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Autonomie patrimoniale: les pouvoirs des époux sur leurs biens propres (art. 225 C. civ.)

I) Principe

L’article 225 du Code civil prévoit que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. »

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

À l’analyse, la règle énoncée par l’article 225 du Code civil apparaît pour le moins redondante avec les règles spécifiques propres à chaque régime matrimonial.

Qu’il s’agisse, en effet, d’un régime communautaire ou d’un régime séparatiste, tous confèrent aux époux le droit d’administrer et de disposer seul de leurs biens propres.

Aussi, pour la doctrine, le principal de cette disposition réside dans son intégration dans le régime primaire ce qui en fait une règle d’ordre public.

Il en résulte que les époux ne peuvent pas y déroger par convention contraire. Il leur est donc fait interdiction de stipuler dans un contrat de mariage :

L’autonomie patrimoniale des époux repose ainsi sur un socle de droits irréductibles, ce qui permet, non seulement de leur garantir une certaine indépendance, mais encore de faire obstacle à toute tentative de remise en cause de l’égalité qui préside aux rapports conjugaux.

II) Tempérament

Si l’article 225 du code civil reconnaît à chaque époux le pouvoir de gérer seul ses biens propres, ce pouvoir est assorti de plusieurs limites :

==> Première limite : la protection du logement familial

L’article 215, al. 3e du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. ».

Il ressort de cet article que l’accomplissement d’actes de disposition sur la résidence familiale est soumis à codécision.

Aussi, quand bien même le logement de famille appartient en propre à un époux, celui-ci doit obtenir le consentement de son conjoint pour réaliser l’acte envisagé.

La violation de cette règle est sanctionnée par la nullité – relative – de l’acte accomplir par un époux en dépassement de ses pouvoirs.

L’article 215, al.3e prime ainsi l’article 225 du Code civil qui s’efface donc lorsque le bien en présence est le logement familial.

Encore faudra-t-il endosse cette qualification, ce qui ne sera notamment pas le cas pour une résidence secondaire.

==> Deuxième limite : la préservation de l’intérêt de la famille

L’article 220-1 du Code civil dispose, en effet, que « si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le président du tribunal de grande instance peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »

Aussi, dans l’hypothèse, où la gestion par un époux de ses biens propres serait de nature à mettre en péril les intérêts de la famille, le juge serait investi du pouvoir d’intervenir.

Reste que pour donner lieu à la prescription de mesures urgentes, la mise en péril des intérêts de la famille doit avoir pour cause, prévoit le texte, des manquements graves aux devoirs du mariage.

Or on voit mal comment la gestion des biens propres fût-ce-t-elle illégale serait constitutif d’une violation des devoirs du mariage.

À supposer que cela soit le cas, ce qui correspondra à des situations très marginales, le juge ne pourra prescrire que des mesures temporaires dont la durée ne peut pas excéder trois ans.

==> Troisième limite : le retrait des pouvoirs d’un époux sur ses biens propres

L’article 1429 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se trouve, d’une manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, ou s’il met en péril les intérêts de la famille, soit en laissant dépérir ses propres, soit en dissipant ou détournant les revenus qu’il en retire, il peut, à la demande de son conjoint, être dessaisi des droits d’administration et de jouissance qui lui sont reconnus par l’article précédent. Les dispositions des articles 1445 à 1447 sont applicables à cette demande. »

Il s’agit autrement dit ici de transférer les pouvoirs dont est investi un époux sur ses biens propres à son conjoint.

Ce transfert pourra intervenir, soit dans l’hypothèse se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, car gravement malade par exemple, soit dans l’hypothèse où il menacera, par sa conduite, les intérêts de la famille.

Lorsque l’une ou l’autre circonstance se rencontre, le texte prévoit que sauf à ce que la nomination d’un administrateur judiciaire n’apparaisse nécessaire, le juge octroie au conjoint le pouvoir d’administrer les propres de l’époux dessaisi, ainsi que d’en percevoir les fruits, qui devront être appliqués par lui aux charges du mariage et l’excédent employé au profit de la communauté.

Corrélativement, l’époux dessaisi ne peut disposer seul que de la nue-propriété de ses biens. Il est donc privé de son pouvoir de gestion exclusive sur l’usufruit de ses biens propres.

==> Quatrième limite : la conclusion d’un mandat

Si, la stipulation d’une clause d’unité d’administration dans le contrat de mariage est prohibée en raison du caractère d’ordre public de l’article 225, rien n’interdit un époux de confier la gestion de ses biens propres à son conjoint par voie de conclusion d’un contrat de mandat.

À cet égard, l’article 218 du Code civil prévoit que « un époux peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue ».

Seule condition pour que ce mandat soit valable, outre les conditions de droit commun, il doit être révocable ainsi que le prévoit l’article 218 in fine.

==> Cinquième limite : le jeu des présomptions de pouvoirs

Autre limite au principe de gestion exclusive des biens propres : les règles instituant des présomptions de pouvoirs conférant aux époux la faculté de disposer librement, à titre individuel, de certains biens.

Tel est notamment le cas des présomptions instituées en matière bancaire et mobilière ou encore en matière d’exploitation commune d’une entreprise commerciale, artisanale, libérale ou agricole :

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