Les prix de transfert : approche de la matière

Article de Vincent Lepaul, Avocat en prix de transfert – Barreau de Paris & Pierre-Olivier Mathieu, Responsable du contrôle de gestion et prix de transfert – Carrefour

Définition.- Dans son ouvrage de référence Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales (ci-après les « Principes de l’OCDE »), l’Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après « OCDE ») définit les prix de transfert comme étant « les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées » (OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017, Éditions OCDE, Paris, §11 de la préface).

Une telle définition est en réalité incomplète. L’OCDE prit soin par la suite de préciser que « les problèmes internes ne sont pas considérés dans les [Principe de l’OCDE] qui sont exclusivement consacrés aux aspects internationaux des prix de transfert » ((OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017, Éditions OCDE, Paris, §12 de la préface).

En somme, la caractérisation d’un prix de transfert suppose la réunion de quatre conditions cumulatives, à savoir (i) l’existence d’un flux (ii) entre deux entreprises (iii) associées (iv) localisées dans des pays différents.

1° Un flux, ou « transaction »,représente tout transfert de valeur d’une entreprise à une autre. Plus concrètement, il peut notamment s’agir de la mise à disposition ou de la cession de l’un des éléments suivants :

  • Biens corporels (e.g., des ordinateurs, des chaussures, des vélos, etc.) ;
  • Actifs incorporels (e.g., des brevets, des marques, des logiciels, etc.) ;
  • Prestations de services (e.g., des services de comptabilité, des services de publicité, des services informatiques, etc.) ;
  • Transactions financières, (e.g., des prêts à long terme, des garanties financières, etc.) ;
  • Mises à disposition de personnel.

Seule compte la réalité opérationnelle, c’est-à-dire le transfert effectif d’un élément de valeur d’une entreprise à une autre. Ainsi, peu importe que l’opération soit réalisée à titre gratuit ou onéreux, que l’opération soit effectivement facturée ou non. En d’autres termes, dès lors qu’il y a un transfert de valeur effectif d’une entreprise à une autre, il y a un flux. Néanmoins, il convient de préciser que les distributions de dividendes n’entrent pas dans la catégorie des flux et sont donc en principe hors du champ d’application des prix de transfert.

2° La notion d’entreprise réfère à toute entité dotée de la personnalité fiscale, à savoir tant les sociétés – quelle que soit la forme juridique choisie – que les succursales et les établissements stables (((OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017, Éditions OCDE, Paris, §11 de la préface). Du point de vue juridique, seule une personne morale disposant de la personnalité juridique est titulaire de droits (e.g., se prévaloir des dispositions d’une convention fiscale) et d’obligations (e.g., s’acquitter d’impôts, taxes et redevances), telle une société dûment immatriculée au registre du commerce et des sociétés. En matière fiscale en revanche, une fiction est créée afin d’accorder des droits et des obligations aux succursales et établissements stables qui ne sont que des émanations à l’étranger d’une même société. Bien entendu, les personnes physiques ne sont en aucune façon considérées comme étant des entreprises.

3° Des entreprises sont dites associées (ou « liées ») :

– Si l’une participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital de l’autre ; ou

– Si les mêmes personnes physiques participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital des deux entreprises ((OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017, Éditions OCDE, Paris, §11 de la préface).

En d’autres termes, il est question ici du contrôle de droit ou de fait exercé par une personne morale ou physique sur une autre personne morale. En pratique, une attention particulière devrait être apportée à la législation interne des pays d’implantation du groupe de sociétés car la notion de contrôle peut varier d’un pays à l’autre. En ce sens, la législation française dispose notamment qu’un contrôle de droit existe lorsqu’une société détient directement ou indirectement une fraction du capital social d’une autre société lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société, donc plus de 50 % des droits de vote (article L233-3 du Code de commerce). En Inde, ce seuil de détention est porté à 26 % (section – 92A, Income-tax Act, 1961-2020). Par ailleurs, une société et son établissement stable sont de facto des entreprises associées.

4° L’aspect international suppose que les entreprises soient localisées dans des territoires appartenant à des États distincts. Contrairement à la matière douanière, dès lors que les entreprises sont localisées dans des pays différents, même au sein de l’Union européenne, il est question d’un prix de transfert. En revanche, un flux intervenant entre deux sociétés associées localisées dans un pays identique ne sera pas considéré comme étant un prix de transfert. Dans ce dernier cas, c’est la théorie de l’acte anormal de gestion, pendant interne des prix de transfert, qui trouvera le cas échéant à s’appliquer.

Mise en pratique.- L’exemple ci-dessous, purement fictif, permet de mettre en pratique la définition présentée supra :

Domaine.- Les prix de transfert constituent une branche de la fiscalité internationale. Au même titre que le droit de la sécurité sociale, ils ont certes leurs spécificités, mais ne sauraient pour autant être considérés comme autonomes. Bien au contraire.

D’abord le droit. Les prix de transfert font en premier lieu appel à des notions de fiscalité « générale ». Par exemple, toutes les règles ayant trait à la détermination du résultat fiscal, dont la déductibilité des charges. En deuxième lieu, ils sont étroitement liés à la fiscalité internationale « classique », notamment lorsqu’il est question d’un établissement stable. En troisième lieu, ils suivent les règles de procédure fiscale applicables à l’impôt sur les sociétés. Branche spécifique de la fiscalité internationale, mais composante à part entière du droit fiscal, les prix de transfert sont également amenés à se superposer à d’autres branches du droit. Comme a pu l’écrire le feu Maurice Cozian dans son Précis de fiscalité des entreprises, « être fiscaliste implique d’avoir une grande culture juridique, car la fiscalité s’articule nécessairement avec les mécanismes juridiques qu’il convient de maîtriser ». Ainsi, en pratique, un spécialiste des prix de transfert pourra notamment être conduit à rédiger des contrats intragroupe – ce qui suppose de maîtriser le droit des obligations –, ou prendre en considération la matière douanière dans ses recommandations.

Ensuite l’économie. Déterminer un prix de transfert suppose au préalable de comprendre le fonctionnement d’un groupe de sociétés et l’environnement dans lequel il évolue. Il s’agira par exemple d’étudier les secteurs d’activités dans lesquels les sociétés du groupe opèrent, la chaîne de valeur du groupe ou encore la stratégie de développement poursuivie par le groupe. Par la suite, il conviendra d’appliquer des méthodes économiques, comme la méthode du coût de revient majoré ou la méthode du partage des bénéfices, afin de déterminer le prix applicable aux transactions intragroupe (c’est-à-dire un prix de pleine concurrence, cf. infra).

Enfin la finance. L’application d’une méthode économique visant à déterminer un prix de transfert reposera bien souvent sur une marge brute ou nette. Cela sous-tend donc d’être en mesure de calculer une marge et/ou de lire un compte de résultat. Par ailleurs, certains flux intragroupe nécessitent de recourir à des méthodes financières, comme la méthode des flux de trésorerie actualisés (Discounted Cash-Flow ou « DCF » en anglais), qui elle-même peut exiger de calculer au préalable le coût moyen pondéré du capital (Weighted Average Cost of Capital ou « WACC » en anglais).

Nature.- Selon une partie de la doctrine, le droit fiscal, principale branche du droit public, trouverait à être autonome vis-à-vis des autres branches du droit public et a fortiori de celles du droit privé, afin de constituer une branche particulière de droit (B. Castagnède, Nature et caractères du droit fiscal, Revue Droit fiscal n° 25 – n° hors-série, 1er juin 2007). Certes, le droit fiscal dispose de particularités qui lui sont propres. Pour autant, comme nous avons pu le voir supra, son autonomie est somme toute relative dès lors qu’il trouve très largement appui sur d’autres branches du droit. C’est pourquoi il est aujourd’hui préférable de parler de droit de superposition.

Qu’en est-il des prix de transfert ? L’on ne parle pas de « droit » des prix de transfert. Rattachés au droit fiscal (ce dernier se superposant donc lui-même à d’autres matières juridiques, comme le droit des sociétés ou le droit civil), à l’économie et à la finance, les prix de transfert ne peuvent être considérés comme étant autonomes. En somme, il s’agit d’une matière hybride née de la superposition d’un ensemble de règles appartenant à des domaines différents (i.e., droit, économie et finance).

Fondements théoriques.- La question des prix de transfert a été abordée pour la première fois en 1955 par les économistes américains Paul W. Cook, Jr. (P. W. Cook Jr., Decentralization and the Transfer-Price Problem, The Journal of Business, avril 1955, vol. 28, n°2, pp. 87-94) et Joel Dean (J. Dean, Decentralization and Intra-company Pricing, Harvard Business Review, Juillet – août 1955, XXXIII, pp. 65-74). Selon eux, en se « décentralisant » (c’est-à-dire en créant des établissements stables ou des filiales disposant d’une forte autonomie, qu’ils appellent « centres de profits »), une entreprise s’attend à accroître la rentabilité du groupe dans son ensemble d’une part en veillant à ce qu’un centre de profits n’accroisse pas ses bénéfices au détriment de ceux du groupe dans son ensemble et d’autre part en incitant les dirigeants locaux à gérer leurs structures de sorte à générer un profit optimal pour le groupe. Ils ajoutent que la politique de prix de transfert est d’une importance fondamentale pour déterminer si les centres de profit sont amenés à agir de la sorte ou non.

Par la suite, de nombreux auteurs ont apporté leur pierre à l’édifice, comme Jack Hirshleifer (J. Hirshleifer, On the economics of transfer pricing, The Journal of Business, 1956, vol. 29, p. 172), Lawrence W. Copirthorne (L. W. Copithorne, La théorie des prix de transfert internes des grandes sociétés, L’Actualité économique, juillet – septembre 1956, 52(3), 324–352) ou encore Eric Bond (E. Bond, Optimal transfer pricing when tax rates differ, Southern Economic Journal 47, 1980, pp. 191-200).

Sources internationales.- Du fait de leur nature intrinsèquement internationale, le siège de la matière des prix de transfert se trouve dans les Principes de l’OCDE. Fondée le 30 septembre 1961, l’OCDE est une organisation internationale réunissant actuellement 38 pays membres, parmi lesquels l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ce qui lui vaut le surnom de « Club des pays riches ». En matière de fiscalité, elle a pour mission de dégager un consensus entre les différents pays membres et les acteurs de la société civile afin d’établir des normes internationales de droit souple (soft law en anglais). A l’origine, l’OCDE avait rédigé un premier rapport intitulé Prix de transfert et entreprises multinationales, datant de 1979. Ce rapport a été abrogé par l’adoption de la première version des Principes de l’OCDE, en 1995. Depuis, de nombreuses révisions ont eu lieu, la dernière datant de juillet 2017. Ils continueront d’être périodiquement révisés et complétés par des directives additionnelles, notamment en fonction des retours d’expérience des différents acteurs concernés. Le prochain ajout, prévu pour 2022, concerna le rapport de l’OCDE relatif aux transactions financières (OCDE (2020), Instructions sur les prix de transfert relatives aux transactions financières : Cadre inclusif sur le BEPS : Actions 4, 8-10, OCDE, Paris).

Les Actions du projet Base Erosion and Profit Shifting (ci-après « BEPS ») de 2015 constituent également une source importante des prix de transfert. Menée par l’OCDE, il s’agit d’une réforme en profondeur de la fiscalité internationale visant à lutter contre l’évasion fiscale. L’OCDE a formé un cadre inclusif autour de ce projet, réunissant plus de 125 pays et permettant ainsi de dégager un consensus international fort et donc une application effective et harmonisée des règles édictées. Plus particulièrement, il s’agit des Actions 8-10 « Prix de transfert », de l’Action 13 « Documentation des prix de transfert » et de l’Action 14 « Règlement des différends ». Ces différentes règles ont été intégrées dans les Principes de l’OCDE lors de leur révision juillet 2017.

D’autres rapports édictés par l’OCDE viennent également régir la matière, comme le rapport relatif à l’attribution des profits aux établissements stables (OECD, 2010 Report on the attribution of profits to permanent establishments, 2010), le rapport relatif aux transactions financières (OCDE (2020), Instructions sur les prix de transfert relatives aux transactions financières : Cadre inclusif sur le BEPS : Actions 4, 8-10, OCDE, Paris) ou encore celui relatif aux conséquences de la crise de la covid-19 (OCDE, Guide sur les conséquences de la pandémie de COVID-19 en matière de prix de transfert, 2020).

Comme nous venons de le voir, les Principes de l’OCDE ont été adoptés par le Club des pays riches. Cependant, les pays en voie de développement ont des enjeux pour le moins différents, tels que la rédaction de la législation interne de base ou encore l’accès aux données comptables nécessaires pour mener à bien et vérifier les études économiques visant à déterminer un prix de pleine concurrence. Dans ce contexte, l’Organisation des Nations Unies a publié en 2013 un Manuel pratique en matière de prix de transfert à l’attention des pays en voie de développement (e.g., la Chine, le Brésil, les pays d’Afrique). Ce Manuel a depuis été mis à jour en 2017 puis en 2021. Néanmoins, dans les faits, certains pays en voie de développement ont tendance à appliquer les Principes de l’OCDE.

Parmi les sources secondaires, l’on peut citer les conventions fiscales bilatérales et le droit européen. S’agissant des conventions fiscales d’abord, il faut se référer à l’article 9 du Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune 2019, relatif aux « entreprises associées ». S’agissant du droit européen, l’on peut citer le Forum conjoint sur les prix de transfert (qui est groupe d’experts assistant et conseillant la Commission européenne sur les questions fiscales liées aux prix de transfert) et les institutions de l’Union européenne (voir notamment en ce sens la proposition de directive européenne portant sur la publication des déclarations pays par pays).

Sources internes.- Si le droit souple occupe une place prépondérante dans la gestion des prix de transfert (cf. les Principes de l’OCDE), le droit interne de chaque pays doit être scrupuleusement analysé, car des précisions ou des spécificités peuvent être prévues, notamment en matière de documentation prix de transfert.

En premier lieu, il convient de prendre connaissance de la loi. En France, les principaux articles régissant la matière sont les suivants :

– Article 57 du Code général des impôts : permet à l’administration fiscale d’effectuer un redressement en matière de prix de transfert dans le cadre d’une vérification de comptabilité ;

– Article L13 AA du Livre des procédures fiscales : pour les sociétés dépassant certains seuils (chiffre d’affaires ou actif brut au bilan d’au moins 400 millions d’euros), obligation de disposer d’un ensemble documentaire (i.e., un fichier principal aussi appelé « Master File » et un fichier local dit « Local File ») ;

– Article L13 B du Livre des procédures fiscales : pour les sociétés ne répondant pas aux seuils de l’article L13 AA du LPF, l’administration fiscale a la possibilité d’exiger de la société contrôlée qu’elle fournisse des informations supplémentaires (e.g., méthode prix de transfert mise en œuvre, etc.) ;

– Article 223 quinquies B du Code général des impôts : pour les sociétés dépassant certains seuils (chiffre d’affaires ou actif brut au bilan d’au moins 50 millions d’euros), obligation d’effectuer une déclaration annuelle simplifiée en matière de prix de transfert ;

– Article 223 quinquies C du Code général des impôts : pour les groupes de sociétés répondant à certains critères (e.g., chiffre d’affaires consolidé d’au moins 750 millions d’euros), obligation d’effectuer une déclaration annuelle de la répartition pays par pays (aussi appelé « Country by Country Reporting » ou « CbCR » en anglais) des bénéfices du groupe et d’autres agrégats économiques.

En deuxième lieu, il faut tirer les conséquences de la jurisprudence. En France, ce sont les juges de l’ordre administratif (i.e., tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et Conseil d’Etat) qui tranchent les problématiques ayant trait aux prix de transfert.

En troisième lieu, une attention particulière doit être portée à la doctrine administrative. En France, cette dernière est publiée au Bulletin officiel des Finances publiques (ci-après le « BOFIP »). Rarement, des textes intéressant les prix de transfert sont publiés en dehors du BOFIP (voir en ce sens les 8 fiches pratiques portant sur le taux d’intérêt des emprunts auprès d’entreprises liées publiées en janvier 2021 sur le site impots.gouv.fr).

Buts poursuivis.- La législation en matière de prix de transfert vise à éviter les conflits entre administrations fiscales et à promouvoir les échanges et les investissements internationaux. Plus particulièrement, elle poursuit un double objectif :

– Du point de vue des États : asseoir correctement l’impôt dans chaque pays ;

– Du point de vue des entreprises : prévenir les doubles impositions.

Principe de pleine concurrence.- Le principe de pleine concurrence est énoncé dans les Principes de l’OCDE ainsi qu’à l’article 9, paragraphe 1 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE : « [Lorsque] les deux entreprises [associées] sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des entreprises, mais n’ont pas pu l’être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence. »

Dit autrement, il s’agit de déterminer et d’appliquer un prix de marché aux transactions intragroupe, c’est-à-dire un prix que des entreprises indépendantes auraient convenu.

Ce standard repose sur une analyse de comparabilité, car il prévoit la double nécessité :

– D’une comparaison entre les conditions convenues ou imposées entre entreprises associées et celles qui seraient convenues entre entreprises indépendantes ;

– D’une détermination des profits qui auraient été réalisés en conditions de pleine concurrence.

En l’absence d’un standard international comme le principe de pleine concurrence, les contribuables comme les administrations fiscales pourraient fixer des prix pour des transactions intragroupe de façon totalement arbitraire, ce qui ne permettrait pas d’atteindre les objectifs fixés, à savoir asseoir correctement l’impôt dans chaque pays, prévenir les doubles impositions et favoriser l’expansion du commerce international (sans fausser le jeu de la concurrence).

Exemple pratique.- La société A, établie en Roumanie, détient 100 % du capital social de la société B française. Elle achète des matières premières pour un total de 700 € à des fournisseurs tiers (i.e., hors groupe) et paie ses salariés roumains pour un total de 300 € afin de fabriquer des ordinateurs, soit un total de coûts d’exploitation de 1 000 €. La société B française achète les ordinateurs produits par la société A et les revend aux consommateurs finaux sur le marché français pour un prix de revente de 1 700 €. Toute la question est de savoir combien vaut le prix de vente des ordinateurs de la société A à la société B (i.e., le prix de transfert). Selon que le prix de transfert pratiqué est de 1 100 € ou de 1 600 €, les conséquences fiscales pour le groupe de sociétés et pour les pays concernés (France et Roumanie) différeront significativement :

Enjeux.- Les prix de transfert revêtent une importance capitale pour l’économie mondiale dès lors qu’ils représentent plus de la moitié des échanges internationaux et qu’ils sont de nature à impacter directement la répartition de la matière imposable entre les différents pays.

Pour les contribuables concernés (i.e., les groupes internationaux, qu’il s’agisse de PME, ETI ou d’entreprises cotées en bourse), se conformer à la législation en vigueur en matière de prix de transfert peut représenter une charge administrative et des coûts de conformité non négligeables. Pourtant, mettre en place en amont de tout contrôle fiscal une politique prix de transfert adaptée et se conformer à la législation en vigueur d’un point de vue international et domestique permettront de réaliser des économiques significatives, le cas échéant en évitant :

– Un redressement de la base imposable (avec des conséquences possibles en matière d’impôt sur les sociétés, de CVAE, de TVA, de valeur en douane) et donc une double imposition ;

– L’application d’une retenue à la source (en France, en principe 26,5 % du montant du redressement pour l’année 2021) ;

– L’application d’intérêts de retard (en France, 0,20 % par mois du montant du redressement) ;

– L’application de pénalités fiscales (en France, application d’une majoration de 40 % ou 80 % du montant du redressement) ;

– L’application de pénalités pénales (en particulier dans des pays comme l’Italie ou la Pologne).