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Validité du cautionnement: les vices du consentement (erreur, dol et violence)

L’article 1128 du Code civil qui énonce les conditions de validité du contrat s’applique au cautionnement.

Aussi, pour être valide, le cautionnement doit-il satisfaire à trois conditions cumulatives que sont :

Nous nous focaliserons ici sur le consentement des parties.

Le cautionnement est un acte grave, car susceptible d’engager la caution pour un montant important et une durée indéterminée.

Il est donc absolument nécessaire que le consentement de la caution existe, mais encore que cette dernière se détermine en connaissance de cause, soit que son consentement ne soit pas vicié.

La théorie des vices du consentement, issu du droit commun des contrats, s’applique au cautionnement.

Le consentement de la caution ne doit pas seulement avoir été exprimé au moment de la conclusion de l’acte, il doit encore n’être affecté d’aucun vice.

Autrement dit, la caution doit s’être obligée au profit du créancier de façon libre et éclairée ce qui implique qu’elle ne se soit pas engagée par erreur, ni que son consentement ait été obtenu au moyen de manœuvres dolosives ou de la violence.

§1: L’erreur

==> Notion

L’erreur peut se définir comme le fait pour une personne de se méprendre sur la réalité. Cette représentation inexacte de la réalité vient de ce que l’errans considère, soit comme vrai ce qui est faux, soit comme faux ce qui est vrai.

L’erreur consiste, en d’autres termes, en la discordance, le décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité.

Lorsqu’elle est commise à l’occasion de la conclusion d’un contrat, l’erreur consiste ainsi dans l’idée fausse que se fait le contractant sur tel ou tel autre élément du contrat.

Il peut donc exister de multiples erreurs :

Manifestement, ces hypothèses ont toutes en commun de se rapporter à une représentation fausse que l’errans se fait de la réalité.

Cela justifie-t-il, pour autant, qu’elles entraînent la nullité du contrat ? Les rédacteurs du Code civil ont estimé que non.

Afin de concilier l’impératif de protection du consentement des parties au contrat avec la nécessité d’assurer la sécurité des transactions juridiques, le législateur, tant en 1804, qu’à l’occasion de la réforme du droit des obligations, a décidé que toutes les erreurs ne constituaient pas des causes de nullité.

Aussi, certaines erreurs sont sans incidence sur la validité du contrat. Ce constat est d’autant plus vrai pour le cautionnement, dans la mesure où il s’agit d’un contrat unilatéral.

Parce que la caution est la seule partie à s’obliger, cette circonstance exclut d’emblée certains cas d’erreur.

Par exemple, la caution ne pourra pas se prévaloir d’une erreur sur la contrepartie attendue puisque, par hypothèse, cette contrepartie est inexistante.

Elle ne pourra pas non plus arguer que son erreur portait sur l’objet de son engagement, lequel n’est autre qu’une créance de somme d’argent. Or l’erreur sur la valeur est indifférente ; elle n’est pas une cause de nullité.

À l’analyse, si les cas d’erreur sont finalement assez réduits en matière de cautionnement, ceux admis par la jurisprudence ont donné lieu à un abondant contentieux, ce qui, la plupart du temps, s’explique par les circonstances qui ont entouré la souscription de l’engagement de caution.

I) Conditions de droit commun

Pour constituer une cause de nullité du cautionnement l’erreur doit, en toutes hypothèses, être :

==> Une erreur déterminante

==> Une erreur excusable

II) Variétés d’erreurs commises en matière de cautionnement

Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

À ces deux catégories d’erreur, il convient toutefois d’en ajouter une troisième à laquelle ne fait nullement référence l’ordonnance du 10 février 2016 et qui, pourtant regroupe des hypothèses où l’erreur est si grave qu’elle empêche la rencontre même des volontés. Il s’agit de la catégorie des erreurs obstacles.

A) L’erreur obstacle

1. Notion

Il s’agit de l’erreur qui procède d’un malentendu en ce sens que les parties n’ont pas voulu la même chose.

L’erreur est si grave que la rencontre des volontés n’a pas pu se réaliser. Traditionnellement, on distingue deux sortes d’erreur obstacle :

En matière de cautionnement, dans la mesure où la prestation fournie par la caution est toujours la même, soit garantir le paiement d’une créance de somme d’argent en cas de défaut du débiteur principal, la caution pourra difficilement se prévaloir d’une erreur sur l’objet de sa prestation.

Aussi, la seule erreur obstacle dont peut raisonnablement se prévaloir la caution est celle portant sur la nature de son engagement.

Deux cas de figure sont susceptibles de se présenter :

Bien que la preuve de l’erreur obstacle soit extrêmement difficile à rapporter, il est certaines décisions qui l’ont admise.

Dans un arrêt du 25 mai 1964, la Cour de cassation a ainsi validé la décision rendue par une Cour d’appel qui avait annulé l’engagement de deux cautions au motif que compte tenu de leur illettrisme et de l’absence de lecture de l’acte avant sa signature, les intéressées « avaient donné leur consentement à une convention ayant un objet autre que celle à laquelle ils pensaient adhérer »

Pour la Cour de cassation « la méprise invoquée avait porté non sur les conséquences, mais sur la substance même de l’engagement et que l’erreur en résultant avait été le motif principal et déterminant de l’obligation contractée », raison pour laquelle l’annulation du cautionnement était pleinement justifié (Cass. 1ère civ. 25 mai 1964).

À l’analyse, les décisions qui font droit aux demandes de nullité d’un cautionnement sur le fondement de l’erreur obstacle demeurent rares.

Seules des circonstances exceptionnelles permettent à la caution d’obtenir ce résultat, les juges estimant, la plupart du temps, que l’ignorance de la caution sur la nature de son engagement est constitutive d’une erreur inexcusable et qui donc n’est pas sanctionnée (V. en ce sens CA Paris 9 avril 1992).

2. Effets

Lorsque l’erreur obstacle est admise, elle a pour effet de priver les parties de leur consentement, de sorte que leurs volontés n’ont pas pu se rencontrer.

Plus qu’un vice du consentement, l’erreur obstacle rend le consentement inexistant, de sorte que le contrat n’a pas pu se former.

3. Sanction

==> La reconnaissance souhaitable de l’inexistence

Dans la mesure où l’erreur obstacle a pour effet de faire « obstacle » à la rencontre des volontés, elle devrait être sanctionnée par l’inexistence.

==> L’admission de la nullité

Bien que l’inexistence soit, eu égard à tout ce qui vient d’être rappelé, la sanction la plus appropriée quant à répondre à la situation à laquelle conduit l’erreur obstacle, soit l’absence de rencontre des volontés des parties, la jurisprudence préfère néanmoins opter pour la nullité du contrat (V. en ce sens Cass. 3e civ. 16 déc. 2014, n°14-14.168).

B) L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due

Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due »

Si cette règle de droit commun s’applique pleinement au cautionnement, encore faut-il déterminer quelles sont les qualités essentielles de la prestation en jeu dans cette variété de contrat.

==> L’erreur sur l’objet de l’obligation de la caution

Au préalable, il peut être observé que, dans la mesure où le cautionnement est un contrat unilatéral, la caution ne pourra se prévaloir que d’une erreur sur sa propre prestation et non sur celle fournie par le créancier qui, par hypothèse, est inexistante.

Alors que la question s’était posée en jurisprudence de savoir si l’erreur pouvait constituer une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur la propre prestation de l’errans, la Cour de cassation (Cass. civ. 23 juin 1873 ; Cass. 1ère civ., 22 févr. 1978), puis le législateur l’ont finalement admis.

L’article 1133, al. 2 du Code civil issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 prévoit en ce sens que « l’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie. »

Rien n’exclut donc, en principe, que la caution puisse se prévaloir d’une erreur sur sa propre prestation, laquelle consiste à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.

Reste que l’engagement de la caution se confond avec l’objet même du contrat de cautionnement, de sorte que, en pratique, il s’avérera extrêmement difficile pour cette dernière de prouver qu’elle ignorait ce à quoi elle s’engageait en souscrivant un cautionnement.

Surtout, l’objet de l’obligation garantie consiste toujours en une somme d’argent. Or l’erreur sur la valeur est indifférente.

Pour mémoire, l’article 1136 du Code civil prévoit que « l’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité. »

À cet égard, l’erreur sur la valeur doit s’entendre comme l’erreur sur l’évaluation économique de l’objet du contrat.

Dans ces conditions la caution ne pourra, a priori, pas obtenir la nullité du cautionnement en arguant qu’elle a commis une erreur sur le montant de son engagement.

Dans un arrêt du 17 juillet 1996, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « la disproportion entre les ressources de la caution et le montant du cautionnement n’est pas constitutive d’une erreur sur la substance » (Cass. 1ère civ. 17 juill. 1996, n°94-14.132).

==> L’erreur sur l’existence d’autres sûretés

Par exception, il est admis que l’erreur sur l’étendue de l’engagement de caution puisse être une cause de nullité du cautionnement lorsqu’elle consiste en la croyance – fausse – de l’existence d’autres sûretés.

Plus précisément, ce cas d’erreur correspond à l’hypothèse où la caution pensait, au moment de son engagement, que d’autres sûretés avaient été constituées au profit du créancier, de sorte que, en cas de défaillance du débiteur, ces sûretés viendraient mécaniquement limiter son obligation de payer, à tout le moins elles pourraient lui profiter par le jeu de la subrogation.

La caution s’aperçoit toutefois que, en réalité, soit aucune garantie n’a été prise, soit celles qu’elle croyait constituées sont frappées d’une irrégularité les privant de leur efficacité.

En première intention, on voit mal comment une telle erreur pourrait porter sur les qualités essentielles de l’engagement de caution dans la mesure où elle a, au contraire, pour objet la prestation fournie par des tiers, soit les autres garants de la dette cautionnée.

La méprise de la caution sur l’existence d’autres sûretés s’apparenterait donc plutôt en une erreur sur les motifs. Or il s’agit là d’une erreur qui, par principe, n’est pas sanctionnée.

Telle n’est pourtant pas l’analyse retenue par la Cour de cassation qui considère que ce sont bien les qualités essentielles de l’engagement de caution qui sont en jeu.

Dans un arrêt du 2 mai 1989 elle a par exemple jugé que « en cas de pluralité de cautions, dont l’une vient à disparaître ultérieurement, les autres cautions peuvent invoquer la nullité de leur engagement pour erreur sur l’étendue des garanties fournies au créancier en démontrant qu’elles avaient fait du maintien de la totalité des cautions la condition déterminante de leur propre engagement » (Cass. 1ère civ. 2 mai 1989, n°87-17.599).

Dans un arrêt du 1er juillet 1997, la Cour de cassation a encore validé la décision prise par une Cour d’appel qui avait annulé un cautionnement au motif que, lors de son engagement, la caution avait commis une erreur sur le rang de l’hypothèque constituée au profit du créancier sur un immeuble appartenant au débiteur principal.

Au soutien de sa décision, la Première chambre civile affirme que « l’erreur commise par la caution sur l’étendue des garanties fournies au créancier ayant déterminé son consentement constitue une cause de nullité de l’acte de cautionnement » (Cass. 1ère civ. 1er juill. 1997, n°95-12.163).

Pour la Cour de cassation l’erreur commise sur l’existence d’autres sûretés constitue donc bien une cause de nullité du cautionnement.

La raison en est que, si la caution s’est engagée, c’est qu’elle croyait que le poids de la dette serait réparti entre plusieurs garants, voire que son engagement consisterait seulement en une avance de paiement dans l’attente de pouvoir réaliser les autres sûretés constituées au profit du créancier.

En se méprenant sur cette situation, c’est la substance même de son engagement qui s’en trouve atteinte, d’où la position de la Cour de cassation.

Reste que, pour être sanctionnée, l’erreur commise par la caution doit avoir été déterminante de son engagement.

Cette condition se dégage notamment d’un arrêt remarqué rendu par la Cour de cassation le 18 mars 2014.

Dans cette décision, elle confirme l’arrêt d’une Cour d’appel aux termes duquel les juges du fond avaient prononcé la nullité d’un cautionnement au motif que la caution s’était portée garante dans la croyance erronée de l’engagement d’autres cautions.

Au soutien de sa décision, la Chambre commerciale affirme « qu’au regard de l’importance de l’engagement souscrit, Mme X… n’a pu se porter caution de la société, qu’en considération de l’existence des sept autres cofidéjusseurs, dont la société Segura investissement personne morale ; qu’ayant ainsi fait ressortir que Mme X… avait fait de l’existence des autres cautionnements souscrits la condition déterminante de son propre engagement, la cour d’appel a légalement justifié sa décision » (Cass. com. 18 mars 2014, n°13-11.733).

Ce qui donc importe c’est que la constitution d’autres sûretés (réelles ou personnelles) ait été déterminante de l’engagement de la caution.

Si cette condition n’est pas remplie, alors la Cour de cassation refusera de voir l’erreur commise comme constitutive d’une cause de nullité (V. en ce sens Cass. com. 24 nov. 1981, n°80-10.205).

==> Cas particulier de l’erreur en présence d’une garantie Bpifrance

Bpifrance (anciennement OSEO) est un organisme qui poursuit une mission d’intérêt public consistant notamment à garantir les financements octroyés aux entreprises par les établissements bancaires.

Si la garantie consentie par Bpirance présente toutes les apparences d’un cautionnement, en réalité elle s’en distingue.

Tout d’abord, cette garantie qui a pour objet d’assurer l’entrepreneur contre le risque de défaillance tout en ne garantissant les banques que pour une partie de leur perte finale éventuelle, ne bénéficie qu’à l’établissement financier et ne peut en aucun cas être invoquée par les tiers, notamment l’emprunteur et ses garants personnels.

Surtout, il s’agit d’une garantie finale qui couvre le risque au prorata de la proportion souscrite et n’a vocation à jouer qu’une fois épuisées toutes les poursuites contre le débiteur et la caution.

Autrement dit, la garantie fournie par Bpifgrance présente un caractère subsidiaire, en ce sens qu’elle ne peut être actionnée que lorsque l’ensemble des poursuites engagées à l’encontre des autres garants se sont révélées infructueuses.

Cette position privilégiée occupée par Bpifrance, qui donc ne se situe pas sur le même plan que les cofidéjusseurs, n’est pas sans avoir été source de contentieux.

Certaines cautions ont notamment cherché à se soustraire à leur engagement en avançant qu’elles avaient été induites en erreur par la présence de Bpifrance qui aurait été de nature à les tromper sur la portée de leur engagement.

Sensible à cet argument, la Cour de cassation a fait droit, dans plusieurs décisions, aux demandes formulées par des cautions en convoquant plusieurs fondements juridiques tels que l’erreur, le dol ou encore l’obligation d’information.

Dans un arrêt du 22 septembre 2015, elle a ainsi censuré la décision d’une Cour d’appel qui avait refusé d’annuler un cautionnement sur le fondement de l’erreur.

Dans cette décision elle reproche notamment aux juges du fonds d’avoir statué par des « motifs généraux relatifs aux caractéristiques de la garantie de la société Oseo, qui sont impropres à exclure, dès lors que M. X… soutenait n’avoir pas eu connaissance des conditions générales de cette garantie et avoir fait du maintien de celle-ci la condition déterminante de son engagement, l’existence d’une erreur de la caution sur le caractère subsidiaire de la garantie de la société Oseo » (Cass. com. 22 sept. 2015, n°14-17.671).

Dans un autre arrêt, rendu en date du 3 décembre 2013, la Chambre commerciale a pu retenir la responsabilité d’une banque en affirmant qu’il lui appartenait de démontrer qu’elle avait informé la caution sur les modalités de fonctionnement de la garantie OSEO et notamment sur son caractère subsidiaire, faute de quoi elle engageait sa responsabilité pour faute (Cass. com. 3 déc. 2013, n°12-23.976).

Dans un arrêt du 23 septembre 2014, la Chambre commerciale a encore pu juger que le défaut d’information imputable à la banque était susceptible de s’analyser en une réticence dolosive justifiant l’annulation du cautionnement (Cass. com. 23 sept. 2014, n°13-20.766).

Favorable aux cautions qui ont trouvé là un moyen fort astucieux pour faire échec aux poursuites des créanciers, cette stratégie devrait être plus difficile à mettre en œuvre aujourd’hui dans la mesure où les cautions sont désormais informées systématiquement informées par Bpifrance sur son rôle de sorte qu’elles pourront difficilement se prévaloir d’une erreur ou d’un dol.

Dans un arrêt du 14 novembre 2019 la Cour de cassation a ainsi refusé de statuer dans le sens d’une Cour d’appel qui avait annulé un cautionnement sur le fondement de l’erreur.

Elle reproche notamment aux juges du fond de n’avoir pas établi « le caractère déterminant qu’aurait eu pour la caution la connaissance du mécanisme de la garantie Oseo, à défaut de quoi, l’erreur sur la substance de son engagement ne pouvait être invoquée par la caution » (Cass. com. 14 nov. 2019, n°18-18.579).

C) L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

 1. Principe général

L’article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne. »

Cela signifie donc que dans, l’hypothèse où la caution se méprendrait sur la personne du créancier, elle serait fondée à demander l’annulation du cautionnement.

Reste que, comme pour l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation, l’erreur sur la personne n’est que très exceptionnellement une cause de nullité en matière de cautionnement.

Pour qu’elle le soit, la caution devra démontrer que la qualité essentielle du créancier sur laquelle elle s’est trompée était déterminante de son engagement.

Or en pratique, lorsque la caution s’engage, elle le fait en considération, non pas de pas de la personne du créancier, mais du débiteur.

Est-il besoin de rappeler que la cause de son engagement réside dans l’existence de la dette à garantir et non dans la fourniture d’une contrepartie qui, compte tenu du caractère unilatéral du cautionnement, est, en toute hypothèse, inexistante.

Aussi, les qualités du créancier sont indifférentes, à tout le moins subsidiaires, dans la mesure où la caution n’attend aucune prestation de lui.

Tout au contraire, elle est suspendue à l’exécution de l’obligation principale par le débiteur qu’elle garantit.

En réalité c’est la solvabilité de celui-ci qui sera déterminante de l’engagement souscrit par la caution.

La question qui alors se pose est alors de savoir si l’erreur commise sur cette solvabilité est une cause de nullité du cautionnement.

2. Cas particulier de l’erreur sur la solvabilité du débiteur

Si donc la caution s’oblige c’est, avant toute chose, en considération de la solvabilité du débiteur.

L’enjeu pour cette dernière est de ne pas être appelée en garantie ; d’où le caractère déterminant pour elle de la capacité du débiteur à rembourser le créancier.

Il est néanmoins des cas où la caution se méprendra sur la solvabilité du débiteur : elle croyait sa situation financière suffisamment solide pour supporter le poids de l’obligation principale, alors qu’il n’en était rien.

En pareille hypothèse, pourrait-elle se prévaloir d’une erreur aux fins d’échapper à son engagement de caution ?

Deux situations doivent être distinguées :

a. Première situation : l’erreur porte sur la solvabilité future du débiteur

La question qui ici se pose est de savoir si la caution peut se prévaloir, comme cause de nullité, de l’erreur qu’elle aurait commise sur l’insolvabilité du débiteur qui se révélerait postérieurement à son engagement.

Dans cette hypothèse, la jurisprudence estime fort logiquement que l’erreur commise ne constitue pas une cause de nullité.

Dans un arrêt du 13 novembre 1990, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la seule appréciation erronée, par la caution, des risques que lui faisait courir son engagement, ne constitue pas une erreur sur la substance, de nature à vicier son consentement » (Cass. 1ère civ. 13 nov. 1990, n°89-13.270).

La solution se justifie pleinement dans la mesure où c’est l’objet même du cautionnement que de garantir le risque d’insolvabilité susceptible de se produire postérieurement à l’engagement de la caution.

L’erreur sur la réalisation future de ce risque ne saurait, dans ces conditions, constituer une cause de nullité du cautionnement.

Admettre la solution inverse reviendrait à considérer que le cautionnement est nul toutes les fois que la caution est appelée en garantie. Or cela n’aurait aucun sens.

b. Seconde situation : l’erreur porte sur la solvabilité actuelle du débiteur

==> Termes du débat

Cette situation est très différente de la première dans la mesure où l’erreur commise porte ici, non pas sur le risque futur d’insolvabilité du débiteur, mais sur sa capacité de remboursement au jour de l’engagement de la caution.

Lorsqu’une caution s’oblige, elle le fait, en principe, en considération de la solvabilité du débiteur et plus précisément parce qu’elle le croit en capacité d’exécuter l’obligation garantie.

Aussi, la caution espère-t-elle n’être jamais appelée en garantie et avoir à payer.

Ce n’est que dans des cas très exceptionnels que la caution s’engagera au profit du créancier alors qu’elle sait la situation financière du débiteur fragile, voire obérée.

La solvabilité de ce dernier est donc un élément déterminant de l’engagement de caution.

Est-ce à dire que, en cas d’erreur sur la solvabilité du débiteur au moment où elle s’engage, la caution est fondée à solliciter la nullité du cautionnement ?

Plusieurs arguments visant à apporter une réponse négative à cette question ont été avancés par les auteurs.

Tout d’abord, lorsque l’erreur est commise sur la solvabilité du débiteur, elle porte moins sur la prestation que sur la personne.

À cet égard, pour être cause de nullité, l’erreur sur la personne doit porter sur les qualités essentielles du cocontractant.

Or le débiteur principal est un tiers à l’opération de cautionnement, de sorte que la caution ne saurait se prévaloir d’une erreur sur sa personne pour être déchargée de son engagement.

Ensuite, à supposer que l’on admette que la croyance erronée dans la solvabilité du débiteur ait été déterminante du consentement de la caution, elle s’analyse en un simple motif de son engagement.

Or conformément à l’article 1135, al. 1er du Code civil, l’erreur sur les motifs est indifférente.

Cette erreur n’est sanctionnée qu’à la condition, précise le texte, que les parties « en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement. »

Enfin, d’aucuns soutiennent qu’il appartient à la caution de se renseigner sur la solvabilité du débiteur.

Dans ces conditions, elle ne saurait, postérieurement à son engagement, se prévaloir d’une erreur sur la capacité du débiteur à exécuter l’obligation principale.

==> Jurisprudence

§2: Le dol

Le dol est un moyen de défense couramment invoqué par les cautions aux fins de faire échec aux poursuites des créanciers.

Classiquement, il est défini comme le comportement malhonnête d’une partie qui vise à provoquer une erreur déterminante du consentement de son cocontractant.

L’article 1137 prévoit en ce sens que « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. »

À cet égard, si le dol est de nature à vicier le consentement d’une partie au contrat, il constitue, pour son auteur, un délit civil susceptible d’engager sa responsabilité.

Contrairement à l’erreur qui est nécessairement spontanée, le dol suppose l’établissement d’une erreur provoquée par le cocontractant.

Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, il est régi par les articles 1137 à 1139 du Code civil.

Bien que le cautionnement soit un terrain particulièrement fertile pour l’accomplissement de manœuvres dolosives, il n’en demeure pas moins soumis au droit commun des contrats.

I) Les conditions du dol

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le dol soit constitué. Ces conditions tiennent :

A) Les conditions relatives aux éléments constitutifs du dol

Le dol est caractérisé par :

1. L’élément matériel du dol

L’article 1137 alinéa 1, du Code civil prévoit que « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

L’alinéa 2 ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie »

Il ressort de ces deux dispositions que le dol est susceptible de se manifester sous trois formes différentes :

Si, les deux premières formes de dol ne soulèvent guère de difficultés d’appréciation, il n’en va pas de même pour la réticence dolosive qui, si elle a été consacrée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, n’en suscite pas moins des interrogations quant à sa mise en œuvre.

a. Les manœuvres ou mensonges

i. Droit commun

Dans un premier temps, la notion de manœuvres a été interprétée par la jurisprudence de manière restrictive.

Elles se limitaient à des actes positifs par lesquels une partie créait chez son cocontractant une fausse apparence de la réalité.

Par manœuvres, il fallait donc entendre les mises en scènes, les artifices réalisés par une partie en vue de tromper son cocontractant (V. en ce sens par exemple Cass. com., 19 déc. 1961)

Le dol était alors clairement assimilé à l’escroquerie, au sens du délit pénal.

Dans un second temps, les juridictions ont, après s’y être refusées (V. en ce sens Cass. Req. 29 nov. 1876), assimilé les manœuvres, au sens strict, au mensonge, soit à une affirmation contraire à la vérité faite dans l’intention de tromper.

Dans un arrêt du 6 novembre 1970 la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « un simple mensonge, non appuyé d’actes extérieurs, peut constituer un dol » (Cass. 3e civ. 6 nov. 1970).

Le dol était de la sorte susceptible d’être caractérisé toutes les fois qu’une partie formulait une affirmation fausse sur un élément du contrat.

Cette extension du domaine du dol a été consacrée par la réforme des obligations. Le nouvel article 1137 du Code civil vise désormais, au nombre des manifestations du dol, tant les manœuvres que les mensonges.

Dans un arrêt remarqué du 13 décembre 1994 dont la solution est toujours d’actualité, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que lorsque le mensonge consiste en une simple exagération qui ne dépasse pas « ce qui est habituel dans les pratiques commerciales », il ne tombe pas sous le coup du dol (Cass. com., 13 déc. 1994, n°92-20.806).

Il s’agit de ce que l’on appelle un dolus bonus, soit un dol dont la caractérisation est insusceptible d’entraîner la nullité du contrat.

Cette solution se justifie par l’idée que l’exagération des qualités d’un produit ou d’une prestation est communément admise dans les relations d’affaires. Il s’agit là d’une pratique qui est inhérente aux négociations commerciales.

Qui plus est, la loi ne saurait protéger la naïveté ou la trop grande crédulité d’une partie au contrat.

La question qui alors se pose est de savoir où se trouve la limite entre le dolus bonus et le dolus malus.

Il ressort de la jurisprudence que l’exagération des qualités d’un produit ou d’une prestation est admise lorsque, d’une part, son auteur n’est animé par aucune intention de tromper et, d’autre part, lorsqu’aucun manquement à son obligation d’information ne saurait lui être reproché.

ii. Application au cautionnement

En matière de cautionnement, les manœuvres et mensonges constitutifs d’un dol consisteront, le plus souvent, pour le créancier à tromper la caution sur la situation financière du débiteur.

Dans un arrêt du 7 février 1983, la Cour de cassation a ainsi validé la décision d’une Cour d’appel qui avait annulé un cautionnement au motif que le créancier avait certifié à la caution que la situation du débiteur était saine et qu’il n’y avait aucun risque pour elle à se porter garante de l’opération, alors qu’il n’en était rien.

Pour la Chambre commerciale ces mensonges, qui ont été déterminants de l’engagement de la caution, constituaient bel et bien de manœuvres dolosives, ce qui justifiait, à ce titre, l’annulation du cautionnement (Cass. com. 7 fèvr. 1983, n°81-15.339).

b. La réticence dolosive

i. Droit commun

==> Évolution de la jurisprudence

Initialement, la jurisprudence considérait que le silence ne pouvait, en aucun cas, sauf disposition spéciale, être constitutif d’un dol.

Les rédacteurs du Code civil étaient guidés par l’idée que les parties à un contrat sont égales, de sorte qu’il leur appartient, à ce titre, de s’informer.

Aussi, le silence était regardé comme une arme dont les contractants étaient libres de se servir l’un contre l’autre.

Au fond, celui qui se tait et qui donc ne formule aucune affirmation fausse ne trompe pas. Rien ne justifie donc que le silence s’apparente à un dol.

C’est la raison pour laquelle, pendant longtemps, la Cour de cassation a été fermement opposée à la reconnaissance de ce que l’on appelle la réticence dolosive comme cause de nullité (V. en ce sens notamment Cass. req., 17 févr. 1874).

Le silence d’une partie à un contrat n’était sanctionné que dans l’hypothèse où un texte lui imposait une obligation spéciale d’information.

Par suite, la jurisprudence a évolué. Au début des années 1970, la Cour de cassation a, en effet, infléchi sa position an admettant que, dans certaines circonstances, la loyauté pouvait commander à une partie de communiquer à son cocontractant des renseignements dont elle sait qu’ils sont déterminants de son consentement.

Dans un arrêt du 15 janvier 1971, la troisième chambre civile a estimé en ce sens que « le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter » (Cass. 3e civ. 15 janv. 1971).

Immédiatement, la question s’est alors posée de savoir à quel fondement rattacher la réticence dolosive.

L’examen de la jurisprudence révèle que le silence pouvait constituer une cause de nullité du contrat :

Ainsi les juridictions ont-elles assimilé la réticence dolosive à la violation de deux obligations distinctes, encore que, depuis les arrêts Vilgrain (Cass. com., 27 févr. 1996) et Baldus (Cass. 1ère civ. 3 mai 2000) les obligations de bonne foi et d’information ne semblent pas devoir être placées sur le même plan.

La première ne serait autre que le fondement de la seconde, de sorte que l’élément matériel de la réticence dolosive résiderait, en réalité, dans la seule violation de l’obligation d’information.

Est-ce cette solution qui a été retenue par le législateur lors de la réforme des obligations ?

==> Consécration légale

L’article 1137, al. 2e du Code civil, issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, prévoit que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie »

Le silence d’une partie a ainsi été reconnu par le législateur comme constituant une cause de nullité au même titre que les manœuvres dolosives ou les mensonges.

La réticence dolosive ne repose toutefois plus, comme c’était le cas sous l’empire du droit antérieur, sur le fondement de l’obligation précontractuelle d’information.

Pour mémoire, une obligation générale d’information a été consacrée par le législateur à l’article 1112-1 du Code civil, de sorte qu’elle dispose d’un fondement textuel qui lui est propre.

Aussi, cette obligation est-elle désormais totalement déconnectée des autres fondements juridiques auxquels elle était traditionnellement rattachée.

Il en résulte qu’il n’y a plus lieu de s’interroger sur l’opportunité de reconnaître une obligation d’information lors de la formation du contrat ou à l’occasion de son exécution.

Elle ne peut donc plus être regardée comme une obligation d’appoint de la théorie des vices du consentement.

La conséquence en est, s’agissant de la caractérisation de la réticence dolosive, qu’il n’est plus nécessaire pour la victime de démontrer que son cocontractant était tenu à une obligation d’information.

Il lui suffit de démontrer que l’auteur de la réticence dolosive avait connaissance d’informations déterminantes de son consentement, lesquelles lui ont été intentionnellement dissimulées.

ii. Application au cautionnement

Lorsque le dol est invoqué par une caution aux fins de faire annuler son engagement, elle soutiendra, avoir été victime du silence – dolosif – de son cocontractant.

Il est fréquent, en effet, que, au jour de l’engagement de la caution, le créancier savait que la situation du débiteur était fragile, sinon désespérée. Seulement, il ne lui a rien dit dans l’unique but de faire peser sur elle la charge de la dette qu’il entend faire garantir.

Si toutefois la caution avait eu connaissance de cette situation, qui lui a été sciemment dissimulée par le créancier, elle ne se serait jamais engagée à son profit.

Lorsque les juridictions ont à connaître de la validité d’un cautionnement conclu dans de telles circonstances, elles admettent régulièrement qu’il puisse être annulé sur le fondement de la réticence dolosive, à plus forte raison si la caution était profane.

Dans un arrêt du 10 mai 1989, la Cour de cassation a ainsi jugé que « manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution afin d’inciter celle-ci à s’engager » (Cass. 1ère civ. 10 mai 1989, n°87-14.294).

Par suite, la première chambre civile reconduira cette solution à plusieurs reprises et dans les mêmes termes (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 18 févr. 1997, n°95-11.816 ; Cass. 1ère civ. 4 janv. 2005, n°03-16.667)

La chambre commerciale statuera dans le même sens dans un arrêt du 26 mai 1992 (Cass. com. 26 mai 1992, n°90-13.540).

Dans un arrêt du 16 juin 2015, elle retiendra, par exemple, que « commet un dol par réticence la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution, l’incitant ainsi à s’engager » (Cass. com. 16 juin 2015, n°14-10.375).

Dans un arrêt du 13 mai 2003, la Cour de cassation a précisé qu’il était indifférent que le créancier prenne la précaution de stipuler dans l’acte de cautionnement une clause énonçant que la caution ne fait pas de la situation du cautionné la condition déterminante de son engagement.

Elle considère que la réticence dolosive est caractérisée « dès lors que la banque l’avait stipulée en connaissance des difficultés financières du débiteur principal » (Cass. 1ère civ. 13 mai 2003, n°01-11-511).

Il reviendra toutefois à la caution de prouver que le créancier avait connaissance de la situation irrémédiablement compromise du débiteur (Cass. 1ère civ. 13 févr. 1996, n°94-10.908).

Si donc la réticence dolosive est caractérisée lorsque le créancier a dissimulé à la caution une information déterminante de son engagement, encore faut-il que cette dissimulation ait été intentionnelle.

2. L’élément intentionnel du dol

==> L’exigence d’intention

Le dol suppose la volonté de tromper son cocontractant. C’est en cela qu’il constitue un délit civil, soit une faute susceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle de son auteur.

Aussi, est-ce sur ce point que le dol se distingue de l’erreur, laquelle ne peut jamais être provoquée. Elle est nécessairement spontanée.

Le cautionnement n’échappe pas à la règle. La jurisprudence exige également pour retenir le dol que soit établie l’intention du créancier de tromper sciemment la caution.

Dans un arrêt du 13 février 1996 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait annulé un cautionnement, au motif qu’elle n’avait pas recherché « si le défaut d’information imputé à la banque avait pour objet de tromper [la caution] et de la déterminer à se rendre caution, de sorte que la réticence dolosive n’était pas caractérisée » (Cass. 1ère civ. 13 févr. 1996, n°94-10.908).

Elle a statué dans le même sens dans un arrêt du 9 juillet 2003 aux termes duquel elle refuse de valider l’annulation d’un cautionnement, faute pour la caution d’avoir prouvé que la banque avait cherché à la tromper (Cass. 1ère civ. 9 juill. 2003, n°01-11.959).

Aussi, l’omission d’information par négligence imputable au créancier ne suffit pas, à elle seule, à affecter le cautionnement de nullité. Elle permettra tout au plus à la caution d’obtenir des dommages et intérêts, à la condition qu’elle soit en mesure de justifier d’un préjudice.

==> La preuve de l’intention

Il peut tout d’abord être observé que la charge de la preuve pèse toujours sur la victime du dol.

Ainsi, lui appartiendra-t-il d’établir que son cocontractant était animé de l’intention de la tromper au moment de la formation du contrat

Comment prouver ?

B) Les conditions relatives à l’auteur du dol

==> Principe général

Pour être cause de nullité, le dol doit émaner, en principe, d’une partie au contrat. L’article 1137 du Code civil énonce en ce sens que « le dol est le fait pour un contractant ».

Aussi, le dol ne peut-il jamais avoir pour origine un tiers au contrat.

Dans un arrêt du 27 novembre 2001, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette règle en décidant que « le dol n’est une cause de nullité que s’il émane de la partie envers laquelle l’obligation est contractée » (Cass. com. 27 nov. 2001).

Si donc le dol émane d’un tiers, le contrat conclu par la victime n’encourt pas la nullité, quand bien même elle a été trompée sur l’étendue et la portée de son engagement.

Le cautionnement ne déroge pas à la règle. Dans un arrêt du 22 juillet 1986, la Cour de cassation a validé la décision d’une Cour d’appel qui a débouté la caution qui, pour se soustraire à son engagement, soutenait avoir été trompée par un tiers.

Pour justifier le rejet du pourvoi formé par cette dernière, la chambre commerciale affirme que « le dol viciant le consentement de l’une des parties à un contrat n’emporte la nullité de ce contrat que s’il émane de l’autre partie ».

Elle en déduit que les juges du fond n’avaient « pas à rechercher s’il existait ou non des manœuvres dolosives imputées à des tiers au contrat de cautionnement à l’occasion de la conclusion d’une autre convention, même si la caution s’était engagée en conséquence de cette dernière convention » (Cass. com. 22 juill. 1986, n°85-12.392).

Si donc le dol émanant d’un tiers ne constitue pas une cause de nullité du cautionnement, quid lorsqu’il est le fait d’une personne qui, sans être partie à l’acte, est intéressée à l’opération.

La question s’est notamment posée lorsque le dol émane du débiteur ou d’un cofidéjusseur.

==> Correctif

La jurisprudence a apporté un correctif à la règle excluant les tiers de la catégorie des personnes dont doit nécessairement émaner le dol, en admettant que la victime puisse agir sur le fondement de l’erreur.

Dans un arrêt du 3 juillet 1996, la première chambre civile a affirmé en ce sens que « l’erreur provoquée par le dol d’un tiers à la convention peut entraîner la nullité du contrat lorsqu’elle porte sur la substance même de ce contrat » (Cass. 1ère civ. 3 juill. 1996).

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par substance du contrat ?

Il peut être observé que la décision qui nous préoccupe a été rendue bien avant la réforme du droit des contrats.

Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, pour être cause de nullité l’erreur devait porter sur la « substance de la chose ».

Le législateur lui a préféré en 2016 le vocable « qualités essentielles de la prestation » aux fins de mettre un terme au débat qui portait sur le sens à donner à « substance de la chose ».

Si donc la solution rendue par la Cour de cassation devait être reconduite – ce qui en l’état du droit positif ne s’est pas produit – pour être fondée à solliciter l’annulation du contrat la victime du dol devra être en mesure de prouver qu’elle a été trompée par le tiers sur les qualités essentielles de la prestation promise.

Appliquée au cautionnement, cette solution ne devrait trouver à s’appliquer que dans de très rares cas.

Comme indiqué précédemment, en cette matière, l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation se conçoit difficilement dans la mesure où ladite prestation se confond avec l’objet même de l’engagement de caution. On voit dès lors mal comment cette dernière pourrait soutenir avoir commis une erreur sur la prestation fournie.

Reste que, dans un arrêt du 28 octobre 2005, la Cour d’appel de Paris l’a admis en adoptant une approche pour le moins extensive de la notion d’erreur sur la substance.

Dans cette décision, les juges du second degré ont estimé qu’elle devait être envisagée comme une erreur déterminante du consentement, ce qui dès lors autorise la caution à se prévaloir d’une telle erreur (CA Paris, 28 oct. 2005).

Cette décision sera-t-elle reconduite ? Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, aucune juridiction n’a statué en ce sens, à tout le moins pas à notre connaissance.

==> Exceptions

Il ressort de l’article 1138 du Code civil que, par exception, le dol peut émaner :

C) Les conditions relatives à la victime du dol

Pour que le dol constitue une cause de nullité,

1. L’exigence d’une erreur

==> Existence d’une erreur

Pour que le dol puisse être retenu à l’encontre de l’auteur d’agissements trompeurs, encore faut-il qu’une erreur ait été commise par la victime.

À défaut, le contrat ne saurait encourir la nullité. Cette sanction ne se justifie, en effet, que s’il y a vice du consentement

Or lorsque les manœuvres d’une partie n’ont provoqué aucune erreur chez son cocontractant, le consentement de celle-ci n’a, par définition, pas été vicié.

==> Objet de l’erreur

Parce que le dol vient sanctionner un comportement malhonnête de son auteur, il constitue une cause de nullité quand bien même l’erreur qu’il provoque chez le cocontractant est indifférente.

Une erreur qui donc serait insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat si elle avait été commise de manière spontanée, peut avoir l’effet opposé dès lors qu’elle a été provoquée.

Dans un arrêt du 2 octobre 1974, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « dès lors qu’elle a déterminé le consentement du cocontractant, l’erreur provoquée par le dol peut être prise en considération, même si elle ne porte pas sur la substance de la chose qui fait l’objet du contrat. » (Cass. 3e civ. 2 oct. 1974).

Cette solution a été consacrée à l’article 1139 du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016 qui prévoit que « l’erreur […] est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».

Il en résulte que, en matière de dol, l’erreur de la victime peut indifféremment porter :

L’article 1139 du Code civil précise que lorsqu’elle est provoquée par un dol, l’erreur qui devrait être considérée comme inexcusable, quand elle est commise spontanément, devient excusable et donc une cause de nullité du contrat.

Le caractère excusable ou inexcusable de l’erreur est, de la sorte, indifférent.

Dans un arrêt du 21 février 2001, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’affirmer que « la réticence dolosive, à la supposer établie, rend toujours excusable l’erreur provoquée » (Cass. 3e civ. 21 févr. 2001).

En matière de cautionnement, l’erreur provoquée par le dol peut avoir plusieurs objets au nombre desquels figurent notamment :

Si, la jurisprudence admet, en matière de dol, tout type d’erreur, elle prête, en revanche, une attention toute particulière à la qualité de la caution.

==> L’Incidence de la qualité de la caution

L’examen de la jurisprudence révèle que les juges traitent différemment les cautions averties des cautions profanes.

2. L’exigence d’une erreur déterminante

Pour que la nullité d’un contrat puisse être prononcée sur le fondement du dol, encore faut-il que l’erreur provoquée ait été déterminante du consentement du cocontractant.

Cette règle est désormais énoncée à l’article 1130 du Code civil qui prévoit que le dol constitue une cause de nullité lorsque sans lui l’une des parties n’aurait pas contracté (dol principal) ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes (dol incident).

Ainsi, le législateur a-t-il choisi de ne pas distinguer selon que le dol dont est victime l’une des parties au contrat est principal ou incident, conformément à la position adoptée par la jurisprudence.

Dans un arrêt du 2 mai 1984, la Cour de cassation avait ainsi condamné cette distinction en affirmant, au sujet d’une action en nullité pour dol d’une opération de cession de droits sociaux, que « après avoir recherché quelle était la commune intention des parties que la cour d’appel, qui a constaté que la cession des parts de la société était intervenue le 20 janvier 1976 a fait ressortir que les co-contractants, par la convention du 13 mai 1976, n’avaient pas manifesté la volonté de revenir sur la cession à laquelle ils avaient déjà consenti mais avaient, seulement, entendu modifier l’estimation de l’un des éléments entrant dans le calcul du prix des parts cédées, qu’elle a ainsi, abstraction faite du motif justement critique tire du caractère incident du dol, qui est surabondant, a légalement justifié sa décision dès lors qu’elle était saisie par les consorts a… outre d’une demande en nullité, d’une demande de dommages-intérêts en réparation de dommages causés par le comportement répréhensible de leurs co-contractants lors de l’exécution du contrat » (Cass. com. 2 mai 1984, n°82-16.880).

Plus récemment, dans un arrêt du 22 juin 2005, la Cour de cassation avait, en effet, approuvé une Cour d’appel « d’avoir déduit que les réticences dolosives imputables à la société Simco entraînaient la nullité de la vente », après avoir relevé que certains éléments qui avaient été dissimulés « étaient déterminants pour l’acquéreur qui devait être mis à même d’apprécier la rentabilité d’une opération et aurait à tout le moins acquis à un prix inférieur s’il avait connu la situation exacte » (Cass. 3e civ. 22 juin 2005, n°04-10.415).

S’agissant du cautionnement, l’exigence du caractère déterminant de l’erreur provoquée par le dol s’applique également.

Dans un arrêt du 8 juillet 2003, la Cour de cassation a, par exemple, rappelé, pour justifier le refus d’une Cour d’appel d’annuler un cautionnement sur le fondement de la réticence dolosive, que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté » (Cass. 1ère civ. 8 juillet 2003, n°01-02.664).

À cet égard, il peut être observé c’est à la caution qu’il revient de prouver le caractère déterminant de son erreur.

Il est néanmoins des décisions où la Cour de cassation a semblé se satisfaire de la preuve du dol dont elle déduit le caractère déterminant de l’erreur (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 10 mai 1989, n°87-14.294).

II) La sanction du dol

Lorsqu’un contrat a été conclu au moyen d’un dol, deux sanctions sont encourues :

A) Sur la nullité du contrat

Aux termes de l’article 1131 du Code civil, « les vices de consentement sont une cause de nullité relative du contrat ».

Aussi, cela signifie-t-il que seule la victime du dol, soit la partie dont le consentement a été vicié a qualité à agir en nullité du contrat.

Cette solution, consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016, est conforme à la jurisprudence antérieure (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 4 juill. 1995).

B) Sur l’allocation de dommages et intérêts

Parce que le dol constitue un délit civil, la responsabilité extracontractuelle de son auteur est toujours susceptible d’être recherchée.

Dans la mesure où, en effet, le dol a été commis antérieurement à la formation du contrat, la victime ne peut agir que sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Dans un arrêt du 15 février 2002, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la victime de manœuvres dolosives peut exercer, outre une action en annulation du contrat, une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du dommage qu’elle a subi » (Cass. com. 15 janv. 2002).

§3: La violence

==> Notion

Classiquement, la violence est définie comme la pression exercée sur un contractant aux fins de le contraindre à consentir au contrat.

Le nouvel article 1140 traduit cette idée en prévoyant qu’« il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. ».

Il ressort de cette définition que la violence doit être distinguée des autres vices du consentement pris dans leur globalité, d’une part et, plus spécifiquement du dol, d’autre part.

Antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil consacrait cinq dispositions à la violence : les articles 1111 à 1115.

L’article 1112 prévoyait notamment que « il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».

Dorénavant, quatre articles sont consacrés par le Code civil au dol : les articles 1140 à 1143. Fondamentalement, le législateur n’a nullement modifié le droit positif, il s’est simplement contenté de remanier les dispositions existantes et d’entériner les solutions classiquement admises en jurisprudence.

Aussi, ressort-il de ces dispositions que la caractérisation de la violence suppose toujours la réunion de conditions qui tiennent :

Bien que la violence se rencontre rarement en matière de cautionnement – à tout le moins la jurisprudence ne fournit que peu d’illustrations – la caution peut être fondée à se prévaloir de ce vice du consentement aux fins de faire annuler son engagement.

Elle devra néanmoins prouver que les conditions énoncées par les textes qui régissent la violence sont réunies.

I) Les conditions de la violence

A) Les conditions relatives aux éléments constitutifs de la violence

Il ressort de l’article 1140 du Code civil que la violence est une cause de nullité lorsque deux éléments constitutifs sont réunis :

1. Une contrainte

==> L’objet de la contrainte : la volonté du contractant

Tout d’abord, il peut être observé que la violence envisagée à l’article 1140 du Code civil n’est autre que la violence morale, soit une contrainte exercée par la menace sur la volonté du contractant.

La contrainte exercée par l’auteur de la violence doit donc avoir pour seul effet que d’atteindre le consentement de la victime, à défaut de quoi, par hypothèse, on ne saurait parler de vice du consentement.

==> La consistance de la contrainte : une menace

==> Le caractère de la contrainte : une menace illégitime

La menace dont fait l’objet le contractant doit être illégitime, en ce sens que l’acte constitutif de la contrainte ne doit pas être autorisé par le droit positif.

A contrario, lorsque la pression exercée sur le contractant est légitime, quand bien même elle aurait pour effet de faire plier la volonté de ce dernier, elle sera insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat.

La question alors se pose de savoir quelles sont les circonstances qui justifient qu’une contrainte puisse être exercée sur un contractant.

En quoi consiste, autrement dit, une menace légitime ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1141 qui prévoit que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »

Cette disposition est, manifestement, directement inspirée de la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 17 janvier 1984 avait estimé que « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 et suivants du code civil que s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif » (Cass. 3e civ. 17 janv. 1984).

Quel enseignement retenir de la règle énoncée par la jurisprudence, puis reprise sensiblement dans les mêmes termes par le législateur ?

Un principe assorti d’une limite.

2. Une crainte

La menace exercée à l’encontre d’un contractant ne sera constitutive d’une cause de nullité que si, conformément à l’article 1140, elle inspire chez la victime « la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »

Aussi, ressort-il de cette disposition que pour que la condition tenant à l’existence d’une crainte soit remplie, cela suppose :

a. L’exposition à un mal considérable

==> Reprise de l’ancien texte

L’exigence tenant à l’établissement d’une crainte d’un mal considérable a été reprise de l’ancien article 1112 du Code civil qui prévoyait déjà cette condition.

Ainsi, le législateur n’a-t-il nullement fait preuve d’innovation sur ce point-là.

==> Notion

Que doit-on entendre par l’exposition à un mal considérable ?

Cette exigence signifie simplement que le mal en question doit être suffisamment grave pour que la violence dont est victime le contractant soit déterminante de son consentement.

Autrement dit, sans cette violence, la victime n’aurait, soit pas contracté, soit pas conclu l’acte à des conditions différentes.

Le caractère déterminant de la violence sera apprécié in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

La Cour de cassation prendra, en d’autres termes, en compte l’âge, les aptitudes, ou encore la qualité de la victime (V. en ce sens Cass. 3e civ. 13 janv. 1999).

Elle exigera, en outre, pour que le vice de violence soit constitué que la pression exercer sur la victime soit « de nature à faire impression sur une personne raisonnable » (V. notamment pour le cautionnement CA Paris 23 mai 1980).

==> Exclusion de la crainte révérencielle

L’ancien article 1114 du Code civil prévoyait que « la seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat. »

Cette disposition signifiait simplement que la crainte de déplaire ou de contrarier ses parents ne peut jamais constituer en soi un cas de violence.

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que pour qu’une telle crainte puisse entraîner l’annulation d’un contrat, cela suppose qu’elle ait pour fait générateur une menace.

Dans un arrêt du 22 avril 1986, la première chambre civile a ainsi admis l’annulation d’une convention en relevant que « l’engagement pris par M.Philippe X… est dû aux pressions exercées par son père sur sa volonté ; que ces pressions sont caractérisées, non seulement par le blocage des comptes en banque de la défunte suivi d’une mainlevée une fois l’accord conclu, mais aussi par la restitution à la même date d’une reconnaissance de dette antérieure ; qu’elle retient que ces contraintes étaient d’autant plus efficaces qu’à cette époque M.Philippe X… souffrait d’un déséquilibre nerveux altérant ses capacités intellectuelles et le privant d’un jugement libre et éclairé »

La haute juridiction en déduit, compte tenu des circonstances que « ces pressions étaient susceptibles d’inspirer à celui qui les subissait la crainte d’exposer sa fortune à un mal considérable et présent, et constituaient une violence illégitime de la part de leur auteur de nature à entraîner la nullité de la convention » (Cass. 1ère civ. 22 avr. 1986 n°85-11.666).

b. L’objet de la crainte

Pour mémoire, l’ancien article 1113 du Code civil prévoyait que « la violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants. »

Dorénavant, la violence est caractérisée dès lors que la crainte qu’elle inspire chez la victime expose à un mal considérable :

Ainsi, le cercle des personnes visées l’ordonnance du 10 février 2016 est-il plus large que celui envisagé par les rédacteurs du Code civil.

B) Les conditions relatives à l’origine de la violence

Il ressort des articles 1142 et 1143 du Code civil que la violence est sanctionnée quel que soit son auteur.

Contrairement au dol, elle peut émaner :

1. La violence émanant d’un tiers

L’article 1142 du Code civil prévoit expressément que « la violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers. »

Pour mémoire, l’ancien article 1111 disposait que la violence est une cause de nullité quand bien même elle est « exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite. »

Les auteurs justifient cette règle par le fait que la violence n’a pas seulement pour effet de vicier le consentement de la victime : elle porte atteinte à sa liberté de contracter.

Le contractant qui fait l’objet de violences est donc privé de tout consentement, d’où la sévérité du législateur à son endroit.

2. La violence émanant de circonstances

==> Exposé de la problématique

S’il ne fait aucun doute que la violence peut émaner d’une personne, qu’il s’agisse du contractant lui-même ou d’un tiers, la question s’est rapidement posée de savoir si elle ne pouvait pas dériver de circonstances extérieures au contrat.

Plus précisément, les auteurs se sont interrogés sur l’assimilation de ce que l’on appelle l’état de nécessité à la violence.

En matière contractuelle, l’état de nécessité se définit comme la situation dans laquelle se trouve une personne qui, en raison de circonstances économiques, naturelles ou politiques est contrainte, par la force des choses, de contracter à des conditions qu’elle n’aurait jamais acceptées si les circonstances qui la placent dans cette situation ne s’étaient pas produites.

L’exemple classique est celui du navire perdu en mer et d’un remorqueur qui profiterait de la situation pour lui imposer un prix bien plus élevé que celui habituellement pratiqué.

Doit-on considérer qu’il s’agit là d’un cas de violence, alors même qu’elle n’émane pas, à proprement parler, d’une personne ?

==> Consécration légale de l’abus de l’état de dépendance

L’ordonnance du 10 février 2016 a admis que la violence puisse résulter de circonstances en insérant dans le Code civil un article 1143 qui prévoit que « il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

Ce texte reconnaît ainsi un nouveau cas de violence : l’abus par une partie de la situation de dépendance dans laquelle se trouve son cocontractant.

De l’avis des auteurs, l’élargissement du domaine de la violence à l’abus de dépendance ouvre aux cautions un nouveau moyen de faire échec aux poursuites des créanciers.

Il n’est pas rare que ce soient les circonstances – la plupart du temps économiques – qui contraignent la caution à s’engager.

Tel sera notamment le cas du dirigeant d’entreprise qui, compte tenu de la situation financière de sa société, sera contraint de se porter caution, faute de quoi le créancier refusera de lui octroyer un nouveau financement ou de maintenir sa ligne de crédit.

Sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence a toujours estimé que cette situation ne s’analysait pas en une violence économique justifiant l’annulation du cautionnement souscrit (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 22 janv. 2014, n°12-28.480).

La question qui alors se pose est de savoir si cette solution est remise en cause par la reconnaissance de la violence économique par le législateur ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux conditions de mise en œuvre de l’article 1143 du Code civil.

Il ressort de cette disposition que pour être cause de nullité, l’abus de dépendance requiert la réunion de plusieurs conditions pour le moins restrictives.

Au bilan, si l’article 1143 du Code civil autorise la caution à se prévaloir d’un abus de dépendance aux fins de faire annuler son engagement, il lui faudra néanmoins pour y parvenir démontrer que toutes les conditions posées par le texte sont réunies.

Or elles sont nombreuses et difficiles à remplir. A cet égard, comme observé par les auteurs, l’abus de dépendance se rapproche étroitement de certains mécanismes de protection de la caution qui sont susceptibles de lui être préférés.

On pense notamment au principe de proportionnalité, au devoir de mise en garde ou encore à l’obligation d’information.

II) La sanction de la violence

Lorsqu’un contrat a été conclu au moyen d’un acte de violence, deux sanctions sont encourues :

==> Sur la nullité du contrat

Aux termes de l’article 1131 du Code civil, « les vices de consentement sont une cause de nullité relative du contrat ».

Aussi, cela signifie-t-il que seule la victime de la violence, soit la partie dont le consentement a été vicié a qualité à agir en nullité du contrat.

Cette solution, consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016, est conforme à la jurisprudence antérieure (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 4 juill. 1995).

==> Sur l’allocation de dommages et intérêts

Parce que la violence constitue un délit civil, la responsabilité extracontractuelle de son auteur est toujours susceptible d’être recherchée.

Dans la mesure où, en effet, la violence a été commise antérieurement à la formation du contrat, la victime ne peut agir que sur le fondement de la responsabilité délictuelle (V. notamment Cass. com. 18 février 1997).

[1] N. Rias, « La sanction de l’erreur-obstacle : pour un remplacement de la nullité par l’inexistence », RRJ, 2009, pp.1251 et s.

[2] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, n°176, p. 116.

[3] D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°97, p. 94

[4] Ph. Simler, Cautionnement – Conditions de validité – Conditions du droit commun des contrats, Jur. Cl., Fasc. 20

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