pouvoir y mettre fin unilatéralement.

Telle n’est toutefois pas la voie empruntée par la jurisprudence qui considère que, quand bien même un cautionnement est souscrit pour une durée indéterminée, dès lors qu’il vise à garantir une obligation principale à durée déterminée, le terme dont est assortie cette dernière fait obstacle à toute résiliation unilatérale par la caution de son engagement.

Ainsi la Cour de cassation assimile-t-elle le cautionnement indéfini garantissant une obligation principale assortie d’un terme extinctif à un contrat conclu pour une durée déterminée (V. en ce sens Cass. com. 4 nov. 1986, n°84-17.696).

La conséquence en est qu’il ne pourra prendre fin que dans deux cas :

En dehors de ces deux situations, l’obligation de couverture qui pèse sur la caution continuera à produire tous ses effets.

B) Cas particulier du compte courant

Le cautionnement du solde d’un compte courant est une opération fréquente dans la vie des affaires, puisque souvent exigé par le banquier en garantie de l’ouverture de crédit consentie à son client.

Pour mémoire, le compte courant est défini classiquement comme le « contrat par lequel les parties décident de faire entrer en compte toutes leurs créances et dettes réciproques de manière à ce que celles-ci soient réglées immédiatement par leur fusion dans un solde disponible soumis à un régime unitaire »[9].

Cette technique permet de faciliter la relation des parties dans la mesure où le règlement de leurs créances réciproques s’opère par le truchement de leur inscription en compte.

Cette inscription produit un effet extinctif en ce que les créances entrées en compte fusionnent avec le solde de ce compte qui constituera alors une créance unique et donnera lieu à un règlement global.

Ainsi, au lieu que les créances soient réglées individuellement, selon des règles propres à chacune d’elles, elles sont incorporées dans un solde pouvant varier alternativement au profit de l’une ou l’autre partie.

Ce qui, en conséquence, a vocation à être exigible et donc à être réglé, ce ne sont pas les créances entrées séparément en compte, mais le solde du compte unique et indivisible dans lequel elles sont inscrites.

En raison du principe d’indivisibilité du compte courant, ce solde ne sera exigible qu’au jour de sa clôture.

Cette particularité du compte courant n’est pas sans avoir soulevé des difficultés en matière de cautionnement.

Lorsque, en effet, une caution s’engage à garantir le solde d’un compte courant la question se pose de l’étendue de son obligation de couverture.

Plus précisément, en cas d’extinction du cautionnement avant la clôture du compte courant, l’obligation de couverture est-elle cantonnée au solde provisoire calculé au jour de la fin de l’engagement de caution ou s’étend-elle au solde définitif calculé au jour de la clôture du compte ?

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, l’extinction de l’obligation de couverture en présence d’un cautionnement de compte courant a donné lieu à un abondant contentieux.

==> Réforme du droit des sûretés

À l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le législateur a révisé le régime du compte courant afin notamment de mettre un terme aux pratiques des banques qui, par le jeu de clauses contractuelles, étaient parvenues à revenir à l’ancien système, soit à maintenir l’engagement de caution jusqu’à la clôture du compte courant.

Ainsi qu’il l’a été indiqué précédemment, cette solution pose difficulté car elle peut aboutir à ce que l’obligation de règlement se prolonge indéfiniment.

En effet, tant que le compte n’est pas clôturé, la créance principale n’est pas exigible ; par suite, l’obligation de la caution ne l’est pas non plus, si bien que la prescription ne commence pas à courir. Un tel résultat heurte la prohibition des engagements perpétuels.

C’est la raison pour laquelle le nouvel article 2319 prévoit, dans le droit fil d’une décision de la Cour de cassation rendue le 5 octobre 1982 (Cass. com., 5 oct. 1982, n° 81-12595), que « la caution du solde d’un compte courant ou de dépôt ne peut plus être poursuivie cinq ans après la fin du cautionnement ».

Autrement dit, l’obligation de règlement de la caution s’éteint à l’expiration d’un délai de 5 ans à compter de la résiliation du cautionnement, quand bien même le compte courant continue à fonctionner au-delà de ce délai.

L’obligation de couverture prend fin, quant à elle, au jour de la révocation de l’engagement de caution.

 

 

[1] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – Publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°231, p.196

[2] J. François, Traité de droit civil – Les obligations, Régime général, Economica 2017, n°139, p. 126.

[3] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés, éd. Dalloz, 2004, n°248, p. 212

[4] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. SIREY, 2020, n°375, p. 279.

[5] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. SIREY, 2020, n°382, p. 286.

[6] D. Houtcieff, « Contribution à une théorie du bénéfice de subrogation de la caution », RTD civ. 2006. 191

[7] Ch. Mouly, Les causes d’extinction du cautionnement, éd. Litec, 1979, n°411

[8] V. en ce sens M. Bourassin, « La transmission à cause de mort des sûretés », accessible à l’adresse suivante : https://hal.parisnanterre.fr/hal-01458043/document

[9] Th. Bonneau, Droit bancaire, éd. LGDJ, 2015, n°441, p. 321.

 

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