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Les servitudes: notion, éléments constitutifs et caractères

I) Notion

Classiquement on définit les servitudes comme des droits réels en vertu desquels une personne est autorisée à tirer de la chose d’autrui une certaine utilité.

Autrefois, on opposait les servitudes personnelles aux servitudes réelles :

Désormais, la notion de servitude que l’on retrouve dans le Code civil ne désigne plus que les servitudes réelles et plus précisément celles qui portent sur des immeubles par nature (fonds).

Sans doute animé par souci de chasser toute ambiguïté quant à la nature du droit conféré au bénéficiaire d’une servitude et pour prévenir d’éventuelles dérives qui tendraient à exhumer des pratiques de la féodalité, le législateur a précisé à l’article 686 du Code civil que « il est permis aux propriétaires d’établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n’aient d’ailleurs rien de contraire à l’ordre public. »

Il est donc absolument exclu, même par convention contraire, qu’une servitude puisse consister à créer une charge sur la personne d’autrui.

Aussi, les servitudes présentent-elles nécessairement un caractère réel et foncier, ce qui n’est pas sans conséquence sur le régime juridique auquel elles sont assujetties.

II) Éléments constitutifs

L’article 637 du Code civil dispose que « une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire. »

Il ressort de cette disposition que la constitution d’une servitude suppose la réunion de trois éléments constitutifs :

A) Un fonds

==> Domaine

Une servitude est une charge imposée sur un « héritage ». Par héritage il faut entendre un immeuble par nature.

La question qui alors se pose est alors de savoir ce que recouvre la notion d’immeuble par nature. Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 518 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature. »

La catégorie des immeubles par nature, qui repose sur le critère physique, comprend donc le sol et tout ce qui est fixé au sol :

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser qu’il est indifférent que la chose soit fixée au sol à titre provisoire ou définitif. En tout état de cause, dès lors qu’elle adhère au sol elle est constitutive d’un immeuble par nature.

Au bilan, une servitude peut ainsi tout aussi bien grever le sol que ce qui est fixé au sol, pourvu qu’il s’agisse d’un immeuble par nature.

==> Exclusion

Les servitudes ne pouvant porter que sur des immeubles par nature, il faut en déduire que sont exclus de leur champ d’application :

Au total, il apparaît que le domaine des servitudes est quelque peu restreint puisqu’il se limite aux seuls immeubles par nature.

B) Des propriétés distinctes

==> Principe

La constitution d’une servitude suppose l’existence de deux fonds appartenant à des propriétaires différents.

Cette règle s’infère de l’article 705 du Code civil qui prévoit que « toute servitude est éteinte lorsque le fonds à qui elle est due, et celui qui la doit, sont réunis dans la même main. »

Cette disposition n’est autre que la traduction de l’adage nemini res sua servit qui signifie : « nul n’a de servitude sur sa propre chose ».

Aussi, une servitude confère un droit qui ne peut être exercée que sur un fonds appartenant à autrui. Selon l’expression du Doyen Cornu, « l’autoservitude » n’existe pas.

À supposer qu’une même personne soit propriétaire de deux fonds distincts, tous les aménagements qu’elle est susceptible de réaliser, notamment ceux tenant à l’écoulement des eaux ou encore au passage, ne peuvent être regardés que comme des expressions de l’exercice du droit de propriété et non comme la création de servitudes du fait de l’homme.

Par ailleurs, il peut être observé que l’établissement d’une servitude ne suppose pas que les deux fonds soient contigus (qui se touchent). Il est néanmoins nécessaire qu’ils soient voisins, car les services qui peuvent être imposés à un fonds n’ont de sens qu’entre propriétés voisines.

Enfin, comme relevé par des auteurs « si la notion de servitude implique la dualité de fonds et de propriétaires, cette dualité, constitutive d’un minimum, n’exclut pas la pluralité. Un même fonds peut être servant au bénéfice de plusieurs fonds dominants ou réciproquement »[1].

Cette situation se rencontrera notamment dans les lotissements ou les ensembles d’immeubles formant une copropriété.

==> Cas particulier de la copropriété

La question s’est posée en jurisprudence de savoir si la règle exigeant la présence de deux propriétés distinctes avait vocation à s’appliquer lorsque les deux fonds concernés relèvent d’une copropriété.

Autrement dit, un lot privatif peut-il être grevé par une servitude à la faveur d’un autre lot privatif, alors même qu’ils sont les composantes d’un même bien ?

Dans un premier temps, la Cour de cassation a refusé d’admettre la possibilité de constituer une servitude entre des parties privatives d’un lot de copropriété.

Dans un arrêt du 6 mars 1991 elle a jugé en ce sens « qu’il existe une incompatibilité entre la division d’un immeuble en lots de copropriété et la création, au profit de la partie privative d’un lot, d’une servitude sur la partie privative d’un autre lot » (Cass. 3e civ. 6 mars 1991, n°89-14374).

Elle a précisé sa position un an plus tard en affirmant « qu’une servitude n’existe que si le fonds servant et le fonds dominant constituent des propriétés indépendantes appartenant à des propriétaires différents et que tel n’est pas le cas d’un immeuble en copropriété » (Cass. 3e civ. 30 juin 1992, n°91-10116 91)

La Cour de cassation a, par la suite, réaffirmé cette position toujours au visa de l’article 637 du Code civil (V. en ce sens Cass. 3e civ. 21 mars 2001, n°98-21668).

Elle justifiait cette solution en soutenant qu’un immeuble soumis au régime de la copropriété constituait un héritage unique, alors que l’établissement d’une servitude suppose l’existence de deux fonds distincts.

Dans un second temps, alors que la doctrine faisait feu de tout bois contre cette position à laquelle s’accrochait la Cour de cassation, cette dernière a fini par céder.

Dans un arrêt du 30 juin 2004, elle a opéré un revirement de jurisprudence magistral en affirmant que « le titulaire d’un lot de copropriété disposant d’une propriété exclusive sur la partie privative de son lot et d’une propriété indivise sur la quote-part de partie commune attachée à ce lot, la division d’un immeuble en lots de copropriété n’est pas incompatible avec l’établissement de servitudes entre les parties privatives de deux lots, ces héritages appartenant à des propriétaires distincts » (Cass. 3e civ. 30 juin 2004, n°03-11562).

La troisième chambre civile est venue préciser 10 ans plus tard, dans un arrêt du 11 mars 2014 que « dans un immeuble en copropriété, des servitudes ne sont susceptibles de s’établir qu’entre des parties privatives » (Cass. 3e civ. 11 mars 2014, n°12-29734).

En revanche, lorsqu’il s’agit non pas de parties privatives relevant d’une copropriété, mais de parties d’une indivision, la Cour de cassation refuse l’établissement de servitudes (Cass. 3e civ. 27 mai 2009, n°08-14376).

C) Un fonds affecté au service d’un autre fonds

L’établissement d’une servitude ne se conçoit que s’il existe un rapport entre deux fonds, un rapport asymétrique puisqu’il institue une charge pour l’un et une utilité pour l’autre.

  1. L’établissement d’une utilité au profit du fonds dominant

==> Une utilité

Pour être qualifiée de servitude, celle-ci doit conférer une utilité au fonds dominant. L’article 637 prévoit en ce sens que la charge imposée au fonds servant doit être établie « pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ».

Que faut-il entendre par utilité ? La jurisprudence a adopté une interprétation plutôt extensive cette notion. Aussi, admet-elle qu’un simple avantage, une commodité procurée au fonds dominant suffit à la justifier la constitution d’une servitude.

Entre d’autres termes, il n’est pas exigé que l’utilité procurée soit indispensable et nécessaire ; elle doit seulement être de nature à augmenter la valeur du fonds qui en bénéficie (V. en ce sens Cass. 3e civ., 9 juill. 1980, n° 79-12867)

Tel est le cas, lorsque l’utilité permet d’accéder à un fond en passant par un autre fonds. Il en va de même pour la servitude de puisage qui autorise à prélever de l’eau sur le terrain d’autrui ou la servitude d’égout qui permet de verser les eaux pluviales de son toit sur le fonds voisin.

En revanche, lorsque l’utilité procure seulement un agrément au fonds dominant, la jurisprudence refuse de la qualifier de servitude.

Pour illustration, dans le cadre d’une affaire pendante devant la Cour d’appel de Metz un requérant réclamait un droit de passage sur le fond voisin pour gagner sa place de parking située le long du mur délimitant la propriété de ce dernier et éviter ainsi d’avoir à effectuer le tour du pâté de maison pour rejoindre son véhicule.

Les juges le déboutent de sa demande au motif qu’il est constant qu’un simple souci de commodité ou de convenance ne permet pas de caractériser l’absence ou l’insuffisance d’issue sur la voie publique et alors que cette notion de convenance personnelle est évoquée par l’un des témoignages produits par le requérant au soutien de ses prétentions (CA Metz, 13 oc. 2016, n° 16/00366, RG 15/00398).

Pour déterminer si l’établissement d’une servitude est justifié, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 16 mai 1952, affirmé qu’il convenait de se demander si le droit envisagé procure une plus-value au fonds, à tout le moins une commodité réelle.

==> Une utilité au profit d’un fonds

Il ne suffit pas que le service procure une utilité pour être qualifiée de servitude, il faut encore qu’il soit utile au fonds dominant et non au propriétaire du fonds.

C’est là une exigence qui résulte de l’article 637 du Code civil et qui constitue une limite importante aux objets possibles des servitudes.

Les droits de promenade, de chasse, de pêche, de cueillette ou encore d’utilisation d’un four sont octroyés en considération, non pas des besoins du fonds dominant, mais de la personne de son propriétaire (V. en ce sens Cass. 3e civ., 22 juin 1976, n° 74-14148).

2. La création d’une charge qui pèse sur le fonds servant

L’établissement d’une servitude suppose, corrélativement à l’octroi d’une utilité au fonds dominant, la création d’une charge imposée au fonds servant.

Toutefois, ainsi que le prévoit l’article 638 du Code civil « la servitude n’établit aucune prééminence d’un héritage sur l’autre ». Le rapport créé entre les deux fonds n’est donc pas d’ordre hiérarchique, en ce sens qu’il n’existe aucun lien de vassalité entre eux.

Il s’agit seulement d’un rapport d’utilité. La servitude grève, elle assujettit un fonds dont elle attend un service : elle lui imprime la fonction de fonds servant.

La création de cette charge sur le fonds servant emporte trois conséquences principales :

III) Caractères

Il est classiquement admis que les servitudes présentent quatre traits de caractère qui permettent de les distinguer des autres droits réels et notamment des droits de jouissance tels que l’usufruit ou le droit d’usage et d’habitation.

A) Caractère réel immobilier

==> Un droit réel

Les servitudes consistent, tout d’abord, en des droits réels. Il en résulte qu’elles confèrent au propriétaire du fonds dominant un pouvoir direct et immédiat sur le fond grevé.

 Structurellement, le droit réel suppose un sujet, le titulaire du droit et un objet, la chose sur laquelle s’exerce le droit réel. Le droit réel établit, en d’autres termes, une relation entre une personne et une chose

Le droit réel s’exerce ainsi sans qu’il soit besoin d’actionner une personne. Il s’exerce sans l’entremise d’un tiers.

C’est pour cette raison que les servitudes sont toujours attachées, non pas à une personne, mais directement au fonds qu’elles grèvent.

C’est également parce qu’elles sont constitutives de droits réels que l’exercice des servitudes n’est subordonné au paiement d’aucune redevance.

Tout au plus, une indemnité peut être octroyée au propriétaire du fonds servant lors de la constitution de la servitude.

Cette indemnité n’a toutefois pas pour cause la stipulation d’une quelconque obligation de ne pas faire qui s’imposerait à ce dernier. Elle seulement la contrepartie de la diminution de son droit de propriété.

À cet égard, en cas de non-respect de la servitude par le propriétaire du fonds servant, celui-ci engage sa responsabilité délictuelle et non contractuelle.

==> Un droit réel immobilier

Il ressort de l’article 637 du Code civil qu’une servitude ne peut être imposée que sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un autre héritage.

Une servitude a donc nécessairement pour objet un immeuble par nature, ce qui leur confère un caractère immobilier. Elles ont ainsi pour assiette, soit le sol, soit ce qui est fixé au sol, telles que des constructions.

Parce que les servitudes consistent en des droits réels immobiliers, lorsqu’elles sont constituées au moyen d’un titre elles ne sont opposables aux tiers que si elles font l’objet de formalités de publicité foncières (V. en ce sens Cass. 3e civ., 27 oct. 1993, n° 91-19.874)

B) Caractère accessoire

La servitude présente un caractère accessoire en ce qu’elle est indissociable du fonds dominant qu’elle grève. Il en résulte qu’elle ne peut pas être « cédée, saisie ou hypothéquée » indépendamment de ce fonds[2].

Plus précisément, la servitude a vocation à suivre le sort du fonds auquel elle est attachée. Elle est transmise de plein droit aux acquéreurs du fonds dominant.

Corrélativement, dès lors qu’elle a valablement été publiée, la servitude s’imposera aux propriétaires successifs du fonds servant.

Enfin, si la servitude profite à l’usufruitier du fonds dominant, elle ne bénéficie pas au locataire dans la mesure où celui-ci n’exerce aucun droit réel sur le fonds, il est seulement investi d’un droit personnel contre le propriétaire.

C) Caractère perpétuel

Parce que les servitudes sont l’accessoire du fonds qu’elles grèvent, elles durent aussi longtemps qu’il est un droit de propriété qui s’exerce sur lui.

Or la propriété présente un caractère perpétuel. Cette perpétuité s’insuffle donc aux servitudes qui ne peuvent donc pas s’éteindre sous l’effet du temps.

Seules les causes d’extinction énoncées aux articles 703 et suivants du Code civil sont susceptibles de mettre fin aux servitudes soit :

Il peut encore être observé qu’il est admis que la constitution de servitudes puisse être temporaire. Il peut notamment être convenu que la servitude s’éteindra au décès du propriétaire du fonds dominant.

Dans un arrêt du 22 mars 1989 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la stipulation d’une servitude temporaire est licite » (Cass. 3e civ. 22 mars 1989, n°87-17454).

Cass. 3e civ. 22 mars 1989
Sur le moyen unique :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué (Douai, 17 juin 1987) d'avoir décidé que leur fonds ne disposaient pas d'une servitude par destination du père de famille sur une partie du fonds acquis par les époux Z... en 1981, alors, selon le moyen, " que la clause susceptible de tenir en échec la servitude par destination du père de famille qui résulte de la division du fonds ne peut être la clause de style de l'acte de division aux termes de laquelle les parties déclarent qu'elles n'ont conféré aucune servitude et qu'à leur connaissance, il n'en existe pas ; qu'ainsi la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé les articles 694 et 1134 du Code civil et alors que, seule une clause de l'acte opérant division du fonds peut tenir en échec la servitude par destination du père de famille résultant de cette division ; qu'ainsi en se fondant pour déclarer éteinte la servitude de passage sur la clause d'une promesse sous seing privé non reproduite dans l'acte d'échange notarié mais incluse dans un acte de vente ultérieur du fonds servant auquel n'étaient pas partie les propriétaires du fonds dominant, la cour d'appel a violé l'article 694 du Code civil " ;

Mais attendu que la stipulation d'une servitude temporaire est licite ; qu'après avoir relevé que lors de la vente du fonds servant aux auteurs des époux Z..., les parties avaient inséré dans l'acte la clause selon laquelle tant que Mme Y... restera propriétaire du fonds dominant et à condition qu'il soit occupé par elle-même ou son mari ou l'un de ses enfants, l'exploitant aura le droit de passage sur la parcelle A 1541, la cour d'appel a exactement retenu que Mme Y... étant décédée le 9 juin 1980, l'une des deux conditions nécessaires et cumulatives prévues dans la clause avait disparu et que les consorts X... ne pouvaient plus se prévaloir du bénéfice de la servitude de passage ;

Que par ce seul motif, l'arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

D) Caractère indivisible

Une servitude est indivisible en ce qu’elle grève nécessairement le fonds servant pour le tout et profite au fonds dominant dans son entier.

Tout d’abord, lorsque le fonds servant ou dominant fait l’objet d’une indivision ou est soumis à une copropriété, l’indivisibilité de la servitude emporte plusieurs conséquences :

Ensuite, l’article 700, al. 1er du Code civil prévoit que « si l’héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée. »

L’alinéa 2 ajoute que « s’il s’agit d’un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l’exercer par le même endroit. »

Ainsi, en cas de division d’un fonds en plusieurs parcelles, chacune d’elles continuant à supporter la charge de la servitude dans son entier

Dans un arrêt du 23 mars 2001, la Cour de cassation réunie en assemblée plénière a néanmoins précisé que la règle énoncée à l’article 700 du Code civil « postule que la servitude préexiste à la division de l’héritage » (Cass. ass. plen. 23 mars 2001, 98-19018).

Cass. ass. plen. 23 mars 2001
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 2 juillet 1998), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 11 décembre 1996, Bull. 1996, III, n° 238, p. 155), que par acte du 21 février 1900, M. Y... a vendu la partie centrale d'un terrain lui appartenant et l'a grevé de deux zones non aedificandi sur une distance de deux mètres à partir des lignes divisoires intérieures Est et Ouest ; que M. Z..., devenu propriétaire de ce lot, a édifié une construction de la ligne divisoire Est à la ligne divisoire Ouest ; que M. A..., propriétaire du lot contigu, situé à l'est de celui de M. Z..., a, par acte du 11 mars 1991, assigné M. Z... en démolition des ouvrages édifiés sur les zones non aedificandi Est et Ouest, sous peine d'astreinte ; que M. Z... a invoqué l'extinction de la servitude du fait d'un acte contraire, consistant dans l'édification d'un garage sur la zone non aedificandi Ouest, avant 1960 ; que M. A... étant décédé en cours d'instance, celle-ci a été reprise par Mme A..., MM. Pierre-Marie et Yves-Marie A... (les consorts A...) ; que le Tribunal a accueilli la demande des consorts A... ; que M. Z... a fait appel du jugement ; que par arrêt du 13 décembre 1994, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement ; qu'après cassation de cet arrêt, devant la cour d'appel de renvoi, les consorts A... ont seulement demandé la démolition des ouvrages édifiés sur la zone non aedificandi Est ; que M. Z... a demandé la condamnation des consorts A... à lui restituer la somme qu'il leur avait réglée en exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Z... reproche à l'arrêt de lui avoir ordonné de démolir les ouvrages édifiés sur la zone non aedificandi, en limite divisoire Est, sous peine d'une astreinte de 1 000 francs par jour de retard à compter de la signification de cette décision, alors, selon le moyen :

1° que, si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée ; que dès lors, l'existence d'une construction, pendant trente ans, sur la zone non aedificandi entraînait l'extinction de la servitude dans son ensemble ; qu'en refusant néanmoins de constater l'extinction de la servitude, motif pris de ce que la construction invoquée par M. Z... avait été édifiée à l'Ouest, et que la propriété des consorts A... était située à l'est, les juges du fond ont violé les articles 700, 706 et 707 du Code civil ;

2° que, dès lors que l'absence d'aggravation postule que la servitude puisse s'éteindre à raison de l'édification d'une construction sur un point de la zone non aedificandi, il importe peu qu'un autre point de cette zone soit matériellement distinct de l'assiette de la construction ; qu'en se fondant sur un motif inopérant, les juges du fond ont de nouveau violé les articles 700, 706 et 707 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que M. Y... avait divisé son fonds en trois parcelles antérieurement à la création de l'interdiction de construire le long des lignes divisoires entre la parcelle centrale et les parcelles voisines ; que, dès lors, le moyen pris de la violation des articles 700 et suivants du Code civil qui postule que la servitude préexiste à la division de l'héritage, n'est fondé en aucune de ses branches ;

Enfin, dans un arrêt du 29 mai 1963 a posé une limite à l’indivisibilité de la servitude en posant que lorsque l’héritage à la charge duquel la servitude a été établie vient à être divisé, elle reste due par chaque portion, cette indivisibilité ne saurait avoir pour conséquence de faire supporter la servitude, par voie d’extension, a des fonds que le propriétaire de l’héritage assujetti y aurait ultérieurement réunis (Cass. 1ère civ. 29 mai 1963).

Enfin, lorsque l’exercice de la servitude est circonscrit à une partie seulement du fonds servant, tel que cela peut être le cas pour un droit de passage, en cas de division du fonds, la servitude ne sera maintenue que sur la partie qui constitue l’assiette de la servitude.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2004, n°870, p. 753.

[2] F. Terré et Ph. Simler, op. cit., n°873, p. 754.

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