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Le régime conventionnel de la communauté de meubles et acquêts (art. 1498 à 1501 C. civ.)

==> Généralités

Le régime de communauté de meubles et acquêts n’est autre que l’ancien régime légal. C’est celui qui avait été instauré par le législateur lors de l’adoption du Code civil en 1804.

C’est la loi du 13 juillet 1965 qui l’a relégué au rang de régime conventionnel en le remplaçant par le régime de la communauté réduite aux acquêts.

La spécificité de ce régime matrimonial tient aux règles qui gouvernent l’actif et le passif de la communauté :

La substitution du régime de la communauté de meubles et acquêts par le régime de la communauté réduite aux acquêts est apparue nécessaire en raison de la proportion grandissante prise, dans le patrimoine du couple marié, par les richesses résultant des biens mobiliers.

En 1804, le patrimoine mobilier des époux ne représentait qu’une valeur modeste, l’essentiel de leur fortune résidant dans les immeubles et plus précisément dans la propriété foncière.

Dès lors, intégrer les meubles présents au jour du mariage et ceux reçus par voie de libéralité dans la masse commune était sans incidence sur le patrimoine propre des époux.

Aujourd’hui, cela est beaucoup moins vrai : les meubles sont susceptibles de représenter une valeur importante.

On pense notamment aux valeurs mobilières qui se sont considérablement développées et plus généralement à tous les biens incorporels qui occupent désormais une place prépondérante dans l’économie.

Pour cette raison, il a été décidé de les sortir de la communauté, à tout le moins pour les biens meubles acquis avant le mariage et ceux reçus par un époux à titre gratuit.

Si le régime de la communauté de meubles et acquêts a perdu son statut de régime légal, il n’en a pas moins été conservé par le législateur.

Aussi, fait-il partie des régimes conventionnels visés par l’article 1393, al. 1er du Code civil qui prévoit que « les époux peuvent déclarer, de manière générale, qu’ils entendent se marier sous l’un des régimes prévus au présent code. »

S’agissant de l’application de la loi dans le temps, l’article 10 de la loi du 13 juillet 1965 prévoit que « si les époux s’étaient mariés sans faire de contrat de mariage avant l’entrée en vigueur de la présente loi, ils continueront d’avoir pour régime matrimonial la communauté de meubles et d’acquêts ».

Le texte précise néanmoins que ces derniers « seront désormais soumis au droit nouveau en tout ce qui concerne l’administration des biens communs, des biens réservés et des biens propres. »

Autrement dit, les époux qui se sont mariés, sans contrat de mariage, avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, soit avant le 1er février 1966 sont soumis :

Quant aux époux qui se sont mariés après l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, ils ne peuvent opter pour le régime de la communauté de meubles et acquêts que par l’établissement d’un contrat de mariage.

Ce régime est régi par les articles 1498 à 1501 du Code cvil, étant précisé que ces dispositions ne règlent que la composition active et passive de la communauté.

S’agissant de l’administration de la communauté, de sa dissolution et de la liquidation du régime matrimonial, ce sont les règles du régime de la communauté réduite aux acquêts qui ont vocation à s’appliquer, saufs aménagements conventionnels des dispositions qui ne relèvent pas l’ordre public matrimonial

I) La composition active de la communauté

La spécificité du régime de la communauté de meubles et acquêts est l’intégration dans la masse commune de tous les biens meubles quelles que soient la date et les modalités de leur acquisition.

Le principe n’est toutefois pas absolu, il souffre d’exceptions, de sorte que les patrimoines propres des époux sont susceptibles de comprendre certains biens mobiliers.

A) L’actif commun

L’article 1498, al. 1er du Code civil prévoit que « lorsque les époux conviennent qu’il y aura entre eux communauté de meubles et acquêts, l’actif commun comprend, outre les biens qui en feraient partie sous le régime de la communauté légale, les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n’ait stipulé le contraire. »

Il ressort de cette disposition que l’actif commun comprend :

1. S’agissant des biens qui seraient qualifiés de communs sous le régime légal

Pour mémoire, sous le régime légal, les biens qui composent l’actif de la communauté sont énumérés à l’article 1401 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. »

Il ressort de cette disposition que la masse commune est alimentée par les tous les biens acquis à titre onéreux par les époux au cours du mariage.

C’est ce que l’on appelle des acquêts ; d’où le qualificatif attribué au régime légal de « communauté réduite aux acquêts ».

Dans le détail, les acquêts comprennent :

2. S’agissant des biens meubles qui seraient qualifiés de propres sous le régime légal

==> Principe

L’article 1498, al. 1er du Code civil prévoit que, sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, l’actif commun comprend, outre les biens qui seraient qualifiés de commun sous le régime légal, les meubles qui, soit étaient présents au jour du mariage, soit ont été acquis à titre gratuit au cours du mariage

==> Exceptions

Sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, certains meubles sont, par exception, soustraits à l’actif commun.

Il s’agit, d’une part, des meubles exclus de la communauté par la volonté de l’auteur d’une libéralité, d’autre part, des meubles qui sont propres par nature et, enfin, des meubles qui sont propres par subrogation

B) L’actif propre

==> Principe

La particularité du régime de la communauté de meubles et acquêts réside dans l’exclusion, sauf exceptions, des meubles du périmètre des biens propres.

Aussi, dans le détail, le patrimoine propre des époux comprend :

==> Exception

Si, sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, les immeubles acquis avant la célébration du mariage sont, en principe, exclus de la masse commune, l’article 1498, al. 3e du Code civil pose une exception.

Cette disposition prévoit, en effet, que « si l’un des époux avait acquis un immeuble depuis le contrat de mariage, contenant stipulation de communauté de meubles et acquêts, et avant la célébration du mariage, l’immeuble acquis dans cet intervalle entrera dans la communauté, à moins que l’acquisition n’ait été faite en exécution de quelque clause du contrat de mariage, auquel cas elle serait réglée suivant la convention. »

Autrement dit, lorsqu’un bien immobilier est acquis entre la date d’établissement de la convention matrimoniale aux termes de laquelle les époux expriment leur volonté d’opter pour le régime de la communauté de meubles et acquêts et le jour de la célébration du mariage, ce bien tombe en communauté.

En application de l’article 1395 du Code civil il devrait néanmoins être propre dans la mesure où cette disposition prévoit donc que les effets du contrat de mariage, qui aura nécessairement été établi avant la célébration de l’union des époux, sont différés au jour de cette célébration.

Cette exception au principe énoncé à l’article 1395 se justifie par la nécessité de prévenir toute tentative de distraction d’un immeuble par un époux qui serait acquis dans le laps de temps où le contrat de mariage est inopérant.

II) La composition passive de la communauté

A) Étendue du passif

Sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, parce que l’actif commun est plus étendu que ce qu’il est sous le régime légal, le législateur a, par souci d’équité, fait le choix d’étendre, dans les mêmes proportions, le passif dévolu à la communauté.

En effet, il eût été injuste :

Aussi, afin d’éviter cette situation qui reviendrait à priver les créanciers personnels des époux d’une fraction des biens propres (les meubles tombés en communauté), il a été décidé de corréler le périmètre du passif commun à l’extension de l’actif commun.

C’est donc le principe de corrélation entre passif et actif qui préside à la composition passive de la communauté.

À cet égard, l’article 1499 du Code civil prévoit que le passif commun comprend :

S’agissant du calcul de la fraction supplémentaire du passif commun par rapport à celui institué sous le régime légal, il y a lieu de se reporter au troisième alinéa de l’article 1499.

Il y est énoncé que « pour l’établissement de cette proportion, la consistance et la valeur de l’actif se prouvent conformément à l’article 1402. »

La méthode de calcul suggérée par cette disposition est la suivante :

À titre d’illustration, prenons un époux qui, sous le régime légal, aurait un patrimoine personnel d’une valeur de 100.000 euros.

Parmi les biens qu’ils possèdent, les meubles qui tombent en communauté sous l’effet du régime de la communauté de meubles et acquêts (biens présents au jour du mariage et biens reçus par voie de libéralités) représentent 25.000 euros, soit ¼ de ses biens propres.

Le passif personnel de cet époux, selon les règles du régime légal, est de 20.000 euros.

Afin de déterminer la fraction du passif supplémentaire qui revient à la communauté sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, il suffit de rapporter la proportion que représentent les meubles tombés en communauté à l’ensemble de son passif propre, soit 1/4 appliqué à 20.000 euros.

Le passif qui revient à la charge de la communauté est donc de 5.000 euros, étant précisé que ce passif supplémentaire s’ajoute au passif commun qui lui est attribué selon les règles du régime légal.

B) La charge du passif

Une fois le périmètre du passif établi, il y a lieu de déterminer sur qui pèse la charge de ce passif, tant à titre temporaire (obligation à la dette), qu’à titre définitif (contribution à la dette).

Pour répondre à cette question il y a lieu de distinguer deux corps de règles :

Nous ne nous focaliserons ici que sur le second corps de règles, les règles de répartition du passif sous le régime légal faisant l’objet d’une étude séparée.

1. L’obligation à la dette

Afin de déterminer sur quelle masse de biens le passif commun contracté par les époux devait être supportée, le législateur a été guidé par la volonté de préserver les droits des créanciers antérieurs au mariage et ceux dont les droits procèdent d’une libéralité.

L’adoption du régime de meubles et acquêts par les époux conduit, en effet, à faire tomber en communauté tous les meubles, de sorte que le gage de ces créanciers personnels est susceptible de s’en retrouver réduit d’autant.

Afin d’empêcher que le gage de ces derniers ne soit cantonné qu’aux seuls biens propres et revenus de l’époux, le législateur a institué des correctifs

À l’analyse, le dispositif mis en place par le législateur distingue plusieurs masses de biens sur lesquels les créanciers peuvent, de façon variable, exercer leurs poursuites :

==> Les biens propres de l’époux débiteur

L’article 1501 du Code civil prévoit-il que « la répartition du passif antérieur au mariage ou grevant les successions et libéralités ne peut préjudicier aux créanciers. »

Il ressort de cette disposition que, nonobstant l’entrée en communauté des meubles présents au jour du mariage ou acquis par voie de libéralité, l’étendue du droit de gage des créanciers antérieurs ou ceux dont les droits procèdent d’une libéralité ne saurait s’en trouver diminuée.

Autrement dit, ils sont toujours fondés à exercer leurs poursuites pour la totalité de leur créance sur :

==> Les revenus de l’époux débiteur

Bien que cette règle ne soit pas formellement énoncée par les textes qui régissent le régime de la communauté de meubles et acquêts, il est admis que créanciers antérieurs et ceux dont les droits procèdent de libéralités peuvent poursuivre leur créance sur les revenus de l’époux débiteur.

Cette règle procède de l’application du principe de subsidiarité prévu à l’article 1497 du Code civil qui dispose que « les règles de la communauté légale restent applicables en tous les points qui n’ont pas fait l’objet de la convention des parties. »

Ainsi, en vertu de ce principe, il y a lieu de se reporter au régime légal, et plus précisément à l’article 1411 du Code civil qui prévoit l’extension du gage des créanciers sous le régime légal aux revenus de l’époux débiteur.

Cette disposition prévoit que les créanciers personnels de l’un ou de l’autre époux « ne peuvent poursuivre leur paiement que sur les biens propres et les revenus de leur débiteur. »

==> Les biens communs ordinaires

Sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, il est admis que les créanciers antérieurs et ceux dont les droits procèdent de libéralités peuvent exercer leurs poursuites sur les biens communs ordinaires, soit au-delà de la fraction qui s’étend sur les biens meubles propres de l’époux débiteur.

Néanmoins, comme souligné par les auteurs, ces créanciers ne peuvent se faire payer sur les biens communs qu’« à concurrence de la fraction de leurs créances correspondant à la fraction de l’actif tombé en communauté »[1].

Si donc la part la part du passif qui revient à la charge de la communauté est de 25%, les créanciers ne pourront exercer leurs poursuites sur les biens communs qu’à concurrence de 25% de leur créance.

==> La confusion du mobilier

L’article 1501 in fine du Code civil prévoit que les créanciers antérieurs et dont les droits procèdent de libéralités « peuvent même poursuivre leur paiement sur l’ensemble de la communauté lorsque le mobilier de leur débiteur a été confondu dans le patrimoine commun et ne peut plus être identifié selon les règles de l’article 1402. »

Ainsi, en cas de confusion de mobilier, ces créanciers sont-ils autorisés à poursuivre leur créance sur l’ensemble de la masse commune et, ce, au-delà de la part du passif qui, sans cette confusion, devrait lui revenir.

Si l’on reprend l’exemple précédent, au lieu de supporter 25% du passif de l’époux débiteur, elle devra donc en supporter l’intégralité.

Dans un arrêt du 16 mai 2000, la Cour de cassation a précisé que c’est à l’époux débiteur qu’il appartenait de prouver l’absence de confusion de mobilier (Cass. 1ère civ. 16 2000, n°98-17.409).

Cette preuve ne sera rapportée que si ce dernier est en mesure d’identifier les biens meubles qui lui appartiennent en propre et auxquels la saisie doit être cantonnée.

S’il n’y parvient pas, le créancier poursuivant sera fondé à saisir l’ensemble du mobilier du couple touché par la confusion.

2. La contribution à la dette

L’article 1500 du Code civil prévoit que « les dettes dont la communauté est tenue en contrepartie des biens qu’elle recueille sont à sa charge définitive. »

Il ressort de cette disposition que la communauté assume la charge définitive des dettes dont elle est tenue proportionnellement aux meubles présents ou provenant de libéralités qu’elle a reçus.

Ici, le principe de corrélation entre le passif et l’actif est strictement respecté. La communauté n’a vocation à supporter que la fraction du passif qui correspond à la fraction de l’actif qui lui a été transféré sous l’effet du régime de la communauté de meubles et acquêts.

À cet égard, elle aura droit à récompense si la part du passif qui a été réglée avec des deniers communs est supérieur à celle qui lui revenait.

Inversement, elle devra une récompense à l’époux débiteur, si celui-ci a supporté, sur son patrimoine personnel, une partie de la dette qui devait être prise en charge par la communauté.

[1] F. Terré et Ph. Simlet, Droit civil – les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°442, p. 352.

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