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Cautionnement: l’extinction de l’obligation de couverture

Bien que le cautionnement présente un caractère accessoire, il n’en reste pas moins un contrat distinct de l’obligation principale.

Aussi, est-il soumis aux mêmes causes d’extinction que n’importe quel contrat indépendamment de celles susceptibles d’affecter le rapport d’obligation dont il garantit l’exécution.

L’article 2313 du Code civil prévoit en ce sens que « l’obligation de la caution s’éteint par les mêmes causes que les autres obligations. »

À l’analyse, afin d’appréhender les causes d’extinction par voie principale du cautionnement, il y a lieu de distinguer selon qu’elles intéressent l’obligation de règlement ou l’obligation de couverture.

==> Obligation de règlement/obligation de couverture

La distinction entre l’obligation de règlement et l’obligation de couverture a été théorisée par Christian Mouly aux fins d’envisager les différentes causes d’extinction du cautionnement et plus spécifiquement d’expliquer celles qui concernent le cautionnement de dettes futures.

Pour mémoire, l’obligation future est celle qui n’est pas encore née au jour de la souscription du cautionnement.

Cette situation se rencontre en matière de cautionnement dit « omnibus », soit celui qui vise à garantir toutes les dettes à venir du débiteur principal.

Par souci de protection de la caution qui, par hypothèse, ignore, au jour où elle s’oblige, l’étendue de son engagement, le législateur a prévu des causes d’extinction propres au cautionnement de dettes futures.

Ainsi, l’article 2316 du Code civil prévoit que « lorsqu’un cautionnement de dettes futures prend fin, la caution reste tenue des dettes nées antérieurement, sauf clause contraire. »

Il ressort de cette disposition que lorsqu’un cautionnement a pour objet des dettes futures son extinction ne libère pas nécessairement la caution de son obligation de garantie.

Selon que la dette est née avant ou postérieurement à la fin du cautionnement, la garantie ne produira pas les mêmes effets.

Il s’agit là d’une consécration de la distinction entre l’obligation de couverture et l’obligation de règlement.

En substance cette distinction s’articule comme suit :

En présence d’un cautionnement de dettes futures, pour déterminer à partir de quand la caution est libérée de son engagement, la distinction entre l’obligation de couverture et l’obligation de règlement conduit à distinguer selon que la dette est née antérieurement ou postérieurement à la fin du cautionnement :

Aussi, afin de déterminer si la dette est couverte par le cautionnement, la date à prendre en compte c’est le jour de naissance de la créance : les créances nées antérieurement à l’extinction du cautionnement doivent être réglées par la caution, même si leur date d’exigibilité est postérieure.

Au bilan, la distinction entre l’obligation de règlement et l’obligation de couverture révèle qu’il existe deux catégories de causes d’extinction par voie principale du cautionnement :

Nous nous focaliserons ici sur les causes d’extinction de l’obligation de couverture.

À la différence de l’extinction de l’obligation de règlement qui a pour effet de libérer purement et simplement la caution de son engagement, l’extinction de l’obligation de couverture met seulement fin à la garantie pour l’avenir.

Ainsi, la caution demeure-t-elle tenue à l’obligation de règlement pour les dettes nées pendant la période de couverture, soit entre la date de conclusion du cautionnement et la date du fait générateur de l’extinction de l’obligation de couverture.

À cet égard les causes d’extinction de cette obligation diffèrent selon que l’on est en présence d’un cautionnement à durée déterminée ou d’un cautionnement à durée indéterminée.

I) Les cautionnements à durée déterminée

A) L’absence de faculté de résiliation unilatérale

En présence d’un cautionnement souscrit pour une durée déterminée, la caution ne dispose d’aucune faculté de résiliation unilatérale, sauf stipulation contraire dans l’acte.

Il s’agit là d’une application du principe général énoncé à l’article 1212 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme. »

Cette règle se justifie par le principe de force obligatoire du contrat. Il en est le descendant direct.

Les parties sont donc liées par le terme du contrat qu’elles ont conclu. Aussi, la rupture anticipée du contrat serait constitutive d’une faute contractuelle.

B) La survenance de l’échéance

Lorsque le cautionnement est à durée déterminée, l’obligation de couverture s’éteint à l’échéance convenue entre les parties (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 16 janv. 2001, n°98-17.199).

La caution est ainsi libérée pour l’avenir ; mais subsiste toutefois l’obligation de règlement qui joue pour les dettes souscrites par le débiteur principal avant la survenance de l’échéance.

Dans un arrêt du 28 janvier 1992, la Cour de cassation a rappelé cette règle en jugeant que « sauf stipulation contractuelle limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier, est sans incidence sur l’obligation de la caution le fait qu’elle soit appelée à payer postérieurement à la date limite de son engagement, dès lors qu’il n’est pas contesté que la dette du débiteur principal était échue auparavant » (Cass. com. 28 janv. 1992, n°90-14.919).

La plupart du temps, le terme de l’engagement de caution sera stipulé dans le contrat de cautionnement. Il est néanmoins des cas où il ne sera pas mentionné dans l’acte et résultera d’un événement auquel on prêtera un effet extinctif.

Toute la difficulté sera alors de déterminer si le cautionnement est ou non assorti d’un terme. Dans l’affirmative, la caution pourra se prévaloir de l’extinction de l’obligation de couverture à l’arrivée de ce terme.

1. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le législateur avait érigé la stipulation d’un terme en une condition de validité du cautionnement lorsque celui-ci était conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel par voie d’acte sous seing privé.

L’ancien article L. 331-1 du Code de la consommation exigeait, en effet, que la caution fasse précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

« En me portant caution de X, dans la limite de la somme de […] couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de […], je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même. »

La formulation de cette mention qui, devait être reproduite à l’identique par la caution, impliquait qu’un terme soit stipulé dans l’acte de cautionnement, faute de quoi la sûreté encourait la nullité.

Lorsqu’ainsi l’engagement de caution était souscrit par une personne physique par voie d’acte sous seing privé, il ne pouvait être conclu que pour une durée déterminée.

Seuls les cautionnements souscrits par une personne morale ou régularisés en la forme authentique ou par acte d’avocat échappaient à cette exigence.

2. Réforme des sûretés

Si l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a maintenu l’exigence tenant à la mention manuscrite, elle en a modifié la formulation.

Le nouvel article 2297 du Code civil prévoit en ce sens que « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. »

Il s’infère de cette disposition que la précision relative à la durée du cautionnement ne constitue plus un élément devant absolument figurer dans la mention reproduite par la caution.

Aussi, la stipulation d’un terme n’est-elle plus exigée comme une condition ad validitatem pour les cautionnements souscrits par des personnes physiques.

Désormais, tous les engagements de caution peuvent être souscrits pour une durée indéterminée.

L’autre enseignement qui peut être retiré de la nouvelle formulation de la mention manuscrite tient aux modalités d’expression du terme dont est susceptible d’être assorti un cautionnement.

Si la stipulation du terme par écrit n’est plus exigée ad validitatem pour les cautionnements conclus par des personnes physiques, la question se pose de savoir si cette stipulation ne pourrait ne pourrait pas être implicite à l’instar de ce qui est admis pour les cautionnements non soumis à l’exigence de mention manuscrite.

Pour se soustraire à leur engagement, il est fréquent que les cautions cherchent à opposer au créancier l’extinction de l’obligation de couverture en se prévalant de la survenance d’un terme implicite.

L’argument avancé consiste à dire, en substance, que la durée d’un cautionnement peut tenir à l’existence de circonstances ayant déterminé le consentement de la caution ; en particulier les changements affectant la situation juridique de la caution, du débiteur ou du créancier.

Si la jurisprudence admet parfois qu’un cautionnement puisse comporter un terme implicite, reste que, pour l’heure, aucun principe général n’a été formellement énoncé. Les juridictions raisonnent au cas par cas.

==> Les circonstances constitutives d’un terme implicite

Au nombre des circonstances invoquées par les cautions ayant conduit la jurisprudence ou le législateur à admettre la stipulation d’un terme implicite on compte :

==> Les circonstances non constitutives d’un terme implicite

II) Les cautionnements à durée indéterminée

A) La résiliation unilatérale

Selon que le cautionnement garantit une obligation principale à durée déterminée ou indéterminée la faculté de résiliation de l’engagement de caution diffère.

1. Le cautionnement garantissant une obligation principale à durée indéterminée

==> Principe

Lorsque le cautionnement est conclu pour une durée indéterminée, en application du principe de prohibition des engagements perpétuels, désormais énoncé à l’article 1210 du Code civil, il a toujours été admis en jurisprudence que la caution était investie du droit d’y mettre fin unilatéralement (V. en ce sens Cass. 3e civ. 25 avr. 1990, n°88-15.189).

Cette règle a été consacrée par le législateur à l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

Le nouvel article 2315 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsqu’un cautionnement de dettes futures est à durée indéterminée, la caution peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. »

L’enseignement qui peut être retiré de cette disposition est double :

Il peut être observé que l’article 2302 du Code civil fait peser l’obligation pour le créancier professionnel, en présence d’un cautionnement à durée indéterminée, de rappeler, à ses frais, à la caution notamment « sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée. »

==> Effets

La résiliation d’un cautionnement à durée indéterminée à pour effet de mettre fin à la seule obligation de couverture.

Cela signifie que l’obligation de règlement persiste pour les dettes nées entre la souscription du cautionnement et la date de résiliation.

Aussi, la caution n’est-elle libérée de son engagement que pour les dettes futures, soit celles nées postérieurement à la résiliation.

S’agissant des dettes couvertes au titre de l’engagement de caution, il est indifférent qu’elles soient exigibles ou encore que le créancier ait engagé des poursuites (V. en ce sens Cass. com. 16 oct. 1990, n°88-17.252).

Dans un arrêt du 13 juin 1995, la Cour de cassation a, par ailleurs, précisé que « la solidarité entre cautions n’a pas pour effet leur représentation mutuelle dans l’exercice de la faculté individuelle de révocation ».

Autrement dit, la résiliation produit ses effets à l’égard de son seul auteur et non à l’égard des cofidéjusseurs (Cass. 1ère civ. 13 juin 1995, n°92-19.358).

La Première chambre civile a toutefois précisé que, en présence de plusieurs cautions, la résiliation de l’une était susceptible de libérer les autres (Cass. 1ère civ. 7 déc. 1999, n°97-22.505).

S’agissant de la preuve de la résiliation, elle doit être rapportée par la caution. Concrètement, elle doit démontrer que le créancier a été touché par la notification qui lui a été adressée ; d’où la nécessité de procéder par voie de lettre recommandée avec accusé de réception (Cass. com. 22 juin 1999, 96-14.122).

2. Le cautionnement garantissant une obligation principale à durée déterminée

La question qui ici se pose est de savoir si, en présence d’un contrat de cautionnement conclu pour une durée indéterminée mais garantissant une obligation assortie d’un terme extinctif, la caution est investie d’une faculté de résiliation unilatérale de son engagement.

Comme vu précédemment, en application du principe de prohibition des engagements perpétuels, la caution devrait, en l’absence de terme stipulé dans l’acte de cautionnement, pouvoir y mettre fin unilatéralement.

Telle n’est toutefois pas la voie empruntée par la jurisprudence qui considère que, quand bien même un cautionnement est souscrit pour une durée indéterminée, dès lors qu’il vise à garantir une obligation principale à durée déterminée, le terme dont est assortie cette dernière fait obstacle à toute résiliation unilatérale par la caution de son engagement.

Ainsi la Cour de cassation assimile-t-elle le cautionnement indéfini garantissant une obligation principale assortie d’un terme extinctif à un contrat conclu pour une durée déterminée (V. en ce sens Cass. com. 4 nov. 1986, n°84-17.696).

La conséquence en est qu’il ne pourra prendre fin que dans deux cas :

En dehors de ces deux situations, l’obligation de couverture qui pèse sur la caution continuera à produire tous ses effets.

B) Cas particulier du compte courant

Le cautionnement du solde d’un compte courant est une opération fréquente dans la vie des affaires, puisque souvent exigé par le banquier en garantie de l’ouverture de crédit consentie à son client.

Pour mémoire, le compte courant est défini classiquement comme le « contrat par lequel les parties décident de faire entrer en compte toutes leurs créances et dettes réciproques de manière à ce que celles-ci soient réglées immédiatement par leur fusion dans un solde disponible soumis à un régime unitaire »[9].

Cette technique permet de faciliter la relation des parties dans la mesure où le règlement de leurs créances réciproques s’opère par le truchement de leur inscription en compte.

Cette inscription produit un effet extinctif en ce que les créances entrées en compte fusionnent avec le solde de ce compte qui constituera alors une créance unique et donnera lieu à un règlement global.

Ainsi, au lieu que les créances soient réglées individuellement, selon des règles propres à chacune d’elles, elles sont incorporées dans un solde pouvant varier alternativement au profit de l’une ou l’autre partie.

Ce qui, en conséquence, a vocation à être exigible et donc à être réglé, ce ne sont pas les créances entrées séparément en compte, mais le solde du compte unique et indivisible dans lequel elles sont inscrites.

En raison du principe d’indivisibilité du compte courant, ce solde ne sera exigible qu’au jour de sa clôture.

Cette particularité du compte courant n’est pas sans avoir soulevé des difficultés en matière de cautionnement.

Lorsque, en effet, une caution s’engage à garantir le solde d’un compte courant la question se pose de l’étendue de son obligation de couverture.

Plus précisément, en cas d’extinction du cautionnement avant la clôture du compte courant, l’obligation de couverture est-elle cantonnée au solde provisoire calculé au jour de la fin de l’engagement de caution ou s’étend-elle au solde définitif calculé au jour de la clôture du compte ?

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, l’extinction de l’obligation de couverture en présence d’un cautionnement de compte courant a donné lieu à un abondant contentieux.

==> Réforme du droit des sûretés

À l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le législateur a révisé le régime du compte courant afin notamment de mettre un terme aux pratiques des banques qui, par le jeu de clauses contractuelles, étaient parvenues à revenir à l’ancien système, soit à maintenir l’engagement de caution jusqu’à la clôture du compte courant.

Ainsi qu’il l’a été indiqué précédemment, cette solution pose difficulté car elle peut aboutir à ce que l’obligation de règlement se prolonge indéfiniment.

En effet, tant que le compte n’est pas clôturé, la créance principale n’est pas exigible ; par suite, l’obligation de la caution ne l’est pas non plus, si bien que la prescription ne commence pas à courir. Un tel résultat heurte la prohibition des engagements perpétuels.

C’est la raison pour laquelle le nouvel article 2319 prévoit, dans le droit fil d’une décision de la Cour de cassation rendue le 5 octobre 1982 (Cass. com., 5 oct. 1982, n° 81-12595), que « la caution du solde d’un compte courant ou de dépôt ne peut plus être poursuivie cinq ans après la fin du cautionnement ».

Autrement dit, l’obligation de règlement de la caution s’éteint à l’expiration d’un délai de 5 ans à compter de la résiliation du cautionnement, quand bien même le compte courant continue à fonctionner au-delà de ce délai.

L’obligation de couverture prend fin, quant à elle, au jour de la révocation de l’engagement de caution.

 

 

[1] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – Publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°231, p.196

[2] J. François, Traité de droit civil – Les obligations, Régime général, Economica 2017, n°139, p. 126.

[3] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés, éd. Dalloz, 2004, n°248, p. 212

[4] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. SIREY, 2020, n°375, p. 279.

[5] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. SIREY, 2020, n°382, p. 286.

[6] D. Houtcieff, « Contribution à une théorie du bénéfice de subrogation de la caution », RTD civ. 2006. 191

[7] Ch. Mouly, Les causes d’extinction du cautionnement, éd. Litec, 1979, n°411

[8] V. en ce sens M. Bourassin, « La transmission à cause de mort des sûretés », accessible à l’adresse suivante : https://hal.parisnanterre.fr/hal-01458043/document

[9] Th. Bonneau, Droit bancaire, éd. LGDJ, 2015, n°441, p. 321.

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