Site icon Gdroit

Régime de communauté: l’incidence de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du conjoint du débiteur

==> Principe générale

Tandis que l’article 1421 du Code civil confère à chacun des époux le pouvoir « d’administrer seul les biens communs et d’en disposer », l’article 1413 leur octroie le pouvoir de les engager.

Cette disposition énonce en ce sens que « le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs ».

Ainsi, lorsqu’une dette naît du chef d’un seul époux, elle est, par principe, exécutoire sur les biens communs ordinaires.

Il est indifférent que la dette ait été contractée par l’un ou l’autre époux, pourvu qu’elle soit née au cours du mariage et qu’elle ne résulte pas d’une succession ou d’une libéralité.

Les époux sont ainsi placés sur un pied d’égalité s’agissant de la souscription de dettes inscrites au passif provisoire de la communauté. Cette prérogative ne relève donc plus du monopole du mari.

Quant aux biens communs susceptibles d’être saisis, leur origine importe peu. Ils peuvent être engagés par un époux alors même qu’ils sont entrés en communauté du chef du conjoint. La seule exigence est que le bien soit inscrit à l’actif commun.

À cet égard, la présomption de communauté jouera en faveur des créanciers, dans la mesure où, conformément à l’article 1402 du Code civil, c’est à l’époux qui se prévaut de la propriété d’un bien que revient la charge de prouver que ce bien lui appartient en propre.

Comme souligné par Isabelle Dauriac, « en faisant de la masse commune le gage indifférencié de tous les créanciers apparus durant le régime, sans distinction aucune, l’article 1413 consacre l’égalité et la concurrence de ces derniers ».

Autrement dit, aucune hiérarchie n’est instaurée entre les créanciers du couple. La nature contractuelle ou délictuelle de la dette ne leur confère aucun droit de priorité quant à l’exercice de leurs poursuites. Il en va de même du caractère professionnel ou non de la dette qui est sans incidence sur leur statut.

Le seul privilège dont un créancier peut se prévaloir est celui qui est susceptible de lui être conféré par la sûreté réelle qu’il se sera fait consentir sur un ou plusieurs biens communs.

Cette égalité qui préside aux rapports que les créanciers du couple marié entretiennent entre eux quant à l’exercice de leur droit de poursuite sur la masse commune est particulièrement marquée lorsqu’une procédure collective est ouverte à l’encontre d’un époux.

En effet, en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou encore de liquidation judiciaire, l’application de l’article 1413 du Code civil conduit à inclure dans le périmètre de la procédure les biens communs.

Il en résulte que les créanciers de l’époux débiteur sont soumis à une discipline collective.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

Si cette discipline collective se justifie pleinement lorsqu’elle vise les créanciers du débiteur, plus délicate est la question de savoir si elle peut être imposée aux créanciers du conjoint in bonis, par souci d’égalité.

==> Position du problème

Le conjoint de l’époux contre lequel une procédure collective est ouverte est, en effet, susceptible de contracter, de son côté, des dettes qui seront également exécutoires sur les biens communs.

Dans cette situation, les créanciers de la procédure et les créanciers du conjoint in bonis entrent donc en concours sur une même masse de biens : la communauté.

Parce que les créanciers du conjoint in bonis ne font l’objet d’aucune procédure collective, conformément à l’article 1413 du Code civil, ils devraient néanmoins pouvoir exercer leurs poursuites sur la masse commune sans entrave.

Autrement dit, ils ne devraient pas avoir à se soumettre à la discipline collective à laquelle sont assujettis les créanciers qui participent à la procédure ouverte à l’encontre de l’autre époux.

Admettre que les créanciers du conjoint in bonis puissent se soustraire à cette discipline collective est toutefois de nature à compromettre, sinon ruiner les chances de succès de la procédure collective.

À l’analyse, il y a là deux dispositifs antagonistes qui s’affrontent :

Manifestement, la conciliation entre droit des régimes matrimoniaux et le droit des entreprises en difficulté apparaît pour le moins difficile.

Reste que, compte tenu de l’enjeu, une solution doit être trouvée pour régler le concours des créanciers de la procédure collective avec ceux du conjoint in bonis.

Tandis que la doctrine est divisée sur cette question, la jurisprudence a connu une évolution hésitante.

==> Evolution de la jurisprudence

Au bilan, il apparaît que l’évolution de la jurisprudence tend vers un alignement du régime applicable aux créanciers de l’époux in bonis sur le régime auxquels sont soumis les créanciers de la procédure.

Bien que cet alignement se justifie au regard de la nécessité de ne pas ruiner les chances de réussite de la procédure collective ouverte à l’encontre du conjoint, elle n’en est pas moins critiquable à maints égards.

Pour Isabelle Dauriac, « le crédit, y compris hypothécaire, du conjoint in bonis ressort irrémédiablement affecté de la collision du droit des entreprises en difficulté et de l’article 1413 »[2].

Parce que les solutions adoptées par la jurisprudence « sont de nature à discréditer davantage encore le régime de la communauté » certains auteurs suggèrent d’étendre la procédure collective au conjoint commun en biens ce qui « permettrait du moins à celui-ci de bénéficier de ses bienfaits, spécialement en cas de clôture pour insuffisance d’actif »[3].

[1] V. en ce sens A. Martin-serf, « Être ou ne pas être dans la procédure collective », RJ com. 1996

[2] I. Dauriac, Les régimes matrimoniaux et le PACS, éd. LGDJ, 2010, n°494, p. 304

[3] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°416, p. 324.

Quitter la version mobile