Contexte. Conformément à l’article 7 de la Convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 (in Avantages en matière de prévoyance), un gérant salarié souscrit plusieurs contrats de prévoyance à adhésion obligatoire. Les risques d’incapacité, d’invalidité, de décès et d’invalidité absolue et définitive du personnel cadre sont ainsi couverts. Ceux encourus par le gérant salarié, qui adhère à titre personnel, le sont par la même occasion. Ils le seront mieux encore quelques mois plus tard. Par avenant, les parties décident d’étendre les garanties convenues au plafond de la tranche C de la Sécurité sociale.
L’assuré, qui a été bien inspiré de relever le niveau de sa protection sociale, est victime de trois accidents du travail. La Caisse primaire d’assurance maladie lui attribue un taux d’incapacité permanente de 100 %. L’institution de prévoyance sert les indemnités journalières et la rente d’incapacité stipulées au contrat d’assurance de groupe, puis interrompt les versements, refuse le paiement du capital décès anticipé et celui de la rente d’éducation des enfants, fausse déclaration intentionnelle du risque oblige. C’est que des réponses apportées par l’intéressé au questionnaire de santé (adressé avant que les garanties ne soient conventionnellement étendues) se sont avérées mensongères. Le gérant salarié assigne Humanis prévoyance en exécution des garanties souscrites.
Saisi, le tribunal de grande instance de Paris déboute le demandeur. Sur appel de ce dernier, la cour d’appel de Paris confirme le jugement déféré. L’intéressé forme un pourvoi en cassation.
Au visa des articles 1 et 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques et de l’article L. 932-7 du Code de la sécurité sociale, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse l’arrêt : « La fausse déclaration intentionnelle du participant à un contrat collectif de prévoyance à adhésion obligatoire proposé par une institution de prévoyance » est sans incidence sur le paiement de l’obligation. Exit l’exception de nullité. Humanis prévoyance doit compenser les suites de l’incapacité soufferte.
Textes. L’article 2, alinéa 1er, de la loi Évin contraint l’organisme qui délivre sa garantie à prendre en charge les suites des états pathologiques du salarié garanti collectivement contre les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, qui sont survenus la souscription du contrat ou de la convention ou de l’adhésion. L’organisme n’est donc pas autorisé à sélectionner les risques. Soit il assure l’ensemble du groupe concerné, sans pouvoir individualiser la tarification. Soit il refuse de contracter, sans pouvoir individualiser sa dénégation (H. Groutel, F. Leduc, P. Pierre, M. Asselin, Traité du contrat d’assurance terrestre, Litec, 2008, n° 2049 ; v. typiquement, Cass. 1re civ., 7 juill. 1998, n° 96-13843). C’est en définitive une politique juridique du tout ou rien.
La loi réserve néanmoins le cas de la fausse déclaration : fraus omnia corrumpit… ou pas. Il s’avère que l’article L. 932-7 du Code de la sécurité sociale, qui sanctionne la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle du participant par la nullité de la garantie (al. 1er), renferme une règle des plus exorbitantes du droit des assurances lato sensu (al. 4). Règle qui, au passage, a fait florès à la faveur de l’article 51 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (C. assur., art. L. 145-4 ; C. mut., art. L. 221-14). La voici : « Lorsque l’adhésion à l’institution résulte d’une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, les dispositions [i.e. de l’alinéa 1er qui sont propres à la nullité encourue] ne s’appliquent pas ».
Analyse. De prime abord, l’arrêt de cassation fait une exacte application de l’article L. 932-7, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale. Le gérant salarié a contracté sur ordre de la convention collective nationale. Sa fausse déclaration intentionnelle, qui a consisté à cacher à l’institution de prévoyance une maladie osseuse à l’occasion de sa demande d’extension des garanties, est donc sans incidence.
À la réflexion, la Cour de cassation donne à l’alinéa 4 une portée qu’il ne saurait avoir : exceptio est strictissimae interpretationis. Certes, la Convention AGIRC fait obligation au gérant salarié de souscrire un contrat de prévoyance à adhésion obligatoire, mais la sujétion est strictement définie. L’article 7 de ladite convention stipule en ce sens que « les employeurs s’engagent a? verser, pour tout bénéficiaire (…) une cotisation a? leur charge exclusive, égale a? 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixe? pour les cotisations de Sécurité? sociale ». Nulle part il n’est question d’obliger le gérant salarié à étendre les garanties comme il l’a fait en l’espèce. L’exception de l’article L. 932-7, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale n’avait donc pas vocation à jouer.
Aux termes de l’alinéa 1er, la fausse déclaration intentionnelle aurait dû être sanctionnée par la nullité de la garantie pour peu, à tout le moins, que les conditions de la loi aient été réunies (CSS, art. L. 932-7, al. 1er). Le prononcé d’une nullité partielle – à savoir l’annulation du seul avenant sur le fondement duquel les garanties ont été grossies – aurait permis de sanctionner utilement le gérant salarié, dans la mesure où les cotisations payées seraient demeurées acquises à l’institution de prévoyance, tout en lui laissant le bénéfice du contrat d’assurance de groupe. Pareille solution aurait eu un autre mérite, celui en l’occurrence d’uniformiser le régime des nullités pour fausse déclaration intentionnelle. Le 2 décembre 2014, la chambre criminelle de la Cour de cassation considérait, au visa des articles 1134 du Code civil et L. 113-8 du Code des assurances (entre autres), que « la nullité du contrat d’assurance n’a pris effet qu’à la date de la fausse déclaration intentionnelle qu’elle sanctionne » (Cass. crim., 2 déc. 2014, n° 14-80933, FS–PB : RGDA 2015, p. 99, note L. Mayaux).
N’aurait-il pas été plus judicieux de frapper l’avenant de nullité en laissant subsister la position contractuelle princeps, que de donner à une disposition exorbitante du droit commun une portée que l’économie du dispositif n’imposait pas ?
(Article publié in Gazette du palais juill. 2015)

