Gdroit

La répartition du passif provisoire sous le régime légal ou l’obligation à la dette

INTRODUCTION

Lorsque les époux optent pour le régime de la communauté réduite aux acquêts, leur engagement ne se limite pas à créer une union des biens. Leur choix a également pour conséquence la création d’une union des dettes.

Ces deux unions présentent, en apparence, une symétrie parfaite, en ce sens que les compositions actives et passives du patrimoine du couple s’articulent autour de trois masses qui se font face :

Parce que le patrimoine est l’émanation de la personnalité juridique et que, à ce titre il est indivisible, il se caractérise par l’existence d’une corrélation entre l’actif et le passif.

Cela signifie que l’ensemble des dettes qui figurent dans un patrimoine sont exécutoires sur l’ensemble des biens qui composent ce patrimoine.

Immédiatement la question alors se pose est de savoir si cette corrélation qui se retrouve dans n’importe quel patrimoine opère entres les masses actives et les masses passives qui composent les patrimoines du couple marié sous le régime légal.

Autrement dit, chaque masse de biens répond-t-elle de la masse de dettes qui lui est symétriquement opposée ?

I) Problématique

L’application de la théorie du patrimoine devrait conduire à répondre positivement à cette question.

Cela est sans compter néanmoins sur la particularité dont est frappée la communauté : elle est dépourvue de toute personnalité juridique.

Il en résulte qu’elle ne peut, à l’instar d’une personne morale, supporter seule la charge d’un quelconque passif.

Une dette commune ne peut être contractée que par l’entremise d’un époux qui agira toujours, soit en son nom personnel, soit pour le compte de son conjoint, mais jamais en représentation de la communauté.

Ce n’est que parce que la dette aura été souscrite dans l’intérêt de cette dernière qu’elle sera inscrite au passif commun.

Aussi, les créanciers d’une dette commune disposeront, en toute hypothèse et, a minima, de deux débiteurs : la communauté et l’époux souscripteur.

Pour remédier à cette absence de corrélation entre les masses actives et les masses passives qui composent le patrimoine du couple marié sous le régime légal, il a fallu élaborer un système de répartition du passif répondant à deux exigences :

Ces deux exigences ont conduit le législateur articuler les règles de répartition du passif autour de la distinction entre l’obligation à la dette et la contribution à la dette

II) Obligation à la dette et contribution à la dette

La distinction entre l’obligation à la dette et la contribution à la dette permet de répondre à la double question :

La première question est traitée dans le cadre de l’obligation à la dette, tandis que la seconde question intéresse la contribution à la dette.

==> L’obligation à la dette

L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de gage des tiers s’agissant des dettes contractées auprès d’eux par les époux au cours du mariage.

Autrement dit, elle répond à la question de savoir sur quelle masse de biens un créancier du couple marié peut exercer ses poursuites.

Le gage de celui-ci se limite-t-il aux biens propres de l’époux débiteur ou comprend-il également les biens communs du couple, voire les biens propres du conjoint ?

Exemple :

L’obligation à la dette intéresse donc les rapports entre les tiers et les époux.

Ainsi qu’il l’a été vu, parce que la communauté est dépourvue de toute personnalité juridique, dans le cadre de l’obligation à la dette, la gage des créanciers comprendra toujours le patrimoine propre d’au moins un époux.

Il ne limitera jamais à la masse commune quand bien même la dette a été souscrite dans l’intérêt exclusif de la communauté.

Selon la nature de la dette contractée, les créanciers disposeront, si l’on met de côté le statut spécial des gains et salaires et des revenus de propres, de trois alternatives :

La détermination de l’étendue du gage du créancier n’est que la première étape de l’opération de répartition du passif.

L’obligation à la dette permet seulement d’identifier la masse de biens qui supporte le passif provisoire contracté par les époux.

Elle ne permet pas de déterminer le patrimoine qui a vocation à répondre du passif définitif. Cette question intéresse la contribution à la dette.

==> La contribution à la dette

La contribution à la dette permet d’identifier la masse de biens qui, une fois les créanciers désintéressés, devra supporter la charge définitive de la dette.

Autrement dit, elle détermine la part contributive de chaque patrimoine quant au passif contracté par les époux.

La charge de ce passif doit-elle être définitivement supportée par le patrimoine propre de l’époux souscripteur de la dette ou est-ce que la communauté doit également contribuer à la prise en charge de cette dette ?

Exemple :

La contribution à la dette intéresse donc, non pas les relations que les époux nouent avec les tiers, mais les rapports qu’ils entretiennent entre eux.

À l’analyse, il peut être observé que la masse de biens qui supportera le passif provisoire au titre de l’obligation à la dette ne coïncidera pas toujours avec celle qui a vocation à répondre du passif définitif au titre de la contribution à la dette.

Pour exemple, il ne sera pas rare qu’une dette contractée par un époux dans son intérêt exclusivement personnel soit réglée avec des deniers communs.

Dans cette hypothèse, si le passif provisoire est réglé par la communauté, le passif définitif devra être supporté par le patrimoine propre de l’époux souscripteur de la dette.

Compte tenu de l’absence de correspondance susceptible de s’opérer entre le patrimoine qui supporte le passif provisoire et le patrimoine sur lequel pèse le poids du passif définitif, on distingue trois catégories de dettes inscrites au passif du couple marié sous le régime légal :

En résumé, il y a lieu de bien distinguer la répartition du passif selon que l’on se trouve au niveau de l’obligation à la dette ou au niveau de la contribution à la dette.

III) Les principes directeurs

Si la mobilisation de la distinction entre l’obligation à la dette et la contribution à la dette constitue une étape nécessaire, sinon cruciale, dans la conduite de l’opération de répartition du passif, elle n’est pas suffisante.

En effet, elle permet seulement de définir un ordre de répartition de la dette contractée :

Une fois défini cet ordre de répartition, reste à répartir le passif entre les différentes masses.

Autrement dit, il s’agit de déterminer à quel patrimoine la dette contractée doit être affectée, d’une part, au plan de l’obligation et, d’autre part, au plan de la contribution.

À l’analyse, la clé de répartition du passif retenue par le législateur est le produit d’une recherche de plusieurs équilibres :

Cette recherche d’équilibres, tant au plan de l’obligation à la dette, qu’au plan de la contribution à la dette, a conduit le législateur à adopter un dispositif de répartition du passif qui repose sur deux principes directeurs :

==> Le principe de corrélation entre pouvoir de gestion et passif

Le principe de corrélation entre le pouvoir de gestion et le passif intéresse principalement l’obligation à la dette.

Selon ce principe, le pouvoir de gestion dont est investi un époux sur une masse de biens a pour corollaire l’affectation de ce patrimoine au gage des créanciers. Autrement dit, le pouvoir de gérer, implique le pouvoir d’engager.

À l’inverse, il se déduit de ce principe que les biens propres d’un époux ne peuvent jamais être engagés pour les dettes exécutoires sur une masse de biens sur laquelle il n’exerce aucun pouvoir.

Le principe de corrélation entre pouvoir de gestion et passif emporte deux conséquences :

Bien que permettant de comprendre la clé de répartition du passif provisoire ces deux conséquences doivent être tempérées.

En effet, la corrélation entre le pouvoir de gestion et le pouvoir d’engagement n’est pas toujours absolue.

Il est, en effet, des cas où un époux sera investi du pouvoir d’engager des biens, alors qu’il ne dispose sur ces biens d’aucun pouvoir. Tel est le cas des économies déposées par le conjoint sur son compte personnel et sur lesquelles la loi lui reconnaît un pouvoir de gestion exclusive.

==> Le principe de corrélation entre l’actif et le passif

À la différence du principe précédemment évoqué, le principe de corrélation entre l’actif et le passif intéresse moins l’obligation à la dette, que la contribution à la dette.

Ce principe participe de l’idée que le patrimoine qui correspondance doit exister entre les charges supportées par un patrimoine et les avantages dont il profite.

Il s’agit d’une application de la règle ubi emolumentum, ibi et onus esse debet, soit là où est l’avantage, là doit être la charge.

Pratiquement, cette règle signifie que la charge définitive d’une dette doit être supportée par la masse de biens qui a profité de la dépense.

Il en résulte deux conséquences :

À l’instar de la corrélation entre pouvoir de gestion et passif, la corrélation entre l’actif et le passif n’est jamais absolue.

En effet, lorsque, par exemple, un époux contracte une dette personnelle n’engagera pas seulement ses biens propres. Il engagera également ses revenus, lesquels sont des biens communs.

De la même manière, lorsqu’une dette est souscrite dans l’intérêt de la communauté, elle ne sera jamais exécutoire sur la seule masse commune. Le créancier pourra toujours exercer ses poursuites sur les biens propres de l’époux du chef duquel cette dette est née.

Nous nous focaliserons ici sur le passif provisoire ou l’obligation à la dette.

La répartition du passif, à titre provisoire, s’opère entre les dettes propres et les dettes communes.

§1: Les dettes propres

Les dettes propres présentent la particularité d’être réparties, au plan de l’obligation à la dette, entre les différentes masses de biens selon le principe de corrélation entre l’actif et le passif.

Cette corrélation n’est toutefois pas absolue. Si elle l’était, le droit de gage des créanciers ne devrait comprendre que les biens propres du débiteur. Or la loi du 23 décembre 1985 a, par soucis de préservation de l’intérêt des tiers, étendu ce droit de gage aux revenus de l’époux souscripteur, lesquels revenus sont des biens communs.

La corrélation entre l’actif et le passif qui avait été instauré par la loi du 13 juillet 1965 est ainsi désormais rompue.

I) Domaine

L’article 1410 du Code civil prévoit que « les dettes dont les époux étaient tenus au jour de la célébration de leur mariage, ou dont se trouvent grevées les successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage, leur demeurent personnelles, tant en capitaux qu’en arrérages ou intérêts. »

Il ressort de cette disposition que sont propres, au plan de l’obligation à la dette :

==> S’agissant des dettes présentes au jour du mariage

En application de l’article 1410 du Code civil les dettes dont les époux étaient tenus au jour de la célébration de leur mariage leur sont propres.

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les dettes qui relèvent de cette catégorie.

Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à la date du fait générateur de la dette. Sont considérées comme des dettes présentes au jour du mariage, les dettes qui ont été contractées antérieurement à la célébration du mariage.

Le critère auquel il convient de se référer, c’est donc la date de naissance de la dette, laquelle ne doit pas être confondue avec la date d’exigibilité.

Pour mémoire, une dette présente un caractère exigible lorsque le terme de l’obligation est arrivé à l’échéance.

Aussi, une dette peut être née antérieurement au jour du mariage et ne devenir exigible qu’après la célébration de l’union.

Dans cette hypothèse, selon que l’on retient comme critère la date de naissance de la dette ou sa date d’exigibilité, l’article 1410 du Code civil trouvera ou non à s’appliquer.

Pour la Cour de cassation, il convient de se référer à la seule date du fait générateur de la dette et non à sa date d’exigibilité (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 17 juin 1986 ; Cass. 1ère civ. 27 janv. 1998, n°95-21964).

Lorsqu’il s’agit d’une dette contractuelle, c’est à la date de conclusion du contrat qu’il conviendra de se reporter pour déterminer s’il s’agit d’une dette présente au jour du mariage.

Pour les dettes délictuelles, la dette naît au jour de la réalisation du dommage et non à la date de condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Aussi, est-il indifférent que le jugement en condamnation de l’époux ait été rendu au cours du mariage, pourvu que le dommage se soit produit antérieurement à sa célébration (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 mars 1989, 86-18786).

==> S’agissant des dettes grevant les successions et libéralités

Envisagées par l’article 1410 du Code civil sur le même plan que les dettes présentes au jour du mariage, les dettes grevant les successions et libéralités demeurent également propres aux époux.

Le caractère propre de ces dettes tient ici, non pas à la date de leur fait générateur, mais à leur rattachement à une succession ou à une libéralité.

Lorsqu’ainsi un époux perçoit une succession, les dettes qui lui sont transmises par l’effet de la dévolution successorale, sont propres, peu importe que la succession ait été ouverte postérieurement à la célébration du mariage.

C’est ainsi la nature de la dette qui lui confère son caractère propre. Au nombre des dettes susceptibles de grever une succession ou des libéralités on compte notamment, les frais funéraires, les conditions et charges attachés à une donation ou à un legs, ou encore les dettes nées du chef du de cujus.

==> S’agissant des arrérages et intérêts attachés à une dette personnelle

L’article 1410 du Code civil prévoit que les dettes présentes au jour du mariage et les dettes grevant les successions et libéralités sont propres, tant en capitaux qu’en arrérages ou intérêts.

Cette disposition assujettit ainsi les arrérages, qui ne sont autres que les sommes versées à échéance périodique au titre d’une rente ou d’une pension et les intérêts produits par une dette au principe de l’accessoire.

Si donc une dette est qualifiée de personnelle en application de l’article 1410 du Code civil, les arrérages et intérêts se rapportant à cette dette lui empruntent son caractère propre.

II) Droit de poursuite

A) Principe

==> L’étendue du gage des créanciers

L’article 1411 du Code civil prévoit que « les créanciers de l’un ou de l’autre époux, dans le cas de l’article précédent, ne peuvent poursuivre leur paiement que sur les biens propres et les revenus de leur débiteur. »

Il ressort de cette disposition que, s’agissant des dettes personnelles, le gage des créanciers est cantonné à deux catégories de biens appartenant à l’époux débiteur :

Au plan de l’obligation à la dette, le principe de corrélation entre l’actif et le passif est ainsi assorti d’une limite.

Si, en effet, ce principe était appliqué de façon stricte, les dettes personnelles ne seraient exécutoires que sur les seuls biens propres de l’époux.

Lors de l’adoption de la loi du 23 décembre 1985, le législateur a toutefois inclus dans le gage des créanciers les revenus, lesquels ne sont autres que des biens communs.

Force est, dès lors, de constater que la corrélation entre l’actif et le passif est ici imparfaite : une dette personnelle peut être poursuivie, non seulement sur les propres du débiteur, mais encore sur une fraction de la masse commune.

La principale raison avancée de l’extension du droit de poursuite des créanciers aux revenus réside dans la volonté du législateur de préserver les intérêts des tiers.

Lorsque, en effet, ces derniers ont contracté avec un époux avant la célébration du mariage, les revenus de celui-ci étaient compris dans leur droit de gage.

Parfois même, c’est l’existence de ces revenus qui auront déterminé leur volonté de contracter avec l’époux. Tel sera notamment le cas du banquier pour lequel les sources de revenus de l’emprunteur sont déterminantes.

Aussi, serait-il inéquitable, sinon injuste, que le mariage ait pour effet d’amputer le gage du créancier.

Pour cette raison et afin de rétablir l’équilibre, il est apparu nécessaire de réintégrer les revenus dans le périmètre des biens saisissables au titre de l’exécution d’une dette personnelle.

==> La notion de revenus saisissables

Si donc les revenus peuvent être saisis par les créanciers personnels d’un époux, encore faut-il déterminer ce que recouvre cette notion.

En premier lieu, de l’avis général des auteurs, les revenus comprennent :

En second lieu, pour être saisissables, il est indifférent que les revenus de l’époux soient au stade de simple créance ou qu’ils aient été perçus.

Reste que, une difficulté survient, au stade de la perception, lorsque les revenus consistent en une somme d’argent, ce qui sera le cas la plupart du temps.

En effet, l’argent est une chose fongible. Lorsque, dès lors, il est mélangé avec d’autres sommes d’argent, il devient difficile de l’individualiser.

La question qui a alors se pose est de savoir si le dépôt de revenus sur un compte bancaire n’a pas pour effet de les rendre insaisissables.

En somme, leur inscription en compte n’aurait-elle pas pour effet de leur faire perdre leur nature de revenus et de les transformer en acquêts ordinaires s’ils sont notamment mélangés avec des deniers communs ?

À l’analyse, l’article 1411 du Code civil est silencieux sur ce point. Aussi, est-ce vers la jurisprudence qu’il convient de se tourner.

Pour la Cour de cassation, pour que des revenus soient saisissables, il appartient au créancier de démontrer qu’ils ont été déposés sur un compte exclusivement alimenté par des revenus (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 3 avr. 2001, n°99-13733).

Dans un arrêt du 14 janvier 2003, elle a également précisé que le créancier devait démontrer que les revenus perçus par l’époux débiteur ne se sont pas transformés en acquêts ordinaires (Cass. 1ère civ. 14 janv. 2003, n°00-16078). Tel sera le cas lorsqu’ils auront été économisés.

Cette dernière exigence posée par la jurisprudence n’est pas sans soulever une difficulté de mise en œuvre.

La notion d’économie n’est définie par aucun texte. Dans ces conditions, comment déterminer la date à compter de laquelle les revenus se transforment en acquêts ordinaires et, par voie de conséquence, ne sont plus saisissables ?

Est-ce à partir du moment où ils sont inscrits sur un compte bancaire ? Cette situation se rencontrera néanmoins, en pratique, presque systématiquement,

Doit-on se focaliser, au contraire, sur la volonté de l’époux d’économiser ses revenus ? Comment, toutefois, établir cette volonté ? Doit-elle être présumée lorsque lesdits revenus ne sont pas consommés dans un certain délai ? Mais alors, quel délai retenir ? Et l’on en revient à la question initiale relative à la détermination de la date de transformation des revenus perçus en revenus économisés.

De l’aveu même d’André Colomer la définition de la notion d’économie se laisse difficilement appréhender.

Aussi, est-ce la raison pour laquelle des auteurs ont suggéré une autre approche pour identifier les revenus saisissables.

D’aucuns ont proposé de faire une application, par analogie, de la règle énoncée à l’article 1414 du Code civil.

Cette disposition prévoit que les gains et salaires d’un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint.

Le montant de la somme insaisissable est toutefois plafonné par l’alinéa 2 du texte qui, pour la détermination de ce plafond, renvoie au décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d’exécution.

Aux termes de l’article 48 de ce décret, lequel a été codifié par le décret n°2012-783 du 30 mai 2012 à l’article R. 162-9 du Code des procédures civiles d’exécution, lorsqu’un compte, même joint, alimenté par les gains et salaires d’un époux commun en biens, fait l’objet d’une mesure d’exécution forcée ou d’une saisie conservatoire pour le paiement ou la garantie d’une créance née du chef du conjoint, il est laissé immédiatement à la disposition de l’époux commun en biens une somme équivalant, à son choix :

La règle ainsi posée présente indéniablement l’avantage d’énoncer un critère objectif et précis d’identification des gains et salaires.

Ces derniers s’identifient donc par leur montant. Dès lors que le montant des sommes déposées sur un compte bancaire alimenté par des rémunérations du travail (ou substituts) est inférieur à un mois de salaire, ces sommes sont insaisissables.

En revanche, lorsque le plafond est dépassé, le surplus d’argent inscrit en compte est considéré comme un acquêt ordinaire et peut, à ce titre, faire l’objet d’une saisie.

L’application du critère énoncé par l’article 1414 du Code civil dans le cadre de la mise en œuvre du droit de poursuite des créanciers personnelles d’un époux permettrait manifestement de surmonter la difficulté tenant à l’identification des revenus saisissables.

Dans un arrêt du 17 février 2004, la Cour de cassation a néanmoins jugé que le cantonnement prévu par l’article 1414, alinéa 2, du Code civil, qui protège les gains et salaires d’un époux commun en biens contre les créanciers de son conjoint n’est pas applicable à une saisie qui serait pratiquée sur un fondement différent (Cass. 1ère civ. 17 févr. 2004, n°02-11039).

Il n’est donc pas possible de transposer le critère d’identification des gains et salaires aux revenus visés par 1411 du Code civil.

Pour saisir les revenus de l’époux qui a souscrit une dette personnelle, le créancier poursuivant devra donc être en mesure de démontrer :

En résumé, au plan de l’obligation à la dette, le gage des créanciers comprend, s’agissant d’une dette personnelle, les biens suivants :

B) Tempérament

En application de l’article 1411 du Code civil, les dettes personnelles d’un époux sont exécutoires notamment sur ses biens propres.

En cas d’exercice de poursuites, la réalisation de ce gage suppose néanmoins que le créancier poursuivant soit en mesure d’identifier les biens qu’il est autorisé à saisir.

Si, pour les immeubles, cette identification ne soulèvera pas de difficulté en raison des formalités que requière toute opération immobilière, elle peut se révéler particulièrement délicate lorsqu’elle porte sur des meubles.

En effet, la vie conjugale implique que les époux mettent en commun leur mobilier. Sous l’effet du temps, les meubles qui leur appartiennent en propre sont alors susceptibles de se confondre avec ceux qui relèvent de la communauté.

Cette situation est, par hypothèse, de nature à rendre pour le moins difficile l’attribution de la propriété des biens qui ont été confondus.

C’est la raison pour laquelle le législateur a institué une règle qui, lorsqu’existe une incertitude sur la propriété d’un bien, fait présumer ce bien appartenir à la communauté.

Si, comme souligné par Gérard Cornu, cette présomption de propriété, constitue pour le couple marié sous le régime légal, une sorte de « facteur résiduel d’accroissement de la communauté au bénéfice du doute », du point de vue des créanciers personnels des époux, elle est susceptible de constituer un véritable obstacle au recouvrement de leurs créances.

En application de cette présomption de communauté, c’est à eux que revient la charge de prouver le caractère propre des biens mobiliers qu’ils entendent saisir, preuve qui, en cas de confusion de mobilier, sera extrêmement compliquée à rapporter.

Parce que cette situation est de nature à faire courir le risque pour les créanciers que les époux tirent avantage de la présomption de communauté aux fins de soustraire des biens compris dans leur gage, le législateur a institué une règle qui vise à neutraliser cette présomption.

L’article 1411, al. 2e du Code civil prévoit, en effet, que les créanciers personnels d’un époux « peuvent, néanmoins, saisir aussi les biens de la communauté quand le mobilier qui appartient à leur débiteur au jour du mariage ou qui lui est échu par succession ou libéralité a été confondu dans le patrimoine commun et ne peut plus être identifié selon les règles de l’article 1402. »

Ainsi, en cas de confusion de mobilier, le gage des créanciers personnels d’un époux est étendu au mobilier commun.

Celui-ci peut donc être saisi, alors même que les dettes personnelles d’un époux ne sont, en principe, exécutoires que sur ses biens propres et ses revenus.

La situation de confusion de mobilier a ici pour effet, non seulement de neutraliser la présomption de communauté, mais encore de la renverser : les meubles communs qui se confondent avec du mobilier propre sont réputés être des biens propres.

Dans un arrêt du 16 mai 2000, la Cour de cassation a précisé que c’est à l’époux débiteur qu’il appartenait de prouver l’absence de confusion de mobilier (Cass. 1ère civ. 16 2000, n°98-17.409).

Cette preuve ne sera rapportée que si ce dernier est en mesure d’identifier les biens meubles qui lui appartiennent en propre et auxquels la saisie doit être cantonnée.

S’il n’y parvient pas, le créancier poursuivant sera fondé à saisir l’ensemble du mobilier du couple touché par la confusion.

§2: Les dettes communes

Le caractère communautaire du régime légal ne tient pas seulement à l’instauration d’une union des biens, il se caractérise également par la création d’une union des dettes.

La question qui alors se pose est de savoir comment se répartit ce passif commun susceptible d’être contracté séparément, conjointement, voire solidairement par les époux.

Dès l’adoption de la loi du 13 juillet 1965, c’est le principe de corrélation entre le pouvoir de gérer les biens et celui de les engager passivement qui est retenu comme clé de répartition du passif.

Reste que cette loi opérait une nette distinction entre le pouvoir d’engagement de la femme mariée, dont le périmètre était très réduit, et le pouvoir dévolu au mari qui était investi du monopole d’engager les biens communs ordinaires.

Aussi, animé par la volonté d’instaurer une véritable égalité dans les rapports conjugaux, le législateur a, tout en conservant le principe de corrélation entre pouvoir de gestion et pouvoir d’engagement, profondément réformé les règles de répartition du passif lors de l’adoption de la loi du 23 décembre 1985.

Parce que la loi du 13 juillet 1965 a encore vocation à régir, pour des raisons de droit transitoire, les dettes nées antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 1985, soit le 1er juillet 1986, il y a lieu d’envisager les deux dispositifs mis en place par ces deux textes.

==> Évolution des règles de réparation du passif

Sous l’empire de la loi du 13 juillet 1965, les époux n’étaient pas traités sur un pied d’égalité s’agissant du pouvoir d’engagement des biens de la communauté.

Lors de l’adoption de la loi du 23 décembre 1985, le législateur a souhaité mettre définitivement un terme à l’inégalité qui subsistait dans les rapports conjugaux sous l’empire de la loi du 13 juillet 1965.

Aussi, était-ce une évidence, qu’il y avait lieu d’abolir le dispositif qui octroyait au mari le monopole d’engagement des biens communs ordinaires.

Désormais, les époux sont investis du même pouvoir. Chacun a la faculté d’engager la communauté, soit de souscrire une dette qui sera exécutoire sur les biens communs.

La recherche d’égalité n’est pas la seule raison qui a conduit le législateur à aligner les pouvoirs de la femme mariée sur ceux de son mari.

L’octroi d’une sphère d’autonomie aux deux époux se justifie pour des raisons d’ordre, tant pratiques, qu’économiques.

L’un des principaux apports de la loi du 23 décembre 1985 est ainsi d’avoir considérablement étendu le gage des créanciers, à tout le moins lorsqu’ils contractent avec la femme mariée.

==> Économie générale

Au plan de l’obligation à la dette, l’enjeu du législateur était donc de trouver un juste équilibre entre :

Le point d’équilibre trouvé par le législateur réside dans l’application du principe de corrélation entre pouvoir et passif.

Selon ce principe, le pouvoir de gestion dont est investi un époux sur une masse de biens a pour corollaire l’affectation de ce patrimoine au gage des créanciers. Autrement dit, le pouvoir de gérer, implique le pouvoir d’engager.

Appliqué à la répartition du passif commun, le principe de corrélation entre pouvoir et passif n’est pas absolu.

En effet, quand bien même un époux est investi du pouvoir d’engager seul les biens communs, le gage des créanciers ne se limitera jamais à la seule masse commune quand bien même la dette a été souscrite dans l’intérêt exclusif de la communauté.

La raison en est que la communauté est dépourvue de personnalité morale. Il en résulte qu’elle ne peut, à l’instar d’une personne morale, supporter seule la charge d’un quelconque passif.

Une dette commune ne peut être contractée que par l’entremise d’un époux qui agira toujours, soit en son nom personnel, soit pour le compte de son conjoint, mais jamais en représentation de la communauté.

Ce n’est que parce que la dette aura été souscrite dans l’intérêt de cette dernière qu’elle sera inscrite au passif commun.

Aussi, en principe, les créanciers d’une dette commune disposeront toujours, a minima, de deux débiteurs : la communauté et l’époux souscripteur.

À cet égard, il peut être observé que si, quelles que soient les circonstances, les dettes nées du chef d’un époux sont exécutoires sur ses biens propres et ses revenus dans les mêmes proportions, le périmètre des biens communs compris dans le gage des créanciers est, quant à lui, susceptible de varier selon la nature de la dette contractée.

§1: Les dettes communes ordinaires

I) Domaine

L’article 1413 du Code civil prévoit que « le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu. »

Il ressort de cette disposition que, au plan de l’obligation, sont communes toutes les dettes qui ont été contractées au cours du mariage, exceptions faites des dettes grevant les successions et libéralités qui, en application de l’article 1410 du Code civil, restent propres.

Pour être inscrite au passif provisoire, il est donc indifférent :

Ce qui importe c’est la date du fait générateur de la dette. Dès lors qu’elle naît postérieurement à la célébration du mariage elle est inscrite au passif provisoire de la communauté.

À cet égard, il y a lieu de ne pas confondre la date de naissance de la dette avec sa date d’exigibilité.

Pour mémoire, une dette présente un caractère exigible lorsque le terme de l’obligation est arrivé à l’échéance.

Aussi, une dette peut être née antérieurement au jour du mariage et ne devenir exigible qu’après la célébration de l’union.

Dans cette hypothèse, selon que l’on retient comme critère la date de naissance de la dette ou sa date d’exigibilité, l’article 1410 du Code civil trouvera ou non à s’appliquer.

Pour la Cour de cassation, il convient de se référer à la seule date du fait générateur de la dette et non à sa date d’exigibilité (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 17 juin 1986 ; Cass. 1ère civ. 27 janv. 1998, n°95-21964).

Lorsqu’il s’agit d’une dette contractuelle, c’est à la date de conclusion du contrat qu’il conviendra de se reporter pour déterminer s’il s’agit d’une dette contractée au cours du mariage.

Pour les dettes délictuelles, la dette naît au jour de la réalisation du dommage et non à la date de condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Aussi, est-il indifférent que le jugement en condamnation de l’époux ait été rendu au cours du mariage, pourvu que le dommage se soit produit postérieurement à sa célébration (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 mars 1989, 86-18786).

II) Droit de poursuite

Lorsqu’une dette est commune au plan de l’obligation, elle n’est pas seulement exécutoire sur les biens communs, elle peut également être poursuivie sur le patrimoine propre de l’époux souscripteur.

A) L’engagement des biens propres

1. L’inclusion des biens propres du débiteur

Parce que la communauté est dépourvue de toute personnalité juridique, elle ne peut, à l’instar d’une personne morale, supporter seule la charge d’un quelconque passif.

Aussi, une dette commune ne peut être contractée que par l’entremise d’un époux qui agira toujours, soit en son nom personnel, soit pour le compte de son conjoint, mais jamais en représentation de la communauté.

Ce n’est que parce que la dette aura été souscrite dans l’intérêt de cette dernière qu’elle sera inscrite au passif commun.

Il en résulte que les créanciers d’une dette commune disposeront, en toute hypothèse et, a minima, de deux débiteurs : la communauté et l’époux souscripteur.

Une dette commune née du chef d’un époux au cours du mariage sera donc toujours exécutoire sur les biens propres de ce dernier.

Bien qu’aucun texte n’énonce formellement cette règle, elle se déduit :

2. L’exclusion des biens propres du conjoint

==> Principe

L’article 1418 du Code civil prévoit que « lorsqu’une dette est entrée en communauté du chef d’un seul des époux, elle ne peut être poursuivie sur les biens propres de l’autre »

Ainsi, en cas de dette commune contractée par un époux seul, elle ne peut pas, par principe, être exécutoire sur les biens propres du conjoint.

Il lui appartiendra néanmoins de rapporter la preuve du caractère propre des biens qu’il entend soustraire au gage des créanciers, faute de quoi la présomption de communauté jouera.

Pour mémoire, l’article 1402 du Code civil prévoit que « tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi. »

Cette disposition fait donc peser la charge de la preuve sur l’époux qui se prévaut du caractère propre d’un bien.

S’il n’y parvient pas, le bien est présumé appartenir à la communauté. Il devient alors saisissable par les créanciers de l’époux du chef duquel est née une dette commune.

==> Tempéraments

Si, par principe, les dettes nées du chef d’un époux ne sont pas exécutoires sur les biens propres du conjoint, ce principe connaît quelques tempéraments :

B) L’engagement des biens communs

1. Principe

==> Principe général

Tandis que l’article 1421 du Code civil confère à chacun des époux le pouvoir « d’administrer seul les biens communs et d’en disposer », l’article 1413 leur octroie le pouvoir de les engager.

Cette disposition énonce en ce sens que « le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs ».

Ainsi, lorsqu’une dette naît du chef d’un seul époux, elle est, par principe, exécutoire sur les biens communs ordinaires.

Il est indifférent que la dette ait été contractée par l’un ou l’autre époux, pourvu qu’elle soit née au cours du mariage et qu’elle ne résulte pas d’une succession ou d’une libéralité.

Les époux sont ainsi placés sur un pied d’égalité s’agissant de la souscription de dettes inscrites au passif provisoire de la communauté. Cette prérogative ne relève donc plus du monopole du mari.

Quant aux biens communs susceptibles d’être saisis, leur origine importe peu. Ils peuvent être engagés par un époux alors même qu’ils sont entrés en communauté du chef du conjoint. La seule exigence est que le bien soit inscrit à l’actif commun.

À cet égard, la présomption de communauté jouera en faveur des créanciers, dans la mesure où, conformément à l’article 1402 du Code civil, c’est à l’époux qui se prévaut de la propriété d’un bien que revient la charge de prouver que ce bien lui appartient en propre.

==> Incidences d’une procédure collective

Comme souligné par Isabelle Dauriac, « en faisant de la masse commune le gage indifférencié de tous les créanciers apparus durant le régime, sans distinction aucune, l’article 1413 consacre l’égalité et la concurrence de ces derniers ».

Autrement dit, aucune hiérarchie n’est instaurée entre les créanciers du couple. La nature contractuelle ou délictuelle de la dette ne leur confère aucun droit de priorité quant à l’exercice de leurs poursuites. Il en va de même du caractère professionnel ou non de la dette qui est sans incidence sur leur statut.

Le seul privilège dont un créancier peut se prévaloir est celui qui est susceptible de lui être conféré par la sûreté réelle qu’il se sera fait consentir sur un ou plusieurs biens communs.

Cette égalité qui préside aux rapports que les créanciers du couple marié entretiennent entre eux quant à l’exercice de leur droit de poursuite sur la masse commune est particulièrement marquée lorsqu’une procédure collective est ouverte à l’encontre d’un époux.

En effet, en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou encore de liquidation judiciaire, l’application de l’article 1413 du Code civil conduit à inclure dans le périmètre de la procédure les biens communs.

Il en résulte que les créanciers de l’époux débiteur sont soumis à une discipline collective.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

Si cette discipline collective se justifie pleinement lorsqu’elle vise les créanciers du débiteur, plus délicate est la question de savoir si elle peut être imposée aux créanciers du conjoint in bonis, par souci d’égalité.

Le conjoint de l’époux contre lequel une procédure collective est ouverte est, en effet, susceptible de contracter, de son côté, des dettes qui seront également exécutoires sur les biens communs.

Dans cette situation, les créanciers de la procédure et les créanciers du conjoint in bonis entrent donc en concours sur une même masse de biens : la communauté.

Parce que les créanciers du conjoint in bonis ne font l’objet d’aucune procédure collective, conformément à l’article 1413 du Code civil, ils devraient néanmoins pouvoir exercer leurs poursuites sur la masse commune sans entrave.

Autrement dit, ils ne devraient pas avoir à se soumettre à la discipline collective à laquelle sont assujettis les créanciers qui participent à la procédure ouverte à l’encontre de l’autre époux.

Admettre que les créanciers du conjoint in bonis puissent se soustraire à cette discipline collective est toutefois de nature à compromettre, sinon ruiner les chances de succès de la procédure collective.

À l’analyse, il y a là deux dispositifs antagonistes qui s’affrontent :

Manifestement, la conciliation entre droit des régimes matrimoniaux et le droit des entreprises en difficulté apparaît pour le moins difficile.

Reste que, compte tenu de l’enjeu, une solution doit être trouvée pour régler le concours des créanciers de la procédure collective avec ceux du conjoint in bonis.

Tandis que la doctrine est divisée sur cette question, la jurisprudence a connu une évolution hésitante.

Au bilan, il apparaît que l’évolution de la jurisprudence tend vers un alignement du régime applicable aux créanciers de l’époux in bonis sur le régime auxquels sont soumis les créanciers de la procédure.

Bien que cet alignement se justifie au regard de la nécessité de ne pas ruiner les chances de réussite de la procédure collective ouverte à l’encontre du conjoint, elle n’en est pas moins critiquable à maints égards.

Pour Isabelle Dauriac, « le crédit, y compris hypothécaire, du conjoint in bonis ressort irrémédiablement affecté de la collision du droit des entreprises en difficulté et de l’article 1413 »[2].

Parce que les solutions adoptées par la jurisprudence « sont de nature à discréditer davantage encore le régime de la communauté » certains auteurs suggèrent d’étendre la procédure collective au conjoint commun en biens ce qui « permettrait du moins à celui-ci de bénéficier de ses bienfaits, spécialement en cas de clôture pour insuffisance d’actif »[3].

==> Cas particulier du logement familial

2. Tempéraments

Si la dette née du chef d’un époux au cours du mariage est exécutoire sur les biens communs, ce principe n’est pas sans limite. Il connaît des tempéraments.

a. La fraude

==> Principe

L’article 1413 du Code civil prévoit que les dettes nées du chef d’un époux sont exécutoires sur les biens communs « à moins qu’il n’y ait eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu. »

Ainsi, en cas de fraude, les biens communs sont exclus du gage des créanciers. C’est là une application de l’adage « fraus omnia corrumpit ».

Cette hypothèse se rencontrera notamment lorsque l’époux débiteur a entendu porter atteinte aux intérêts de son conjoint en souscrivant des engagements qui appauvrissent la communauté auprès d’un tiers complice.

==> Conditions

Pour que la fraude soit caractérisée, l’article 1413 exige la réunion de deux conditions :

Dans un arrêt du 20 février 1980, la Cour de cassation a précisé que les deux conditions énoncées par l’article 1413 du Code civil étaient cumulatives (Cass. com. 20 févr. 1980, n°78-14.278).

Aussi, faute de réunion de ces deux conditions et notamment de l’absence de démonstration de la complicité du tiers, les biens communs seront engagés (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 28 mars 1984, n°82-15.538)

En cas néanmoins de d’établissement de l’intention frauduleuse de l’époux débiteur, celui-ci engagera sa responsabilité à l’égard de son conjoint, lequel pourra alors se prévaloir d’un droit à récompense.

==> Sanction

S’agissant de la sanction de la fraude en tant que telle, la question s’est posée de savoir si, lorsqu’elle était caractérisée, elle emportait seulement inopposabilité de l’acte au conjoint victime de cette fraude ou si elle produisait les effets d’une nullité.

Selon que l’on retient l’une ou l’autre sanction, les effets sur l’acte divergent substantiellement :

Si l’on se reporte à la jurisprudence, la Cour de cassation semble avoir opté pour la sanction de la nullité (Cass. 1ère civ. 31 janv. 1984, n°82-15.044).

Cette décision a néanmoins été rendue dans le cadre de l’application de l’article 1415 du Code civil, et plus précisément à propos d’un engagement de caution souscrit en fraude des droits du conjoint.

Il est, dans ces conditions, difficile de tirer des conclusions générales de cette décision, ce d’autant plus que la sanction naturelle de la fraude est, comme le soutiennent de nombreux auteurs, l’inopposabilité de l’acte.

En témoigne l’article 1421 du Code civil qui, s’agissant du pouvoir de gestion concurrente des biens communs dont est investi chaque époux, dispose que « les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l’autre. »

On peut ainsi en déduire que quand ces mêmes actes sont accomplis en fraude des droits du conjoint ils lui sont inopposables. C’est la thèse pour laquelle nous opinons, à l’instar de la doctrine majoritaire.

b. L’exclusion des gains et salaires

Si la nature des gains et salaires a, sous l’empire de la loi du 13 juillet 1965, été vivement discutée en doctrine, aujourd’hui il est unanimement admis qu’ils constituent des biens communs.

La Cour de cassation s’est notamment prononcée en ce sens dans un arrêt du 8 février 1978, aux termes duquel elle a affirmé, au visa de l’article 1401 du Code civil que « les produits de l’industrie personnelle des époux font partie de la communauté » (Cass. 1ère civ. 8 févr. 1978, n°75-15731).

Si, dès lors, les gains et salaires relèvent de la catégorie des biens communs, ils devraient être compris dans le gage des créanciers pour les dettes communes nées du chef d’un époux, conformément à l’article 1413 du Code civil.

Tel n’est cependant pas la solution qui a été retenue par le législateur lors de l’adoption de la loi du n° 85-1372 du 23 décembre 1985.

Sous l’empire du droit antérieur, un traitement différencié était appliqué aux gains et salaires de la femme mariée et aux revenus du travail perçus par le mari.

Tandis que les premiers pouvaient être saisis par les créanciers du ménage, car non assimilés à des biens réservés, les seconds étaient, quant à eux exclus, du gage de ces derniers.

Afin de mettre fin à cette inégalité de traitement, le législateur aurait pu, en 1985, se limiter à bilatéraliser la règle, ce qui aurait conduit à rendre saisissables les gains et salaires de chaque époux.

Ce n’est toutefois pas la voie qu’il a choisi d’emprunter. Il a, au contraire, décidé qu’il y avait lieu de les rendre insaisissables.

Cette insaisissabilité n’est pas sans limite, elle se heurte au principe de solidarité des dettes ménagères qui réintègre les gains et salaires dans le gage des créanciers du ménage.

i. Principe

==> Énoncé du principe

L’article 1414, al. 1er du Code civil prévoit que « les gains et salaires d’un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint que si l’obligation a été contractée pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, conformément à l’article 220. »

Il ressort de cette disposition que les gains et salaires sont exclus du gage des créanciers pour les dettes nées du chef d’un époux.

Deux raisons majeures ont conduit le législateur à poser cette exclusion :

Pour ces deux raisons, les gains et salaires sont donc insaisissables, à tout le moins lorsque la dette est née du chef d’un époux.

Il est indifférent que cette dette soit de nature contractuelle, délictuelle ou légale. Ce qui importe c’est qu’elle ait été souscrite :

Si ces trois conditions sont réunies, les gains et salaires du conjoint sont exclus du gage du créancier.

Encore faut-il que l’on s’entende sur la notion de gains et salaires. L’article 1414, al. 1er du Code civil vise en effet :

En dehors de ces rémunérations perçues à titre professionnel, tous les biens communs sont compris dans le gage du créancier pour les dettes nées du chef d’un époux, en ce inclus les revenus de propres.

Ces revenus ne sont autres que les fruits procurés à un époux par un bien qui lui appartient en propre.

Pour le propriétaire d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers qui lui sont réglés par son locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou encore le sésame qu’il a cultivé.

La question s’est alors posée de savoir si cette catégorie de revenus devait être traitée de la même manière que les gains et salaires, dans la mesure où, depuis un arrêt Authier rendu par la Cour de cassation dans un arrêt du 31 mars 1992, il est admis qu’ils tombent en communauté (Cass. 1ère civ. 31 mars 1992, n°90-17212).

D’aucuns ont pu le soutenir que, comme les revenus du travail, les revenus de biens propres font l’objet d’une gestion exclusive par l’époux, de sorte qu’ils devraient être soumis aux mêmes règles.

Reste que, l’article 1414 du Code civil vise expressément les gains et salaires à la différence, par exemple, de l’article 1411 du Code civil qui, s’agissant des dettes antérieures, intègrent dans le gage des créanciers les revenus sans distinguer s’il s’agit de gains et salaires ou de revenus de propres.

Cette différence de rédaction, conduit à adopter une interprétation restrictive de l’article 1411 du Code civil et donc à exclure du gage des créanciers les seuls gains et salaires pour les dettes nées du chef d’un époux.

==> Mise en œuvre du principe

Si le principe d’exclusion des gains et salaires prévu à l’article 1414 du Code civil est unanimement approuvé par la doctrine, son énonciation demeure insuffisante.

Pour que ce principe puisse être appliqué, encore faut-il que l’on soit en mesure de déterminer ce que recouvre la notion de gains et salaires. Or cette notion n’est définie par aucun texte.

Dans ces conditions, comment éviter, en raison de la fongibilité de la monnaie, que le dépôt des gains et salaires sur un compte bancaire ait pour effet de les transformer en acquêts ordinaires, ce qui aurait pour conséquence de les rendre insaisissables ?

Doit-on considérer que cette transformation s’opère après l’écoulement d’un certain délai qui commencerait à courir à compter de leur inscription en compte ?

Doit-on se focaliser, au contraire, sur la volonté de l’époux d’économiser ses revenus tirés du travail ? Comment, toutefois, établir cette volonté ? Doit-elle être présumée lorsque lesdits revenus ne sont pas consommés dans un certain délai ? Mais alors, quel délai retenir ? Et l’on en revient à la question initiale relative à la détermination de la date de transformation des gains et salaires perçus en revenus économisés.

De l’aveu même des auteurs, par essence, la notion de gains et salaires se laisse difficilement appréhender.

Aussi, est-ce ce qui a conduit le législateur à, sans se prendre au piège de la formulation d’une définition, délimiter le périmètre de la protection des gains et salaires.

Le second alinéa de l’article 1414 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque les gains et salaires sont versés à un compte courant ou de dépôt, ceux-ci ne peuvent être saisis que dans les conditions définies par décret. »

Il ressort de cette disposition que si les gains et salaires d’un époux inscrits en compte ne peuvent être saisis pour les dettes communes nées du chef de son conjoint, le montant de la somme insaisissable est plafonné.

S’agissant de la détermination de ce plafond, le texte renvoie au décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d’exécution, lequel a été codifié par le décret n°2012-783 du 30 mai 2012 à l’article R. 162-9 du Code des procédures civiles d’exécution.

Aux termes de cette disposition, lorsqu’un compte, même joint, alimenté par les gains et salaires d’un époux commun en biens, fait l’objet d’une mesure d’exécution forcée ou d’une saisie conservatoire pour le paiement ou la garantie d’une créance née du chef du conjoint, il est laissé immédiatement à la disposition de l’époux commun en biens une somme équivalant, à son choix :

La règle ainsi posée présente indéniablement l’avantage d’énoncer un critère objectif et précis d’identification des gains et salaires.

Ces derniers s’identifient donc par leur montant. Dès lors que le montant des sommes déposées sur un compte bancaire alimenté par des rémunérations du travail est inférieur à un mois de salaire, ces sommes sont insaisissables.

En revanche, lorsque le plafond est dépassé, le surplus d’argent inscrit en compte est considéré comme un acquêt ordinaire et peut, à ce titre, faire l’objet d’une saisie.

S’agissant des conditions d’application du plafond prévu par l’article R. 162-9 il s’infère du texte qu’elles sont au nombre de trois :

Si, ces conditions seront le plus souvent réunies en pratique, le créancier saisissant se heurtera néanmoins à la difficulté de la preuve.

La Cour de cassation considère, en effet, que c’est à ce dernier qu’il revient d’établir que le compte qu’il ambitionne de saisir est alimenté, au moins pour une fraction, par les gains et salaires du conjoint de son débiteur (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 3 avr. 2001, n°99-13.733).

S’agissant, enfin, du cadre procédural de la règle énoncée à l’article R. 162-9 du CPCE, il y a lieu de combiner cette disposition avec le second alinéa de l’article R. 161-4 du CPCE.

Aussi, est-ce au conjoint du débiteur qu’il échoit de solliciter la mise à disposition de ses gains et salaires dans la limite du plafond fixé par l’article R. 162-9.

Cette mise à disposition ne pourra avoir lieu avant l’expiration du délai de quinze jours pour la régularisation des opérations en cours.

Si, à l’expiration de ce délai de quinze jours, le montant des sommes demandées par le débiteur en raison de leur insaisissabilité excède le solde qui demeure disponible au compte, le complément est prélevé sur les sommes indisponibles à ce jour.

Le tiers saisi informe alors le créancier de ce prélèvement au moment de sa demande en paiement, étant précisé que, à peine d’irrecevabilité, ce dernier dispose d’un délai de quinze jours pour contester cette imputation.

ii. Limite

L’article 1414, al. 1er in fine du Code civil assortit le principe d’insaisissabilité des gains et salaires du conjoint du débiteur d’une limite.

Si, en effet, l’obligation a été contractée « pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, conformément à l’article 220 », alors les gains et salaires du conjoint pourront être réintégrés dans le gage du créancier.

Simple en apparence dans son énoncé, cette exception n’est pas sans avoir donner lieu à un débat doctrinal.

La question s’est, en effet, posée de savoir si le texte visait uniquement les dettes ménagères solidaires, ou s’il visait également les dettes ménagères non solidaires.

Quid notamment du sort des dépenses manifestement excessives qui, si elles peuvent consister en des dépenses ménagères, ne donnent pas lieu à la solidarité des époux, en application du second alinéa de l’article 220 du Code civil).

La doctrine est partagée sur ce point :

En l’état de la jurisprudence, la question n’a toujours pas été tranchée. Néanmoins, la lecture des travaux parlementaires invite à opter pour la première thèse, soit pour le cantonnement de l’exception aux seules dettes de dépenses ménagères solidaires.

c. Retrait ou transfert des pouvoirs d’un époux

En application du principe de corrélation entre les pouvoirs dont sont investis les époux et leur pouvoir d’engagement des biens, il est admis que lorsque l’un deux se voit privé, par décision, de ses pouvoirs, sur certains biens le gage des créanciers s’en trouve réduit d’autant.

L’article 220-1 du Code civil prévoit, par exemple, que « si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »

S’agissant des mesures susceptibles d’être prises, l’alinéa 2 du texte prévoit que le juge peut interdire à un époux de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles.

En cas de violation de cette interdiction, la sanction encourue c’est la nullité, de sorte que la dette contractée ne pourra pas être exécutée sur les biens engagés, peu important qu’ils soient propres ou communs.

Le gage des créanciers est encore susceptible d’être réduit lorsque, en application de l’article 1426 du Code civil, un époux est autorisé à se substituer dans l’exercice des pouvoirs de son conjoint.

Dans cette hypothèse, parce que les pouvoirs de ce dernier lui sont retirés, les dettes qu’il est susceptible de contracter ne peuvent plus être exécutoires sur les biens communs

Il en ira différemment néanmoins, pour les dettes portant sur des dépenses ménagères ou qui présentent un caractère alimentaire.

Enfin, l’article 1429 du Code civil autorise le juge à dessaisir un époux des droits d’administration et de jouissance qu’il exerce sur ses biens propres.

Dans cette hypothèse, à compter de son dessaisissement, cet époux ne pourra plus obliger que la nue-propriété de ses biens propres.

d. L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée

==> Ratio legis

Lorsqu’un entrepreneur individuel exerce, en nom propre, son activité professionnelle, il s’expose à ce que la totalité de son patrimoine – professionnel et personnel – soit saisie en cas de difficultés financières.

Jusque récemment, le seul moyen pour un entrepreneur de préserver son patrimoine personnel en limitant le gage des créanciers aux biens exploités à titre professionnel était de créer une société.

En effet, le recours à la forme sociétale répond parfaitement au souci de distinguer patrimoine professionnel et patrimoine personnel, dettes professionnelles et dettes personnelles.

Une société, personne morale distincte de l’entrepreneur, dispose d’un patrimoine propre et répond des dettes résultant de son activité. Quant au patrimoine personnel de l’entrepreneur, il demeure extérieur à l’activité professionnelle et, par conséquent, est protégé de ses aléas.

La création d’une personne morale se révèle néanmoins parfois inadaptée à l’exercice d’une activité professionnelle à titre individuel en raison de la lourdeur du formalisme et des obligations qui pèsent sur le chef d’entreprise.

Par ailleurs, des études ont révélé que la vulnérabilité de leur statut ou plutôt de leur absence de statut, ne suffisait pas à inciter les entrepreneurs individuels à faire le choix systématique de la forme sociétale. Ils sont en proie à des « freins psychologiques », que l’on peut résumer en une réticence de l’entrepreneur à constituer une personne morale distincte.

==> De l’EURL à l’EIRL

Fort de ce constat, le législateur a cherché à encourager les entrepreneurs à se tourner vers la forme sociale en simplifiant les règles de création et de fonctionnement des sociétés :

Nonobstant ces réformes successives qui visaient à encourager l’exercice de l’entreprenariat individuel au moyen d’une forme sociale, ni l’EURL ni l’insaisissabilité n’ont attiré les entrepreneurs.

Le législateur en a tiré la conséquence, qu’il convenait de changer de paradigme et d’ouvrir une brèche dans le sacro-saint principe de l’unicité du patrimoine.

Par souci de justice social et de protection de la famille des entrepreneurs exerçant en nom propre, la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 a créé le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

La particularité de ce statut, et c’est la révolution opérée par ce texte, est qu’il permet à l’entrepreneur individuel qui exerce en nom propre de créer un patrimoine d’affectation.

==> Notion de patrimoine d’affectation

L’article L. 526-6 du Code de commerce dispose que « pour l’exercice de son activité en tant qu’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 526-7. »

Ce texte autorise ainsi l’entrepreneur individuel, qui adopte le statut d’EIRL, à affecter un patrimoine à l’exercice de son activité professionnelle de façon à protéger son patrimoine personnel et familial, sans créer de personne morale distincte de sa personne.

La création d’un patrimoine d’affectation déroge manifestement aux règles posées aux articles 2284 et 2285 du Code civil, en établissant que les créances personnelles de l’entrepreneur ne sont gagées que sur le patrimoine non affecté, et les créances professionnelles sur le patrimoine affecté.

L’admission de la constitution d’un patrimoine d’affectation opère une rupture profonde avec le dogme de l’unicité du patrimoine organisé jusqu’alors par le droit civil français.

==> Conditions de création d’un patrimoine d’affectation

En application de l’article L. 526-6 du Code de commerce, la création d’un patrimoine d’affectation est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

==> Effets de la création d’un patrimoine d’affectation

La constitution d’un patrimoine d’affectation a pour effet la création d’un patrimoine professionnel séparé et distinct du patrimoine personnel de l’entrepreneur.

Ce patrimoine professionnel comportera alors un actif et un passif dont la délimitation sera déterminée par la déclaration d’affectation de l’entrepreneur individuel.

Si, la création d’un patrimoine d’affectation permet à l’entrepreneur de circonscrire le gage général de ses créanciers professionnels, les textes n’interdisent nullement que des sûretés soient constituées sur son patrimoine personnel, et en particulier des établissements de crédit que l’entrepreneur solliciterait en vue du financement ou de la trésorerie de son activité.

Ainsi, une banque peut toujours exiger, par exemple, une sûreté réelle sur la résidence principale ou la caution personnelle du conjoint de l’entrepreneur. Ce type de garanties ne s’exerce pas à la demande des fournisseurs.

Dans ces conditions, l’étanchéité des patrimoines ne peut pas être complète et les patrimoines sont distincts et non étanches l’un pour l’autre, sauf à ce que l’entrepreneur n’ait pas besoin de crédit ou bien soit en mesure de présenter des garanties suffisantes au sein de son patrimoine affecté.

Aussi, cette circonstance plaide-t-elle en faveur de la possibilité d’affecter plus que les seuls biens nécessaires, de façon à offrir aux créanciers le gage le plus étendu possible, de sorte que celui-ci puisse se suffire à lui-même.

e. La résidence principale et les biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel

i. Principe de l’insaisissabilité

Autre entorse faite par le législateur au principe d’unicité du patrimoine : l’adoption de textes qui visent à rendre insaisissable de la résidence principale et plus généralement les biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel.

Les biens couverts par cette insaisissabilité sont, en effet, exclus du gage général des créanciers, ce qui revient à créer une masse de biens protégée au sein même du patrimoine de l’entrepreneur individuel.

Cette protection patrimoniale dont jouit ce dernier a été organisée par une succession de lois qui, au fil des réformes, ont non seulement assoupli les conditions de l’insaisissabilité de la résidence principale, mais encore ont étendu son assiette aux autres biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle.

Ainsi, cette dernière loi a-t-elle renforcé la protection de ce dernier qui n’est plus obligé d’accomplir une déclaration pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité.

Reste que cette insaisissabilité, de droit, ne vaut que pour la résidence principale. S’agissant, en effet, des autres biens immobiliers détenus par l’entrepreneur et non affectés à son activité professionnelle, leur insaisissabilité est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de déclaration.

ii. Domaine

En application de l’article L. 526-1 du Code de commerce le dispositif ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs immatriculés à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante.

Il convient ainsi d’opérer une distinction entre les entrepreneurs individuels pour lesquels le texte exige qu’ils soient immatriculés et ceux qui ne sont pas assujettis à cette obligation.

Au total, le dispositif d’insaisissabilité bénéficie aux entrepreneurs individuels, au régime réel comme au régime des microentreprises, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée propriétaires de biens immobiliers exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, ainsi qu’aux entrepreneurs au régime de la microentreprise et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL).

iii. Régime

Désormais, le régime de l’insaisissabilité des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel diffère, selon qu’il s’agit de sa résidence principale ou de ses autres biens immobiliers.

==> L’insaisissabilité de la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 1er du Code de commerce dispose désormais en ce sens que « les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité de la résidence principale est de droit, de sorte qu’elle n’est pas subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration.

Le texte précise que lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.

==> L’insaisissabilité des biens immobiliers autres que la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 2e du Code de commerce prévoit que « une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. »

Ainsi, si les biens immobiliers autres que la résidence principale peuvent bénéficier du dispositif de l’insaisissabilité, c’est à la double condition que l’entrepreneur individuel accomplisse, outre les formalités d’immatriculation le cas échéant requises, qu’il accomplisse une déclaration d’insaisissabilité et qu’il procède aux formalités de publication.

Enfin, il convient d’observer que la déclaration d’insaisissabilité ne peut porter que sur les biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel.

Aussi, elle se distingue de la déclaration d’affection du patrimoine du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, laquelle porte obligatoirement sur les biens, droits, obligations ou sûretés nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle et facultativement sur les biens, droits, obligations ou sûretés utilisés dans ce cadre (cette dernière, permet d’exclure du patrimoine professionnel tous les biens mobiliers et les droits qui ne peuvent être protégés par la déclaration d’insaisissabilité).

Il en résulte que, l’entrepreneur d’une EIRL peut limiter l’étendue de la responsabilité en constituant un patrimoine d’affectation, destiné à l’activité professionnelle, sans constituer de société, étant précisé que les deux déclarations peuvent être cumulées.

iv. Effets

S’agissant de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que l’insaisissabilité, qui est ici de droit, ne produit ses effets qu’à l’encontre des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne.

Dès lors que la dette est contractée dans le cadre de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, il bénéficie du dispositif d’insaisissabilité de sa résidence principale. La date de la créance est ici indifférente.

S’agissant des biens immobiliers autres que la résidence principale, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.

Il en résulte que les dettes à caractère professionnel contractées antérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité, elles demeurent exécutoires sur l’ensemble des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel, y compris sur sa résidence principale.

En toute hypothèse, seules les dettes contractées dans le cadre d’une activité professionnelle autorisent l’entrepreneur individuel à se prévaloir de l’insaisissabilité de ses biens  immobiliers.

En outre, en application de l’article L. 526-1, al. 3 du Code de commerce, l’insaisissabilité n’est jamais opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, au sens de l’article 1729 du code général des impôts.

Par ailleurs, les effets de l’insaisissabilité et ceux de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque l’entrepreneur est attributaire du bien. Ils subsistent également en cas de décès jusqu’à la liquidation de la succession.

Enfin, en cas de cession des droits immobiliers sur la résidence principale, le prix obtenu demeure insaisissable, sous la condition du remploi dans le délai d’un an des sommes à l’acquisition par l’entrepreneur individuel d’un immeuble où est fixée sa résidence principale.

v. La renonciation

À l’analyse le dispositif d’insaisissabilité mis en place par le législateur peut avoir un impact sur l’accès au crédit, dans la mesure où la résidence principale ne fait plus d’emblée partie du gage de l’ensemble des créanciers.

C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu que l’entrepreneur individuel puisse, afin de ne pas limiter ses capacités de financement, d’y renoncer.

==> Principe

L’article L. 526-3 du Code de commerce prévoit que « l’insaisissabilité des droits sur la résidence principale et la déclaration d’insaisissabilité portant sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, non affecté à l’usage professionnel peuvent, à tout moment, faire l’objet d’une renonciation soumise aux conditions de validité et d’opposabilité prévues à l’article L. 526-2 ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité qui protège les biens immobiliers de l’entrepreneur individuel peut, sur sa décision, être levée à la faveur de créanciers avec lesquels il aurait contracté dans le cadre de son activité professionnelle.

Cette faculté de renonciation dont jouit l’entrepreneur individuel peut porter sur tout ou partie des biens.

Elle peut également être faite au bénéfice d’un ou de plusieurs créanciers désignés par l’acte authentique de renonciation.

Afin d’obtenir un prêt, il est donc possible à l’entrepreneur individuel de renoncer au profit d’une banque à l’insaisissabilité de sa résidence principale.

==> Conditions

Tout d’abord, la renonciation au dispositif d’insaisissabilité doit être effectuée au moyen d’un acte notarié à l’instar de la déclaration d’insaisissabilité.

Ensuite, l’article R. 526-2 du Code de commerce prévoir que cette renonciation doit dans un délai d’un mois, faire l’objet d’une demande d’inscription modificative au registre du commerce et des sociétés.

Enfin, lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci.

==> Révocation

La renonciation peut néanmoins, à tout moment, être révoquée dans les mêmes conditions de validité et d’opposabilité que celles prévues pour la déclaration d’insaisissabilité.

Il s’agit là d’une faculté qui peut être exercée discrétionnairement par l’entrepreneur individuel, sans que les créanciers puissent former opposition.

Cette révocation n’aura toutefois d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à sa publication.

§2: Les dettes d’emprunt et de cautionnement

Sous l’empire du droit antérieur, les dettes nées du chef d’un conjoint étaient toutes soumises au même régime juridique : elles étaient exécutoires sur les propres du débiteur et sur les biens communs, dès lors qu’il était établi que l’engagement avait été pris au cours du mariage.

Dans le cadre des travaux parlementaires qui ont donné lieu à l’adoption de la loi du 23 décembre 1985, il est une catégorie de dettes qui a attiré l’attention du législateur.

Il s’agit des emprunts et des cautionnements dont la souscription est susceptible d’avoir des conséquences financières particulièrement graves pour le ménage et représentent donc un danger pour le patrimoine familial.

Aussi, par souci de protection des intérêts de la famille, a-t-il été décidé d’instituer une exception au principe posé à l’article 1413 du Code civil.

Cette exception est énoncée à l’article 1415 du Code civil qui prévoit que « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres. »

Il ressort de cette disposition que lorsque la dette née du chef d’un conjoint consiste, soit en un emprunt, soit en un cautionnement, la dette n’est pas exécutoire sur les biens communs.

Ainsi est-ce pour un cantonnement du gage des créanciers aux seuls revenus du souscripteur de l’emprunt ou du cautionnement que le législateur a opté en 1985. Le principe ainsi énoncé est, non pas une règle de pouvoir, mais bien de passif.

En effet, l’article 1415 du Code civil ne retire, ni ne limite les prérogatives dont sont investis les époux. Ces derniers demeurent libres de souscrire, sans le consentement de l’autre, un emprunt ou un cautionnement. Cette faculté relève de la gestion concurrente, le législateur ayant écarté la cogestion pour cette catégorie d’actes. La raison en est qu’il a souhaité préserver le crédit du ménage et l’indépendance professionnelle des époux.

Pour assurer la protection du patrimoine de la famille, c’est donc une règle de passif qui a été adoptée et plus précisément une règle qui intéresse l’obligation à la dette. Le gage consenti aux créanciers est le même que celui dont bénéficient les créanciers titulaires d’une dette contractée avant le mariage ou se rattachant à une succession ou une libéralité, à la différence près toutefois que ce gage n’est pas figé.

Le dispositif prévu par l’article 1415 présente la particularité d’opérer une distinction selon que l’emprunt ou le cautionnement ont été ou non contractés avec le consentement du conjoint.

Lorsque ce consentement a été donné, les biens communs sont réintégrés dans le gage des créanciers.

Lorsque, en revanche, il fait défaut, quand bien même l’engagement d’emprunt ou de cautionnement a été pris dans l’intérêt de la famille, la dette ne sera exécutoire que sur les propres et les revenus du débiteur.

Bien que l’économie générale de l’article 1415 ne soulève pas de difficulté particulière, la règle énoncée par ce texte n’en a pas moins fait l’objet d’un contentieux abondant, tant s’agissant de son domaine d’application, que s’agissant de ses modalités de mise en œuvre.

I) Le domaine d’application de la règle excluant les biens communs du gage des créanciers pour les dettes d’emprunt et de cautionnement

Si l’application de la règle énoncée à l’article 1415 du Code civil est susceptible de conduire à exclure du gage des créanciers les biens communs, encore faut-il que l’on s’entende sur ce que recouvrent les notions d’emprunt et de cautionnement, la jurisprudence ayant fait preuve, en la matière, d’œuvre créatrice.

A) La notion d’emprunt

==> Délimitation de la notion

La souscription d’un emprunt par un époux au cours du mariage donne lieu à l’application de l’article 1415 du Code civil.

La notion d’emprunt n’est, toutefois, pas définie par le texte, ce qui conduit à s’interroger sur le sens qu’il convient de lui donner.

Deux approches sont susceptibles d’être adoptées pour appréhender cette notion :

À l’analyse, la jurisprudence semble avoir opté pour la seconde approche, en assimilant l’emprunt à une opération de crédit.

Il a ainsi été admis que l’article 1415 du Code civil puisse trouver à s’appliquer pour la souscription d’un crédit renouvelable (CA Toulouse, 23 déc. 1998) ou encore pour une autorisation de découverte en compte (Cass. 1ère civ. 6 juill. 1999, n°97-15.005).

Dans un arrêt du 22 mars 2017, la Cour de cassation a néanmoins refusé d’assimiler à un crédit la clause de révision de prix stipulée dans un acte de cession d’actions (Cass. 1ère civ. 22 mars 2017, n°16-13.365).

La question qui alors se pose est de savoir quels sont les points de chevauchement entre la notion d’emprunt, visé à l’article 1415 du Code civil, et la notion de crédit qui répond à la logique du droit bancaire.

Pour le déterminer, il convient de s’attarder un instant sur la notion de crédit. Dans son sens courant, le crédit se définit comme l’« opération par laquelle une personne met ou fait mettre une somme d’argent à disposition d’une autre personne en raison de la confiance qu’elle lui fait »[6].

Parce que le crédit suppose que les fonds avancés soient restitués à l’expiration d’un certain délai, elle entretient un lien étroit avec le prêt d’argent. Est-ce à dire que les deux opérations se confondent ?

Les auteurs s’accordent à dire qu’il n’en est rien. Garance Cattalino-Cloarec avance en ce sens que si « le prêt lorsqu’il porte sur une somme d’argent […] constitue l’archétype des contrats de crédit, [les notions] ne sauraient, répondant à des critères divergents, s’épouser entièrement »[7]. La principale distinction entre les deux opérations réside dans leurs champs d’inégale étendue.

S’agissant du crédit, comme l’a relevé François Grua, « il peut se réaliser de trois manières différentes : soit par la mise à disposition de fonds, soit par l’octroi d’un délai de paiement, soit par un engagement de garantie d’une dette »[8].

Le contrat de prêt, quant à lui, ne connaît qu’une seule forme : la mise à disposition de fonds ; encore que dans cette configuration, le prêt ne se recoupe que partiellement avec la notion de crédit.

Tandis que le crédit par mise à disposition de fonds peut consister, soit en la remise immédiate d’une somme d’argent, soit en une avance éventuelle de fonds, soit en une mobilisation de créances, le prêt ne se conçoit que sous la première de ces modalités.

Le contrat de prêt suppose, en effet, la remise de la chose concomitamment à la formation de l’acte. Quand bien même, depuis un arrêt du 28 mars 2000, il ne s’analyse plus comme un contrat réel lorsque le prêteur endosse la qualité de professionnel[9], ce basculement vers la catégorie des contrats consensuels n’a entamé, ni sa qualification, ni ses conditions de validité.

Le prêt fait naître, en toute hypothèse, à la charge du prêteur une obligation de délivrance, ce qui le différencie du crédit dont l’objet porte moins sur la remise d’une somme d’argent que sur une promesse de mise à disposition de fonds.

Michel Vasseur résume parfaitement cette idée lorsqu’il écrit que, si « tout prêt est une opération de crédit, toute opération de crédit ne se ramène pas à un prêt »[10].

Dans un arrêt du 21 janvier 2004, la Cour de cassation retient la même analyse en considérant que « l’ouverture de crédit, qui constitue une promesse de prêt, donne naissance à un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client »[11]. Le champ du crédit est donc bien plus large que celui du prêt, constat que le législateur n’a pas manqué de traduire dans les textes.

Pour mémoire, l’article 1892 du Code civil définit le prêt d’argent comme « le contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité. ».

La remise de la chose constitue bien ici l’élément central de cette définition. Il n’en va pas de même dans la définition dédiée au crédit où la mise à disposition des fonds est reléguée en arrière-plan.

Deux dispositions appréhendent la notion de crédit : l’une figure dans le Code monétaire et financier (art. L. 313-1), l’autre dans le Code de la consommation (art. L. 311-1, 6°).

En premier lieu, le Code de la consommation ne retient pas comme critère de la notion le caractère onéreux ou non de l’opération. Il en résulte que lorsqu’un professionnel consent à un consommateur un crédit à titre gratuit, les règles protectrices de la législation consumériste demeurent applicables.

Lorsque, toutefois, cette opération est conclue entre deux professionnels, l’absence de caractère onéreux du crédit constitue une cause d’exclusion de l’application du Code monétaire et financier. L’opération de crédit est de la sorte envisagée par ce code plus restrictivement que dans le Code de la consommation.

Le constat est le même lorsque, en second lieu, on poursuit la comparaison entre les deux définitions.

Tandis que le Code monétaire et financier ne vise que les opérations de mise à disposition directe de fonds (prêt, découvert en compte courant et mobilisation de créances), le code de la consommation inclut dans le champ du crédit les délais de paiements et autres facilités de caisse.

Au total, il apparaît que le crédit est une notion à contenu variable, en ce sens qu’il est appréhendé différemment selon les textes.

S’agissant de son importation en droit des régimes matrimoniaux, la notion de crédit doit être maniée avec prudence, dans la mesure où, comme relevé par la doctrine, l’article 1415 du Code civil énonce une exception au principe posé à l’article 1413. Or les exceptons sont d’interprétation stricte.

Aussi, pour être assimilée à un emprunt, l’opération de crédit doit ne devra pas trop s’écarter, dans son économie générale, des éléments essentiels qui caractérisent le prêt d’argent.

Cela suppose donc qu’elle remplisse au moins deux conditions :

Faute de réunion de ces deux conditions, le juge sera réticent à étendre le domaine de l’article 1415 du Code civil et donc à restreindre le gage des créanciers.

==> Exclusion des emprunts ménagers modestes

Si la souscription d’un emprunt par un époux a pour effet, de cantonner le gage des créanciers aux revenus de ce dernier, le principe ainsi posé n’est pas sans limite.

En effet, son application est écartée lorsque l’emprunt contracté est modeste et qu’il a pour objet le financement de dépenses ménagères. Cette restriction du domaine de l’article 1415 résulte de l’article 220 du Code civil.

L’alinéa 3e de ce texte prévoit que si, par principe, les emprunts ne donnent pas lieu à la solidarité, celle-ci peut néanmoins être rétablie si ces derniers portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.

La règle ainsi posée se combine parfaitement avec le principe énoncé à l’article 1415, du Code civil.

Si l’on exclut du gage des créanciers les biens communs lorsqu’un emprunt est souscrit par un époux seul, il est cohérent d’écarter, pour ce type d’opération, la solidarité.

On comprendrait mal qu’un époux seul ne puisse pas engager les biens communs, mais qu’il soit investi, en revanche, du pouvoir d’engager les revenus et les biens propres de son conjoint.

Aussi, lorsqu’un emprunt est souscrit, non seulement la dette n’est pas exécutoire sur les biens communs (art. 1415 C. civ.), mais encore elle ne peut pas être poursuivie sur les revenus et les biens propres du conjoint (art. 220, al. 3 C. civ.).

Lorsque toutefois l’emprunt est tout à la fois de nature ménager et porte sur une somme modeste, la solidarité des époux est rétablie, ce qui a pour effet de rendre la dette exécutoire sur les trois masses de biens, soit sur les deux masses de propres des époux et sur la masse commune.

Cette exception au principe d’exclusion des emprunts du domaine de la solidarité est issue de la loi du 23 décembre 1985 qui a entériné une solution jurisprudentielle.

Se livrant à une interprétation extensive de l’article 220 du Code civil, la Cour de cassation avait, en effet, très tôt admis que les emprunts portant sur des sommes modestes et qui visaient à pourvoir aux besoins de la vie courante du ménage pouvaient donner lieu à solidarité.

Elle a notamment statué en ce sens dans un arrêt du 24 mars 1971, après avoir relevé que, d’une part, « les prêts consentis étaient répétés et chaque fois d’importance modeste » et que d’autre part « ces prêts avaient manifestement pour objet de faire face au jour le jour aux besoins les plus pressants du ménage » (Cass. 1ère civ. 24 mars 1971, n°69-14.604).

Cette règle figure donc désormais au troisième alinéa de l’article 220 du Code civil.

Son application est néanmoins subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives :

Au total, ce n’est que si les trois conditions ci-dessus énoncées sont remplies que la solidarité des époux pourra jouer en matière d’emprunt.

Il en résultera une neutralisation de la règle énoncée à l’article 1415 du Code civil, à la faveur d’une extension du gage des créanciers à l’ensemble du patrimoine du couple marié.

B) La notion de cautionnement

1. Définition

Les emprunts ne sont pas les seules opérations susceptibles de mettre en péril les intérêts de la famille, le législateur a estimé que l’acte de cautionnement représentait également un danger pour le patrimoine du ménage.

C’est la raison pour laquelle le cantonnement du gage des créanciers opéré par l’article 1415 du Code civil joue également pour les cas où un époux souscrirait seul un engagement de caution.

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les garanties qui donnent lieu à l’application de cette disposition protectrice ? À l’analyse, à l’instar de la notion d’emprunt, la jurisprudence a adopté une approche extensive de la notion de cautionnement.

Dans son sens ordinaire, le cautionnement se définit comme le contrat par lequel une personne appelée caution s’engage envers un créancier à exécuter l’obligation de son débiteur au cas où celui-ci n’y satisferait pas lui-même.

En somme, le cautionnement consiste à octroyer au créancier un second débiteur, la caution, dont le patrimoine est affecté en garantie du paiement de la dette contractée par le débiteur principal.

Le cautionnement est régi aux articles 2288 à 2320 du Code civil. Cette sûreté présente la particularité d’être assortie d’un régime particulièrement protecteur lorsqu’elle est consentie par une personne physique.

2. Extension du domaine de l’article 1415 aux sûretés personnelles

Bien que l’article 1415 du Code civil vise expressément le cautionnement, garantie dont le domaine est parfaitement défini par le code civil, la jurisprudence a admis que ce texte pouvait également trouver à s’appliquer pour d’autres garanties.

Dans un arrêt du 20 juin 2006, la Cour de cassation a, par exemple, jugé, que l’article 1415 du Code civil était applicable à la garantie à première demande.

Au soutien de sa décision, elle affirme que comme le cautionnement, la garantie à première demande, qui est une sûreté personnelle, « consiste en un engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme déterminée, et est donc de nature à appauvrir le patrimoine de la communauté » (Cass. 1ère civ. 20 juin 2006, n°04-11.037).

Dans un arrêt du 4 février 1997, la Chambre commerciale a tenu le même raisonnement pour l’aval donné en garantie d’un billet à ordre (Cass. com. 4 févr. 1997, n°94-19.908)

À cet égard, l’aval se définit comme l’engagement pris par une personne de régler tout ou partie d’un effet de commerce (lettre de change, billet à ordre, etc.), à l’échéance, en cas de défaut de paiement du débiteur garanti.

L’aval se rapproche de la garantie à première demande et du cautionnement en ce qu’il consiste en l’adjonction au rapport d’obligation principal existant d’un rapport d’obligation accessoire qui confère au créancier un droit de gage général sur le patrimoine du garant en cas de défaillance du débiteur initial

C’est parce que, fondamentalement, l’aval et la garantie à première demande ont le même mode de fonctionnement que le cautionnement que la Cour de cassation a considéré qu’il y avait lieu de les assujettir au régime de l’article 1415 du Code civil.

Cette extension du dispositif prévu par ce texte est néanmoins demeurée cantonnée au domaine des sûretés personnelles.

La Cour de cassation a ainsi refusé de faire application de l’article 1415 à l’engagement pris par un associé de souscrire des parts sociales dans une société à risque illimitée.

Dans un arrêt du 17 janvier 2006, elle a affirmé en ce sens que « le contrat de société civile, qui fait naître à la charge de l’associé une obligation subsidiaire de répondre indéfiniment des dettes sociales à proportion de sa part dans le capital, ne saurait être assimilé à un acte de cautionnement » (Cass. 1ère civ. 17 janv. 2006, n°02-16.595).

En l’espèce, l’enjeu portait sur la question de savoir si l’associé d’une SNC pouvait opposer aux créanciers sociaux l’application de l’article 1415 du Code civil.

À cet égard, le créancier de la société envisageait de saisir les biens communs du couple.

Pour la Cour de cassation, l’article 1415 du Code civil n’était pas applicable dans la mesure où l’engagement pris par l’associé en nom collectif ne s’analysait nullement en un acte de cautionnement.

Un auteur justifie cette solution en arguant que « s’il est vrai que le contrat de société à risque illimité a en commun avec le cautionnement de donner, éventuellement, naissance à une obligation de payer la dette d’autrui, en revanche, il s’en distingue fondamentalement par son effet spéculatif résultant d’une recherche directe, par la mise en commun de biens ou d’industrie, d’un bénéfice ou d’une économie qui profitera à la communauté et qui justifie que cette dernière en supporte les risques »[12].

Aussi, cette différence fondamentale qui existe entre le contrat de société et le contrat de cautionnement expliquerait-elle pourquoi dans le premier la communauté doive répondre des dettes nées de ce contrat et que, pour le second, elle échappe au droit de gage général du créancier bénéficiaire de la garantie.

3. Exclusion du domaine de l’article 1415 des sûretés réelles

Tel n’est pas le cas, en revanche, des sûretés réelles qui consistent en l’affectation, non pas d’un patrimoine en garantie de la dette d’autrui, mais d’un bien au paiement préférentiel du créancier.

Autrement dit, elles se caractérisent par l’affectation spéciale et prioritaire d’un ou plusieurs éléments d’actif du débiteur en garantie de l’obligation souscrite. Parmi les sûretés réelles on distingue les sûretés réelles immobilières des sûretés réelles mobilières.

Parce que celui qui constitue une sûreté réelle ne contracte pas un engagement personnel auprès du créancier, mais lui consent un droit réel – accessoire – sur un bien dont il est propriétaire, la jurisprudence refuse d’étendre l’application de l’article 1415 du Code civil à cette catégorie de garantie.

Dans un arrêt du 22 septembre 2016, la Cour de cassation a ainsi validé la décision d’une Cour d’appel qui avait refusé d’appliquer l’article 1415 à un nantissement de meuble incorporel constitué par un époux au motif qu’il consiste en « une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers, laquelle n’implique aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui et n’est pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas » (Cass. 1ère civ. 22 sept. 2016, n°15-20.664).

Si l’exclusion des sûretés réelles du domaine de l’article 1415 a toujours été très majoritairement admise, tant par la doctrine, que par la jurisprudence, tel n’est pas le cas de ce que l’on appelle le cautionnement réel.

4. La controverse portant sur le cautionnement réel

Une controverse est née s’agissant de l’application de l’article 1415 du Code civil au cautionnement réel qui est une garantie présentant une nature hybride.

Compte tenu de cette double facette qui caractérise le cautionnement réel, on s’est interrogé sur la possibilité de le soumettre, par extension, au dispositif prévu par l’article 1415 du Code civil.

La position de la Cour de cassation sur cette question a connu plusieurs évolutions.

==> Première étape

Dans un premier temps, la Cour de cassation a jugé que la règle énoncée par l’article 1415 du Code civil était pleinement « applicable à la caution réelle » (Cass. 1ère civ. 11 avr. 1995, n°93-13.629).

Elle en déduit, dans l’affaire qui lui était soumise, que le nantissement constitué par le mari sur des titres dépendant de la communauté était nul, faute d’avoir obtenu l’accord préalable de son épouse.

En faisant application de l’article 1415 du Code civil, la Première chambre civile assimile donc le cautionnement réel au cautionnement personnel, à tout le moins elle lui applique la même règle.

D’aucuns ont justifié cette position en avançant qu’il y avait lieu de faire application du principe ubi lex non distinguit : là où la loi ne distingue pas, nous ne devons pas distinguer.

Autrement dit, dans la mesure où l’article 1415 du Code civil n’opère aucune distinction, tous les cautionnements seraient visés par le texte. Or le cautionnement réel constituerait une variété à part entière de cautionnement.

Bien que cette solution soit séduisante en ce qu’elle vise à protéger le ménage de l’accomplissement par un époux seul d’actes graves, elle n’est pas à l’abri des critiques.

La position adoptée par la Cour de cassation conduit, en effet, à dénaturer la sanction attachée à la violation de l’article 1415 du Code civil.

Contrairement à ce qui est suggéré par l’arrêt du 11 avril 1995, la règle énoncée par cette disposition consiste, non pas en une règle de pouvoir, mais en une règle de passif.

La conséquence en est que lorsqu’un époux se porte caution sans avoir obtenu, au préalable, l’accord de son conjoint, la sanction devrait être le cantonnement du gage des créanciers.

En aucun cas, le législateur n’a entendu sanctionner la violation de la règle par la nullité de l’acte litigieux.

Il suffit pour s’en convaincre de relire l’article 1415 qui prévoit expressément que « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ».

Si la sanction consistant à réduire le gage du créancier ne soulève pas de difficulté lorsque l’acte accompli en dépassement des pouvoirs d’un époux est un cautionnement personnel, la mise en œuvre de cette sanction devient bien moins évidente, sinon impossible, en présence d’un cautionnement réel.

Au bilan, si la solution retenue dans l’arrêt du 11 avril 1995 se justifie à certains égards pour les raisons ci-avant exposées, elle n’en reste pas moins critiquable en ce qu’elle conduit à dénaturer la sanction prévue par l’article 1415 du Code civil.

La Première chambre civile n’est manifestement pas restée insensible aux critiques émises par une frange importante de la doctrine puisque, quelques années plus tard, elle est revenue sur sa position, à tout le moins lui a apporté un ajustement.

==> Deuxième étape

Par trois arrêts rendus en date du 15 mai 2002, la Cour de cassation a jugé que si « le nantissement constitué par un tiers pour le débiteur est un cautionnement réel soumis à l’article 1415 du Code civil », le créancier n’en reste pas moins autorisé à exercer ses poursuites sur les biens propres et les revenus de la caution.

Plus précisément, elle affirme dans cette décision que « dans le cas d’un tel engagement consenti par un époux sur des biens communs, sans le consentement exprès de l’autre, la caution, qui peut invoquer l’inopposabilité de l’acte quant à ces biens, reste seulement tenue, en cette qualité, du paiement de la dette sur ses biens propres et ses revenus dans la double limite du montant de la somme garantie et de la valeur des biens engagés, celle-ci étant appréciée au jour de la demande d’exécution de la garantie ; qu’ainsi l’arrêt est légalement justifié » (Cass. 1ère civ. 15 mai 2002, n°00-15.298).

À l’analyse, la Première chambre civile raisonne ici en deux temps :

Comme relevé par les auteurs, il se dégage de la solution retenue par la Cour de cassation « une conception double du cautionnement réel, composé à la fois d’une sûreté réelle et d’un engagement personnel »[1].

Selon cette conception, le cautionnement réel aurait pour effet, outre la constitution d’une sûreté sur le bien donné en garantie, de créer un engagement personnel au profit du créancier qui, faute de pouvoir exercer ses poursuites sur le bien grevé, pourrait les rediriger vers la caution qui donc serait tenue sur son patrimoine.

Cette approche présente indéniablement l’avantage de concilier la sanction prévue par l’article 1415 du Code civil, qui consiste à cantonner le gage du créancier, avec la particularité du cautionnement réel dont l’assiette se limite à un ou plusieurs biens déterminés.

Bien que séduisante, là encore la solution retenue par la Cour de cassation n’est pas totalement satisfaisante. Elle fait fi, en effet, du caractère exprès du cautionnement personnel.

L’ancien article 2292 du Code civil, devenu l’article 2294 prévoyait que « le cautionnement ne se présume point, il doit être exprès ».

Autrement dit, pour que les biens propres et les revenus de la caution réelle puissent être inclus dans le gage du créancier, encore faut-il que l’époux souscripteur de la garantie ait expressément donné son accord.

Certes il a agi en dépassement de ses pouvoirs. Si toutefois l’on admet que le créancier est investi d’un droit de gage général sur le patrimoine de l’époux caution, c’est que l’on considère que ce dernier est, d’une certaine façon, tenu au titre d’un cautionnement personnel.

Or la conclusion de cette variété de cautionnement requiert un engagement exprès de la caution.

Pour cette raison, les arrêts rendus par la Cour de cassation ont été vivement critiqués par une doctrine quasi unanime.

Si, dans un premier temps, la Chambre commerciale a adhéré à la solution adoptée par la Première Chambre civile (V. en ce sens Cass. com. 13 nov. 2002, n°95-18.994), son ralliement fut de courte durée.

Moins d’un an plus tard, la Chambre commerciale, dans une affaire où l’application de l’article 1415 n’était pas en cause, est revenue à une conception classique du cautionnement réel.

Dans un arrêt du 24 septembre 2003, elle a jugé en ce sens que « le nantissement d’un fonds de commerce consenti en garantie de la dette d’un tiers est une sûreté réelle qui n’a pas pour effet de faire peser sur le propriétaire du fonds une obligation personnelle au paiement de cette dette » (Cass. com. 24 sept. 2003, n°00-20.504).

Pour la chambre commerciale, la conclusion d’un cautionnement réel n’emporte donc pas création d’un engagement personnel de la caution, ce qui dès lors interdit au créancier d’exercer ses poursuites sur un bien autre que celui donné en garantie.

==> Troisième étape

En réaction à la divergence de positions qui s’était installée entre la Première chambre civile et la Chambre commerciale, la Cour de cassation s’est réunie en chambre mixte aux fins de définitivement trancher le débat.

À cet égard, par un arrêt rendu le 2 décembre 2005, elle a considéré « qu’une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui et n’étant pas dès lors un cautionnement » (Cass. ch. Mixte, 2 déc. 2005, n°03-18.210).

Il ressort de cette décision que la chambre mixte ne retient finalement aucune des solutions qui avaient été adoptées par les deux chambres en conflit.

Elle opère, au contraire, un revirement de jurisprudence en refusant de faire application de l’article 1415 du Code civil au cautionnement réel.

Pour la Cour de cassation, cette garantie ne saurait être assimilée au cautionnement personnel, seul visé par le texte. Elle évite d’ailleurs soigneusement de la désigner sous le nom de « cautionnement réel ». Elle lui préfère le qualificatif de « sûreté réelle ».

Les auteurs ont interprété cette éviction du terme « cautionnement réel » comme traduisant la volonté de la Cour de cassation de le « bannir de l’arsenal des concepts juridiques »[2].

Ainsi, pour la haute juridiction, la garantie consistant à affecter un bien déterminé au paiement préférentiel de la dette d’un tiers, ne présenterait aucun caractère hybride. Elle s’analyserait en une simple sûreté réelle. Les règles du cautionnement lui seraient dès lors inapplicables.

Cette position adoptée par la chambre mixte, qui sera reconduite à plusieurs reprises (V. en ce sens notamment Cass. 3e civ. 15 févr. 2006, n°04-19.847 ; Cass. 1ère civ. 20 févr. 2007, n°06-10.217) ne peut qu’être approuvée.

L’affectation d’un bien en garantie de la dette d’un tiers ne saurait emporter création d’un engagement personnel.

Quant à l’article 1415 du Code civil, la sanction qu’il prévoit ne peut jouer qu’en présence d’un cautionnement personnel.

Le seul inconvénient que l’on peut trouver à l’interprétation restrictive de ce texte c’est qu’elle conduit à refuser une protection à l’époux dont le conjoint affecterait en garantie, sans son accord, un bien commun à la dette d’un tiers. Or cet acte est susceptible de priver le ménage d’un actif important.

Cette situation n’est pas sans avoir attiré l’attention du législateur qui a cherché à y remédier à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance du 23 mars 2006.

Celui-ci a entendu consacrer la solution retenue par la Chambre mixte de la Cour de cassation dans son arrêt du 2 septembre 2005.

 A cette fin, il a complété :

Par ces deux ajouts, il a ainsi été mis fin aux difficultés d’interprétation suscitées par la notion de « cautionnement réel » en jurisprudence.

En soumettant notamment la conclusion d’un cautionnement réel au principe de cogestion, le législateur confirme que, non seulement cette garantie ne relève pas de l’article 1415 du Code civil, mais encore qu’elle est étrangère au concept de cautionnement personnel.

Surtout, le législateur est ainsi venu confirmer que la protection du patrimoine familial contre un cautionnement réel qui aurait été souscrit par un époux seul devait être assurée, non pas par une règle de passif, mais par une règle de pouvoir.

II) La mise en œuvre de la règle excluant les biens communs du gage des créanciers pour les dettes d’emprunt et de cautionnement

L’article 1415 du Code civil prévoit donc que, en cas de souscription d’un emprunt ou d’un cautionnement par un époux seul, le gage des créanciers est cantonné aux revenus de ce dernier, à moins, précise le texte, « que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres. »

Ainsi, l’étendue du gage des créanciers varie selon que le conjoint a ou non donné son consentement à l’opération.

À ces deux situations envisagées traitées par l’article 1415, il y a lieu d’en envisager une troisième. Il s’agit de l’hypothèse où le conjoint ne fait pas que consentir à l’acte d’emprunt ou de cautionnement : il y souscrit.

A) Le conjoint ne consent pas à l’acte d’emprunt ou de cautionnement

1. Validité de l’engagement pris

Tout d’abord, il peut être observé que l’article 1415 du Code civil n’interdit en aucune manière un époux de contracter seul un emprunt ou un cautionnement.

Si le doute existait, cette disposition vient au contraire confirmer que la souscription d’un tel engagement par un époux est pleinement valable.

La conséquence attachée à l’absence d’accord du conjoint, c’est seulement le cantonnement du gage des créanciers.

Il s’agit là d’une exception au principe de corrélation entre le pouvoir de gestion et le pouvoir d’engagement.

Cette exception se justifie par la volonté du législateur de protéger le patrimoine conjugal contre des engagements susceptibles d’emporter des conséquences pécuniaires graves.

2. Cantonnement du gage des créanciers

==> Principe général

L’article 1415 du Code civil prévoit que lorsqu’un époux contracte un emprunt ou un cautionnement sans l’accord de son conjoint, il n’oblige que ses biens propres et ses revenus.

Il en résulte qu’il est fait interdiction aux créanciers :

En de violation de l’interdiction de saisie, la jurisprudence estime qu’il y a lieu à restitution du bien indûment saisi (Cass. 1ère civ. 20 mai 2003, n°01-12.436).

Dans un arrêt du 18 février 2003, la Cour de cassation a précisé qu’il était indifférent que le paiement de la dette au moyen des deniers communs procède d’une action volontaire de l’époux débiteur : le conjoint est fondé à réclamer leur restitution (Cass. 1ère civ. 18 févr. 2003, n°00-21.362)

S’agissant de la violation par les créanciers de l’interdiction de constituer une sûreté réelle sur les biens communs, elle est sanctionnée par l’inefficacité de la garantie prise par le créancier.

À cet égard, le cantonnement du gage des créanciers perdure aussi longtemps que la communauté n’est pas définitivement liquidée.

Dans un arrêt du 28 mars 2008, la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’insaisissabilité des biens communs produit ses effets y compris lorsque, après que la communauté a été dissoute, le bien est devenu indivis (Cass. 1ère civ. 28 mars 2008, n°07-13.388).

Quant à l’étendue du cantonnement, elle est circonscrite aux seuls biens propres et aux revenus du souscripteur de la dette d’emprunt ou de cautionnement.

Si l’identification de la première catégorie de biens ne soulève pas de réelle difficulté, plus délicate est la détermination du périmètre de la seconde catégorie. Que recouvre la notion de revenus ?

==> Identification des revenus

Si donc les revenus peuvent être saisis par les créanciers de l’époux qui a souscrit un emprunt ou un cautionnement sans l’accord de son conjoint, encore faut-il déterminer ce que recouvre cette notion.

En premier lieu, de l’avis général des auteurs, les revenus comprennent :

En second lieu, pour être saisissables, il est indifférent que les revenus de l’époux soient au stade de simple créance ou qu’ils aient été perçus.

Reste que, une difficulté survient, au stade de la perception, lorsque les revenus consistent en une somme d’argent, ce qui sera le cas la plupart du temps.

En effet, l’argent est une chose fongible. Lorsque, dès lors, il est mélangé avec d’autres sommes d’argent, il devient difficile de l’individualiser.

La question qui a alors se pose est de savoir si le dépôt de revenus sur un compte bancaire n’a pas pour effet de les rendre insaisissables.

En somme, leur inscription en compte n’aurait-elle pas pour effet de leur faire perdre leur nature de revenus et de les transformer en acquêts ordinaires s’ils sont notamment mélangés avec des deniers communs ?

À l’analyse, l’article 1415 du Code civil est silencieux sur ce point. Aussi, est-ce vers la jurisprudence qu’il convient de se tourner.

Pour la Cour de cassation, pour que des revenus soient saisissables, il appartient au créancier de démontrer qu’ils ont été déposés sur un compte exclusivement alimenté par des revenus (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 3 avr. 2001, n°99-13733).

Dans un arrêt du 14 janvier 2003, elle a également précisé que le créancier devait démontrer que les revenus perçus par l’époux débiteur ne se sont pas transformés en acquêts ordinaires (Cass. 1ère civ. 14 janv. 2003, n°00-16078). Tel sera le cas lorsqu’ils auront été économisés.

Cette dernière exigence posée par la jurisprudence n’est pas sans soulever une difficulté de mise en œuvre.

La notion d’économie n’est définie par aucun texte. Dans ces conditions, comment déterminer la date à compter de laquelle les revenus se transforment en acquêts ordinaires et, par voie de conséquence, ne sont plus saisissables ?

Est-ce à partir du moment où ils sont inscrits sur un compte bancaire ? Cette situation se rencontrera néanmoins, en pratique, presque systématiquement,

Doit-on se focaliser, au contraire, sur la volonté de l’époux d’économiser ses revenus ? Comment, toutefois, établir cette volonté ? Doit-elle être présumée lorsque lesdits revenus ne sont pas consommés dans un certain délai ? Mais alors, quel délai retenir ? Et l’on en revient à la question initiale relative à la détermination de la date de transformation des revenus perçus en revenus économisés.

De l’aveu même d’André Colomer la définition de la notion d’économie se laisse difficilement appréhender.

Aussi, est-ce la raison pour laquelle des auteurs ont suggéré une autre approche pour identifier les revenus saisissables.

D’aucuns ont proposé de faire une application, par analogie, de la règle énoncée à l’article 1414 du Code civil.

Cette disposition prévoit que les gains et salaires d’un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint.

Le montant de la somme insaisissable est toutefois plafonné par l’alinéa 2 du texte qui, pour la détermination de ce plafond, renvoie au décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d’exécution.

Aux termes de l’article 48 de ce décret lequel a été codifié par le décret n°2012-783 du 30 mai 2012 à l’article R. 162-9 du Code des procédures civiles d’exécution, lorsqu’un compte, même joint, alimenté par les gains et salaires d’un époux commun en biens, fait l’objet d’une mesure d’exécution forcée ou d’une saisie conservatoire pour le paiement ou la garantie d’une créance née du chef du conjoint, il est laissé immédiatement à la disposition de l’époux commun en biens une somme équivalant, à son choix :

La règle ainsi posée présente indéniablement l’avantage d’énoncer un critère objectif et précis d’identification des gains et salaires.

Ces derniers s’identifient donc par leur montant. Dès lors que le montant des sommes déposées sur un compte bancaire alimenté par des rémunérations du travail (ou substituts) est inférieur à un mois de salaire, ces sommes sont insaisissables.

En revanche, lorsque le plafond est dépassé, le surplus d’argent inscrit en compte est considéré comme un acquêt ordinaire et peut, à ce titre, faire l’objet d’une saisie.

L’application du critère énoncé par l’article 1414 du Code civil dans le cadre de la mise en œuvre du droit de poursuite des créanciers personnelles d’un époux permettrait manifestement de surmonter la difficulté tenant à l’identification des revenus saisissables.

Dans un arrêt du 17 février 2004, la Cour de cassation a néanmoins jugé que « le cantonnement prévu par l’article 1414, alinéa 2, du Code civil, qui protège les gains et salaires d’un époux commun en biens contre les créanciers de son conjoint, n’est pas applicable en cas de saisie, sur le fondement de l’article 1415 qui protège la communauté, d’un compte bancaire alimenté par les revenus des époux » (Cass. 1ère civ. 17 févr. 2004, n°02-11039).

Il n’est donc pas possible de transposer le critère d’identification des gains et salaires aux revenus visés par 1415 du Code civil.

Pour saisir les revenus de l’époux qui a souscrit seul une dette d’emprunt ou de cautionnement, le créancier poursuivant devra donc être en mesure de démontrer :

3. Titularité du droit d’opposer l’absence consentement aux créanciers

Si l’absence de consentement du conjoint quant à la souscription d’un emprunt ou d’un cautionnement par un époux seul a pour effet de cantonner le gage des créanciers, la question s’est posée de savoir qui était en mesure de se prévaloir de ce cantonnement.

S’il ne fait aucun doute que le conjoint qui n’a pas consenti à l’acte est recevable à opposer ce moyen de défense aux créanciers, qu’en est-il de l’époux souscripteur de la dette ?

Dans un premier temps, la Cour de cassation a refusé ce droit à ce dernier, considérant que cette faculté était réservée au seul conjoint (Cass. 1ère civ. 26 mai 1999, n°97-13.268).

Dans un second temps, la première chambre civile est revenue sur sa position considérant que les deux époux étaient fondés à se prévaloir de la protection instituée à l’article 1415 du Code civil (Cass. 1ère civ. 15 mai 2002, n°99-21.464).

La Cour de cassation a, en revanche, fermé cette voie de droit aux tiers (Cass. 1ère civ. 14 janv. 2003, n°00-16.078).

B) Le conjoint consent à l’acte d’emprunt ou de cautionnement

==> Validité de l’engagement pris

Ainsi qu’il l’a été rappelé ci-dessous, la souscription d’un emprunt ou d’un cautionnement par un époux seul est pleinement valable.

Il en résulte qu’il est indifférent que le conjoint ait ou non donné son consentement à l’acte.

L’accord de celui-ci aura seulement pour effet de lever le cantonnement du gage des créanciers opéré par la règle énoncée à l’article 1415 du Code civil.

==> Étendue du gage des créanciers

Lorsque, dès lors, le conjoint de l’époux qui contracte seul un emprunt ou un cautionnement consent à l’acte, cet accord a pour effet de réintégrer les biens communs dans le gage des créanciers.

Concrètement, cela signifie que ces derniers seront autorisés à poursuivre leur dette sur :

S’agissant des biens communs, la question s’est posée de savoir si la dette d’emprunt ou de cautionnement n’était pas exécutoire sur les revenus du conjoint.

En effet, en cas d’accord de celui-ci, l’article 1415 prévoit qu’il « n’engage pas ses biens propres ».

Compte tenu de ce que les revenus des époux sont des biens communs, est-ce à dire que, à l’instar des acquêts ordinaires, ils sont réintégrés dans le gage des créanciers ?

S’agissant des revenus de propres du conjoint, il est admis qu’ils peuvent faire l’objet d’une saisie par les créanciers. La raison en est que ces derniers sont toujours engagés lorsqu’une dette est contractée au cours du mariage par un époux seul.

S’agissant, en revanche, des gains et salaires, la question est plus délicate dans la mesure où pour les dettes nées du chef d’un époux l’article 1414 du Code civil les exclut expressément du gage des créanciers.

Cette disposition prévoit en ce sens que « les gains et salaires d’un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint que si l’obligation a été contractée pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, conformément à l’article 220. »

Une lecture littérale de l’article 1415 du Code civil devrait conduire à faire fi de cette exclusion qui ne semble s’appliquer que pour les dettes ordinaires.

Or les dettes d’emprunt et de cautionnement jouissent d’un statut spécifique qui pourrait justifier qu’on leur applique un traitement différencié.

Reste que, la solution serait sévère pour le conjoint qui a seulement consenti à l’acte d’emprunt ou de cautionnement. À cet égard, cela reviendrait à accorder une protection moindre au conjoint pour ces types d’engagements alors que le danger qu’ils représentent est bien plus grand.

La doctrine majoritaire est favorable à une exclusion du gage des créanciers des gains et salaires du conjoint, dans la mesure où il a seulement donné son consentement à l’acte.

Quant à la jurisprudence, elle ne s’est pas encore explicitement prononcée sur ce point.

Dans un arrêt du 22 février 2017, la Cour de cassation a certes jugé que, s’agissant de l’appréciation de la proportionnalité d’un cautionnement, il y avait lieu de tenir compte des gains et salaires du conjoint (Cass. 1ère civ. 22 févr. 2017, n°15-14.915).

Il est néanmoins toujours difficile de transposer la solution dégagée dans une décision pour répondre à une problématique différente de celle soumise au juge qui a rendu cette décision.

==> Forme du consentement

L’article 1415 du Code civil prévoit que pour que le cantonnement du gage des créanciers soit levé, le consentement du conjoint doit être « exprès ».

Cela signifie que l’accord donné ne peut être tacite ou implicite (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 nov. 1997, n°94-20.788).

À cet égard, la seule connaissance du conjoint de l’opération ne vaut pas accord exprès (Cass. 1ère civ. 1er déc. 2010, n°09-15.669).

Pour être valable, le consentement doit donc avoir été exprimé par écrit, soit dans l’acte d’emprunt ou de cautionnement lui-même, soit par acte séparé.

Dans un arrêt du 13 novembre 1996, la Cour de cassation a précisé que l’accord du conjoint n’est pas soumis à l’exigence de la mention manuscrite prévue par l’article 1376 du Code civil (Cass. 1ère civ. 13 nov. 1996, n°94-12.304).

Quant au moment de l’accord du conjoint, il doit intervenir au plus tard au jour de la régularisation de l’acte d’emprunt ou de cautionnement (Cass. 1ère civ. 3 juin 1997, n°94-20.788).

C) Le conjoint souscrit à l’acte d’emprunt ou de cautionnement

Lorsque le conjoint donne son accord à la conclusion d’un emprunt ou d’un cautionnement, il y a lieu de bien mesurer la portée de son consentement.

Ce consentement peut signifier :

La première difficulté consistera alors à déterminer quelle a été l’intention du conjoint.

En pratique, il peut être observé que les créanciers – et notamment le banquier – exigeront systématiquement l’engagement du conjoint.

Lorsque cet engagement est établi, il y a lieu de distinguer selon que le consentement des époux s’exprime dans des actes séparés ou dans un acte unique.

En synthèse :

[1] V. en ce sens A. Martin-serf, « Être ou ne pas être dans la procédure collective », RJ com. 1996

[2] I. Dauriac, Les régimes matrimoniaux et le PACS, éd. LGDJ, 2010, n°494, p. 304

[3] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°416, p. 324.

[4] J. Flour et Gérard Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, éd. 2001, n°126, p. 119.

[5] V. en ce sens J. Patarin et G. Morin, La réforme des régimes matrimoniaux, t. 1, Defrenois, 4e éd. 1977, n°231.

[6] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 249, v. « crédit ».

[7] V. notamment en ce sens G. Cattalano-Cloarec, Le contrat de prêt, éd. LGDJ, 2015, coll. « Bibliothèque de droit privé », T. 564, n°544, p.350 ;

[8] F. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n°324.

[9] Cass. 1ère civ. 28 mars 2000 ; Bull. civ. 2000, I, n° 105 ; JCP G 2000, II, 10296, concl. J. Sainte-Rose ; JCP N 2000, p. 1270, note D. Lochouarn ; D. 2000, somm. p. 358, obs. P. Delebecque ; H. Capitant, F. Terré et Y. Lequette, Grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 2 : Dalloz, 12e éd., n° 270.

[10] M. Vasseur, institutions bancaire, fasc. I-A, in Droit et économie bancaires, Les cours du droit, 4e éd., 1985-1986, p. 74.

[11] Cass. com., 21 janv. 2004, Bull. civ. 2004, IV, n° 13 ; D. 2004, p. 498, obs. V. Avena-Robardet et p. 1149, Ch. Jamin ; JCP G 2004, II, 100062, note S. Piedelièvre ; JCP E 2004, 649, note O. Salati ; RTD com. 2004, p. 352, obs. D. Legeais.

[12] F. Bicheron, « L’obligation aux dettes sociales de l’associé d’une société à risque illimité et l’article 1415 du code civil », D., 2006, 2660.

[13] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°483, p. 455.

Quitter la version mobile