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Le contrat de mariage: conditions et effets

Au cours de leur mariage les époux sont soumis au droit des régimes matrimoniaux s’agissant des rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux.

Ce droit des régimes matrimoniaux fait l’objet d’un traitement dans deux parties bien distinctes du Code civil, puisque, envisagé, d’abord, dans un chapitre consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux (art. 212 à 226 C. civ.), puis dans un titre dédié spécifiquement au contrat de mariage et aux régimes matrimoniaux (art. 1384 à 1581 C. civ.).

==> Régime primaire impératif et régime matrimonial

Cet éclatement du droit des régimes matrimoniaux à deux endroits du Code civil, révèle que les époux sont soumis à deux corps de règles bien distinctes :

Ainsi, tandis que le régime matrimonial applicable au couple marié dépend du choix qu’ils auront fait, tantôt au moment de la conclusion du mariage, tantôt au cours de leur union, le régime primaire impératif s’impose à eux, sans qu’ils disposent de la faculté de se soustraire ou d’écarter les règles qui le composent en raison de leur caractère d’ordre public.

Cette dualité entre règles impératives et règles supplétives qui façonnent le statut matrimonial des époux n’est autre qu’une manifestation de la nature hybride du mariage qui mêle le contrat à l’institution.

==> Régime légal et régimes conventionnels

Afin de leur faciliter la tâche, le Code civil met à la disposition des époux un certain nombre de régimes prédéterminés qu’ils peuvent adopter « clé en main ».

L’article 1393, al. 1er du Code civil prévoit en ce sens que « les époux peuvent déclarer, de manière générale, qu’ils entendent se marier sous l’un des régimes prévus au présent code. »

Pratiquement, le choix qui s’offre au couple marié consiste à opter soit pour le régime légal, soit pour un régime conventionnel :

Au bilan, il y aura lieu pour les époux d’établir un contrat de mariage toutes les fois qu’ils opteront pour un régime autre que le régime légal.

Dans cette dernière hypothèse, soit lorsqu’ils choisiront le régime de la communauté réduite aux acquêts, l’établissement d’un contrat de mariage ne s’imposera à eux que s’ils souhaitent aménager ce régime en stipulant, par exemple, une déclaration d’apports ou encore une clause d’attribution intégrale au conjoint survivant.

Dès lors, en revanche, que leur choix ne se portera pas sur le régime légal, ils devront établir un contrat de mariage.

==> Notion et caractères

Classiquement le contrat de mariage est défini comme l’acte juridique qui détermine le régime matrimonial applicable aux époux.

Présenté comme une convention ayant vocation à régler les rapports pécuniaires entes époux, le contrat de mariage recèle, à la vérité, une autre fonction.

Les auteurs s’accordent, en effet, à dire que le contrat de mariage n’est pas une convention comme les autres : il est un pacte de famille qui mobilise des intérêts qui dépassent ceux des seuls époux.

La preuve en est l’exigence, à peine de nullité, de conformité de toute modification du contrat mariage à l’intérêt de la famille ou encore la faculté ouverte aux héritiers réservataires de contester un changement de régime matrimonial qui préjudicierait à leurs intérêts.

Ces spécificités du contrat de mariage lui confèrent ainsi un caractère statutaire en ce sens que, il fixe « la charte pécuniaire de la famille qui va se fonder »[2] pour toute la durée de l’union matrimoniale.

À cet égard, il peut être observé que le contrat de mariage est un acte accessoire au mariage.

Aussi, certaines règles qui régissent la formation de l’union conjugale jouent également au stade de la conclusion du contrat de mariage. On pense notamment aux exigences qui tiennent à la capacité des époux.

Par ailleurs, le sort du contrat de mariage suit le sort du mariage. La dissolution de l’union matrimoniale emporte anéantissement du contrat conclu par les époux.

Parce que le contrat de mariage détermine le statut pécuniaire de la famille et que, à ce titre, il présente une dimension institutionnelle, ses conditions de validité ne se limitent pas à celles posées en droit commun des contrats.

§1 : Les conditions du contrat de mariage

A) Les conditions de validité du contrat de mariage

1. Les conditions de fond

a. La capacité des époux

Pour changer de régime matrimonial, les époux doivent être en mesure de justifier de la même capacité juridique que celle exigée pour la conclusion du contrat de mariage, ce qui pose la question de la capacité des mineurs et des majeurs protégés.

==> S’agissant des mineurs

==> S’agissant des majeurs protégés

Si, le nouvel article 460 du Code civil issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice autorise désormais les majeurs protégés à se marier sans qu’il leur soit nécessaire d’être assistés par leur protecteur, il en va différemment de la conclusion d’un contrat de mariage.

L’article 1399, al. 1er du Code civil prévoit, en effet, que « le majeur en tutelle ou en curatelle ne peut passer de conventions matrimoniales sans être assisté, dans le contrat, par son tuteur ou son curateur. »

Il s’infère de cette disposition que le majeur protégé (placé sous tutelle ou sous curatelle) ne peut conclure un contrat de mariage sans l’assistance de son protecteur.

Autrement dit, il devra obtenir le consentement de son tuteur ou de son curateur qui, comme pour le mineur, pourra se manifester soit par la présence du protecteur lors de l’accomplissement de l’acte notarié, soit par l’établissement d’une autorisation spéciale constatée dans un acte authentique.

S’agissant des actes qui requièrent l’assistance du protecteur, l’article 1399 du Code civil est silencieux sur ce point, si bien que les auteurs s’interrogent sur les règles qui encadrent la stipulation de donations dans le contrat de mariage.

L’assistance du protecteur est-elle suffisante ou faut-il se reporter aux règles propres à chaque mesure de protection ? La question se pose.

L’assistance du protecteur est donc requise, tant s’agissant de la conclusion du contrat de mariage en ce qu’il fixe le régime matrimonial, que pour la stipulation de donations dans ce contrat.

À défaut de cette assistance, l’article 1399, al. 2e du Code civil prévoit que l’annulation de l’acte litigieux peut être poursuivie dans l’année du mariage :

À titre exceptionnel, le troisième alinéa de l’article 1399 du Code civil prévoit que « la personne en charge de la mesure de protection peut saisir le juge pour être autorisée à conclure seule une convention matrimoniale, en vue de préserver les intérêts de la personne protégée. »

Ainsi est-il permis au tuteur ou au curateur d’accomplir seul l’acte visant à changer ou à modifier le contrat de mariage lorsque les circonstances l’exigent.

b. Le consentement des époux

Parce qu’une convention matrimoniale est un contrat, les époux doivent y avoir consenti en toute connaissance de cause.

Par application du droit commun des contrats, cela suppose non seulement que leur consentement existe, mais encore qu’il ne soit affecté d’aucun vice.

Aussi, dans l’hypothèse où le consentement d’un des époux aurait été obtenu par erreur, dol ou violence le contrat de mariage encourt la nullité.

2. Les conditions de forme

L’article 1394 du code civil exige que contrat de mariage soit établi « par acte devant notaire, en la présence et avec le consentement simultanés de toutes les personnes qui y sont parties ou de leurs mandataires. »

Plusieurs enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

B) Les conditions de publicité du contrat de mariage

==> Principe général

L’article 1394, al. 2e du Code civil prévoit que « au moment de la signature du contrat, le notaire délivre aux parties un certificat sur papier libre et sans frais, énonçant ses nom et lieu de résidence, les noms, prénoms, qualités et demeures des futurs époux, ainsi que la date du contrat. »

Le texte poursuit en président que le certificat remis par le notaire aux époux « doit être remis à l’officier de l’état civil avant la célébration du mariage. »

Les règles énoncées par cette disposition doivent être combinées avec l’article 75, al. 4e du Code civil qui prévoit que « l’officier de l’état civil interpellera les futurs époux, et, s’ils sont mineurs, leurs ascendants présents à la célébration et autorisant le mariage, d’avoir à déclarer s’il a été fait un contrat de mariage et, dans le cas de l’affirmative, la date de ce contrat, ainsi que les nom et lieu de résidence du notaire qui l’aura reçu. »

Ainsi, est-il instauré un système de communication de l’information entre le notaire et l’officier d’état civil, le premier informant le second de la conclusion d’un contrat de mariage.

Sur la base du certificat qui aura été fourni par les époux, l’officier d’état civil reportera les informations transmises sur l’acte de mariage qui énoncera, conformément à l’article 76, 8° du Code civil « la déclaration, faite sur l’interpellation prescrite par l’article précédent [art. 75 C. civ.], qu’il a été ou qu’il n’a pas été fait de contrat de mariage, et, autant que possible, la date du contrat, s’il existe, ainsi que les nom et lieu de résidence du notaire qui l’aura reçu ; le tout à peine, contre l’officier de l’état civil, de l’amende fixée par l’article 50. »

C’est donc la mention portée en marge de l’acte de mariage qui permettra de signaler aux tiers la conclusion d’une convention matrimoniale, charge à eux de solliciter auprès du notaire instrumentaire une expédition.

En cas de non-respect de l’exigence des exigences prescrites par les articles 1394, 75 et 76 du Code civil, la sanction encourue est l’inopposabilité du contrat de mariage aux tiers.

Au surplus, le notaire est susceptible d’engager sa responsabilité en l’absence de délivrance du certificat aux époux.

Quant à l’officier d’état civil, il peut se voir infliger une amende de 3 à 30 euros.

==> Cas particulier de la publicité foncière

Dans l’hypothèse où l’un des époux apporte à la communauté un immeuble, cette opération emporte mutation de droits immobiliers.

Il en résultera l’obligation pour le notaire instrumentaire d’accomplir des formalités de publicité foncière.

§2 : Les effets du contrat de mariage

L’article 1395 du Code civil prévoit que « les conventions matrimoniales doivent être rédigées avant la célébration du mariage et ne peuvent prendre effet qu’au jour de cette célébration. »

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

A) Sur la date d’établissement du contrat de mariage

L’article 1395 du Code civil exige donc que le contrat de mariage soit établi avant la célébration du mariage.

Autoriser les époux à déroger à cette règle reviendrait à admettre qu’ils puissent changer de régime matrimonial au cours du mariage, alors même qu’il s’agit là d’une opération strictement encadrée par l’article 1397 du Code civil.

En l’absence de contrat de mariage au jour de la célébration du mariage, les époux sont, en effet, réputés être soumis au régime légal.

Or s’ils établissent un contrat de mariage postérieurement à la célébration de leur union, l’opération s’apparentera, par hypothèse, à un changement de régime matrimonial.

Pour cette raison, le législateur exige la conclusion du contrat de mariage en amont, faute de quoi les époux devront se soumettre aux exigences du changement de régime matrimonial, ce qui, outre les démarches à accomplir devant notaire, voire l’homologation judiciaire à obtenir, présente un caractère onéreux, en particulier si la convention conclue réalise des mutations de droits immobiliers.

Il est indifférent que le contrat de mariage soit établi plusieurs années avant la célébration du mariage ou le jour même. Ce qui importe c’est que sa conclusion ait précédé l’échange des consentements des époux devant l’officier d’état civil.

En cas d’inobservation de l’exigence d’établissement du contrat de mariage avant la célébration du mariage, la sanction encourue est la nullité absolue.

Cette nullité emporte l’anéantissement de toutes les stipulations du contrat et notamment des donations que les époux sont susceptibles de s’être consenties.

B) Sur le report des effets du contrat de mariage au jour de la célébration du mariage

L’article 1395 in fine du Code civil prévoit que les conventions matrimoniales ne peuvent prendre effet qu’au jour de la célébration du mariage.

Il en résulte deux conséquences :

1. L’interdiction de faire rétroagir les effets du contrat de mariage

==> Principe

L’article 1395 du Code civil prévoit donc que les effets du contrat de mariage, qui aura nécessairement été établi avant la célébration de l’union des époux, sont différés au jour de cette célébration.

Il s’infère de cette disposition qu’il est fait interdiction aux époux de faire rétroagir les effets de l’acte passé devant notaire au jour de sa conclusion. C’est là une règle d’ordre public.

Au fond, elle est la marque du lien très étroit entretenu entre le mariage et la convention matrimoniale dont elle est l’accessoire.

À cet égard, dans l’hypothèse où le mariage ne serait finalement pas célébré, le contrat de mariage sera alors privé de son objet. Il s’en trouvera, par voie de conséquence, caduc.

Si, en revanche, la célébration du mariage se tient bien, la convention matrimoniale conclue entre les époux produira ses pleins effets.

C’est donc à cette date que les transferts de propriété de biens ou les donations projetés par les époux dans le contrat de mariage se réaliseront.

==> Exception

L’impossibilité pour les époux de faire rétroagir les effets du contrat de mariage au jour de sa conclusion est assortie d’une exception énoncée à l’article 1498, al. 3e du Code civil.

Cette disposition prévoit que « si l’un des époux avait acquis un immeuble depuis le contrat de mariage, contenant stipulation de communauté de meubles et acquêts, et avant la célébration du mariage, l’immeuble acquis dans cet intervalle entrera dans la communauté, à moins que l’acquisition n’ait été faite en exécution de quelque clause du contrat de mariage, auquel cas elle serait réglée suivant la convention. »

Selon cette règle, qui opère sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, le contrat de mariage produit ses effets au jour de sa conclusion dès lors que la célébration du mariage a lieu.

L’hypothèse visée ici est celle de l’acquisition par un époux d’un immeuble entre la conclusion du contrat de mariage et la célébration de l’union.

Il s’agit ici de présumer que le bien immobilier acquis durant cette période est tombé en communauté, ce qui implique donc de faire rétroagir les effets du contrat de mariage au jour de l’établissement de l’acte notarié.

Cette exception au principe énoncé à l’article 1395 du Code civil se justifie par la nécessité de prévenir toute tentative de distraction d’un immeuble par un époux qui serait acquis dans le laps de temps où le contrat de mariage est inopérant.

2. L’interdiction de différer les effets du contrat de mariage

S’il est fait interdiction aux époux de faire rétroagir les effets du contrat de mariage au jour de sa conclusion, la question s’est posée de savoir si, à l’inverse, ils pouvaient les différer postérieurement à la célébration de leur union.

Ce report des effets du mariage pourrait notamment procéder de la stipulation d’une clause qui assortirait leur régime matrimonial d’un terme (suspensif ou extinctif) ou d’une condition (résolutoire ou suspensive) dont la survenance aurait pour conséquence d’opérer un changement ou une modification du régime matrimonial.

Concrètement, la stipulation de l’une de ces modalités pourrait consister pour eux à prévoir que, à l’issue d’un certain délai, leur régime matrimonial basculerait de la séparation de biens vers un régime communautaire et inversement.

==> Principe

À l’analyse, permettre aux époux de prévoir dans leur contrat de mariage de stipuler une telle modalité, reviendrait à admettre qu’ils puissent conventionnement écarter le jeu de l’article 1397 du Code civil.

Or il s’agit d’une disposition d’ordre public à laquelle il ne peut pas être dérogé par convention contraire.

Il y aurait là, en outre, une atteinte qui serait portée au principe d’unicité du régime matrimonial.

Cette règle contraint les époux à n’opter que pour un seul régime matrimonial dont ils ne peuvent modifier les termes, au cours du mariage, qu’en se conformant à la procédure édictée à l’article 1397 du Code civil.

Pour toutes ces raisons, il est fait interdiction aux époux d’assortir leur contrat de mariage d’une modalité, telle qu’un terme ou une condition.

Le principe posé ne connaît qu’une seule exception : la stipulation d’une clause dite alsacienne.

==> Exception

La clause alsacienne, qui a pour origine la pratique des notaires d’alsace, s’adresse à des époux qui ont opté pour un régime de communauté universelle ou qui ont assorti leur régime matrimonial d’une clause d’attribution intégrale.

En substance, elle consiste à prévoir une modalité alternative de partage des biens en cas de dissolution du mariage pour une cause autre que le décès, soit en cas de divorce.

Si cet événement se réalise, les époux conviennent que :

Lors de son introduction en droit français, la clause alsacienne n’est pas sans avoir été remise en cause quant à sa validité.

Parce qu’elle instaure une modalité de liquidation alternative de la communauté en cas de dissolution du mariage pour cause de divorce, d’aucuns y ont vu une atteinte une atteinte au principe d’immutabilité des conventions matrimoniales qui interdit aux époux de modifier leur régime matrimonial au cours du mariage, sauf à observer les règles qui encadrent le changement de régime.

Il a fallu attendre l’adoption de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités pour que la clause alsacienne soit finalement consacrée par le législateur.

Le nouvel article 265 du Code civil prévoit en ce sens, en son alinéa 3, que « si le contrat de mariage le prévoit, les époux pourront toujours reprendre les biens qu’ils auront apportés à la communauté. »

C’est là le principe de la clause alsacienne qui vise à permettre aux époux de reprendre leurs apports de biens propres à la communauté en cas de divorce.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[2] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°169, p. 170.

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