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Le principe – révolu – d’immutabilité des régimes matrimoniaux

==> L’instauration d’un principe d’immutabilité des régimes matrimoniaux

Lors de l’élaboration du Code civil, ses rédacteurs avaient instauré un principe d’immutabilité des régimes matrimoniaux.

En application de ce principe, il était fait interdiction aux époux de changer, en cours de mariage, le régime matrimonial pour lequel ils avaient opté.

L’ancien article 1395 disposait en ce sens que les conventions matrimoniales « ne peuvent recevoir aucun changement après la célébration du mariage. »

La dimension institutionnelle du mariage primait ainsi sa dimension contractuelle, la règle du mutus dissesus étant écartée.

Cette interdiction trouvait sa source dans une jurisprudence du Parlement de Paris qui reposait notamment sur l’idée que le mariage est un acte définitif qui emporte des effets irréversibles à l’endroit des époux.

Pour cette raison, ils ne sauraient revenir sur le contrat de mariage sur la base duquel l’union conjugale est assise.

Cette jurisprudence mise à part, quatre arguments étaient classiquement avancés par les auteurs pour justifier le bien-fondé du principe d’immutabilité des conventions matrimoniales :

Bien que convaincant à maints égards, les arguments avancés au soutien du principe d’immutabilité n’ont pas résisté à la critique, ce qui, par suite, a conduit le législateur à assouplir la prohibition qui, jusqu’à l’adoption de la loi du 13 juillet 1965, était absolue.

==> L’assouplissement du principe d’immutabilité des régimes matrimoniaux

À compter du XXe siècle, de nombreuses critiques ont été formulées à l’endroit du principe d’immutabilité des conventions matrimoniales. Sans doute est-ce là le résultat d’une accélération des mutations économiques et sociales qui ont traversé la société contemporaine.

Ces mutations ont rendu la prohibition instituée sous l’ancien régime inadaptée à la situation du couple marié moderne en quête de changement, tant sur le plan professionnel, que patrimonial.

Pour évoluer dans un monde en perpétuel mouvement où les échanges économiques se multiplient et où les mœurs se libéralisent, les époux doivent être en capacité d’adapter leur régime matrimonial à leur situation professionnelle et familiale, situations qui, ont vocation à être affectés par de nombreux changements (reconversion professionnelle, création d’entreprise, remariage etc.).

Dans ce nouveau monde, le principe d’immutabilité des conventions matrimoniales était ainsi devenu un obstacle qui ne se justifiait plus.

D’où la formulation de critiques de plus en plus vives des auteurs plaidant pour un assouplissement du principe d’immutabilité.

Conscient de la nécessité de réformer le principe d’immutabilité des conventions matrimoniales dont le bien-fondé avait pour le moins été émoussé par le temps, le législateur n’a eu d’autre choix, lors de l’adoption de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux, que de l’assouplir.

Cet assouplissement a consisté à admettre que les époux puissent changer de régime matrimonial, mais sous le contrôle du juge.

Autrement dit, l’immutabilité régime matrimonial demeurait le principe. Ce principe était néanmoins assorti d’un tempérament autorisant les époux à soumettre leur projet de changement de régime qui, si les conditions étaient réunies et notamment s’il n’était pas porté atteinte à l’intérêt de la famille, pouvait faire droit à leur demande.

L’ancien article 1396, al. 3e du Code civil prévoyait en ce sens que « le mariage célébré, il ne peut être apporté de changement au régime matrimonial que par l’effet d’un jugement, soit à la demande de l’un des époux, dans le cas de la séparation de biens ou des autres mesures judiciaires de protection, soit à la requête conjointe des deux époux, dans le cas de l’article suivant. »

Désormais, le principe d’immutabilité n’interdit plus les mutations, il les autorise sous réserve que les époux soient placés sous la tutelle de juge. Leur seule volonté était impuissante à réaliser le changement souhaité.

Il leur fallait obtenir une homologation judiciaire pour que ce changement produise ses pleins effets.

==> L’abandon du principe d’immutabilité des régimes matrimoniaux

Bien que très attendu, l’assouplissement du principe d’immutabilité du régime matrimonial est très vite apparu insuffisant.

Les auteurs ont notamment pointé du doigt l’exigence d’homologation judiciaire qu’ils jugeaient injustifiée. Les principaux arguments avancés étaient que :

Attentif à ces deux arguments, le législateur en a tiré la conséquence, lors de l’adoption de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, qu’il y avait lieu d’abolir le principe d’immutabilité des conventions matrimoniales qui avait long feu.

Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le changement de régime matrimonial n’est plus subordonné à l’obtention d’une homologation judiciaire, à tout le moins elle devient une exception circonscrite à des cas très particuliers.

Tel est le cas :

Là ne s’est pas arrêtée la réforme engagée par le législateur des règles encadrant le changement de régime matrimonial.

Il a poursuivi son œuvre législative lors de l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

L’objectif recherché était d’alléger les formalités préalables à la révision du régime matrimonial afin de recentrer le juge sur ses missions essentielles et de tirer les conséquences des réformes récentes en matière de divorce et d’administration légale.

Pour ce faire, le législateur s’est employé à réécrire plusieurs règles énoncées à l’article 1397 du Code civil, ce qui s’est traduit par :

La réforme du cadre procédural de changement de régime matrimonial entreprise par la loi du 23 mars 2019 a été parachevée par la loi de finances pour 2019 qui a abrogé l’article 1133 bis du Code général des impôts qui prévoyait que « les actes portant changement de régime matrimonial, en vue de l’adoption d’un régime communautaire, ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor. »

Sous l’empire du droit antérieur, le changement de régime matrimonial n’était ainsi pas fiscalisé lorsque le couple marié optait pour un régime communautaire.

Désormais, cette exonération n’est plus. Quel que soit le changement de régime matrimonial, il en coûtera aux époux :

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