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Validité du cautionnement: l’erreur sur la solvabilité du débiteur

Si la caution s’oblige au profit du créancier c’est, avant toute chose, en considération de la solvabilité du débiteur.

L’enjeu pour cette dernière est de ne pas être appelée en garantie ; d’où le caractère déterminant pour elle de la capacité du débiteur à rembourser le créancier.

Il est néanmoins des cas où la caution se méprendra sur la solvabilité du débiteur : elle croyait sa situation financière suffisamment solide pour supporter le poids de l’obligation principale, alors qu’il n’en était rien.

En pareille hypothèse, pourrait-elle se prévaloir d’une erreur aux fins d’échapper à son engagement de caution ?

Deux situations doivent être distinguées :

I) Première situation : l’erreur porte sur la solvabilité future du débiteur

La question qui ici se pose est de savoir si la caution peut se prévaloir, comme cause de nullité, de l’erreur qu’elle aurait commise sur l’insolvabilité du débiteur qui se révélerait postérieurement à son engagement.

Dans cette hypothèse, la jurisprudence estime fort logiquement que l’erreur commise ne constitue pas une cause de nullité.

Dans un arrêt du 13 novembre 1990, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la seule appréciation erronée, par la caution, des risques que lui faisait courir son engagement, ne constitue pas une erreur sur la substance, de nature à vicier son consentement » (Cass. 1ère civ. 13 nov. 1990, n°89-13.270).

La solution se justifie pleinement dans la mesure où c’est l’objet même du cautionnement que de garantir le risque d’insolvabilité susceptible de se produire postérieurement à l’engagement de la caution.

L’erreur sur la réalisation future de ce risque ne saurait, dans ces conditions, constituer une cause de nullité du cautionnement.

Admettre la solution inverse reviendrait à considérer que le cautionnement est nul toutes les fois que la caution est appelée en garantie. Or cela n’aurait aucun sens.

II) Seconde situation : l’erreur porte sur la solvabilité actuelle du débiteur

==> Termes du débat

Cette situation est très différente de la première dans la mesure où l’erreur commise porte ici, non pas sur le risque futur d’insolvabilité du débiteur, mais sur sa capacité de remboursement au jour de l’engagement de la caution.

Lorsqu’une caution s’oblige, elle le fait, en principe, en considération de la solvabilité du débiteur et plus précisément parce qu’elle le croit en capacité d’exécuter l’obligation garantie.

Aussi, la caution espère-t-elle n’être jamais appelée en garantie et avoir à payer.

Ce n’est que dans des cas très exceptionnels que la caution s’engagera au profit du créancier alors qu’elle sait la situation financière du débiteur fragile, voire obérée.

La solvabilité de ce dernier est donc un élément déterminant de l’engagement de caution.

Est-ce à dire que, en cas d’erreur sur la solvabilité du débiteur au moment où elle s’engage, la caution est fondée à solliciter la nullité du cautionnement ?

Plusieurs arguments visant à apporter une réponse négative à cette question ont été avancés par les auteurs.

Tout d’abord, lorsque l’erreur est commise sur la solvabilité du débiteur, elle porte moins sur la prestation que sur la personne.

À cet égard, pour être cause de nullité, l’erreur sur la personne doit porter sur les qualités essentielles du cocontractant.

Or le débiteur principal est un tiers à l’opération de cautionnement, de sorte que la caution ne saurait se prévaloir d’une erreur sur sa personne pour être déchargée de son engagement.

Ensuite, à supposer que l’on admette que la croyance erronée dans la solvabilité du débiteur ait été déterminante du consentement de la caution, elle s’analyse en un simple motif de son engagement.

Or conformément à l’article 1135, al. 1er du Code civil, l’erreur sur les motifs est indifférente.

Cette erreur n’est sanctionnée qu’à la condition, précise le texte, que les parties « en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement. »

Enfin, d’aucuns soutiennent qu’il appartient à la caution de se renseigner sur la solvabilité du débiteur.

Dans ces conditions, elle ne saurait, postérieurement à son engagement, se prévaloir d’une erreur sur la capacité du débiteur à exécuter l’obligation principale.

==> Jurisprudence

[1] N. Rias, « La sanction de l’erreur-obstacle : pour un remplacement de la nullité par l’inexistence », RRJ, 2009, pp.1251 et s.

[2] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, n°176, p. 116.

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