Site icon Gdroit

Les effets du cautionnement solidaire en présence d’une seule caution

Lorsqu’une seule caution s’est engagée solidairement avec le débiteur principal, il est admis que le cautionnement produit deux sortes d’effets :

1. Les effets principaux

Plusieurs effets principaux attachés au cautionnement solidaire ordinaire peuvent être identifiés :

==> L’absence de bénéfice de discussion

Lorsque le cautionnement comporte une clause de solidarité, la caution est privée de la faculté de se prévaloir du bénéfice de discussion et du bénéfice de division.

S’agissant du bénéfice de division, il suppose toutefois la présence de plusieurs cautions garantissant une même dette. Or n’est abordé ici que le cautionnement souscrit par une caution unique.

Aussi, la solidarité n’a, en pareille hypothèse, d’incidence que sur le seul bénéfice de discussion.

Si donc l’on se focalise sur ce bénéfice, il apparaît que sa neutralisation par une clause de solidarité a pour effet d’élever la caution au rang de coobligé.

Autrement dit, elle devient solidaire du débiteur principal, ce qui procure au créancier une faculté d’élection.

Ce dernier peut, en effet, choisir discrétionnairement celui d’entre les codébiteurs auquel il réclamera le paiement, par voie extrajudiciaire ou judiciaire, sans avoir à mettre en cause les autres ou même simplement les avertir.

Dans cette configuration l’engagement de caution est situé sur le même plan que l’obligation principale.

Les parties demeurent néanmoins libres d’aménager les conditions d’exercice de l’appel en garantie.

Le contrat de cautionnement peut ainsi subordonner le recours contre la caution à la mise en œuvre d’une sûreté réelle.

Dans un arrêt du 28 mai 1996, la Cour de cassation a estimé que cet aménagement contractuel ne remettait nullement en cause le caractère solidaire du cautionnement (Cass. com. 28 mai 1996, n°94-16.269).

==> La remise de solidarité

L’interdiction faite à la caution solidaire de contraindre le créancier à diviser ses poursuites entre elle et le débiteur principal est assortie d’un tempérament prévu par les règles de droit commun régissant les obligations solidaires.

L’article 1316 dispose que « le créancier qui reçoit paiement de l’un des codébiteurs solidaires et lui consent une remise de solidarité conserve sa créance contre les autres, déduction faite de la part du débiteur qu’il a déchargé. »

Ainsi, lorsque le créancier est réglé par l’un des codébiteurs, il peut lui consentir une remise de solidarité.

Ce dernier n’est alors plus tenu solidairement à la dette, mais seulement conjointement.

La conséquence en est que le créancier ne pourra exiger du bénéficiaire de la remise que le paiement de sa part dans la dette et non du tout.

Quant aux autres débiteurs, ils demeurent tenus solidairement de la dette, déduction faite de la part du débiteur qui a été déchargé.

==> La pluralité de poursuites

Contrairement à la solution ancienne du droit romain fondée sur la litis contestatio, les poursuites engagées contre l’un des coobligés n’empêchent pas le créancier d’agir contre l’autre.

L’article 1313, al. 2 dispose en ce sens que « les poursuites exercées contre l’un des débiteurs solidaires n’empêchent pas le créancier d’en exercer de pareilles contre les autres. »

Il appartiendra néanmoins au créancier lorsqu’il diligentera des poursuites ultérieures de déduire du montant de sa demande le paiement partiel précédemment obtenu de l’un des codébiteurs.

==> La compensation

La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. »

Cette modalité d’extinction des obligations suppose l’existence de deux créances réciproques qui soient certaines dans leur principe, liquides dans leur montant et exigibles, soit dont le terme est échu.

Très tôt, la question s’est posée de savoir si, à l’instar de la caution simple, la caution solidaire pouvait se prévaloir de la compensation qui serait intervenue entre le créancier et le débiteur principal.

Sous l’empire du droit antérieur, les textes étaient ambigus :

En présence d’un cautionnement solidaire comment concilier ces deux dispositions ? De deux choses l’une :

Entre ces deux approches, la Cour de cassation a opté pour la seconde dans un arrêt du 1er juin 1983.

Aux termes de cette décision elle a jugé que « la caution, même solidaire, a la faculté d’opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui, comme la compensation, sont inhérentes a la dette » (Cass. 1ère civ. 1er juin 1983, n°82-10.749).

Cette solution a, par suite, été consacrée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime général des obligations.

Après avoir rappelé que « la caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal », le nouvel article 1347-6 du code civil précise que « le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le créancier doit à l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette. »

Ainsi, désormais, est-il admis que la caution solidaire puisse se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et le débiteur principal.

==> La remise de dette

Pour mémoire, la remise de dette est le contrat par lequel le créancier libère le débiteur de son obligation.

Comme pour la compensation, la question s’est posée de savoir si la caution solidaire pouvait se prévaloir d’une remise de dette consentie par le créancier au débiteur principal.

Tandis que l’ancien article 1287, al. 1er du Code civil prévoyait que la remise de dette accordée au débiteur principal avait pour effet de libérer les cautions, l’ancien article 1285, al. 1er retenait, quant à lui, la solution inverse pour des codébiteurs solidaires.

Comment articuler ces deux textes en présence d’un cautionnement solidaire ? La difficulté soulevée était exactement la même que celle rencontrée avec la compensation.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime général des obligations a retenu la seconde solution, de sorte que, comme pour la compensation, la caution solidaire est autorisée à se prévaloir de la remise de dette octroyée au débiteur principal.

Le nouvel article 1350-2, al. 1er du Code civil dispose en ce sens que « la remise de dette accordée au débiteur principal libère les cautions, même solidaires. »

L’alinéa 2 précise que si la remise consentie à l’une des cautions solidaires ne libère pas le débiteur principal, elle libère les autres cautions à concurrence de sa part.

2. Les effets secondaires

Certains effets de la solidarité sont qualifiés de secondaires en raison de leur singularité.

Ils ont en commun de faciliter l’action du créancier car certains actes accomplis à l’encontre de l’un des coobligés produisent leurs effets à l’égard de tous les autres.

La cohérence de ces effets secondaires demeure toutefois incertaine dans la mesure où, tout en liant le sort des coobligés à l’instar des exceptions inhérentes à la dette, ils ne se rattachent pas aisément à la notion d’unicité de la dette qui se retrouve en matière de cautionnement, l’engagement souscrit par la caution se rapportant à la même dette que celle qui pèse sur le débiteur principal.

Aussi, a-t-on cherché à leur trouver un socle théorique commun.

a. Exposé de la théorie de la représentation mutuelle

À partir des effets secondaires les plus caractéristiques, la doctrine du XIXe siècle a cherché à les rassembler autour d’une théorie commune, laquelle a été reprise par la jurisprudence qui l’a, dans un premier temps, appliqué à la solidarité de droit commun, (V. notamment en ce sens Cass. civ. 1er déc. 1885), puis dans un second temps a cherché à transposer cette théorie au cautionnement (V. en ce sens Cass. req. 23 juill. 1929).

Cette tentative de théorisation des effets secondaires de la solidarité n’est pas sans avoir fait l’objet de vives critiques.

La particularité de ces effets remarquait-on est que les coobligés – soit pour le cautionnement le débiteur principal et la caution – posséderaient une communauté d’intérêts.

En partant de ce postulat, on en a déduit qu’ils avaient respectivement qualité à agir au nom de l’autre et que, en somme, ils se représentaient mutuellement.

C’est ce que l’on appelle la théorie de la représentation mutuelle.

Le pouvoir de représentation dont seraient investis les coobligés ne serait pas toutefois illimité.

Ces derniers ne sauraient accomplir aucun acte qui aurait pour conséquence d’aggraver la situation de l’autre.

Ils ne pourraient valablement agir qu’en vue de maintenir ou de réduire l’engagement de tous.

Bien que séduisante, cette thèse n’en est pas moins contestable. Il lui est notamment reproché de présenter une certaine part d’artifice en ce qu’il est difficile de trouver une communauté d’intérêts dans la situation juridique que constitue la solidarité.

Par ailleurs, il n’y est plus fait référence par la jurisprudence à tout le moins que dans de très rares cas (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 15 févr. 2000, n°97-20.458).

Surtout, la Cour de cassation semble y avoir renoncé dans une affaire ayant donné lieu à deux décisions remarquées rendues à 6 mois d’intervalle le 27 novembre 2014 et le 5 mai 2015 (Cass. com. 27 nov. 2014, n°14-16.644 ; Cass. com. 5 mai 2015, n°14-16.644).

2. Inventaire des effets secondaires

De tous les effets secondaires énoncés par le Code civil avant la réforme du droit des contrats, l’ordonnance du 10 février 2016 n’en a repris qu’un seul : la demande d’intérêts formée contre l’un des coobligés.

Quant à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés elle est silencieuse sur les effets secondaires que l’on attachait traditionnellement au cautionnement solidaire.

Est-ce à dire que les solutions retenues par la jurisprudence sous l’empire du droit antérieur ont été abandonnées ? Rien ne permet de se prononcer dans un sens un dans l’autre.

Aussi, convient-il d’appréhender les effets secondaires de la solidarité au cas par cas :

==> La demande d’intérêts formée contre l’un des codébiteurs

L’article 1314 du Code civil prévoit que « la demande d’intérêts formée contre l’un des débiteurs solidaires fait courir les intérêts à l’égard de tous. »

De toute évidence, cet effet secondaire de la solidarité vient contredire la théorie de la représentation mutuelle, dans la mesure où il conduit à une aggravation de la situation des coobligés.

On mal comment ces derniers pourraient avoir un intérêt commun à supporter le poids des intérêts réclamés à l’un d’eux.

En tout état de cause, la règle – de droit commun – énoncée à l’article 1314 du Code civil joue également en matière de cautionnement solidaire : la demande d’intérêts formulée à l’encontre du débiteur principal ou de la caution fait courir les intérêts à l’égard de l’autre.

==> La mise en demeure adressée à l’un des codébiteurs

Lorsqu’une mise en demeure est adressée par le créancier à l’un des coobligés (caution ou débiteur principal), elle produit pleinement ses effets à l’égard de l’autre.

Pour rappel, la mise en demeure fait notamment courir les intérêts moratoires.

Toutefois, seul le coobligé mis en demeure de payer peut être condamné s’il ne défère pas à la demande du créancier dans le délai imparti.

==> L’interruption de la prescription contre l’un des codébiteurs

Lorsqu’un acte interruptif de prescription est accompli par le créancier, il est admis, en droit commun, qu’il produit ses effets à l’encontre de tous les coobligés.

L’article 2245 du Code civil prévoit en ce sens que « l’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers. »

L’acte interruptif de prescription pourra consister, tant en un acte judiciaire (acte introductif d’instance) qu’en un acte extrajudiciaire (reconnaissance de dette).

Dans un arrêt du 12 décembre 1995, la Cour de cassation a précisé qu’il pouvait également s’agir d’une déclaration de créance dans le cadre d’une procédure collective, cet acte ayant la même valeur qu’une demande en justice (Cass. com. 12 déc. 1995, n°94-12.793).

La règle énoncée à l’article 2245 du Code civil a été transposée par la jurisprudence au cautionnement qui admet que l’accomplissement d’un acte interruptif de prescription par le créancier produit ses effets à l’égard de tous les coobligés.

Dans un arrêt du 31 mai 2016, la Cour de cassation a, par exemple, jugé en ce sens que « l’interruption de la prescription à l’égard d’une caution solidaire produit effet à l’égard du débiteur principal » (Cass. com. 31 mai 2016, n°14-28.150).

==> L’autorité de la chose jugée

Très tôt, la jurisprudence a estimé que la chose jugée entre le créancier et le débiteur principal produisait ses effets à l’égard de la caution.

Dans un arrêt du 28 décembre 1881, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « la chose jugée avec l’un des codébiteurs solidaires est opposable à tous les autres » (Cass. civ. 28 déc. 1881).

Cela signifie que la décision qui tranche un litige se rapportant à l’obligation principale, s’impose à la caution, à supposer qu’elle n’ait pas été partie à l’instance.

Si tel est le cas, elle pourra exercer toutes les voies de recours reconnues classiquement aux parties (appel ou pourvoi en cassation) aux fins de remettre en cause la décision rendue.

La règle qui rend la chose jugée entre le créancier et le débiteur principal opposable à la caution a fait l’objet d’une application massive en matière de procédure collective, et notamment s’agissant de l’admission définitive d’une créance au passif de la procédure.

Dans un arrêt du 25 février 2004, la Chambre commerciale a ainsi affirmé que « la décision d’admission de la créance au passif du débiteur principal en procédure collective est opposable à la caution tant en ce qui concerne l’existence et le montant de la créance que la substitution de la prescription trentenaire à la prescription originaire » (V. en ce sens Cass. com. 25 févr. 2004, n°01-13.588).

Réciproquement, il est admis que la chose jugée entre le créancier et la caution solidaire est opposable au débiteur principal (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 15 févr. 2000, n°97-20.458).

==> Les voies de recours

La question qui ici se pose est de savoir dans quelle mesure la caution peut intervenir à l’instance qui oppose le créancier au débiteur principal.

En tant que caution, elle est directement intéressée par ce litige dont l’issue aura nécessairement des répercussions sur sa situation personnelle.

Deux voies procédurales sont susceptibles d’être empruntées par la caution :

Quitter la version mobile