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La durée du cautionnement

L’étendue du cautionnement ne tient pas seulement à son montant, elle tient également à sa durée.

À cet égard, la durée du cautionnement est déterminée :

I) La durée du cautionnement résultant du terme de l’obligation principale

Lorsque le cautionnement est indéfini, c’est-à-dire lorsqu’il a été contracté sans limitation de quelque nature que ce soit, il emprunte sa durée à celle de l’obligation principale.

Or cette dernière est susceptible d’être assortie d’un terme, lequel a pour objet d’affecter, tantôt la durée de l’obligation, tantôt son exigibilité.

Tandis que dans le premier cas, le terme – extinctif – a pour effet de mettre fin à l’obligation, dans le second cas le terme – suspensif – a pour effet de différer son exécution à une échéance déterminée.

En raison du caractère accessoire du cautionnement, ces deux modalités de l’obligation ont vocation à se répercuter sur l’engagement de caution.

A) La répercussion du terme extinctif sur le cautionnement

1. L’obligation principale est assortie d’un terme extinctif

a. Principe

Une obligation est assortie d’un terme extinctif lorsqu’elle est stipulée pour une durée déterminée.

Lorsqu’un cautionnement a pour objet de garantir l’exécution d’une telle obligation, il lui emprunte son terme.

Il en résulte que l’engagement de caution a vocation à s’éteindre lors de la survenance de l’échéance fixée contrat dont est issue l’obligation principale.

Cette règle, qui puise son fondement dans le caractère accessoire du cautionnement, est énoncée à l’article 2313, al. 2e du Code civil qui prévoit que l’obligation de la caution « s’éteint […] par suite de l’extinction de l’obligation garantie. »

Pour exemple, un cautionnement souscrit aux fins de garantir un prêt dont la durée de remboursement serait fixée à 5 ans sera assorti du même terme.

La caution sera donc engagée sur la même durée que l’emprunteur. Elle pourra être appelée en garantie par le prêteur pendant un délai de 5 ans.

Ce principe, en apparence simple dans sa formulation, n’est pas sans soulever un certain nombre de difficultés de mise en œuvre.

b. Mise en œuvre

Le cautionnement d’une obligation assortie d’un terme extinctif soulève essentiellement deux difficultés qui tiennent :

i. La faculté de résiliation de l’engagement de caution

La question qui ici se pose est de savoir si, en présence d’un contrat de cautionnement conclu pour une durée indéterminée mais garantissant une obligation assortie d’un terme extinctif, la caution est investie d’une faculté de résiliation unilatérale de son engagement.

En application du principe de prohibition des engagements perpétuels, désormais énoncé à l’article 1210 du Code civil, la caution devrait, en l’absence de terme stipulé dans l’acte de cautionnement, pouvoir y mettre fin unilatéralement.

Telle n’est toutefois pas la voie empruntée par la jurisprudence qui considère que, quand bien même un cautionnement est souscrit pour une durée indéterminée, dès lors qu’il vise à garantir une obligation principale à durée déterminée, le terme dont est assortie cette dernière fait obstacle à toute résiliation unilatérale par la caution de son engagement.

Ainsi la Cour de cassation assimile-t-elle le cautionnement indéfini garantissant une obligation principale assortie d’un terme extinctif à un contrat conclu pour une durée déterminée (V. en ce sens Cass. com. 4 nov. 1986, n°84-17.696).

La conséquence en est qu’il ne pourra prendre fin que dans deux cas :

En dehors de ces deux situations, l’obligation de couverture qui pèse sur la caution continuera à produire tous ses effets.

ii. L’incidence du renouvellement de l’obligation principale sur l’engagement de caution

A l’arrivée du terme de l’obligation principale, les parties disposent de la faculté de renouveler le contrat.

La question qui a lors se pose est de savoir si, en cas de reconduction expresse ou tacite du contrat garanti, l’engagement de caution est maintenu.

==> Principe

En application de l’article 1214, al. 2e du Code civil, « le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. »

Autrement dit, le renouvellement d’un contrat opère novation en ce sens que cette opération donne naissance à une nouvelle convention.

Il en va de même pour la tacite reconduction qui s’analyse en un renouvellement de contrat qui n’a pas expressément été exprimé par les parties.

À cet égard, l’article 1215 du Code civil prévoit que la reconduction tacite « produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat. »

Aussi, que le contrat ait expressément renouvelé ou tacitement reconduit, dans les deux cas, il se substitue au contrat initial qui prend fin.

S’agissant du cautionnement, en raison de son caractère accessoire, il suit le sort du contrat initial : il s’éteint.

La conséquence en est que l’engagement de caution n’a pas vocation à garantir les obligations issues du nouveau contrat.

Le créancier au bénéfice duquel le cautionnement a été souscrit ne pourra donc pas s’en prévaloir, sauf à ce qu’il soit formellement renouvelé.

==> Cas particulier du renouvellement du bail

S’il est admis que l’effet novatoire du renouvellement d’un contrat emportait extinction du cautionnement garantissant le contrat initial, cette règle n’est pas sans avoir soulevé des difficultés d’application s’agissant du maintien du cautionnement garantissant le paiement des loyers d’un bail.

La question s’est notamment posée de savoir si le cautionnement couvrait la dette de loyer lorsque le bail a été renouvelé ou tacitement reconduit.

Si l’on se réfère à l’article 1740 du Code civil, une réponse négative s’impose. Cette disposition prévoit que « la caution donnée pour le bail ne s’étend pas aux obligations résultant de la prolongation ».

De son côté, la jurisprudence retient la même solution considérant que le bail renouvelé étant un nouveau bail, le cautionnement s’éteint au terme du bail précédent (V. en ce sens Cass. 3e civ. 4 nov. 1980, n°79-13.227).

Dans un arrêt du 4 octobre 2000, la Première chambre civile a, par exemple, censuré une Cour d’appel qui avait estimé qu’une caution était solidairement tenue envers le bailleur, peu importe qu’elle « n’ait pas été informée de la reconduction du bail, dès lors qu’elle avait approuvé et signé le contrat de bail qui prévoyait qu’à son expiration et à défaut de congé donné par l’une ou l’autre des parties, le bail serait renouvelé dans les conditions légales ».

La Haute juridiction désapprouve cette solution au motif que les obligations de la caution ne pouvaient pas être étendues au-delà du contrat initial en l’absence de toute mention à l’acte précisant l’extension du cautionnement au bail reconduit tacitement ou renouvelé (Cass. 1ère civ. 4 oct. 2000, n°97-21.356).

S’agissant spécifiquement des baux régis par la loi du 6 juillet 1989, le dispositif mis en place par le législateur se démarque sensiblement du droit commun.

L’article 22-1 introduit par la loi du 21 juillet 1994 prévoit, en effet, que « lorsque le cautionnement d’obligations résultant d’un contrat de location conclu en application du présent titre ne comporte aucune indication de durée ou lorsque la durée du cautionnement est stipulée indéterminée, la caution peut le résilier unilatéralement. La résiliation prend effet au terme du contrat de location, qu’il s’agisse du contrat initial ou d’un contrat reconduit ou renouvelé, au cours duquel le bailleur reçoit notification de la résiliation. »

Il s’infère de ce texte que tant que la caution n’a pas procédé à la résiliation du cautionnement, elle demeure tenue envers le bailleur, quand bien même le bail a été renouvelé ou tacitement reconduit.

C’est là une dérogation au principe posé par la Cour de cassation qui considère que, lorsque le cautionnement garantit l’exécution d’un contrat, l’obligation de couverture de la caution s’éteint à l’arrivée du terme de l’obligation garantie.

Aussi, le cautionnement ne peut-il être étendu au contrat renouvelé qu’à la condition que cette extension soit expressément stipulée dans l’acte (V. en ce sens Cass. com. 11 févr. 1997, n°95-15.130 ).

La jurisprudence a adopté la même solution s’agissant de la prorogation d’un contrat qui donnerait naissance à des obligations nouvelles non expressément garanties par le cautionnement (Cass. com. 9 avr. 2013, n°12-18.019).

Cette hypothèse doit toutefois être distinguée de la simple prorogation du terme de l’obligation principale, laquelle n’opère aucun effet novatoire et, par voie de conséquence, ne décharge pas la caution de son engagement.

L’article 2320 du Code civil prévoit en ce sens que « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge pas la caution. »

Cette règle est régulièrement rappelée par la jurisprudence (V. en ce sens Cass. com., 26 mars 2013, n° 12-12.336 ; Cass.1ère civ., 20 mai 2003, n°01-00.212).

2. L’obligation principale n’est pas assortie d’un terme extinctif

Lorsque l’obligation garantie n’est assortie d’aucun terme extinctif, le cautionnement est, faute de stipulation contraire, lui aussi dépourvu de terme.

Aussi, est-il réputé avoir été souscrit pour une durée indéterminée. Il en résulte que, à l’instar de n’importe quelle autre obligation à durée indéterminée, il peut être résilié à tout moment de façon unilatérale.

Cette faculté de résiliation unilatérale se justifie par le principe de prohibition des engagements perpétuels.

Ce principe signifie que nul ne saurait être engagé indéfiniment dans des liens contractuels. Il a été consacré par le législateur à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

S’agissant spécifiquement de la faculté de résiliation unilatérale ouverte aux parties d’un contrat dépourvu de terme extinctif, elle est envisagée à l’article 1211 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. »

La règle ainsi énoncée s’applique au cautionnement. L’article 2313, al. 1er du Code civil prévoit, en effet, que « l’obligation de la caution s’éteint par les mêmes causes que les autres obligations ». Or la résiliation unilatérale est une cause d’extinction des obligations.

Pour cette raison, la jurisprudence admet qu’un cautionnement conclu pour une durée indéterminée peut être résilié unilatéralement (V. en ce sens Cass. com. 3 déc. 1979, n°78-13.319)

Il s’agit là d’une règle d’ordre public de sorte qu’elle ne saurait être écartée par convention contraire.

Il est toutefois admis que la faculté de résiliation ouverte à la caution puisse faire l’objet d’aménagements contractuels, pourvu que l’aménagement stipulé n’organise pas, en pratique, une impossibilité de dénoncer le cautionnement.

B) La répercussion du terme suspensif sur le cautionnement

Lorsqu’une obligation est assortie d’un terme suspensif son exigibilité est suspendue à la réalisation d’un événement déterminé par les parties ou le cas échéant par la loi.

Tant que cet événement ne s’est pas réalisé, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution.

La question qui alors se pose est de savoir si des événements qui affectent l’exigibilité d’une obligation cautionnée sont susceptibles de se répercuter sur l’engagement de caution.

Le caractère accessoire du cautionnement suggère d’apporter une réponse positive à cette question.

La position adoptée par la jurisprudence est toutefois plus nuancée. Les juridictions ont, en effet, cherché à trouver un équilibre entre les intérêts, parfois contradictoires, des personnes intéressées à l’opération de cautionnement.

Quant à la loi, elle est venue clarifier le débat lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations.

À l’analyse, deux événements affectant l’exigibilité de l’obligation principale sont source de difficulté :

1. La déchéance du terme de l’obligation principale

La déchéance du terme est une sanction qui consiste à priver le débiteur du bénéfice du terme, soit de la suspension de l’exigibilité de l’obligation.

Il s’ensuit que l’obligation devient immédiatement exigible, ce qui offre la possibilité, pour le créancier, d’engager des poursuites.

Les cas de déchéance du terme sont d’origine légale et conventionnelle.

Pour exemple, il est courant sinon systématique que les contrats de prêt stipulent que, en cas de non-remboursement d’une échéance par l’emprunteur, la somme prêtée devient immédiatement exigible dans son intégralité.

On peut encore signaler l’article 1305-4 du Code civil qui dispose que « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation. »

Quel que soit le cas de déchéance du terme invoqué par le créancier, lorsque cet événement frappe une obligation cautionnée, la question s’est posée de savoir si cette déchéance rendait exigible l’engagement de caution.

Deux thèses se sont affrontées :

Dans un premier temps, la jurisprudence a opté pour la seconde thèse en considérant que la déchéance du terme était inopposable à la caution.

La Cour de cassation a notamment statué en ce sens dans un arrêt du 20 décembre 1976 aux termes duquel elle refuse d’étendre à la caution la déchéance du terme qui était encourue par le débiteur principal (Cass. 1ère civ. 20 déc. 1976, n°75-12.439).

Plus récemment, elle a encore jugé « qu’en l’absence d’une clause contraire, dont l’existence n’était pas alléguée en l’espèce, la déchéance du terme résultant de la liquidation judiciaire du débiteur principal n’avait d’effet qu’à l’égard de celui-ci et était sans incidence sur la situation de la caution poursuivie en paiement » (Cass. com. 4 nov. 2014, n°12-35.357).

Dans un deuxième temps, la Cour de cassation est venue préciser que les parties demeuraient libres de stipuler une clause prévoyant que la déchéance du terme de l’obligation principale entraînerait, par là-même, l’exigibilité de l’engagement de caution.

Elle a jugé en ce sens que « la déchéance du terme encourue par le débiteur principal défaillant ne s’étend pas en principe à la caution solidaire poursuivie en paiement sauf si celui-ci a étendu contractuellement son engagement au cas de déchéance du terme » (Cass. 1ère civ. 30 oct. 1984, n°82-14.062).

Dans un troisième temps, le législateur est intervenu afin de clarifier la règle posée par la jurisprudence.

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations a, en effet, inséré dans le Code civil un article 1305 qui prévoit que « la déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions. »

Il ressort de cette disposition que le législateur a entendu consacrer le principe d’inopposabilité de la déchéance du terme à la caution.

Le créancier devra, en conséquence, attendre la survenance de l’échéance pour actionner les coobligés ou la caution en paiement.

Cette règle se justifie par la nature de la déchéance du terme qui n’est autre qu’une sanction.

Il s’agit, plus précisément, d’une sanction qui présente un caractère purement personnel.

Aussi, ne saurait-elle produire d’effet sur les coobligés du débiteur déchu lesquels n’ont commis aucune faute, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.

Il peut être observé que, initialement, l’article 1305-5 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 ne visait que les seuls coobligés.

La question s’est alors posée de savoir si la règle énoncée par ce texte s’appliquait également aux cautions.

Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le législateur entendait inclure dans le domaine de la règle, tant les codébiteurs, que les cautions.

Reste que, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.

Afin de clarifier le flou juridique dénoncé par la doctrine, le législateur est intervenu, une nouvelle fois, à l’occasion de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance aux fins de compléter l’article 1305-5 du Code civil. Cette disposition vise désormais expressément les cautions du débiteur déchu.

2. La prorogation du terme de l’obligation principale

a. Contenu de la règle

La prorogation du terme consiste à différer l’exigibilité d’une obligation, de sorte que le créancier devra attendre la survenance du nouveau terme avant de réclamer le paiement de sa créance.

Cette situation se rencontre notamment lorsque le débiteur se voit octroyer un délai de paiement.

À l’instar de la déchéance du terme, la question s’est posée de savoir si la prorogation du terme consentie au débiteur principal pouvait profiter à la caution.

Le caractère accessoire du cautionnement devrait conduire à répondre positivement à cette question.

Une partie de la doctrine a toutefois soutenu qu’il y avait lieu de faire primer la force obligatoire du contrat de cautionnement.

La caution s’étant engagée à garantir le débiteur à la date initialement prévue au contrat, rien ne justifie que l’on diffère l’exigibilité de son obligation de payer. La prorogation ne devrait donc pas lui profiter.

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 2316 du Code civil prévoyait que « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement. »

Il ressortait de cette disposition que la prorogation du terme de l’obligation principale se répercutait sur le cautionnement qui donc était maintenu au-delà du terme initial.

Il était toutefois précisé que la caution disposait de la faculté de « forcer au paiement » le débiteur.

À ce titre, il était admis qu’elle puisse :

Cette faculté ouverte à la caution lui a été conférée en raison du risque que la prorogation est susceptible de lui faire courir.

En effet, l’octroi d’un délai de paiement est, la plupart du temps, le signe de la mauvaise santé financière du débiteur. La prorogation s’analyse donc en une dernière chance laissée au débiteur avant l’exercice de poursuites par le créancier.

Parce que la situation du débiteur est susceptible de se dégrader au cours de la période contractuelle prorogé, le législateur a ouvert une option à la caution :

==> Réforme des sûretés

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a reconduit la règle anciennement énoncée à l’ancien article 2316 du Code civil.

Le nouvel article 2320 prévoit en ce sens que « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge pas la caution. »

Ainsi, comme le prévoyait l’ancien texte, et comme les juges le rappellent régulièrement, la prorogation de l’obligation principale ne libère pas la caution.

En revanche, conformément à la règle de l’accessoire, la caution peut se prévaloir de cette prorogation pour refuser de payer le créancier avant l’échéance ainsi reportée.

Compte tenu de la suppression du recours avant paiement qui, sous l’empire du droit antérieur, pouvait être exercé par la caution en cas de prorogation de l’obligation principale, pour compenser cette suppression, le nouvel article 2320 du Code civil prévoit que lorsque le terme initial est échu, la caution peut :

Si la caution exerce cette seconde option, elle est présumée justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance, sauf preuve contraire apportée par le débiteur.

Elle n’aura donc pas à rapporter la preuve exigée par l’article 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

Le rapport au Président de la République précise que « l’article R. 511-7 du code des procédures civiles d’exécution impose au créancier d’introduire, dans le délai d’un mois à compter de la réalisation de la mesure conservatoire, une procédure pour obtenir un titre exécutoire. »

La caution étant dans l’impossibilité de respecter cette condition puisque la dette n’est pas exigible, cette disposition sera complétée par voie réglementaire pour prévoir que le délai d’un mois court dans cette hypothèse à compter du paiement du créancier par la caution.

Par crainte que la situation du débiteur ne s’aggrave, la caution peut également préférer ignorer cette prorogation du terme et payer le créancier, ce qui lui permet d’exercer immédiatement son recours contre le débiteur.

En tout état de cause, l’article 2320 ne fait pas obstacle à des aménagements contractuels différents ; en particulier, les parties peuvent toujours prévoir que le créancier a l’interdiction d’accorder une prorogation du terme au débiteur principal sans l’accord de la caution.

b. Domaine de la règle

Il s’infère de l’article 2320 du Code civil que l’absence de décharge de la caution en cas de prorogation du terme ne joue que dans l’hypothèse où elle est « accordée par le créancier au débiteur principal ».

Aussi, lorsque la prorogation est imposée au créancier, parce qu’elle procède, soit d’une décision du juge, soit de l’effet de la loi, la règle énoncée à l’article 2320 n’est pas applicable.

L’article 1343-5 du Code civil prévoit, par exemple, que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »

Lorsqu’ainsi un délai de grâce est octroyé au débiteur, cette situation ne fera pas obstacle à ce que la caution soit poursuivie par le créancier à l’échéance initiale prévue au contrat cautionné.

La raison en est que l’octroi d’un délai de grâce n’est autre qu’une manifestation de la défaillance du débiteur qui, s’il ne bénéficie pas de cette mesure de faveur, ne pourra pas régler le créancier.

Or le cautionnement a précisément pour finalité de garantir le risque de défaillance. D’où le refus du législateur de faire profiter la caution de la mesure accordée par le juge.

Ce raisonnement s’applique également au débiteur qui bénéficie de délais de paiement dans le cadre d’une procédure de surendettement ouverte à son endroit.

C’est la raison pour laquelle, dans un arrêt du 3 mars 1998, la Cour de cassation a estimé que « le redressement judiciaire civil ne prive pas le créancier des garanties qui lui ont été consenties ; que la caution ne peut se prévaloir, pour se soustraire à son engagement, des mesures arrêtées par le juge en faveur du débiteur surendetté » (Cass. 1ère civ. 3 mars 1998, n°96-10.753).

En contrepartie, il est admis que la caution puisse exercer son recours contre le débiteur principal, nonobstant la prorogation du terme dont il a bénéficié dans le cadre du surendettement.

S’agissant d’une procédure de prévention ou de traitement des difficultés des entreprises, le sort réservé par le législateur et la jurisprudence à la caution est radicalement différent.

Cette dernière peut se prévaloir d’un certain nombre de mesures de faveur octroyé au débiteur principal et notamment de la suspension des poursuites individuelles.

Plusieurs situations doivent être envisagées.

II) La durée du cautionnement résultant du terme stipulé dans l’engagement de caution

Bien que le cautionnement présente un caractère accessoire à l’obligation principale, cette spécificité ne fait nullement obstacle à ce qu’il soit assorti d’un terme distinct.

Tandis que l’obligation principale est à durée indéterminée, l’engagement de caution peut parfaitement avoir été souscrit pour une durée déterminée.

On peut également envisager la stipulation d’un terme propre au cautionnement qui serait plus rapproché que le terme de l’obligation principal.

À l’analyse, la stipulation d’un terme propre au cautionnement qui ne correspond pas au terme de l’obligation principale ne revêt aucun intérêt lorsqu’il s’agit pour la caution de garantir des dettes présentes.

Dès la souscription du cautionnement ces dernières sont couvertes par l’engagement de caution, de sorte qu’il est indifférent qu’elle se soit obligée pour une durée plus courte que celle stipulée pour l’obligation principale.

Lorsque, en revanche, il s’agit pour la caution de garantir des dettes futures l’enjeu n’est plus le même.

La durée du cautionnement permet, en effet, de délimiter ce que l’on appelle l’obligation de couverture dont dépend l’étendue de l’engagement de caution.

La question qui alors se pose est double :

A) Les dettes couvertes par le cautionnement assorti d’un terme

En pratique, le cautionnement ne sera donc assorti d’un terme qui lui est propre que dans l’hypothèse où il vise à garantir des dettes futures.

Pour mémoire, l’obligation future est celle qui n’est pas encore née au jour de la souscription du cautionnement.

Cette situation se rencontre, en matière de cautionnement dit « omnibus », soit celui qui vise à garantir toutes les dettes à venir du débiteur principal.

Tel est également le cas de l’engagement de caution qui a pour objet un contrat à exécution successive à durée indéterminée.

L’exemple peut encore être pris de la personne qui cautionne le solde du compte-courant d’une société.

Lorsque le cautionnement porte sur des dettes futures, l’objet de l’engagement de la caution est, par hypothèse, indéterminé.

Parce que l’obligation principale n’existe pas encore au jour de la conclusion de l’acte, la caution ignore la durée et le montant de son engagement.

Aussi, ce type de cautionnement peut s’avérer particulièrement risqué, sinon dangereux pour cette dernière.

D’où la possibilité pour la caution de limiter l’étendue de son engagement dans la durée en stipulant un terme dans l’acte de cautionnement.

Ce terme mettra fin à ce que l’on appelle l’obligation de couverture, laquelle doit être distinguée de l’obligation de règlement.

En substance cette distinction, qui a été théorisée par Christian Mouly, puis mise en œuvre par la jurisprudence, s’articule comme suit :

En présence d’un cautionnement de dettes futures, pour déterminer à partir de quand la caution est libérée de son engagement, la distinction entre l’obligation de couverture et l’obligation de règlement conduit à distinguer selon que la dette est née antérieurement ou postérieurement à la fin du cautionnement :

Aussi, est-ce le terme dont est assorti le cautionnement qui permettra de déterminer quelles sont les dettes couvertes par l’engagement souscrit par la caution. D’où l’importance de ce terme en présence d’un cautionnement de dettes futures.

À cet égard, il peut être encore allé plus loin dans la limitation de l’engagement de caution, les parties étant libres de stipuler un terme pour l’obligation de règlement.

La stipulation d’une telle clause, qui devra être non équivoque, a pour effet d’interdire au créancier de poursuivre la caution en paiement à l’expiration du terme fixé, quand bien même la dette serait née antérieurement à l’échéance de l’obligation de couverture.

Pour la doctrine, la stipulation d’un terme propre à l’obligation de règlement ne consiste pas en un aménagement du délai de prescription visé à l’article 2254 du Code civil, lequel ne peut pas être réduit à moins d’un an ni être étendu à plus de dix ans.

Ce terme s’analyserait plutôt en un délai de forclusion car « affecte dans ce cas, non pas la prescription du droit d’agir en justice, mais l’existence du droit substantiel lui-même »[3].

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 26 janvier 2016 aux termes duquel elle censure une décision de Cour d’appel qui avait retenu que la clause selon laquelle la caution s’est engagée pour la durée du prêt, prolongée de deux ans pour permettre à la banque d’engager une action en paiement, est un aménagement du délai de prescription.

La Chambre commerciale réfute cette analyse. Elle considère que la clause litigieuse « avait pour objet de fixer un terme à cette action, ce dont il résulte que le délai imposé à la banque était un délai de forclusion et non de prescription » (Cass. com. 26 janv. 2016, n°14-23.285).

B) Les modalités d’expression du terme dont est susceptible d’être assorti un cautionnement

Lorsque les parties entendent conclure un cautionnement à durée déterminée, il leur appartient d’exprimer leur volonté de stipuler un terme.

La question qui alors se pose est de savoir selon quelles modalités d’expression ce terme doit-il être stipulé.

Cette question est d’autant plus prégnante que les règles ont sensiblement évolué avec l’adoption de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés.

1. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le législateur avait érigé la stipulation d’un terme en une condition de validité du cautionnement lorsque celui-ci était conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel par voie d’acte sous seing privé.

L’ancien article L. 331-1 du Code de la consommation exigeait, en effet, que la caution fasse précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

« En me portant caution de X, dans la limite de la somme de […] couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de […], je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même. »

La formulation de cette mention qui, devait être reproduite à l’identique par la caution, impliquait qu’un terme soit stipulé dans l’acte de cautionnement, faute de quoi la sûreté encourait la nullité.

Lorsqu’ainsi l’engagement de caution était souscrit par une personne physique par voie d’acte sous seing privé, il ne pouvait être conclu que pour une durée déterminée.

Seuls les cautionnements souscrits par une personne morale ou régularisés en la forme authentique ou par acte d’avocat échappaient à cette exigence.

2. Réforme des sûretés

Si l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a maintenu l’exigence tenant à la mention manuscrite, elle en a modifié la formulation.

Le nouvel article 2297 du Code civil prévoit en ce sens que « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. »

Il s’infère de cette disposition que la précision relative à la durée du cautionnement ne constitue plus un élément devant absolument figurer dans la mention reproduite par la caution.

Aussi, la stipulation d’un terme n’est-elle plus exigée comme une condition ad validitatem pour les cautionnements souscrits par des personnes physiques.

Désormais, tous les engagements de caution peuvent être souscrits pour une durée indéterminée.

L’autre enseignement qui peut être retiré de la nouvelle formulation de la mention manuscrite tient aux modalités d’expression du terme dont est susceptible d’être assorti un cautionnement.

Si la stipulation du terme par écrit n’est plus exigée ad validitatem pour les cautionnements conclus par des personnes physiques, la question se pose de savoir si cette stipulation ne pourrait ne pourrait pas être implicite à l’instar de ce qui est admis pour les cautionnements non soumis à l’exigence de mention manuscrite.

Pour se soustraire à leur engagement, il est fréquent que les cautions cherchent à opposer au créancier l’extinction de l’obligation de couverture en se prévalant de la survenance d’un terme implicite.

L’argument avancé consiste à dire, en substance, que la durée d’un cautionnement peut tenir à l’existence de circonstances ayant déterminé le consentement de la caution ; en particulier les changements affectant la situation juridique de la caution, du débiteur ou du créancier.

Si la jurisprudence admet parfois qu’un cautionnement puisse comporter un terme implicite, reste que, pour l’heure, aucun principe général n’a été formellement énoncé. Les juridictions raisonnent au cas par cas.

==> Les circonstances constitutives d’un terme implicite

Au nombre des circonstances invoquées par les cautions ayant conduit la jurisprudence ou le législateur à admettre la stipulation d’un terme implicite on compte :

==> Les circonstances non constitutives d’un terme implicite

[1] V. en ce sens D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°133, p. 118.

[2] J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, éd. PUF, coll. « Quadrige », 2004, t. 2, n°1094, p. 2222

[3] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, n°226, p. 152.

[4] V. en ce sens M. Bourassin, « La transmission à cause de mort des sûretés », accessible à l’adresse suivante : https://hal.parisnanterre.fr/hal-01458043/document

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