Traces écrit et droit

Traces écrit et droit. Voilà un ternaire intéressant à interroger. C’est à l’occasion d’un colloque international et pluridisciplinaire consacré aux “Traces et écritures” qu’il a été jugé raisonnable par les organisatrices de convoquer un juriste. Voici quelques premières pistes de réflexion.

1.- L’écrit

Le droit est langage. Et comme n’importe quel langage, il est indéterminé par nature. Je veux dire par là qu’il est susceptible de revêtir plusieurs sens. C’est une expérience que tout lecteur du droit a très sûrement eue. Plusieurs sens possibles donc aucun en particulier. C’est une difficulté bien connue en science du langage – écrit – tout particulièrement. C’est du reste pour cette raison qu’ont été inventés les émoticônes ou emojis, qui illustrent le propos, le contextualisent, pour clarifier le message. Que l’émetteur et le récepteur, qui échangent à l’écrit (qui sont donc absents par définition) ne se comprennent pas bien ; cela peut être embêtant. Mais que la loi ne soit pas comprise, c’est autrement plus fâcheux. C’est que le législateur (ou le rédacteur d’un contrat qui n’est autre que la loi des parties en fin de compte) ne prend pas la parole ou la plume pour papoter. Il la prend pour ordonner, permettre, défendre, annoncer des récompenses ou bien des peines. Fort heureusement, la majorité des dispositions légales se suffisent à elles-mêmes. Seulement voilà, il arrive que les choses se compliquent sacrément. Et c’est très précisément sur cet exercice que les apprentis juristes et les juniors buttent.

L’énoncé et la règle. Aussi clair soit le texte de loi sous étude, il peut arriver qu’il soit vieilli, dépassé, en contradiction avec d’autres dispositions, contraire à des considérations plus impérieuses. Dans un tel cas de figure, l’application de la règle ne s’impose pas ou plus avec évidence. D’aucuns seront tentés de rétorquer : dura lex sed lex. Seulement voilà : chaque fois que le sens clair d’un écrit contredit la finalité de l’institution qu’il est censé servir, ou heurte l’équité, ou conduit à des conséquences socialement inadmissibles, l’interprétation s’impose (summum ius, summum injuria). Comble de droit, comble d’injustice dit l’antique adage en réponse.

Une seconde difficulté guète le juriste, qui peut se cumuler du reste avec la première que je viens de décrire.

Il arrive que la règle de droit soit susceptible de plusieurs sens. Prenons un exemple élémentaire. Le code de procédure civile dispose que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Le législateur ne saurait être plus explicite. Une question se pose pourtant : est-ce une faculté ou bien au contraire une obligation ? Le juge doit-il trancher en droit ou bien a-t-il toute latitude pour se prononcer en équité ? L’emploi de l’indicatif instille le doute pour celui qui n’a pas été initié au droit et à sa grammaire normative. Dans un tel cas de figure, assez simple celui-ci en vérité, il échoit à la personne en charge de l’application de la règle de rechercher quelle a été l’intention du locuteur.

Ce travail de recherche, qui tourne assez souvent à la fouille archéologique, consiste plus concrètement à interpréter la norme juridique. Et c’est là que le risque est grand que le récepteur-interprète substitue purement et simplement l’idée qu’il se fait de la réglementation applicable à celle de l’émetteur, qu’il commette une erreur d’analyse des dessous de l’affaire.

L’interprétation ou la maïeutique. Voilà livré en quelques mots et esquissé sommairement l’art des juristes… L’exercice ne saurait jamais être affaire de caprice ni d’inspiration créatrice loufoque. Le juriste ne saurait être un apprenti-sorcier qui déchaîne des conséquences désordonnées et imprévues pour avoir ignoré la dépendance et l’insertion de la règle de droit dans son contexte. En bref, on ne peut s’y prendre n’importe comment au risque de réécrire purement et simplement la règle sous étude et de lui faire dire n’importe quoi. Discerner le sens véritable d’un texte obscur suppose donc rigueur et méthode. Et il en faut une belle quantité car il ne s’agit pas moins que de remonter le temps pour revenir sur la trace que l’auteur de la règle sur le point d’être interprétée a laissée en préparant sa loi.

2.- La trace

Les travaux préparatoires et la règle. Revenir sur la trace que l’auteur a laissée en prenant la plume, cela consiste à entamer une étude systématique des travaux préparatoires qui ont présidé à l’édiction de la règle. La pertinence de la démarche est néanmoins suspendue à la réunion de plusieurs conditions.

En premier lieu, il importe que les travaux fassent encore sens, que l’écoulement du temps ne les ait pas trop déqualifiés. Dans un tel cas de figure, il ne serait pas de bonne méthode de se livrer à une savante exégèse. Voilà l’une des leçons parmi les plus difficiles qu’il échoit aux professeurs de droit de donner à leurs étudiants. A l’étude de la lettre et à l’analyse grammaticale du texte, il faut savoir opter pour une variante plus subjective de type téléologique, qui recommande de prendre en compte l’économie générale de loi, sa finalité au-delà du libellé, son contexte historique, social entre autres considérations. L’esprit plus que la lettre en somme.

Mais une autre condition à l’étude des travaux préparatoires doit encore être satisfaite et ce avant même de s’interroger sur la question de déterminer quelle méthode d’interprétation pratiquer. C’est qu’il faut encore que l’interprète de la loi ait matière à travailler. Or, il peut arriver qu’il n’y ait pour ainsi dire pas d’écrit du tout : que rien n’ait été rédigé, que les travaux aient été bâclés ou bien qu’ils aient été purement et simplement égarés…

On a ainsi perdu des siècles durant la trace du droit romain (- 450 avant JC). Il faudra attendre le XIIe siècle pour retrouver la loi des XII tables qui est un ensemble de lois au fondement du droit romain dont la gravure sur des plaques de bronze a été imposée par la plèbe pour prévenir une application erratique et discrétionnaire des règles par les magistrats. Droit romain dont certaines figures juridiques de la législation civile sont encore directement inspirées.

Le dépôt et la Rome antique. Permettez-moi d’illustrer le propos. Et de vous montrer combien l’étude du seul droit positif (droit applicable à un moment donné sur un territoire considéré) est bien insuffisante pour donner à la règle prescrite tout son sens et sa portée.

Il est dit dans le code civil à propos du très ordinaire contrat de dépôt que le dépositaire (celui dans les mains duquel on remet une chose – par exemple l’adorable animal de compagnie (ou les enfants) qu’on dépose chez ses charmants beaux-parents pour partir en w.end) doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. Comprenons bien la prescription : si le dépositaire n’est absolument pas soigneux et abime par exemple la chose qui a été remise entre ses mains (qu’il laisse dépérir la pauvre bête par ex.), on appréciera sa faute relativement à la manière dont d’ordinaire il prend soin de ses affaires. Autant dire que le droit n’est pas sévère du tout. Pourquoi cela ? Eh bien parce qu’à Rome (on est en – 450 avant JC), dont ce contrat est tout droit issu, le dépôt est tout bonnement un service d’ami… Et que si une faute a été commise dans cette affaire…c’est d’avoir choisi le mauvais dépositaire (culpa in eligendo).

Sans l’étude par les étudiants de cette trace laissée par le droit romain, l’application de l’article 1927 du code civil est dénuée de sens commun. Et il y a possiblement pire dans le cas particulier. Car si aucune preuve écrite n’a été faite de la nature du contrat conclu, il pourrait être soutenu que la chose a été remise non pas pour être restituée comme convenu mais bien plutôt en guise de cadeau. On n’est donc pas prêt de récupérer le petit chien.

L’écrit et la rançon des droits. Où l’on constate à nouveau combien l’écrit est déterminant en la matière. Car ne pas avoir de droit du tout ou bien ne pas réussir à prouver son existence c’est égal en vérité. En bref et pour bien comprendre : la preuve est la rançon des droits (Jhering). C’est la raison pour laquelle l’écrit occupe une place à nulle autre pareille dans le système juridique. Les codes renferment de nombreux articles à ce sujet, qui pallient justement l’impossibilité de rédiger un écrit. C’est bien de trace dont il est question. L’écrit est exigé pour faire la preuve de ses allégations (c’est la fonction probatoire). Il l’est encore et bien plus sûrement en pratique pour rappeler aux parties concernées les obligations souscrites (c’est la fonction mémoire).

L’acte authentique dressé par un officier public ministériel, qui constate la vente d’une maison, est un exemple tout trouvé. En raison de l’importance des obligations souscrites et des droits accordés par les parties au contrat, les notaires ont l’obligation de conserver 75 années les actes qu’ils ont instrumentés (art. 1 ord. N° 45-2590 du 2 nov. 1945 rel. au statut du notariat) avant de les verser aux archives publiques (art. R. 212-15 c. patrim.). J’ai par exemple sur mon bureau un testament mystique (i.e. qui n’a jamais été ouvert) daté de 1763. En disant cela, je me demande si un système d’information pourra rouvrir un fichier vieux de + 260 années…

La trace des travaux préparatoires laissées par les législateurs (et les juristes plus généralement) doit systématiquement être recherchées par le juge. Pourquoi cela. Eh bien parce qu’on prétend (à tort ou à raison) que ce dernier a un devoir de loyauté envers la loi dont il est le serviteur en quelque sorte. Parce que la justice est rendue au nom du peuple français, il importe que le groupe social accepte le jugement. La rationalité de la décision est nécessaire mais pas suffisante. Il faut encore qu’elle soit acceptable. Pour susciter une adhésion personnelle des parties et de toutes les personnes concernées par le litige (concordia discordantium), le juge doit certainement chercher à convaincre (c’est la raison) ; il doit surtout s’employer à persuader (c’est le cœur). La connaissance et l’étude analytique des travaux préparatoires sont de nature à éclairer l’interprète sur les intentions du législateur, qui est source des règles juridiques, et à prévenir toute application discrétionnaire ou erratique du droit.

Vous penserez peut-être mais comment se fait-il que le législateur n’ait pas été invité à préciser le sens de la règle qu’il a édictée ? L’histoire du droit renseigne que cela a été essayé tout le temps qu’a duré le droit révolutionnaire (1789-1804). A l’expérience, le remède s’est avéré pire que le mal.

Depuis lors, il a été décidé que l’office de la loi serait de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit, d’établir des principes féconds en conséquence, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière. Charge au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l’esprit général des lois, à en diriger l’application (Portalis, Discours préliminaire sur le projet de code civil).

Voilà l’épreuve la plus difficile à surmonter pour les étudiants et les juristes juniors qui ont vocation à être en première intention juges de l’application des règles de droit. Épreuve à la préparation de laquelle il faut des heures et des heures de leçon et cours magistraux dispensés par les maîtres à leurs élèves.

(Communication faite lors du colloque international “Traces et écritures”, Université de Lorraine, sept. 2024)

Civ. 2, 30 janv. 2025, n° 22-19.660 : Expatriation et couverture de la faute inexcusable de l’employeur

Résumé

La Caisse des Français de l’étranger n’est pas une caisse de sécurité sociale comme les autres. Pour preuve, si un salarié expatrié est victime de la faute inexcusable de son employeur, qui a participé à la maladie dont il est atteint, alors la CFE n’a pas à faire l’avance des indemnités majorée. En bref, le salarié privé de toute solidarité de métier se retrouve à devoir supporter seul les dépenses afférentes aux suites de la maladies professionnelles et possiblement à la sauvegarde de sa dignité. Il aura fallu deux décisions rendues par la Cour de cassation dans la même affaire pour imposer la solution à la Cour d’appel de Rennes entrée en opposition frontale avec la cour régulatrice.

Commentaire.

En l’espèce, un salarié déclare une maladie qui renseigne une exposition à l’amiante dont le caractère professionnel est reconnu par la caisse de sécurité sociale. Il introduit dans la foulée une action en reconnaissance du caractère inexcusable de la faute commise par son employeur. Dans le cas particulier, la victime est un salarié expatrié, qui a souscrit une assurance volontaire (au sens de l’article L. 762-8 c. sécu. soc.) « accident du travail et maladies professionnelles » auprès de la Caisse des Français de l’étranger (CFE). C’est la variable de complication de l’affaire.

Comprenons bien : le salarié concerné n’étant plus soumis à la législation française de sécurité sociale (en application du principe de territorialité de l’article L. 111-2-2 c. sécu. soc.), l’intéressé était tout à fait libre de contracter avec l’assureur privé ou public de son choix pour autant qu’il satisfasse naturellement les conditions fixées au contrat projeté ou bien les dispositions légales édictées par le pays d’accueil aux fins de couverture du risque professionnel. Dans le cas particulier, le salarié préfère exercer la faculté qui lui est offerte de s’assurer volontairement contre les risques professionnels auprès de la CFE (art. L. 762-2 c. sécu. soc.). I

Le différend, qui a nécessité que la Cour de cassation se prononce à deux reprises dans cette affaire, est né du refus de la CFE de faire l’avance des indemnités majorées en raison de la faute inexcusable de l’employeur, ce qui est pourtant une obligation qui pèse sur les caisses primaires d’assurance maladie ( L. 452-2, al. 6 c. sécu. soc.) et les mutualités sociales agricoles (art. L. 452-2, al. 6 c. sécu. soc. sur renvoi de l’art. L. 751-7 c. rur.).

La question est donc posée de savoir au fond si la CFE est une caisse de sécurité sociale comme les autres ou pas ?

Saisie, la Cour d’appel de Rennes répond dans un premier arrêt par l’affirmative (9e ch., 26 sept. 2018). Et de conclure par voie de conséquence à l’obligation faite à la CFE de payer la majoration due tout en privant en revanche cette dernière de son droit à récupérer le capital représentatif auprès de l’employeur. Qu’on ne se méprenne pas : la Cour d’appel de Rennes ne prive pas discrétionnairement la CFE d’un droit subjectif au remboursement. L’infraction à l’article L. 452-2, al. 6 c. sécu. soc. aurait été bien trop frontale. Non, il s’avère simplement (ou pas) que les règles qui fixent l’organisation et le fonctionnement de la CFE, qui sont renfermées dans un titre IV du Livre VII « Régime divers – dispositions diverses » du Code de la sécurité sociale, n’accorde aucune subrogation légale à la caisse. Dans la mesure où, il ne saurait y avoir de paiement par subrogation sans texte (art. 1346 c.civ.), et que manifestement aucune subrogation conventionnelle n’a été stipulée, la Cour d’appel de Rennes semble articuler convenablement le régime d’indemnisation des risques professionnels, les règles spéciales de couverture des salariés expatriés victimes d’une maladie et les principes directeurs du droit civil des obligations.

Dans un arrêt rendu le 16 juillet 2000 (n° 18-24.942), la Cour de cassation n’est pourtant pas de cet avis, qui casse une première fois l’arrêt au visa de l’article au visa des articles L. 762-1 et L. 762-8 c. sécu. soc. en ce que si l’assurance volontaire qui a été souscrite donne droit à l’ensemble des prestations prévues par le livre IV, c’est à l’exclusion de l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur. Et la deuxième Chambre civile de se réunir en formation de section et d’ordonner qu’une large diffusion soit donnée à sa décision (FS-P+B+I). Désignée en qualité de cour de renvoi, la Cour d’appel de Rennes s’obstine pourtant dans son analyse et entre en voie de résistance manifeste (CA Rennes (9e ch., 1er juin 2022).

C’est la raison pour laquelle – fait suffisamment rare pour être souligné – la Cour de cassation tranche définitivement le litige et ne renvoie pas une seconde fois l’affaire pour qu’il soit jugé au fond. Au vu de la situation particulière, la deuxième Chambre civile aurait peut-être gagné à enrichir sa décision et ne pas se contenter ou presque de reproduire mot à mot le chapeau intérieur. L’exercice tenant trop sûrement de la gageure, l’arrêt est promis au rapport annuel. L’occasion sera donc donnée de revenir sur le cas particulier.

C’est que le raisonnement de la victime tiré d’une application par analogie des textes applicables aux caisses primaires d’assurance maladie et mutualités sociales agricoles, qui a convaincu la Cour d’appel de Rennes, était assez séduisant. Un article D. 461-24 c. sécu. soc. dispose en effet : « conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 431-1 et des articles L. 432-1 et L. 461-1, la charge des prestations, indemnités et rentes incombe à la caisse d’assurance maladie ou à l’organisation spéciale de sécurité sociale à laquelle la victime est affiliée (…) » tandis qu’un second texte – l’article L. 762-8, alinéa 2 du code de la sécurité sociale – dispose que « l’assurance volontaire accidents du travail et maladies professionnelles donne droit à l’ensemble des prestations prévues par le livre IV ». L’application cumulée semblait fonder la condamnation de la CFE à faire l’avance des indemnités majorée (pendant que les textes relevés plus haut semblaient bien la priver de toute subrogation).

Mais c’est une autre combinaison qui a été choisie, qui tient compte de l’économie générale de la Caisse des Français de l’étranger, qui a été possiblement omise au nombre des variables qu’il s’agissait d’articuler, ou dont la considération a été jugée moins déterminante que le triste sort réservé au salarié concerné en l’espèce.

A la différence d’une caisse primaire d’assurance maladie ou bien d’une mutualité sociale agricole, la CFE est gestionnaire d’une assurance volontairement contractée par le salarié expatrié, qui est seul tenu au paiement de la dette de cotisation à l’exclusion de l’employeur par voie de conséquence. Que ce dernier décide spontanément de payer la dette du salarié (Soc., 27 nov. 2013, n° 12-23.603, inédit) ou bien qu’une convention collective l’y contraigne (Soc., 19 sept. 2007, n° 05-41.156, inédit – 26 juin 2013, n° 12-13.046, inédit), cela n’a pas pour effet de lier juridiquement la CFE et l’employeur. La solution serait du reste la même si le salarié ne disposait pas de la totalité des ressources nécessaires pour acquitter sa cotisation et que la CFE décidait de prendre en charge le reliquat sur son budget de l’action sanitaire et sociale (art. L. 762-6-5, al. 1 c. sécu. soc.. V. par ex. arr. du 21 déc. 2018 fixant le niveau de prise en charge des cotisations par le budget de l’action sanitaire et sociale de la Caisse des Français de l’étranger pour la troisième catégorie de cotisants : soit 1/3 de la cotisation).

En bref, il n’appartient donc pas à la caisse de couvrir le risque accident ou maladie aggravé par la faute inexcusable de l’employeur, risque qui n’est pas entré dans le champ contractuel. Et si aucune subrogation légale n’a été accordée à la CFE, c’est très précisément parce que cette dernière ne paie pas la dette de l’employeur mais la sienne propre née de la conclusion du contrat d’assurance.

Ceci étant dit, et le commentaire ne devrait pas plus convaincre la Cour d’appel de Rennes que la décision sous étude : le caractère sui generis de la CFE tourne au préjudice du salarié, qui est la partie faible au contrat qu’il s’agit pourtant de protéger. En pratique, c’est bien le salarié qui va supporter le risque d’opposition de son employeur voire le risque d’insolvabilité. La Cour de cassation, qui complète ici sa décision au regard du premier arrêt, indique que le salarié « dispose (…) du droit d’agir à l’encontre de son employeur, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle, pour obtenir la réparation des préjudices causés par le manquement de ce dernier à son obligation de sécurité » (point n° 9). Pour le dire autrement : c’est donc sur ses derniers propres qu’un salarié victime d’une exposition à l’amiante devra supporter les suites de la faute inexcusable de son employeur tant qu’un accord n’aura pas été trouvé ou bien une décision passée en force de chose jugée n’aura pas été rendue.

Cette situation n’est pas du tout conforme au droit des risques professionnels. Non seulement, le salarié victime d’une maladie professionnelle, en situation de fragilité relative du fait de l’expatriation, n’est pas traité à l’identique de ses collègues relativement aux risques professionnels, qui doit faire l’avance des fonds nécessaires à la sauvegarde de sa dignité, mais il peut en outre se retrouver en situation de transiger tandis qu’il n’est pas dans une position égale en termes de puissance avec son co-contractant, le tout en violation de l’article. L. 482-4, al. 1 c. sécu. soc. qui dispose que « toute convention contraire au présent livre (IV) est nulle de plein droit ».

La CFE est en capacité de garantir le salarié contre sa propre difficulté financière au stade de la conclusion du contrat. Pour quelle raison ne serait-elle pas en capacité de le garantir contre l’insolvabilité du tiers responsable au jour de l’exécution du contrat d’assurance ? A ces questions, il sera répondu que la CFE n’en a tout simplement pas les moyens car le régime, qui doit être équilibré en recettes et dépenses (art. R. 766-57 c. sécu. soc.) est abondé en argent grâce aux seules cotisations payées par les adhérents salariés (art. R. 766-58 c. sécu. soc.), exception faite d’une subvention annuelle qui contribue au financement du budget de l’action sanitaire et sociale art. R. 766-58-1 c. sécu. soc. Admettons. Au fond, s’il est une raison à cette solution sévère pour le salarié, elle n’est pas exclusivement d’ordre technique. Pour paraphraser une formule usitée par le Conseil constitutionnel, il s’avère que la Cour de cassation ne dispose (très vraisemblablement) pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement (J. Bourdoiseau, L’évolution de la responsabilité de l’entreprise dans la survenance du risque professionnel d’une dette d’argent de l’employeur à une créance de réparation du salarié ? Dr. social févr. 2025.178). Charge revient donc au législateur tout à fait informé à présent de remettre ou pas l’ouvrage sur le métier.

(Article publié in Dalloz actualité févr. 2025)

Crim., 16 janv. 2025, n° 23-84.994 : Dépenses périodiques futures et capitalisation des arrérages à échoir – méthodologie

Solution.

La Cour de cassation abandonne aux juges de fond le soin de choisir à quelle date il importe de prendre l’âge du crédirentier pour capitaliser les arrérages à échoir. Le jour de la décision vaut bien le jour du premier renouvellement des matériels pour autant que le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit soit observé. Elle rappelle en outre que la capitalisation ne peut se faire que pour l’avenir.

Impact.

La Chambre criminelle, qui confirme une jurisprudence qu’elle a en partage avec la 2ème Chambre civile, complète en l’espèce un régime complexe qui a été abandonné par le législateur à l’appréciation souveraine des juges du fond.

En l’espèce, après qu’un accident de la circulation est survenu, le passager d’un véhicule est très gravement blessé. Le conducteur est déclaré responsable de l’entier dommage. Sur intérêts civils, le prévenu est condamné à payer près de 3 millions d’euros. Au nombre des chefs de préjudices indemnisés, certains postes, qui ont trait à des dépenses futures (aide technique, assistance par tierce personne, pertes de gains professionnels futurs), font débat. Dans le cas particulier, il doit être procédé au calcul des arrérages à échoir en vue d’une capitalisation en se fondant sur le prix de l’euro de rente viagère. L’appréciation de l’âge du crédirentier est donc au cœur de l’affaire. Cette décision s’inscrit dans une série d’arrêts qui fixent les règles applicables à la liquidation des dépenses futures de la victime. La Cour de cassation ne varie à proprement parler : la capitalisation ne peut se faire dans le passé (2) (v. not. Crim. 13 nov. 2013, n° 12-84.838 – 3 mai 2016, n° 14-84.246 ; Civ. 2, Civ. 2e, 4 avr. 2024, n° 22-19.307, Resp. civ. et assur. 2024, comm. 148, S. Hocquet-Berg. V. égal. A. Coviaux, De l’âge de la victime crédirentière de ses dépenses de santé futures, D. actualité 28 janv. 2025). Elle donne néanmoins une indication intéressante relativement à la capitalisation des dépenses périodiques futures : le juge est libre de capitaliser au premier renouvellement ou non (1).

1.- La première question posée dans le cas particulier est de savoir, aux fins de capitalisation des arrérages à échoir, à quelle date prendre en compte l’âge de la victime. En l’espèce deux possibilités s’offraient aux juges du fond : l’âge du crédirentier au jour de la décision ou bien l’âge de l’intéressé au jour du premier renouvellement périodique de divers matériaux médicaux. Saisie, la Cour d’appel de Nîmes opte pour la première branche de l’option relativement à l’indemnisation des dépenses de santé futures. Elle est suivie par la Cour de cassation, qui ne recommande pas à proprement parler l’une ou l’autre méthode, et limite son office à un contrôle de motivation. La cour de considérer que les modalités de capitalisation les mieux à même d’assurer une réparation intégrale du dommage sans perte ni profit relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond (points nos 12 et 14). La solution peut se recommander d’une simplification de l’existant, dont on ne saurait franchement dire toutefois si la victime en sort bien lotie. L’observance du principe sous étude, qui est posé en jurisprudence depuis 1942 (Cass. req., 24 mars 1942 : RTD civ. 1942, p. 289 , n° 12, obs. H. et L. Mazeaud) car c’est la date la plus proche de la réparation effective (V. F. Leduc, Fasc. 201, Régime de la réparation, Modalités de la réparation, § 59), présente un avantage : la victime est indemnisée une fois pour toute sans que le régleur ait matière à redire ex post (sans préjudice naturellement d’une action en indemnisation des chefs de préjudices nés de l’aggravation du dommage). La solution présente toutefois un inconvénient : les dommages-intérêts accordés en regard risquent de ne pas être suffisants le moment venu pour renouveler des aides techniques qui se sont améliorées entre temps et qui sont devenues très possiblement et par voie de conséquence plus onéreuses. Où l’on voit l’intérêt qu’il y aurait eu de retenir la date du renouvellement (v. not. F. Bibal et A. Guégan, L’évaluation du préjudice corporel, 22ème éd., LexisNexis, 2022, n° 234). A noter qu’une cassation aurait été encourue s’il avait été jugé que les frais futurs d’appareillage seraient remboursés au fur et à mesure de leur engagement (Civ. 1, 15 oct. 2014, n° 13-20.851 (2nd moyen), Resp. civ. et assur. janv. 2015, obs. S. Hocquet-Berg).

2.- La seconde question concerne l’âge de la victime proprement dit afin que l’argent soit placé à un certain taux pour que le crédirentier puisse en retirer à échéance une rente. A nouveau, une option à deux branches s’offre au régleur en cas de transaction et au juge dans le cas contraire pour calculer les droits à assistance par tierce personne : l’âge du crédirentier au jour de la liquidation du préjudice ou bien l’âge de l’intéressé au jour du prononcé de l’arrêt. La Cour d’appel de Nîmes opte pour la première branche. Son arrêt est cassé au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. Il y a deux raisons à cela. D’une part, tandis que la victime au jour de la liquidation des chefs de préjudice avait 39 ans, les juges ont retenu, en application du barème publié en 2020 par la Gazette du palais, un prix de l’euro de rente viagère correspondant au taux retenu pour un homme âgé de 38 ans (prix retenu en première instance) : une possible erreur matérielle fait remarquer la Cour de cassation (point n° 18), qui est constitutive d’un écart de plusieurs milliers euros (en ce sens Ch. Quézel-Ambrunaz, Lexbase, 28 janv. 2025). D’autre part, et surtout, la victime avait atteint l’âge de 40 ans au jour de la décision : le prix de l’euro de rente viagère retenu était par voie de conséquence en infraction avec le principe directeur de l’article 1240 du Code civil. Il est rappelé en l’espèce que la capitalisation ne peut se faire que pour l’avenir. D’un point de vue conceptuel, il ne peut pas en être autrement : la capitalisation (à la différence de l’actualisation) suit un mouvement nécessairement prospectif (v. par ex. F. Bibal et A. Guégan, ouvrage précité, nos 223 et s. ; Ch. Quézel-Ambrunaz, Le droit du dommage corporel, 2ème éd., LGDJ 2023, n° 464). Il est à noter qu’une cassation aurait été également encourue si les juges du fond avaient retenu le jour de l’accident ou bien encore celui de la consolidation pour procéder aux opérations.

(Article publié in Responsabilité civile et assurance févr. 2025)

Le Père noël confronté au Code civil : peut-on invoquer la garantie des vices cachés sous le sapin ?

En cette période de fêtes, où le parfum des épices et la lueur des guirlandes enchantent nos foyers, pourquoi ne pas explorer une hypothèse juridique des plus insolites ? Imaginez un instant que le Père Noël, ce bienfaiteur légendaire au traîneau volant, soit assigné en justice pour vices cachés concernant les cadeaux qu’il dépose sous nos sapins.

Derrière cette idée farfelue se cache une question éminemment juridique : les obligations prévues par les articles 1641 à 1649 du Code civil s’appliquent-elles à un personnage aussi singulier ? Peut-on invoquer une action en garantie pour un jouet qui se brise avant même le premier cri de joie, ou pour un cadeau qui ne correspond en rien aux attentes soigneusement détaillées dans une lettre envoyée en recommandé avec accusé de réception au Pôle Nord ?

Loin des tribunaux poussiéreux, la scène se joue ici dans le salon familial, entre un enfant déçu, des parents perplexes, et un Père Noël introuvable – mais juridiquement suspect. Après tout, si l’article 1641 dispose que le vendeur est tenu de garantir les défauts cachés de la chose vendue, pourquoi le « distributeur en chef » des cadeaux de Noël en serait-il exempté ?

Dans un contexte où même les lutins pourraient être appelés à la barre pour témoigner sur la chaîne de production des jouets, cette hypothèse cocasse nous invite à revisiter avec humour et dérision les fondements du droit des contrats. Alors, chaussons nos pantoufles de juristes et plongeons dans cette affaire rocambolesque : le Père Noël, vendeur professionnel ou simple bienfaiteur sous le sapin ?

1. Le Père Noël, vendeur professionnel ou donateur généreux ?

À première vue, il semble difficile de considérer le Père Noël comme un vendeur traditionnel. Après tout, il ne fait l’objet d’aucune publicité tapageuse, n’émet pas de facture, et ne réclame jamais de paiement – pas même un acompte en biscuits ou en lait chaud. Pourtant, en distribuant en une nuit des milliards de cadeaux, il pourrait sans mal être assimilé à un professionnel de la livraison, voire à un logisticien hors pair.

La jurisprudence est claire : un vendeur professionnel est présumé connaître les vices cachés affectant les biens qu’il propose (article 1645 du Code civil). Mais peut-on sérieusement appliquer ce raisonnement à un personnage mythique opérant depuis le Pôle Nord ? Certes, il n’est pas inscrit au registre du commerce, et son siège social reste introuvable dans les bases de données fiscales, mais son organisation ne manque pas de sophistication. Avec son réseau mondial, sa flotte aérienne alimentée en magie et son armée de lutins hyper spécialisés (quid des conditions de travail, d’ailleurs ?), tout laisse à penser que le Père Noël pourrait, dans un univers parallèle, être qualifié de distributeur… au moins semi-professionnel.

Alors, si un enfant déçu par un train électrique capricieux ou un jouet à l’étrange odeur de plastique devait intenter une action en justice, le Père Noël pourrait-il vraiment plaider l’ignorance ? On imagine déjà les débats enflammés entre juristes sur la responsabilité d’un être légendaire à la gestion quasi industrielle. Peut-être faudrait-il nommer un expert en rennes pour certifier la conformité des livraisons ? Une affaire qui donnerait du grain à moudre aux tribunaux… ou aux lutins juristes du Pôle Nord !

2. Quels vices cachés pourraient être reprochés ?

Les exemples de non-conformité qui pourraient être reprochés au Père Noël sont nombreux et variés. On pourrait imaginer, par exemple, une console de jeu qui cesse de fonctionner au bout de dix minutes, plongeant l’enfant dans une frustration mêlée d’incompréhension.

À cela s’ajouterait le cas d’un pull tricoté avec soin par les lutins, mais confectionné dans une laine particulièrement allergène, provoquant plus de démangeaisons que de réconfort.

Enfin, il ne serait pas surprenant que certains se plaignent de l’absence pure et simple d’un cadeau, alors même qu’une lettre scrupuleusement rédigée et envoyée en recommandé au Pôle Nord stipulait clairement leurs attentes.

Dans chacune de ces hypothèses, la garantie des vices cachés pourrait théoriquement être invoquée, à condition que les défauts relevés soient suffisamment graves, dissimulés et antérieurs à la livraison.

3. Le délai pour agir contre le Père Noël

Conformément à l’article 1648 du Code civil, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Cette disposition, bien connue des juristes, pourrait aisément trouver à s’appliquer dans le contexte des cadeaux de Noël. Le point de départ du délai pourrait être fixé dès le matin du 25 décembre, lorsque l’enfant découvre, avec une stupeur mêlée de déception, que son train électrique, censé filer sur ses rails avec fluidité, déraille au moindre virage.

Ce délai de deux ans offre une marge de manœuvre confortable aux « plaignants potentiels », leur permettant de se remettre des émotions liées à la découverte du défaut, voire de solliciter l’avis d’un expert en jouets pour confirmer le vice. Cependant, la difficulté pourrait résider dans la preuve de la date précise de cette découverte. Dans un cadre juridico-festif, il ne serait pas impossible d’imaginer que les parents, en véritables avocats des causes enfantines, tentent d’établir que le vice leur était inconnu au moment de l’ouverture des cadeaux, invoquant même le rôle préjudiciable du papier d’emballage qui aurait masqué le défaut.

Mais une question épineuse demeure : comment prouver que le défaut existait avant la livraison, autrement dit avant le passage du Père Noël dans la cheminée ? Un tel débat nécessiterait sans doute l’intervention d’un sapin “témoin” ou, à défaut, une expertise technique approfondie sur la qualité des rails du train en question. En tout état de cause, le délai légal de deux ans semble généreux et compatible avec les lenteurs que pourraient impliquer des négociations extrajudiciaires… entre lutins et parents mécontents.

4. La clause d’exclusion implicite : un obstacle ?

Le Père Noël pourrait être tenté de se dédouaner en invoquant l’existence d’une clause tacite excluant sa responsabilité, fondée sur la gratuité des cadeaux qu’il distribue généreusement chaque année. Selon cette argumentation, le caractère non commercial de ses livraisons le dispenserait d’être tenu responsable des éventuels défauts affectant les objets qu’il dépose sous les sapins. Cependant, cette défense soulève plusieurs interrogations quant à sa recevabilité sur le plan juridique.

La doctrine et la jurisprudence rappellent en effet qu’une telle exclusion de responsabilité, même dans le cadre d’une prestation gratuite ou aléatoire, ne saurait empêcher l’application de la garantie des vices cachés lorsque le vice est à la fois manifeste et grave. Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 janvier 1990 illustre ce principe en précisant que la gravité du défaut prime sur le caractère gratuit ou non de la transaction (Cass. 3e civ., 17 janvier 1990). Ainsi, si un jouet présente un défaut si important qu’il en devient impropre à son usage ou dangereusement inutilisable, le fait que le cadeau ait été offert sans contrepartie n’empêche pas la mise en œuvre de la garantie légale.

De surcroît, la gratuité des cadeaux pourrait être remise en question sous un angle plus subtil : peut-on vraiment parler de gratuité lorsque l’enfant, par le biais de sa lettre soigneusement rédigée, exprime une attente explicite, voire une “commande” ? Cette interaction pourrait être perçue comme un accord tacite impliquant une obligation minimale de conformité. Dès lors, le Père Noël ne pourrait pas se retrancher derrière la gratuité pour échapper à ses responsabilités. Une défense fondée sur cette clause tacite semblerait donc fragile, en particulier face à la rigueur des articles 1641 et suivants du Code civil.

5. Le problème de la solvabilité : saisir le traîneau ?

L’une des questions les plus épineuses dans cette affaire fictive concerne l’exécution d’une éventuelle décision de justice défavorable au Père Noël. Si ce dernier venait à être condamné pour vices cachés, encore faudrait-il envisager des moyens concrets pour contraindre ce personnage légendaire à réparer le préjudice causé. Or, dans ce cas précis, les défis pratiques ne manquent pas.

Premièrement, le patrimoine saisissable du Père Noël est mystérieux, voire inexistant dans les registres officiels. Peut-on envisager de saisir son traîneau magique, véritable outil logistique de son activité ? Celui-ci pourrait-il être hypothéqué pour garantir une indemnisation, ou sa nature magique le placerait-elle hors du champ d’application des règles classiques de droit des sûretés ? Quant à ses rennes, qui constituent une équipe essentielle à la distribution des cadeaux, leur statut demeure tout aussi incertain : animaux de travail, partenaires magiques ou biens incorporels ? Leur saisie poserait non seulement des problèmes juridiques, mais également éthiques, sans compter les perturbations qu’elle engendrerait pour les fêtes futures.

Deuxièmement, les jouets restants dans l’atelier du Pôle Nord pourraient, en théorie, être envisagés comme un actif mobilisable. Toutefois, il faudrait démontrer qu’ils appartiennent bien à un patrimoine distinct et qu’ils ne sont pas déjà affectés à d’autres destinataires. Une telle opération exigerait une expertise comptable minutieuse pour évaluer la valeur résiduelle de ces biens, à supposer qu’ils soient transportables et conformes aux normes internationales.

Dans un tel contexte, une médiation amiable avec Madame Noël pourrait s’avérer la solution la plus pragmatique. Figure discrète mais sans doute influente dans l’organisation du Père Noël, elle pourrait intervenir pour négocier une réparation symbolique, comme l’envoi d’un cadeau de remplacement ou une promesse de non-récidive. Cette voie éviterait un long procès dont les implications risqueraient de gâcher l’esprit des fêtes. Après tout, est-il judicieux de paralyser le système de distribution mondial des cadeaux pour quelques vices cachés ? La sagesse recommande parfois de privilégier la conciliation, même sous le sapin.

Conclusion :

Finalement, cet exercice révèle que même le Père Noël, malgré son aura de légende et sa mission bienveillante, ne serait pas à l’abri des rigueurs du Code civil si les juristes décidaient de s’y pencher sérieusement. Mais faut-il vraiment appliquer la lettre de la loi à celui qui s’efforce, chaque année, de faire briller les yeux des petits et grands, au prix d’une organisation surhumaine (et sans doute un brin magique) ?

En cette période de fêtes, peut-être serait-il plus sage et généreux de pardonner ces petites imperfections qui, après tout, font aussi partie de la magie de Noël. Et qui sait, l’année prochaine, le Père Noël, sensibilisé à ses obligations légales, pourrait bien livrer des cadeaux parfaitement conformes à toutes les attentes.

Joyeuses fêtes à toutes et à tous, et n’oubliez pas : même un cadeau imparfait peut apporter beaucoup de bonheur, surtout lorsqu’il est reçu avec le sourire et l’esprit de Noël. ?