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Formalisme du cautionnement: les conditions à titre de preuve et les conditions à titre de validité

Il est admis que, conformément au principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[1].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque.

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

Bien que le cautionnement soit un contrat consensuel, il demeure soumis à des exigences de forme.

À cet égard, animé par une volonté de renforcer la protection des cautions, le législateur n’a eu de cesse, depuis la fin des années 1980, de durcir le formalisme du cautionnement.

Ce formalisme procède de deux sortes de règles :

§1 : Les conditions de formes requises à titre de preuve du cautionnement

Parce que le cautionnement est un contrat, il est soumis aux exigences de forme qui tiennent au droit commun de la preuve.

À ce titre, il est deux règles de preuve, énoncées respectivement aux articles 1359 et 1376 du Code civil (anc. art. 1326 C. civ.), qui doivent être observées :

Au bilan, la combinaison de ces deux règles conduit à poser que :

Compte tenu de ce que, dans la très grande majorité des cas, le cautionnement portera sur un montant supérieur à 1.500 euros, en pratique il sera toujours formalisé au moyen d’un écrit de sorte que l’observation cette première exigence ne soulèvera pas de difficulté particulière.

S’agissant, en revanche, de l’exigence tenant à la mention manuscrite, elle a donné lieu à un abondant contentieux, la Cour de cassation ayant pour le moins tergiversé quant à la portée de la règle énoncée à l’article 1376 du Code civil.

I) Le domaine de l’exigence de formalisme requis à titre de preuve

A) La réduction du domaine du formalisme exigé ad probationem

En ce que l’article 1376 du Code civil régit le formalisme exigé à titre de preuve pour tous les contrats unilatéraux, il a vocation à s’appliquer, par principe, à tous les cautionnements.

Un formalisme requis ad validitatem a toutefois été progressivement instauré par le législateur, l’objectif recherché étant de renforcer la protection des cautions.

En effet, alors que le cautionnement a toujours été envisagé un contrat consensuel, la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite Neiertz, est venue semer le doute en soumettant le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition d’une mention manuscrite sur l’acte.

Les anciens articles L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la consommation, devenus les articles L. 3145-15 et L. 314-16 du même Code (aujourd’hui abrogés) prévoyait que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Cette mention était ainsi exigée ad validitatem, ce qui dès lors faisait conférait au cautionnement une dimension solennelle.

Puis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite Dutreil, a étendu l’exigence de reproduction de la mention manuscrite à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

L’ampleur prise par ce formalisme érigé comme une condition de validité du cautionnement a réduit d’autant le domaine d’application de l’article 1376 du Code civil.

Ce formalisme ad validitatem a, en effet, été envisagé comme exclusif du formalisme ad probationem.

Dans un arrêt du 22 janvier 2013, la Cour de cassation a jugé en ce sens que lorsqu’un cautionnement tombait sous le coup d’un dispositif subordonnant la validité de l’acte à la reproduction d’une mention manuscrite, l’article 1376 du Code civil devenait inapplicable (Cass. com. 22 janv. 2013, n°11-22.831).

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’y a rien changé.

Bien que les dispositifs institués successivement par la loi Neiertz, puis par la loi Dutreil aient été abrogés, l’exigence de mention manuscrite a été réaffirmée à l’article 2297 du Code civil.

La règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel).

Le domaine de l’article 1376 du Code civil s’en trouve manifestement considérablement réduit, ce d’autant plus qu’il y a lieu de compter sur les exclusions qui procèdent de dispositions spéciales.

B) L’étendue du domaine du formalisme exigé ad probationem

Aujourd’hui, afin de déterminer l’étendue du domaine d’application de l’article 1376 du Code civil, il y a lieu de distinguer

1. Le domaine de l’article 1376 du Code civil quant à la date de conclusion du cautionnement

L’ordonnance du 21 septembre 2022 est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2022, de sorte que c’est à cette date qu’il y a lieu de se référer afin d’apprécier le nouveau domaine d’application de l’article 1376 du Code civil.

==> Les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022

Lorsque le cautionnement a été conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 21 septembre 2021, il y a lieu d’opérer une nouvelle distinction qui tient à l’application de la loi du 1er août 2003 (Dutreil), laquelle est entrée en vigueur le 1er février 2004.

==> Les cautionnements conclus après le 1er janvier 2022

S’agissant des cautionnements conclus après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 21 septembre 2021, soit après le 1er janvier 2022, ils sont soumis au nouvel article 2297 du Code civil.

Cette disposition prévoit que la mention manuscrite exigée ad validitatem doit figurer sur tous les cautionnements souscrits par une personne physique.

Aussi, est-il indifférent que la caution soit avertie, tel un dirigeant de société ou un associé, ou encore que le créancier soit un non-professionnel (bailleur particulier).

La reproduction de la mention manuscrite sur l’acte de cautionnement est requise à peine de nullité toutes les fois que la caution est une personne physique.

Il en résulte que, désormais, seuls les cautionnements souscrits par une personne morale sont soumis à l’exigence de l’article 1376 du Code civil, à tout le moins dès lors :

2. Le domaine de l’article 1376 du Code civil quant au caractère commercial du cautionnement

Les cautionnements commerciaux sont soumis à l’article L. 110-3 du Code de commerce.

Or cette disposition dispense les commerçants d’établir un écrit pour les actes accomplis entre eux, sauf stipulation contractuelle contraire.

Dans la mesure où la preuve se fait par tous moyens, il est donc indifférent, en cas de conclusion d’un cautionnement commercial par acte sous seing privé, qu’il comporte la mention manuscrite exigée par l’article 1376 du Code civil. Seuls les cautionnements civils sont soumis à cette disposition.

La question qui alors se pose est de savoir ce que recouvre la catégorie des cautionnements commerciaux.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article L. 110-1, 11° du Code de commerce modifié par l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés.

Cette disposition prévoit que « la loi répute actes de commerce […] entre toutes personnes, les cautionnements de dettes commerciales. »

Aussi, désormais le cautionnement emprunte son caractère à l’obligation principale garantie, peu importe que la personne qui se porte caution soit dirigeant, associé, salarié ou conjoint du mandataire social.

Dès lors que la dette cautionnée est commerciale, le cautionnement présente également un caractère commercial et échappe, par conséquent, à l’exigence posée par l’article 1376 du Code civil.

Aucune mention manuscrite n’est requise pour ce type de cautionnement qui peut être conclu oralement, pourvu qu’il soit exprès, soit que l’engagement de caution soit exprimé avec suffisamment de certitude et de clarté.

3. Le domaine de l’article 1376 du Code civil quant à la forme du cautionnement

==> Les cautionnements conclus par voie d’acte notarié

Il est admis que le cautionnement puisse être régularisé par voie d’acte authentique.

En pareille hypothèse, l’acte est alors instrumenté par un notaire.

Or celui-ci est assujetti à une obligation de conseil, ce qui implique notamment qu’il éclaire la caution sur la portée de son engagement.

Pour cette raison l’article 1369 du Code civil prévoit que lorsqu’un acte authentique « est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que qu’il n’est pas nécessaire que figure sur l’acte de cautionnement conclu en la forme authentique la mention manuscrite requise ad probationem par l’article 1376 du Code civil.

==> Les cautionnements conclus par acte sous signature privée contresigné par avocat

La loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées a créé, aux côtés de l’acte sous seing privé et de l’acte authentique, un acte sous contreseing d’avocat.

L’objectif poursuivi est celui d’une plus grande sécurité juridique pour les actes conclus entre les parties, grâce à l’intervention d’un avocat, en sa qualité d’auxiliaire de justice.

Non seulement cet acte atteste du conseil reçu par les parties, mais encore il est pourvu d’une force probante spécifique entre ces dernières et à l’égard de leurs ayants cause.

Surtout, l’article 1374, al. 3e du Code civil prévoit que l’acte sous signature privée contresigné par avocat « est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».

Il en résulte que lorsqu’un cautionnement est établi par voie d’acte d’avocat, il n’est pas soumis à l’exigence de mention manuscrite prescrite ad probationem par l’article 1376 du Code civil.

Le législateur a estimé, que l’intervention d’un avocat, à l’instar d’un notaire, pour conseiller les parties garantissait pleinement qu’elles seront informées de la portée de l’engagement qu’elles concluent, ce qui dès lors rend inutile de maintenir l’exigence de mention manuscrite.

II) Le contenu de l’exigence de formalisme requis à titre de preuve

L’article 1376 du Code civil exige, à titre de preuve, la reproduction sur l’acte de cautionnement d’une mention manuscrite exprimant le montant de l’engagement souscrit par la caution « en toutes lettres et en chiffres. »

Deux questions immédiatement se posent : quelle doit être la forme de cette mention et quels éléments doit-elle comporter ?

A) La forme de la mention manuscrite

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1326 du Code civil exigeait que la mention manuscrite devant figurer sur l’acte de cautionnement soit écrite de la main du débiteur de l’obligation.

Cette précision excluait, en conséquence, que cette mention puisse être dactylographiée, quand bien même il serait établi qu’elle a été reproduite par celui qui s’engage.

La loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique a sensiblement modifié les termes de l’article 1326 du Code civil en substituant la formule « écrite de la main » par « écrite par lui-même ».

On en a déduit qu’il était désormais admis que la mention exigée par ce texte à titre de preuve soit reproduite au moyen d’un outil de dactylographie.

La Cour de cassation a toutefois précisé dans un arrêt du 13 mars 2008 « que si la mention de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s’engage, n’est plus nécessairement manuscrite, elle doit alors résulter, selon la nature du support, d’un des procédés d’identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s’assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention ».

Autrement dit, pour conférer à l’acte sous seing privé la force probante d’un écrit, la preuve doit être rapportée que la mention a bien été reproduite par le signataire, faute de quoi cet acte ne peut tout au plus constituer qu’un simple commencement de preuve par écrit devant être corroboré par une preuve extrinsèque (Cass. 1ère civ. 13 mars 2008, n°06-17.534).

S’agissant de l’endroit où la mention doit être apposée sur l’acte, la jurisprudence semble ne pas y accorder d’importance. Dans un arrêt du 23 novembre 1999, la Cour de cassation a admis que la mention puisse figurer sous la signature de la caution, pourvu qu’il soit établi qu’elle émane de cette dernière et qu’elle précise le montant, en toutes lettres et en chiffres, de la somme que celle-ci s’engage à payer (Cass. 1ère civ. 23 nov. 1999, n°96-20.517).

Toutefois, dans un arrêt 23 octobre 2019, la Chambre commerciale a annulé un cautionnement au motif que la signature précédait la mention manuscrite.

Cette décision concernait toutefois la mention manuscrite requise ad validitatem et non celle prescrite par l’article 1376 du Code civil (Cass. com. 23 oct. 2019, n°18-11.825).

Au bilan, le doute est permis sur la portée de la solution retenue.

B) Le contenu de la mention manuscrite

L’article 1376 du Code civil prévoit, pour mémoire, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Le premier enseignement qui peut être retiré de cette disposition, c’est que la mention qui doit être apposée sur l’acte de cautionnement doit, pour être valable, exprimer le montant de l’engagement souscrit « en toutes lettres et en chiffres ».

Aussi, n’est-il pas besoin pour la caution, comme cela était exigé sous l’empire du droit antérieur pour la mention requise ad validitatem, de préciser la durée de l’engagement, ou encore si celui-ci est solidaire (V. par exemple Cass. 1ère civ. 31 janv. 1989, n°1989, n°87-11.204).

Toutes les caractéristiques du cautionnement autres que le montant de l’engagement peuvent ainsi être préimprimées et donc ne pas être reproduites par la caution elle-même.

S’agissant du montant de l’engagement de caution, sa reproduction – impérative – sur l’acte de cautionnement soulève deux interrogations ;

1. L’indication par la mention manuscrite du montant de l’obligation garantie

==> Le montant de l’engagement de caution est déterminé

Lorsque le montant de l’engagement de caution est déterminé ou déterminable, l’article 1376 du Code civil exige de la caution qu’elle reproduise la somme pour laquelle elle s’engage « en toutes lettres et en chiffres ».

La Cour de cassation a rappelé, à plusieurs reprises, que la seule mention en lettres ou la seule mention en chiffres de cette somme ne répondait pas à l’exigence posée par le texte.

Dans un arrêt du 25 mai 2005, la Première chambre civile a ainsi jugé, au visa de l’ancien article 1326 du Code civil, que « faute d’indication, dans ladite mention, du montant en chiffres de la somme cautionnée, l’acte litigieux, comme tout acte par lequel une partie s’engage unilatéralement envers une autre à lui payer une somme d’argent, ne pouvait constituer qu’un commencement de preuve par écrit de ce cautionnement » (Cass. 1ère civ. 25 mai 2005, n°04-14.695).

Dans un arrêt du 6 juillet 2004, elle a encore affirmé que faute d’indication du montant de l’obligation garantie en lettres « l’acte litigieux ne constitue pas un acte de cautionnement régulier » (Cass. 1ère civ. 6 juill. 2004, n°02-14.450).

==> Le montant de l’engagement de caution est indéterminé

Lorsque le cautionnement vise à garantir des dettes indéterminées, telles des dettes futures, il est a priori impossible de satisfaire à l’exigence d’indication du montant de l’engagement de caution qui, par hypothèse, est inconnu au jour de l’établissement de l’acte.

Est-ce à dire que le cautionnement indéfini est prohibé ? Il n’en est rien. Dans un arrêt du 22 février 1994, la Cour de cassation a, par exemple, jugé qu’un cautionnement qui garantissait l’ensemble des obligations futures d’une société n’était « pas nul pour indétermination de son objet, quand bien même le montant de ces obligations n’aurait pas été chiffré à la date de sa souscription » (Cass. com. 22 févr. 1994, n°91-22.364).

La question qui alors se pose est de savoir comment satisfaire à l’exigence de reproduction de la mention manuscrite prescrite à l’article 1376 du Code civil en présence d’un cautionnement portant sur un montant indéterminé.

Dans un arrêt du 3 mars 1970, la Cour de cassation a résolu l’énigme en affirmant que lorsque l’engagement de caution garantit une obligation illimitée, l’article 1376 du Code civil impose l’apposition sur l’acte de cautionnement d’une mention écrite de la main de la caution « exprimant sous une forme quelconque mais de façon explicite, la connaissance de la nature et de l’étendue de l’obligation » (Cass. 1ère civ. 3 mars 1970, n°68-11.240).

La première chambre civile a réitéré cette solution dans un arrêt du 22 février 1984 aux termes duquel elle a affirmé, sensiblement dans les mêmes termes, « qu’il résulte de la combinaison des [articles 1326 et 2015 du Code civil] que l’acte juridique constatant un engagement indéterminé doit porter, écrite de la main de la caution, une mention exprimant sous une forme quelconque, mais de façon explicite et non équivoque, la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).

Ainsi, pour pallier l’absence d’indication du montant de l’engagement de caution en chiffres et en lettres telle que prescrite par l’article 1376 du Code civil, est-il nécessaire que la mention apposée sur l’acte par la caution exprime avec suffisamment de précision l’étendue de son engagement.

Aucune formule sacramentelle n’est donc exigée. Les juges devront seulement vérifier si les termes de la mention reproduite sur l’acte sont suffisamment explicites pour que la caution s’oblige en toute connaissance de cause et prenne la mesure de son obligation.

Afin d’apprécier le caractère explicite et non équivoque de la mention, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 4 mars 1986 qu’il devait « être tenu compte non seulement des termes employés mais également de la qualité, des fonctions et des connaissances de la caution, de ses relations avec le créancier et le débiteur de l’obligation cautionnée, ainsi que de la nature et des caractéristiques de cette dernière » (Cass. 1ère civ. 4 mars 1986, n°84-16.818).

Il y a donc lieu de se référer à des éléments extrinsèques pour déterminer sur la mention qui figure sur l’acte de cautionnement exprime « de façon explicite et non équivoque, la connaissance que la caution a de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée ».

Dans un arrêt du 29 octobre 2002, la Cour de cassation a admis que cette appréciation pouvait s’appuyer sur l’analyse de la seule mention, dès lors que celle-ci « est claire dans son libellé et dénuée d’équivoque » (Cass. com. 29 oct. 2002, n°98-21.056).

Enfin, la première chambre civile a précisé dans un arrêt du 9 mai 2001 que « le caractère explicite et non équivoque de la connaissance par la caution de la nature et de l’étendue de son engagement doit s’apprécier au jour de l’acte » (Cass. 1ère civ. 9 mai 2001, n°98-14.760).

2. L’indication par la mention manuscrite des accessoires de l’obligation garantie

Lorsqu’une personne se porte caution au profit d’un créancier, l’obligation de couverture ne se limite pas au principal de la dette garantie, elle s’étend à ses accessoires au nombre desquels on compte notamment les intérêts, les dommages et intérêts ou encore les frais de justice.

Ce principe est exprimé à l’article 2295 du Code civil qui prévoit que « sauf clause contraire, le cautionnement s’étend aux intérêts et autres accessoires de l’obligation garantie, ainsi qu’aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. »

Il ressort de cette disposition que le cautionnement garantit les obligations accessoires à l’obligation principale, soit celles qui, selon un ancien arrêt de la Cour de cassation, sont la conséquence normale ou prévisible de l’obligation cautionnée (Cass. req., 22 juill. 1891).

Il peut être observé que le principe de couverture des accessoires de l’obligation principale s’applique dorénavant à tous les cautionnements indéfinis, ce qui, sous l’empire du droit antérieur, n’est pas sans avoir suscité un débat en doctrine et en jurisprudence.

Pour mémoire, l’ancien article 2293 du Code civil prévoyait que « le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. »

Il s’évinçait de ce texte que, en présence d’un cautionnement indéfini, les accessoires de la dette étaient couverts, de plein droit, par la garantie, sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans la mention manuscrite requise par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu l’article 1376).

Restait à déterminer ce que l’on devait entendre par cautionnement indéfini. Selon l’approche retenue, le domaine de la règle étendant le cautionnement aux accessoires de la dette était susceptible d’être plus ou moins étendu.

Dans un premier temps, l’application de cette règle a été réservée aux seuls engagements de caution garantissant une ou plusieurs dettes non chiffrées, qualifiées plus couramment de cautionnements « omnibus ».

Quant aux autres cautionnements, soit ceux portant sur des obligations déterminées, il fallait, pour que les accessoires soient couverts par la garantie, que cette couverture soit exprimée dans la mention manuscrite exigée ad probationem par l’ancien article 1326.

À défaut, le cautionnement était réputé avoir été limité au seul montant reproduit dans la mention manuscrite, à tout le moins telle a été la position retenue par la jurisprudence durant une longue période.

Dans un arrêt du 16 juin 1987, la Première chambre civile a, par exemple, jugé, au visa des anciens articles 1326 et 2015 du Code civil, « que lorsque la caution s’est seulement obligée pour une somme déterminée en principal, son engagement ne s’étend pas aux intérêts et accessoires » (Cass. 1ère civ. 16 juin 1987, n°86-12.051).

De son côté, après avoir adopté la même solution (Cass. com. 7 juill. 1992, n°90-21.003), la Chambre commerciale s’est ensuite ravisée.

Dans un arrêt du 3 avril 2001, elle a notamment admis qu’un cautionnement puisse couvrir les accessoires d’une dette, alors même que la caution s’était « seulement obligée pour une somme déterminée en principal ».

Au soutien de sa décision, elle affirmait que « le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette et que l’article 1326 du Code civil limite l’exigence de la mention manuscrite à la somme ou à la quantité due, sans l’étendre à la nature de la dette, à ses accessoires ou à ses composantes » (Cass. com. 3 avr. 2001, n°97-20.259).

Un an plus tard, la Première chambre civile s’est finalement ralliée à la position de la chambre commerciale (Cass. 1ère civ. 29 oct. 2002, n°00-21.881).

Cette unification de la jurisprudence a permis d’appliquer l’ancien article 2293 du Code civil aux cautionnements indéfinis pris dans leur sens large, soit comprenant tant les engagements garantissant des dettes non chiffrées, que les engagements de caution portant sur des dettes déterminées.

Ainsi, les accessoires de l’obligation principale étaient-ils dorénavant couverts, de plein droit, par tout cautionnement indéfini, de sorte qu’il est devenu indifférent qu’ils soient visés par la mention manuscrite prescrite à l’article 1376 du Code civil.

Lors de l’adoption de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance, n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 le législateur a confirmé la solution retenue par la Cour de cassation en supprimant toute référence au caractère indéfini du cautionnement.

Désormais, tous les engagements de caution sont visés par le nouvel article 2295 du Code civil qui ne distingue pas selon que le cautionnement est indéfini ou défini.

Il en résulte que lorsque la caution reproduit la mention de l’article 1376 du Code civil sur l’acte de cautionnement, l’absence d’indication des accessoires sur l’acte est sans incidence sur l’étendue de l’obligation de couverture.

III) La portée de l’exigence de formalisme requis à titre de preuve

Initialement, la règle énoncée à l’article 1376 du Code civil a été instituée afin de prémunir le débiteur d’une fraude du créancier.

Lorsque, en effet, un acte sous seing privé est régularisé en vue de constater un contrat unilatéral, il n’est établi qu’en un seul exemplaire.

En application de l’article 1375, al. 1er du Code civil, l’exigence du double original ne joue que pour les contrats synallagmatiques.

Tel n’est pas le cas pour les contrats unilatéraux dont l’unique exemplaire est conservé par le seul créancier. Il est alors en risque que celui-ci modifie le montant de l’engagement de son cocontractant en altérant les termes de l’acte.

Pour l’en dissuader, il a fallu trouver une parade. Cette parade a consisté à exiger, pour les contrats unilatéraux, qu’une mention soit reproduite sur l’acte de la main de celui qui s’oblige exprimant le montant en chiffres et en lettres de son engagement.

Cette formalité avait ainsi pour fonction d’empêcher que l’acte ne soit falsifié. Elle visait, autrement dit, à protéger le débiteur d’éventuels agissements malveillants du créancier.

Appliquée au cautionnement, la règle énoncée à l’ancien article 1326 du Code civil, devenu l’article 1376, signifiait donc que l’acte constatant l’engagement de caution n’avait valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Nonobstant cette fonction probatoire de la mention manuscrite envisagée, à l’origine, par le législateur, à partir des années 1980, la jurisprudence en a fait un instrument de protection du consentement des cautions.

La Cour de cassation a, en effet, érigé l’exigence de mention manuscrite prescrite par l’article 1326 du Code civil en condition de validité du cautionnement.

Aussi, désormais, l’absence de mention manuscrite était sanctionnée, non plus par l’abaissement de la valeur probatoire de l’acte au rang de commencement de preuve par écrit, mais par la nullité pure et simple du cautionnement.

Dans un arrêt du 30 juin 1987, la Première chambre civile a ainsi affirmé « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution ».

Elle en déduit que l’aval dont la régularité était contestée, en raison de sa signature en blanc, était bien nul (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation dans cet arrêt a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision, rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

L’enseignement qu’il y a lieu de retirer de ce revirement de jurisprudence est double :

Aujourd’hui, cette solution retenue par la jurisprudence ne soulève plus de doute. Elle est désormais bien ancrée en droit positif.

À l’occasion du transfert de l’article 1326 du Code civil à l’article 1376 du même Code opéré par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, le législateur en a profité pour préciser la fonction remplie par la règle énoncée par ce texte.

Si, en effet, l’article 1376 reprend à droit constant l’ancien article 1326, il en modifie légèrement la formulation afin, précise le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance, de « lever toute ambiguïté sur le caractère des mentions requises, qui ne sont pas des conditions de validité de l’acte unilatéral mais bien des conditions de preuve. »

Cette modification vise, en outre, à éviter les abus de blanc-seing et à faire prendre conscience au signataire de la mesure de son engagement.

Le nouveau texte est rédigé comme suit : « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. »

Dorénavant, l’absence de mention manuscrite sur l’acte de cautionnement lui fait donc perdre sa valeur de preuve. Il s’analyse en un simple commencement de preuve par écrit (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 mai 2005, n°04-14.695).

Pour pallier cette carence, il appartient au créancier de produire des éléments extrinsèques.

La question qui alors se pose est de savoir quels sont les éléments de preuve complémentaires admis par la jurisprudence.

En droit commun de la preuve, les éléments attendus par le juge doivent permettre de prouver le montant de l’obligation souscrite par le débiteur, lequel est insuffisamment établi par le commencement de preuve par écrit produit.

En matière de cautionnement, il apparaît que l’exigence posée par la jurisprudence est quelque peu différente.

En effet, la Cour de cassation considère que, pour que les éléments extrinsèques rapportés par le créancier corroborent l’acte de cautionnement qui ne répond pas aux exigences de l’article 1376 du Code civil, ces éléments doivent établir, moins l’étendue de l’obligation souscrite par la caution, que son engagement en toute connaissance de cause.

Dans un arrêt du 23 février 1999, elle a, par exemple, approuvé une Cour d’appel ayant jugé que n’était pas rapportée la preuve d’éléments extrinsèques visant à corroborer un cautionnement irrégulier au motif que les éléments produits n’établissaient pas que la caution « avait eu conscience de son engagement » (Cass. 1ère civ. 23 févr. 1999, n°96-20.140).

Cette approche lui permet, en cas d’irrégularité de la mention manuscrite, d’exercer un contrôle sur le consentement de la caution et plus précisément de vérifier que cette dernière a bien pris la mesure de l’étendue de son engagement.

À l’analyse, il ne s’agit rigoureusement pas de la fonction conférée par le législateur à l’article 1376 du Code civil. Son rôle se limite, en principe, à prévenir toute falsification de l’acte qui constate un contrat unilatéral.

Reste que la Cour de cassation a détourné la fonction de ce texte aux fins d’en faire un instrument de protection de la caution.

Elle l’admet, par exemple, ouvertement dans un arrêt du 19 mars 1991 aux termes duquel elle affirme que « les exigences de l’article 1326 du Code civil sont des règles de preuve qui ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. com. 19 mars 1991, n°89-15.746 ; V. dans le même sens Cass. 1ère civ. 20 oct. 1992, 90-21.183).

Au fond, la Haute juridiction ne dévie pas fondamentalement de l’objectif que la Première chambre civile s’était assigné lorsqu’elle estimait que la régularité de la mention manuscrite était une condition de validité du cautionnement.

Cette dernière rappelait, en effet, régulièrement que les exigences relatives à la mention manuscrite « ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760 ; Cass. 1ère civ. 31 mai 1988, n°86-17.495 ).

Si donc, en apparence, la Cour de cassation a abandonné cette position qui, en tout état de cause, n’est désormais plus compatible avec la nouvelle formulation de l’article 1376 du Code civil, en réalité elle en a seulement atténué la rigueur.

L’absence ou l’irrégularité de la mention manuscrite n’est certes plus sanctionnée par la nullité du cautionnement.

Toutefois, sous couvert de protection de la caution, la Cour de cassation s’autorise à ne pas reconnaître de force probante à un acte de cautionnement alors même que la lettre de l’article 1376 du Code civil commanderait d’adopter la solution contraire.

Dans un arrêt du 25 mai 2005, elle a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait estimé que l’absence de mention en chiffres du montant de la somme cautionnée n’avait pas pour effet de priver l’acte de toute force probante dès lors qu’il comportait la mention de la somme en toutes lettres écrite de la main de l’intéressé.

La position adoptée par les juges du fond reposait sur l’article 1376 in fine du Code civil qui prévoit expressément que, en cas de différence entre la mention en lettres et la mention en chiffres, la seconde prime sur la seconde.

La Première chambre civile rejette cette analyse. Elle considère que « faute d’indication, dans ladite mention, du montant en chiffres de la somme cautionnée, l’acte litigieux, comme tout acte par lequel une partie s’engage unilatéralement envers une autre à lui payer une somme d’argent, ne pouvait constituer qu’un commencement de preuve par écrit de ce cautionnement » (Cass. 1ère civ. 25 mai 2005, n°04-14.695).

Cette décision – critiquable – est révélatrice de la volonté de la Cour de cassation de conférer à l’article 1376 du Code civil certains attributs d’une règle de fond.

En durcissant les conditions de preuve du cautionnement, elle cherche moins à prévenir la falsification de l’acte, qu’à assurer la protection des cautions.

IV) La sanction de l’exigence de formalisme requis à titre de preuve

Bien que la Cour de cassation appréhende l’article 1376 du Code civil comme un outil de protection du consentement des cautions, cette disposition n’en reste pas moins une règle de preuve.

À tout le moins sa violation est assortie des mêmes effets que l’on reconnaît traditionnellement à une telle règle.

Autrement dit, en cas d’irrégularité de la mention manuscrite, l’acte de cautionnement n’est pas nul. Il est seulement impuissant à prouver le montant de l’engagement souscrit par la caution.

Plus précisément, la jurisprudence estime qu’il vaut commencement de preuve par écrit. À ce titre, pour que la preuve du cautionnement soit rapportée, il appartient au créancier de corroborer l’acte litigieux par la production d’éléments extrinsèques.

S’agissant de l’appréciation de ces éléments, la Cour de cassation a adopté une approche pour le moins extensive, sinon libérale.

Elle admet, en effet, que l’exigence de complément de preuve est remplie, dès lors que l’élément produit permet d’établir que la caution s’est engagée en toute connaissance de cause.

Il pourra s’agir, par exemple, de sa qualité de dirigeant de la société garantie (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 13 mai 1997, n°95-16.789 ; ).

La Cour de cassation admet également au rang des éléments extrinsèques les différentes mentions qui figurent sur l’acte de cautionnement, pourvu qu’elles établissent que la caution ne pouvait pas ignorer l’étendue de son engagement.

Dans un arrêt du 15 janvier 2002, elle a, par exemple, jugé qu’une Cour d’appel « ne pouvait écarter, au motif erroné de leur caractère intrinsèque, les différents éléments invoqués par la banque et, notamment, les paraphes portés à l’acte de cession du fonds de commerce et de constitution du prêt, éléments extrinsèques dont il lui revenait d’apprécier, souverainement, s’ils étaient de nature à compléter le commencement de preuve produit devant elle » (Cass. 1ère civ. 15 janv. 2002, n°98-22.113).

Dans un arrêt du 9 avril 2015, la Première chambre civile a encore admis que l’élément de preuve extrinsèque puisse être recherché dans l’acte constatant le prêt cautionné (Cass. 1ère civ. 9 avr. 2015, n°14-10.975).

À cet égard, lorsque le cautionnement est établi sur le même acte que l’obligation garantie – le plus souvent un prêt – la Cour de cassation admet que, en cas d’irrégularité de la mention manuscrite, l’élément extrinsèque nécessaire à la preuve de l’engagement de caution, soit tiré de l’instrumentum constatant les deux opérations.

Dans un arrêt du 12 mars 2002, elle a jugé en ce sens que « la mention incomplète portée par la caution au pied de l’acte définissant précisément l’engagement du débiteur constituait l’élément extrinsèque propre à compléter le commencement de preuve par écrit » (Cass. 1ère civ. 12 mars 2002, 99-15.059).

§2 : Les conditions de forme requises à titre de validité du cautionnement

I) Les conditions de forme requises à titre de validité applicables au cautionnement de droit commun

Le formalisme requis à titre de validité par l’article 2297 du Code civil tient :

A) Les exigences tenant à mention manuscrite

1. Le domaine de l’exigence de formalisme requis à titre de validité

Animé par la volonté de renforcer la protection des cautions aux fins de lutter contre le phénomène d’insolvabilité et de surendettement des ménages, le législateur a, depuis la fin des années 1980, institué, aux côtés du formalisme ad probationem, un formalisme ad validitatem.

Le durcissement des conditions de forme du cautionnement s’est notamment traduit par la création d’une obligation imposant aux cautions d’apposer sur l’acte constatant leur engagement d’une mention manuscrite dont les termes étaient dictés par la loi et dont l’absence ou l’irrégularité était sanctionnée par la nullité de la garantie.

L’instauration de cette exigence – purement formelle – visait à favoriser la prise de conscience chez les cautions, au moment où elles s’obligent, de l’étendue de l’engagement souscrit.

L’idée sous-jacente est que la reproduction, à la main et par la caution elle-même, d’une formule sacramentelle la contraint, a minima, à prendre connaissance de l’objet de son obligation. Est-ce suffisant pour en assimiler le périmètre ? Sans doute pas, mais cela y participe.

On peut ainsi lire dans les travaux parlementaires qui ont conduit à l’adoption de la loi Dutreil que « la présence sur le contrat de cautionnement de mentions manuscrites attestent que la personne est parfaitement informée des conséquences susceptibles de résulter pour elle du défaut du débiteur principal. »

1.1 L’extension du domaine du formalisme exigé ad validitatem

==> La loi Neiertz

C’est la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement, dite Neiertz, qui, pour la première fois, a soumis le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition sur l’acte d’une mention manuscrite.

L’objectif affiché par le législateur est, à l’époque, l’organisation d’une meilleure information des cautions en imposant une clause normalisée devant être rédigée de leur main avant toute signature de leur engagement.

Si une telle mesure ne paraît pas ressortir, à l’évidence, du domaine de la loi eu égard à son degré de précision, elle présente toutefois l’avantage, pour les rédacteurs du texte « d’annoncer à une opinion publique sensibilisée par la question que le législateur ne reste pas indifférent aux drames qu’une caution donnée sans connaissance de l’engagement souscrit peut entraîner. »

Sont ainsi introduits dans le Code de la consommation des articles L. 313-7 et L. 313-8, devenus les articles L. 314-15 et L. 314-16 du même Code (aujourd’hui abrogés), qui prévoient que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé comme un contrat consensuel, la loi Neiertz a amorcé leur transformation en contrat solennel.

==> Loi du 21 juillet 1994

Le législateur a, par suite, repris l’exigence de reproduction d’une mention manuscrite sur l’acte constatant le cautionnement d’une dette de crédit à la consommation ou de crédit immobilier, pour l’appliquer aux baux d’habitation.

La loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l’habitat a ainsi introduit un article 22-1 dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

Cette disposition prévoit, en son second alinéa, que « la personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte et de la reproduction manuscrite de l’alinéa précédent. »

==> La loi Dutreil

Toujours animé par le souci de renforcer la protection des cautions, le législateur a décidé, lors de l’adoption de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite « Dutreil », d’étendre le dispositif institué au profit des emprunteurs particuliers par la loi Neiertz aux entrepreneurs individuels.

Il justifie cette extension par la précarité de la situation des proches de l’entrepreneur qui se retrouvent fréquemment dans une position critique à la suite d’une défaillance du débiteur principal en raison d’engagements dont ils n’avaient pas toujours mesuré la portée.

Aussi, est-ce pour prévenir ce type de situation qu’il a été prévu de subordonner la validité du cautionnement à l’apposition sur l’acte d’une mention manuscrite attestant que la caution était parfaitement informée, au moment où elle s’est engagée, des conséquences susceptibles de résulter pour elle du défaut du débiteur principal.

Cette exigence a donc été étendu à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Les anciens articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, devenus les articles L. 331-1 et L. 331-2 du même Code (aujourd’hui abrogés) prévoyaient en ce sens que :

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

==> L’ordonnance du 21 septembre 2021

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a confirmé le mouvement initié par la loi Neiertz tendant à assortir le cautionnement d’un formalisme ad validitatem se traduisant par l’instauration d’une mention manuscrite.

À cet égard, l’article 2297 du Code civil issu de cette ordonnance unifie et simplifie les règles relatives à la mention devant être apposée par la caution personne physique qui, sous l’empire du droit antérieur, étaient dispersées dans le Code de la consommation.

Par ailleurs, non seulement, l’exigence de mention manuscrite constitue toujours une condition de validité du cautionnement, mais encore la règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Le nouveau texte apporte toutefois plusieurs modifications importantes par rapport au droit antérieur :

1.2 L’étendue du domaine du formalisme exigé ad validitatem

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés est entrée en vigueur le 1er janvier 2022.

Il en résulte que seuls les cautionnements conclus après cette date sont soumis aux nouvelles exigences – allégées – tenant à la mention manuscrite.

Les règles de forme applicables à un cautionnement diffèrent donc selon que l’engagement de caution a été souscrit avant ou après le 1er janvier 2022.

a. Les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022

Sous l’empire du droit antérieur, il est trois catégories de cautionnements qui étaient soumises à l’exigence de reproduction d’une mention manuscrite.

Par exception, il a été admis que ces mêmes cautionnements pouvaient, à certaines conditions, être dispensés de mention manuscrite.

i. Les cautionnements soumis à l’exigence de reproduction d’une mention manuscrite

==> Les cautionnements conclus sous seing privé en garantie d’une dette de crédit à la consommation ou de crédit immobilier

C’est donc la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement, dite Neiertz, qui, pour la première fois, a soumis le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition sur l’acte d’une mention manuscrite.

En application des anciens articles L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la consommation, devenus les articles L. 314-15 et L. 314-16 du même Code (aujourd’hui abrogés), le champ d’application de cette mention était toutefois cantonné aux cautionnements remplissant trois conditions cumulatives :

==> Les cautionnements conclus sous seing privé entre une personne physique et un créancier professionnel

La loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite « Dutreil », a étendu le dispositif de mention manuscrite institué au profit des emprunteurs particuliers par la loi Neiertz aux entrepreneurs individuels.

Plus précisément, le formalisme requis à titre de validité a été généralisé pour tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que l’exigence de mention manuscrite prescrite par les anciens articles L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation soit applicable :

En dehors de ces trois conditions exposées ci-dessus, il peut être observé que la nature du cautionnement ou l’objet de l’opération garantie sont indifférents.

ii. Les cautionnements dispensés de satisfaire à l’exigence de mention manuscrite

==> Les cautionnements conclus par voie d’acte notarié

Il est admis que le cautionnement puisse être régularisé par voie d’acte authentique.

En pareille hypothèse, l’acte est alors instrumenté par un notaire.

Or celui-ci est assujetti à une obligation de conseil, ce qui implique notamment qu’il éclaire la caution sur la portée de son engagement.

Pour cette raison l’article 1369 du Code civil prévoit que lorsqu’un acte authentique « est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que qu’il n’est pas nécessaire que figure sur l’acte de cautionnement conclu en la forme authentique la mention manuscrite requise ad validitatem par les anciens articles L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation.

Dans un arrêt du 24 février 2004, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « les articles L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la consommation sont seulement applicables aux cautionnements consentis par acte sous seing privé » (Cass. 1ère civ. 24 févr. 2004, n°01-13.930).

La Chambre commerciale a adopté la même solution dans un arrêt du 6 juillet 2010, aux termes duquel elle a considéré que « les dispositions de l’article L. 341-3 du code de la consommation ne s’appliquent pas aux cautionnements consentis par acte authentique » (Cass. com. 6 juill. 2010, n°08-21.760).

À cet égard, dans un arrêt du 4 octobre 2017, la Première chambre civile a précisé qu’en présence d’un cautionnement établi initialement par acte authentique prorogé par voie d’avenant sous seing privé, il n’était pas nécessaire que la mention manuscrite soit reproduite sur cet avenant, dès lors que « les modifications apportées n’entraînaient aucune novation » (Cass. 1ère civ. 4 oct. 2017, n°16-22.577).

==> Les cautionnements conclus par acte sous signature privée contresigné par avocat

La loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées a créé, aux côtés de l’acte sous seing privé et de l’acte authentique, un acte sous contreseing d’avocat.

L’objectif poursuivi est celui d’une plus grande sécurité juridique pour les actes conclus entre les parties, grâce à l’intervention d’un avocat, en sa qualité d’auxiliaire de justice.

Non seulement cet acte atteste du conseil reçu par les parties, mais encore il est pourvu d’une force probante spécifique entre ces dernières et à l’égard de leurs ayants cause.

Surtout, l’article 1374, al. 3e du Code civil prévoit que l’acte sous signature privée contresigné par avocat « est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».

Il en résulte que lorsqu’un cautionnement est établi par voie d’acte d’avocat, il n’est pas soumis à l’exigence de mention manuscrite prescrite ad validitatem par les anciens articles L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation.

Le législateur a estimé, que l’intervention d’un avocat, à l’instar d’un notaire, pour conseiller les parties garantissait pleinement qu’elles seront informées de la portée de l’engagement qu’elles concluent, ce qui dès lors rend inutile de maintenir l’exigence de mention manuscrite.

b. Les cautionnements conclus après le 1er janvier 2022

==> Le formalisme attaché au cautionnement proprement dit

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a purement et simplement abrogé les dispositions du Code de la consommation qui subordonnaient la validité de certains cautionnements à l’apposition d’une mention manuscrite.

Ont ainsi été supprimées :

Est-ce à dire que la conclusion d’un cautionnement ne requiert plus l’observation d’un formalisme ad validitatem ? Le législateur n’a pas souhaité franchir le pas.

Tout au contraire, il a été animé par une volonté d’unification et de simplification de règles dispersées dans le Code de la consommation relatives à la mention manuscrite devant être apposée par la caution personne physique.

Comme sous l’empire du droit antérieur, une mention apposée par la caution elle-même est imposée. Il s’agit d’une condition de validité même du cautionnement, dans un but de protection de la caution.

Le nouvel article 2297 du Code civil prévoit en ce sens que « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres. »

L’une des principales modifications opérées par l’ordonnance du 21 septembre 2021 réside dans l’extension du domaine d’application de la mention manuscrite.

Désormais, elle doit figurer sur tous les cautionnements souscrits par une personne physique, y compris lorsque le créancier n’est pas un professionnel.

Aussi, seules deux conditions doivent être remplies pour que l’engagement de caution soit assujetti à l’exigence de mention manuscrite :

S’agissant de la qualité du créancier, à la différence des dispositions du Code de la consommation abrogées par l’ordonnance du 21 septembre 2021, l’article 2297 du Code civil n’exige plus que le bénéficiaire du cautionnement soit un professionnel.

La mention manuscrite sera ainsi requise à titre de validité en présence d’un cautionnement conclu entre deux consommateurs.

Contrairement à la caution, le créancier peut néanmoins être une personne morale, tel un établissement de crédit ou une société de financement.

==> Le formalisme attaché au mandat de se porter caution

Sous l’empire du droit antérieur, dans le silence des textes, la Cour de cassation exigeait que la mention manuscrite requise à titre de validité par les dispositions du Code de la consommation soit reproduite, non seulement sur l’acte de cautionnement, mais également sur le mandat de se porter caution et ce quand bien même le cautionnement est conclu par acte authentique.

Au visa des anciens articles L. 313-7 et L. 313-8 du code de la consommation, la Première chambre civile avait ainsi jugé dans un arrêt du 8 décembre 2009 que « le mandat sous seing privé de se porter caution pour l’une des opérations relevant des chapitres I ou II du titre premier du livre troisième du code de la consommation doit répondre aux exigences des articles L. 313-7 et L. 313-8 de ce code ; que l’irrégularité qui entache le mandat s’étend au cautionnement subséquent donné sous la forme authentique » (Cass. 1ère civ. 8 déc. 2009, n°08-17.531).

À l’occasion de la réforme des sûretés opérée par l’ordonnance du 21 septembre 2021, le législateur a reconduit cette jurisprudence.

L’article 2297, al. 3e du Code civil prévoit que « la personne physique qui donne mandat à autrui de se porter caution doit respecter les dispositions du présent article. »

2. Le contenu de l’exigence de formalisme requis à titre de validité

2.1 La forme de la mention manuscrite

==> Les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022

Sous l’empire du droit antérieur, les textes exigeaient que la mention reproduite par la caution sur l’acte soit « manuscrite ».

Par manuscrit, il fallait entendre « écrit à la main », ce qui dès lors excluait l’apposition de la mention par voie électronique.

L’article 1174, al. 2e du Code civil prévoit pourtant que « lorsqu’est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s’oblige, ce dernier peut l’apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même. »

Le principe posé par cette disposition était toutefois assorti d’une exception. L’article 1175, 2e du Code civil interdisait, en effet, d’emprunter la voie électronique pour « les actes sous signature privée relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale. »

La mention manuscrite exigée à titre de validité pour les cautionnements soumis aux dispositions du Code de la consommation devait donc nécessairement être reproduite par la caution elle-même (Cass. com. 13 mars 2012, n° 10-27.814) et surtout de sa main (V. en ce sens CA Lyon, 2 sept. 2015, n° 12/00411).

Seule exception à cette exigence, l’hypothèse où l’acte sous seing privé constatant le cautionnement est accompli par une personne physique « pour les besoins de sa profession » (art. 1175, al.2e in fine).

En pareil cas, il est admis que la mention manuscrite puisse être reproduite par voie électronique. En dehors de cette situation, la mention doit être manuscrite.

Il peut être observé que dans l’hypothèse où la caution se trouverait dans l’incapacité de reproduire la mention à la main, car illettrée par exemple ou mal voyante la Cour de cassation n’admet, par principe, aucune dispense.

Dans un arrêt du 9 juillet 2015 la Première chambre civile a jugé que « la personne physique qui ne se trouve pas en mesure de faire précéder sa signature des mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation destinées à assurer sa protection et son consentement éclairé, ne peut valablement s’engager que par acte authentique en qualité de caution envers un créancier professionnel » (Cass. 1ère civ. 9 juill. 2015, n°14-21.763).

En cas d’incapacité pour la caution de reproduire la mention manuscrite sur l’acte, elle n’a donc d’autre choix que de s’attacher les services d’un notaire aux fins de faire établir le cautionnement en la forme authentique.

Lorsque, toutefois, la caution, bien qu’illettrée, a reproduit elle-même la mention sur l’acte, la Cour de cassation admet la validité du cautionnement, alors même que le recours à l’acte authentique semblait s’imposer.

Dans un arrêt du 19 septembre 2018, elle a ainsi jugé, s’agissant d’une caution qui se présentait comme pratiquement analphabète, que dès lors que cette dernière était « en mesure de faire précéder sa signature de la mention manuscrite exigée par la loi, il n’était pas nécessaire de recourir à un acte authentique » (Cass. com. 19 sept. 2018, n°17-15.617).

À cet égard, dans un arrêt du 20 septembre 2017, la Cour de cassation a été plus loin en admettant, dans une affaire où la caution maîtrisait mal la langue française, que la mention manuscrite requise ad validitatem puisse être reproduite par un tiers.

Au soutien de sa décision, elle relève que la caution, qui était accompagnée de sa secrétaire, avait signé l’acte après que cette dernière eut inscrit la mention manuscrite.

Pour la Chambre commerciale « ces circonstances établissent que la conscience et l’information de la caution sur son engagement étaient autant assurées que si elle avait été capable d’apposer cette mention de sa main, dès lors qu’il avait été procédé à sa rédaction, à sa demande et en sa présence ».

Elle en déduit qu’un mandat avait été valablement donné par la caution à sa secrétaire, de sorte que le cautionnement litigieux était parfaitement valable (Cass. com. 20 sept. 2017, n° 12-18.364).

==> Les cautionnements conclus après le 1er janvier 2002

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés n’a pas seulement étendu le domaine d’application de la mention manuscrite, elle en a modifié la forme.

En effet, il n’est désormais plus requis que la mention devant figurer sur l’acte de cautionnement soit reproduite de la main de la caution.

L’article 2297 du Code civil prévoit seulement que « la caution personne physique appose elle-même la mention ».

Il en résulte que, dans l’hypothèse, où la mention serait reproduite par un tiers, le cautionnement encourt la nullité.

Est-ce à dire que les solutions retenues par la Cour de cassation en présence d’une caution illettrée ou maîtrisant mal la langue française sont remises en cause ? Les commentateurs de la réforme ne le pensent pas[3]. Elles devraient, selon eux, être reconduite par la jurisprudence (V. en ce sens Cass. com. 20 sept. 2017, n° 12-18.364).

Comme souligné par le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance, cette nouvelle exigence – allégée ne peut plus obstacle à ce que le cautionnement soit conclu par voie électronique – selon les modalités prévues pour la validité des actes passés par voie électronique – dès lors que le processus par lequel l’acte est renseigné par la caution garantit que l’apposition de la mention résulte d’une démarche qu’elle a elle-même réalisée, comme prévu par le deuxième alinéa de l’article 1174 du code civil.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « lorsqu’est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s’oblige, ce dernier peut l’apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même. »

Par souci de cohérence, il peut être observé que le 2e de l’article 1175 du Code civil, qui prévoyait une exception à la possibilité d’apposer sur un acte par voie électronique une mention dont la reproduction manuscrite était imposée par la loi, a été supprimé.

Désormais, un cautionnement peut ainsi être établi sous forme électronique. Cette mesure procède d’une règle plus générale, instituée par l’article 26 de l’ordonnance du 21 septembre 2021, qui autorise la dématérialisation des sûretés même en dehors du cadre professionnel.

2.2 Le contenu de la mention manuscrite

a. Les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022

==> Formulation des mentions manuscrites

Sous l’empire du droit antérieur, les dispositions du Code de la consommation prescrivant un formalisme ad validitatem exigeaient la reproduction :

En pratique, les établissements bancaires exigeront systématiquement que le cautionnement dont ils sont bénéficiaires soit assorti d’une clause de solidarité.

Aussi, sont-ce deux mentions manuscrites qui devront, le plus souvent, être reproduites dans l’acte par la caution.

==> Articulation entre les deux mentions manuscrites

Les mentions manuscrites prévues par les dispositions du Code de la consommation sont exigées à titre de validité du cautionnement.

En présence d’un cautionnement solidaire, qui dès lors requiert la reproduction des deux mentions, la question s’est posée de savoir si l’irrégularité de l’une se répercutait par contamination sur l’autre et, par voie de conséquence, emportait nullité du cautionnement.

À l’analyse, lorsque c’est la première mention qui comporte une irrégularité, la validité du cautionnement s’en trouve nécessairement affectée.

Cette mention exprime, en effet, l’existence et l’étendue de l’engagement de caution. Or il s’agit là d’un prérequis indispensable sans lequel le cautionnement ne saurait prospérer.

Lorsque, en revanche, l’irrégularité frappe la seconde mention, soit celle qui exprime la solidarité de l’engagement de caution, cela est sans incidence sur la validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 8 mars 2011, la Cour de cassation a ainsi approuvé une Cour d’appel qui, après avoir constaté que « l’engagement de caution avait été souscrit dans le respect des dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation […] a retenu que la sanction de l’inobservation de la mention imposée par l’article L. 341-3 du même code ne pouvait conduire qu’à l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de la solidarité et en a exactement déduit que l’engagement souscrit par la caution demeurait valable en tant que cautionnement simple » (Cass. com. 8 mars 2011, n°10-10.699).

La chambre commerciale a réitéré cette solution dans un arrêt du 10 mai 2012, aux termes duquel elle a affirmé que « l’engagement de caution solidaire, souscrit dans le respect des dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation, ne comportant pas la mention manuscrite exigée par l’article L. 341-3 de ce code, demeure valable en tant que cautionnement simple » (Cass. com. 10 mai 2012, n°11-17.671).

i. Principe général

Les mentions manuscrites prescrites par les dispositions du Code de la consommation étant prédéterminées par la loi, la question s’est rapidement posée de savoir si elles devaient être reproduites à l’identique sur l’acte de cautionnement ou si les parties pouvaient prendre quelques libertés quant aux termes choisis, voire adapter la formulation de la mention.

Les textes fournissaient un premier élément de réponse puisque commandant à la caution de faire « précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci ».

Par la formule « et uniquement de celle-ci », les juridictions ont compris, dans un premier temps, que la mention manuscrite dictée par les textes devait être reproduite par la caution à l’identique sur l’acte de cautionnement.

Toute altération, omission ou ajout était donc, a priori, de nature à justifier l’annulation du cautionnement (V. en ce sens CA Paris, 5 mars 2009, n° 07/08612 ; CA Rennes, 22 janv. 2010).

Bien que conforme à la lettre de la loi, cette position rigoureuse, sinon orthodoxe a progressivement été atténuée par la Cour de cassation qui a admis que la mention manuscrite reproduite sur l’acte de cautionnement puisse comporter quelques écarts avec celle énoncée par les textes.

Aussi, dans un arrêt du 5 avril 2011, la Cour de cassation a apporté un premier tempérament à la position adoptée par les juridictions du fond en affirmant que « la nullité d’un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, à l’exception de l’hypothèse dans laquelle ce défaut d’identité résulterait d’erreur matérielle » (Cass. com. 5 avr. 2011, n°09-14.358).

Si donc la mention figurant sur l’acte de cautionnement doit, par principe, être strictement fidèle au modèle prédéfini par la loi, la chambre commerciale réserve le cas de l’erreur matérielle qui est sans incidence sur la validité de l’engagement de caution.

Que faut-il entendre par erreur matérielle ? La haute juridiction ne fournit aucune définition. L’analyse des décisions rendues conduisent à considérer qu’il s’agit d’une erreur commise par inadvertance par la caution et qui, surtout, n’affecte pas le sens et la portée de la mention manuscrite.

Il pourra ainsi s’agir d’une erreur portant sur un numéro d’article du Code civil, d’une interversion de termes de la mention, encore de l’omission d’une virgule.

Dans un arrêt du 31 janvier 2017, la Cour de cassation a, par exemple, jugé s’agissant d’une contradiction entre deux dates que « la validité de l’engagement n’était pas affectée par la contradiction entre ces deux dates, dès lors que l’une des mentions manuscrites était conforme à celles prescrites par la loi » (Cass. com. 31 janv. 2017, n°15-15.890).

Dans un arrêt du 9 novembre 2004, elle a encore décidé que « l’omission de la conjonction de coordination “et” entre, d’une part, la formule définissant le montant et la teneur de l’engagement, d’autre part, celle relative à la durée de celui-ci, n’affecte ni le sens, ni la portée de la mention manuscrite prescrite par l’article L. 313-7 du Code de la consommation » en conséquence de quoi le cautionnement qui lui était déféré était parfaitement valide (Cass. 1ère civ. 9 nov. 2004, n°02-17.028).

Dans un arrêt du 5 avril 2011, elle a, par ailleurs, estimé que « l’apposition d’une virgule entre la formule caractérisant l’engagement de caution et celle relative à la solidarité [en substitution d’un point] n’affecte pas la portée des mentions manuscrites conformes aux dispositions légales » (Cass. com. 5 avr. 2011, n°10-16.426).

Dans le même sens, elle a jugé dans un arrêt du 11 septembre 2013 que « ni l’omission d’un point ni la substitution d’une virgule à un point entre la formule caractérisant l’engagement de caution et celle relative à la solidarité, ni l’apposition d’une minuscule au lieu d’une majuscule au début de la seconde de ces formules, n’affectent la portée des mentions manuscrites conformes pour le surplus aux dispositions légales » (Cass. 1ère civ. 11 sept. 2013, n°12-19.094).

Par suite, la Haute juridiction a un peu plus assoupli sa position en admettant que des écarts dépassant la simple erreur matérielle n’affectent pas la validité du cautionnement.

À titre d’illustration, dans un arrêt du 4 novembre 2014 elle a statué sur la validité d’une mention manuscrite qui contenait l’ajout, en tête de paragraphe de la formule « je reconnais être parfaitement informé de la situation tant juridique que financière du cautionné ».

Dans cette affaire, la Chambre commerciale reproche aux juges du fond de n’avoir pas recherché si « cet ajout modifiait la formule légale ou en rendait la compréhension plus difficile pour la caution » (Cass. com. 4 nov. 2014, n°13-23.130).

A l’analyse, si la Cour de cassation admet que la mention manuscrite reproduite sur l’acte de cautionnement puisse ne peut être totalement identique à celle énoncée par les dispositions du Code de la consommation, c’est à la condition que les divergences constatées soient minimes.

Dans un arrêt du 16 mai 2012, elle a, par exemple, censuré une Cour d’appel à laquelle elle reprochait d’avoir validé un cautionnement alors que la mention manuscrite figurant sur l’acte comportait des écarts importants avec la formulation légale.

Pour justifier leur décision, les juges du fond avaient retenu que si la rédaction de la mention n’était pas strictement conforme aux prescriptions légales, il en ressortait cependant que la caution avait, au travers des mentions portées, une parfaite connaissance de l’étendue et de la durée de son engagement et que, en outre la caution, tenue de recopier la formule prévue par la loi, ne saurait invoquer, pour tenter d’échapper à ses engagements, ses propres errements dans le copiage de cette formule.

Cette analyse n’a pas convaincu la Première chambre civile qui estime que la mention litigieuse, bien que faisant état de l’engagement en toute connaissance de cause de la caution, n’était pas conforme aux exigences légales (Cass. 1ère civ. 16 mai 2012, n°11-47.411).

L’enseignement qu’il y avait lieu de retirer de cette décision c’est que seuls des petits écarts avec la mention dictée par la loi étaient admis par la Cour de cassation. Lorsque la divergence était trop importante, le cautionnement encourait la nullité.

Au bilan, la Cour de cassation a plutôt opté pour approche souple de l’exigence de reproduction de la mention manuscrite sur l’acte de cautionnement.

Si elle admet que cette mention puisse comporter des écarts avec la formule dictée par les textes, c’est à la double condition :

Lorsque dès lors les écarts constatés seront trop importants, le cautionnement encourra la nullité, sauf à ce qu’il soit établi que la caution a intentionnellement cherché à altérer la mention manuscrite afin de se soustraire à ses engagements (V. en ce sens Cass. com. 5 mai 2021, n°19-21.468).

ii. Mise en œuvre

Si donc la Cour de cassation admet que la mention reproduite ne soit pas strictement identique à celle dictée par les dispositions du Code de la consommation, sa tolérance varie néanmoins selon la nature de l’écart constaté.

Tantôt elle estimera que cet écart justifiera la nullité du cautionnement, tantôt elle considérera que la divergence emportera réduction de l’engagement de caution ou requalification en cautionnement simple.

==> Écarts portant sur l’identité du débiteur principal

==> Écarts portant sur le montant de l’engagement de caution

Les dispositions du Code de la consommation exigent que la mention manuscrite contienne le montant de l’engagement de caution.

Il en résulte que, lorsque le cautionnement est conclu entre une personne physique et un créancier professionnel, l’engagement de caution ne saurait être illimité ; un plafond doit nécessairement être déterminé par les parties et être indiqué dans la mention.

Dans un arrêt du 31 janvier 2017, la Cour de cassation a précisé que lorsque la mention manuscrite rendait compte tout à la fois d’un engagement limité pour les dettes déjà nées et d’un engagement illimité pour les dettes à venir, celle-ci « n’était pas conforme à celle prévue par la loi, de sorte que l’engagement était nul pour le tout » (Cass. com. 31 janv. 2017, n°14-27.185).

La seule solution pour contourner la prohibition des cautionnements illimités est d’établir l’acte par voie d’acte notarié.

Lorsque, en revanche, le cautionnement est conclu sous seing privé, l’omission du montant de l’engagement est sanctionnée par la nullité (V. en ce sens CA Chambéry, 10 mars 2015, n°13/02734).

À la différence de la mention requise à titre probatoire par l’article 1376 du Code civil, la mention exigée à titre de validité n’implique pas l’indication du montant de l’engagement de caution en chiffres et en lettres.

Dans un arrêt du 18 janvier 2017, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016, n’impose pas la mention du montant de l’engagement de la caution à la fois en chiffres et en lettres » (Cass. com. 18 janv. 2017, n°14-26.604).

À cet égard, la jurisprudence exige que la mention indique le montant de l’engagement de caution chiffré. Un renvoi à l’acte constatant l’opération garantie est insuffisant de même que l’indication d’un pourcentage du prêt garanti (V. en ce sens CE 3e 25 mai 2018, 406332).

Par ailleurs, le montant de l’engagement de caution figurant dans la mention doit être suivi de la précision « couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard ».

Dans un arrêt du 24 mai 2018, la Chambre commerciale a estimé que l’omission de cette précision était de nature à affecter le sens et la portée de la mention manuscrite (Cass. com. 24 mai 2018, n°17-11.144).

Dans un arrêt du 4 novembre 2014, elle a, en revanche, estimé que l’omission du terme intérêt « n’avait pour conséquence que de limiter l’étendue du cautionnement au principal de la dette sans en affecter la validité » (Cass. com. 4 nov. 2014, n°13-24.706).

Elle a adopté la même position s’agissant de l’omission de la formule « dans la limite de » (Cass. com. 10 janv. 2018, n°15-26.324).

==> Écarts portant sur la durée de l’engagement de caution

À l’instar du montant de l’engagement de caution, la durée de cet engagement doit également être reprise par la mention manuscrite.

Dans un arrêt du 21 octobre 2020, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, n’a pas été respecté, dès lors que la mention manuscrite litigieuse ne comporte ni la durée du cautionnement, ni l’identité du débiteur principal et ne précise pas le sens de l’engagement, ni n’indique ce que signifie son caractère solidaire » (Cass. com. 21 oct. 2020, n°19-11.700).

L’omission de la durée dans la mention manuscrite est ainsi de nature à justifier la nullité du cautionnement.

Quelques années plutôt, la Première chambre civile avait précisé dans un arrêt du 9 juillet 2015 que « les dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation ne précisent pas la manière dont la durée de l’engagement de caution doit être exprimée dans la mention manuscrite, il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement, cette mention devait être exprimée sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte » (Cass. 1ère civ. 9 juill. 2015, n°14-24.287).

Il ressort de cette décision que la durée de l’engagement de caution doit nécessairement figurer dans la mention manuscrite. Il ne saurait être renvoyé à l’acte constatant l’opération principale.

S’agissant du libellé de cette durée, il doit permettre à la caution « de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci » (Cass. com. 13 déc. 2017, 15-24.294).

En présence d’un cautionnement conclu entre une personne physique et un créancier professionnel, la durée de l’engagement de caution doit ainsi nécessairement être déterminée, à l’instar du montant.

Dans un arrêt du 13 décembre 2017, la Chambre commerciale a affirmé, par exemple, que « la mention “pour la durée de…” qu’impose, pour un cautionnement à durée déterminée, l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, implique l’indication d’une durée précise ».

Elle en déduit que « les mentions des différents actes de cautionnement, stipulant un engagement de la caution jusqu’au 31 janvier 2014 “ou toute autre date reportée d’accord” entre le créancier et le débiteur principal, ne permettaient pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci », de sorte que, au cas particulier, l’annulation du cautionnement était pleinement justifiée (Cass. com. 13 déc. 2017, n°15-24.294).

La durée doit donc être indiquée avec précision dans la mention manuscrite, ce qui implique que la caution l’exprime en unités de temps.

Dans un arrêt du 26 janvier 2016, la Cour de cassation a ainsi confirmé l’annulation d’un cautionnement au motif que la durée était exprimée en nombre de mensualités de crédit.

Au soutien de sa décision, elle affirme que « si l’article L. 341-2 du code de la consommation ne précise pas la manière d’indiquer la durée de l’engagement de la caution, la cour d’appel n’a pas ajouté à ce texte une condition qu’il ne prévoit pas en imposant que la mention manuscrite se réfère sur ce point à une durée, ce qui n’est pas le cas d’une formule manuscrite se référant à cent huit mensualités et non à cent huit mois » (Cass. com. 26 janv. 2016, n°14-20.202).

Dans un arrêt du 4 mai 2017, elle a toutefois jugé valable la mention aux termes de laquelle la caution s’était engagée « dans la limite de la somme de 49 995 € quarante neuf mille neuf cent quatre vingt quinze euros pendant 9 mois, puis à hauteur de 43 333 € quarante trois mille trois cent trente trois euros pendant la durée restante du crédit » (Cass. com. 4 mai 2017, n°15-18.493).

==> Écarts portant sur l’étendue du gage du gage des créanciers

Pour mémoire, la dernière partie de la mention manuscrite est formulée comme suit : « je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si n’y satisfait pas lui-même. »

Ainsi est-il abordé l’étendue du gage des créanciers qui pourront poursuivre la caution sur ses revenus et ses biens.

La question s’est alors posée de savoir si le cautionnement encourait la nullité dans l’hypothèse où la caution ne se référerait qu’à ses seuls biens ou qu’à ses revenus, la portée de son engagement n’étant alors pas le même en cas d’omission de l’un ou l’autre terme.

Dans un arrêt du 1er octobre 2013, la Cour de cassation a eu à connaître d’une affaire où la caution avait omis, en reproduisant la mention manuscrite sur l’acte de cautionnement, les termes « mes biens ».

Cette omission était-elle de nature à justifier l’annulation du cautionnement ? La Chambre commerciale répond par la négative. Elle estime, au cas particulier, que « l’omission des termes “mes biens” n’avait pour conséquence que de limiter le gage de la banque aux revenus de la caution et n’affectait pas la validité du cautionnement » (Cass. com. 1er oct. 2013, n°12-20.278).

En cas d’omission des termes « mes biens », c’est donc une réduction du gage des créanciers qui est encourue et non une annulation de l’engagement de caution.

À l’analyse, la même solution devrait être retenue en cas d’omission des termes « mes revenus ».

Lorsque, en revanche, la conjonction de coordination « et » est substitué par « ou » ma Cour de cassation estime que c’est bien la validité du cautionnement qui s’en trouve affectée.

Dans un arrêt du 26 janvier 2016, elle a jugé en ce sens, après avoir relevé que la formule écrite de la main de la caution prévoyait que celle-ci s’engageait sur ses revenus ou ses biens et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, que cette substitution « en modifiait le sens et la portée quant à l’assiette du gage du créancier », de sorte que l’engagement de caution était nul (Cass.com. 26 janv. 2016, n°14-20.868).

==> Écarts divers consistant en des omissions, substitutions, adjonctions

Au bilan, la jurisprudence de la Cour de cassation s’est considérablement assouplie au fil des décisions rendues.

Non seulement elle admet que la mention manuscrite reproduite sur l’acte puisse comporter des écarts avec celle prédéterminée par le Code de la consommation, mais encore elle tolère que ces écarts puissent être de nature à modifier la portée de l’engagement de caution.

En pareille hypothèse, au lieu de prononcer la nullité du cautionnement, elle préfère, en effet, réduire, tantôt le gage des créanciers, tantôt le montant de l’engagement.

L’exigence posée par la Cour de cassation est moins que la mention manuscrite soit conforme aux textes du Code de la consommation, qu’elle soit intelligible, soit permette de rendre compte de la compréhension, par la caution, du sens et de la portée de son engagement.

Cette approche libérale pour laquelle la Haute juridiction a progressivement opté a conduit certains auteurs à soutenir que « le droit positif ne correspondait plus aux principes posés dans le Code de la consommation ».

Lors de la réforme du droit des sûretés, le législateur en a tiré toutes les conséquences en assouplissant les règles de reproduction de la mention manuscrite.

b. Les cautionnements conclus après le 1er janvier 2022

L’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés ne s’est pas limitée à étendre le champ d’application de la mention manuscrite, elle a également modifié les règles relatives à son formalisme.

Pour mémoire, le nouvel article 2297 du Code civil prévoit que « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres ».

Il ressort de cette disposition que le formalisme attaché à la mention devant – toujours – figurer sur l’acte de cautionnement est allégé s’agissant, tant de la formulation de cette mention, que de son contenu.

i. Sur la formulation de la mention

En premier lieu, à la différence des anciens textes du Code de la consommation, aucune mention prédéfinie n’est imposée par le nouveau texte.

La seule exigence instituée par le législateur réside dans l’obligation pour la caution d’apposer une mention qui exprime avec suffisamment de précision la nature et la portée de son engagement.

En cas de contestation, il appartiendra alors au juge d’apprécier le caractère suffisant de la mention.

Le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance précise que « la reprise de la mention qui figure aujourd’hui dans le code de la consommation serait indiscutablement de nature à satisfaire cette exigence. ».

Aussi, afin de prévenir tout risque de litige, il peut apparaît prudent, sinon avisé pour le bénéficiaire d’un cautionnement d’exiger de la caution qu’elle reproduise sur l’acte l’ancienne formule sacramentelle.

En second lieu, l’allègement du formalisme opéré par l’ordonnance du 21 septembre 2021 ne concerne pas seulement la mention exprimant le montant de l’engagement de caution ; il intéresse également la mention devant figurer sur l’acte en cas de souscription d’un cautionnement solidaire.

En pareille hypothèse, comme sous l’empire du droit antérieur, une mention spécifique devra être reproduite par la caution aux termes de laquelle elle reconnaît « ne pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions ».

Aucune mention prédéterminée n’est donc, là encore, prescrite par l’article 2297 du Code civil. La formule figurant sur l’acte devra néanmoins exprimer avec suffisamment de précision la volonté de la caution à s’obliger solidairement, soit à renoncer à ses bénéfices de discussion et de division.

À défaut, l’article 2297 précise que l’engagement souscrit sera, non pas nul, mais requalifié en cautionnement simple.

ii. Sur le contenu de la mention

La nouvelle règle instituée par l’article 2297 du Code civil invite à formuler deux observations qui tiennent, d’une part, au montant de l’engagement de caution et, d’autre part, à sa durée.

==> Sur le montant de l’engagement de caution

==> Sur la durée de l’engagement de caution

À la différence des anciennes dispositions du Code de la consommation, l’article 2297 du Code civil n’exige plus que la mention précise la durée de l’engagement de caution.

Il en résulte que, désormais, une caution personne physique est autorisée à souscrire un cautionnement pour une durée indéterminée par voie d’acte sous seing privé, ce qui n’était pas le cas sous l’empire du droit antérieur.

Il ne sera donc plus nécessaire d’établir un acte authentique pour régulariser ce type d’engagement qui est particulièrement fréquent lorsqu’il s’agit de garantir le solde d’un compte courant ouvert dans les livres d’un établissement bancaire.

La caution devra néanmoins être informée, chaque année, par le créancier de son droit à résiliation.

3. La sanction de l’exigence de formalisme requis à titre de validité

==> La sanction de l’irrégularité de la mention portant sur l’étendue de l’engagement de caution

En application de l’article 2297 du Code civil, l’irrégularité de la mention devant exprimer l’étendue de l’engagement de caution est sanctionnée par la nullité du cautionnement.

Il s’agit là d’une reprise de la sanction qui s’appliquait déjà sous l’empire du droit antérieur en cas de non-respect des anciens articles L. 314-15 et L. 331-1 du Code de la consommation.

Dans un arrêt du 31 janvier 2017, la Cour de cassation a précisé qu’il s’agissait d’une nullité totale, en ce sens qu’elle anéantit l’engagement de caution pour le tout (Cass. com. 31 janv. 2017, n°14-27.185).

Quant à la nature de la nullité, dans un arrêt du 5 février 2013, la Cour de cassation a jugé que « la violation du formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution, est sanctionnée par une nullité relative » (Cass. com. 5 févr. 2013, n°12-11.720).

Il en résulte que :

==> La sanction de l’irrégularité de la mention portant sur la solidarité de l’engagement de caution

Lorsque l’irrégularité affecte la mention portant sur la solidarité de l’engagement de caution, il est admis que la sanction applicable était, non pas la nullité de la garantie, mais la requalification de l’engagement en cautionnement simple.

Dans un arrêt du 8 mars 2011, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la sanction de l’inobservation de la mention imposée par l’article L. 341-3 du même code ne pouvait conduire qu’à l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de la solidarité et en a exactement déduit que l’engagement souscrit par la caution demeurait valable en tant que cautionnement simple » (Cass. com. 8 mars 2011, n°10-10.699).

Cette solution, discutée sous l’empire du droit antérieure, a été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés.

Le nouvel article 2297 du Code civil prévoit désormais que, en cas de non-respect respect du formalisme exigé en cas de souscription d’un cautionnement solidaire, la caution conserve le droit de se prévaloir des bénéfices de discussion et de division.

B) Les exigences tenant à la signature

À la différence des anciennes dispositions du Code de la consommation, l’article 2297 du Code civil est silencieux sur l’exigence de signature de l’acte de cautionnement par la caution.

Est-ce à dire que cette exigence n’est plus une condition de validité de l’engagement de caution ? Il n’en est rien.

Il s’agit là d’une maladresse du législateur qui ne remet nullement en cause l’importance que revêt la signature, laquelle remplit deux fonctions principales :

Non seulement la signature est requise à titre de preuve, conformément à l’article 1376 du Code civil, mais encore elle constitue une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 janvier 2013, la Cour de cassation a ainsi annulé un cautionnement au motif il « contrevenait à l’exigence, prévue à peine de nullité, selon laquelle l’engagement manuscrit doit précéder la signature » (Cass. com., 22 janv. 2013, n° 11-22.831).

À cet égard, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés il est désormais admis que la signature soit apposée sur l’acte par voie électronique, pourvu qu’elle satisfasse les exigences posées à l’article 1367, al. 2e du Code civil.

Cette disposition prévoit que « lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

S’agissant de l’endroit où la signature doit figurer sur l’acte, les anciennes dispositions du Code de la consommation exigeaient que la mention manuscrite précède la signature de la caution.

Sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation en a déduit qu’il y avait lieu d’annuler tous les cautionnements qui ne satisfaisaient pas à cette exigence (Cass. com. 17 sept. 2013, n°12-13.577).

Dans un arrêt du 1er avril 2014 elle a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait validé un cautionnement alors que la signature avait été apposée sur l’acte avant la mention manuscrite (Cass. com. 1er avr. 2014, 13-15.735).

Dans un arrêt du 22 septembre 2016, la Première chambre civile a adopté une solution plus nuancée en admettant que les paraphes qui suivaient la mention manuscrite puissent sauver l’irrégularité de la signature qui avait été apposée avant ladite mention (Cass. 1ère civ. 22 sept. 2016, n°15-19.543).

L’exigence d’apposition de la signature après la mention reproduite par la caution est-elle toujours d’actualité aujourd’hui ?

L’article 2297 étant silencieux sur cette exigence, il est probable que le positionnement de la signature sur l’acte est désormais indifférent.

Peu importe donc qu’elle précède ou suive la mention reproduite par la caution. La seule contrainte est qu’elle soit effectivement présente sur l’acte.

II) Les conditions de forme à titre de validité applicables au cautionnement de dettes nées d’un bail d’habitation

Depuis plusieurs années le secteur du logement est en crise. Tandis que les locataires peinent de plus en plus à se loger, les bailleurs sont, quant à eux, confrontés à une augmentation des impayés.

Ajoutées à cela, les procédures qui devraient permettre à ces derniers de recouvrer leurs créances et, le cas échéant, de récupérer leur bien sont longues et coûteuses.

Aussi afin de se prémunir du risque d’insolvabilité de leur locataire, les bailleurs ont-ils pris l’habitude de solliciter systématiquement une caution y compris auprès de candidats dont les revenus sont suffisants.

Bien que résultant de mesures dictées par des intérêts légitimes, cette situation est de nature à créer une barrière supplémentaire à l’accès au logement pour les personnes qui ne sont pas en capacité de fournir une caution solvable.

Dans ce contexte, le législateur est intervenu à plusieurs reprises afin, d’une part, d’encadrer la faculté pour les bailleurs de recourir au cautionnement.

À cet égard, en application de l’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, trois règles s’imposent aux bailleurs

Lorsque les conditions sont réunies, le bailleur qui entend subordonner la conclusion d’un bail d’habitation à la fourniture d’une caution par le locataire, doit satisfaire à plusieurs exigences de forme énoncées à l’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Cette disposition prévoit que « la personne physique qui se porte caution signe l’acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, ainsi que la reproduction de l’avant-dernier alinéa du présent article. La caution doit apposer la mention prévue par l’article 2297 du code civil. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement. »

Produit de réformes successives et notamment, pour la plus récente, de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », ce texte a fait l’objet de nombreuses modifications intéressant, tant le domaine du formalisme applicable au cautionnement garantissant les dettes résultant d’un bail d’habitation, que le contenu de ce formalisme.

A) Domaine du formalisme applicable au cautionnement garantissant les dettes résultant d’un bail d’habitation

==> Domaine quant à la forme de l’acte

À la différence des anciennes dispositions du Code de la consommation, l’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ne cantonne pas les règles de forme qu’il énonce aux cautionnements conclus sous seing privé.

La question s’est alors rapidement posée de savoir si ces règles avaient également vocation à s’appliquer en présence d’un engagement de caution régularisée par voie d’acte authentique.

Alors que les juridictions du fond étaient partagées sur cette question, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 9 juillet 2008, finalement jugé que « les formalités prescrites par l’article 22-I de la loi du 6 juillet 1989 ne concernent que les cautionnements conclus sous seings privés et non ceux donnés en la forme authentique » (Cass. 3e civ. 9 juill. 2008, n°07-10.926).

Lorsque, dès lors, un cautionnement garantissant des dettes de loyers est établi en la forme authentique, il n’est pas assujetti aux exigences de forme imposées par l’article 22-1.

Cette dispense s’explique par l’intervention du notaire qui est tenu à une obligation de conseil, ce qui implique notamment qu’il éclaire la caution sur l’étendue et la portée de son engagement.

Cette solution jurisprudentielle a été consacrée par le législateur lors de l’adoption loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

Désormais, l’article 1369 du Code civil prévoit que lorsqu’un acte authentique « est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que qu’il n’est pas nécessaire que figure sur l’acte constatant l’engagement de caution établi en la forme authentique les mentions manuscrites requises par l’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Il en va de même dans l’hypothèse où le cautionnement serait régularisé par acte contresigné par avocat, l’article 1374, al. 3e du Code civil prévoyant la même dispense que pour les actes authentiques.

==> Domaine quant aux personnes

Contrairement, là encore, aux anciennes dispositions du Code de la consommation, initialement l’article 22-1 de loi du 6 juillet 1989 ne limitait pas son domaine d’application aux seuls cautionnements souscrits par des personnes physiques.

Il en résultait que les personnes morales étaient, a priori, soumises au même formalisme que ces dernières, ce qui n’avait que peu de sens en présence d’un établissement de crédit et plus généralement d’un professionnel.

En effet, les règles de forme instituées à l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 visent à protéger la caution et plus précisément à lui permettre de prendre connaissance de l’étendue et de la portée de son engagement.

Or par hypothèse, les personnes morales n’ont nul besoin de protection lorsqu’elles souscrivent un cautionnement, puisqu’agissant, la plupart du temps à des fins professionnelles.

Aussi disposent-elles de toutes les compétences pour évaluer et apprécier le risque de l’opération conclue.

Certaines juridictions en avaient tiré la conséquence qu’il y avait lieu de dispenser les établissements bancaires, lorsqu’ils intervenaient en tant que caution, du formalisme énoncé à l’article 22-1 de loi du 6 juillet 1989 (V. en ce sens CA Versailles, 15 juin 2009).

Cette position de la jurisprudence a été confirmée par le législateur qui, à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a précisé que le dispositif protecteur institué par l’article 22-1 ne bénéficiait qu’aux seules personnes physiques.

La qualité du bailleur est, en revanche, indifférente. Il peut s’agir tout autant d’une personne physique, que d’une personne morale.

Dans ce second cas, on rappellera toutefois que le recours au cautionnement par le bailleur est limité.

L’article 22-1, al. 2e prévoit, en effet, que si le bailleur est une personne morale autre qu’une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus, le cautionnement ne peut être demandé que :

B) Contenu du formalisme applicable au cautionnement garantissant les dettes résultant d’un bail d’habitation

Plusieurs exigences de forme sont instituées par l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 au nombre desquelles on compte :

==> Première exigence

Le bailleur doit remettre à la caution un exemplaire du contrat de location

Bien que le texte ne le dise pas, cet exemplaire doit être remis au moyen d’un support durable.

Selon l’article liminaire du Code de la consommation un support durable se définit comme « tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées »

Le considérant 23 de la Directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs précise que le support durable devrait permettre au consommateur de stocker les informations aussi longtemps que cela lui est nécessaire pour protéger ses intérêts découlant de sa relation avec le professionnel.

Au nombre des supports durables devraient figurer, en particulier, le papier, les clés USB, les CD-Rom, les DVD, les cartes à mémoire ou les disques durs d’ordinateur ainsi que les courriels.

==> Deuxième exigence

L’acte de cautionnement doit faire apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location.

Dans un arrêt du 6 septembre 2018, la Cour de cassation a, par exemple, approuvé une Cour d’appel qui avait annulé un cautionnement au motif que l’acte prévoyait que la caution s’était engagée à garantir un loyer initial fixé à 600 euros, révisable chaque année selon l’indice de référence des loyers, tandis que le bail précisait que le loyer était révisable le 1er août de chaque année selon l’indice de référence du 1er trimestre 2009 valeur 117,70.

L’annulation se justifiait ici parfaitement selon la Troisième chambre civile dans la mesure où la mention figurant sur l’acte « ne respectait pas les exigences de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 imposant la reproduction de la mention du loyer et des conditions de sa révision telles qu’ils figurent dans le contrat de location » (Cass. 3e civ. 6 sept. 2018, n°17-17.351).

==> Troisième exigence

L’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989, exige que la caution appose sur l’acte de cautionnement une mention exprimant l’étendue de son engagement.

L’exigence tenant à cette mention a connu plusieurs évolutions :

==> Quatrième exigence

L’article 22-1, al. 5 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que la caution doit reproduire sur l’acte de cautionnement « l’avant dernier alinéa du présent article ».

L’alinéa visé prévoit que « lorsque le cautionnement d’obligations résultant d’un contrat de location conclu en application du présent titre ne comporte aucune indication de durée ou lorsque la durée du cautionnement est stipulée indéterminée, la caution peut le résilier unilatéralement. La résiliation prend effet au terme du contrat de location, qu’il s’agisse du contrat initial ou d’un contrat reconduit ou renouvelé, au cours duquel le bailleur reçoit notification de la résiliation. »

Il s’infère de ce texte que la caution est investie de la faculté de résilier, à tout moment, le cautionnement souscrit en cas d’engagement non borné dans le temps.

La règle ainsi énoncée ne concerne donc, a priori, que les cautionnements susceptibles de faire l’objet d’une résiliation.

Très tôt, la question s’est alors posée de savoir si cette mention devait être reproduite sur les cautionnements souscrits pour une durée déterminée et qui donc, par hypothèse, ne peut pas être résilié en dehors de la date d’échéance du terme.

Cette question était d’autant plus prégnante que les baux d’habitation sont toujours conclus pour une durée déterminée.

L’article 10 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit, en effet, que « le contrat de location est conclu pour une durée au moins égale à trois ans pour les bailleurs personnes physiques ainsi que pour les bailleurs définis à l’article 13 et à six ans pour les bailleurs personnes morales. »

Tout au plus, certaines cautions sont susceptibles de s’engager à garantir le contrat de bail initial et, le cas échéant, les renouvellements à intervenir (V. en ce sens Cass. 3e civ. 13 juill. 2005,n°04-15.064).

Bien que certaines juridictions du fond aient admis, à raison, que la mention relative à la résiliation du bail ne soit imposée que pour les cautionnements conclus pour une durée déterminée, la Cour de cassation a opté pour la solution inverse.

Dans un arrêt du 27 septembre 2006, elle a jugé que « l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 en son dernier alinéa n’opère pas de distinction selon le caractère déterminé ou indéterminé de la durée du cautionnement », de sorte que la mention exprimant la faculté de résiliation de la caution s’applique à tous les cautionnements dès lors qu’ils visent à garantir des obligations résultant de l’exécution d’un bail d’habitation (Cass. 3e civ. 27 sept. 2006, n°05-17.804).

C) Sanction du formalisme applicable au cautionnement garantissant les dettes résultant d’un bail d’habitation

L’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que les formalités énoncées à son dernier alinéa « sont prescrites à peine de nullité du cautionnement. »

La nullité est ainsi encourue :

Dans un arrêt du 8 mars 2006, la Cour de cassation a précisé que « les formalités édictées par l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 sont prescrites à peine de nullité du cautionnement sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un grief » (Cass. 3e civ. 8 mars 2006, n°05-11.042).

Il ressort de cette décision qu’il est indifférent que la caution ait eu conscience de l’étendue et de la nature de son engagement au jour de la souscription du cautionnement.

Le seul constat d’un vice quant au respect des formalités requises par l’article 22-1 suffit à justifier une demande d’annulation du cautionnement.

Cette position, qui a été fortement critiquée par la doctrine au motif qu’il s’agirait là d’une approche trop rigoriste de la règle, a été réaffirmée par la Cour de cassation, notamment dans le cadre d’un arrêt rendu le 3 décembre 2015.

Dans cette affaire, l’auteur du pourvoi contestait la constitutionnalité de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 et sollicitait, à ce titre, le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel.

En réponse, la Troisième chambre civile affirme que « les règles de forme prévues par l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 s’appliquent sans discrimination aux bailleurs d’un logement entrant dans le champ d’application de cette loi, que, d’autre part, le formalisme imposé par l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 se justifie par le motif d’intérêt général de protection de la caution et que la sanction applicable en cas de non-respect de ces dispositions n’apparaît pas, quelle que soit la qualité du bailleur, disproportionnée à la finalité de la loi qui tend, en contrepartie de la faculté accordée au bailleur d’exiger un cautionnement et de son régime dérogatoire au droit commun, à protéger la caution en privant d’effet un acte qui ne respecte pas les conditions de forme permettant de s’assurer du caractère éclairé de son consentement » (Cass. 3e civ. 3 déc. 2015, n°15-18.194).

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la Première chambre civile a sensiblement dans les mêmes termes que la Troisième chambre civile, jugé que « les formalités édictées par le texte précité sont prescrites à peine de nullité de l’acte, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un grief » (Cass. 1ère civ. 22 mai 2019, n°18-14.764).

S’agissant de la nature de la nullité encourue, la doctrine estime qu’il y a lieu de faire application de la solution adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt du 5 février 2013.

Aux termes de cette décision, qui concernait le cautionnement souscrit par un dirigeant en garantie des dettes de sa société, elle a jugé que « la violation du formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution, est sanctionnée par une nullité relative » (Cass. com. 5 févr. 2013, n°12-11.720).

Il en résulte que :

[1] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

[2] G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Puf, 2005, entrée « acte sous seing privé », p. 20.

[3] D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°154, p. 130

[4] D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°154, p. 129.

[5] D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°154, p. 129.

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