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Régime légal: l’acquisition de parts indivises par un époux indivisaire (art. 1408 C. civ.)

Il est certains biens qui, alors même qu’ils ont été acquis à titre onéreux au cours du mariage, sont malgré tout susceptibles de recevoir la qualification de bien propre.

Cette dérogation au principe d’inscription des acquêts à l’actif de la communauté se justifie par l’existence d’un lien matériel, économique ou juridique entre le bien que l’on soustrait à la masse commune et un bien qui appartient personnellement à l’un des époux.

Pour assurer la cohérence de la propriété de ces deux biens, le législateur a estimé qu’il y avait lieu de prévoir une unité de régime à la faveur de la qualification de bien propre.

À cet égard, l’intégration du bien acquis à titre onéreux au cours du mariage dans le patrimoine personnel d’un époux par rattachement à un bien propre se rencontrera dans trois situations :

Nous nous focaliserons ici sur la troisième situation.

L’article 1408 du Code civil prévoit que « l’acquisition faite, à titre de licitation ou autrement, de portion d’un bien dont l’un des époux était propriétaire par indivis, ne forme point un acquêt, sauf la récompense due à la communauté pour la somme qu’elle a pu fournir. »

Il ressort de cette disposition que lorsqu’un époux est propriétaire de parts indivises sur un bien, en cas de rachat des parts d’un ou plusieurs coindivisaires, les parts acquises lui appartiennent en propre.

Cette règle se justifie par la nécessité d’éviter de créer une situation d’indivision dans l’indivision.

En effet, tandis que la part originaire serait un bien propre, les parts indivises nouvellement acquises seraient communes.

Animé par une volonté d’assurer l’unité de la propriété, le législateur a estimé qu’il y avait lieu de déroger au principe d’inscription à l’actif de la communauté des biens acquis à titre onéreux au cours du mariage.

À cet égard, dans un arrêt du 13 octobre 1993, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « les dispositions de l’article 1408 du Code civil tendant à mettre fin à l’indivision sont impératives, de telle sorte qu’il n’est pas permis aux époux d’y déroger » (Cass. 1ère .civ. 13 oct. 1993, n°91-21132).

==> Domaine

Par ailleurs, il peut être observé que le domaine d’application de la règle est pour le moins étendu.

Il est indifférent que le bien faisant l’objet d’une indivision soit un meuble ou un immeuble. L’article 1408 vise tous les biens sans distinguer.

Cette disposition ne distingue pas non plus selon que la situation d’indivision procède d’une succession, d’une libéralité ou encore d’une acquisition commune.

La seule exigence posée par le texte est que l’acquisition de la part indivise nouvelle soit intervenue à titre onéreux.

Si, en effet, il s’agit d’une acquisition à titre gratuit, c’est l’article 1405 du Code civil qui a vocation à s’appliquer. Le résultat obtenu n’en sera pas moins le même. Que l’on mobilise l’article 1408 ou que l’on fasse jouer l’article 1405, dans les deux cas la part indivise acquise endossera la qualification de bien propre.

Lorsque néanmoins c’est l’article 1408 qui s’applique et que l’acquisition a été réalisée au moyen de deniers communs, le texte prévoit expressément que la communauté aura droit à récompense.

==> Cas particulier du conjoint acquéreur

Si l’application de l’article 1408 du Code civil ne soulève pas vraiment de difficulté lorsque les parts indivises sont acquises par l’époux qui est déjà indivisaire, la question est plus délicate lorsque c’est le conjoint de ce dernier qui se porte acquéreur.

En effet, le texte ne précise pas si, pour être applicable, c’est l’époux indivisaire qui doit être l’auteur de l’acquisition. Quid dans l’hypothèse où c’est le conjoint ?

Faire application systématique de l’article 1408 en cas d’acquisition des parts indivises par le conjoint est susceptible de conduire à imposer à l’époux indivisaire d’acquérir ces parts en propre alors même qu’il ne le souhaite peut-être pas.

Il y a là, manifestement, un risque que la règle impérative énoncée par l’article 1408 porte une atteinte excessive à la liberté individuelle. Reste que cette disposition est silencieuse sur ce point.

Afin de surmonter cette difficulté, les auteurs suggèrent de distinguer plusieurs situations :

[1] J. Flour et F. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, éd. 2001, n°286, p. 280.

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