L’information due par le preneur d’assurance à l’assureur: la déclaration des risques

L’obligation d’information dans le contrat d’assurance est trop souvent envisagée à sens unique, comme s’il revenait exclusivement à l’assureur — ou à l’intermédiaire — d’éclairer le candidat à l’assurance sur la teneur des garanties, les exclusions, ou encore les modalités de souscription. Cette vision, largement influencée par les exigences de protection du consommateur et confortée par les textes récents issus de la directive sur la distribution d’assurances (notamment les articles L. 521-2 et L. 521-4 du Code des assurances), tend à reléguer au second plan un pan pourtant fondamental du droit des assurances : l’exigence d’un dialogue contractuel, dans lequel l’information circule dans les deux sens.

Car l’équilibre du contrat d’assurance ne repose pas uniquement sur l’obligation d’information et le devoir de conseil du professionnel. Il implique tout autant la participation active du preneur d’assurance, seul à même de révéler les éléments concrets de sa situation personnelle, professionnelle ou patrimoniale, sur lesquels l’assureur doit s’appuyer pour évaluer le risque proposé à la couverture. À défaut d’un tel apport d’informations, la formation du contrat ne saurait se faire dans des conditions de transparence et de confiance suffisantes pour justifier l’engagement de garantie. Le consentement de l’assureur, loin d’être abstrait, se construit sur la base de données spécifiques, parfois complexes, que lui seul ne peut recueillir sans le concours de son cocontractant.

C’est en ce sens que la doctrine contemporaine souligne l’originalité du droit des assurances: dans une matière dominée par l’incertitude et la probabilité, le contrat repose moins sur une stricte égalité d’information que sur une exigence de coopération loyale. Cette coopération impose au preneur d’assurance de contribuer activement à la constitution du contrat, en fournissant à l’assureur les éléments nécessaires à l’appréciation du risque. L’obligation d’information à sa charge s’enracine ainsi dans le principe de bonne foi et dans la logique propre au mécanisme assurantiel.

I. L’obligation de déclaration des risques

A. Nécessité de la déclaration des risques

La formation du contrat d’assurance repose sur un échange d’informations destiné à garantir l’équilibre des engagements souscrits par les parties. Cet échange n’est pas unilatéral : il implique une participation active de chacun, afin de permettre une rencontre véritable des volontés autour d’un objet aussi évolutif que le risque. Si les textes récents ont souligné, à juste titre, l’importance des obligations d’information pesant sur l’assureur, il ne faut pas perdre de vue que l’efficacité même du contrat repose d’abord sur les déclarations du preneur d’assurance, seul véritable dépositaire des éléments constitutifs du risque qu’il entend faire garantir.

À cet égard, le droit positif consacre une obligation de déclaration à la charge de l’assuré, prévue à l’article L. 113-2, 2° du Code des assurances. Cette obligation ne se réduit ni à une formalité, ni à une simple étape procédurale dans la souscription du contrat : elle constitue la contrepartie directe de l’engagement de couverture pris par l’assureur. Ce dernier ne peut apprécier l’opportunité de garantir un risque, ni fixer le montant de la prime et les modalités de la garantie, sans disposer d’informations précises, loyales et complètes sur la situation qu’on lui demande de couvrir. Loin d’être secondaire, l’obligation de déclaration constitue ainsi une condition essentielle de validité et d’équilibre du contrat.

Cette exigence trouve son fondement dans le principe de bonne foi, qui irrigue l’ensemble du droit des assurances. Contrairement au droit commun, où le silence peut, dans certaines circonstances, être tenu pour stratégique et légitime, le droit des assurances repose sur une logique inverse?: l’omission volontaire ou même négligente de certains éléments peut vicier le consentement de l’assureur et compromettre la loyauté du lien contractuel. L’assuré n’est pas seulement invité à répondre aux questions qu’on lui pose?; il est tenu d’informer spontanément l’assureur de tout fait de nature à influencer l’évaluation du risque. Le silence, en assurance, peut être fautif.

C’est pour favoriser cette transparence que la pratique a généralisé l’usage du questionnaire de déclaration des risques, par lequel l’assureur encadre les informations attendues. Ce dispositif, certes utile pour sécuriser les échanges, ne délimite cependant pas à lui seul l’étendue de l’obligation déclarative. La jurisprudence rappelle régulièrement que l’assuré reste tenu, indépendamment des questions posées, de révéler tout élément pertinent. Le formulaire n’en constitue que le support : c’est le principe de sincérité qui en définit la portée.

Surtout, cette obligation ne s’épuise pas à la formation du contrat. Parce que l’assurance est un contrat à exécution successive, les données initiales peuvent évoluer, et avec elles, la nature du risque garanti. D’où l’existence d’une obligation complémentaire, celle d’informer l’assureur en cas de circonstances nouvelles ou d’aggravation du risque. Le législateur a expressément encadré cette dimension temporelle, en étendant l’obligation de déclaration au-delà de la conclusion du contrat, et en prévoyant des sanctions en cas de manquement.

Il en résulte une asymétrie assumée?: le preneur d’assurance, précisément parce qu’il sollicite la protection d’un risque qu’il connaît mieux que son assureur, est tenu à un devoir actif de coopération. Ce devoir n’est pas accessoire. Il est au cœur du mécanisme assurantiel. Loin d’être un simple droit à l’information, comme en droit de la consommation, l’obligation de renseignement devient pour l’assuré une obligation déterminante, à la fois fondement du consentement de l’assureur, gage de loyauté contractuelle, et condition de stabilité du régime de garantie. Toute omission ou inexactitude altère l’équilibre du contrat et compromet le fonctionnement même de la mutualisation des risques.

B. Modalités de la déclaration des risques

1. Droit antérieur

Avant d’être réformé par la loi n°89-1014 du 31 décembre 1989, le droit des assurances imposait à l’assuré une obligation particulièrement rigoureuse : celle de déclarer, de sa propre initiative, toutes les circonstances dont il avait connaissance et qui étaient de nature à influencer l’appréciation du risque par l’assureur. Ce devoir, énoncé à l’ancien article L. 113-2, 2° du Code des assurances issu de la loi du 13 juillet 1930, s’inscrivait dans un régime que l’on qualifie classiquement de « déclaration spontanée ». Il commandait à l’assuré de se projeter dans la position de son cocontractant, pour deviner ce qui pourrait l’intéresser dans l’évaluation du risque, sans que celui-ci ait à lui poser la moindre question.

L’exigence pouvait sembler théoriquement cohérente dans un modèle fondé sur la bonne foi contractuelle, mais elle se révélait en pratique d’une redoutable sévérité. L’assuré, souvent profane, était contraint d’apprécier seul le périmètre de son obligation de déclaration, sous peine de s’exposer aux sanctions les plus lourdes, et notamment à la nullité du contrat en cas de réticence ou de fausse déclaration même intentionnelle (C. assur., art. L. 113-8). La jurisprudence elle-même soulignait que l’assuré devait révéler tout élément de nature à influencer l’opinion de l’assureur sur les risques qu’il prenait à sa charge (Cass. 1re civ., 2 nov. 1954). Ce dispositif traduisait une conception déséquilibrée du contrat d’assurance, en faisant peser sur l’assuré seul la double charge de l’initiative déclarative et de l’appréciation des éléments pertinents à révéler.

Certes, la pratique avait progressivement vu émerger l’usage de questionnaires de risques, mais ceux-ci n’avaient, aux yeux de la jurisprudence, qu’une valeur indicative. Ils ne réduisaient en rien la portée de l’obligation spontanée. Ainsi, la Cour de cassation considérait que les questions de l’assureur n’avaient d’autre fonction que d’attirer l’attention de l’assuré sur certaines circonstances, sans limiter pour autant l’étendue de son obligation de déclaration (Cass. 1re civ., 3 déc. 1974, n° 73-12.610). Le questionnaire ne servait donc pas à borner le champ de l’obligation, mais seulement à en rappeler la gravité.

Ce régime, par trop exigeant, était à bien des égards critiqué. La doctrine dénonçait la logique implicite d’un système dans lequel l’assuré, à défaut de disposer des compétences techniques de l’assureur, pouvait omettre des éléments essentiels sans mauvaise foi, simplement faute d’en avoir perçu la pertinence. Cette situation mettait en péril l’équité de la relation contractuelle, mais aussi le bon fonctionnement du mécanisme assurantiel fondé sur la mutualisation du risque. Comme l’écrivait Pierre Catala, la justice commutative au sein de la mutualité exigeait que l’assuré, même de bonne foi, puisse être sanctionné lorsqu’il avait involontairement minoré le risque déclaré, au détriment de l’équilibre économique de l’ensemble des contrats.

La rigueur du régime antérieur se doublait d’une incertitude jurisprudentielle quant aux conditions d’engagement de la responsabilité de l’assuré en cas d’omission. Bien que la charge de la preuve incombât en principe à l’assureur, notamment s’agissant de l’inexactitude ou du caractère déterminant de l’élément non déclaré, cette exigence probatoire demeurait insuffisante pour compenser l’asymétrie structurelle entre les parties. À l’assureur, professionnel aguerri, répondait un assuré le plus souvent profane, contraint d’anticiper, sans assistance, les attentes implicites de son cocontractant. Ce déséquilibre, à la fois technique et économique, expliquait l’instabilité d’un contentieux abondant et l’appel croissant à une réforme du dispositif légal.

C’est dans ce contexte que la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 est venue refonder les modalités de déclaration du risque. En substituant au modèle de la déclaration spontanée un mécanisme fondé sur l’interrogation explicite de l’assuré — via un questionnaire formalisé — le législateur a opéré un renversement du système mis en place depuis 1930. La logique déclarative, jusque-là spontanée et extensive, a cédé la place à une logique de réponse provoquée, délimitée par les seules questions posées. Cette réforme a profondément modifié les équilibres de la phase précontractuelle, en recentrant la responsabilité de l’information sur celui qui, seul, est en mesure d’identifier les éléments déterminants pour l’appréciation du risque.

2. Droit positif

a. Le principe du questionnaire : vers une déclaration provoquée

La loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 a profondément modifié le régime de la déclaration des risques en assurance, en substituant au système de la déclaration spontanée un modèle fondé sur l’interrogation explicite de l’assuré. Cette réforme, introduite à l’article L. 113-2, 2° du Code des assurances, impose désormais à l’assuré de « répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ». Cette substitution d’une logique de réponse à une logique de déclaration inaugure ce que la doctrine a qualifié de « déclaration provoquée », fondée sur un principe de questionnaire préalablement établi par le professionnel.

Ce renversement s’inscrit dans la reconnaissance d’un déséquilibre économique et technique : seul l’assureur, en sa qualité de professionnel du risque, est en mesure d’identifier les données nécessaires à l’évaluation du risque, tandis que l’assuré, généralement profane, ne dispose pas des moyens de discerner ce qui mérite d’être révélé. En effet, comme le soulignait déjà la Commission des clauses abusives dès 1985, l’assuré ne peut raisonnablement savoir quelles circonstances sont de nature à influencer l’appréciation du risque par l’assureur. Il revient donc à ce dernier de poser les questions pertinentes. Le rôle de l’assuré se limite dès lors à y répondre loyalement, avec exactitude et sincérité. Ce renversement de la charge de l’initiative est au cœur de la philosophie de la réforme.

Ainsi conçu, le questionnaire constitue la modalité centrale, sinon exclusive, de la déclaration initiale du risque. Il appartient à l’assureur d’élaborer un formulaire limitatif et précis, adapté aux spécificités du risque en cause. L’assuré, quant à lui, n’est tenu de déclarer que les circonstances expressément visées par ce questionnaire. Il en résulte qu’à défaut d’interrogation sur un point déterminé, même important, l’assuré ne saurait être sanctionné d’un défaut de révélation (Cass. 1re civ., 16 févr. 1994, n°90-19.022).

Cette répartition des obligations n’exclut toutefois pas la recevabilité de déclarations effectuées spontanément par l’assuré, en dehors de tout questionnaire. La jurisprudence admet qu’un mensonge sur une circonstance révélée à l’initiative de l’assuré puisse engager sa responsabilité au titre de l’article L. 113-8 du Code des assurances (Cass. 2e civ., 4 févr. 2016, n°15-13.850). Cette solution, confirmée à plusieurs reprises, conduit à considérer que le principe du questionnaire n’exclut pas toute prise en compte des déclarations spontanées, notamment lorsqu’elles s’avèrent mensongères. Néanmoins, en l’absence d’une telle mauvaise foi, aucune obligation autonome de déclaration spontanée ne saurait être invoquée à l’encontre de l’assuré.

Il importe également de souligner la portée exacte de l’obligation de réponse mise à la charge de l’assuré. Ce dernier n’est tenu de répondre qu’aux questions relatives aux circonstances de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge, selon les termes mêmes de l’article L. 113-2. Autrement dit, une omission ou une inexactitude ne peut être reprochée à l’assuré qu’à la condition que la circonstance en cause ait eu une incidence sur l’évaluation du risque garanti, et non d’un risque exclu ou étranger au contrat. La Cour de cassation a d’ailleurs évolué sur ce point, en jugeant qu’un mensonge portant sur un risque exclu peut néanmoins influencer l’opinion de l’assureur sur le risque couvert, et donc fonder une sanction (Cass. 1re civ., 22 mai 2002, n°00-12.419).

Enfin, la déclaration de l’assuré est conditionnée à la connaissance effective de la circonstance à révéler. La jurisprudence précise que l’assuré n’est pas tenu de répondre exactement à des questions sur des faits qu’il ignore (Cass. 1re civ., 1er févr. 2000, n°97-11.539). Elle reconnaît également que l’absence de conscience de devoir déclarer une circonstance, en raison par exemple de la confiance accordée aux affirmations médicales reçues, exclut la mauvaise foi (Cass. 1re civ., 26 mars 1996, n°93-21.727) et peut justifier l’absence de sanction même sur le fondement de l’article L. 113-9 du Code des assurances.

b. La technique du questionnaire fermé

La réforme de 1989 n’a pas seulement substitué à l’ancienne déclaration spontanée une déclaration provoquée?; elle a également consacré une technique spécifique : celle du questionnaire dit «?fermé?». Ce procédé, aujourd’hui au cœur de la phase précontractuelle en assurance, vise à structurer et à canaliser l’expression du risque à travers un support établi par l’assureur. Il en résulte un modèle de questions standardisé, reposant sur des questions fermées, précises et adaptées à la nature du contrat.

i. La contenu du questionnaire

Le questionnaire est aujourd’hui l’instrument central de la déclaration du risque. Son contenu, loin de relever d’un simple choix rédactionnel, obéit à un encadrement précis par les textes et la jurisprudence. C’est à l’assureur qu’il revient de formuler des questions claires, ciblées et adaptées, seules aptes à fonder l’obligation de réponse de l’assuré et, le cas échéant, à justifier les sanctions prévues en cas de fausse déclaration.

==>L’exigence de clarté et de précision

L’article L. 112-3, alinéa 4, du Code des assurances énonce un principe cardinal : l’assureur ne peut se prévaloir d’une réponse imprécise que s’il a lui-même posé une question claire. Ainsi, « lorsque, avant la conclusion du contrat, l’assureur a posé des questions par écrit à l’assuré, notamment par un formulaire de déclaration du risque ou par tout autre moyen, il ne peut se prévaloir du fait qu’une question exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise ». La jurisprudence a tiré toutes les conséquences de ce texte en exigeant des questions exemptes d’ambiguïté, dont la formulation permette à un assuré normalement avisé de comprendre l’étendue de son devoir déclaratif (Cass. 2e civ., 29 juin 2017, n° 16-18.975).

Cette exigence formelle a valeur probatoire, en ce qu’elle conditionne l’opposabilité des réponses données. L’assureur ne saurait invoquer une déclaration inexacte ou incomplète sans démontrer qu’elle répondait à une question suffisamment déterminée, au risque de voir sa prétention rejetée. Il lui appartient donc, dans un souci de loyauté contractuelle, de rédiger ses questions de manière intelligible et spécifique, en tenant compte du niveau d’information du souscripteur.

==>La formulation de questions fermées

Le questionnaire de déclaration repose sur une logique fermée : il ne s’agit pas de provoquer une narration libre des circonstances entourant le risque, mais de solliciter des réponses factuelles à des interrogations ciblées. Cette méthode suppose des formulations structurées, à visée binaire (oui/non), ou à tout le moins réductibles à des réponses objectives et vérifiables. L’objectif est de guider le souscripteur, d’orienter ses réponses, et ainsi de canaliser l’information utile à l’appréciation du risque par l’assureur.

La Cour de cassation admet qu’une question générale puisse être réputée précise lorsqu’elle ne laisse place à aucune incertitude, notamment si elle est accompagnée de compléments explicites (v. par ex., « êtes-vous atteint d’une affection quelconque ? laquelle?» : Cass. 1re civ., 27 janv. 2004, n° 00-19.402). En revanche, une formulation vague ou équivoque ne saurait fonder, en cas de réponse erronée, la mise en œuvre des sanctions prévues aux articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances (Cass. 2e civ., 13 déc. 2018, n° 17-28.093).

==>La diversité des questions posées

Le contenu du questionnaire peut porter tant sur des éléments objectifs relatifs au risque (nature du bien, conditions d’usage, antécédents de sinistre, situation géographique, etc.) que sur des données subjectives relatives au souscripteur (état de santé, situation familiale, profession, autres assurances souscrites). La Cour de cassation a d’ailleurs reconnu à l’assureur le droit de poser des questions relatives à des risques non garantis, dès lors que ces informations sont de nature à influencer son opinion sur le risque couvert (Cass. 1re civ., 22 mai 2002, n° 00-12.419).

Même en matière d’assurances de personnes, où le principe indemnitaire est inapplicable et où la possibilité de cumul contractuel est reconnue, l’assureur est en droit de solliciter la communication d’éventuels contrats antérieurs ou concomitants, dans la mesure où cette donnée peut éclairer l’acceptabilité du risque.

==>La personnalisation des questions

L’assureur, en sa qualité de professionnel, assume la responsabilité de formuler un questionnaire adapté à la nature du contrat et au profil du souscripteur. Cette exigence, bien que contraignante, s’explique par l’objectif poursuivi : fournir à l’assureur les informations pertinentes tout en ménageant un cadre protecteur pour l’assuré. En cas de contentieux, les juridictions n’hésitent pas à sanctionner l’imprécision ou l’absence de personnalisation, qu’il s’agisse d’une clause de style ou d’une formulation trop générale.

En définitive, la rigueur attendue dans la rédaction des questions n’est pas une simple exigence de forme : elle est le corollaire de la répartition équilibrée des charges déclaratives entre les parties. Dans le modèle issu de la réforme de 1989, l’assureur ne peut revendiquer une information qu’il n’a pas pris soin de solliciter avec suffisamment de précision.

ii. La forme du questionnaire

==>Questions orales

L’article L. 113-2, 2° du Code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989, oblige l’assuré à répondre exactement aux questions posées par l’assureur, « notamment dans le formulaire de déclaration du risque ». L’usage de l’adverbe notamment traduit une volonté claire du législateur : celle de ne pas enfermer l’obligation déclarative dans la seule formalisation écrite. Autrement dit, le droit positif n’exige pas que les questions posées à l’assuré soient nécessairement couchées sur un support écrit, ni même qu’elles prennent la forme d’un questionnaire formel et standardisé.

Cette souplesse permet d’admettre, sous réserve de garanties suffisantes, la validité des interrogations verbales, y compris par téléphone ou en face-à-face. La Cour de cassation l’a expressément reconnu dans un arrêt du 4 février 2016, en affirmant que l’article L. 113-2 n’imposait nullement la remise d’un questionnaire écrit préalable (Cass. 2e civ., 4 févr. 2016, n° 15-13.850). L’obligation de l’assureur ne porte donc pas sur la forme du questionnement, mais sur sa substance : les questions doivent être précises, loyales et de nature à permettre à l’assuré d’y répondre utilement. C’est ce que rappelle également l’article L. 112-3, alinéa 4, qui vise les questions « par écrit », sans exclure d’autres procédés équivalents, pourvu que la preuve de leur existence soit rapportée.

Ainsi, la déclaration de risque peut valablement découler d’un échange oral, à condition que le souscripteur ait ensuite été mis en mesure de vérifier, de confirmer ou de corriger ses réponses. Tel fut le cas dans une affaire concernant une souscription téléphonique, où la haute juridiction a validé la procédure suivie dès lors que l’assuré avait signé, ultérieurement, les conditions particulières récapitulant les réponses fournies verbalement (Cass. 2e civ., 16 déc. 2010, n° 10-10.859). Cette possibilité est également transposable à d’autres supports, tels que les parcours numériques, où le questionnaire est rempli avant toute interaction directe avec l’assureur.

La reconnaissance de la validité des questions orales n’implique pas pour autant une absence de contrôle. Il appartient aux juges du fond de s’assurer que ces questions ont bien été posées, que leur contenu était compréhensible, et que l’assuré a pu y répondre de manière éclairée. À défaut, la nullité du contrat ne saurait être prononcée sur le fondement des articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances. La jurisprudence constante exige que la fausse déclaration ou la réticence reprochée procède de la réponse apportée à une question loyale, précise et intelligible, quelle que soit sa forme initiale.

==>Déclarations pré-rédigées

L’essor des pratiques de souscription standardisée a vu se généraliser l’usage de «déclarations pré-rédigées», insérées directement dans les conditions particulières des polices d’assurance. Ces clauses, par lesquelles l’assuré est réputé avoir fourni certaines informations déterminantes, posent la question de leur opposabilité en l’absence d’un véritable dialogue interrogatif. Le droit positif, éclairé par une abondante jurisprudence, en a progressivement précisé le régime.

Par un arrêt de principe du 7 février 2014, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, a solennellement consacré les limites juridiques opposables aux déclarations pré-rédigées, lorsqu’elles sont invoquées par l’assureur à l’appui d’une demande de nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle (Cass. ch. mixte, 7 févr. 2014, n° 12-85.107). Saisi d’un litige opposant un assureur à un souscripteur auquel il reprochait une fausse déclaration intentionnelle quant à l’existence d’antécédents de retrait de permis, la Cour de cassation rappelle que la validité d’une telle sanction suppose, à peine de nullité, que les déclarations incriminées procèdent de réponses apportées à des questions précises posées lors de la phase précontractuelle, conformément aux articles L. 113-2, 2°, L. 112-3, alinéa 4 et L. 113-8 du Code des assurances.

Dans cette affaire, le contrat d’assurance automobile conclu par le souscripteur avait été établi sur la base de conditions particulières mentionnant notamment, sous une rubrique intitulée « Déclaration », que celui-ci n’avait pas fait l’objet, dans un certain délai, d’une suspension ou d’une annulation de permis. Ces mentions, pré-imprimées dans le corps du contrat, avaient été signées par le souscripteur avec la formule usuelle « lu et approuvé ». L’assureur, confronté à la révélation d’une annulation de permis antérieure à la souscription, avait opposé la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle.

La Cour d’appel, accueillant cette argumentation, avait prononcé la nullité du contrat d’assurance, estimant que la déclaration inexacte, formalisée dans les conditions particulières, révélait l’intention frauduleuse du souscripteur. La Cour de cassation censure cette décision. Elle énonce que la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré ne peut être sanctionnée que si elle résulte des réponses qu’il a effectivement apportées à des questions précises posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque utilisé lors de la conclusion du contrat.

Autrement dit, la seule présence d’une clause pré-rédigée dans les documents contractuels, fût-elle signée, ne saurait tenir lieu de réponse au sens des dispositions légales. Elle ne permet pas à l’assureur de justifier d’un manquement à l’obligation de déclaration de l’assuré, dès lors qu’elle ne s’inscrit pas dans le cadre d’un dialogue formalisé, structuré autour d’interrogations explicites.

Ce principe, désormais fermement établi, tranche une divergence ancienne entre la chambre criminelle — traditionnellement stricte sur l’exigence de questions préalables posées par écrit — et la deuxième chambre civile, plus encline à admettre la force probatoire des déclarations pré-imprimées. Il en résulte que l’assureur ne peut se prévaloir d’une fausse déclaration intentionnelle fondée sur une clause pré-rédigée si elle ne repose pas sur une interrogation individualisée et circonstanciée. La jurisprudence récente le confirme avec constance, tant en matière d’assurance automobile (Cass. 2e civ., 3 juill. 2014, n° 13-18.760) que d’assurance habitation (Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n° 14-15.204) ou de prévoyance (Cass. 2e civ., 11 juin 2015, n° 14-14.336).

Pour être opposable, la déclaration pré-rédigée doit ainsi répondre à une double exigence : d’une part, elle doit découler d’un questionnaire effectivement soumis à l’assuré, d’autre part, celui-ci doit avoir été mis en mesure de lire, comprendre et éventuellement contester le contenu des affirmations portées à sa signature. Cette rigueur protectrice découle directement du principe de personnalisation de la déclaration du risque, qui fonde l’équilibre économique du contrat d’assurance.

L’exemple emblématique en la matière est celui de la « déclaration de bonne santé », fréquemment exigée en assurance emprunteur ou en prévoyance. L’assuré y atteste ne pas souffrir d’affection connue susceptible de modifier l’appréciation du risque. Toutefois, cette clause ne produit d’effet qu’à condition d’être rédigée en des termes compréhensibles, exempts d’ambiguïté, et accompagnée d’une information suffisante sur les conséquences d’une inexactitude. À défaut, l’assureur encourt la déchéance de son droit à se prévaloir de l’article L. 113-8 du Code des assurances.

Il appartient donc au juge du fond de vérifier, concrètement, si l’assuré a été placé en situation de consentir librement et en connaissance de cause aux déclarations mentionnées dans le contrat. Ce contrôle, empreint de pragmatisme, peut conduire à rejeter l’argument d’une déclaration mensongère lorsque l’assuré n’a pas eu l’opportunité réelle de répondre à une question individualisée, ou lorsque la clause se borne à reproduire des formules impersonnelles et générales.

Ce faisant, la jurisprudence renforce l’obligation de loyauté dans l’élaboration de l’instrumentum contractuel. Elle rappelle à l’assureur que la mise en œuvre du mécanisme déclaratif suppose non seulement la transparence du processus de souscription, mais également l’effectivité de la participation de l’assuré à la construction du contenu du contrat. Le procédé des déclarations pré-imprimées, s’il n’est pas interdit per se, demeure ainsi placé sous haute surveillance.

C. Déclaration provoquée et effets résiduels de la déclaration spontanée

L’instauration, par la loi du 31 décembre 1989, d’un système déclaratif fondé sur le questionnaire fermé n’a pas totalement exclu la prise en compte de déclarations spontanées. Si le législateur a entendu substituer à l’ancien régime — fondé sur une obligation générale de révélation des circonstances connues de l’assuré — un mécanisme plus encadré, il n’a pas pour autant banni les initiatives déclaratives émanant de l’assuré ou de son mandataire.

En principe, l’assureur ne peut se prévaloir d’une réticence ou d’une fausse déclaration que si elle résulte des réponses apportées par l’assuré aux questions qu’il lui a posées lors de la phase précontractuelle (C. assur., art. L. 113-2, 2° et L. 112-3, al. 4). Ce principe a été confirmé de manière constante par la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 15 févr. 2007, n° 05-20.865).

Toutefois, certaines juridictions du fond ont, sur le fondement de la bonne foi contractuelle, admis que des déclarations faites à l’initiative de l’assuré, même en l’absence de questionnaire, puissent engager ce dernier si elles s’avéraient mensongères (Cass. 3e civ., 8 juill. 2015, n° 13-25.223). Dans ce cadre, la déclaration spontanée retrouve une certaine portée, à condition qu’elle ait été volontaire et qu’elle ait induit l’assureur en erreur.

Cette analyse est partiellement validée par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui reconnaît que des déclarations spontanées peuvent fonder une nullité pour fausse déclaration intentionnelle, dès lors qu’elles sont inexactes et de nature à modifier l’appréciation du risque (Cass. 2e civ., 3 mars 2016, n° 15-13.500).

La jurisprudence admet ainsi qu’un assuré puisse, de sa propre initiative, formuler des révélations sur le risque, en complément ou en l’absence de questionnaire. Mais cette déclaration spontanée, pour produire des effets juridiques, doit émaner exclusivement de la volonté de l’assuré, sans y avoir été contraint. À défaut, l’assureur demeure tenu de poser les questions utiles à son appréciation du risque.

Ce faisant, le juge opère une distinction nette entre l’initiative de l’assureur et celle de l’assuré?: seul ce dernier peut choisir de révéler des circonstances sans y avoir été invité. En revanche, l’assureur ne peut s’exonérer de ses obligations en prétendant que l’assuré aurait dû déclarer spontanément une circonstance déterminée, si cette dernière n’a pas fait l’objet d’un questionnement formel.

L’acceptation résiduelle de la déclaration spontanée n’est pas sans limites. Elle ne saurait se substituer au dispositif du questionnaire dans les branches d’assurance soumises à ce régime impératif. Il en va différemment pour certaines catégories d’assurances, notamment les assurances maritimes et de transport, où l’article L. 172-2 du Code des assurances maintient le modèle déclaratif antérieur, en raison de la qualité d’« assuré averti » généralement reconnue aux souscripteurs.

Enfin, cette coexistence de la déclaration provoquée et de la déclaration spontanée appelle une vigilance accrue du juge. Celui-ci doit s’assurer que la déclaration non sollicitée, si elle est invoquée, ait été libre, intelligible et dénuée d’ambiguïté. Dans le cas contraire, l’assureur ne peut utilement s’en prévaloir pour invoquer une réticence ou une fausse déclaration.

D. Conditions d’opposabilité et efficacité du questionnaire

Le fondement de l’opposabilité du questionnaire réside dans sa fonction même : permettre à l’assureur de se forger une opinion éclairée sur le risque qu’il accepte de garantir. C’est en ce sens que l’article L. 113-2, 2° du Code des assurances impose à l’assuré de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, « notamment dans le formulaire de déclaration du risque », dès lors qu’elles portent sur des « circonstances de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ». La jurisprudence y rattache fermement le sort du contrat, en ce qu’une réponse inexacte portant sur un élément pertinent altérant l’appréciation du risque est susceptible d’entraîner sa nullité (Cass. 1re civ., 22 mai 2002, n° 00-12.419).

À cet égard, la jurisprudence admet expressément que le questionnaire puisse porter sur des circonstances relatives à un risque exclu de la garantie, dès lors que l’information sollicitée est susceptible d’influer l’opinion de l’assureur sur les risques effectivement pris en charge. Ce lien fonctionnel est particulièrement saillant en assurance de personnes, où une affection médicalement exclue peut révéler une vulnérabilité favorisant la réalisation d’un autre sinistre couvert.

L’efficacité du questionnaire suppose, corrélativement, que les réponses apportées par l’assuré soient exactes, c’est-à-dire complètes, sincères et intelligibles. Il s’agit d’un prolongement naturel du principe de bonne foi consacré aux articles 1104 et 1112 du Code civil, et qui irrigue l’ensemble du processus précontractuel.

La réponse ne peut être tenue pour fautive si l’assuré ignorait la circonstance à déclarer — par exemple, une pathologie asymptomatique non diagnostiquée (Cass. 1re civ., 1er févr. 2000, n°97-11.539). De même, l’absence de conscience de devoir déclarer la circonstance, telle qu’une myopie ancienne ou des antécédents médicaux que l’assuré croyait sans incidence, exclut toute mauvaise foi (Cass. 1re civ., 6 janv. 1994, n°91-20.095).

Cette approche fondée sur la subjectivisation de l’obligation déclarative, désormais bien ancrée dans la jurisprudence, impose à l’assureur d’établir non seulement la connaissance de la circonstance, mais aussi la conscience de sa pertinence pour l’évaluation du risque.

L’efficacité du dispositif repose enfin sur la qualité du questionnaire lui-même. L’assureur ne peut se prévaloir d’une déclaration inexacte que si elle a été fournie en réponse à une question claire, précise et individualisée, formulée avant la conclusion du contrat. Tel est l’enseignement constant de la jurisprudence depuis l’arrêt de principe de la chambre mixte du 7 février 2014 (Cass., ch. mixte, 7 févr. 2014, n° 12-85.107), réaffirmé depuis lors par de nombreuses décisions, tant civiles que pénales (v. par ex. : Cass. 2e civ., 13 déc. 2018, n°17-28.093 ; Cass. crim., 18 mars 2014, n° 12-87.195).

L’article L. 112-3, alinéa 4 du Code des assurances en précise les contours : « Lorsque, avant la conclusion du contrat, l’assureur a posé des questions par écrit […], il ne peut se prévaloir du fait qu’une question exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise. » Autrement dit, l’imprécision de la question interdit toute sanction à l’encontre de l’assuré, fût-il de mauvaise foi (Cass. 1re civ., 16 févr. 1994).

Les clauses de déclaration pré-rédigée ne peuvent suppléer à cette exigence, sauf à démontrer l’existence de réponses effectivement données à des questions précises et antérieures à la conclusion du contrat. En l’absence de telles garanties procédurales, elles sont réputées non écrites et inopposables (Cass. 2e civ., 4 avr. 2024, n°22-18.176).

Aussi, il appartient à l’assureur d’établir, cumulativement :

  • que des questions précises ont été posées,
  • que l’assuré y a répondu de façon erronée ou incomplète,
  • que cette déclaration inexacte a exercé une influence sur son opinion du risque.

Cette triple démonstration est d’autant plus rigoureuse que la jurisprudence admet, avec nuance, la prise en compte de déclarations spontanées (Cass. 2e civ., 17 janv. 2019, n°15-18.514), voire d’aveux, pour fonder la nullité du contrat (Cass. 2e civ., 3 mars 2016, n°15-13.500). Toutefois, de telles hypothèses restent dérogatoires et strictement encadrées.

Enfin, la signature du questionnaire (ou de ses transpositions dans les conditions particulières) constitue un élément probatoire fondamental, à condition qu’elle atteste d’un réel échange déclaratif et non d’un simple acquiescement à une formulation unilatérale.

E. Les limites du dispositif déclaratif

Si le modèle du questionnaire fermé a profondément renouvelé les équilibres de la phase précontractuelle, il n’échappe pas à de sérieuses limites pratiques, tant dans sa conception que dans sa mise en œuvre. Ces limites tiennent, d’une part, aux failles intrinsèques du support déclaratif lui-même et, d’autre part, aux contraintes juridiques, économiques et éthiques qui pèsent sur la collecte de certaines informations. Loin d’être marginales, ces tensions structurent une zone grise du droit des assurances, dans laquelle s’opèrent, à travers des arbitrages implicites, de délicats compromis entre la protection du consentement, la transparence du risque, et l’efficacité commerciale de l’opération d’assurance.

1. Les limites inhérentes au système du questionnaire

La première limite est d’ordre structurel : en dépit de ses vertus de clarté, le questionnaire demeure un outil imparfait, dont l’apparente exhaustivité masque mal les lacunes.

Conçu pour rationaliser la collecte d’informations, le questionnaire ne saurait prétendre à une couverture intégrale du champ du risque. Par définition fermé, il ne permet pas à l’assureur de sonder toutes les facettes de la situation à couvrir, ni à l’assuré de signaler spontanément les éléments que le questionnaire omet. Cette insuffisance fonctionnelle, souvent soulignée par la jurisprudence se manifeste particulièrement en matière d’assurances de personnes, où les questionnaires passent fréquemment sous silence l’existence de contrats antérieurs ou d’antécédents médicaux non directement interrogés.

La volonté d’exhaustivité se heurte à une autre exigence : celle de l’accessibilité du document pour un public de souscripteurs profanes. Une inflation des questions nuit à la lisibilité de l’offre, brouille la perception du risque, et expose l’assureur à des griefs sur le terrain du devoir de clarté contractuelle. Cet équilibre fragile est d’autant plus délicat à maintenir que les impératifs de conformité réglementaire (compliance) imposent des niveaux croissants de transparence et de traçabilité.

L’accompagnement du candidat à l’assurance dans le remplissage du questionnaire est un moment stratégique de la relation d’assurance, où se jouent à la fois l’exactitude de la déclaration et le respect du devoir de conseil. La jurisprudence souligne régulièrement la responsabilité de l’intermédiaire lorsqu’il contribue à une fausse déclaration, voire lorsqu’il ferme volontairement les yeux sur des omissions manifestes (Cass. 3e civ., 8 juill. 2015, n°13-25.223). La frontière est parfois ténue entre simple assistance et complicité passive, posant la question d’un éventuel devoir de vérification du courtier ou de l’agent.

2. Les limites tenant à la collecte de certaines informations

Si l’exigence d’exactitude de la déclaration du risque constitue l’un des piliers de la relation d’assurance, cette exigence se heurte à des bornes que le droit positif oppose à la collecte de certaines données personnelles. Ces limites, d’ordre juridique, déontologique ou constitutionnel, sont particulièrement sensibles en matière d’assurances de personnes, où l’appréhension du risque implique une connaissance fine de l’état de santé de l’assuré. Mais l’économie du contrat d’assurance ne saurait justifier la levée systématique de droits fondamentaux. À cet égard, le secret médical constitue le point de friction le plus emblématique entre l’impératif de sélection du risque et le respect du droit des personnes.

==>La limite du secret médical

Le secret médical est appréhendé en droit français comme une règle d’ordre public, d’une rigueur particulière. L’article L. 1110-4 du Code de la santé publique érige le secret en un principe général applicable à toute information relative à la santé, tandis que l’article L. 1141-1 interdit expressément aux organismes d’assurance de tenir compte, même avec l’accord de la personne concernée, des résultats d’examens génétiques. De surcroît, le secret s’impose au médecin à un double titre : en vertu du serment d’Hippocrate, mais également au regard du Code de déontologie médicale (art. R. 4127-4 CSP), qui prohibe toute communication non expressément autorisée.

La Cour de cassation rappelle avec constance que le médecin traitant ne saurait être tenu de transmettre à un assureur, même indirectement via son médecin-conseil, les données couvertes par le secret, sauf accord exprès, spécifique, et circonstancié de l’assuré ou de ses ayants droit (Cass. 1re civ., 6 janv. 1998, n°95-19.902 et 96-16.721). A cet égard, la clause par laquelle le souscripteur autorise cette transmission n’est licite qu’à la condition qu’elle respecte trois exigences cumulatives : elle doit écarter les données génétiques, être mise en œuvre par l’assuré lui-même, et ne pas contraindre le médecin à révéler ce que son statut de tiers au contrat l’empêche légalement de transmettre (Cass. 1re civ., 29 oct. 2002, n°99-17.187).

==>L’émergence prétorienne du critère d’intérêt légitime

Conscient des obstacles probatoires que peut représenter le secret médical en cas de fausse déclaration dolosive, le juge civil a introduit un tempérament : celui tenant à l’intérêt légitime. L’opposition à la levée du secret n’est recevable que si elle tend à préserver un intérêt moral digne de protection, et non si elle constitue une manœuvre pour faire échec à l’exécution de bonne foi du contrat.

L’arrêt de principe rendu par la première chambre civile le 15 juin 2004 est éclairant : il reconnaît au juge le pouvoir d’écarter l’exception de secret médical lorsque celle-ci a pour seul objet d’empêcher l’assureur d’établir une réticence intentionnelle (Cass. 1re civ., 15 juin 2004, n°01-02.338). De manière convergente, la cour d’appel de Douai a souligné, dans un arrêt du 12 avril 2007, que « le secret médical et l’obligation de sincérité sont deux intérêts également protégés par la loi » et qu’il n’est pas possible de faire systématiquement prévaloir le premier au détriment du second, sauf à priver d’effet l’article L. 113-8 du Code des assurances (CA Douai, 12 avr. 2007).

Cette position est reprise par les juridictions du fond et confortée par la doctrine selon laquelle le secret ne saurait être invoqué dans un dessein illégitime, tel que couvrir une fraude à l’assurance.

==>Le rôle du médecin-conseil

L’assureur ne peut, en aucun cas, recevoir directement les données de santé du souscripteur. Il doit obligatoirement passer par son médecin-conseil, dont la mission est strictement encadrée. Ce dernier ne peut recevoir des données médicales qu’à condition qu’elles lui soient adressées sous pli confidentiel, que son identité soit expressément mentionnée dans la demande, et que le consentement éclairé de l’assuré soit préalablement recueilli.

Dans sa recommandation n°MSP 2013-209 du 26 novembre 2013, le Défenseur des droits a rappelé avec force que « la loi n’a pas prévu de secret partagé entre les professionnels de santé et les sociétés d’assurances ou leurs médecins-conseils ». Dès lors, toute communication médicale à l’assureur ne peut intervenir que dans des conditions rigoureusement circonscrites, à l’exclusion de tout questionnaire préétabli transmis par l’assureur au médecin traitant. La communication doit être minimale, proportionnée et cantonnée aux informations strictement nécessaires à l’exécution du contrat (v. CE, 26 sept. 2005, n°270234).

Le médecin-conseil ne peut, en outre, se prévaloir de sa fonction pour transmettre à l’assureur des données confidentielles obtenues auprès du médecin traitant. Ce dernier, tenu par le secret, engage sa responsabilité civile, pénale et disciplinaire en cas de divulgation (Cass. 1re civ., 12 janv. 1999, n°96-20.580 ; CSP, art. R. 4127-4). Le secret médical, même dans l’assurance, demeure un verrou éthique et juridique majeur, dont le contournement ne saurait être admis sous prétexte de sélection du risque.

3. Les limites tenant aux aspects économiques et commerciaux

Au-delà des limites techniques et juridiques pesant sur la collecte des informations relatives au risque, le système déclaratif se trouve contraint, dans sa mise en œuvre concrète, par des logiques exogènes à la rationalité assurantielle. La quête de performance commerciale et la standardisation des parcours clients altèrent la qualité et la rigueur du recueil des déclarations. Il en résulte une tension structurelle entre l’exactitude souhaitée du dispositif et la simplicité revendiquée de l’offre.

Dans un marché libéralisé, où la rapidité de souscription, la simplicité perçue des démarches et la transparence tarifaire constituent des atouts décisifs pour capter la clientèle, les assureurs sont incités à alléger les questionnaires de déclaration du risque. Le souci de fluidifier l’expérience utilisateur l’emporte souvent sur l’exigence d’exhaustivité. Les questions sont alors simplifiées, voire volontairement édulcorées, afin de ne pas rebuter le prospect par un formalisme jugé excessif. Cette démarche, dictée par des considérations purement commerciales, affaiblit mécaniquement la rigueur du recueil déclaratif.

La dématérialisation croissante des parcours de souscription — via plateformes numériques, applications mobiles ou interfaces web — accentue ce phénomène. Le recours à des questionnaires dynamiques ou à des interfaces conversationnelles (chatbots) introduit une forme d’intermédiation algorithmique qui peut masquer la complexité du risque, voire escamoter certaines zones d’ombre. Le risque d’une déclaration lacunaire sans intention dolosive s’en trouve mécaniquement accru, comme l’a souligné la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 23 mai 2019, dans lequel l’assuré avait répondu de bonne foi à une question ambiguë, sans que cela suffise à caractériser sa mauvaise foi (Cass. 2e civ., 23 mai 2019, n°18-13.493).

Ce déséquilibre entre transparence attendue et lisibilité promise se traduit par un affaiblissement des garanties probatoires de la déclaration. Trop de questions nuisent à l’ergonomie du parcours de souscription?; trop peu conduisent à un défaut d’information substantielle. L’assureur, pris en étau entre l’obligation d’évaluer le risque et la nécessité de ne pas perdre son client, consent souvent à des compromis rédactionnels aux confins de l’insuffisance.

En cela, le questionnaire se révèle extensible à l’excès ou, inversement, résolument lacunaire. Il devient un instrument imparfait, écartelé entre fonction probatoire et exigence de fluidité. Comme le relève la doctrine, le questionnaire, s’il est utile, présente naturellement ses faiblesses. Il ne permet pas de tout renseigner. Il est le plus souvent muet quant à l’existence d’autres contrats. L’assureur ne pose pas toutes les questions ». À cette liste, il faut désormais ajouter l’effet délétère des arbitrages commerciaux, qui tendent à sacrifier la rigueur au nom de la conversion client.

Ce contexte rend d’autant plus crucial le rôle de l’intermédiaire d’assurance, tenu d’un devoir de conseil renforcé. À mesure que le processus déclaratif s’automatise, le professionnel de l’assurance devient, par contraste, le dernier garant de l’effectivité du recueil d’informations. Il lui revient non seulement de veiller à la bonne compréhension des questions posées, mais encore de solliciter toute précision utile de la part du souscripteur, même en l’absence d’ambiguïté apparente. Cette exigence de vigilance trouve à s’appliquer avec une particulière acuité dans les assurances de personnes ou les assurances de responsabilité, où les enjeux de sincérité déclarative sont majeurs.

Dans cette perspective, la jurisprudence invite à reconnaître un devoir de curiosité de l’intermédiaire — non au sens d’une obligation générale d’investigation, mais comme un corollaire du devoir de conseil. Ce devoir n’implique pas une obligation générale d’investigation, ni a fortiori un contrôle systématique de la sincérité des déclarations du souscripteur — sauf à disposer d’éléments objectifs de suspicion (Cass. 1re civ., 22 mai 2002, n°99-10.715). Il requiert néanmoins que l’intermédiaire veille à la bonne compréhension, par le souscripteur, de la portée et de la finalité des questions posées, et qu’il alerte ce dernier en cas d’ambiguïté manifeste ou d’erreur flagrante (Cass. 1re civ., 10 mai 2000, n° 98-10.033).

À défaut, l’intermédiaire peut engager sa responsabilité propre, non seulement en cas de manquement à son devoir de conseil, mais également lorsque son comportement contribue à une perception erronée du risque par l’assureur. Ainsi, la Cour de cassation a reconnu la responsabilité d’un établissement ayant souscrit une assurance de groupe en omettant de signaler une discordance manifeste entre deux documents remis simultanément par l’adhérent (Cass. 1re civ., 14 oct. 1997, n° 95-14.336).

Plus grave encore est l’hypothèse dans laquelle l’intermédiaire, qu’il soit agent général ou courtier, a eu connaissance, voire a contribué, à une fausse déclaration. La jurisprudence considère que l’assureur ne saurait, dans ce cas, invoquer l’article L. 113-8 du Code des assurances pour se prévaloir d’une nullité du contrat. La connaissance de la réticence par le représentant — agent ou mandataire — est réputée être celle de l’assureur lui-même, en vertu d’une application rigoureuse du mécanisme de représentation (Cass. 1re civ., 7 oct. 1992, n° 90-16.111 et n° 90-16.589). Cette position, aujourd’hui bien établie (Cass. 1re civ., 23 nov. 1999, n° 97-15.319), repose sur la double idée que nul ne peut ignorer ce que sait son mandataire, et que l’assureur ne peut tirer parti d’une fraude à laquelle a participé son propre représentant.

Certes, cette solution n’est pas exempte de critiques. Elle revient à garantir à l’assuré — pourtant coauteur d’une fraude — le maintien du contrat et l’indemnisation du sinistre, sur la base de la seule turpitude du mandataire. Elle repose, en outre, sur une conception discutable du mandat, en confondant la connaissance personnelle du risque par l’assureur et la connaissance de ce risque par son représentant, ce qui revient à méconnaître les limites du lien de représentation.

Dans les cas les plus extrêmes, la jurisprudence évoque même la turpitude du mandataire pour écarter l’exception de nullité fondée sur la fausse déclaration (Cass. 2e civ., 4 févr. 2010, n° 09-11.464). Toutefois, là encore, la solution est discutable : ce n’est pas la propre turpitude de l’assureur qui lui est opposée, mais celle d’un tiers. Et si la maxime nemo auditur propriam turpitudinem allegans peut, dans certaines hypothèses, bloquer les restitutions, elle ne fait pas obstacle par principe à l’action en nullité.

Ainsi, le rôle de l’intermédiaire dans le recueil déclaratif est à double tranchant : auxiliaire du devoir de conseil lorsqu’il accompagne loyalement le souscripteur, il devient facteur de déstabilisation du contrat lorsqu’il outrepasse sa fonction ou ferme les yeux sur une fraude. À cette aune, l’exigence de loyauté contractuelle impose une vigilance renforcée à tous les stades de la formation du contrat.

II. La sanction des déclarations irrégulières

A. Les déclarations inexactes

La déclaration du risque conditionne l’équilibre du contrat d’assurance, en ce qu’elle détermine l’étendue de l’engagement de l’assureur. Elle permet, en effet, à l’assureur d’apprécier la nature et l’étendue du risque qu’il accepte de garantir, et de fixer en conséquence le montant de la prime. L’assuré, de son côté, est tenu à une obligation de sincérité dans les réponses qu’il apporte au questionnaire proposé par l’assureur. Ce devoir de loyauté est d’autant plus déterminant que l’évaluation du risque repose presque exclusivement sur les informations ainsi recueillies.

Lorsqu’une irrégularité affecte cette déclaration — qu’il s’agisse d’une réponse inexacte, d’une omission ou d’un silence gardé sur une circonstance particulière —, l’équilibre du contrat s’en trouve compromis. L’assureur, privé d’une information essentielle, n’a pu apprécier le risque en pleine connaissance de cause. Le droit positif organise, pour rétablir cette rupture, un régime de sanctions articulé autour de l’état d’esprit de l’assuré au moment de la déclaration.

Deux hypothèses doivent alors être distinguées. Si l’irrégularité procède d’une volonté délibérée de tromper l’assureur, elle constitue une fausse déclaration intentionnelle et emporte la nullité du contrat dans les conditions fixées à l’article L. 113-8 du Code des assurances. En revanche, si l’inexactitude ou l’omission résulte d’une simple négligence, la déclaration est qualifiée de non intentionnelle : le contrat subsiste, mais ses effets sont aménagés conformément à l’article L. 113-9.

1. La fausse déclaration intentionnelle

a. Les éléments constitutifs de la fausse déclaration intentionnelle

i. L’exigence de mauvaise foi de l’assuré

La nullité prévue à l’article L. 113-8 du Code des assurances repose sur la constatation d’une réticence ou d’une fausse déclaration intentionnelle imputable à l’assuré, c’est-à-dire sur la démonstration d’un comportement empreint de mauvaise foi. Cette notion, à la frontière entre l’intention de nuire et le simple fait volontaire, implique une volonté délibérée de fausser l’appréciation du risque par l’assureur lors de la souscription.

L’élément déterminant est ici la volonté de tromper l’assureur, ou tout au moins de l’induire en erreur sur l’existence, la nature ou l’ampleur du risque à garantir, afin d’obtenir l’émission du contrat à des conditions plus favorables, voire l’acceptation pure et simple d’un risque qu’il aurait refusé s’il avait été informé loyalement. Il s’agit ainsi d’un véritable dol technique, visant à vicier le consentement de l’assureur, indépendamment de toute volonté de causer un dommage à ce dernier (Cass. 2e civ., 16 juin 2022, n°20-20.745).

La dissimulation volontaire d’une information connue par l’assuré, et dont il sait le caractère déterminant pour l’assureur, suffit à caractériser la mauvaise foi. Ainsi, la jurisprudence retient la fausse déclaration intentionnelle même en l’absence de volonté de nuire, dès lors que l’assuré a, en conscience, fait prévaloir ses intérêts propres au détriment de la mutualité assurantielle. Tel est le cas d’un assuré qui, pour bénéficier d’une prime plus avantageuse, se déclare seul conducteur alors que son fils – jeune permis – utilise en réalité le véhicule de manière habituelle (Cass. 1re civ., 11 déc. 1990, n° 88-13.044).

La fausse déclaration peut revêtir diverses formes : affirmation mensongère, omission volontaire, altération consciente d’une réponse au questionnaire. Elle ne se réduit pas à une dissimulation formelle : elle peut résulter d’un comportement silencieux, qualifié alors de réticence, dès lors qu’il est motivé par l’intention de soustraire un élément significatif à l’appréciation de l’assureur.

La mauvaise foi suppose ainsi deux éléments cumulatifs :

  • une connaissance par l’assuré de l’exacte réalité du risque, qu’il se garde de révéler ;
  • et une intention de dissimulation visant à influencer la décision de l’assureur, qu’il s’agisse de la souscription, du montant de la prime, ou de l’acceptation du risque.

Le caractère déterminant de l’information tue ou faussée constitue une exigence complémentaire : la déclaration mensongère n’est sanctionnée que si elle a modifié « l’objet du risque ou diminué l’opinion de l’assureur » (C. assur., art. L. 113-8 ; Cass. 2e civ., 12 mai 2011, n° 10-11.832). L’existence d’une telle altération peut résulter de l’importance du risque non déclaré (ex. : séropositivité, activité nocturne dangereuse, inscription au fichier du grand banditisme – Cass. 2e civ., 25 juin 2020, n° 19-14.278).

En revanche, la fausse déclaration ne saurait être retenue si l’assuré a agi de bonne foi, par ignorance, oubli excusable ou en raison d’une interprétation raisonnable d’un questionnaire ambigu ou mal formulé. La jurisprudence reconnaît ainsi que l’intention dolosive peut être exclue en présence d’un état dépressif, d’un niveau d’instruction limité, ou de difficultés de compréhension liées à une barrière linguistique (Cass. 1re civ., 25 févr. 1986, n°84-16.882).

ii. L’appréciation de la mauvaise foi

La nullité du contrat d’assurance fondée sur l’article L. 113-8 du Code des assurances ne peut être prononcée que si la mauvaise foi de l’assuré est rigoureusement caractérisée. Conformément au principe de présomption de bonne foi posé à l’article 2268 du Code civil, il appartient à l’assureur de démontrer que la déclaration inexacte procède d’une intention dolosive de l’assuré, c’est-à-dire de la volonté de tromper l’assureur sur l’étendue ou la nature du risque à garantir. Cette exigence est constante en jurisprudence (v. notamment Cass. 2e civ., 10 déc. 2009, n° 09-10.053).

L’appréciation de cette mauvaise foi relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui en apprécient les éléments constitutifs in concreto, à la lumière des circonstances propres à chaque espèce (Cass. 1re civ., 4 oct. 2000, n° 97-20.867). La Cour de cassation se borne à vérifier que les juges ont recherché l’existence de cette volonté frauduleuse et qu’ils ont motivé leur décision en ce sens (v. notamment Cass. 2e civ., 2 févr. 2017, n° 16-14.815).

Plusieurs indices convergents sont susceptibles de révéler l’intention de dissimuler, sans pour autant former des présomptions irréfragables :

  • La gravité objective de l’élément omis, notamment lorsqu’il s’agit d’une pathologie sérieuse, d’antécédents judiciaires lourds, de condamnations pénales, ou d’activités dangereuses, susceptibles d’altérer substantiellement l’opinion du risque (v. Cass. 2e civ., 11 sept. 2014, n° 13-22.429).
  • La proximité temporelle entre l’événement dissimulé et la déclaration, qui permet de déduire que l’assuré n’a pu l’ignorer au moment de remplir le questionnaire (Cass. 1re civ., 7 oct. 1998, n°96-17.315).
  • Le degré d’intelligibilité du questionnaire, qui conditionne la portée des réponses et la possibilité d’apprécier leur fausseté. Lorsque le document remis est précis, détaillé, et dénué d’ambiguïté, toute discordance entre les réponses et la réalité du risque est plus difficilement excusable (Cass. 2e civ., 30 juin 2016, n° 15-22.842). À l’inverse, une ambiguïté de l’assureur ou un défaut de clarté dans la formulation du questionnaire peut écarter la mauvaise foi (Cass. crim., 9 déc. 1992, n° 90-83.149).
  • Le profil de l’assuré, pris en compte par la jurisprudence, qui peut retenir une absence de mauvaise foi lorsque l’assuré présente une faible capacité de compréhension, un faible niveau d’instruction, un état psychique altéré, ou une maîtrise imparfaite de la langue française (v. Cass. 1re civ., 20 oct. 1993, n° 91-17.112). Inversement, la mauvaise foi sera retenue plus aisément chez un professionnel averti ou un souscripteur ayant une compétence particulière dans le domaine concerné (Cass. 2e civ., 29 mars 2012, n° 11-14.305).
  • Le contenu des déclarations : l’accumulation d’inexactitudes, de contradictions ou de silences révélateurs peut conduire les juridictions à retenir l’intention dolosive, notamment lorsque les erreurs ne peuvent raisonnablement être imputées à un oubli bénin. Ainsi en est-il d’un assuré ayant minoré de 20 kg son poids tout en majorant sa taille de 6 cm, tout en dissimulant des antécédents médicaux lourds (CA Colmar, 9 janv. 2017, n° 15/05647).
  • Les déclarations spontanées ou les aveux peuvent également fonder la constatation de la mauvaise foi, y compris lorsqu’aucun questionnaire n’a été formellement rédigé, dès lors que la déclaration erronée procède clairement de l’assuré lui-même (Cass. 2e civ., 4 févr. 2016, n° 15-13.850).

La jurisprudence rappelle enfin que le caractère intentionnel de la fausse déclaration doit être distingué de l’existence d’un lien de causalité avec le sinistre. En vertu de l’article L. 113-8, alinéa 1er, la sanction est encourue « alors même que le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre » (v. Cass. 2e civ., 23 mai 2013, n° 12-19.952). Cette dissociation entre fausse déclaration et réalisation du risque renforce le rôle central de l’appréciation de la mauvaise foi, laquelle demeure le pivot de la nullité.

Enfin, la jurisprudence constante de la Cour de cassation souligne que la sanction prévue par l’article L. 113-8 du Code des assurances s’applique indépendamment de toute influence de la fausse déclaration sur la réalisation du sinistre. Le texte est explicite : « le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle […] alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre ».

Il ressort de cette dissociation entre la déclaration dolosive et l’événement assuré un renversement de perspective : il ne s’agit pas de protéger l’assureur uniquement contre des sinistres non désirés, mais plus fondamentalement de préserver l’équilibre initial du contrat, compromis dès la formation par une information volontairement tronquée. Le dol, ainsi caractérisé, vicie le consentement de l’assureur non quant aux effets du contrat, mais quant à l’objet même de son engagement (v. en ce sens, Cass. 2e civ., 23 mai 2013, n° 12-19.952).

En ce sens, la jurisprudence a admis que la nullité puisse être prononcée, même si le sinistre ne présente aucun lien de causalité avec la déclaration erronée. Tel est le cas, par exemple, lorsqu’un assuré dissimule sciemment deux vols antérieurs dans une déclaration d’assurance multirisque commerçant : cette omission justifie la nullité du contrat, bien que le sinistre survenu soit un incendie sans rapport avec les vols (Cass. 1re civ., 22 janv. 2002, n°99-12.044). De même, la non-déclaration d’une hospitalisation pour sciatique entraîne la nullité du contrat, bien que la perte d’emploi litigieuse résulte d’une pathologie distincte (Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, n°03-13.114).

La doctrine souligne ainsi que la fausse déclaration intentionnelle rompt l’équilibre actuariel du contrat en faussant l’évaluation du risque par l’assureur. Ce dernier n’a pas pu se former une opinion exacte de l’étendue du risque garanti, ce qui compromet la validité de son engagement.

Cette lecture s’impose avec d’autant plus de rigueur dans les assurances multirisques, où un seul élément mensonger suffit à contaminer l’économie globale du contrat, sauf à apprécier distinctement chaque garantie si les risques sont juridiquement divisibles (v. Cass. 2e civ., 6 juill. 2023, n° 22-11.045).

La sanction repose donc moins sur l’adéquation entre la déclaration mensongère et la réalisation du dommage que sur la gravité de la rupture de confiance qu’elle révèle. La mauvaise foi de l’assuré se trouve ainsi érigée en critère exclusif d’appréciation de la nullité, selon une logique résolument objective : c’est la loyauté dans la formation du contrat – et non la pertinence ex post des informations – qui fonde la sanction.

iii. La preuve de la mauvaise foi

L’article L. 113-8 du Code des assurances, qui prévoit la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré, impose à l’assureur l’établissement d’une double preuve : démontrer, d’une part, l’inexactitude ou la réticence dans la déclaration, et, d’autre part, le caractère intentionnel de cette dissimulation. Conformément au principe de droit commun énoncé à l’article 1353 du Code civil, et à la présomption de bonne foi consacrée par l’article 2274, il appartient à celui qui invoque la mauvaise foi – en l’occurrence, l’assureur – d’en rapporter la preuve.

La jurisprudence est constante : la preuve de la fausse déclaration intentionnelle incombe intégralement à l’assureur qui entend se prévaloir de la nullité du contrat (Cass. 1re civ., 21 janv. 1957 ; Cass. crim., 13 nov. 1986). Cette charge de la preuve se révèle souvent délicate, en raison de la subjectivité inhérente à la notion d’intention dolosive. Il ne suffit pas, en effet, de constater l’inexactitude d’une réponse pour en déduire la volonté de tromper. Encore faut-il établir que l’assuré avait pleine conscience de l’importance de l’information omise ou altérée, et qu’il a volontairement cherché à fausser l’appréciation du risque par l’assureur.

Compte tenu de ce que la mauvaise foi est un fait juridique, elle peut être établie par tous moyens, dès lors que les droits de la défense sont respectés (Cass. 1re civ., 26 avr. 2000, n°97-22.560 ). Parmi les principaux éléments probatoires admis, on compte :

  • Le questionnaire écrit et signé : Il constitue l’instrument probatoire privilégié. Lorsque l’assuré a répondu par écrit à un formulaire clair, précis et intelligible, une réponse erronée, surtout à une question déterminante, pourra suffire à fonder la présomption de mauvaise foi (Cass. 2e civ., 14 avr. 2016, n° 15-18.226). La jurisprudence exige néanmoins que ce document ait bien été communiqué au souscripteur, en vertu du principe du contradictoire (Cass. 2e civ., 12 mai 2011, n° 10-19.649).
  • Les déclarations spontanées de l’assuré : En l’absence de questionnaire formalisé, la jurisprudence admet que des réponses volontairement inexactes, apportées spontanément par l’assuré, puissent suffire à établir la mauvaise foi, notamment lorsqu’elles sont consignées dans les conditions particulières signées (Cass. 2e civ., 4 févr. 2016, n° 15-13.850).
  • Les pièces médicales et administratives : En matière d’assurance de personnes, les certificats médicaux, les dossiers hospitaliers ou les antécédents judiciaires peuvent révéler que l’assuré avait nécessairement connaissance du fait omis ou dissimulé. Ces pièces doivent cependant être obtenues dans le respect du secret médical et du contradictoire. Ainsi, la désignation d’un expert judiciaire peut être sollicitée pour accéder, de manière indirecte, aux données médicales pertinentes (Cass. 1re civ., 7 déc. 2004, n° 02-12.539).
  • Les indices extérieurs et concordants : La jurisprudence admet que des indices circonstanciels puissent établir la volonté de dissimulation : correspondances privées mentionnant la vétusté d’un immeuble (Cass. 1re civ., 18 déc. 1990, n° 89-19.097), dissimulation d’un conducteur habituel non titulaire du permis (Cass. 1re civ., 17 mars 1993, n°91-14.605), ou encore déclarations incompatibles avec les fonctions exercées (Cass. 2e civ., 25 févr. 2010, n°09-13.225). De manière exceptionnelle, le recours à un enquêteur privé a pu être jugé admissible, sous réserve du respect de la vie privée et de la proportionnalité des investigations (Cass. 1re civ., 31 oct. 2012, n°11-17.476).
  • L’aveu ou la reconnaissance postérieure : L’aveu de l’assuré, même implicite, est un élément probatoire de poids. S’il reconnaît avoir volontairement minoré un élément déterminant, comme le poids réel dans une déclaration santé ou la présence de sinistres antérieurs (Cass. 2e civ., 14 juin 2012, n° 11-11.344), la preuve de sa mauvaise foi sera réputée établie.

Enfin, la jurisprudence rappelle avec constance que la seule inexactitude dans la déclaration ne suffit pas à emporter la nullité. En l’absence d’un faisceau d’éléments convergents établissant l’intention de tromper l’assureur sur l’appréciation du risque, la mauvaise foi ne peut être présumée (Cass. 2e civ., 10 déc. 2009, n° 09-10053). Cette rigueur protectrice vise à éviter que l’assureur ne transforme un simple oubli ou une négligence en dol contractuel.

Il en résulte que la preuve doit être à la fois objective (portant sur la fausseté manifeste de la déclaration) et subjective (portant sur la conscience qu’avait l’assuré de l’importance de l’élément dissimulé). L’un sans l’autre ne saurait suffire à faire prospérer l’action en nullité.

b. Les conséquences de la fausse déclaration intentionnelle

L’article L. 113-8 du Code des assurances consacre un régime autonome de nullité, dont les fondements et les effets s’écartent sensiblement de ceux qui gouvernent le droit commun des obligations contractuelles. Ce mécanisme spécifique vise à réprimer la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré, dès lors que celle-ci a altéré l’appréciation que l’assureur pouvait raisonnablement se faire du risque à garantir. Il importe de souligner que cette nullité est encourue même en l’absence de tout lien de causalité entre l’élément dissimulé et la réalisation du sinistre.

Cette rigueur se justifie par l’économie particulière du contrat d’assurance, dont l’équilibre repose de manière décisive sur la transparence et la loyauté de l’information fournie par le souscripteur. En effet, le risque, objet même du contrat, n’existe aux yeux de l’assureur qu’à travers les déclarations de son cocontractant. Dès lors, toute dissimulation volontaire est de nature à vicier le fondement du consentement donné par l’assureur et à compromettre la sincérité de l’engagement qu’il a souscrit.

i. Le principe de la nullité

Le régime de nullité instauré par l’article L. 113-8 du Code des assurances présente une physionomie singulière, à la fois par son champ d’application et par sa finalité. Il trouve à s’appliquer dès lors qu’une omission ou une fausse déclaration intentionnelle, imputable à l’assuré, a eu pour effet de modifier l’objet du risque ou d’en altérer l’appréciation que l’assureur était en droit de s’en faire lors de la souscription. L’influence s’apprécie ex ante, c’est-à-dire au regard des critères qui président à la décision d’assurer — qu’il s’agisse de l’acceptation du risque, de la fixation de la prime, ou encore de l’étendue de la garantie — et ce, abstraction faite de toute considération sur la survenance effective d’un sinistre en lien avec le fait dissimulé (C. assur., art. L. 113-8, al. 1er ; v. aussi Cass. 2e civ., 23 mai 2013, n°12-19.952).

Ce régime s’applique aussi bien lors de la formation du contrat qu’au cours de son exécution, notamment à l’occasion d’une aggravation du risque que l’assuré omet volontairement de porter à la connaissance de l’assureur. Si l’article L. 113-4 du Code des assurances encadre les effets de cette omission lorsqu’elle procède de la seule négligence ou de la bonne foi, c’est à l’article L. 113-8 qu’il revient de sanctionner l’intention frauduleuse, dans une continuité jurisprudentielle affirmée dès l’arrêt fondateur du 29 septembre 1941 (Cass. civ., 29 sept. 1941 : DC 1943, p. 10, note Besson) et maintenue jusqu’à des décisions récentes (Cass. crim., 2 déc. 2014, n° 14-80.933).

L’originalité de cette nullité tient à son détachement des règles générales du droit commun. En prévoyant que la nullité peut être prononcée « indépendamment des causes ordinaires de nullité », l’article L. 113-8 du Code des assurances exclut l’exigence de démontrer un vice du consentement au sens des articles 1130 et suivants du Code civil. Il ne s’agit ni d’une erreur ni d’un dol au sens traditionnel, mais d’un mécanisme propre au droit des assurances, spécifiquement élaboré pour garantir à l’assureur une information loyale et complète sur les éléments essentiels du risque, condition sine qua non de la formation équilibrée du contrat.

Ce régime dérogatoire relève de l’ordre public de protection: il est institué au seul profit de l’assureur, qui demeure l’unique titulaire de l’action en nullité. L’assuré ne saurait s’en prévaloir, ni opposer à l’assureur une quelconque renonciation anticipée à invoquer cette nullité. Ce monopole de l’action en nullité s’explique par la finalité du texte, qui vise moins à rétablir l’équilibre contractuel qu’à sanctionner un comportement objectivement blâmable : la volonté délibérée de tromper le cocontractant sur les éléments fondamentaux de son engagement.

S’agissant enfin de l’objet même de la déclaration, il n’est pas nécessaire que l’omission ait porté sur un fait expressément visé par une question précise de l’assureur, dès lors que la formulation de celle-ci, même générale, permettait raisonnablement d’inclure le renseignement dissimulé. En ce sens, la Cour de cassation a jugé que l’assuré ne peut se prévaloir du caractère général de la question pour se soustraire à son devoir de sincérité (Cass. 1re civ., 22 mai 2002, n° 00-12.419). En revanche, la jurisprudence exclut toute obligation de révélation spontanée sur des points non couverts par le questionnaire, sous peine de réintroduire, en violation de la réforme de 1989, une logique de déclaration spontanée incompatible avec le modèle du questionnaire fermé (v. Cass. 2e civ., 3 juin 2010, n° 09-14.876 ; sur les textes, L. 113-2, 3°, et L. 112-3, al. 4, C. assur.).

Ainsi conçu, le mécanisme de nullité instauré par l’article L. 113-8 répond à une logique avant tout prophylactique. Il vise à dissuader les comportements déloyaux en érigeant la véracité des déclarations en condition substantielle de validité du contrat d’assurance. Le régime privilégie donc une logique de sanction fondée sur la loyauté contractuelle, plutôt qu’une réparation fondée sur le seul déséquilibre économique de la prestation.

ii. Les effets de la nullité

==>À l’égard des parties

La nullité du contrat prononcée sur le fondement de l’article L. 113-8 du Code des assurances entraîne la disparition rétroactive du lien contractuel. Le contrat est réputé n’avoir jamais existé à compter de la date à laquelle la fausse déclaration intentionnelle a été commise. Cette date correspond, selon les cas, soit à celle de la formation du contrat, soit à celle de l’événement postérieur ayant constitué une aggravation dolosive du risque (Cass. crim., 2 déc. 2014, n°14-80.933).

Cette rétroactivité produit des conséquences particulièrement sévères : l’assureur retrouve le droit de réclamer le remboursement de toutes les sommes versées à compter de la fausse déclaration. Ces versements sont considérés comme dépourvus de cause juridique, puisque la garantie n’aurait jamais dû être accordée (Cass. 2e civ., 16 juin 2022, n° 20-20.745).

Cependant, la restitution ne peut être exigée que de la personne ayant effectivement perçu les fonds. Ainsi, lorsqu’une société est bénéficiaire des prestations versées, son dirigeant ne peut être tenu personnellement à restitution, sauf à démontrer sa participation effective à la manœuvre dolosive.

À la différence du régime général de la nullité des contrats, l’article L. 113-8, alinéa 2, interdit à l’assuré de revendiquer la restitution des primes versées, même si l’assureur n’a en réalité jamais assumé le moindre risque. Les primes demeurent acquises à l’assureur et celles qui n’ont pas encore été payées sont dues à titre de dommages et intérêts.

La règle est sévère. Elle traduit une volonté du législateur de ne pas traiter la nullité comme une simple correction d’un déséquilibre contractuel, mais comme une véritable sanction, destinée à punir l’assuré de mauvaise foi. Cette règle est perçue en doctrine comme l’expression d’une “peine privée”.

Par exception, en matière d’assurance sur la vie, la sanction est atténuée. L’article L. 113-8, alinéa 3, combiné à l’article L. 132-18 du Code des assurances, impose à l’assureur de restituer la provision mathématique constituée au jour de la nullité, même en cas de fausse déclaration intentionnelle. Cette règle s’explique par la nature particulière du contrat d’assurance vie, qui repose avant tout sur une logique d’épargne : l’assureur capitalise des fonds pour le compte de l’assuré. Lui refuser toute restitution reviendrait à permettre un enrichissement injustifié du professionnel.

Par ailleurs, lorsqu’un contrat couvre plusieurs risques, la jurisprudence opère une appréciation in concreto de la portée de la fausse déclaration. Si cette dernière ne concerne qu’un seul risque, la nullité pourra être partielle (Cass. 2e civ., 2 avr. 2009, n° 08-12.942). En revanche, si les garanties sont indivisibles, notamment du fait d’une prime globale assise sur un critère unique, la nullité affectera l’intégralité du contrat (Cass. 1re civ., 22 janv. 2002, n°99-12.044). Ce principe d’indivisibilité joue ici à plein, fondée sur une approche fonctionnelle du contrat.

Enfin, la nullité fondée sur l’article L. 113-8 peut être invoquée à tout moment par l’assureur, y compris après l’expiration du délai de prescription biennale prévu à l’article L. 114-1 du Code des assurances. En effet, lorsqu’elle est soulevée par voie d’exception pour faire obstacle à une demande de garantie ou de règlement, la nullité échappe aux règles de prescription applicables aux actions en justice (Cass. 2e civ., 12 mars 2009, n°08-11.444). Cette faculté renforce la portée dissuasive du dispositif.

==>À l’égard des tiers

Conformément à l’article L. 112-6 du Code des assurances, la nullité est opposable à tout tiers au contrat qui en revendique les effets. Cela inclut notamment les bénéficiaires désignés, les assurés pour compte et les victimes agissant par la voie de l’action directe.

Ainsi, la jurisprudence constante considère que la victime ne peut invoquer l’inopposabilité de la nullité prononcée sur le fondement de l’article L. 113-8, même si celle-ci est révélée à l’occasion du sinistre (Cass. crim., 12 juin 2012, n° 11-87.395). Cette rigueur a cependant été tempérée en matière d’assurance automobile.

Sous l’effet de la directive européenne n° 2009/103/CE et de son interprétation par la CJUE (CJUE, 20 juill. 2017, aff. C-287/16), le législateur français a inséré un article L. 211-7-1 dans le Code des assurances, interdisant à l’assureur d’opposer la nullité du contrat à la victime d’un accident de la circulation ou à ses ayants droit. Cette nullité reste toutefois opposable à l’assuré, même s’il est également victime de l’accident, sauf dans les hypothèses d’abus de droit (CJUE, 19 sept. 2024, aff. C-236/23, Matmut).

Enfin, l’assureur conserve la possibilité d’exercer un recours subrogatoire contre l’assuré responsable après indemnisation de la victime, afin de récupérer les sommes versées, dès lors que ce dernier a contribué par sa fraude à la production du sinistre (Cass. 2e civ., 8 févr. 2006, n° 05-16.031).

iii. Les tempérament aux effets de la nullité

Si la nullité fondée sur l’article L. 113-8 du Code des assurances frappe l’assuré de mauvaise foi avec une sévérité toute particulière, elle n’en constitue pas pour autant un pouvoir discrétionnaire et sans limite entre les mains de l’assureur. Divers mécanismes, d’origine légale, jurisprudentielle ou contractuelle, concourent à en atténuer, voire à en neutraliser les effets. Ces tempéraments, inspirés tant de l’équité que de la protection de l’ordre public économique, assurent un équilibre entre la nécessaire répression de la fraude et les exigences de sécurité juridique.

==>La renonciation, expresse ou tacite, de l’assureur

L’assureur qui, en pleine connaissance de la fausse déclaration, poursuit l’exécution du contrat sans réserve, peut être présumé avoir renoncé à se prévaloir de la nullité. Cette renonciation peut être explicite, par exemple par une déclaration formelle d’intention, ou tacite, lorsqu’elle résulte d’un comportement non équivoque tel que le versement d’une indemnité ou la perception de primes postérieurement à la découverte de l’irrégularité (Cass. 1re civ., 12 juin 2012, n° 11-12.443). À l’inverse, un simple acte d’exécution du contrat, accompli sans pleine conscience du manquement, ne saurait emporter renonciation implicite.

Deux présomptions légales encadrent ce mécanisme : l’article L. 113-4 du Code des assurances en matière d’aggravation du risque, et l’article L. 113-17 en matière de direction du procès. Dans les deux cas, la renonciation se déduit de la continuité d’un comportement actif et volontaire. Toutefois, la jurisprudence demeure exigeante : la preuve d’une volonté dépourvue d’ambiguïté reste nécessaire.

==>La complicité ou la connaissance du mandataire de l’assureur

Un autre frein à l’action en nullité réside dans l’attitude des représentants de l’assureur. Lorsqu’il est établi que le mandataire – courtier, agent général ou préposé – avait connaissance de la fausse déclaration, ou y a contribué, l’assureur se voit privé de la faculté d’invoquer la nullité, en vertu de l’article L. 511-1 du Code des assurances, qui rend l’entreprise d’assurance civilement responsable des actes de ses mandataires (Cass. 1re civ., 4 avr. 1995, n° 92-20.112).

Cette jurisprudence s’inscrit dans une logique de loyauté : l’assureur ne saurait se prévaloir d’une irrégularité qu’il a contribué à faire naître, directement ou par l’entremise de son représentant. La charge de la preuve pèse ici sur l’assuré, qui devra établir, avec un degré suffisant de certitude, la connaissance ou la participation du mandataire à l’anomalie déclarative.

==>Dispositions dérogatoires

Le régime de nullité prévu par l’article L. 113-8 cède également devant des dispositifs spéciaux ou conventionnels, tels que l’article L. 113-10 du Code des assurances relatif aux assurances à primes et risques variables. Ce dernier texte instaure une sanction alternative – le versement d’une indemnité plafonnée – qui, lorsqu’il a été contractuellement stipulé, évince le recours à la nullité (Cass. 1re civ., 31 mars 1998, n° 96-12.526). Il en va de même lorsque le contrat prévoit un régime spécifique de sanction en cas de déclaration erronée, à condition que ce régime ait été clairement exprimé.

De manière générale, l’assureur ne peut cumuler les sanctions issues du droit spécial et celles issues du droit commun ou du droit spécial d’ordre public : la nullité ne peut être actionnée que si elle n’est pas exclue par une disposition spéciale ou par l’application d’un texte dérogatoire.

==>Les clauses d’incontestabilité

Dans certaines branches, notamment en matière d’assurance de personnes ou de contrats collectifs, il est d’usage de stipuler une clause dite d’incontestabilité, aux termes de laquelle l’assureur renonce, après un certain délai, à invoquer la nullité pour fausse déclaration.

Si ces clauses sont valables en principe, elles ne peuvent avoir pour effet de couvrir une manœuvre frauduleuse manifeste. Ainsi, la jurisprudence considère qu’elles ne sauraient faire obstacle à l’application de l’article L. 113-8 dans les cas de réticence ou de déclaration mensongère caractérisée (Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n° 98-10.655). La clause d’incontestabilité doit donc être interprétée avec rigueur, et ne saurait priver l’assureur de la faculté d’agir contre l’assuré de mauvaise foi.

==>Les correctifs tenant à l’ordre public de protection

Enfin, certaines hypothèses spécifiques appellent une modulation des effets de la nullité, au nom de l’ordre public de protection, en particulier lorsque sont en cause des victimes d’accidents de la circulation. En vertu des articles L. 211-1 et L. 211-7-1 du Code des assurances, introduits à la suite de la jurisprudence Fidelidade (CJUE, 20 juill. 2017, aff. C-287/16), la nullité n’est pas opposable aux tiers victimes d’un accident impliquant un véhicule terrestre à moteur, même si elle repose sur une fausse déclaration intentionnelle du souscripteur (Cass. 2e civ., 16 janv. 2020, n° 18-23.381).

2. La fausse déclaration non intentionnelle

La fausse déclaration non intentionnelle du risque, lorsqu’elle résulte de la simple négligence ou de l’ignorance excusable de l’assuré, ne relève pas du régime sévère de la nullité prévu à l’article L. 113-8 du Code des assurances. C’est un régime autonome, plus clément, que consacre l’article L. 113-9 du même code. Loin d’ignorer les conséquences d’une déclaration inexacte, ce texte organise un dispositif correctif proportionné, articulé autour de deux situations distinctes : selon que l’inexactitude est révélée avant ou après la survenance du sinistre. Dans la première hypothèse, l’assureur dispose d’un droit d’option entre la résiliation du contrat ou sa continuation moyennant une augmentation de la prime. Dans la seconde, il peut obtenir une réduction de l’indemnité due, selon une règle proportionnelle fondée sur l’écart entre la prime perçue et celle qui aurait été exigée si le risque avait été correctement déclaré.

i. Hypothèse d’une découverte antérieure au sinistre : résiliation ou maintien du contrat

Lorsque l’erreur dans les déclarations de l’assuré est révélée avant la réalisation du sinistre, l’assureur dispose, en vertu de l’article L. 113-9, alinéa 2 du Code des assurances, d’un droit d’option dont la mise en œuvre est strictement encadrée. Ce texte prévoit que «?si elle est constatée avant tout sinistre, l’assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l’assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l’assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l’assurance ne court plus. »

Ainsi, deux options s’offrent à l’assureur : conclure un avenant modifiant la prime, sous réserve de l’accord de l’assuré, ou bien résilier le contrat de manière unilatérale, dans les formes prévues. Cette résiliation ne peut produire effet qu’à l’expiration d’un délai de dix jours suivant la notification par lettre recommandée. Elle emporte, par ailleurs, l’obligation de restituer à l’assuré la part de prime afférente à la période non couverte. L’assuré, pour sa part, ne bénéficie d’aucun droit symétrique de résiliation sur ce fondement, comme l’a rappelé la Cour de cassation (Cass., ch. réunies, 8 juill. 1953).

Toutefois, une difficulté particulière surgit dans les situations dites intermédiaires, dans lesquelles le sinistre survient après la découverte de l’irrégularité par l’assureur, mais avant que celui-ci n’ait exercé son droit d’option. Ce décalage dans le temps, qui tient à l’inertie ou à la lenteur de réaction de l’assureur, soulève une interrogation : peut-il encore, après réalisation du risque, résilier le contrat ou imposer une surprime avec effet rétroactif ?

La réponse de la jurisprudence est négative. Dans un tel cas, l’assureur est considéré comme ayant perdu le bénéfice des facultés offertes par l’article L. 113-9, alinéa 2. Il ne peut plus ni résilier, ni renégocier rétroactivement les conditions contractuelles. La Cour de cassation assimile en effet cette situation à celle d’une découverte postérieure au sinistre, neutralisant les prérogatives correctrices réservées à la phase antérieure. Seul reste alors ouvert le mécanisme de la réduction proportionnelle de l’indemnité, prévu pour les déclarations inexactes découvertes après sinistre (v. Cass. 2e civ., 2 mars 2017, n°15-27.831).

Cette solution s’explique par une exigence de cohérence procédurale et de protection de l’assuré : dès lors que le risque s’est réalisé, il ne saurait être légitime que l’assureur modifie les termes du contrat de façon rétroactive pour échapper à ses obligations indemnitaires.

ii. Hypothèse d’une découverte postérieure au sinistre : réduction proportionnelle de l’indemnité

==>Principe de la réduction proportionnelle du taux de prime

Lorsque l’assureur ne découvre l’erreur ou l’omission affectant la déclaration du risque qu’à l’occasion d’un sinistre, il ne peut ni invoquer la nullité du contrat – faute d’intention dolosive – ni résilier rétroactivement la police. La sanction applicable est alors de nature économique: l’article L. 113-9, alinéa 3 du Code des assurances institue en effet une réduction proportionnelle de l’indemnité, fondée sur le déséquilibre contractuel résultant de la sous-évaluation du risque.

Le texte dispose que « dans le cas où la constatation n’a lieu qu’après un sinistre, l’indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés. »

Ce mécanisme correcteur, communément désigné sous l’appellation de règle proportionnelle du taux de prime, vise à restaurer l’équilibre économique du contrat en cas de déclaration imparfaite du risque. Son application repose sur une opération arithmétique limpide : l’indemnité versée par l’assureur est ajustée à due concurrence de la cotisation réellement perçue, rapportée à celle qui aurait été légitimement exigée si l’appréciation du risque avait reposé sur des données exactes.

Indemnité versée = Préjudice subi × (Prime payée ÷ Prime exigible)

Il s’agit ici de reconstituer fictivement l’économie du contrat que l’assureur aurait conclu s’il avait été correctement informé. Il ne s’agit donc pas de sanctionner la mauvaise foi de l’assuré – absente en l’espèce – mais d’assurer un réajustement ex post de la contrepartie financière.

L’application de la réduction proportionnelle est indépendante de toute incidence causale entre l’erreur déclarative et la réalisation du dommage : même si l’irrégularité a été sans influence sur le sinistre, la réduction s’applique (Cass. 2e civ., 17 avr. 2008, n° 07-13.053). Cette solution découle de l’économie technique du contrat d’assurance : ce n’est pas l’événement dommageable qui fonde la garantie, mais la sincérité de l’évaluation du risque.

Dès lors, l’assuré ne peut utilement opposer que le risque litigieux aurait été couvert aux mêmes conditions même si la déclaration avait été exacte : le seul critère est celui de la prime qui aurait été exigée en connaissance de cause.

==>Mise en oeuvre de la réduction proportionnelle du taux de prime

Encore faut-il que l’assureur soit en mesure de démontrer le bien-fondé de sa prétention. Il lui incombe d’établir, par des éléments objectifs (grille tarifaire, simulation de tarification, clauses types…), le montant de la prime qu’il aurait appliquée en cas de déclaration conforme (Cass. 2e civ., 12 sept. 2013, n° 12-26.245). À défaut, la réduction proportionnelle ne peut être légalement prononcée (v. Cass. 1re civ., 6 juin 2000, n° 97-19.241).

Les juges du fond conservent ici un pouvoir souverain pour déterminer le taux de prime “normal”, en l’absence d’accord entre les parties. Il ne peut toutefois retenir une réduction forfaitaire en substitution de la règle mathématique prévue par la loi, sous peine de censure (Cass. 1re civ., 16 déc. 1998).

==>Opposabilité de la réduction proportionnelle du taux de prime

Sauf disposition contraire, la réduction proportionnelle de l’indemnité est opposable à toute personne invoquant le contrat d’assurance, y compris les bénéficiaires et les victimes dans les assurances de responsabilité (Cass. 1re civ., 15 févr. 1977, n°75-14.244). Cette solution repose sur le principe selon lequel les droits du tiers s’adossent à ceux de l’assuré, et ne sauraient excéder ce que l’assureur aurait dû s’engager à couvrir.

Des exceptions textuelles existent cependant, en particulier en matière d’assurance automobile obligatoire, où l’article R. 211-13, 3° du Code des assurances interdit expressément l’opposabilité de la réduction proportionnelle à la victime, tout en préservant un recours subrogatoire de l’assureur contre son assuré.

==>Régime procédural de la demande en réduction proportionnelle

La demande en réduction proportionnelle ne peut être soulevée d’office par le juge : elle doit être expressément formulée par l’assureur (Cass. 1re civ., 16 oct. 1990, n°88-20.481). L’office du juge est en effet limité par l’article 4 du Code de procédure civile aux prétentions des parties. En revanche, elle est recevable en cause d’appel sur le fondement de l’article 564, dès lors qu’elle tend seulement à limiter le montant de l’indemnité réclamée (Cass. 2e civ., 9 févr. 2012, n°11-13.245).

Enfin, le régime dérogatoire applicable en Alsace-Moselle en matière de réduction proportionnelle d’indemnité a été censuré par le Conseil constitutionnel, rétablissant ainsi l’unité du droit des assurances sur le territoire national. Jusqu’en 2014, l’article L. 191-4 du Code des assurances prévoyait que, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, la réduction proportionnelle ne pouvait être appliquée si le risque omis ou dénaturé était sans incidence sur la réalisation du sinistre ou n’en modifiait pas la couverture contractuelle. Ce régime dérogatoire interdisait l’application de toute sanction, même en présence d’une déclaration erronée ayant altéré l’évaluation du risque par l’assureur, dès lors que cette inexactitude était restée sans incidence sur le sinistre ou sur l’étendue de la garantie.

À l’occasion d’un litige opposant un assureur à des héritiers d’un souscripteur décédé, relatif à la déclaration erronée de la superficie d’un bien immobilier, la Cour de cassation a été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (Cass. 1re civ., 26 juin 2014, n° 13-27.943). Il était demandé si l’article L. 191-4, dans la mesure où il interdisait la réduction proportionnelle dans certains départements sans considération de l’équilibre économique du contrat, ne portait pas atteinte au principe d’égalité devant la loi tel que garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le Conseil constitutionnel, par décision du 26 septembre 2014, a fait droit à cette analyse (Cons. const. 26 sept. 2014, n°2014-414) Il a jugé que la disposition contestée, issue de la loi du 6 mai 1991, aggravait une différence de traitement injustifiée entre assurés selon leur lieu de résidence. La règle spéciale n’était ni fondée sur une différence de situation pertinente, ni justifiée par un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi. Elle a donc été déclarée contraire à la Constitution, au visa du principe d’égalité.

L’abrogation de l’article L. 191-4, prononcée avec effet immédiat pour toutes les affaires non jugées définitivement, a ainsi mis un terme à un régime local dérogatoire en matière de déclaration du risque, en réaffirmant la pleine applicabilité de l’article L. 113-9 du Code des assurances, y compris en Alsace-Moselle. Cette censure marque un retour à l’unité du droit des assurances, fondée sur une conception objective et économique du contrat, indépendante de toute considération géographique ou territoriale.

B. Les déclarations tardives

L’obligation d’information qui pèse sur l’assuré pendant l’exécution du contrat implique, en cas de survenance de circonstances nouvelles susceptibles d’aggraver sensiblement le risque garanti ou d’en créer de nouveaux, une déclaration dans un délai de quinze jours à compter du moment où il en a connaissance (C. assur., art. L. 113-2, 3°). Le manquement à cette obligation, lorsqu’il ne relève ni de la mauvaise foi ni d’une volonté frauduleuse, ne tombe pas sous le coup des articles L. 113-8 ou L. 113-9 du Code des assurances. Il relève d’un régime autonome, institué par la loi du 31 décembre 1989, et organisé par l’article L. 113-2, alinéa 9.

1. Principe

Le retard dans la déclaration par l’assuré d’une circonstance nouvelle aggravant le risque assuré est encadré par un régime juridique spécifique, introduit par la loi du 31 décembre 1989. Il est régi par l’article L. 113-2, alinéa 9 du Code des assurances, qui énonce que «?lorsqu’elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour déclaration tardive ne peut être opposée à l’assuré que si l’assureur établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice.?»

Ce dispositif, qui rompt avec la logique antérieure de sanction automatique, repose sur trois conditions strictement cumulatives.

a. La stipulation d’une clause contractuelle

En premier lieu, la déchéance ne peut produire d’effet que si elle est expressément stipulée dans le contrat d’assurance. Cette exigence est constante en jurisprudence : une clause générale ou implicite ne suffit pas. La Cour de cassation a ainsi jugé inopposable à l’assuré une sanction de déchéance qui n’était pas spécifiquement prévue à ce titre dans la police (Cass. 1re civ., 24 févr. 1965).

À cette exigence de fond s’ajoute une exigence de forme, issue de l’article L. 112-4, alinéa 2 du Code des assurances : la clause doit être rédigée en caractères très apparents afin que l’assuré en ait eu une connaissance effective. Cette prescription vise à garantir l’efficacité de l’information précontractuelle. La jurisprudence en a fait une condition d’opposabilité : la clause ne peut produire d’effet que si sa présentation matérielle attire suffisamment l’attention de l’assuré (Cass. 1re civ., 9 mai 1994, n° 92-12.990).

b. La démonstration d’un préjudice imputable au retard

En second lieu, l’assureur ne peut invoquer la déchéance qu’à la condition de prouver que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice. Cette exigence, introduite par la loi du 31 décembre 1989, marque une rupture avec le régime antérieur, qui admettait la déchéance sans exigence de justification.

Le préjudice peut résider, par exemple, dans l’impossibilité de réévaluer le montant de la prime à due concurrence du risque nouvellement aggravé, dans une perte de chance de résilier le contrat à temps, ou encore dans l’exposition à un risque qu’il n’aurait pas accepté de garantir. Il appartient à l’assureur d’en apporter la preuve concrète, et non de se contenter d’alléguer abstraitement une atteinte à l’équilibre du contrat (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997, n° 94-21.869). Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui peuvent refuser la déchéance en l’absence de démonstration suffisante du lien entre le retard et le préjudice invoqué.

c. L’absence de cause légitime justifiant le retard

La troisième condition requise pour que la déchéance soit valablement opposée à l’assuré tient à l’absence de toute cause légitime faisant obstacle à la déclaration dans le délai requis. En effet, l’article L. 113-2, alinéa 9 prévoit expressément que « […] elle [la déchéance] ne peut également être opposée dans tous les cas où le retard est dû à un cas fortuit ou de force majeure. »

Ce correctif vise à exclure toute sanction lorsque l’assuré s’est trouvé, de manière objectivement insurmontable, dans l’impossibilité de déclarer l’aggravation du risque dans le délai de quinze jours prévu à l’article L. 113-2, 2°.

Si la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée explicitement sur les contours de cette exception, il convient de l’apprécier à la lumière des critères généraux issus du droit commun : le cas fortuit ou la force majeure se caractérisent par un événement imprévisible, irrésistible et extérieur à la volonté du débiteur, ici l’assuré. La preuve de cette impossibilité objective pèse sur ce dernier.

Ainsi, l’assureur ne saurait se prévaloir de la clause de déchéance si l’assuré démontre que le manquement allégué procède d’une situation sur laquelle il n’avait aucune prise, telle qu’une hospitalisation d’urgence, une incapacité cognitive temporaire, ou encore une impossibilité de communication matériellement vérifiable.

2. Limites

Le régime juridique instauré à l’article L. 113-2, alinéa 9 du Code des assurances soulève de sérieuses interrogations quant à la nature exacte de la sanction encourue par l’assuré en cas de déclaration tardive d’une aggravation du risque. Si le législateur qualifie expressément cette sanction de « déchéance », cette terminologie apparaît, à l’analyse, inadaptée.

Traditionnellement, la déchéance de garantie vise à sanctionner le non-respect, par l’assuré, de ses obligations postérieures à la réalisation du sinistre – telles que le manquement aux délais de déclaration du sinistre ou l’inobservation de mesures de sauvegarde (v. notamment : Cass. 1re civ., 15 juin 1931). Or, en matière de déclaration des circonstances aggravantes, le manquement reproché est antérieur au sinistre, puisque le retard concerne une obligation de mise à jour du risque en cours de contrat. Il s’agit donc d’un manquement pré-sinistre, ce qui rend impropre la qualification traditionnelle de « déchéance ».

Plusieurs auteurs ont relevé que le régime institué à l’article L. 113-2, alinéa 9, repose sur une logique indemnitaire, dans la mesure où l’assureur ne peut opposer la déchéance que s’il établit l’existence d’un préjudice subi du fait du retard. Cette condition essentielle – posée par le texte – rapproche davantage cette sanction du régime de la responsabilité contractuelle que de celui d’une déchéance stricto sensu (v. not. Cass. 1re civ., 7 janv. 1997, n° 94-21.869). De fait, l’obligation d’identifier et de démontrer un dommage – qu’il soit économique (non-révision de la prime), actuariel (exposition à un risque non tarifé), ou encore informationnel – en fait un outil correctif plus qu’un mécanisme répressif.

Surtout, la conséquence juridique de ce manquement – à savoir la perte totale du droit à garantie – interroge au regard du principe de proportionnalité qui irrigue par ailleurs le droit des assurances. En cas d’inexactitude – non intentionnelle – des déclarations contestées le Code prévoit une simple réduction proportionnelle de l’indemnité (art. L. 113-9 C. assur.), ce qui ménage la position de l’assuré de bonne foi. À l’inverse, la déchéance pour déclaration tardive s’applique indifféremment, sans égard à la bonne ou à la mauvaise foi de l’assuré, frappant avec la même sévérité le simple retard non intentionnel et l’omission délibérée. Une telle rigueur contraste singulièrement avec les principes de modulation des sanctions qui prévalent ailleurs en droit des assurances.

On pourrait objecter qu’un recours à une clause d’exclusion de garantie, plus cohérent conceptuellement pour sanctionner un défaut de déclaration affectant le champ du risque couvert, serait juridiquement préférable. Cependant, cette solution serait moins protectrice des tiers lésés : en matière de responsabilité, la clause d’exclusion produit des effets erga omnes et peut donc être opposée aux victimes (sous réserve des exceptions légales, v. C. assur., art. L. 124-3), contrairement à la déchéance conventionnelle, qui est inopposable aux tiers (Cass. 1re civ., 15 juin 1931, préc.). C’est sans doute pour cette raison que le législateur a maintenu ce mécanisme hybride – malgré ses faiblesses conceptuelles – dans une perspective de conciliation entre les intérêts de l’assureur et la nécessaire protection des tiers en matière d’assurance de responsabilité.

Formation du contrat d’assurance: l’obligation précontractuelle d’information propres à certains produits d’assurance

Certaines branches d’assurance présentent des caractéristiques techniques ou économiques particulières qui justifient, en complément de l’obligation générale d’information, la mise en place d’un formalisme renforcé. Qu’il s’agisse des contrats comportant des garanties de responsabilité, des assurances non-vie, des assurances affinitaires ou encore de l’assurance emprunteur, des règles spécifiques encadrent l’information à délivrer au souscripteur. Ces exigences particulières répondent à un objectif commun : assurer une compréhension claire et complète des engagements souscrits, en tenant compte des risques propres à chaque type de contrat.

a. Les contrats d’assurance comportant des garanties de responsabilité

i. Description de l’obligation

Lorsqu’un contrat d’assurance comporte des garanties de responsabilité civile, l’article L. 112-2 du Code des assurances impose, en complément de la fiche d’information générale, la remise au souscripteur d’un document spécifique relatif au fonctionnement dans le temps des garanties de responsabilité.

Ce document, dont le modèle est fixé par l’annexe de l’article A. 112 du Code des assurances, vise à assurer une information claire sur les modalités de mobilisation de la garantie. Il décrit notamment le fonctionnement des polices déclenchées par le fait dommageable, celles déclenchées par la réclamation, ainsi que les conséquences de la succession de contrats ayant des modes de déclenchement différents.

La remise de ce document poursuit deux finalités distinctes :

  • Assurer la sécurité juridique du souscripteur, en lui permettant de comprendre précisément dans quelles conditions temporelles il pourra bénéficier de la garantie souscrite ;
  • Prévenir les risques de contentieux, en clarifiant dès l’origine les règles applicables en cas de succession de contrats ou de changement de mode de déclenchement de la garantie.

Par cette exigence d’information renforcée, le législateur entend garantir un consentement pleinement éclairé du souscripteur à la couverture de responsabilité proposée.

ii Domaine de l’obligation

L’obligation de remise de la fiche d’information spécifique s’applique à tous les contrats d’assurance comportant une garantie de responsabilité civile, qu’il s’agisse d’une responsabilité civile vie privée ou professionnelle.

iii. Contenu de l’information

La fiche d’information imposée par l’article L. 112-2 du Code des assurances pour les contrats comportant des garanties de responsabilité civile doit être établie selon un modèle fixé par l’annexe de l’article A. 112.

Cette fiche vise à expliciter de manière accessible le fonctionnement dans le temps des garanties de responsabilité, en tenant compte de trois éléments:

  • Le fonctionnement dans le temps des garanties déclenchées par le fait dommageable
    • Lorsqu’une garantie de responsabilité est déclenchée par le fait dommageable, l’assureur couvre l’assuré dès lors que le fait générateur ayant causé le dommage est intervenu entre la date de prise d’effet du contrat et sa date de résiliation ou d’expiration.
    • Ainsi, la réclamation de la victime peut être formée bien après la fin du contrat: ce qui importe est que l’événement à l’origine du dommage soit survenu pendant la période de validité de la garantie.
    • La déclaration du sinistre doit alors être adressée à l’assureur dont la couverture était effective à la date du fait dommageable, même si la réclamation intervient ultérieurement.
  • Le fonctionnement dans le temps des garanties déclenchées par la réclamation
    • Lorsqu’une garantie est déclenchée par la réclamation, c’est la date de la réclamation formulée contre l’assuré qui détermine la mise en œuvre de la couverture, et non la date du fait générateur.
    • Deux hypothèses doivent être distinguées :
      • Réclamation pendant la période de validité du contrat : l’assureur garantit l’assuré même si le fait dommageable est antérieur à la souscription, à condition que l’assuré n’ait pas eu connaissance du fait dommageable lors de la souscription.
      • Réclamation pendant la période subséquente : si aucune nouvelle assurance n’a été souscrite couvrant le même risque, ou si la nouvelle assurance n’est pas mobilisable (en raison de la connaissance préalable du fait dommageable), l’assureur initial prend en charge la réclamation. Cette période subséquente, dont la durée minimale est fixée à cinq ans, prolonge ainsi la protection de l’assuré au-delà de l’expiration du contrat.
  • Les conséquences de la succession de contrats ayant des modes de déclenchement différents
    • La fiche doit également exposer les règles applicables en cas de succession de contrats, notamment lorsque les contrats successifs ne reposent pas sur le même mode de déclenchement :
      • Ancien et nouveau contrats déclenchés par le fait dommageable : la garantie en vigueur au moment du fait générateur est mobilisée.
      • Ancien et nouveau contrats déclenchés par la réclamation : il convient de vérifier si l’assuré avait connaissance du fait dommageable avant la souscription du nouveau contrat pour déterminer si l’ancien ou le nouvel assureur doit intervenir.
      • Succession de contrats avec modes de déclenchement différents: des mécanismes spécifiques organisent la coordination entre les deux contrats. Par exemple, si l’ancien contrat est en « fait dommageable » et le nouveau en « réclamation », l’assureur du contrat en vigueur lors du fait générateur est en principe compétent, sauf en cas d’insuffisance d’indemnisation.
    • La fiche précise enfin que lorsqu’un même fait dommageable donne lieu à plusieurs réclamations successives, un seul et même assureur doit prendre en charge toutes les réclamations, même si elles interviennent après la période subséquente.

b. Les contrats d’assurance portant sur un risque non-vie

Afin de renforcer l’information du souscripteur en matière d’assurance non-vie, la législation française, sous l’impulsion de la directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurances, impose la remise d’un document d’information normalisé avant la conclusion du contrat.

i. Description de l’obligation

L’article L. 112-2 du Code des assurances prévoit que, préalablement à la conclusion d’un contrat portant sur un risque non-vie, le distributeur doit remettre au souscripteur ou à l’adhérent un document d’information normalisé sur le produit d’assurance.

Ce document, connu sous l’acronyme DIPA (Document d’Information sur le Produit d’Assurance) — ou IPID (Insurance Product Information Document) dans les textes européens —, est élaboré par le concepteur du produit (et non par le distributeur lui-même).

Son objectif est de présenter, de manière claire et synthétique, les principales caractéristiques du contrat proposé afin de garantir au futur assuré une meilleure compréhension et une comparaison facilitée entre différentes offres du marché. La forme et le contenu de ce document sont fixés par le règlement d’exécution (UE) 2017/1469 du 11 août 2017, dont les dispositions ont été transposées à l’article R. 112-6 du Code des assurances.

L’instauration du DIPA/IPID s’inscrit dans une logique de protection du consommateur impulsée par la directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurances (dite directive DDA), visant à améliorer l’information précontractuelle fournie en matière d’assurance non-vie.

ii. Domaine de l’obligation

==>Principe

L’obligation de remise d’un document d’information normalisé (DIPA) avant la conclusion d’un contrat d’assurance non-vie s’applique de manière générale à tous les contrats relevant de cette catégorie.

==>Exclusions

Certains contrats sont expressément exclus du champ d’application de cette obligation, conformément à l’article L. 112-2, alinéa 4, du Code des assurances.

  • Les contrats portant sur des « grands risques »
    • Sont exclus de l’obligation de remise du DIPA les contrats d’assurance couvrant des grands risques, tels que définis à l’article L. 111-6 du Code des assurances.
    • Cette catégorie regroupe :
      • Les risques sectoriels spécifiques :
        • Les corps de véhicules ferroviaires, aériens, maritimes, lacustres et fluviaux, ainsi que la responsabilité civile afférente;
        • Les marchandises transportées ;
        • Les opérations de crédit et de caution liées à une activité industrielle, commerciale ou libérale ;
        • Les installations d’énergies marines renouvelables.
      • Les risques économiques importants, dès lors que le souscripteur dépasse deux des trois seuils suivants (C. assur., art. R. 111-1) :
        • Bilan supérieur à 6,6 millions d’euros ;
        • Chiffre d’affaires supérieur à 13,6 millions d’euros ;
        • Effectif supérieur à 250 salariés.
    • Lorsque le souscripteur appartient à un groupe consolidé, ces seuils sont appréciés sur une base consolidée.
    • Raison de l’exclusion : les souscripteurs de contrats couvrant des grands risques sont présumés avertis et disposent généralement d’une expertise suffisante pour comprendre la portée de leurs engagements, rendant le formalisme du DIPA superflu.
  • Les contrats d’assurance emprunteur pour un crédit immobilier
    • La remise du DIPA n’est pas requise lorsque le contrat d’assurance est soumis à l’obligation spécifique de fournir une fiche standardisée d’information prévue à l’article L. 313-10 du Code de la consommation.
    • Cela concerne essentiellement les assurances de prêt immobilier supérieures à 75 000 euros garanties par une hypothèque ou une sûreté réelle sur des immeubles à usage d’habitation.
    • Objectif : Eviter une superposition de documents informatifs en présence d’une fiche standardisée déjà imposée par le droit de la consommation.
  • Les contrats liés à la protection complémentaire en matière de santé
    • Sont également exclus les contrats visés au b de l’article L. 861-4 du Code de la sécurité sociale.
    • Il s’agit principalement des contrats souscrits pour bénéficier de la protection complémentaire santé (ex-CMU-C) auprès d’une mutuelle, d’une institution de prévoyance ou d’une entreprise d’assurance.
    • Justification : ces contrats relèvent d’un dispositif social spécifique, dans lequel l’accès à la couverture santé repose sur des conditions définies et standardisées, dispensant d’une information individualisée supplémentaire.
  • Les opérations d’assurance de la branche 15 (cautionnement)
    • Enfin, les opérations d’assurance relevant de la branche 15 du classement des branches d’assurance (C. assur., art. R. 321-1), c’est-à-dire les contrats de cautionnement (caution directe ou indirecte), sont exclues.
    • La nature spécifique de ces contrats, centrée sur la garantie d’une obligation financière, justifie un traitement distinct en matière d’information précontractuelle.

iii. Contenu de l’information

L’article R. 112-6 du Code des assurances précise de façon détaillée le contenu du document d’information normalisé, qui doit comporter les rubriques suivantes :

  • Le type d’assurance souscrite ;
  • Un résumé de la couverture d’assurance, incluant les principaux risques garantis, les exclusions majeures, les plafonds de garantie, et, le cas échéant, les limites géographiques ;
  • Les modalités de paiement des primes ainsi que les délais de paiement ;
  • Les principales exclusions de garantie ;
  • Les obligations de l’assuré lors de la souscription ou de l’adhésion ;
  • Les obligations en cours d’exécution du contrat ;
  • Les obligations en cas de survenance d’un sinistre ;
  • La durée du contrat, avec les dates précises de début et de fin ;
  • Les modalités de résiliation du contrat.

Ce document, conçu pour être clair, succinct et compréhensible même par un public non averti, complète ainsi utilement les autres documents d’information précontractuelle requis en matière d’assurance.

c. Les assurances affinitaires

En matière d’assurances affinitaires, le législateur a instauré une obligation d’information précontractuelle spécifique, destinée à protéger l’assuré contre le risque d’une couverture superflue ou redondante.

i. Description de l’obligation

Aux termes de l’article L. 112-10 du Code des assurances, avant la conclusion d’un contrat affinitaire, l’assureur doit remettre au candidat à l’assurance un document d’information spécifique.

Ce document doit :

  • Inviter l’assuré à vérifier s’il n’est pas déjà bénéficiaire d’une garantie couvrant l’un des risques proposés par le nouveau contrat ;
  • L’informer de son droit de renonciation au contrat, dans des conditions précisées par la loi.

L’existence de cette information doit apparaître de façon très apparente, au sein d’un encadré, inséré dans la fiche d’information générale prévue par l’article L. 112-2 du Code des assurances (C. assur., art. A. 112-1).

Le modèle de ce document est fixé par arrêté ministériel afin d’assurer l’uniformité de sa présentation et de garantir une information claire et accessible.

ii. Domaine d’application

L’obligation vise exclusivement les contrats d’assurance souscrits à des fins non professionnelles qui constituent un complément d’un bien ou d’un service vendu par un fournisseur (ex. : assurance sur téléphone portable, assurance bagages, assurance moyens de paiement).

Elle concerne spécifiquement les contrats couvrant :

  • Le risque de mauvais fonctionnement, de perte (y compris le vol) ou d’endommagement de biens fournis ;
  • L’endommagement ou la perte (y compris le vol) de bagages et autres risques liés à un voyage, même si une couverture accessoire de responsabilité ou de vie est prévue ;
  • La perte (y compris le vol) de moyens de paiement, ainsi que de tout autre bien inclus dans une offre associée.

iii. Contenu du document

Le document d’information remis préalablement à la souscription d’une assurance affinitaire expose, de manière accessible et apparente, les droits dont bénéficie l’assuré, notamment en matière de renonciation.

Ce document précise :

  • L’existence d’un droit de renonciation, que l’assuré peut exercer sans frais ni pénalités, dans un délai de trente jours calendaires à compter de la conclusion du contrat.
  • Le point de départ du délai, qui est reporté, en cas d’offre de primes gratuites initiales, au paiement de tout ou partie de la première prime.

Le texte rappelle également que l’exercice de ce droit est soumis au respect de quatre conditions cumulatives :

  • Souscription à des fins non professionnelles ;
  • Complémentarité du contrat avec l’achat d’un bien ou d’un service fourni par un professionnel ;
  • Absence d’exécution intégrale du contrat ;
  • Absence de déclaration de sinistre mettant en œuvre une garantie du contrat.

Lorsque ces conditions sont réunies, l’assuré peut notifier sa décision de renonciation à l’assureur, par lettre ou tout autre support durable.

L’assureur est alors tenu de rembourser la prime éventuellement perçue dans un délai de trente jours suivant la réception de la demande de renonciation.

Enfin, afin de prévenir tout cumul inutile de garanties, le document invite expressément l’assuré à vérifier qu’il ne bénéficie pas déjà d’une couverture pour l’un des risques garantis par le contrat proposé.

d. Les contrats ayant pour objet le remboursement d’un crédit

En raison de la spécificité de l’assurance emprunteur, étroitement liée à l’octroi d’un crédit à la consommation ou immobilier, le législateur a entendu encadrer de manière stricte l’information précontractuelle destinée à l’emprunteur. L’objectif est d’assurer, dès la phase de souscription, une transparence accrue sur les conditions de garantie et leur coût, afin de garantir un consentement pleinement éclairé du souscripteur.

Ce formalisme renforcé, fondé sur la remise de documents normalisés, vise à protéger l’emprunteur contre les déséquilibres contractuels inhérents à l’adhésion à des assurances souvent proposées dans un cadre peu négociable, tout en favorisant l’ouverture du marché à une concurrence effective entre assureurs.

i. Documents d’information obligatoires

Afin de garantir une information complète et loyale du candidat à l’assurance emprunteur, deux documents doivent impérativement être remis avant la conclusion du contrat :

  • La fiche d’information
    • Elle prend la forme d’une fiche générale pour les crédits à la consommation, ou d’une fiche standardisée pour les crédits immobiliers.
    • Ce document présente de manière claire, synthétique et comparable les caractéristiques essentielles de l’assurance proposée, en particulier son coût et la nature des garanties.
    • Il vise à permettre à l’emprunteur d’évaluer l’opportunité de l’offre qui lui est faite et de la comparer avec d’autres solutions disponibles sur le marché, favorisant ainsi une véritable liberté de choix.
  • La notice d’information
    • Elle expose de manière détaillée le contenu du contrat d’assurance, en reproduisant notamment les risques garantis et exclus, la durée de la couverture, les modalités de mise en œuvre de la garantie, ainsi que les principales obligations de l’assuré.
    • Véritable support de référence, elle doit offrir à l’emprunteur une vision précise et fiable des conditions effectives de sa couverture.

Ces deux documents concourent à l’objectif de protection du consentement en matière d’assurance adossée à un crédit, en assurant que le souscripteur adhère au contrat en toute connaissance de cause.

ii. Contenu des documents

?: La fiche d’information

==>S’agissant du crédit à la consommation

Préalablement à la conclusion d’un contrat de crédit à la consommation, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit est tenu de remettre à l’emprunteur une fiche d’information précontractuelle (C. consom., art. L. 312-12). Ce document, établi sur support papier ou sur tout autre support durable, vise à permettre au futur emprunteur de comparer différentes offres de crédit et d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.

Lorsqu’une assurance est proposée ou exigée pour garantir le remboursement du prêt, la fiche d’information doit comporter, en plus des mentions relatives au crédit lui-même, des informations spécifiques sur l’assurance adossée à l’opération.

Sont ainsi exigées :

  • L’indication du taux annuel effectif de l’assurance (TAEA), calculé de manière distincte du taux annuel effectif global du crédit, pour en permettre la comparaison ;
  • Le montant total de l’assurance dû sur la durée totale du prêt, exprimé en euros ;
  • Le montant mensuel de la prime d’assurance, précisant si celui-ci s’ajoute ou non aux échéances de remboursement du crédit (C. consom., art. L. 312-7).

Outre ces éléments chiffrés, la fiche doit rappeler expressément à l’emprunteur :

  • Sa faculté de souscrire une assurance équivalente auprès de l’assureur de son choix (C. consom., art. L. 312-29, al. 2) ;
  • Les modalités de refus d’adhésion à l’assurance proposée lorsque celle-ci est facultative.

La remise de cette fiche, distincte de toute simple publicité, constitue une étape essentielle dans la phase précontractuelle : elle garantit que l’emprunteur puisse prendre une décision éclairée en toute indépendance, sans subir l’effet captif d’une offre liée au financement.

S’agissant de la preuve de la remise effective de la fiche d’informations, la jurisprudence est exigeante. Conformément à la position adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 18 déc. 2014, aff. C-449/13) et confirmée par la Cour de cassation (notamment Cass. 1re civ., 5 juin 2019, n° 17-27.066), une simple clause standard par laquelle le consommateur reconnaîtrait avoir reçu toutes les informations précontractuelles ne suffit pas à démontrer la communication du document requis. Elle ne constitue qu’un indice, que le prêteur doit corroborer par d’autres éléments de preuve concrets.

==>S’agissant du crédit immobilier

En matière de crédit immobilier, l’information de l’emprunteur est particulièrement encadrée afin d’assurer la transparence et la comparabilité des offres d’assurance emprunteur. À cet effet, une fiche standardisée d’information doit être remise à l’emprunteur dès la première simulation du crédit (C. consom., art. L. 313-10).

Ce document doit être fourni par tout intermédiaire d’assurance ou organisme assureur proposant une couverture de prêt immobilier (C. assur., art. L. 313-9). Il doit accompagner tout document préalablement remis avant la formulation de l’offre de prêt, simultanément à la notice d’information (C. consom., art. L. 313-8, al. 6).

La fiche standardisée a pour finalité :

  • De présenter de manière claire et lisible (C. consom., art. R. 313-8) les principales caractéristiques de l’assurance proposée ;
  • De permettre à l’emprunteur de comparer aisément différentes offres d’assurance et de choisir en toute liberté l’assureur auquel il souhaite confier sa couverture ;
  • De garantir la connaissance anticipée du coût réel de l’assurance afin d’intégrer ce paramètre dans l’évaluation globale du crédit immobilier.

Elle s’inscrit ainsi dans la logique de décloisonnement du marché de l’assurance emprunteur, en favorisant la mobilité des assurés et en limitant les pratiques de vente captive par les établissements de crédit.

Conformément aux articles L. 313-10, R. 313-8 et R. 313-9 du Code de la consommation, la fiche standardisée d’information doit comporter notamment :

  • La définition et la description des types de garanties proposées (exemples : décès, invalidité, incapacité de travail, perte d’emploi) ;
  • Les caractéristiques des garanties minimales exigées par le prêteur pour l’octroi du prêt immobilier, le cas échéant ;
  • Les garanties que l’emprunteur envisage de choisir parmi celles proposées, ainsi que la part du capital emprunté qu’il souhaite couvrir ;
  • Une estimation personnalisée du coût de l’assurance sur la base des éléments connus lors de la fourniture de la fiche :
    • Le coût exprimé en euros par période de paiement (mensuelle, trimestrielle, etc.) ;
    • Le coût total de l’assurance sur la durée totale du prêt ;
    • Le taux annuel effectif de l’assurance (TAEA), permettant une comparaison directe avec le taux annuel effectif global (TAEG) du crédit (C. consom., art. L. 313-8 et R. 314-12) ;
  • La mention expresse de la possibilité pour l’emprunteur de souscrire l’assurance auprès d’un autre assureur de son choix, conformément aux articles L. 313-29 et L. 313-30 du Code de la consommation.

Enfin, la fiche doit être remise à chaque emprunteur ou co-emprunteur (C. consom., art. R. 313-10).

Tout document remis avant l’offre de prêt et comportant des éléments chiffrés sur l’assurance doit exprimer le coût selon trois modalités (C. consom., art. L. 313-8) :

  • En taux annuel effectif de l’assurance (exclusivement) ;
  • En montant total dû en euros, calculé sur huit ans et sur la durée totale du prêt ;
  • En montant périodique (par mois, trimestre, etc.), avec indication de son éventuelle intégration dans l’échéance de remboursement du crédit.

?: La notice d’information

==>S’agissant du crédit immobilier

En matière de crédit immobilier, la remise d’une notice d’information constitue l’un des piliers de la protection de l’emprunteur. Si cette exigence est désormais consacrée pour l’ensemble des assurances terrestres par l’article L. 112-2 du Code des assurances, elle trouve son origine, de manière plus spécifique, dans le régime de l’assurance emprunteur, où elle s’est imposée dès la fin des années 1970. Cette antériorité révèle l’attention particulière portée, dès l’origine, à l’information de l’adhérent à une assurance ayant vocation à sécuriser le remboursement d’un prêt immobilier, dans un contexte marqué par l’adhésion à des contrats d’assurance de groupe standardisés.

La notice d’information est un document distinct du contrat de prêt. Elle doit être annexée à celui-ci conformément à l’article L. 313-29, 1° du Code de la consommation. Son objet est de porter à la connaissance de l’emprunteur les principales caractéristiques du contrat d’assurance proposé, en particulier :

  • Le nom et l’adresse de l’assureur ;
  • La durée de l’assurance ;
  • Les risques garantis ;
  • Les exclusions de garantie.

À travers ces éléments, la notice vise à offrir une présentation claire, accessible et synthétique des conditions essentielles de l’assurance. Elle joue ainsi un rôle décisif pour permettre à l’emprunteur de comprendre l’étendue réelle de la couverture à laquelle il adhère et de mesurer ses obligations.

La jurisprudence attache une importance primordiale à la délivrance et au contenu de la notice d’information. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont rappelé que la remise d’un simple exemplaire des conditions générales d’assurance, voire d’un prospectus commercial, ne saurait valoir remise valable d’une notice (Cass. 1re civ., 4 nov. 2003, n° 02-10.261).

En outre, les stipulations de la police d’assurance qui n’auraient pas été reproduites dans la notice ne sont pas opposables à l’adhérent. Ce principe protège l’assuré contre toute restriction de garantie non expressément portée à sa connaissance préalable.

La notice est ainsi considérée comme ayant, à certains égards, la même force que la police elle-même : son contenu détermine les droits et obligations de l’adhérent vis-à-vis de l’assureur.

La jurisprudence exige que la notice :

  • Soit explicite, claire et précise (Cass. 1re civ., 18 mars 2004, n° 03-11.273) ;
  • Soit rédigée de manière lisible et compréhensible (CA Paris, 13 sept. 2000) ;
  • Mentionne en caractères très apparents les clauses relatives aux exclusions, nullités ou déchéances de garantie (C. assur., art. L. 112-4).

À défaut, l’assureur pourrait être privé de la possibilité d’opposer certaines stipulations à l’assuré.

La charge de la preuve de la remise de la notice incombe au prêteur ou à l’assureur selon les cas. Cette preuve ne peut pas se déduire de la seule signature d’une mention type du type « lu et approuvé » ou de la signature d’un bulletin d’adhésion (Cass. 1re civ., 3 févr. 1993, n° 91-12.463).

En pratique, il est admis que l’impression de la notice au verso du bulletin d’adhésion, accompagnée d’un renvoi exprès au recto, constitue un mode de preuve suffisant.

La notice doit être annexée au contrat de prêt au moment de sa conclusion (C. consom., art. L. 313-29). Toutefois, certains arrêts ont suggéré qu’il serait préférable, dans un souci de meilleure protection de l’emprunteur, que cette remise intervienne dès l’offre préalable de crédit, afin que le candidat puisse comparer efficacement les différentes offres d’assurance (Cass. 1re civ., 20 janv. 1998, n° 95-20.207).

Lorsque l’assurance emprunteur est souscrite dans le cadre d’un contrat de groupe proposé par la banque prêteuse, c’est au prêteur, en tant que souscripteur du contrat collectif, qu’il appartient de remettre la notice à l’emprunteur (C. assur., art. L. 141-4).

En revanche, si l’emprunteur choisit de recourir à une assurance individuelle externe, la remise de la notice incombe à l’assureur individuel ou à son mandataire (C. assur., art. L. 112-2).

==>S’agissant du crédit à la consommation

À l’instar du crédit immobilier, le crédit à la consommation assorti d’une assurance impose également la remise d’une notice d’information à l’emprunteur. Cette exigence, désormais généralisée à toutes les assurances terrestres en vertu de l’article L. 112-2 du Code des assurances, trouve une application spécifique et renforcée en matière d’assurance emprunteur liée à un crédit à la consommation.

En effet, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit doit obligatoirement remettre à l’emprunteur une notice spécifique, sur support papier ou durable (C. consom., art. L. 312-29).

Cette notice contient un extrait des conditions générales du contrat d’assurance applicable à l’emprunteur et doit mentionner de manière claire :

  • Le nom et l’adresse de l’assureur ;
  • La durée de l’assurance ;
  • Les risques couverts ;
  • Les exclusions de garantie.

L’objectif est d’assurer une information complète sur la portée réelle de la couverture proposée, avant toute décision d’adhésion de l’emprunteur.

La remise de la notice vise à permettre à l’emprunteur de prendre sa décision en parfaite connaissance de cause. L’assurance emprunteur, dans le contexte du crédit à la consommation, étant fréquemment intégrée à une offre de crédit standardisée sans marge de négociation, l’emprunteur doit pouvoir s’appuyer sur la notice pour connaître précisément ses droits et obligations.

En conséquence, les clauses de la police d’assurance non reproduites dans la notice ne sont pas opposables à l’assuré, conformément à la jurisprudence constante en matière d’assurance emprunteur.

La notice doit répondre aux mêmes standards d’exigence que ceux imposés en matière de crédit immobilier :

  • Clarté et précision dans la description des garanties ;
  • Lisibilité effective, notamment pour les clauses relatives aux exclusions, nullités ou déchéances, qui doivent être rédigées en caractères très apparents (C. assur., art. L. 112-4).

Toute ambiguïté ou imprécision dans la rédaction de la notice est interprétée au bénéfice de l’assuré, selon le principe in favorem (Cass. 1re civ., 21 janv. 2003).

Comme pour le crédit immobilier, la preuve de la remise de la notice incombe au prêteur ou à l’assureur. Elle ne peut se déduire de la seule signature d’un bulletin d’adhésion ou d’une déclaration de type « lu et approuvé » (Cass. 1re civ., 3 févr. 1993, n° 91-12.463).

En pratique, la preuve peut être valablement établie par l’insertion de la notice au dos du bulletin d’adhésion, sous réserve d’un renvoi exprès et apparent au recto.

La notice doit être fournie avec l’offre de contrat de crédit et non postérieurement (C. consom., art. L. 312-29). Cette simultanéité vise à garantir que l’emprunteur dispose de l’ensemble des informations utiles dès la formulation de l’offre, afin de comparer efficacement les assurances éventuellement proposées par différents organismes.

Si l’assurance est exigée pour l’obtention du financement, l’offre de crédit doit en outre rappeler à l’emprunteur la faculté de souscrire une assurance équivalente auprès de l’assureur de son choix (C. consom., art. L. 312-29, al. 2).

Lorsque l’assurance est facultative, la notice doit également préciser les modalités de refus d’adhésion.

e. Les contrats d’assurance de groupe

ii. Notion

L’assurance de groupe, régie par les articles L. 141-1 et suivants du Code des assurances, désigne un mécanisme original par lequel une personne morale ou un chef d’entreprise (appelé «?souscripteur?») conclut un contrat d’assurance auprès d’un assureur, dans le but de proposer ensuite cette assurance à un ensemble de personnes (les «?adhérents?»). Ces adhérents doivent avoir avec le souscripteur un lien de même nature (par exemple : lien de travail, appartenance à une même association ou à une même profession).

Contrairement à l’assurance individuelle, l’adhésion à un contrat de groupe ne résulte pas d’une négociation directe entre l’assuré et l’assureur. Le contrat est préétabli entre le souscripteur et l’assureur, et l’adhérent y accède par une simple adhésion, souvent par l’envoi d’un bulletin d’adhésion.

Ce modèle, largement utilisé en pratique, concerne une grande variété de situations?: il est notamment employé par les banques pour garantir leurs prêts (assurances emprunteurs), par les employeurs pour couvrir leurs salariés (prévoyance, santé, retraite), ou encore par des groupements (sportifs, professionnels, associatifs) souhaitant mutualiser un risque au profit de leurs membres.

Le contrat d’assurance de groupe repose donc sur une structure tripartite :

  • Le souscripteur, qui conclut le contrat avec l’assureur ;
  • L’assureur, qui prend le risque en charge ;
  • L’adhérent, qui bénéficie des garanties en adhérant au contrat, sans être lui-même partie à la convention d’assurance.

Cette configuration emporte une conséquence majeure : le souscripteur s’interpose entre l’assureur et l’adhérent, devenant ainsi le vecteur exclusif des informations transmises à ce dernier. Il ne joue pas un rôle purement matériel de transmission : en raison de sa position contractuelle, le souscripteur devient un véritable intermédiaire d’information, placé entre l’assureur et l’adhérent, et assume à ce titre la responsabilité d’éclairer ce dernier sur les caractéristiques essentielles de l’assurance proposée. Cette interposition, expressément reconnue par l’article L. 141-6 du Code des assurances, confère au souscripteur un rôle central dans la formation du consentement de l’adhérent.

ii. L’obligation d’information

L’obligation d’information précontractuelle, dans le cadre des assurances de groupe, repose sur un principe simple mais essentiel?: permettre à l’adhérent de comprendre ce à quoi il s’engage et ce dont il bénéficie. Ce devoir d’information s’exprime de manière privilégiée par la remise, avant l’adhésion, d’un document spécifique?: la notice d’information.

Prévue à l’article L. 141-4 du Code des assurances, cette notice constitue le socle minimal d’information que le souscripteur est tenu de fournir à chaque adhérent. Elle a pour fonction de rendre accessibles et intelligibles les éléments essentiels du contrat?: les garanties proposées, leurs modalités d’entrée en vigueur, ainsi que les démarches à suivre en cas de sinistre. À travers cette exigence, le législateur entend garantir un consentement éclairé de l’adhérent, dans un dispositif où celui-ci n’a pas directement participé à la négociation du contrat.

==>Le débiteur de l’obligation d’information

Dans le cadre d’une assurance de groupe, le débiteur principal de l’obligation d’information à l’égard de l’adhérent est le souscripteur, et non l’assureur. Cette répartition des rôles s’explique par la structure tripartite du dispositif?: l’adhérent ne contracte pas directement avec l’assureur, mais adhère à une couverture préalablement négociée par le souscripteur, qui agit comme intermédiaire contractuel (C. assur., art. L. 141-6). Il lui revient donc d’assurer la transmission des informations essentielles permettant à l’adhérent d’évaluer la portée des garanties proposées.

L’article L. 141-4 du Code des assurances prévoit expressément deux obligations à la charge du souscripteur :

  • la remise à chaque adhérent d’une notice établie par l’assureur, qui doit définir «?les garanties et leurs modalités d’entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de sinistre?» ;
  • l’information écrite des adhérents en cas de modification du contrat, avec un préavis minimal de trois mois avant l’entrée en vigueur des changements.

La charge de la preuve de l’exécution de ces obligations pèse exclusivement sur le souscripteur (C. assur., art. L. 141-4, al. 3), ce que la jurisprudence rappelle avec constance (Cass. 1re civ., 6 nov. 2001, n° 98-20.518). Aucun formalisme contractuel – clause de style ou bulletin d’adhésion signé – ne saurait suppléer à la preuve d’une remise effective.

==>Le contenu et la forme de la notice

La notice constitue le support de l’obligation précontractuelle d’information dans les contrats groupe. Son contenu est strictement encadré : selon l’article L. 141-4, elle doit indiquer «?les garanties, leurs modalités d’entrée en vigueur et les formalités à accomplir en cas de sinistre?». A cet égard, il appartient à l’assureur de rédiger la notice, en vertu des dispositions issues de la loi du 31 décembre 1989, ce qui implique que toute imprécision ou carence dans son contenu engage sa responsabilité (Cass. 2e civ., 15 mai 2008, n°07-14.354).

La jurisprudence exige que la notice soit claire, complète, et intelligible. Une notice imprécise, lacunaire ou se contentant de renvoyer à d’autres documents non remis est jugée insuffisante (Cass. 1re civ., 20 déc. 1994). De même, des clauses d’exclusion ne figurant pas dans la notice mais insérées ailleurs ne sont pas opposables à l’adhérent.

Le principe de primauté de la notice s’est imposé : seul le contenu de la notice régulièrement remise peut être opposé à l’adhérent, à l’exclusion de stipulations figurant dans les conditions générales non portées à sa connaissance (Cass. 1re civ., 19 mai 1999, n°97-22.419). En cas de divergence entre la notice et la police, c’est la notice qui prévaut (Cass. 1re civ., 27 févr. 1996, n°93-14.685).

La forme de la notice fait également l’objet d’exigences précises. L’article A. 141-1 du Code des assurances prévoit qu’elle doit être fournie «?sous la forme d’un document spécifique, distinct de tout autre document contractuel ou précontractuel, établi en double exemplaire, signé et daté par l’adhérent, qui en conserve l’original?». Certaines dispositions, comme les clauses d’exclusion, doivent en outre être imprimées en caractères très apparents (Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n°98-11.212).

==>Circonstances de remise de la notice

La remise de la notice constitue certes l’expression principale de l’obligation légale d’information, mais elle ne saurait suffire lorsque son contenu se révèle imprécis, ambigu ou inadapté à la situation de l’adhérent. En pareil cas, la jurisprudence impose au souscripteur un devoir d’explication complémentaire, qui peut aller jusqu’à une véritable obligation de conseil.

Ce devoir implique que le souscripteur s’assure que l’adhérent a compris les garanties proposées, les exclusions, les éventuels délais de prescription, ainsi que toutes les conditions susceptibles d’affecter l’étendue ou l’efficacité de la couverture (telles que l’âge, l’état de santé ou la situation professionnelle).

Plusieurs arrêts illustrent cette exigence renforcée?: la responsabilité du souscripteur a été retenue pour avoir fourni des informations erronées (Cass. 2e civ., 3 juin 2004, n°03-13.896), omis de recommander des garanties complémentaires nécessaires (Cass. 1re civ., 14 janv. 2010, n°07-22.043), ou encore pour ne pas avoir attiré l’attention sur une condition d’âge limitant la garantie.

Ce devoir d’information renforcé ne s’épuise pas à l’adhésion. Il subsiste pendant toute la durée d’exécution du contrat, en particulier en cas de modification des garanties (C. assur., art. L. 141-4, al. 2). Il peut ainsi se doubler d’une obligation de mise à jour ou de réactualisation de l’information transmise à l’adhérent afin que celui-ci soit constamment en mesure de mesurer l’adéquation de la garantie à sa situation personnelle.

f. Les contrats d’assurance sur la vie

f1. Les assurances vie individuelles

i. Règles générales

==>La remise d’une note d’information

Au cœur du dispositif protecteur du souscripteur d’assurance vie, la remise d’une note d’information constitue bien plus qu’un acte préparatoire : elle s’érige en exigence substantielle, codifiée à l’article L. 132-5-2 du Code des assurances, et vise à garantir la transparence et l’intelligibilité d’un engagement souvent complexe, tant sur le plan technique que financier.

L’article L. 132-5-2 impose à l’assureur de remettre cette note avant la conclusion du contrat, sauf lorsque celui-ci a une durée inférieure ou égale à deux mois. Elle doit l’être contre récépissé, ce qui atteste de sa remise effective et constitue le point de départ du délai de renonciation de 30 jours prévu à l’article L. 132-5-1.

Cette formalité répond à une finalité claire : permettre au souscripteur de prendre sa décision en connaissance de cause, dans un environnement juridique et économique souvent technique, notamment en présence de contrats en unités de compte, multisupports ou dotés de clauses fiscales spécifiques.

Le contenu de la note d’information est fixé avec précision par l’article A. 132-4 du Code des assurances, qui énumère les informations essentielles devant y figurer :

  • la nature et l’objet des garanties souscrites,
  • les modalités de versement des primes,
  • les frais applicables,
  • les conditions de rachat et de transfert,
  • les mécanismes de participation aux bénéfices,
  • ainsi que les incidences fiscales du contrat.

La jurisprudence insiste avec constance sur le fait que la note d’information ne peut se fondre dans les conditions générales du contrat. Il ne suffit donc pas de mentionner les caractéristiques du produit au sein d’un document contractuel global et parfois touffu : la notice doit faire l’objet d’une remise distincte, intelligible et formalisée, afin de garantir une lecture immédiate et une compréhension en toute autonomie par le souscripteur (Cass. 2e civ., 8 déc. 2016, n° 15-26.086).

La présentation séparée de la note d’information relève d’une exigence de lisibilité et de structuration de l’information. En dissociant les données essentielles du contrat de l’ensemble souvent volumineux des conditions générales, le législateur entend garantir une présentation claire, synthétique et directement intelligible par le souscripteur. Il s’agit de rendre lisibles, d’un seul regard, les paramètres décisifs de l’engagement projeté?: garanties, frais, modalités de rachat, régime fiscal.

Ce dispositif trouve sa justification dans sa finalité pédagogique : éclairer le consentement par une information préalablement hiérarchisée et rendue intelligible, selon une logique de transparence renforcée. Ainsi, la remise d’un document distinct n’est pas une exigence de pure forme?: elle participe pleinement de l’économie protectrice du droit des assurances, en structurant l’accès à l’information et en facilitant l’appropriation du contrat par le souscripteur.

Mais l’exigence de transparence ne s’arrête pas là : elle impose à l’assureur de signaler non seulement ce que le contrat contient, mais aussi ce qu’il ne prévoit pas. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que lorsque certaines garanties couramment proposées font défaut — telles qu’un taux d’intérêt garanti ou une prime de fidélité — leur absence doit être explicitement mentionnée dans la note d’information, sous peine de rendre cette dernière incomplète (Cass. 2e civ., 11 mars 2021, n° 18-12.376).

Il ne s’agit pas simplement d’éviter une  simple imprécision qui serait accessoire, mais de prévenir un risque réel de méprise sur le contenu du contrat. En effet, l’absence de mention explicite sur l’inexistence d’une garantie généralement attendue — tel un taux d’intérêt garanti ou une clause de fidélité — peut entretenir une confusion chez le souscripteur, en laissant supposer, à tort, que cette garantie est présente. Le silence, dans ce contexte, devient équivoque.

C’est précisément cette ambivalence que vient sanctionner la jurisprudence, en assimilant l’omission d’une information significative à une présentation inexacte, au regard de l’exigence de loyauté et de transparence posée par l’article L. 132-27 du Code des assurances. Cette approche consacre une véritable obligation de sincérité : la note d’information ne saurait se réduire à une vitrine des avantages contractuels. Elle doit, dans une perspective de transparence complète, restituer fidèlement tant les éléments positifs que les limites et exclusions du contrat.

==>L’exigence d’un encadré en tête de proposition d’assurance

L’article L. 132-5-2 du Code des assurances impose, pour tout contrat d’assurance vie ou de capitalisation comportant une valeur de rachat ou de transfert, l’insertion en tête de la proposition ou du projet de contrat d’un encadré informatif, présenté en caractères très apparents. Ce dispositif, précisé par l’article A. 132-8, vise à isoler, dans un format normé et immédiatement accessible, les éléments essentiels du contrat afin de garantir au souscripteur une lecture claire et structurée des engagements qu’il s’apprête à souscrire.

Ce dispositif s’applique exclusivement aux contrats comportant une valeur de rachat ou de transfert, à l’exclusion des contrats d’une durée inférieure ou égale à deux mois. Il concerne tant les contrats individuels que les assurances de groupe visées à l’article L. 132-5-3, auxquels s’ajoute une mention spécifique sur la faculté de modification du contrat par voie d’avenants entre le souscripteur et l’assureur.

A cet égard, la fonction première de l’encadré est d’assurer une information claire et directement accessible, à travers un support visuel standardisé, placé en tête de la documentation précontractuelle. Loin d’être purement formelle, sa vocation est pédagogique: il vise à rendre immédiatement perceptibles les éléments essentiels du contrat, souvent noyés dans un corpus contractuel dense et technique.

Cette exigence présente une spécificité notable : lorsqu’il est correctement inséré et rédigé, l’encadré permet à la proposition ou au projet de contrat de tenir lieu de note d’information (C. assur., art. L. 132-5-2, al. 2). Il s’agit donc d’un mécanisme de substitution, admis sous condition stricte : le respect intégral des prescriptions de forme et de contenu prévues par l’article A. 132-8 est impératif. En cas de manquement, l’assureur ne peut se prévaloir de cette dispense, et s’expose aux sanctions de l’article L. 132-5-2 (notamment la prorogation du délai de renonciation).

L’article A. 132-8 dresse une liste exhaustive des mentions devant figurer dans l’encadré. Parmi celles-ci figurent :

  • La nature du contrat (assurance vie individuelle ou de groupe, ou contrat de capitalisation) ;
  • Les garanties offertes, y compris les garanties complémentaires non optionnelles, avec indication de l’existence ou non d’une garantie en capital pour les droits exprimés en euros, et un avertissement spécifique pour les unités de compte ;
  • La participation aux bénéfices, avec les pourcentages le cas échéant ;
  • La faculté de rachat ou de transfert, les délais de versement et la référence aux clauses correspondantes ;
  • Les frais regroupés par typologie : frais à l’entrée, en cours de contrat, de sortie, et autres frais (C. assur., art. R. 132-3), avec des renvois précis aux clauses détaillées ;
  • Une mention d’ordre général sur la durée recommandée du contrat, en lien avec la situation patrimoniale du souscripteur ;
  • Les modalités de désignation des bénéficiaires (références aux clauses concernées);
  • Un avertissement final, précisant que l’encadré ne dispense pas de la lecture complète de la documentation.

Sur le plan formel, l’encadré doit apparaître comme un espace parfaitement délimité, tant sur le fond que sur la forme. Il ne saurait être remplacé par un simple agencement typographique ou une présentation approximative. La Cour de cassation a ainsi censuré une cour d’appel qui avait considéré, à tort, que les premières lignes d’un document contractuel — bien que surmontées d’un titre, flanquées d’un trait vertical sur le côté et d’un bandeau horizontal — pouvaient être assimilées à un encadré au sens de la réglementation. En l’absence d’un véritable encadrement matériel, la haute juridiction a estimé que la cour d’appel avait dénaturé les pièces du dossier et violé l’article L. 132-5-2 (Cass. 2e civ., 22 oct. 2015, n° 14-25.533).

Cette rigueur n’est pas accessoire : elle est le corollaire de la fonction pédagogique assignée à ce support. L’encadré ne peut être noyé dans le corps du texte, dissimulé dans une notice ou relégué dans un document annexe. Il doit apparaître avec clarté, en ouverture du contrat, dans une présentation normée, lisible et immédiatement perceptible par tout souscripteur, professionnel ou non.

À défaut, toute altération de sa forme, tout contenu incomplet ou toute perte de visibilité est de nature à entacher la régularité de l’information précontractuelle. Une telle irrégularité peut alors justifier la prorogation du délai de renonciation, dans les conditions fixées à l’article L. 132-5-1, dès lors que le souscripteur ne peut être réputé avoir été valablement informé.

==>Sanctions

Le non-respect des formalités d’information prévues à l’article L. 132-5-2 du Code des assurances n’est pas sans conséquence. Le législateur et la jurisprudence ont prévu un régime de sanctions particulièrement protecteur du souscripteur, reflet de la place centrale que revêt l’information dans la formation du contrat d’assurance vie. Deux types de sanctions peuvent être distingués : l’une affectant le délai de renonciation, l’autre touchant l’opposabilité des stipulations contractuelles.

  • Prorogation du délai de renonciation
    • Conformément à l’article L. 132-5-1 du Code des assurances, le souscripteur dispose, en principe, d’un délai de 30 jours calendaires pour renoncer au contrat, à compter du moment où il est informé de la conclusion du contrat et où les documents précontractuels lui ont été remis.
    • En cas de manquement à cette remise (note d’information, encadré, projet de lettre de renonciation…), ce délai ne commence à courir qu’à compter de la communication effective de ces documents, avec une limite maximale de huit années après la conclusion du contrat.
    • Initialement, la jurisprudence considérait que cette prorogation était automatique et de plein droit (Cass. 2e civ., 22 mai 2014, n°13-19.233).
    • Cette solution rigoureuse a conduit à des stratégies opportunistes : certains souscripteurs, confrontés à des pertes sur unités de compte ou à une baisse des marchés, exerçaient leur droit de renonciation tardivement, en invoquant l’absence de documentation conforme.
    • Pour contenir ces abus, la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 a introduit une exigence de bonne foi : la prorogation n’est acquise que si le souscripteur n’a pas eu connaissance des manquements lors de la souscription. La jurisprudence a entériné cette évolution.
    • Elle vérifie désormais si la renonciation tardive a été exercée dans un but légitime ou de manière abusive (Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-14.743).
    • L’appréciation de la bonne foi se fait au regard de la qualité du contractant (épargnant averti ou non), des informations dont il disposait effectivement, et du contexte dans lequel il a exercé son droit (Cass. 2e civ., 7 févr. 2019, n° 17-27.223).
  • Inopposabilité des clauses non portées à la connaissance du souscripteur
    • En complément du droit de renonciation, le manquement à l’obligation d’information peut entraîner une autre sanction classique du droit des contrats : l’inopposabilité des stipulations non portées à la connaissance du cocontractant.
    • En matière d’assurance vie, cette sanction prend un relief particulier.
    • Elle peut concerner des clauses essentielles du contrat, notamment :
      • des dispositions relatives aux frais (absence d’indication des frais de gestion ou d’entrée),
      • la participation aux bénéfices (information floue ou absente),
      • les valeurs de rachat ou de transfert (omission dans la note ou dans l’encadré),
      • ou encore le régime de la garantie décès (information partielle ou ambiguë).
    • Plusieurs décisions ont admis l’inopposabilité de telles clauses lorsque l’assureur avait manqué à ses obligations précontractuelles (v. CA Papeete, 5 avr. 2001, n° 363/CIV/98).
    • Ces décisions illustrent le rôle central de l’information : elle n’est pas seulement accessoire, mais conditionne la portée juridique de nombreuses stipulations contractuelles.

ii. Règles spéciales

Si tous les contrats d’assurance vie sont soumis à un socle commun d’exigences, certains produits, par leur structuration financière, appellent des règles spécifiques. Il en va ainsi des contrats comportant une valeur de rachat ou exprimés en unités de compte, qui, au-delà de leur nature assurantielle, s’inscrivent dans une logique d’investissement et exposent le souscripteur à des risques de marché. Ce double ancrage a conduit le législateur, sous l’impulsion du droit européen (dir. 2016/97 et règ. délégué 2017/2359), à imposer une information renforcée et adaptée.

==>Les contrats assortis de valeurs de rachat

L’article L. 132-5-2 du Code des assurances impose, pour tous les contrats d’assurance sur la vie ou de capitalisation comportant une valeur de rachat, que la proposition ou le projet de contrat comporte un tableau indiquant, au terme de chacune des huit premières années, à la fois les valeurs de rachat estimées et le cumul des primes versées. Cette exigence, d’ordre public, vise à garantir la transparence du rendement prévisible du contrat, et à permettre au souscripteur d’évaluer la liquidité de son investissement dans la durée.

Lorsque les valeurs de rachat ne peuvent être déterminées avec certitude au moment de la souscription — ce qui est fréquent pour les contrats exprimés en unités de compte ou en parts de provision de diversification — l’assureur doit alors indiquer les valeurs minimales disponibles ainsi que le mécanisme de calcul des valeurs de rachat ou de transfert (art. L. 132-5-2, al. 5 et art. A. 132-4-1 du Code des assurances). À défaut, il lui appartient de préciser expressément qu’aucune valeur minimale ne peut être établie, et de fournir une simulation illustrée conformément aux dispositions de l’article A. 132-5-2 du Code des assurances.

Dans les contrats exprimés en unités de compte, l’information devient nécessairement probabiliste : l’assureur présente alors des simulations de valeurs de rachat ou de transfert pour les huit premières années, reposant sur trois hypothèses économiques standardisées (hausse, baisse, stabilité des marchés). Ces simulations doivent inclure l’ensemble des frais applicables, notamment ceux qui grèvent la provision mathématique ou les unités de compte, y compris lorsque leur montant exact ne peut être déterminé à la souscription. L’assureur est alors tenu d’indiquer, en caractères très apparents, que certains prélèvements ne sont pas plafonnés (C. ass. A. 132-4-1, A. 132-5-2).

Cette exigence est particulièrement rigoureuse pour les contrats à provision de diversification : en vertu de l’article A. 132-5-2, les simulations doivent refléter différents scénarios combinant variations du taux d’actualisation et fluctuations de la valeur des parts, et intégrer les paramètres susceptibles d’évoluer au cours du contrat. Il doit en outre être précisé, avec toute la clarté requise, que l’assureur ne garantit que le nombre de parts, et non leur valeur en euros (C. ass. art. A. 132-4, A. 132-5-2, I et II).

Cette présentation chiffrée est doublée d’une explication littéraire, insérée sous le tableau, explicitant les hypothèses retenues et les modalités de calcul. Cette articulation entre données chiffrées et commentaire pédagogique permet d’éviter toute illusion quant à la sécurité ou à la rentabilité du contrat.

L’omission de cette information, ou une présentation approximative ou incomplète, est sanctionnée par la jurisprudence : elle peut entraîner l’inopposabilité des clauses concernées ou la prorogation du délai de renonciation prévue à l’article L. 132-5-1.

==>Les contrats multisupports

Pour les contrats multisupports, qui permettent une allocation différenciée entre différents actifs — euros, unités de compte, parts de provision de diversification — l’obligation d’information atteint un degré de sophistication supplémentaire. La réglementation impose la remise du document d’informations clés (DIC PRIIPs), ou à défaut une information équivalente sur les supports choisis (C. assur., art. A. 132-4, A. 132-6, A. 132-9-2). Cette documentation doit faire apparaître les caractéristiques principales de chaque support, leur profil de risque, les frais, la liquidité, et préciser que les valeurs de rachat ou de transfert peuvent être soumises à des aléas de marché, non plafonnés, potentiellement défavorables au souscripteur.

L’encadré d’information, prévu par l’article A. 132-8, joue ici un rôle clé de mise en garde. Il doit notamment mentionner, en caractères très apparents, que les sommes investies sur les unités de compte « ne sont pas garanties mais sujettes à des fluctuations à la hausse ou à la baisse », que « la durée du contrat recommandée dépend de la situation patrimoniale et de l’attitude du souscripteur vis-à-vis du risque », et renvoyer explicitement au conseil personnalisé de l’assureur. Le législateur a ainsi entendu responsabiliser l’intermédiaire, tenu à une obligation de conseil spécifique, centrée non plus sur le seul aléa assuré, mais sur le profil d’investisseur du souscripteur.

f2. Les assurances vie collectives

Les assurances vie collectives à adhésion facultative souscrites dans le cadre d’un groupe ouvert, en dehors du champ d’application de la loi Évin, obéissent à un régime d’information précontractuelle spécifique. En vertu de l’article L. 141-6 du Code des assurances, le souscripteur du contrat – souvent une association d’épargnants – est réputé agir comme mandataire de l’entreprise d’assurance auprès des adhérents, sauf pour les actes sur lesquels ces derniers ont été préalablement informés. Cette règle implique que certaines décisions ou caractéristiques du contrat nécessitent une information individualisée, formalisée dans un document distinct, signé et daté par l’adhérent, remis en deux exemplaires dont l’un lui est conservé.

Ce dispositif est renforcé lorsque le contrat présente une valeur de rachat ou de transfert et que l’adhésion n’est pas imposée par un lien hiérarchique ou statutaire. Dans ce cas, l’article L. 132-5-3 du Code des assurances impose la remise d’une notice d’information intégrant, outre les éléments requis par l’article L. 141-4, ceux figurant dans la note mentionnée à l’article L. 132-5-2. Cette notice doit notamment contenir un encadré d’avertissement en tête du document, les valeurs de rachat ou de transfert dans les conditions définies, ainsi que les modalités d’exercice de la faculté de renonciation. Elle doit également mentionner l’objet social et les coordonnées du souscripteur, et informer l’adhérent de la possibilité que ses droits soient modifiés par avenant, dont les modalités d’adoption doivent lui être communiquées.

Ce renforcement de l’obligation d’information vise à pallier le déséquilibre structurel entre l’adhérent et le souscripteur, et à permettre au premier d’opérer un choix libre et éclairé. Cette exigence s’inscrit également dans une logique européenne. La Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt du 24 février 2022, a affirmé que les contrats d’assurance vie de type unit-linked, même souscrits collectivement, doivent donner lieu à une information préalable complète (CJUE, n° C-143/20, Arrêt de la Cour, A contre O et G. W. et E. S. contre A.). Celle-ci doit porter sur les caractéristiques essentielles des actifs représentatifs, leur nature économique et juridique, ainsi que les risques structurels qui y sont attachés. Ces informations doivent être remises avant la signature de l’adhésion, en temps utile, afin que le consommateur puisse comparer et comprendre les engagements qu’il souscrit. Il n’est cependant pas nécessaire que toutes les informations financières détaillées relatives aux actifs sous-jacents soient transmises, dès lors que l’essentiel est communiqué de façon claire, précise et compréhensible.

En l’absence d’harmonisation complète, la directive 2002/83/CE laisse aux États membres le soin de fixer les modalités de cette information. En droit français, son inexécution peut entraîner la responsabilité du professionnel, voire, dans certains cas, la remise en cause du consentement. La CJUE admet par ailleurs que l’omission d’une information essentielle puisse constituer une pratique commerciale trompeuse au sens de la directive 2005/29/CE.

Enfin, ce régime s’étend aux contrats collectifs souscrits par les mutuelles ou les institutions de prévoyance, lorsque les garanties sont exprimées en unités de compte. En vertu des articles L. 221-4 du Code de la mutualité et L. 932-15 du Code de la sécurité sociale, ces organismes doivent fournir à l’adhérent une information analogue à celle prévue par le Code des assurances : nature des unités, absence de garantie sur leur valeur, frais applicables, et documents de référence. Il s’agit là d’une convergence normative progressive, fondée sur le principe d’équivalence entre les acteurs, quelles que soient leur forme ou leur statut.

g. Les produits d’investissement fondés sur l’assurance

À la frontière entre assurance et investissement, certains contrats d’assurance vie — notamment les contrats multisupports — ne se contentent plus de garantir un aléa de vie : ils organisent une véritable opération de placement. En permettant au souscripteur d’allouer son épargne sur des actifs financiers (actions, obligations, immobilier, etc.), ces produits exposent son capital aux risques de marché, sans qu’il ne détienne directement les actifs sous-jacents.

Cette transformation de l’assurance vie en outil d’investissement a conduit le droit européen à s’écarter des classifications juridiques traditionnelles. Plutôt que de s’en tenir à la forme du contrat, il retient une approche fonctionnelle : dès lors qu’un produit permet à un investisseur de détail de s’exposer à des actifs de marché via un contrat d’assurance, il doit relever d’un régime spécifique. C’est cette logique qui a présidé à l’adoption du règlement (UE) n° 1286/2014, instituant la catégorie des produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (PRIIPs).

i. La notion de PRIIP

La catégorie des produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance, introduite par le règlement (UE) n° 1286/2014 du 26 novembre 2014, résulte d’une volonté d’harmonisation européenne de la protection des investisseurs de détail. Il s’agit de couvrir les produits hybrides situés à l’intersection de l’assurance et de la finance, en particulier les contrats d’assurance vie qui, sans renier leur finalité assurantielle, intègrent un objectif d’investissement soumis à des aléas de marché. Aux termes de l’article 4, § 3, du règlement, est considéré comme PRIIP tout produit comportant une valeur de rachat exposée, directement ou indirectement, à la performance d’un ou plusieurs actifs sous-jacents — sans que l’investisseur n’en détienne la propriété directe.

Par cette approche fonctionnelle, le droit de l’Union entend soumettre ces produits à un standard élevé de transparence, dans le but de favoriser la comparabilité entre instruments financiers concurrents, d’améliorer la lisibilité des risques assumés et de prévenir les arbitrages réglementaires entre secteurs. Ainsi, sont concernés les contrats d’assurance vie en unités de compte, les contrats multisupports, les produits structurés à formule, mais aussi, plus largement, des instruments collectifs comme les SCPI, OPCI ou fonds à formule, dès lors qu’ils sont packagés et proposés à une clientèle de détail.

Le critère déterminant tient à l’existence d’un emballage financier (packaging) faisant écran entre l’investisseur et les actifs sous-jacents, dans le cadre d’une opération standardisée, assortie d’une promesse de rendement ou d’un scénario de valorisation, souvent opaque. La dimension assurantielle, dès lors qu’elle devient accessoire à la logique d’investissement, justifie l’intégration du produit dans le champ d’application du règlement PRIIPs, lequel complète les règles de distribution posées par la directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurances (DDA), elle-même transposée aux articles L. 521-1 et suivants du Code des assurances.

ii. Les obligations d’information spécifiques liées à la qualification de PRIIP

En tant que PRIIPs, les contrats d’assurance vie en unités de compte ou multisupports sont soumis à une obligation précontractuelle d’information renforcée, matérialisée par la remise d’un Document d’Informations Clés (DIC) avant toute souscription. Ce document, qui s’est substitué depuis 2018 à l’ancien DICI (document d’information clé pour l’investisseur), vise à présenter en trois pages maximum les caractéristiques essentielles du produit, sous un format lisible, normé et comparable. Son contenu est défini aux articles 6 à 8 du règlement (UE) n° 1286/2014 et comprend : la nature du produit, son profil de risque et de rendement, des scénarios de performance (y compris défavorable), les frais directs et indirects, la durée de détention recommandée, et les conséquences d’un désinvestissement anticipé.

La remise du DIC constitue une information précontractuelle autonome, indépendante de la note d’information contractuelle exigée par les articles L. 132-5-2 et A. 132-4 du Code des assurances. Cette coexistence des instruments suppose une articulation rigoureuse. En pratique, le DIC complète et, pour une part, se substitue à l’information sur les supports, notamment lorsque ceux-ci relèvent du champ des PRIIPs. Ainsi, pour chaque unité de compte sélectionnée par le souscripteur, la remise du DIC peut valablement tenir lieu d’information spécifique, à condition d’être effectuée contre récépissé (C. assur., art. A. 132-4, annexe, A. 132-4-3 et A. 132-6).

Pour les contrats multisupports, la sophistication de l’offre justifie un degré supplémentaire d’exigence. L’article A. 132-4 du Code des assurances prévoit que la note d’information doit mentionner les unités de compte de référence, les dates de conversion des primes, les modalités d’obtention des documents réglementaires, ainsi qu’un tableau de valeurs de rachat exprimées en parts ou en unités, accompagné d’une explication littérale. L’encadré d’information prévu par l’article A. 132-8 joue un rôle clé d’avertissement sur la nature non garantie des investissements en unités de compte et la nécessité d’un conseil personnalisé. Il est exigé que l’encadré précise que la valeur des unités peut fluctuer à la hausse comme à la baisse, et que l’assureur ne garantit que leur nombre, non leur valeur.

En cas de manquement à l’obligation de remise du DIC, la responsabilité civile de l’initiateur est susceptible d’être engagée en vertu de l’article 11 du règlement PRIIPs, à la condition que le document soit trompeur, inexact, ou incohérent avec les autres documents contractuels. En France, la jurisprudence a d’ores et déjà admis que l’absence ou l’insuffisance d’information sur la structure du produit, sa durée ou ses risques spécifiques pouvait fonder une action en nullité pour vice du consentement ou engager la responsabilité de l’assureur.

La logique sous-jacente au dispositif PRIIPs est donc celle d’une responsabilisation renforcée de l’intermédiaire, tenu de proposer un produit adapté au profil de l’investisseur, dans un cadre normatif qui rapproche les standards assurantiels de ceux applicables aux instruments financiers régis par la directive MIF 2.

Formation du contrat d’assurance: l’obligation précontractuelle d’information commune à tous les produits d’assurance

La formation du contrat d’assurance repose sur un principe essentiel : celui du consentement éclairé du souscripteur. Pour garantir la loyauté de cet engagement, le Code des assurances impose à l’assureur une obligation d’information précontractuelle, dont le cadre principal est fixé à l’article L. 112-2. Ce texte prévoit la remise, avant toute conclusion, de deux documents distincts : une fiche d’information sur le prix et les garanties, d’une part, et, d’autre part, un exemplaire du projet de contrat ou une notice d’information. Chacun de ces documents poursuit une finalité propre, mais tous deux concourent à un même objectif : permettre au futur assuré de comprendre, de manière claire et complète, la portée du contrat envisagé. Ce dispositif, applicable à l’ensemble des contrats d’assurance à l’exception de ceux portant sur les grands risques, participe à l’exigence de transparence dans les relations contractuelles et constitue une garantie fondamentale de la protection du souscripteur.

a. Identification des documents d’information à fournir

Avant la conclusion de tout contrat d’assurance, l’article L. 112-2 du Code des assurances impose à l’assureur de remettre au candidat à l’assurance deux documents distincts d’information précontractuels, chacun remplissant une fonction propre:

  • La fiche d’information sur le prix et les garanties
    • La première obligation consiste pour l’assureur à fournir une fiche d’information exposant de manière claire et synthétique les principaux éléments financiers et techniques du contrat proposé.
    • Inspirée par le droit de la consommation, cette fiche vise à présenter de façon simple et standardisée :
      • Le montant de la prime ou de la cotisation, ou, lorsque cela est pertinent, le mode de calcul de celle-ci,
      • La nature et l’étendue des garanties offertes,
      • Les principales exclusions de garantie.
    • Cette fiche est conçue comme un document d’orientation : elle ne contient qu’une information générale sur le produit d’assurance et ne préjuge ni de l’évaluation précise du risque par l’assureur ni de la rédaction des conditions particulières.
    • Elle ne constitue ni un devis, ni une offre contractuelle engageant l’assureur ; son objectif est d’assurer la transparence tarifaire et de permettre une comparaison aisée entre différentes offres du marché.
  • L’exemplaire du projet de contrat et ses pièces annexes ou la notice d’information
    • La seconde obligation prévue par l’article L. 112-2 est alternative : l’assureur doit remettre soit un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes, soit une notice d’information.
      • L’exemplaire du projet de contrat
        • Il constitue un document complet qui reprend l’intégralité des stipulations contractuelles, comprenant les conditions générales et, éventuellement, les conditions particulières envisagées.
        • Le projet de contrat est un véritable pré-contrat : il reflète le contenu du contrat définitif, même s’il peut encore être négocié avant signature.
        • Il présente donc l’intégralité des droits et obligations découlant de l’assurance envisagée, dans leur formulation juridique précise.
      • La notice d’information
        • Il s’agit d’un document de synthèse, dont la fonction est essentiellement pédagogique.
        • La notice d’information décrit de manière structurée et accessible :
          • Les garanties offertes par le contrat,
          • Les exclusions de garantie,
          • Les obligations de l’assuré.
        • La notice vise à offrir au futur assuré une vision claire des points essentiels du contrat, sans entrer dans tous les détails contractuels spécifiques.
        • En ce sens, elle joue un rôle fondamental dans l’intelligibilité du contrat, notamment pour les assurés non avertis.

La remise préalable de ces deux types de documents (fiche et projet/notice) poursuit une finalité commune : assurer un consentement libre, éclairé et réfléchi de la part du futur assuré. Elle participe directement aux exigences de loyauté dans la formation du contrat et vise à prévenir les risques de vices du consentement, en particulier l’erreur sur l’étendue des garanties souscrites.

b. Domaine de l’information

==>Principe

L’obligation d’information précontractuelle instituée par l’article L. 112-2 du Code des assurances présente un domaine d’application général.

Elle s’impose à tous les contrats d’assurance, qu’ils aient pour objet la couverture de dommages ou la garantie de personnes. Qu’il s’agisse d’un contrat individuel souscrit à titre personnel ou d’un contrat collectif souscrit par un employeur ou une organisation au profit de tiers adhérents, l’assureur est tenu de remettre, avant la conclusion du contrat, la fiche d’information sur le prix et les garanties, ainsi qu’un projet de contrat ou, à défaut, une notice d’information.

En matière d’assurance collective, cette obligation revêt une dimension essentielle. La Cour de cassation l’a encore récemment rappelé dans un arrêt du 30 mars 2023 (Cass. 2e civ., 30 mars 2023, n° 21-21.008) : l’adhérent à une assurance de groupe doit recevoir une notice individuelle décrivant de façon précise ses garanties, leurs exclusions, ainsi que les modalités de mise en œuvre des prestations. En l’absence de remise de cette notice, l’assureur ne peut opposer à l’adhérent les exclusions de garantie figurant aux conditions générales du contrat collectif.

Le domaine de l’obligation d’information est par ailleurs précisé au regard des règles de protection du consommateur. En effet, bien que les opérations d’assurance soient des prestations de services, le Code de la consommation exclut expressément l’application de son régime général d’information préalable aux contrats d’assurance. Aux termes de l’article L. 111-3 du Code de la consommation, les entreprises régies par le Code des assurances sont soustraites aux exigences générales d’information prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du même code. Le législateur a ainsi reconnu que la protection du souscripteur et de l’adhérent est suffisamment assurée par les dispositions spécifiques du Code des assurances, en particulier par l’article L. 112-2.

Enfin, l’étendue du domaine d’application de cette obligation d’information a été adaptée aux contrats d’assurance conclus à distance. L’article L. 112-2-1 du Code des assurances impose, dans ce cas, des règles particulières renforçant l’information du souscripteur ou de l’adhérent, pour tenir compte des risques spécifiques liés à la souscription par internet, téléphone ou tout autre moyen de communication à distance. Ces dispositions complètent et précisent l’obligation d’information de droit commun prévue à l’article L. 112-2, sans en réduire la portée.

==>Exceptions

L’obligation précontractuelle d’information édictée par l’article L. 112-2 du Code des assurances connaît aujourd’hui une seule exception, tenant aux contrats d’assurance couvrant les “grands risques”, à l’exclusion des assurances temporaires de villégiature ou de voyage, lesquelles ne bénéficient plus de dérogation spécifique.

Les contrats d’assurance portant sur des grands risques, définis à l’article L. 111-6 du Code des assurances, échappent à l’obligation d’information préalable prévue par l’article L. 112-2. Cette exclusion est formellement posée par l’article R. 112-2 du même Code, dans sa version résultant du décret n° 2015-513 du 7 mai 2015.

Dans le cadre des grands risques, l’asymétrie d’information justifiant traditionnellement l’obligation d’information est présumée absente. Le souscripteur est réputé être un professionnel averti, capable d’apprécier par lui-même la portée des garanties proposées et les exclusions éventuelles. Dès lors, l’instauration d’un formalisme protecteur ne se justifie pas.

Sont qualifiés de grands risques au sens de l’article L. 111-6 du Code des assurances deux grandes catégories d’opérations d’assurance.

D’une part, il s’agit des risques sectoriels spécifiques, sans condition de seuil, qui concernent:

  • Les corps de véhicules ferroviaires, aériens, maritimes, lacustres et fluviaux, ainsi que la responsabilité civile afférente ;
  • Les marchandises transportées ;
  • Les opérations de crédit et de caution, lorsque le souscripteur exerce une activité industrielle, commerciale ou libérale et que le risque assuré est en lien direct avec cette activité ;
  • Les installations d’énergies marines renouvelables, définies par décret en Conseil d’État.

D’autre part, sont également considérés comme grands risques certains risques économiques importants, tels que :

  • Les risques d’incendie et d’éléments naturels ;
  • Les autres dommages aux biens ;
  • La responsabilité civile générale ;
  • Les corps de véhicules terrestres à moteur et leur responsabilité associée ;
  • Les pertes pécuniaires diverses.

Cependant, pour ces risques économiques généraux, le souscripteur doit remplir au moins deux des trois conditions suivantes pour que le contrat entre dans la catégorie des grands risques (C. assur., art. R. 111-1) :

  • Présenter un bilan supérieur à 6,6 millions d’euros ;
  • Réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 13,6 millions d’euros ;
  • Employer en moyenne plus de 250 salariés au cours du dernier exercice.

Lorsque le souscripteur fait partie d’un groupe soumis à une obligation de consolidation comptable, l’appréciation de ces seuils doit être effectuée sur une base consolidée.

Ces critères, actualisés par le décret n° 2023-466 du 14 juin 2023 et l’arrêté du 14 juin 2023, permettent de réserver l’exclusion du champ d’application de l’obligation d’information préalable aux seuls souscripteurs dont la capacité économique et technique est jugée suffisante pour négocier leur contrat d’assurance sans la protection renforcée prévue par l’article L. 112-2 du Code des assurances.

c. Contenu de l’information

Avant la conclusion de tout contrat d’assurance, l’assureur doit communiquer au futur souscripteur deux types distincts de documents d’information, répondant chacun à des exigences de contenu précises.

i. La fiche d’information sur le prix et les garanties

La fiche d’information constitue un document synthétique, destiné à donner au futur assuré une première vision simplifiée des conditions essentielles du contrat envisagé.

Elle doit notamment préciser :

  • Le prix : soit le montant exact de la prime ou de la cotisation, soit, si ce montant n’est pas déterminable à ce stade, les modalités de calcul du prix en fonction des événements susceptibles de survenir.
  • Les garanties principales : une description claire de la nature et de l’étendue des garanties proposées.
  • Les principales exclusions : les risques et situations expressément exclus de la couverture.

Cette fiche, bien que standardisée, n’a pas valeur contractuelle : elle ne constitue ni un devis engageant l’assureur, ni une offre ferme. Son objectif est essentiellement informatif, facilitant notamment la comparaison entre plusieurs offres concurrentes (C. assur., art. L. 112-2, al. 1er).

ii. Le projet de contrat ou la notice d’information

De façon complémentaire, l’assureur est tenu de remettre soit un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes, soit une notice d’information. Ces documents présentent un contenu beaucoup plus détaillé et doivent impérativement comporter les éléments suivants (C. assur., art. L. 112-2, al. 2) :

  • La description précise des garanties offertes, incluant leur champ d’application ;
  • La mention claire des exclusions de garantie, en caractères très apparents pour qu’elles soient valablement opposables à l’assuré (Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n°98-11.212) ;
  • Les obligations de l’assuré : notamment ses devoirs déclaratifs en matière de risque et de sinistre ;
  • La loi applicable au contrat, si celle-ci n’est pas la loi française (exigence issue de la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994) ;
  • Les modalités d’examen des réclamations, y compris :
    • Les voies de recours amiables (dispositifs de médiation mentionnés au Titre Ier du Livre VI du Code de la consommation) ;
    • La faculté pour l’assuré de saisir les juridictions compétentes.
  • L’adresse du siège social de l’assureur et, le cas échéant, celle de la succursale délivrant la couverture.

d. Modalités de l’information

L’obligation d’information précontractuelle imposée par l’article L. 112-2 du Code des assurances est encadrée par des modalités précises quant à la forme, le moment et la preuve de la remise des documents.

i. L’exigence de remise préalable à la conclusion du contrat

Depuis l’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018, transposant en droit français la directive (UE) 2016/97 du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances, la remise des documents d’information précontractuelle est devenue obligatoire. Avant toute conclusion de contrat, le distributeur doit communiquer par écrit au futur souscripteur deux documents distincts :

  • D’une part, une fiche d’information sur le prix et les garanties proposées ;
  • D’autre part, un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes, ou, à défaut, une notice d’information exposant de manière précise les garanties, leurs exclusions, ainsi que les obligations incombant à l’assuré.

Cette obligation vise à assurer un consentement libre et éclairé du candidat à l’assurance. L’information ainsi délivrée doit être suffisante pour lui permettre de comprendre pleinement la nature et l’étendue de son engagement.

Cette exigence est d’ailleurs confortée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne : selon un arrêt du 20 avril 2023 (CJUE, 9e ch., aff. C-263/22), le consommateur doit avoir eu la possibilité effective de prendre connaissance avant la conclusion du contrat de l’ensemble des clauses contractuelles, notamment celles relatives aux exclusions ou limitations de garantie. À défaut, une telle clause pourrait être qualifiée d’abusive et être écartée.

Ainsi, l’article L. 112-2 du Code des assurances, dans sa rédaction issue de la directive DDA, impose une obligation d’information précontractuelle renforcée, au service d’un consentement libre, éclairé et loyal.

2. La constatation écrite de la remise par le souscripteur

Afin d’assurer l’effectivité de l’obligation d’information précontractuelle, l’article R. 112-3 du Code des assurances impose que le souscripteur atteste par écrit :

  • De la date de remise des documents visés à l’article L. 112-2, alinéa 2 (projet de contrat et pièces annexes, ou notice d’information) ;
  • Et de leur bonne réception.

Cette formalité, qui peut être réalisée sur tout support écrit n’est pas exigée pour la validité du contrat : elle constitue seulement une modalité probatoire destinée à faciliter la preuve du respect de l’obligation d’information par l’assureur.

En pratique, il est fréquent que cette attestation soit matérialisée par une clause spécifique dans les conditions particulières du contrat, mais le texte ne l’impose pas expressément.

En cas d’absence d’attestation écrite, il appartiendra à l’assureur, sur qui pèse la charge de la preuve, de démontrer par tout autre moyen que les documents ont bien été remis au souscripteur avant la conclusion du contrat (Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, n° 07-19.234).

Par ailleurs, la jurisprudence a précisé que :

  • Le simple fait que l’assuré ait signé une clause mentionnant qu’il reconnaît avoir reçu les conditions générales « dont il a eu connaissance » suffit à établir la remise préalable des documents (Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, précité).
  • Il n’est pas exigé que l’assuré dispose d’un délai spécifique pour consulter les documents avant la signature du contrat ; seule importe la remise préalable (Cass. 2e civ., 7 nov. 2024, n° 23-10.612).

iii. Sanctions

L’obligation de remise préalable des documents informatifs, prévue par l’article L. 112-2 du Code des assurances, revêt une importance majeure pour la protection du consentement du souscripteur. Sa méconnaissance est sanctionnée de diverses manières, dont la jurisprudence et la doctrine ont progressivement précisé la portée.

En premier lieu, une règle bien établie veut que les clauses d’exclusion ou de limitation de garantie qui n’ont pas été clairement portées à la connaissance du souscripteur avant la formation du contrat ne lui sont pas opposables.

La Cour de cassation a ainsi jugé, dès 2000, que les clauses d’exclusion de garantie doivent être mentionnées de manière très apparente dans les documents précontractuels remis au candidat à l’assurance, faute de quoi elles sont inopposables (Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n°98-11.212).

La jurisprudence récente confirme cette exigence : dans le cadre des assurances de groupe, l’absence de remise de la notice individuelle interdisait à l’assureur d’opposer à l’adhérent une exclusion non préalablement portée à sa connaissance (Cass. 2e civ., 30 mars 2023, n°21-21.008).

Enfin, sur le plan européen, la CJUE a renforcé cette exigence en décidant qu’une clause limitant la couverture du risque, non communiquée au consommateur avant la conclusion du contrat, devait être écartée en tant que clause abusive (CJUE, 9e ch., 20 avril 2023, aff. C-263/22).

A cet égard, la charge de la preuve de la remise effective des documents pèse sur l’assureur. Si la formalité prévue par l’article R. 112-3 (mention écrite du souscripteur) facilite cette preuve, elle n’est pas exigée ad validitatem du contrat : son absence n’affecte pas la validité du contrat, mais complique la tâche probatoire de l’assureur.

La Cour de cassation veille avec rigueur à cette exigence : elle impose que l’assureur démontre, de manière précise, qu’il a porté à la connaissance de l’assuré toute condition particulière ou restriction de garantie, notamment lorsqu’elle intervient au moment de la modification du contrat (Cass. 1re civ., 27 mars 2001, n° 98-19.481).

Outre l’inopposabilité des clauses, le non-respect de l’obligation d’information peut engager la responsabilité civile de l’assureur. En cas de préjudice résultant du défaut d’information, l’assuré peut obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la prescription applicable étant celle de droit commun (cinq ans selon l’article 2224 du Code civil), et non la prescription biennale du Code des assurances (Cass. 2e civ., 18 mai 2017, n° 16-17.754).

Dans des cas plus graves, le défaut d’information peut être qualifié de dol : ainsi, a été sanctionné l’assureur qui avait dissimulé à l’assuré la suppression d’une garantie dans un nouveau contrat plus coûteux, entraînant la couverture du sinistre (CA Paris, 4 déc. 2001, n° 1998/26267).

Enfin, il existe des sanctions spécifiques, notamment en matière d’assurance-vie : le défaut de remise des documents précontractuels proroge le délai de renonciation au contrat, permettant à l’assuré d’exercer sa faculté de renonciation jusqu’au trentième jour suivant la remise effective des documents (C. assur., art. L. 132-5-2).

Formation du contrat d’assurance: l’obligation précontractuelle d’information intéressant les produits d’assurance

Parce qu’il déploie ses effets à partir d’un simple échange de consentements, le contrat d’assurance impose au distributeur une exigence de loyauté dans la phase précontractuelle.

Ce devoir de transparence se traduit, en premier lieu, par une obligation d’information portant sur les caractéristiques du produit proposé, dont l’étendue varie selon le cadre dans lequel la souscription intervient.

Dans le schéma traditionnel de la vente ordinaire, l’intermédiaire doit fournir au preneur d’assurance une information complète et intelligible, propre à éclairer son choix en fonction de la nature du risque couvert.

Mais lorsque le contrat est conclu à distance, par recours à des techniques de communication dématérialisées, le législateur a instauré un régime renforcé, destiné à pallier l’absence de contact physique et à garantir la pleine effectivité du consentement.

L’analyse de l’obligation d’information relative aux produits d’assurance commande ainsi de distinguer, dans une approche successive, les exigences applicables à la vente ordinaire et celles, plus spécifiques, gouvernant la vente à distance.

1. Conclusion du contrat dans le cadre d’une vente ordinaire

1.1. L’obligation générale d’information

a. Identification des documents d’information à fournir

Avant la conclusion de tout contrat d’assurance, l’article L. 112-2 du Code des assurances impose à l’assureur de remettre au candidat à l’assurance deux documents distincts d’information précontractuels, chacun remplissant une fonction propre:

  • La fiche d’information sur le prix et les garanties
    • La première obligation consiste pour l’assureur à fournir une fiche d’information exposant de manière claire et synthétique les principaux éléments financiers et techniques du contrat proposé.
    • Inspirée par le droit de la consommation, cette fiche vise à présenter de façon simple et standardisée :
      • Le montant de la prime ou de la cotisation, ou, lorsque cela est pertinent, le mode de calcul de celle-ci,
      • La nature et l’étendue des garanties offertes,
      • Les principales exclusions de garantie.
    • Cette fiche est conçue comme un document d’orientation : elle ne contient qu’une information générale sur le produit d’assurance et ne préjuge ni de l’évaluation précise du risque par l’assureur ni de la rédaction des conditions particulières.
    • Elle ne constitue ni un devis, ni une offre contractuelle engageant l’assureur ; son objectif est d’assurer la transparence tarifaire et de permettre une comparaison aisée entre différentes offres du marché.
  • L’exemplaire du projet de contrat et ses pièces annexes ou la notice d’information
    • La seconde obligation prévue par l’article L. 112-2 est alternative : l’assureur doit remettre soit un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes, soit une notice d’information.
      • L’exemplaire du projet de contrat
        • Il constitue un document complet qui reprend l’intégralité des stipulations contractuelles, comprenant les conditions générales et, éventuellement, les conditions particulières envisagées.
        • Le projet de contrat est un véritable pré-contrat : il reflète le contenu du contrat définitif, même s’il peut encore être négocié avant signature.
        • Il présente donc l’intégralité des droits et obligations découlant de l’assurance envisagée, dans leur formulation juridique précise.
      • La notice d’information
        • Il s’agit d’un document de synthèse, dont la fonction est essentiellement pédagogique.
        • La notice d’information décrit de manière structurée et accessible :
          • Les garanties offertes par le contrat,
          • Les exclusions de garantie,
          • Les obligations de l’assuré.
        • La notice vise à offrir au futur assuré une vision claire des points essentiels du contrat, sans entrer dans tous les détails contractuels spécifiques.
        • En ce sens, elle joue un rôle fondamental dans l’intelligibilité du contrat, notamment pour les assurés non avertis.

La remise préalable de ces deux types de documents (fiche et projet/notice) poursuit une finalité commune : assurer un consentement libre, éclairé et réfléchi de la part du futur assuré. Elle participe directement aux exigences de loyauté dans la formation du contrat et vise à prévenir les risques de vices du consentement, en particulier l’erreur sur l’étendue des garanties souscrites.

b. Domaine de l’information

==>Principe

L’obligation d’information précontractuelle instituée par l’article L. 112-2 du Code des assurances présente un domaine d’application général.

Elle s’impose à tous les contrats d’assurance, qu’ils aient pour objet la couverture de dommages ou la garantie de personnes. Qu’il s’agisse d’un contrat individuel souscrit à titre personnel ou d’un contrat collectif souscrit par un employeur ou une organisation au profit de tiers adhérents, l’assureur est tenu de remettre, avant la conclusion du contrat, la fiche d’information sur le prix et les garanties, ainsi qu’un projet de contrat ou, à défaut, une notice d’information.

En matière d’assurance collective, cette obligation revêt une dimension essentielle. La Cour de cassation l’a encore récemment rappelé dans un arrêt du 30 mars 2023 (Cass. 2e civ., 30 mars 2023, n° 21-21.008) : l’adhérent à une assurance de groupe doit recevoir une notice individuelle décrivant de façon précise ses garanties, leurs exclusions, ainsi que les modalités de mise en œuvre des prestations. En l’absence de remise de cette notice, l’assureur ne peut opposer à l’adhérent les exclusions de garantie figurant aux conditions générales du contrat collectif.

Le domaine de l’obligation d’information est par ailleurs précisé au regard des règles de protection du consommateur. En effet, bien que les opérations d’assurance soient des prestations de services, le Code de la consommation exclut expressément l’application de son régime général d’information préalable aux contrats d’assurance. Aux termes de l’article L. 111-3 du Code de la consommation, les entreprises régies par le Code des assurances sont soustraites aux exigences générales d’information prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du même code. Le législateur a ainsi reconnu que la protection du souscripteur et de l’adhérent est suffisamment assurée par les dispositions spécifiques du Code des assurances, en particulier par l’article L. 112-2.

Enfin, l’étendue du domaine d’application de cette obligation d’information a été adaptée aux contrats d’assurance conclus à distance. L’article L. 112-2-1 du Code des assurances impose, dans ce cas, des règles particulières renforçant l’information du souscripteur ou de l’adhérent, pour tenir compte des risques spécifiques liés à la souscription par internet, téléphone ou tout autre moyen de communication à distance. Ces dispositions complètent et précisent l’obligation d’information de droit commun prévue à l’article L. 112-2, sans en réduire la portée.

==>Exceptions

L’obligation précontractuelle d’information édictée par l’article L. 112-2 du Code des assurances connaît aujourd’hui une seule exception, tenant aux contrats d’assurance couvrant les “grands risques”, à l’exclusion des assurances temporaires de villégiature ou de voyage, lesquelles ne bénéficient plus de dérogation spécifique.

Les contrats d’assurance portant sur des grands risques, définis à l’article L. 111-6 du Code des assurances, échappent à l’obligation d’information préalable prévue par l’article L. 112-2. Cette exclusion est formellement posée par l’article R. 112-2 du même Code, dans sa version résultant du décret n° 2015-513 du 7 mai 2015.

Dans le cadre des grands risques, l’asymétrie d’information justifiant traditionnellement l’obligation d’information est présumée absente. Le souscripteur est réputé être un professionnel averti, capable d’apprécier par lui-même la portée des garanties proposées et les exclusions éventuelles. Dès lors, l’instauration d’un formalisme protecteur ne se justifie pas.

Sont qualifiés de grands risques au sens de l’article L. 111-6 du Code des assurances deux grandes catégories d’opérations d’assurance.

D’une part, il s’agit des risques sectoriels spécifiques, sans condition de seuil, qui concernent:

  • Les corps de véhicules ferroviaires, aériens, maritimes, lacustres et fluviaux, ainsi que la responsabilité civile afférente ;
  • Les marchandises transportées ;
  • Les opérations de crédit et de caution, lorsque le souscripteur exerce une activité industrielle, commerciale ou libérale et que le risque assuré est en lien direct avec cette activité ;
  • Les installations d’énergies marines renouvelables, définies par décret en Conseil d’État.

D’autre part, sont également considérés comme grands risques certains risques économiques importants, tels que :

  • Les risques d’incendie et d’éléments naturels ;
  • Les autres dommages aux biens ;
  • La responsabilité civile générale ;
  • Les corps de véhicules terrestres à moteur et leur responsabilité associée ;
  • Les pertes pécuniaires diverses.

Cependant, pour ces risques économiques généraux, le souscripteur doit remplir au moins deux des trois conditions suivantes pour que le contrat entre dans la catégorie des grands risques (C. assur., art. R. 111-1) :

  • Présenter un bilan supérieur à 6,6 millions d’euros ;
  • Réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 13,6 millions d’euros ;
  • Employer en moyenne plus de 250 salariés au cours du dernier exercice.

Lorsque le souscripteur fait partie d’un groupe soumis à une obligation de consolidation comptable, l’appréciation de ces seuils doit être effectuée sur une base consolidée.

Ces critères, actualisés par le décret n° 2023-466 du 14 juin 2023 et l’arrêté du 14 juin 2023, permettent de réserver l’exclusion du champ d’application de l’obligation d’information préalable aux seuls souscripteurs dont la capacité économique et technique est jugée suffisante pour négocier leur contrat d’assurance sans la protection renforcée prévue par l’article L. 112-2 du Code des assurances.

c. Contenu de l’information

Avant la conclusion de tout contrat d’assurance, l’assureur doit communiquer au futur souscripteur deux types distincts de documents d’information, répondant chacun à des exigences de contenu précises.

i. La fiche d’information sur le prix et les garanties

La fiche d’information constitue un document synthétique, destiné à donner au futur assuré une première vision simplifiée des conditions essentielles du contrat envisagé.

Elle doit notamment préciser :

  • Le prix : soit le montant exact de la prime ou de la cotisation, soit, si ce montant n’est pas déterminable à ce stade, les modalités de calcul du prix en fonction des événements susceptibles de survenir.
  • Les garanties principales : une description claire de la nature et de l’étendue des garanties proposées.
  • Les principales exclusions : les risques et situations expressément exclus de la couverture.

Cette fiche, bien que standardisée, n’a pas valeur contractuelle : elle ne constitue ni un devis engageant l’assureur, ni une offre ferme. Son objectif est essentiellement informatif, facilitant notamment la comparaison entre plusieurs offres concurrentes (C. assur., art. L. 112-2, al. 1er).

ii. Le projet de contrat ou la notice d’information

De façon complémentaire, l’assureur est tenu de remettre soit un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes, soit une notice d’information. Ces documents présentent un contenu beaucoup plus détaillé et doivent impérativement comporter les éléments suivants (C. assur., art. L. 112-2, al. 2) :

  • La description précise des garanties offertes, incluant leur champ d’application ;
  • La mention claire des exclusions de garantie, en caractères très apparents pour qu’elles soient valablement opposables à l’assuré (Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n°98-11.212) ;
  • Les obligations de l’assuré : notamment ses devoirs déclaratifs en matière de risque et de sinistre ;
  • La loi applicable au contrat, si celle-ci n’est pas la loi française (exigence issue de la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994) ;
  • Les modalités d’examen des réclamations, y compris :
    • Les voies de recours amiables (dispositifs de médiation mentionnés au Titre Ier du Livre VI du Code de la consommation) ;
    • La faculté pour l’assuré de saisir les juridictions compétentes.
  • L’adresse du siège social de l’assureur et, le cas échéant, celle de la succursale délivrant la couverture.

d. Modalités de l’information

L’obligation d’information précontractuelle imposée par l’article L. 112-2 du Code des assurances est encadrée par des modalités précises quant à la forme, le moment et la preuve de la remise des documents.

i. L’exigence de remise préalable à la conclusion du contrat

Depuis l’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018, transposant en droit français la directive (UE) 2016/97 du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances, la remise des documents d’information précontractuelle est devenue obligatoire. Avant toute conclusion de contrat, le distributeur doit communiquer par écrit au futur souscripteur deux documents distincts :

  • D’une part, une fiche d’information sur le prix et les garanties proposées ;
  • D’autre part, un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes, ou, à défaut, une notice d’information exposant de manière précise les garanties, leurs exclusions, ainsi que les obligations incombant à l’assuré.

Cette obligation vise à assurer un consentement libre et éclairé du candidat à l’assurance. L’information ainsi délivrée doit être suffisante pour lui permettre de comprendre pleinement la nature et l’étendue de son engagement.

Cette exigence est d’ailleurs confortée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne : selon un arrêt du 20 avril 2023 (CJUE, 9e ch., aff. C-263/22), le consommateur doit avoir eu la possibilité effective de prendre connaissance avant la conclusion du contrat de l’ensemble des clauses contractuelles, notamment celles relatives aux exclusions ou limitations de garantie. À défaut, une telle clause pourrait être qualifiée d’abusive et être écartée.

Ainsi, l’article L. 112-2 du Code des assurances, dans sa rédaction issue de la directive DDA, impose une obligation d’information précontractuelle renforcée, au service d’un consentement libre, éclairé et loyal.

2. La constatation écrite de la remise par le souscripteur

Afin d’assurer l’effectivité de l’obligation d’information précontractuelle, l’article R. 112-3 du Code des assurances impose que le souscripteur atteste par écrit :

  • De la date de remise des documents visés à l’article L. 112-2, alinéa 2 (projet de contrat et pièces annexes, ou notice d’information) ;
  • Et de leur bonne réception.

Cette formalité, qui peut être réalisée sur tout support écrit n’est pas exigée pour la validité du contrat : elle constitue seulement une modalité probatoire destinée à faciliter la preuve du respect de l’obligation d’information par l’assureur.

En pratique, il est fréquent que cette attestation soit matérialisée par une clause spécifique dans les conditions particulières du contrat, mais le texte ne l’impose pas expressément.

En cas d’absence d’attestation écrite, il appartiendra à l’assureur, sur qui pèse la charge de la preuve, de démontrer par tout autre moyen que les documents ont bien été remis au souscripteur avant la conclusion du contrat (Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, n° 07-19.234).

Par ailleurs, la jurisprudence a précisé que :

  • Le simple fait que l’assuré ait signé une clause mentionnant qu’il reconnaît avoir reçu les conditions générales « dont il a eu connaissance » suffit à établir la remise préalable des documents (Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, précité).
  • Il n’est pas exigé que l’assuré dispose d’un délai spécifique pour consulter les documents avant la signature du contrat ; seule importe la remise préalable (Cass. 2e civ., 7 nov. 2024, n° 23-10.612).

iii. Sanctions

L’obligation de remise préalable des documents informatifs, prévue par l’article L. 112-2 du Code des assurances, revêt une importance majeure pour la protection du consentement du souscripteur. Sa méconnaissance est sanctionnée de diverses manières, dont la jurisprudence et la doctrine ont progressivement précisé la portée.

En premier lieu, une règle bien établie veut que les clauses d’exclusion ou de limitation de garantie qui n’ont pas été clairement portées à la connaissance du souscripteur avant la formation du contrat ne lui sont pas opposables.

La Cour de cassation a ainsi jugé, dès 2000, que les clauses d’exclusion de garantie doivent être mentionnées de manière très apparente dans les documents précontractuels remis au candidat à l’assurance, faute de quoi elles sont inopposables (Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n°98-11.212).

La jurisprudence récente confirme cette exigence : dans le cadre des assurances de groupe, l’absence de remise de la notice individuelle interdisait à l’assureur d’opposer à l’adhérent une exclusion non préalablement portée à sa connaissance (Cass. 2e civ., 30 mars 2023, n°21-21.008).

Enfin, sur le plan européen, la CJUE a renforcé cette exigence en décidant qu’une clause limitant la couverture du risque, non communiquée au consommateur avant la conclusion du contrat, devait être écartée en tant que clause abusive (CJUE, 9e ch., 20 avril 2023, aff. C-263/22).

A cet égard, la charge de la preuve de la remise effective des documents pèse sur l’assureur. Si la formalité prévue par l’article R. 112-3 (mention écrite du souscripteur) facilite cette preuve, elle n’est pas exigée ad validitatem du contrat : son absence n’affecte pas la validité du contrat, mais complique la tâche probatoire de l’assureur.

La Cour de cassation veille avec rigueur à cette exigence : elle impose que l’assureur démontre, de manière précise, qu’il a porté à la connaissance de l’assuré toute condition particulière ou restriction de garantie, notamment lorsqu’elle intervient au moment de la modification du contrat (Cass. 1re civ., 27 mars 2001, n° 98-19.481).

Outre l’inopposabilité des clauses, le non-respect de l’obligation d’information peut engager la responsabilité civile de l’assureur. En cas de préjudice résultant du défaut d’information, l’assuré peut obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la prescription applicable étant celle de droit commun (cinq ans selon l’article 2224 du Code civil), et non la prescription biennale du Code des assurances (Cass. 2e civ., 18 mai 2017, n° 16-17.754).

Dans des cas plus graves, le défaut d’information peut être qualifié de dol : ainsi, a été sanctionné l’assureur qui avait dissimulé à l’assuré la suppression d’une garantie dans un nouveau contrat plus coûteux, entraînant la couverture du sinistre (CA Paris, 4 déc. 2001, n° 1998/26267).

Enfin, il existe des sanctions spécifiques, notamment en matière d’assurance-vie : le défaut de remise des documents précontractuels proroge le délai de renonciation au contrat, permettant à l’assuré d’exercer sa faculté de renonciation jusqu’au trentième jour suivant la remise effective des documents (C. assur., art. L. 132-5-2).

1.2. L’obligation spécifique à certaines branches d’assurance

a. Les contrats d’assurance comportant des garanties de responsabilité

i. Description de l’obligation

Lorsqu’un contrat d’assurance comporte des garanties de responsabilité civile, l’article L. 112-2 du Code des assurances impose, en complément de la fiche d’information générale, la remise au souscripteur d’un document spécifique relatif au fonctionnement dans le temps des garanties de responsabilité.

Ce document, dont le modèle est fixé par l’annexe de l’article A. 112 du Code des assurances, vise à assurer une information claire sur les modalités de mobilisation de la garantie. Il décrit notamment le fonctionnement des polices déclenchées par le fait dommageable, celles déclenchées par la réclamation, ainsi que les conséquences de la succession de contrats ayant des modes de déclenchement différents.

La remise de ce document poursuit deux finalités distinctes :

  • Assurer la sécurité juridique du souscripteur, en lui permettant de comprendre précisément dans quelles conditions temporelles il pourra bénéficier de la garantie souscrite ;
  • Prévenir les risques de contentieux, en clarifiant dès l’origine les règles applicables en cas de succession de contrats ou de changement de mode de déclenchement de la garantie.

Par cette exigence d’information renforcée, le législateur entend garantir un consentement pleinement éclairé du souscripteur à la couverture de responsabilité proposée.

ii Domaine de l’obligation

L’obligation de remise de la fiche d’information spécifique s’applique à tous les contrats d’assurance comportant une garantie de responsabilité civile, qu’il s’agisse d’une responsabilité civile vie privée ou professionnelle.

iii. Contenu de l’information

La fiche d’information imposée par l’article L. 112-2 du Code des assurances pour les contrats comportant des garanties de responsabilité civile doit être établie selon un modèle fixé par l’annexe de l’article A. 112.

Cette fiche vise à expliciter de manière accessible le fonctionnement dans le temps des garanties de responsabilité, en tenant compte de trois éléments:

  • Le fonctionnement dans le temps des garanties déclenchées par le fait dommageable
    • Lorsqu’une garantie de responsabilité est déclenchée par le fait dommageable, l’assureur couvre l’assuré dès lors que le fait générateur ayant causé le dommage est intervenu entre la date de prise d’effet du contrat et sa date de résiliation ou d’expiration.
    • Ainsi, la réclamation de la victime peut être formée bien après la fin du contrat: ce qui importe est que l’événement à l’origine du dommage soit survenu pendant la période de validité de la garantie.
    • La déclaration du sinistre doit alors être adressée à l’assureur dont la couverture était effective à la date du fait dommageable, même si la réclamation intervient ultérieurement.
  • Le fonctionnement dans le temps des garanties déclenchées par la réclamation
    • Lorsqu’une garantie est déclenchée par la réclamation, c’est la date de la réclamation formulée contre l’assuré qui détermine la mise en œuvre de la couverture, et non la date du fait générateur.
    • Deux hypothèses doivent être distinguées :
      • Réclamation pendant la période de validité du contrat : l’assureur garantit l’assuré même si le fait dommageable est antérieur à la souscription, à condition que l’assuré n’ait pas eu connaissance du fait dommageable lors de la souscription.
      • Réclamation pendant la période subséquente : si aucune nouvelle assurance n’a été souscrite couvrant le même risque, ou si la nouvelle assurance n’est pas mobilisable (en raison de la connaissance préalable du fait dommageable), l’assureur initial prend en charge la réclamation. Cette période subséquente, dont la durée minimale est fixée à cinq ans, prolonge ainsi la protection de l’assuré au-delà de l’expiration du contrat.
  • Les conséquences de la succession de contrats ayant des modes de déclenchement différents
    • La fiche doit également exposer les règles applicables en cas de succession de contrats, notamment lorsque les contrats successifs ne reposent pas sur le même mode de déclenchement :
      • Ancien et nouveau contrats déclenchés par le fait dommageable : la garantie en vigueur au moment du fait générateur est mobilisée.
      • Ancien et nouveau contrats déclenchés par la réclamation : il convient de vérifier si l’assuré avait connaissance du fait dommageable avant la souscription du nouveau contrat pour déterminer si l’ancien ou le nouvel assureur doit intervenir.
      • Succession de contrats avec modes de déclenchement différents: des mécanismes spécifiques organisent la coordination entre les deux contrats. Par exemple, si l’ancien contrat est en « fait dommageable » et le nouveau en « réclamation », l’assureur du contrat en vigueur lors du fait générateur est en principe compétent, sauf en cas d’insuffisance d’indemnisation.
    • La fiche précise enfin que lorsqu’un même fait dommageable donne lieu à plusieurs réclamations successives, un seul et même assureur doit prendre en charge toutes les réclamations, même si elles interviennent après la période subséquente.

b. Les contrats d’assurance portant sur un risque non-vie

Afin de renforcer l’information du souscripteur en matière d’assurance non-vie, la législation française, sous l’impulsion de la directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurances, impose la remise d’un document d’information normalisé avant la conclusion du contrat.

i. Description de l’obligation

L’article L. 112-2 du Code des assurances prévoit que, préalablement à la conclusion d’un contrat portant sur un risque non-vie, le distributeur doit remettre au souscripteur ou à l’adhérent un document d’information normalisé sur le produit d’assurance.

Ce document, connu sous l’acronyme DIPA (Document d’Information sur le Produit d’Assurance) — ou IPID (Insurance Product Information Document) dans les textes européens —, est élaboré par le concepteur du produit (et non par le distributeur lui-même).

Son objectif est de présenter, de manière claire et synthétique, les principales caractéristiques du contrat proposé afin de garantir au futur assuré une meilleure compréhension et une comparaison facilitée entre différentes offres du marché. La forme et le contenu de ce document sont fixés par le règlement d’exécution (UE) 2017/1469 du 11 août 2017, dont les dispositions ont été transposées à l’article R. 112-6 du Code des assurances.

L’instauration du DIPA/IPID s’inscrit dans une logique de protection du consommateur impulsée par la directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurances (dite directive DDA), visant à améliorer l’information précontractuelle fournie en matière d’assurance non-vie.

ii. Domaine de l’obligation

==>Principe

L’obligation de remise d’un document d’information normalisé (DIPA) avant la conclusion d’un contrat d’assurance non-vie s’applique de manière générale à tous les contrats relevant de cette catégorie.

==>Exclusions

Certains contrats sont expressément exclus du champ d’application de cette obligation, conformément à l’article L. 112-2, alinéa 4, du Code des assurances.

  • Les contrats portant sur des « grands risques »
    • Sont exclus de l’obligation de remise du DIPA les contrats d’assurance couvrant des grands risques, tels que définis à l’article L. 111-6 du Code des assurances.
    • Cette catégorie regroupe :
      • Les risques sectoriels spécifiques :
        • Les corps de véhicules ferroviaires, aériens, maritimes, lacustres et fluviaux, ainsi que la responsabilité civile afférente;
        • Les marchandises transportées ;
        • Les opérations de crédit et de caution liées à une activité industrielle, commerciale ou libérale ;
        • Les installations d’énergies marines renouvelables.
      • Les risques économiques importants, dès lors que le souscripteur dépasse deux des trois seuils suivants (C. assur., art. R. 111-1) :
        • Bilan supérieur à 6,6 millions d’euros ;
        • Chiffre d’affaires supérieur à 13,6 millions d’euros ;
        • Effectif supérieur à 250 salariés.
    • Lorsque le souscripteur appartient à un groupe consolidé, ces seuils sont appréciés sur une base consolidée.
    • Raison de l’exclusion : les souscripteurs de contrats couvrant des grands risques sont présumés avertis et disposent généralement d’une expertise suffisante pour comprendre la portée de leurs engagements, rendant le formalisme du DIPA superflu.
  • Les contrats d’assurance emprunteur pour un crédit immobilier
    • La remise du DIPA n’est pas requise lorsque le contrat d’assurance est soumis à l’obligation spécifique de fournir une fiche standardisée d’information prévue à l’article L. 313-10 du Code de la consommation.
    • Cela concerne essentiellement les assurances de prêt immobilier supérieures à 75 000 euros garanties par une hypothèque ou une sûreté réelle sur des immeubles à usage d’habitation.
    • Objectif : Eviter une superposition de documents informatifs en présence d’une fiche standardisée déjà imposée par le droit de la consommation.
  • Les contrats liés à la protection complémentaire en matière de santé
    • Sont également exclus les contrats visés au b de l’article L. 861-4 du Code de la sécurité sociale.
    • Il s’agit principalement des contrats souscrits pour bénéficier de la protection complémentaire santé (ex-CMU-C) auprès d’une mutuelle, d’une institution de prévoyance ou d’une entreprise d’assurance.
    • Justification : ces contrats relèvent d’un dispositif social spécifique, dans lequel l’accès à la couverture santé repose sur des conditions définies et standardisées, dispensant d’une information individualisée supplémentaire.
  • Les opérations d’assurance de la branche 15 (cautionnement)
    • Enfin, les opérations d’assurance relevant de la branche 15 du classement des branches d’assurance (C. assur., art. R. 321-1), c’est-à-dire les contrats de cautionnement (caution directe ou indirecte), sont exclues.
    • La nature spécifique de ces contrats, centrée sur la garantie d’une obligation financière, justifie un traitement distinct en matière d’information précontractuelle.

iii. Contenu de l’information

L’article R. 112-6 du Code des assurances précise de façon détaillée le contenu du document d’information normalisé, qui doit comporter les rubriques suivantes :

  • Le type d’assurance souscrite ;
  • Un résumé de la couverture d’assurance, incluant les principaux risques garantis, les exclusions majeures, les plafonds de garantie, et, le cas échéant, les limites géographiques ;
  • Les modalités de paiement des primes ainsi que les délais de paiement ;
  • Les principales exclusions de garantie ;
  • Les obligations de l’assuré lors de la souscription ou de l’adhésion ;
  • Les obligations en cours d’exécution du contrat ;
  • Les obligations en cas de survenance d’un sinistre ;
  • La durée du contrat, avec les dates précises de début et de fin ;
  • Les modalités de résiliation du contrat.

Ce document, conçu pour être clair, succinct et compréhensible même par un public non averti, complète ainsi utilement les autres documents d’information précontractuelle requis en matière d’assurance.

c. Les assurances affinitaires

En matière d’assurances affinitaires, le législateur a instauré une obligation d’information précontractuelle spécifique, destinée à protéger l’assuré contre le risque d’une couverture superflue ou redondante.

i. Description de l’obligation

Aux termes de l’article L. 112-10 du Code des assurances, avant la conclusion d’un contrat affinitaire, l’assureur doit remettre au candidat à l’assurance un document d’information spécifique.

Ce document doit :

  • Inviter l’assuré à vérifier s’il n’est pas déjà bénéficiaire d’une garantie couvrant l’un des risques proposés par le nouveau contrat ;
  • L’informer de son droit de renonciation au contrat, dans des conditions précisées par la loi.

L’existence de cette information doit apparaître de façon très apparente, au sein d’un encadré, inséré dans la fiche d’information générale prévue par l’article L. 112-2 du Code des assurances (C. assur., art. A. 112-1).

Le modèle de ce document est fixé par arrêté ministériel afin d’assurer l’uniformité de sa présentation et de garantir une information claire et accessible.

ii. Domaine d’application

L’obligation vise exclusivement les contrats d’assurance souscrits à des fins non professionnelles qui constituent un complément d’un bien ou d’un service vendu par un fournisseur (ex. : assurance sur téléphone portable, assurance bagages, assurance moyens de paiement).

Elle concerne spécifiquement les contrats couvrant :

  • Le risque de mauvais fonctionnement, de perte (y compris le vol) ou d’endommagement de biens fournis ;
  • L’endommagement ou la perte (y compris le vol) de bagages et autres risques liés à un voyage, même si une couverture accessoire de responsabilité ou de vie est prévue ;
  • La perte (y compris le vol) de moyens de paiement, ainsi que de tout autre bien inclus dans une offre associée.

iii. Contenu du document

Le document d’information remis préalablement à la souscription d’une assurance affinitaire expose, de manière accessible et apparente, les droits dont bénéficie l’assuré, notamment en matière de renonciation.

Ce document précise :

  • L’existence d’un droit de renonciation, que l’assuré peut exercer sans frais ni pénalités, dans un délai de trente jours calendaires à compter de la conclusion du contrat.
  • Le point de départ du délai, qui est reporté, en cas d’offre de primes gratuites initiales, au paiement de tout ou partie de la première prime.

Le texte rappelle également que l’exercice de ce droit est soumis au respect de quatre conditions cumulatives :

  • Souscription à des fins non professionnelles ;
  • Complémentarité du contrat avec l’achat d’un bien ou d’un service fourni par un professionnel ;
  • Absence d’exécution intégrale du contrat ;
  • Absence de déclaration de sinistre mettant en œuvre une garantie du contrat.

Lorsque ces conditions sont réunies, l’assuré peut notifier sa décision de renonciation à l’assureur, par lettre ou tout autre support durable.

L’assureur est alors tenu de rembourser la prime éventuellement perçue dans un délai de trente jours suivant la réception de la demande de renonciation.

Enfin, afin de prévenir tout cumul inutile de garanties, le document invite expressément l’assuré à vérifier qu’il ne bénéficie pas déjà d’une couverture pour l’un des risques garantis par le contrat proposé.

d. Les contrats ayant pour objet le remboursement d’un crédit

En raison de la spécificité de l’assurance emprunteur, étroitement liée à l’octroi d’un crédit à la consommation ou immobilier, le législateur a entendu encadrer de manière stricte l’information précontractuelle destinée à l’emprunteur. L’objectif est d’assurer, dès la phase de souscription, une transparence accrue sur les conditions de garantie et leur coût, afin de garantir un consentement pleinement éclairé du souscripteur.

Ce formalisme renforcé, fondé sur la remise de documents normalisés, vise à protéger l’emprunteur contre les déséquilibres contractuels inhérents à l’adhésion à des assurances souvent proposées dans un cadre peu négociable, tout en favorisant l’ouverture du marché à une concurrence effective entre assureurs.

i. Documents d’information obligatoires

Afin de garantir une information complète et loyale du candidat à l’assurance emprunteur, deux documents doivent impérativement être remis avant la conclusion du contrat :

  • La fiche d’information
    • Elle prend la forme d’une fiche générale pour les crédits à la consommation, ou d’une fiche standardisée pour les crédits immobiliers.
    • Ce document présente de manière claire, synthétique et comparable les caractéristiques essentielles de l’assurance proposée, en particulier son coût et la nature des garanties.
    • Il vise à permettre à l’emprunteur d’évaluer l’opportunité de l’offre qui lui est faite et de la comparer avec d’autres solutions disponibles sur le marché, favorisant ainsi une véritable liberté de choix.
  • La notice d’information
    • Elle expose de manière détaillée le contenu du contrat d’assurance, en reproduisant notamment les risques garantis et exclus, la durée de la couverture, les modalités de mise en œuvre de la garantie, ainsi que les principales obligations de l’assuré.
    • Véritable support de référence, elle doit offrir à l’emprunteur une vision précise et fiable des conditions effectives de sa couverture.

Ces deux documents concourent à l’objectif de protection du consentement en matière d’assurance adossée à un crédit, en assurant que le souscripteur adhère au contrat en toute connaissance de cause.

ii. Contenu des documents

?: La fiche d’information

==>S’agissant du crédit à la consommation

Préalablement à la conclusion d’un contrat de crédit à la consommation, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit est tenu de remettre à l’emprunteur une fiche d’information précontractuelle (C. consom., art. L. 312-12). Ce document, établi sur support papier ou sur tout autre support durable, vise à permettre au futur emprunteur de comparer différentes offres de crédit et d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.

Lorsqu’une assurance est proposée ou exigée pour garantir le remboursement du prêt, la fiche d’information doit comporter, en plus des mentions relatives au crédit lui-même, des informations spécifiques sur l’assurance adossée à l’opération.

Sont ainsi exigées :

  • L’indication du taux annuel effectif de l’assurance (TAEA), calculé de manière distincte du taux annuel effectif global du crédit, pour en permettre la comparaison ;
  • Le montant total de l’assurance dû sur la durée totale du prêt, exprimé en euros ;
  • Le montant mensuel de la prime d’assurance, précisant si celui-ci s’ajoute ou non aux échéances de remboursement du crédit (C. consom., art. L. 312-7).

Outre ces éléments chiffrés, la fiche doit rappeler expressément à l’emprunteur :

  • Sa faculté de souscrire une assurance équivalente auprès de l’assureur de son choix (C. consom., art. L. 312-29, al. 2) ;
  • Les modalités de refus d’adhésion à l’assurance proposée lorsque celle-ci est facultative.

La remise de cette fiche, distincte de toute simple publicité, constitue une étape essentielle dans la phase précontractuelle : elle garantit que l’emprunteur puisse prendre une décision éclairée en toute indépendance, sans subir l’effet captif d’une offre liée au financement.

S’agissant de la preuve de la remise effective de la fiche d’informations, la jurisprudence est exigeante. Conformément à la position adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 18 déc. 2014, aff. C-449/13) et confirmée par la Cour de cassation (notamment Cass. 1re civ., 5 juin 2019, n° 17-27.066), une simple clause standard par laquelle le consommateur reconnaîtrait avoir reçu toutes les informations précontractuelles ne suffit pas à démontrer la communication du document requis. Elle ne constitue qu’un indice, que le prêteur doit corroborer par d’autres éléments de preuve concrets.

==>S’agissant du crédit immobilier

En matière de crédit immobilier, l’information de l’emprunteur est particulièrement encadrée afin d’assurer la transparence et la comparabilité des offres d’assurance emprunteur. À cet effet, une fiche standardisée d’information doit être remise à l’emprunteur dès la première simulation du crédit (C. consom., art. L. 313-10).

Ce document doit être fourni par tout intermédiaire d’assurance ou organisme assureur proposant une couverture de prêt immobilier (C. assur., art. L. 313-9). Il doit accompagner tout document préalablement remis avant la formulation de l’offre de prêt, simultanément à la notice d’information (C. consom., art. L. 313-8, al. 6).

La fiche standardisée a pour finalité :

  • De présenter de manière claire et lisible (C. consom., art. R. 313-8) les principales caractéristiques de l’assurance proposée ;
  • De permettre à l’emprunteur de comparer aisément différentes offres d’assurance et de choisir en toute liberté l’assureur auquel il souhaite confier sa couverture ;
  • De garantir la connaissance anticipée du coût réel de l’assurance afin d’intégrer ce paramètre dans l’évaluation globale du crédit immobilier.

Elle s’inscrit ainsi dans la logique de décloisonnement du marché de l’assurance emprunteur, en favorisant la mobilité des assurés et en limitant les pratiques de vente captive par les établissements de crédit.

Conformément aux articles L. 313-10, R. 313-8 et R. 313-9 du Code de la consommation, la fiche standardisée d’information doit comporter notamment :

  • La définition et la description des types de garanties proposées (exemples : décès, invalidité, incapacité de travail, perte d’emploi) ;
  • Les caractéristiques des garanties minimales exigées par le prêteur pour l’octroi du prêt immobilier, le cas échéant ;
  • Les garanties que l’emprunteur envisage de choisir parmi celles proposées, ainsi que la part du capital emprunté qu’il souhaite couvrir ;
  • Une estimation personnalisée du coût de l’assurance sur la base des éléments connus lors de la fourniture de la fiche :
    • Le coût exprimé en euros par période de paiement (mensuelle, trimestrielle, etc.) ;
    • Le coût total de l’assurance sur la durée totale du prêt ;
    • Le taux annuel effectif de l’assurance (TAEA), permettant une comparaison directe avec le taux annuel effectif global (TAEG) du crédit (C. consom., art. L. 313-8 et R. 314-12) ;
  • La mention expresse de la possibilité pour l’emprunteur de souscrire l’assurance auprès d’un autre assureur de son choix, conformément aux articles L. 313-29 et L. 313-30 du Code de la consommation.

Enfin, la fiche doit être remise à chaque emprunteur ou co-emprunteur (C. consom., art. R. 313-10).

Tout document remis avant l’offre de prêt et comportant des éléments chiffrés sur l’assurance doit exprimer le coût selon trois modalités (C. consom., art. L. 313-8) :

  • En taux annuel effectif de l’assurance (exclusivement) ;
  • En montant total dû en euros, calculé sur huit ans et sur la durée totale du prêt ;
  • En montant périodique (par mois, trimestre, etc.), avec indication de son éventuelle intégration dans l’échéance de remboursement du crédit.

?: La notice d’information

==>S’agissant du crédit immobilier

En matière de crédit immobilier, la remise d’une notice d’information constitue l’un des piliers de la protection de l’emprunteur. Si cette exigence est désormais consacrée pour l’ensemble des assurances terrestres par l’article L. 112-2 du Code des assurances, elle trouve son origine, de manière plus spécifique, dans le régime de l’assurance emprunteur, où elle s’est imposée dès la fin des années 1970. Cette antériorité révèle l’attention particulière portée, dès l’origine, à l’information de l’adhérent à une assurance ayant vocation à sécuriser le remboursement d’un prêt immobilier, dans un contexte marqué par l’adhésion à des contrats d’assurance de groupe standardisés.

La notice d’information est un document distinct du contrat de prêt. Elle doit être annexée à celui-ci conformément à l’article L. 313-29, 1° du Code de la consommation. Son objet est de porter à la connaissance de l’emprunteur les principales caractéristiques du contrat d’assurance proposé, en particulier :

  • Le nom et l’adresse de l’assureur ;
  • La durée de l’assurance ;
  • Les risques garantis ;
  • Les exclusions de garantie.

À travers ces éléments, la notice vise à offrir une présentation claire, accessible et synthétique des conditions essentielles de l’assurance. Elle joue ainsi un rôle décisif pour permettre à l’emprunteur de comprendre l’étendue réelle de la couverture à laquelle il adhère et de mesurer ses obligations.

La jurisprudence attache une importance primordiale à la délivrance et au contenu de la notice d’information. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont rappelé que la remise d’un simple exemplaire des conditions générales d’assurance, voire d’un prospectus commercial, ne saurait valoir remise valable d’une notice (Cass. 1re civ., 4 nov. 2003, n° 02-10.261).

En outre, les stipulations de la police d’assurance qui n’auraient pas été reproduites dans la notice ne sont pas opposables à l’adhérent. Ce principe protège l’assuré contre toute restriction de garantie non expressément portée à sa connaissance préalable.

La notice est ainsi considérée comme ayant, à certains égards, la même force que la police elle-même : son contenu détermine les droits et obligations de l’adhérent vis-à-vis de l’assureur.

La jurisprudence exige que la notice :

  • Soit explicite, claire et précise (Cass. 1re civ., 18 mars 2004, n° 03-11.273) ;
  • Soit rédigée de manière lisible et compréhensible (CA Paris, 13 sept. 2000) ;
  • Mentionne en caractères très apparents les clauses relatives aux exclusions, nullités ou déchéances de garantie (C. assur., art. L. 112-4).

À défaut, l’assureur pourrait être privé de la possibilité d’opposer certaines stipulations à l’assuré.

La charge de la preuve de la remise de la notice incombe au prêteur ou à l’assureur selon les cas. Cette preuve ne peut pas se déduire de la seule signature d’une mention type du type « lu et approuvé » ou de la signature d’un bulletin d’adhésion (Cass. 1re civ., 3 févr. 1993, n° 91-12.463).

En pratique, il est admis que l’impression de la notice au verso du bulletin d’adhésion, accompagnée d’un renvoi exprès au recto, constitue un mode de preuve suffisant.

La notice doit être annexée au contrat de prêt au moment de sa conclusion (C. consom., art. L. 313-29). Toutefois, certains arrêts ont suggéré qu’il serait préférable, dans un souci de meilleure protection de l’emprunteur, que cette remise intervienne dès l’offre préalable de crédit, afin que le candidat puisse comparer efficacement les différentes offres d’assurance (Cass. 1re civ., 20 janv. 1998, n° 95-20.207).

Lorsque l’assurance emprunteur est souscrite dans le cadre d’un contrat de groupe proposé par la banque prêteuse, c’est au prêteur, en tant que souscripteur du contrat collectif, qu’il appartient de remettre la notice à l’emprunteur (C. assur., art. L. 141-4).

En revanche, si l’emprunteur choisit de recourir à une assurance individuelle externe, la remise de la notice incombe à l’assureur individuel ou à son mandataire (C. assur., art. L. 112-2).

==>S’agissant du crédit à la consommation

À l’instar du crédit immobilier, le crédit à la consommation assorti d’une assurance impose également la remise d’une notice d’information à l’emprunteur. Cette exigence, désormais généralisée à toutes les assurances terrestres en vertu de l’article L. 112-2 du Code des assurances, trouve une application spécifique et renforcée en matière d’assurance emprunteur liée à un crédit à la consommation.

En effet, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit doit obligatoirement remettre à l’emprunteur une notice spécifique, sur support papier ou durable (C. consom., art. L. 312-29).

Cette notice contient un extrait des conditions générales du contrat d’assurance applicable à l’emprunteur et doit mentionner de manière claire :

  • Le nom et l’adresse de l’assureur ;
  • La durée de l’assurance ;
  • Les risques couverts ;
  • Les exclusions de garantie.

L’objectif est d’assurer une information complète sur la portée réelle de la couverture proposée, avant toute décision d’adhésion de l’emprunteur.

La remise de la notice vise à permettre à l’emprunteur de prendre sa décision en parfaite connaissance de cause. L’assurance emprunteur, dans le contexte du crédit à la consommation, étant fréquemment intégrée à une offre de crédit standardisée sans marge de négociation, l’emprunteur doit pouvoir s’appuyer sur la notice pour connaître précisément ses droits et obligations.

En conséquence, les clauses de la police d’assurance non reproduites dans la notice ne sont pas opposables à l’assuré, conformément à la jurisprudence constante en matière d’assurance emprunteur.

La notice doit répondre aux mêmes standards d’exigence que ceux imposés en matière de crédit immobilier :

  • Clarté et précision dans la description des garanties ;
  • Lisibilité effective, notamment pour les clauses relatives aux exclusions, nullités ou déchéances, qui doivent être rédigées en caractères très apparents (C. assur., art. L. 112-4).

Toute ambiguïté ou imprécision dans la rédaction de la notice est interprétée au bénéfice de l’assuré, selon le principe in favorem (Cass. 1re civ., 21 janv. 2003).

Comme pour le crédit immobilier, la preuve de la remise de la notice incombe au prêteur ou à l’assureur. Elle ne peut se déduire de la seule signature d’un bulletin d’adhésion ou d’une déclaration de type « lu et approuvé » (Cass. 1re civ., 3 févr. 1993, n° 91-12.463).

En pratique, la preuve peut être valablement établie par l’insertion de la notice au dos du bulletin d’adhésion, sous réserve d’un renvoi exprès et apparent au recto.

La notice doit être fournie avec l’offre de contrat de crédit et non postérieurement (C. consom., art. L. 312-29). Cette simultanéité vise à garantir que l’emprunteur dispose de l’ensemble des informations utiles dès la formulation de l’offre, afin de comparer efficacement les assurances éventuellement proposées par différents organismes.

Si l’assurance est exigée pour l’obtention du financement, l’offre de crédit doit en outre rappeler à l’emprunteur la faculté de souscrire une assurance équivalente auprès de l’assureur de son choix (C. consom., art. L. 312-29, al. 2).

Lorsque l’assurance est facultative, la notice doit également préciser les modalités de refus d’adhésion.

e. Les contrats d’assurance de groupe

ii. Notion

L’assurance de groupe, régie par les articles L. 141-1 et suivants du Code des assurances, désigne un mécanisme original par lequel une personne morale ou un chef d’entreprise (appelé «?souscripteur?») conclut un contrat d’assurance auprès d’un assureur, dans le but de proposer ensuite cette assurance à un ensemble de personnes (les «?adhérents?»). Ces adhérents doivent avoir avec le souscripteur un lien de même nature (par exemple : lien de travail, appartenance à une même association ou à une même profession).

Contrairement à l’assurance individuelle, l’adhésion à un contrat de groupe ne résulte pas d’une négociation directe entre l’assuré et l’assureur. Le contrat est préétabli entre le souscripteur et l’assureur, et l’adhérent y accède par une simple adhésion, souvent par l’envoi d’un bulletin d’adhésion.

Ce modèle, largement utilisé en pratique, concerne une grande variété de situations?: il est notamment employé par les banques pour garantir leurs prêts (assurances emprunteurs), par les employeurs pour couvrir leurs salariés (prévoyance, santé, retraite), ou encore par des groupements (sportifs, professionnels, associatifs) souhaitant mutualiser un risque au profit de leurs membres.

Le contrat d’assurance de groupe repose donc sur une structure tripartite :

  • Le souscripteur, qui conclut le contrat avec l’assureur ;
  • L’assureur, qui prend le risque en charge ;
  • L’adhérent, qui bénéficie des garanties en adhérant au contrat, sans être lui-même partie à la convention d’assurance.

Cette configuration emporte une conséquence majeure : le souscripteur s’interpose entre l’assureur et l’adhérent, devenant ainsi le vecteur exclusif des informations transmises à ce dernier. Il ne joue pas un rôle purement matériel de transmission : en raison de sa position contractuelle, le souscripteur devient un véritable intermédiaire d’information, placé entre l’assureur et l’adhérent, et assume à ce titre la responsabilité d’éclairer ce dernier sur les caractéristiques essentielles de l’assurance proposée. Cette interposition, expressément reconnue par l’article L. 141-6 du Code des assurances, confère au souscripteur un rôle central dans la formation du consentement de l’adhérent.

ii. L’obligation d’information

L’obligation d’information précontractuelle, dans le cadre des assurances de groupe, repose sur un principe simple mais essentiel?: permettre à l’adhérent de comprendre ce à quoi il s’engage et ce dont il bénéficie. Ce devoir d’information s’exprime de manière privilégiée par la remise, avant l’adhésion, d’un document spécifique?: la notice d’information.

Prévue à l’article L. 141-4 du Code des assurances, cette notice constitue le socle minimal d’information que le souscripteur est tenu de fournir à chaque adhérent. Elle a pour fonction de rendre accessibles et intelligibles les éléments essentiels du contrat?: les garanties proposées, leurs modalités d’entrée en vigueur, ainsi que les démarches à suivre en cas de sinistre. À travers cette exigence, le législateur entend garantir un consentement éclairé de l’adhérent, dans un dispositif où celui-ci n’a pas directement participé à la négociation du contrat.

==>Le débiteur de l’obligation d’information

Dans le cadre d’une assurance de groupe, le débiteur principal de l’obligation d’information à l’égard de l’adhérent est le souscripteur, et non l’assureur. Cette répartition des rôles s’explique par la structure tripartite du dispositif?: l’adhérent ne contracte pas directement avec l’assureur, mais adhère à une couverture préalablement négociée par le souscripteur, qui agit comme intermédiaire contractuel (C. assur., art. L. 141-6). Il lui revient donc d’assurer la transmission des informations essentielles permettant à l’adhérent d’évaluer la portée des garanties proposées.

L’article L. 141-4 du Code des assurances prévoit expressément deux obligations à la charge du souscripteur :

  • la remise à chaque adhérent d’une notice établie par l’assureur, qui doit définir «?les garanties et leurs modalités d’entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de sinistre?» ;
  • l’information écrite des adhérents en cas de modification du contrat, avec un préavis minimal de trois mois avant l’entrée en vigueur des changements.

La charge de la preuve de l’exécution de ces obligations pèse exclusivement sur le souscripteur (C. assur., art. L. 141-4, al. 3), ce que la jurisprudence rappelle avec constance (Cass. 1re civ., 6 nov. 2001, n° 98-20.518). Aucun formalisme contractuel – clause de style ou bulletin d’adhésion signé – ne saurait suppléer à la preuve d’une remise effective.

==>Le contenu et la forme de la notice

La notice constitue le support de l’obligation précontractuelle d’information dans les contrats groupe. Son contenu est strictement encadré : selon l’article L. 141-4, elle doit indiquer «?les garanties, leurs modalités d’entrée en vigueur et les formalités à accomplir en cas de sinistre?». A cet égard, il appartient à l’assureur de rédiger la notice, en vertu des dispositions issues de la loi du 31 décembre 1989, ce qui implique que toute imprécision ou carence dans son contenu engage sa responsabilité (Cass. 2e civ., 15 mai 2008, n°07-14.354).

La jurisprudence exige que la notice soit claire, complète, et intelligible. Une notice imprécise, lacunaire ou se contentant de renvoyer à d’autres documents non remis est jugée insuffisante (Cass. 1re civ., 20 déc. 1994). De même, des clauses d’exclusion ne figurant pas dans la notice mais insérées ailleurs ne sont pas opposables à l’adhérent.

Le principe de primauté de la notice s’est imposé : seul le contenu de la notice régulièrement remise peut être opposé à l’adhérent, à l’exclusion de stipulations figurant dans les conditions générales non portées à sa connaissance (Cass. 1re civ., 19 mai 1999, n°97-22.419). En cas de divergence entre la notice et la police, c’est la notice qui prévaut (Cass. 1re civ., 27 févr. 1996, n°93-14.685).

La forme de la notice fait également l’objet d’exigences précises. L’article A. 141-1 du Code des assurances prévoit qu’elle doit être fournie «?sous la forme d’un document spécifique, distinct de tout autre document contractuel ou précontractuel, établi en double exemplaire, signé et daté par l’adhérent, qui en conserve l’original?». Certaines dispositions, comme les clauses d’exclusion, doivent en outre être imprimées en caractères très apparents (Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n°98-11.212).

==>Circonstances de remise de la notice

La remise de la notice constitue certes l’expression principale de l’obligation légale d’information, mais elle ne saurait suffire lorsque son contenu se révèle imprécis, ambigu ou inadapté à la situation de l’adhérent. En pareil cas, la jurisprudence impose au souscripteur un devoir d’explication complémentaire, qui peut aller jusqu’à une véritable obligation de conseil.

Ce devoir implique que le souscripteur s’assure que l’adhérent a compris les garanties proposées, les exclusions, les éventuels délais de prescription, ainsi que toutes les conditions susceptibles d’affecter l’étendue ou l’efficacité de la couverture (telles que l’âge, l’état de santé ou la situation professionnelle).

Plusieurs arrêts illustrent cette exigence renforcée?: la responsabilité du souscripteur a été retenue pour avoir fourni des informations erronées (Cass. 2e civ., 3 juin 2004, n°03-13.896), omis de recommander des garanties complémentaires nécessaires (Cass. 1re civ., 14 janv. 2010, n°07-22.043), ou encore pour ne pas avoir attiré l’attention sur une condition d’âge limitant la garantie.

Ce devoir d’information renforcé ne s’épuise pas à l’adhésion. Il subsiste pendant toute la durée d’exécution du contrat, en particulier en cas de modification des garanties (C. assur., art. L. 141-4, al. 2). Il peut ainsi se doubler d’une obligation de mise à jour ou de réactualisation de l’information transmise à l’adhérent afin que celui-ci soit constamment en mesure de mesurer l’adéquation de la garantie à sa situation personnelle.

f. Les contrats d’assurance sur la vie

f1. Les assurances vie individuelles

i. Règles générales

==>La remise d’une note d’information

Au cœur du dispositif protecteur du souscripteur d’assurance vie, la remise d’une note d’information constitue bien plus qu’un acte préparatoire : elle s’érige en exigence substantielle, codifiée à l’article L. 132-5-2 du Code des assurances, et vise à garantir la transparence et l’intelligibilité d’un engagement souvent complexe, tant sur le plan technique que financier.

L’article L. 132-5-2 impose à l’assureur de remettre cette note avant la conclusion du contrat, sauf lorsque celui-ci a une durée inférieure ou égale à deux mois. Elle doit l’être contre récépissé, ce qui atteste de sa remise effective et constitue le point de départ du délai de renonciation de 30 jours prévu à l’article L. 132-5-1.

Cette formalité répond à une finalité claire : permettre au souscripteur de prendre sa décision en connaissance de cause, dans un environnement juridique et économique souvent technique, notamment en présence de contrats en unités de compte, multisupports ou dotés de clauses fiscales spécifiques.

Le contenu de la note d’information est fixé avec précision par l’article A. 132-4 du Code des assurances, qui énumère les informations essentielles devant y figurer :

  • la nature et l’objet des garanties souscrites,
  • les modalités de versement des primes,
  • les frais applicables,
  • les conditions de rachat et de transfert,
  • les mécanismes de participation aux bénéfices,
  • ainsi que les incidences fiscales du contrat.

La jurisprudence insiste avec constance sur le fait que la note d’information ne peut se fondre dans les conditions générales du contrat. Il ne suffit donc pas de mentionner les caractéristiques du produit au sein d’un document contractuel global et parfois touffu : la notice doit faire l’objet d’une remise distincte, intelligible et formalisée, afin de garantir une lecture immédiate et une compréhension en toute autonomie par le souscripteur (Cass. 2e civ., 8 déc. 2016, n° 15-26.086).

La présentation séparée de la note d’information relève d’une exigence de lisibilité et de structuration de l’information. En dissociant les données essentielles du contrat de l’ensemble souvent volumineux des conditions générales, le législateur entend garantir une présentation claire, synthétique et directement intelligible par le souscripteur. Il s’agit de rendre lisibles, d’un seul regard, les paramètres décisifs de l’engagement projeté?: garanties, frais, modalités de rachat, régime fiscal.

Ce dispositif trouve sa justification dans sa finalité pédagogique : éclairer le consentement par une information préalablement hiérarchisée et rendue intelligible, selon une logique de transparence renforcée. Ainsi, la remise d’un document distinct n’est pas une exigence de pure forme?: elle participe pleinement de l’économie protectrice du droit des assurances, en structurant l’accès à l’information et en facilitant l’appropriation du contrat par le souscripteur.

Mais l’exigence de transparence ne s’arrête pas là : elle impose à l’assureur de signaler non seulement ce que le contrat contient, mais aussi ce qu’il ne prévoit pas. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que lorsque certaines garanties couramment proposées font défaut — telles qu’un taux d’intérêt garanti ou une prime de fidélité — leur absence doit être explicitement mentionnée dans la note d’information, sous peine de rendre cette dernière incomplète (Cass. 2e civ., 11 mars 2021, n° 18-12.376).

Il ne s’agit pas simplement d’éviter une  simple imprécision qui serait accessoire, mais de prévenir un risque réel de méprise sur le contenu du contrat. En effet, l’absence de mention explicite sur l’inexistence d’une garantie généralement attendue — tel un taux d’intérêt garanti ou une clause de fidélité — peut entretenir une confusion chez le souscripteur, en laissant supposer, à tort, que cette garantie est présente. Le silence, dans ce contexte, devient équivoque.

C’est précisément cette ambivalence que vient sanctionner la jurisprudence, en assimilant l’omission d’une information significative à une présentation inexacte, au regard de l’exigence de loyauté et de transparence posée par l’article L. 132-27 du Code des assurances. Cette approche consacre une véritable obligation de sincérité : la note d’information ne saurait se réduire à une vitrine des avantages contractuels. Elle doit, dans une perspective de transparence complète, restituer fidèlement tant les éléments positifs que les limites et exclusions du contrat.

==>L’exigence d’un encadré en tête de proposition d’assurance

L’article L. 132-5-2 du Code des assurances impose, pour tout contrat d’assurance vie ou de capitalisation comportant une valeur de rachat ou de transfert, l’insertion en tête de la proposition ou du projet de contrat d’un encadré informatif, présenté en caractères très apparents. Ce dispositif, précisé par l’article A. 132-8, vise à isoler, dans un format normé et immédiatement accessible, les éléments essentiels du contrat afin de garantir au souscripteur une lecture claire et structurée des engagements qu’il s’apprête à souscrire.

Ce dispositif s’applique exclusivement aux contrats comportant une valeur de rachat ou de transfert, à l’exclusion des contrats d’une durée inférieure ou égale à deux mois. Il concerne tant les contrats individuels que les assurances de groupe visées à l’article L. 132-5-3, auxquels s’ajoute une mention spécifique sur la faculté de modification du contrat par voie d’avenants entre le souscripteur et l’assureur.

A cet égard, la fonction première de l’encadré est d’assurer une information claire et directement accessible, à travers un support visuel standardisé, placé en tête de la documentation précontractuelle. Loin d’être purement formelle, sa vocation est pédagogique: il vise à rendre immédiatement perceptibles les éléments essentiels du contrat, souvent noyés dans un corpus contractuel dense et technique.

Cette exigence présente une spécificité notable : lorsqu’il est correctement inséré et rédigé, l’encadré permet à la proposition ou au projet de contrat de tenir lieu de note d’information (C. assur., art. L. 132-5-2, al. 2). Il s’agit donc d’un mécanisme de substitution, admis sous condition stricte : le respect intégral des prescriptions de forme et de contenu prévues par l’article A. 132-8 est impératif. En cas de manquement, l’assureur ne peut se prévaloir de cette dispense, et s’expose aux sanctions de l’article L. 132-5-2 (notamment la prorogation du délai de renonciation).

L’article A. 132-8 dresse une liste exhaustive des mentions devant figurer dans l’encadré. Parmi celles-ci figurent :

  • La nature du contrat (assurance vie individuelle ou de groupe, ou contrat de capitalisation) ;
  • Les garanties offertes, y compris les garanties complémentaires non optionnelles, avec indication de l’existence ou non d’une garantie en capital pour les droits exprimés en euros, et un avertissement spécifique pour les unités de compte ;
  • La participation aux bénéfices, avec les pourcentages le cas échéant ;
  • La faculté de rachat ou de transfert, les délais de versement et la référence aux clauses correspondantes ;
  • Les frais regroupés par typologie : frais à l’entrée, en cours de contrat, de sortie, et autres frais (C. assur., art. R. 132-3), avec des renvois précis aux clauses détaillées ;
  • Une mention d’ordre général sur la durée recommandée du contrat, en lien avec la situation patrimoniale du souscripteur ;
  • Les modalités de désignation des bénéficiaires (références aux clauses concernées);
  • Un avertissement final, précisant que l’encadré ne dispense pas de la lecture complète de la documentation.

Sur le plan formel, l’encadré doit apparaître comme un espace parfaitement délimité, tant sur le fond que sur la forme. Il ne saurait être remplacé par un simple agencement typographique ou une présentation approximative. La Cour de cassation a ainsi censuré une cour d’appel qui avait considéré, à tort, que les premières lignes d’un document contractuel — bien que surmontées d’un titre, flanquées d’un trait vertical sur le côté et d’un bandeau horizontal — pouvaient être assimilées à un encadré au sens de la réglementation. En l’absence d’un véritable encadrement matériel, la haute juridiction a estimé que la cour d’appel avait dénaturé les pièces du dossier et violé l’article L. 132-5-2 (Cass. 2e civ., 22 oct. 2015, n° 14-25.533).

Cette rigueur n’est pas accessoire : elle est le corollaire de la fonction pédagogique assignée à ce support. L’encadré ne peut être noyé dans le corps du texte, dissimulé dans une notice ou relégué dans un document annexe. Il doit apparaître avec clarté, en ouverture du contrat, dans une présentation normée, lisible et immédiatement perceptible par tout souscripteur, professionnel ou non.

À défaut, toute altération de sa forme, tout contenu incomplet ou toute perte de visibilité est de nature à entacher la régularité de l’information précontractuelle. Une telle irrégularité peut alors justifier la prorogation du délai de renonciation, dans les conditions fixées à l’article L. 132-5-1, dès lors que le souscripteur ne peut être réputé avoir été valablement informé.

==>Sanctions

Le non-respect des formalités d’information prévues à l’article L. 132-5-2 du Code des assurances n’est pas sans conséquence. Le législateur et la jurisprudence ont prévu un régime de sanctions particulièrement protecteur du souscripteur, reflet de la place centrale que revêt l’information dans la formation du contrat d’assurance vie. Deux types de sanctions peuvent être distingués : l’une affectant le délai de renonciation, l’autre touchant l’opposabilité des stipulations contractuelles.

  • Prorogation du délai de renonciation
    • Conformément à l’article L. 132-5-1 du Code des assurances, le souscripteur dispose, en principe, d’un délai de 30 jours calendaires pour renoncer au contrat, à compter du moment où il est informé de la conclusion du contrat et où les documents précontractuels lui ont été remis.
    • En cas de manquement à cette remise (note d’information, encadré, projet de lettre de renonciation…), ce délai ne commence à courir qu’à compter de la communication effective de ces documents, avec une limite maximale de huit années après la conclusion du contrat.
    • Initialement, la jurisprudence considérait que cette prorogation était automatique et de plein droit (Cass. 2e civ., 22 mai 2014, n°13-19.233).
    • Cette solution rigoureuse a conduit à des stratégies opportunistes : certains souscripteurs, confrontés à des pertes sur unités de compte ou à une baisse des marchés, exerçaient leur droit de renonciation tardivement, en invoquant l’absence de documentation conforme.
    • Pour contenir ces abus, la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 a introduit une exigence de bonne foi : la prorogation n’est acquise que si le souscripteur n’a pas eu connaissance des manquements lors de la souscription. La jurisprudence a entériné cette évolution.
    • Elle vérifie désormais si la renonciation tardive a été exercée dans un but légitime ou de manière abusive (Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-14.743).
    • L’appréciation de la bonne foi se fait au regard de la qualité du contractant (épargnant averti ou non), des informations dont il disposait effectivement, et du contexte dans lequel il a exercé son droit (Cass. 2e civ., 7 févr. 2019, n° 17-27.223).
  • Inopposabilité des clauses non portées à la connaissance du souscripteur
    • En complément du droit de renonciation, le manquement à l’obligation d’information peut entraîner une autre sanction classique du droit des contrats : l’inopposabilité des stipulations non portées à la connaissance du cocontractant.
    • En matière d’assurance vie, cette sanction prend un relief particulier.
    • Elle peut concerner des clauses essentielles du contrat, notamment :
      • des dispositions relatives aux frais (absence d’indication des frais de gestion ou d’entrée),
      • la participation aux bénéfices (information floue ou absente),
      • les valeurs de rachat ou de transfert (omission dans la note ou dans l’encadré),
      • ou encore le régime de la garantie décès (information partielle ou ambiguë).
    • Plusieurs décisions ont admis l’inopposabilité de telles clauses lorsque l’assureur avait manqué à ses obligations précontractuelles (v. CA Papeete, 5 avr. 2001, n° 363/CIV/98).
    • Ces décisions illustrent le rôle central de l’information : elle n’est pas seulement accessoire, mais conditionne la portée juridique de nombreuses stipulations contractuelles.

ii. Règles spéciales

Si tous les contrats d’assurance vie sont soumis à un socle commun d’exigences, certains produits, par leur structuration financière, appellent des règles spécifiques. Il en va ainsi des contrats comportant une valeur de rachat ou exprimés en unités de compte, qui, au-delà de leur nature assurantielle, s’inscrivent dans une logique d’investissement et exposent le souscripteur à des risques de marché. Ce double ancrage a conduit le législateur, sous l’impulsion du droit européen (dir. 2016/97 et règ. délégué 2017/2359), à imposer une information renforcée et adaptée.

==>Les contrats assortis de valeurs de rachat

L’article L. 132-5-2 du Code des assurances impose, pour tous les contrats d’assurance sur la vie ou de capitalisation comportant une valeur de rachat, que la proposition ou le projet de contrat comporte un tableau indiquant, au terme de chacune des huit premières années, à la fois les valeurs de rachat estimées et le cumul des primes versées. Cette exigence, d’ordre public, vise à garantir la transparence du rendement prévisible du contrat, et à permettre au souscripteur d’évaluer la liquidité de son investissement dans la durée.

Lorsque les valeurs de rachat ne peuvent être déterminées avec certitude au moment de la souscription — ce qui est fréquent pour les contrats exprimés en unités de compte ou en parts de provision de diversification — l’assureur doit alors indiquer les valeurs minimales disponibles ainsi que le mécanisme de calcul des valeurs de rachat ou de transfert (art. L. 132-5-2, al. 5 et art. A. 132-4-1 du Code des assurances). À défaut, il lui appartient de préciser expressément qu’aucune valeur minimale ne peut être établie, et de fournir une simulation illustrée conformément aux dispositions de l’article A. 132-5-2 du Code des assurances.

Dans les contrats exprimés en unités de compte, l’information devient nécessairement probabiliste : l’assureur présente alors des simulations de valeurs de rachat ou de transfert pour les huit premières années, reposant sur trois hypothèses économiques standardisées (hausse, baisse, stabilité des marchés). Ces simulations doivent inclure l’ensemble des frais applicables, notamment ceux qui grèvent la provision mathématique ou les unités de compte, y compris lorsque leur montant exact ne peut être déterminé à la souscription. L’assureur est alors tenu d’indiquer, en caractères très apparents, que certains prélèvements ne sont pas plafonnés (C. ass. A. 132-4-1, A. 132-5-2).

Cette exigence est particulièrement rigoureuse pour les contrats à provision de diversification : en vertu de l’article A. 132-5-2, les simulations doivent refléter différents scénarios combinant variations du taux d’actualisation et fluctuations de la valeur des parts, et intégrer les paramètres susceptibles d’évoluer au cours du contrat. Il doit en outre être précisé, avec toute la clarté requise, que l’assureur ne garantit que le nombre de parts, et non leur valeur en euros (C. ass. art. A. 132-4, A. 132-5-2, I et II).

Cette présentation chiffrée est doublée d’une explication littéraire, insérée sous le tableau, explicitant les hypothèses retenues et les modalités de calcul. Cette articulation entre données chiffrées et commentaire pédagogique permet d’éviter toute illusion quant à la sécurité ou à la rentabilité du contrat.

L’omission de cette information, ou une présentation approximative ou incomplète, est sanctionnée par la jurisprudence : elle peut entraîner l’inopposabilité des clauses concernées ou la prorogation du délai de renonciation prévue à l’article L. 132-5-1.

==>Les contrats multisupports

Pour les contrats multisupports, qui permettent une allocation différenciée entre différents actifs — euros, unités de compte, parts de provision de diversification — l’obligation d’information atteint un degré de sophistication supplémentaire. La réglementation impose la remise du document d’informations clés (DIC PRIIPs), ou à défaut une information équivalente sur les supports choisis (C. assur., art. A. 132-4, A. 132-6, A. 132-9-2). Cette documentation doit faire apparaître les caractéristiques principales de chaque support, leur profil de risque, les frais, la liquidité, et préciser que les valeurs de rachat ou de transfert peuvent être soumises à des aléas de marché, non plafonnés, potentiellement défavorables au souscripteur.

L’encadré d’information, prévu par l’article A. 132-8, joue ici un rôle clé de mise en garde. Il doit notamment mentionner, en caractères très apparents, que les sommes investies sur les unités de compte « ne sont pas garanties mais sujettes à des fluctuations à la hausse ou à la baisse », que « la durée du contrat recommandée dépend de la situation patrimoniale et de l’attitude du souscripteur vis-à-vis du risque », et renvoyer explicitement au conseil personnalisé de l’assureur. Le législateur a ainsi entendu responsabiliser l’intermédiaire, tenu à une obligation de conseil spécifique, centrée non plus sur le seul aléa assuré, mais sur le profil d’investisseur du souscripteur.

f2. Les assurances vie collectives

Les assurances vie collectives à adhésion facultative souscrites dans le cadre d’un groupe ouvert, en dehors du champ d’application de la loi Évin, obéissent à un régime d’information précontractuelle spécifique. En vertu de l’article L. 141-6 du Code des assurances, le souscripteur du contrat – souvent une association d’épargnants – est réputé agir comme mandataire de l’entreprise d’assurance auprès des adhérents, sauf pour les actes sur lesquels ces derniers ont été préalablement informés. Cette règle implique que certaines décisions ou caractéristiques du contrat nécessitent une information individualisée, formalisée dans un document distinct, signé et daté par l’adhérent, remis en deux exemplaires dont l’un lui est conservé.

Ce dispositif est renforcé lorsque le contrat présente une valeur de rachat ou de transfert et que l’adhésion n’est pas imposée par un lien hiérarchique ou statutaire. Dans ce cas, l’article L. 132-5-3 du Code des assurances impose la remise d’une notice d’information intégrant, outre les éléments requis par l’article L. 141-4, ceux figurant dans la note mentionnée à l’article L. 132-5-2. Cette notice doit notamment contenir un encadré d’avertissement en tête du document, les valeurs de rachat ou de transfert dans les conditions définies, ainsi que les modalités d’exercice de la faculté de renonciation. Elle doit également mentionner l’objet social et les coordonnées du souscripteur, et informer l’adhérent de la possibilité que ses droits soient modifiés par avenant, dont les modalités d’adoption doivent lui être communiquées.

Ce renforcement de l’obligation d’information vise à pallier le déséquilibre structurel entre l’adhérent et le souscripteur, et à permettre au premier d’opérer un choix libre et éclairé. Cette exigence s’inscrit également dans une logique européenne. La Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt du 24 février 2022, a affirmé que les contrats d’assurance vie de type unit-linked, même souscrits collectivement, doivent donner lieu à une information préalable complète (CJUE, n° C-143/20, Arrêt de la Cour, A contre O et G. W. et E. S. contre A.). Celle-ci doit porter sur les caractéristiques essentielles des actifs représentatifs, leur nature économique et juridique, ainsi que les risques structurels qui y sont attachés. Ces informations doivent être remises avant la signature de l’adhésion, en temps utile, afin que le consommateur puisse comparer et comprendre les engagements qu’il souscrit. Il n’est cependant pas nécessaire que toutes les informations financières détaillées relatives aux actifs sous-jacents soient transmises, dès lors que l’essentiel est communiqué de façon claire, précise et compréhensible.

En l’absence d’harmonisation complète, la directive 2002/83/CE laisse aux États membres le soin de fixer les modalités de cette information. En droit français, son inexécution peut entraîner la responsabilité du professionnel, voire, dans certains cas, la remise en cause du consentement. La CJUE admet par ailleurs que l’omission d’une information essentielle puisse constituer une pratique commerciale trompeuse au sens de la directive 2005/29/CE.

Enfin, ce régime s’étend aux contrats collectifs souscrits par les mutuelles ou les institutions de prévoyance, lorsque les garanties sont exprimées en unités de compte. En vertu des articles L. 221-4 du Code de la mutualité et L. 932-15 du Code de la sécurité sociale, ces organismes doivent fournir à l’adhérent une information analogue à celle prévue par le Code des assurances : nature des unités, absence de garantie sur leur valeur, frais applicables, et documents de référence. Il s’agit là d’une convergence normative progressive, fondée sur le principe d’équivalence entre les acteurs, quelles que soient leur forme ou leur statut.

g. Les produits d’investissement fondés sur l’assurance

À la frontière entre assurance et investissement, certains contrats d’assurance vie — notamment les contrats multisupports — ne se contentent plus de garantir un aléa de vie : ils organisent une véritable opération de placement. En permettant au souscripteur d’allouer son épargne sur des actifs financiers (actions, obligations, immobilier, etc.), ces produits exposent son capital aux risques de marché, sans qu’il ne détienne directement les actifs sous-jacents.

Cette transformation de l’assurance vie en outil d’investissement a conduit le droit européen à s’écarter des classifications juridiques traditionnelles. Plutôt que de s’en tenir à la forme du contrat, il retient une approche fonctionnelle : dès lors qu’un produit permet à un investisseur de détail de s’exposer à des actifs de marché via un contrat d’assurance, il doit relever d’un régime spécifique. C’est cette logique qui a présidé à l’adoption du règlement (UE) n° 1286/2014, instituant la catégorie des produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (PRIIPs).

i. La notion de PRIIP

La catégorie des produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance, introduite par le règlement (UE) n° 1286/2014 du 26 novembre 2014, résulte d’une volonté d’harmonisation européenne de la protection des investisseurs de détail. Il s’agit de couvrir les produits hybrides situés à l’intersection de l’assurance et de la finance, en particulier les contrats d’assurance vie qui, sans renier leur finalité assurantielle, intègrent un objectif d’investissement soumis à des aléas de marché. Aux termes de l’article 4, § 3, du règlement, est considéré comme PRIIP tout produit comportant une valeur de rachat exposée, directement ou indirectement, à la performance d’un ou plusieurs actifs sous-jacents — sans que l’investisseur n’en détienne la propriété directe.

Par cette approche fonctionnelle, le droit de l’Union entend soumettre ces produits à un standard élevé de transparence, dans le but de favoriser la comparabilité entre instruments financiers concurrents, d’améliorer la lisibilité des risques assumés et de prévenir les arbitrages réglementaires entre secteurs. Ainsi, sont concernés les contrats d’assurance vie en unités de compte, les contrats multisupports, les produits structurés à formule, mais aussi, plus largement, des instruments collectifs comme les SCPI, OPCI ou fonds à formule, dès lors qu’ils sont packagés et proposés à une clientèle de détail.

Le critère déterminant tient à l’existence d’un emballage financier (packaging) faisant écran entre l’investisseur et les actifs sous-jacents, dans le cadre d’une opération standardisée, assortie d’une promesse de rendement ou d’un scénario de valorisation, souvent opaque. La dimension assurantielle, dès lors qu’elle devient accessoire à la logique d’investissement, justifie l’intégration du produit dans le champ d’application du règlement PRIIPs, lequel complète les règles de distribution posées par la directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurances (DDA), elle-même transposée aux articles L. 521-1 et suivants du Code des assurances.

ii. Les obligations d’information spécifiques liées à la qualification de PRIIP

En tant que PRIIPs, les contrats d’assurance vie en unités de compte ou multisupports sont soumis à une obligation précontractuelle d’information renforcée, matérialisée par la remise d’un Document d’Informations Clés (DIC) avant toute souscription. Ce document, qui s’est substitué depuis 2018 à l’ancien DICI (document d’information clé pour l’investisseur), vise à présenter en trois pages maximum les caractéristiques essentielles du produit, sous un format lisible, normé et comparable. Son contenu est défini aux articles 6 à 8 du règlement (UE) n° 1286/2014 et comprend : la nature du produit, son profil de risque et de rendement, des scénarios de performance (y compris défavorable), les frais directs et indirects, la durée de détention recommandée, et les conséquences d’un désinvestissement anticipé.

La remise du DIC constitue une information précontractuelle autonome, indépendante de la note d’information contractuelle exigée par les articles L. 132-5-2 et A. 132-4 du Code des assurances. Cette coexistence des instruments suppose une articulation rigoureuse. En pratique, le DIC complète et, pour une part, se substitue à l’information sur les supports, notamment lorsque ceux-ci relèvent du champ des PRIIPs. Ainsi, pour chaque unité de compte sélectionnée par le souscripteur, la remise du DIC peut valablement tenir lieu d’information spécifique, à condition d’être effectuée contre récépissé (C. assur., art. A. 132-4, annexe, A. 132-4-3 et A. 132-6).

Pour les contrats multisupports, la sophistication de l’offre justifie un degré supplémentaire d’exigence. L’article A. 132-4 du Code des assurances prévoit que la note d’information doit mentionner les unités de compte de référence, les dates de conversion des primes, les modalités d’obtention des documents réglementaires, ainsi qu’un tableau de valeurs de rachat exprimées en parts ou en unités, accompagné d’une explication littérale. L’encadré d’information prévu par l’article A. 132-8 joue un rôle clé d’avertissement sur la nature non garantie des investissements en unités de compte et la nécessité d’un conseil personnalisé. Il est exigé que l’encadré précise que la valeur des unités peut fluctuer à la hausse comme à la baisse, et que l’assureur ne garantit que leur nombre, non leur valeur.

En cas de manquement à l’obligation de remise du DIC, la responsabilité civile de l’initiateur est susceptible d’être engagée en vertu de l’article 11 du règlement PRIIPs, à la condition que le document soit trompeur, inexact, ou incohérent avec les autres documents contractuels. En France, la jurisprudence a d’ores et déjà admis que l’absence ou l’insuffisance d’information sur la structure du produit, sa durée ou ses risques spécifiques pouvait fonder une action en nullité pour vice du consentement ou engager la responsabilité de l’assureur.

La logique sous-jacente au dispositif PRIIPs est donc celle d’une responsabilisation renforcée de l’intermédiaire, tenu de proposer un produit adapté au profil de l’investisseur, dans un cadre normatif qui rapproche les standards assurantiels de ceux applicables aux instruments financiers régis par la directive MIF 2.

2. Conclusion du contrat dans le cadre d’une vente à distance

À l’heure où les parcours de souscription se digitalisent à grande vitesse, la commercialisation à distance des produits d’assurance tend à devenir la norme plutôt que l’exception. Portée par la généralisation des technologies numériques — qu’il s’agisse de la souscription en ligne, via une application mobile, ou encore par téléphone —, cette modalité de distribution marque une rupture avec le modèle traditionnel fondé sur la relation en face-à-face entre le professionnel et le souscripteur.

Si cette évolution présente des atouts indéniables en termes de réactivité, d’accessibilité et d’optimisation des coûts, elle emporte en contrepartie une dilution du lien contractuel, au sein duquel l’assuré, désormais isolé, se trouve confronté à un produit complexe sans bénéficier du cadre d’échange protecteur qu’offrait la présence physique du distributeur.

Dans ce contexte de dématérialisation croissante, le rôle de l’information précontractuelle prend une ampleur toute particulière. Elle ne constitue plus seulement un préalable formel à la conclusion du contrat : elle devient la condition essentielle, sinon indispensable d’un consentement éclairé. En permettant au souscripteur de connaître avec précision la nature, l’étendue et les implications de l’engagement qu’il s’apprête à souscrire, l’obligation d’information s’érige en véritable pilier de la formation du contrat à distance, et en instrument central de protection de la partie faible.

a. Les textes applicables

La commercialisation à distance de produits d’assurance est régie par l’article L. 112-2-1 du Code des assurances lequel, par un mécanisme de renvoi, doit être combiné aux dispositions du Code de la consommation régissant la vente à distance. Ce renvoi permet d’assurer une cohérence d’ensemble entre les règles propres au droit des assurances et les règles de protection du souscripteur prévues pour l’ensemble des opérations financières conclues à distance.

Plus précisément, l’article L. 112-2-1 renvoie aux articles L. 222-1 à L. 222-3, L. 222-6, L. 222-13 à L. 222-18, L. 232-4 et L. 242-15 du Code de la consommation, dont les principales dispositions concernent notamment les modalités d’information précontractuelle, les supports de communication utilisés, et les obligations spécifiques de transparence à l’égard du consommateur.

Pour l’application de ce dispositif, le texte opère une adaptation terminologique : le «?consommateur?» au sens du Code de la consommation doit être entendu comme le souscripteur personne physique agissant à des fins non professionnelles (C. assur., art. L. 112-2-1, I, 2° a)), tandis que le «?fournisseur?» désigne l’assureur ou l’intermédiaire d’assurance (art. L. 112-2-1, I, 2° b)).

Ce régime s’applique à l’ensemble des opérateurs du secteur assurantiel autorisés à proposer des contrats au public, soit:

  • les entreprises d’assurance, régies par le Code des assurances ;
  • les mutuelles et unions de mutuelles, relevant du Code de la mutualité ;
  • les institutions de prévoyance et leurs unions, soumises au Code de la sécurité sociale.

b. La notion de vente à distance

La commercialisation à distance de produits d’assurance s’inscrit dans le cadre consumériste plus général des “contrats conclus à distance”, tel qu’il est défini à l’article L. 221-1, 1° du Code de la consommation. Selon ce texte, il s’agit de :

« tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat ».

Cette définition est expressément reprise par l’article L. 112-2-1 du Code des assurances, qui l’applique spécifiquement à la fourniture à distance d’opérations d’assurance.

Il ressort de ces deux texte que deux conditions cumulatives doivent être réunies pour que le régime de la vente à distance trouve à s’appliquer à la commercialisation de produits d’assurance à distance:

  • D’une part, l’absence de toute rencontre physique entre le professionnel et le souscripteur, non seulement lors de la conclusion du contrat, mais pendant l’ensemble du processus de souscription ;
  • D’autre part, l’utilisation exclusive d’une ou plusieurs techniques de communication à distance, telles qu’un site internet, une application mobile ou encore un échange de courriels.

Autrement dit, ce n’est pas la seule utilisation d’un outil numérique qui suffit à caractériser une vente à distance, mais la dématérialisation complète et continue du processus contractuel, depuis la présentation de l’offre jusqu’à l’expression du consentement du souscripteur.

En matière d’assurance, cette définition vise notamment les contrats souscrits en ligne sur les plateformes des assureurs ou des courtiers, les adhésions réalisées via des applications mobiles, ainsi que les souscriptions conclues par téléphone, dès lors qu’aucun contact physique n’est intervenu entre les parties.

La doctrine souligne que ce type de distribution, bien qu’efficace et accessible, affaiblit le cadre traditionnel du face-à-face contractuel, et justifie en conséquence un renforcement du devoir d’information. Comme le relève à juste titre Jean Bigot, la vente à distance repose sur une logique de dissociation physique qui fragilise la transparence de la relation contractuelle, et appelle en retour un renforcement du cadre informationnel.

Il convient également de distinguer la vente à distance du contrat conclu « hors établissement », au sens de l’article L. 221-1, 2° du Code de la consommation, qui suppose quant à lui une rencontre physique, même si celle-ci a lieu dans un lieu non habituel ou après démarchage.

c. Le contenu de l’information à délivrer

L’article L. 112-2-1, III du Code des assurances énumère de manière détaillée les éléments d’information que le professionnel est tenu de porter à la connaissance du souscripteur avant la conclusion d’un contrat d’assurance à distance. Ces informations ont vocation à garantir que l’engagement du souscripteur repose sur une compréhension claire et complète des termes et conditions contractuels. Leur communication constitue ainsi une condition de validité du processus de souscription à distance.

Aussi, les informations à fournir avant tout engagement du souscripteur sont les suivantes :

  • La dénomination de l’entreprise d’assurance contractante, l’adresse de son siège social, lorsque l’entreprise d’assurance est inscrite au registre du commerce et des sociétés, son numéro d’immatriculation, les coordonnées de l’autorité chargée de son contrôle ainsi que, le cas échéant, l’adresse de la succursale qui propose la couverture ou l’identité, l’adresse de l’intermédiaire d’assurance et son numéro d’immatriculation au registre mentionné au I de l’article L. 512-1 ;
  • Le montant total de la prime ou cotisation ou, lorsque ce montant ne peut être indiqué, la base de calcul de cette prime ou cotisation permettant au souscripteur de vérifier celle-ci ;
  • La durée minimale du contrat ainsi que les garanties et exclusions prévues par celui-ci ;
  • La durée pendant laquelle les informations fournies sont valables, les modalités de conclusion du contrat et de paiement de la prime ou cotisation ainsi que l’indication, le cas échéant, du coût supplémentaire spécifique à l’utilisation d’une technique de commercialisation à distance ;
  • L’existence ou l’absence d’un droit à renonciation et, si ce droit existe, sa durée, les modalités pratiques de son exercice notamment l’adresse à laquelle la notification de la renonciation doit être envoyée. Le souscripteur doit également être informé du montant de prime ou de cotisation que l’assureur peut lui réclamer en contrepartie de la prise d’effet de la garantie, à sa demande expresse, avant l’expiration du délai de renonciation ;
  • La loi sur laquelle l’assureur se fonde pour établir les relations précontractuelles avec le consommateur ainsi que la loi applicable au contrat et la langue que l’assureur s’engage à utiliser, avec l’accord du souscripteur, pendant la durée du contrat ;
  • Les modalités d’examen des réclamations que le souscripteur peut formuler au sujet du contrat et de recours à un processus de médiation dans les conditions prévues au titre V du livre Ier du code de la consommation, sans préjudice pour lui d’intenter une action en justice ainsi que, le cas échéant, l’existence de fonds de garantie ou d’autres mécanismes d’indemnisation.
  • Le document d’information normalisé prévu par l’article L. 112-2 pour les assurances portant sur un risque non-vie.

En complément, l’article L. 112-2-1, IV impose, pour les contrats d’assurance sur la vie, la communication d’informations supplémentaires :

  • le montant maximal des frais prélevés par l’assureur ;
  • en cas de garanties exprimées en unités de compte, les caractéristiques principales de ces unités (risques, valorisation, etc.) ;
  • la précision selon laquelle l’assureur ne s’engage que sur le nombre d’unités de compte, et non sur leur valeur, laquelle est susceptible de variations à la hausse comme à la baisse ;
  • les informations prévues à l’article L. 522-3, relatives notamment aux rémunérations des intermédiaires.

Enfin, en application de l’article R. 112-4 du Code des assurances, ces informations doivent:

  • être présentées de manière claire, compréhensible et non équivoque ;
  • être communiquées par tout moyen adapté à la technique de commercialisation à distance utilisée (support papier, électronique, ou tout autre support durable accessible au souscripteur).

Elles doivent en outre être conformes à la loi applicable au contrat, et refléter avec exactitude les obligations contractuelles futures.

d. Les modalités de délivrance de l’information

La qualité de l’information précontractuelle ne dépend pas uniquement de son contenu: encore faut-il qu’elle soit transmise dans des conditions matérielles permettant au souscripteur d’en prendre réellement connaissance. Le Code des assurances précise donc les modalités pratiques selon lesquelles cette information doit être communiquée, en tenant compte du canal de commercialisation utilisé.

Conformément à l’article R. 112-4 du Code des assurances, l’information doit être transmise par tout moyen adapté à la technique de commercialisation à distance utilisée. Autrement dit, le mode de transmission doit être cohérent avec le support employé (site internet, application mobile, appel téléphonique, etc.), et permettre une lecture claire et intelligible par le souscripteur.

En tout état de cause, les informations précontractuelles doivent être mises à disposition du souscripteur sur un support durable, conformément à l’article L. 111-9 du Code des assurances. Ce texte définit le support durable comme :

«?tout instrument offrant la possibilité à l’assuré, à l’assureur, à l’intermédiaire ou au souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement, afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées, et qui permet la reproduction à l’identique des informations conservées.?»

Cette exigence vise à garantir que le souscripteur puisse accéder, consulter et conserver durablement les informations essentielles, dans des conditions de pérennité et de sécurité suffisantes. Sont ainsi généralement considérés comme supports durables :

  • un document papier ;
  • un fichier PDF horodaté ;
  • un e-mail non modifiable ;
  • ou un espace personnel sécurisé sur le site de l’assureur.

L’objectif est de permettre au souscripteur de disposer, à tout moment et sans altération, des données qui fondent son engagement contractuel, dans un format qu’il peut archiver, reproduire et consulter librement.

Des règles spécifiques s’appliquent en cas de communication par téléphone. L’article R. 112-4 du Code des assurance impose que :

  • En premier lieu, le nom de l’assureur et le caractère commercial de l’appel soient annoncés clairement dès le début de la conversation ;
  • En deuxième lieu, l’interlocuteur précise son identité et son lien avec l’assureur ;
  • En troisième lieu, seules certaines informations essentielles (celles mentionnées aux 2°, 3° et 5° de l’article L. 112-2-1, III) puissent être communiquées oralement, et à la condition que le souscripteur y consente expressément ;
  • En dernier lieu, il soit indiqué au souscripteur que les autres informations peuvent lui être communiquées sur simple demande, dans des conditions lui garantissant une consultation réelle et durable.

En dehors de ce cas particulier, l’ensemble des informations requises par l’article L. 112-2-1 doit être transmis avant tout engagement du souscripteur, sur un support durable, quelle que soit la technique de communication utilisée.

En somme, la validité de l’information précontractuelle ne dépend pas seulement de ce qui est dit, mais aussi de la façon dont cela est transmis. L’assureur doit veiller à ce que l’information soit effectivement accessible, lisible et conservable, faute de quoi il s’expose à des sanctions pour manquement à son obligation d’information.

e. Le moment de la délivrance de l’information

Le principe, posé à l’article L. 112-2-1, III du Code des assurances, est clair : l’information précontractuelle doit être communiquée au souscripteur en temps utile, avant la conclusion du contrat. Ce critère d’antériorité vise à garantir que le consentement du souscripteur repose sur une connaissance complète des éléments essentiels du contrat, et non sur une adhésion précipitée ou insuffisamment éclairée.

Cette exigence de remise préalable de l’information s’impose de manière générale, quelle que soit la technique de communication à distance utilisée. Toutefois, une exception est prévue à l’article R. 112-4, alinéa 2, pour les hypothèses où le contrat est conclu à l’initiative du souscripteur, notamment dans le cadre d’un appel « entrant », ou lorsqu’une technique de commercialisation à distance ne permet pas la remise immédiate de l’information sur un support durable (par exemple, un échange téléphonique suivi d’une souscription verbale).

Dans ce cas particulier, il est admis que l’information puisse être transmise immédiatement après la conclusion du contrat, à condition toutefois que cette transmission intervienne dans les plus brefs délais et dans les conditions prévues par le Code de la consommation (v. not. art. L. 221-13).

Cette tolérance ne remet cependant nullement en cause le caractère impératif de l’obligation d’information. En toutes hypothèses, le professionnel est tenu de fournir l’intégralité des informations exigées par les articles L. 112-2-1 et R. 112-4, sur un support durable, et de manière claire, lisible et compréhensible. Une communication orale, même détaillée, ne saurait suffire, pas plus qu’une transmission partielle ou tardive.

La jurisprudence et l’ACPR ont d’ailleurs rappelé que le non-respect de cette exigence constitue une défaillance grave du professionnel, susceptible de justifier des sanctions disciplinaires et pécuniaires. Tel fut notamment le cas dans la décision de la Commission des sanctions de l’ACPR n° 2017-09 du 26 février 2018, rendue à l’encontre d’un intermédiaire en assurances ayant commercialisé des contrats de prévoyance par téléphone. Il lui était reproché de conclure les contrats à l’issue de simples conversations téléphoniques, à son initiative exclusive, sans remise préalable au souscripteur d’une information complète sur support durable, en violation manifeste des articles L. 112-2-1 et R. 112-4 du Code des assurances, ainsi que des dispositions du Code de la consommation.

La Commission des sanctions a relevé que les conditions permettant de déroger à l’obligation de remise anticipée sur support durable – notamment l’initiative du consommateur – n’étaient pas réunies. De surcroît, les informations communiquées oralement au cours des appels étaient jugées incomplètes, imprécises, parfois inexactes, notamment en ce qui concerne l’identité de l’intermédiaire, la nature contractuelle de l’adhésion, les exclusions de garantie, ou encore les modalités de réclamation.

Considérant la gravité des manquements, en particulier le non-respect du devoir d’information dans un contexte de vente à distance à une clientèle fragile, la Commission a prononcé une sanction pécuniaire de 150 000 euros ainsi qu’un blâme à l’encontre du professionnel concerné. Elle a rappelé que l’absence de transmission préalable des informations essentielles sur un support durable porte directement atteinte à la faculté du consommateur de contracter en connaissance de cause

f. Les sanctions applicables

Le régime de la commercialisation à distance repose sur une exigence d’information renforcée, à laquelle l’assureur ou son intermédiaire ne peut se soustraire sans s’exposer à des conséquences juridiques. Le législateur a mis en place un dispositif de sanctions destiné à garantir l’effectivité de cette obligation dans un environnement de souscription où la dématérialisation rend le souscripteur plus vulnérable.

Sur le plan administratif, l’article L. 112-2-1, VI du Code des assurances prévoit que les manquements aux obligations d’information sont constatés et sanctionnés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dans les conditions définies au titre III du livre III du code. L’ACPR peut ainsi prononcer, selon la gravité des faits, un avertissement, un blâme, une interdiction d’exercice, ou une sanction pécuniaire, assortie éventuellement d’une publication de la décision.

En complément, l’article R. 112-5 du même code réprime plus spécifiquement l’absence matérielle des informations prévues au III de l’article L. 112-2-1, en la qualifiant de contravention de cinquième classe, passible d’une amende pouvant atteindre 1 500 euros, montant porté à 3 000 euros en cas de récidive. Ce volet pénal, bien que secondaire par rapport aux pouvoirs disciplinaires de l’ACPR, souligne le caractère impératif de ces obligations.

Le droit de la consommation vient en renfort de ce dispositif. L’article L. 221-7 du Code de la consommation prévoit que la charge de la preuve du respect des obligations d’information incombe exclusivement au professionnel. En cas de litige, il revient donc à l’assureur ou à son intermédiaire de démontrer qu’il a bien fourni, en temps utile et sur un support durable, l’ensemble des informations prescrites.

Enfin, les juridictions civiles peuvent, en cas de manquement constaté, prononcer des sanctions civiles telles que l’annulation du contrat pour vice du consentement, ou ordonner le remboursement des primes perçues, notamment si le droit de renonciation n’a pu être exercé en raison d’un défaut d’information. La jurisprudence en a donné plusieurs illustrations, en particulier en matière d’assurance vie ou de prévoyance à adhésion téléphonique.

Contrat d’assurance: de la distinction entre l’obligation d’information, le devoir de conseil et le devoir de mise en garde

L’acte de distribution constitue, en droit contemporain des assurances, le point d’ancrage d’un ensemble d’obligations précontractuelles essentielles à la formation équilibrée du contrat. Dès lors qu’un professionnel – qu’il s’agisse d’un assureur, d’un intermédiaire ou d’un distributeur à titre accessoire – intervient dans le cadre défini par les articles L. 511-1 et R. 511-1 du Code des assurances, il s’inscrit dans un cadre juridique exigeant, conçu pour garantir que l’offre d’assurance soit à la fois transparente, loyale et véritablement adaptée aux besoins exprimés par le souscripteur.

Ces obligations, qui participent d’une logique de protection du consentement, ont pour finalité de rééquilibrer une relation contractuelle marquée par une asymétrie d’information. Leur contenu est désormais expressément précisé par les textes : il s’articule autour de trois devoirs distincts mais complémentaires, qui forment le socle de l’intervention du distributeur en amont de la souscription : l’information, le conseil et la mise en garde.

  • L’obligation d’information : fournir une information brute, claire et loyale
    • L’obligation d’information constitue le noyau dur de la protection précontractuelle.
    • Elle impose au distributeur de communiquer au souscripteur des informations objectives, pertinentes et compréhensibles, portant non seulement sur le produit proposé, mais également sur l’identité du distributeur et les modalités essentielles de souscription.
    • Elle s’inscrit dans une logique de transparence, en vue de garantir un consentement libre et éclairé, conformément à l’article 1112-1 du Code civil.
    • Dans son contenu, l’obligation d’information consiste à exposer l’opération d’assurance à l’état brut, sans appréciation ni orientation, mais avec rigueur, clarté et loyauté.
    • Elle constitue ainsi le socle minimal de protection du souscripteur, et le point de départ de toute démarche de conseil.
    • Elle est d’autant plus fondamentale que le droit des assurances, par nature technique, place souvent le souscripteur en position d’infériorité informationnelle face au distributeur.
  • Le devoir de conseil : orienter la décision au regard des besoins exprimés
    • Prévu à l’article L. 521-4 du Code des assurances, le devoir de conseil engage le professionnel dans une démarche plus exigeante.
    • Il ne s’agit plus seulement de transmettre une information, mais d’orienter le choix du candidat à l’assurance, en fonction des exigences et besoins exprimés.
    • Ce devoir impose au distributeur de :
      • s’enquérir de la situation du client, notamment à travers un recueil formalisé de ses besoins ;
      • apprécier la pertinence du produit envisagé au regard de cette situation ;
      • émettre, le cas échéant, un avis motivé sur l’opportunité de souscrire.
    • La doctrine a clairement établi la spécificité de cette obligation.
    • Comme l’indique Hubert Groutel, le conseil suppose une appréciation intellectuelle, une analyse comparative et une orientation active.
    • Il constitue une démarche qualitative, qui dépasse le cadre purement informatif.
    • L’obligation de conseil, tout en reposant sur l’information, la dépasse, en exigeant l’engagement du professionnel dans une logique d’aide à la décision, au service de l’intérêt du souscripteur.
  • Le devoir de mise en garde : alerter sans orienter
    • Moins explicitement codifié, mais largement reconnu par la jurisprudence et la doctrine, le devoir de mise en garde complète le triptyque protecteur.
    • Il naît lorsqu’un risque spécifique, une complexité manifeste ou une inadéquation caractérisée entre le produit et la situation du client est identifiée.
    • Il impose alors au professionnel d’attirer l’attention du souscripteur sur les conséquences négatives potentielles de l’opération projetée.
    • À la différence du conseil, la mise en garde ne consiste pas à recommander une solution, mais à prévenir un danger.
    • Elle s’applique notamment :
      • en cas de produit complexe ou technique (notamment en matière d’assurance-vie ou de contrats à composante financière) ;
      • lorsque le souscripteur n’a pas les capacités de comprendre l’étendue de la garantie ou ses limites ;
      • ou encore lorsque l’opération comporte des risques d’exclusion ou de non-couverture manifeste.
    • En cela, le devoir de mise en garde préserve la liberté contractuelle, tout en permettant un consentement éclairé, en alertant le client sur les zones de fragilité du contrat.
    • Il s’agit d’un devoir d’alerte, distinct du devoir de conseil, mais non moins essentiel dans les relations d’assurance à fort enjeu.

Ces obligations trouvent leur origine dans l’inégalité des compétences et des moyens d’information entre les parties au contrat. Comme le relèvent Geneviève. Viney et Patrice Jourdain, cette dissymétrie impose au professionnel de compenser l’ignorance de son interlocuteur, dans le respect du principe de loyauté contractuelle (C. civ., art. 1104), qui irrigue l’ensemble du droit commun des contrats.

La source de ces obligations n’est pas univoque : elles procèdent à la fois du droit spécial des assurances, du droit commun des contrats, et, dans certains cas, du droit de la consommation. Si le contrat d’assurance est en principe exclu du champ d’application de certaines dispositions générales du Code de la consommation (C. consom., art. L. 111-3), la jurisprudence reconnaît néanmoins leur applicabilité lorsque le distributeur agit à titre accessoire ou hors du champ professionnel (v. Cass. 1re civ., 22 mai 2008, n° 05-21.822).

Ainsi, en fonction du statut du distributeur, de la nature de la relation, et de l’existence ou non d’un lien contractuel, ces obligations peuvent recevoir différents fondements juridiques, sans que leur contenu ne s’en trouve amoindri.

Le non-respect des obligations précontractuelles engage la responsabilité du distributeur, qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, selon la nature du lien au moment du manquement.

Les sanctions sont multiples :

  • nullité du contrat pour vice du consentement (erreur ou dol),
  • inopposabilité de certaines clauses (notamment d’exclusion ou de déchéance),
  • résolution du contrat pour inexécution fautive,
  • ou encore responsabilité civile et allocation de dommages et intérêts.

A cet égard, il est admis que ces obligations sont d’ordre public, de sorte qu’elles ne peuvent être écartées par une clause contractuelle.

Par leur nature même, ces obligations participent de la régulation de l’accès à l’assurance et du rétablissement d’un équilibre entre parties inégales. Elles s’inscrivent dans le prolongement d’un droit des contrats marqué par l’exigence de loyauté, de transparence, et de responsabilité dans la conduite des relations précontractuelles.

Les parties au contrat d’assurance (Code des assurances)

Le contrat d’assurance, par la richesse de ses mécanismes et la variété des intérêts qu’il cristallise, se distingue au sein du droit des obligations comme une figure contractuelle particulièrement singulière. Instrument de prévoyance et de protection, il s’inscrit dans une logique de couverture du risque qui dépasse les frontières classiques de l’engagement bilatéral. Si, comme tout contrat, il unit deux volontés — celle de l’assureur, porteur du risque, et celle du souscripteur, en quête de sécurité — il irrigue, par sa structure et sa fonction, un champ d’effets plus large, souvent pluripersonnel, qui en accentue la complexité juridique.

À cette complexité tient notamment la pluralité des figures que l’opération d’assurance met en jeu. Car ce contrat, s’il repose fondamentalement sur une relation entre deux parties, n’en demeure pas moins ouvert, par vocation, à l’intervention de tiers, lesquels peuvent être les véritables destinataires de la garantie, voire, dans certains cas, ses titulaires effectifs. Le contrat d’assurance manifeste ainsi une capacité d’irradiation qui oblige à dépasser la stricte lecture synallagmatique, pour embrasser une conception fonctionnelle de la relation contractuelle, où se croisent et se combinent les intérêts du souscripteur, de l’assuré, du bénéficiaire, voire du tiers lésé.

Nous nous focaliserons ici sur les parties au contrat d’assurance.

Le contrat d’assurance repose d’abord sur l’intervention de deux parties essentielles: l’assureur, qui prend en charge un risque en contrepartie du paiement d’une prime, et le souscripteur, qui conclut le contrat et en supporte les principales obligations. L’un engage sa garantie, l’autre manifeste le consentement à l’acte assurantiel. Autour de ce duo s’organise la relation d’assurance, à laquelle peuvent s’ajouter d’autres figures (assuré, bénéficiaire, intermédiaire), mais dont la formation repose fondamentalement sur cet échange initial. Il convient ainsi d’examiner, en premier lieu, la qualité d’assureur, puis celle de souscripteur.

1. L’assureur

Le contrat d’assurance ne saurait valablement exister sans la présence d’un assureur, entendu comme la personne morale qui assume, en vertu d’un engagement contractuel, le risque garanti. Par cette obligation, l’assureur s’engage, en contrepartie d’une prime ou cotisation, à fournir une prestation déterminée lors de la survenance d’un événement aléatoire spécifié au contrat. Il est ainsi le débiteur originaire et principal de l’obligation d’assurance.

L’article L. 310-1 du Code des assurances réserve la qualité d’assureur à ceux qui, à titre habituel et professionnel, effectuent des opérations d’assurance ou de réassurance, sous réserve d’un agrément administratif préalable. Cette définition restrictive exclut expressément les simples intermédiaires, qui ne sont pas parties au contrat mais seulement intéressés à son exécution. L’usage commun, souvent imprécis, conduit à confondre ces opérateurs avec l’assureur véritable, alors même que seule l’entité investie du pouvoir de porter le risque — c’est-à-dire de garantir l’aléa — peut revendiquer cette qualité.

1.1. La diversité des porteurs de risques

Le contrat d’assurance implique, par essence, l’existence d’un assureur, entendu comme le porteur du risque. Celui-ci est tenu, en contrepartie d’une prime ou cotisation, d’exécuter la prestation convenue en cas de survenance du sinistre garanti. La figure de l’assureur ne se limite cependant pas à une seule catégorie d’entité : elle recouvre, en droit français, une pluralité d’organismes, régis par des régimes distincts, eux-mêmes déterminés par le code sectoriel auquel ils se rattachent. Trois grandes catégories peuvent ainsi être distinguées : les sociétés d’assurance régies par le Code des assurances, les mutuelles relevant du Code de la mutualité, et les institutions de prévoyance, soumises au Code de la sécurité sociale.

a. Les sociétés d’assurance (Code des assurances)

Les sociétés d’assurance constituent historiquement le cœur du secteur assurantiel. Leur activité est encadrée par les dispositions du Livre III du Code des assurances, qui établit une typologie reposant à la fois sur leur forme juridique et sur leur mode de fonctionnement.

i. Les sociétés anonymes d’assurance

Ces entités à but lucratif, soumises au droit commun des sociétés commerciales (C. com., art. L. 225-1 et s.), sont les plus répandues sur le marché français. Elles opèrent toutes branches d’assurance (sous réserve de compatibilité entre elles) et doivent satisfaire aux exigences prudentielles définies par la réglementation Solvabilité II. Leur gouvernance est souvent duale (directoire et conseil de surveillance), bien que le modèle moniste subsiste. Leur agrément est délivré par l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), au vu de critères relatifs à leur solvabilité, à leur gouvernance et à leur spécialisation technique.

ii. Les sociétés d’assurance mutuelle (SAM)

Les SAM relèvent également du Code des assurances (art. L. 322-26-1 et s.), mais se distinguent par leur but non lucratif et par leur mode de fonctionnement mutualiste. Dépourvues de capital social, elles reposent sur une logique de solidarité entre sociétaires, lesquels sont à la fois assurés et membres de la structure. Les excédents réalisés ne sont pas distribués mais réaffectés au bénéfice des sociétaires, par exemple sous la forme de réduction des cotisations. Ces sociétés ne sont pas commerciales au sens du droit commun et échappent à ce titre à la compétence des tribunaux de commerce.

iii. Les sociétés européennes d’assurance

Introduites par le règlement (CE) n° 2157/2001 et transposées en droit français par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 (art. L. 322-5-1 C. assur.), ces sociétés permettent une harmonisation des activités d’assurance au sein du marché intérieur européen. Elles peuvent librement transférer leur siège social d’un État membre à un autre, sans dissolution, et constituent un levier d’intégration pour les grands groupes opérant à l’échelle de l’Union.

iv. Les formes groupées : SGAM et GAM

Le Code des assurances reconnaît également des formes plurales, telles que les sociétés de groupe d’assurance mutuelle (SGAM) (art. L. 322-1-2 C. assur.) et les groupements d’assurance mutuelle (GAM) (art. L. 322-1-5). Tandis que la SGAM, en tant que société faîtière, peut regrouper plusieurs entités mutualistes autour d’un pilotage stratégique sans exercer elle-même d’activité d’assurance, le GAM a un rôle plus modeste et non contraignant, consistant à coordonner les actions des membres tout en laissant à chacun la responsabilité de ses engagements.

b. Les mutuelles (Code de la mutualité)

Les mutuelles sont régies, quant à elles, par le Livre II du Code de la mutualité. À l’instar des SAM, elles sont à but non lucratif, mais s’en distinguent par un cadre juridique propre et une vocation plus exclusivement orientée vers la santé, la prévoyance ou la solidarité sociale.

Les mutuelles fonctionnent selon un modèle démocratique, où chaque membre dispose d’une voix à l’assemblée générale (C. mut., art. L. 114-1). Elles ne disposent pas de capital social, mais doivent constituer un fonds d’établissement pour couvrir les engagements initiaux (C. mut., art. L. 114-4). Leur gouvernance est organisée autour d’un conseil d’administration et d’un dirigeant opérationnel, ce dernier n’étant pas administrateur (art. L. 211-14 C. mut.).

Les mutuelles du Livre II peuvent exercer des opérations d’assurance, à l’exclusion de certaines branches techniques (v. art. L. 111-1 C. mut.). En revanche, celles relevant du Livre III (mutuelles de prévention ou à vocation médico-sociale) n’ont pas vocation à pratiquer des opérations d’assurance, leur objet étant centré sur la gestion de prestations sociales ou sanitaires.

Comme les sociétés d’assurance, les mutuelles peuvent se regrouper sous forme d’union mutualiste de groupe (UMG) ou d’union de groupe mutualiste (UGM), structures analogues à la SGAM et au GAM, respectivement. Ces entités assurent une coordination stratégique sans mise en commun de la mutualisation du risque (C. mut., art. L. 111-4-1 et L. 111-4-2).

c. Les institutions de prévoyance (Code de la sécurité sociale)

Les institutions de prévoyance constituent la troisième catégorie d’assureurs à part entière, bien qu’elles soient souvent perçues comme des opérateurs spécifiques. Leur régime est défini par le Livre IX du Code de la sécurité sociale, plus précisément par les articles L. 931-1 et suivants.

Les institutions de prévoyance sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif, créées pour couvrir les risques sociaux dans un cadre collectif. Elles sont administrées selon un modèle paritaire, associant des représentants des employeurs (membres adhérents) et des salariés (membres participants) (C. séc. soc., art. L. 931-1).

Leur activité est plus restreinte que celle des assureurs classiques. Elles ne peuvent intervenir que dans les branches suivantes : vie-décès, mariage-naissance, capitalisation, accidents, maladie, et perte d’emploi (art. L. 932-1 C. séc. soc.). Elles exercent leurs activités soit dans un cadre individuel, par adhésion directe d’un salarié, soit dans un cadre collectif, à adhésion facultative ou obligatoire.

Elles peuvent également se structurer en groupes prudentiels, autour d’une société de groupe assurantiel de protection sociale (SGAPS) (C. séc. soc., art. L. 931-2-2), ou en groupes non prudentiels, dénommés groupes assurantiels de protection sociale (GAPS) (art. L. 931-2-1). Des unions peuvent également être constituées pour mutualiser les engagements ou réassurer les opérations collectives.

1.2. Conditions d’intervention en France

L’accès au marché français de l’assurance est régi par un encadrement juridique exigeant. Il repose sur l’obtention préalable d’un agrément délivré par l’ACPR, auquel s’ajoutent des obligations étendues en matière de gouvernance, de comptabilité et de solvabilité. Ce régime combine les règles issues du droit national avec les prescriptions du droit européen, notamment celles de la directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009, dite « Solvabilité II », qui structure l’ensemble des exigences prudentielles applicables aux entreprises d’assurance.

a. Délivrance d’un agrément

En vertu de l’article L. 310-10 du Code des assurances, aucun organisme ne peut pratiquer des opérations d’assurance en France sans avoir obtenu un agrément délivré par l’ACPR. Cette mesure d’autorisation préalable vise à contrôler la capacité de l’entreprise à tenir ses engagements et à protéger les intérêts des assurés. L’agrément, individuel, porte sur une ou plusieurs branches d’assurance déterminées, dont certaines sont incompatibles entre elles. Il est interdit à un même organisme d’exercer à la fois dans les branches d’assurance de personnes et dans celles des assurances de dommages, sauf exceptions strictement encadrées (C. assur., art. L. 322-2-2).

La délivrance de l’agrément suppose l’examen de critères relatifs à la solidité financière, à la gouvernance et à la nature des opérations envisagées. Le non-respect de l’objet social ainsi agréé est susceptible d’entraîner tant des sanctions disciplinaires que des sanctions civiles, voire pénales, en cas d’exercice illicite de l’activité assurantielle.

Les assureurs établis dans un autre État membre de l’Espace économique européen bénéficient d’un passeport européen, leur permettant, sous réserve de notification préalable par l’autorité de leur État d’origine, d’exercer en France en libre prestation de services ou par le biais d’un établissement secondaire (succursale ou agence). Ce régime repose sur le principe de contrôle unique, la surveillance de l’activité demeurant en principe du ressort de l’État d’origine, sauf en cas d’urgence ou de manquement manifeste à la législation de l’État d’accueil.

b. Exigences de gouvernance

L’agrément n’est que le préalable à l’exercice effectif. L’entreprise agréée doit en outre satisfaire aux exigences d’organisation interne imposées par le pilier II de la directive Solvabilité II, transposée en droit français notamment aux articles L. 354-1 et suivants du Code des assurances. Elle doit ainsi mettre en place un système de gouvernance structuré autour de deux dispositifs principaux : un système de contrôle interne et un système de gestion des risques.

Ces dispositifs sont servis par des fonctions clés, soumises à des conditions d’honorabilité et de compétence contrôlées par l’ACPR : la gestion des risques, la vérification de la conformité, l’audit interne et l’actuariat. L’ensemble repose sur des politiques écrites et sur une séparation claire des responsabilités. En outre, le recours à des prestataires extérieurs dans le cadre de l’externalisation de certaines fonctions ou services fait l’objet d’un encadrement particulier lorsqu’il concerne des fonctions critiques ou importantes, notamment en matière de continuité d’activité ou de maîtrise des risques.

c. Exigences financières

Le cœur du dispositif prudentiel est constitué par l’exigence de disposer de fonds propres suffisants pour faire face aux risques. Le capital de solvabilité requis (CSR), calculé selon une formule standard ou un modèle interne validé par l’ACPR, vise à garantir la continuité d’exploitation à un an avec un niveau de confiance de 99,5 %. Il correspond donc à une valeur en risque de l’entreprise, tenant compte de l’ensemble de ses engagements futurs. Le minimum de capital requis (MCR), plus bas, marque quant à lui le seuil en deçà duquel l’activité de l’assureur devient intolérable, signalant un niveau de fonds propres équivalant à une probabilité de ruine de 15 % à un an.

Ces exigences doivent être couvrables par des fonds propres éligibles, classés en trois niveaux selon leur qualité et leur capacité d’absorption des pertes. Les fonds de base (tier 1) doivent représenter plus de la moitié du total des fonds admissibles.

S’agissant du régime comptable applicable aux assureurs en France, il s’articule autour de deux exigences : la tenue de comptes sociaux établis selon les normes comptables nationales, et, pour les entités concernées, la publication de comptes consolidés conformes aux normes IFRS (International Financial Reporting Standards), conformément au règlement CE n° 1606/2002.

Le bilan social doit notamment refléter les provisions techniques, c’est-à-dire les montants destinés à faire face aux engagements de l’assureur envers les assurés, qu’il s’agisse de provisions mathématiques en assurance-vie ou de provisions pour sinistres et pour primes en assurance non-vie. L’actif de l’entreprise doit représenter ces engagements à travers un actif dit représentatif ou excédentaire, dont la valorisation varie selon qu’il est amortissable ou non.

2. Le souscripteur

Le contrat d’assurance trouve sa source dans l’initiative du souscripteur, véritable pivot de l’engagement assurantiel. Partie originaire à l’accord, il en provoque la formation, en assume les obligations principales, et peut, selon les cas, agir pour son propre compte ou dans l’intérêt d’autrui. Sa qualité ne se confond ni avec celle de l’assuré, ni avec celle du bénéficiaire, même si ces fonctions peuvent coïncider. Comprendre son rôle implique donc d’en cerner les contours juridiques, tant en matière de souscription individuelle que dans le cadre plus complexe des assurances collectives.

a. La notion de souscripteur

Le souscripteur — parfois désigné par la terminologie européenne comme le preneur d’assurance — désigne  la personne physique ou morale qui conclut le contrat d’assurance avec l’assureur. Partie originaire à la convention, il est juridiquement celui qui manifeste le consentement nécessaire à la formation du contrat et sur lequel pèsent les obligations essentielles qui en découlent, au premier rang desquelles figurent le paiement de la prime et la déclaration exacte du risque, conformément aux prescriptions de l’article L. 113-2 du Code des assurances.

Cette qualité de souscripteur, centrale dans l’économie contractuelle, ne doit cependant pas être confondue avec celles — distinctes bien que fréquemment cumulées — d’assuré ou de bénéficiaire. Tandis que l’assuré est la personne sur la tête ou sur le patrimoine de laquelle repose le risque couvert, le bénéficiaire est, quant à lui, celui qui a vocation à percevoir la prestation de l’assureur en cas de réalisation du sinistre. Cette distinction, solidement ancrée dans la tradition doctrinale et régulièrement réaffirmée par la jurisprudence, permet d’appréhender avec rigueur la structure tripartite que peut revêtir la relation d’assurance, et d’éviter les amalgames sémantiques parfois induits par l’usage courant.

Dans les contrats d’assurance individuels, la figure du souscripteur est généralement celle de l’assuré lui-même : il agit pour son propre compte, supporte le risque et perçoit, le cas échéant, la prestation. Cette identité des qualités, fréquente, ne présente cependant aucun caractère nécessaire. Le souscripteur peut contracter dans l’intérêt d’un tiers — par exemple dans le cadre d’une assurance sur la tête d’autrui, ou d’une assurance pour compte. Dans cette dernière configuration, visée par l’article L. 112-1 du Code des assurances, le contrat est conclu par une personne qui, sans disposer d’un mandat exprès, agit pour le compte d’un individu déterminé. Ce tiers, selon les circonstances, sera lié au contrat en vertu des règles applicables au mandat apparent ou à la gestion d’affaires, à condition que la souscription lui soit utile ou qu’il en ait ratifié les effets. La jurisprudence a ainsi précisé que, dans ces hypothèses, le contractant apparent ne demeure qu’un intermédiaire, la personne véritablement engagée étant celle pour le compte de laquelle l’assurance a été souscrite, pourvu qu’elle ait été identifiée ou identifiable à la date de formation du contrat.

Dans les contrats d’assurance collectifs, le rôle du souscripteur prend une envergure plus institutionnelle. Il s’agit, le plus souvent, d’un employeur, d’une association ou d’un organisme professionnel, qui conclut une convention d’assurance de groupe auprès d’un assureur, en vue de la couverture d’un ensemble de personnes unies par un lien objectif, tel qu’un contrat de travail, l’adhésion à une structure associative, ou une relation contractuelle avec un établissement de crédit. Ce type d’opération, régi par les articles L. 141-1 et suivants du Code des assurances, donne naissance à une configuration tripartite, dans laquelle les adhérents — c’est-à-dire les membres du groupe éligibles à la garantie — accèdent à la qualité d’assuré (et parfois de bénéficiaire), selon des modalités d’adhésion variables.

La doctrine souligne que, dans cette configuration, le souscripteur exerce des fonctions multiples : il négocie la teneur du contrat avec l’assureur, fixe les conditions d’adhésion et assure un rôle de relais entre les adhérents et l’assureur. L’article L. 141-6 du Code des assurances instaure à cet égard une présomption de mandat au profit du souscripteur, lequel est réputé agir pour le compte de l’entreprise d’assurance à l’égard des adhérents. Cette présomption, instituée dans un souci de sécurité juridique, implique que les actes et documents émanant du souscripteur engagent l’assureur vis-à-vis des adhérents, sauf clause contraire expressément portée à la connaissance de ces derniers, conformément à l’article A. 141-6 du même Code.

L’adhésion au contrat collectif peut être soit obligatoire, soit facultative. Dans le premier cas — typiquement en matière de protection sociale complémentaire liée à l’emploi —, l’adhésion résulte automatiquement de l’appartenance au groupe, sans qu’un acte exprès ne soit requis. Elle peut alors s’analyser comme une stipulation pour autrui acceptée tacitement, conférant aux adhérents la qualité d’assurés sans intervention individuelle de leur part. Dans le second cas, l’adhésion repose sur une manifestation de volonté expresse de la personne concernée. Elle s’analyse alors comme une pollicitation, acceptée par l’assureur par l’émission d’un certificat d’adhésion. La relation ainsi formée entre l’adhérent et l’assureur constitue un véritable contrat individuel d’assurance, régi par les conditions générales et particulières négociées dans la convention-cadre. La doctrine hésite, dans cette configuration, entre une analyse en termes de promesse de contrat pour autrui — l’assureur s’engageant à proposer à chaque adhérent les garanties convenues — ou de stipulation classique, chaque adhésion valant contrat distinct une fois acceptée.

Ainsi, qu’il intervienne dans un cadre individuel ou collectif, le souscripteur est toujours celui qui, en sa qualité de cocontractant de l’assureur, déclenche la formation du lien contractuel et en supporte les principales charges. Mais il peut aussi, par un jeu de représentations ou de stipulations, s’effacer derrière d’autres figures — assuré ou bénéficiaire — dont les intérêts justifient la souscription de la garantie.

b. La capacité du souscripteur

La souscription d’un contrat d’assurance constitue, par essence, un acte juridique dont la validité suppose que son auteur soit doté de la capacité requise pour contracter. Cette exigence, d’apparence triviale, n’en recouvre pas moins une diversité de situations dont le traitement repose principalement sur les dispositions du droit commun, en particulier les articles 1145 et suivants du Code civil, mais se colore aussi des règles spécifiques tenant à la nature même du contrat d’assurance. En effet, selon qu’il s’agisse d’un contrat de dommages ou d’un contrat d’assurance-vie, la qualification juridique de l’acte – acte d’administration ou de disposition – influe directement sur le régime applicable.

i. Les mineurs non émancipés

Privé de la capacité d’exercice, le mineur non émancipé ne peut, en principe, souscrire lui-même un contrat d’assurance. La représentation par l’administrateur légal ou le tuteur s’impose. La distinction entre actes d’administration et actes de disposition, reprise par le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 (annexe 1), joue ici un rôle déterminant?: la souscription d’un contrat d’assurance de dommages – telle qu’une assurance habitation ou de responsabilité civile – relève de la catégorie des actes d’administration et peut donc être accomplie par les représentants légaux agissant seuls, sauf disposition contraire.

En revanche, la conclusion d’un contrat d’assurance-vie est qualifiée d’acte de disposition. Dès lors, elle requiert l’autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles, conformément à l’article 505 du Code civil. Le régime protecteur du mineur se double ainsi d’un contrôle juridictionnel lorsque la souscription emporte des conséquences patrimoniales substantielles.

Il n’en demeure pas moins que l’article 1148 du Code civil permet au mineur de conclure lui-même certains actes de la vie courante, à condition qu’ils soient conformes à l’usage et qu’ils interviennent à des conditions normales. Ce tempérament autorise, dans une certaine mesure, la souscription autonome d’assurances liées à des activités sportives ou scolaires. Toutefois, la validité d’un tel contrat demeure conditionnée à l’absence de lésion, laquelle, en matière d’assurance, est d’autant plus difficile à démontrer que le contrat repose sur un aléa (C. civ., art. 1305).

ii. Les majeurs protégés

La capacité du souscripteur fait également l’objet d’aménagements en présence d’une mesure de protection juridique. Le droit positif distingue selon le régime applicable – sauvegarde de justice, curatelle, tutelle ou habilitation familiale – chacun d’eux induisant des conséquences spécifiques.

  • Sous sauvegarde de justice, le majeur conserve la plénitude de sa capacité juridique. Toutefois, les actes accomplis peuvent être rescindés pour excès en vertu de l’article 435 du Code civil, si la souscription d’une assurance s’avérait manifestement inadaptée à sa situation patrimoniale. Ce risque est théoriquement limité par le caractère aléatoire du contrat d’assurance, qui rend la démonstration de la lésion complexe.
  • Sous curatelle, l’assistance du curateur est exigée pour les actes de disposition. Ainsi, la souscription d’une assurance-vie requiert son concours, conformément à l’article L. 132-4-1 du Code des assurances. En revanche, les contrats de dommages – qualifiés d’actes d’administration – peuvent être conclus par le majeur seul, sauf stipulation contraire ou circonstances particulières.
  • En tutelle, la logique de représentation s’impose de manière continue. Le tuteur est seul habilité à souscrire, y compris les contrats d’assurance de dommages. S’agissant de l’assurance-vie, l’article L. 132-4-1 du Code des assurances impose en outre l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille, tant pour la souscription que pour la désignation ou la modification du bénéficiaire.
  • Enfin, dans le cadre de l’habilitation familiale, instaurée par l’ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015, la capacité du majeur est maintenue, sous réserve des restrictions expressément prévues par la décision du juge. L’habilitation peut être générale ou limitée à certains actes, de sorte qu’une analyse casuistique s’impose au regard de la portée du mandat judiciaire (C. civ., art. 494-6 et s.).

iii. Les personnes mariées

Le droit des régimes matrimoniaux n’est pas sans incidence sur les règles de capacité. L’article 1421 du Code civil autorise chacun des époux à gérer seul les biens communs et, à ce titre, à souscrire un contrat d’assurance de dommages utile à la famille. Cette latitude n’est toutefois pas absolue?: dans l’hypothèse d’une assurance-vie souscrite au profit d’un tiers, le risque d’une requalification en donation de biens communs ne peut être écarté. Il convient alors d’apprécier si l’opération respecte les charges du mariage (C. civ., art. 223) ou si elle emporte une atteinte injustifiée au patrimoine commun, auquel cas l’article 1422 pourrait justifier l’exigence du consentement du conjoint.

En tout état de cause, la jurisprudence veille à ne pas restreindre indûment la liberté de chacun des époux de souscrire un contrat d’assurance-vie à titre personnel. L’attribution du capital à un tiers bénéficiaire est en principe considérée comme un droit propre, susceptible néanmoins d’être tempéré par le droit à récompense de la communauté si les primes ont été acquittées avec des deniers communs (Cass. 1re civ. , 31 mars 1992, n° 90-16.343).

iv. Les personnes morales

Enfin, les personnes morales ne jouissent que d’une capacité spéciale, limitée aux actes entrant dans leur objet statutaire ou y étant accessoires (C. civ., art. 1145, al. 2). La souscription d’un contrat d’assurance ne pose généralement pas difficulté, dès lors qu’elle vise à garantir des risques inhérents à l’activité de la structure – qu’il s’agisse de protéger ses biens, sa responsabilité ou ses ressources humaines.

L’acte est valablement accompli par le représentant légal, dont les pouvoirs sont présumés étendus vis-à-vis des tiers. Même lorsque les statuts comportent des limitations internes, celles-ci demeurent inopposables aux cocontractants de bonne foi, conformément au principe d’apparence et à la jurisprudence constante en matière de représentation des personnes morales.

c. La représentation du souscripteur

Le contrat d’assurance peut être valablement conclu par une personne agissant non pour son propre compte, mais au nom ou dans l’intérêt d’autrui. Deux mécanismes juridiques distincts permettent cette représentation du souscripteur : le mandat, d’une part, et la gestion d’affaires, d’autre part. Tous deux sont expressément visés à l’article L. 112-1, alinéa 1er, du Code des assurances, qui dispose que « l’assurance peut être contractée en vertu d’un mandat général ou spécial, ou sans mandat, pour le compte d’une personne déterminée ». Ce texte prévoit ainsi la possibilité d’une souscription indirecte.

Dans le cadre du mandat, la souscription est effectuée par un représentant dûment habilité. Le mandant, c’est-à-dire la personne pour le compte de laquelle l’assurance est contractée, est seul engagé dans les liens du contrat. Il en résulte qu’il est l’unique débiteur des primes (Cass. 1re civ., 18 juill. 1962) et qu’il bénéficie seul des prérogatives afférentes à la qualité de souscripteur (Cass. 1re civ., 27 déc. 1962). Le mandataire, en tant qu’intermédiaire, n’est pas partie au contrat — sauf à ce qu’il ait excédé les limites de son mandat ou qu’il ait omis de révéler sa qualité de représentant. En pareille hypothèse, sa responsabilité personnelle pourrait être engagée, notamment à l’égard de l’assureur.

Le gérant d’affaires, quant à lui, intervient sans mandat préalable, mais agit dans l’intérêt d’une personne déterminée. Ce mode de représentation spontanée, également reconnu par l’article L. 112-1 du Code des assurances et fondé sur les articles 1372 et suivants du Code civil, emporte des effets analogues au mandat, sous réserve de certaines spécificités. Le contrat d’assurance profite ici à celui que la jurisprudence qualifie de maître de l’affaire, dès lors que la gestion s’est avérée utile ou qu’elle a été ratifiée, fût-ce postérieurement à la survenance d’un sinistre (Cass. 1re civ., 13 juill. 1960). Le gérant d’affaires, tout comme le mandataire, n’est pas tenu personnellement des obligations issues du contrat, sauf s’il a manqué à ses devoirs ou s’il est lui-même à l’origine du sinistre.

Il convient de souligner que, dans ces hypothèses de représentation indirecte, la personne qui agit pour autrui doit clairement révéler sa qualité à l’assureur. À défaut, elle sera présumée avoir contracté en son nom propre, conformément aux règles de droit commun. La distinction entre représentation et souscription personnelle est, à cet égard, décisive, tant pour déterminer le débiteur des primes que pour identifier l’éventuel créancier de la prestation assurantielle.

Ces modes de représentation trouvent un écho particulier dans les assurances pour compte, lesquelles consistent à souscrire un contrat au profit d’un tiers, que ce tiers soit ou non déterminé au jour de la conclusion du contrat. La jurisprudence, tout comme la doctrine la plus autorisée, insiste sur la distinction à opérer entre la représentation, qui repose sur une délégation de volonté, et la stipulation pour autrui, qui ne crée pas un lien contractuel direct entre l’assureur et le bénéficiaire.

Les parties au contrat d’assurance porté par une mutuelle: le membre honoraire

L’adhésion constitue l’acte juridique créateur de la relation entre une personne et une mutuelle. Elle ne saurait être réduite à une simple formalité d’accès aux prestations : elle marque l’entrée dans une communauté organisée, fondée sur des valeurs spécifiques – solidarité, démocratie, non-lucrativité – et sur un projet collectif de protection sociale. En ce sens, l’adhésion emporte un double effet : elle confère à la fois un statut d’assuré et une qualité de membre, ancrée dans une logique institutionnelle propre au modèle mutualiste.

Conformément à l’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité, l’adhésion implique l’acceptation des statuts, du règlement intérieur et du règlement mutualiste, qui fixent les engagements contractuels réciproques. Ce triptyque normatif constitue le fondement des droits et obligations du membre, aussi bien sur le plan assurantiel (définition des garanties et cotisations) que statutaire (participation à la vie démocratique de la mutuelle).

Le Code de la mutualité distingue deux grandes catégories d’adhérents : les membres participants et les membres honoraires.

Nous nous focaliserons ici sur la seconde catégorie de membre.

Aux côtés des membres participants, le Code de la mutualité prévoit une catégorie distincte d’adhérents : les membres honoraires. Prévue à l’article L. 114-1, alinéa 4, cette qualité est ouverte aux personnes qui ne bénéficient d’aucune garantie assurantielle, mais qui souhaitent néanmoins contribuer à la vie de la mutuelle par leur engagement financier ou institutionnel.

1. Conditions d’admission

La qualité de membre honoraire peut être attribuée, selon les conditions fixées par les statuts de la mutuelle, aux catégories suivantes :

  • Les personnes physiques qui versent à la mutuelle des cotisations, contributions ou dons, ou qui lui ont rendu des services équivalents, sans bénéficier en retour de prestations. Cette situation vise notamment les anciens membres désireux de soutenir l’organisme, ou les personnalités impliquées dans son rayonnement social ou territorial.
  • Les personnes morales souscriptrices de contrats collectifs, en particulier les employeurs ayant conclu un contrat avec la mutuelle pour couvrir leurs salariés (art. L. 114-1, al. 5). Cette faculté est réservée aux mutuelles régies par le livre II du Code de la mutualité. Elle permet une implication institutionnelle des partenaires collectifs sans lien assurantiel propre.
  • Les représentants des salariés de ces personnes morales souscriptrices, lorsque les statuts de la mutuelle l’autorisent. Il s’agit ici d’une catégorie indirecte de membres honoraires, qui permet une représentation élargie des salariés dans la gouvernance mutualiste.

La qualité de membre honoraire ne s’acquiert pas de plein droit : elle est soumise à l’agrément du conseil d’administration de la mutuelle. L’article 11 des statuts-types de la Fédération Nationale de la Mutualité Française prévoit que cette admission peut résulter :

  • soit d’une demande expresse de la personne concernée ;
  • soit d’une proposition émanant du conseil d’administration lui-même.

Le conseil peut fixer des critères spécifiques, tenir compte de la contribution effective de la personne à la mutuelle, et, le cas échéant, déléguer cette prérogative à un comité ou à un dirigeant désigné. Cette procédure d’admission encadre rigoureusement l’accès à un statut qui, bien que sans contrepartie assurantielle, ouvre des droits politiques au sein de l’organisme.

En application de l’article L. 114-1, al. 6, les règlements mutualistes définissent les droits et obligations des membres honoraires, au même titre que ceux des membres participants, en ce qui concerne les cotisations (éventuelles) et la participation à la vie institutionnelle. Ces règlements, adoptés par l’assemblée générale sur proposition du conseil d’administration, constituent le cadre de référence pour apprécier l’implication attendue des membres honoraires et leur position dans l’organisation.

2. Statut et rôle au sein de la gouvernance mutualiste

Bien qu’ils ne soient ni bénéficiaires de garanties, ni liés par les règlements mutualistes définissant les engagements assurantiels, les membres honoraires peuvent exercer des droits politiques au sein de la mutuelle, dès lors que les statuts le prévoient.

À ce titre, ils peuvent :

  • participer à l’assemblée générale et y exercer un droit de vote, au même titre que les membres participants ;
  • être éligibles aux fonctions d’administrateur, s’ils sont des personnes physiques, ou s’ils représentent une personne morale elle-même membre honoraire.

Ce rôle institutionnel contribue à élargir la gouvernance mutualiste à des acteurs extérieurs au cercle des assurés, mais qui partagent les valeurs, les orientations ou les enjeux de la mutuelle. Il permet également d’impliquer durablement les partenaires collectifs — notamment les employeurs souscripteurs — dans la stratégie de l’organisme, sans leur reconnaître pour autant de droits à prestations.

Les parties au contrat d’assurance porté par une mutuelle: le membre participant

L’adhésion constitue l’acte juridique créateur de la relation entre une personne et une mutuelle. Elle ne saurait être réduite à une simple formalité d’accès aux prestations : elle marque l’entrée dans une communauté organisée, fondée sur des valeurs spécifiques – solidarité, démocratie, non-lucrativité – et sur un projet collectif de protection sociale. En ce sens, l’adhésion emporte un double effet : elle confère à la fois un statut d’assuré et une qualité de membre, ancrée dans une logique institutionnelle propre au modèle mutualiste.

Conformément à l’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité, l’adhésion implique l’acceptation des statuts, du règlement intérieur et du règlement mutualiste, qui fixent les engagements contractuels réciproques. Ce triptyque normatif constitue le fondement des droits et obligations du membre, aussi bien sur le plan assurantiel (définition des garanties et cotisations) que statutaire (participation à la vie démocratique de la mutuelle).

Le Code de la mutualité distingue deux grandes catégories d’adhérents : les membres participants et les membres honoraires.

Nous nous focaliserons ici sur la première catégorie de membre.

Le membre participant constitue l’adhérent-type du contrat d’assurance mutualiste. Il incarne la spécificité du modèle mutualiste, en ce qu’il est à la fois bénéficiaire de garanties et acteur engagé de la gouvernance démocratique de l’organisme. L’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité le définit comme «?la personne physique qui bénéficie des prestations de la mutuelle à laquelle elle a adhéré et en ouvre le droit à ses ayants droit?».

Sa qualité repose sur une logique de double appartenance : juridique, au titre de la couverture assurantielle qu’il acquiert en contrepartie de sa cotisation ; politique, au regard de sa participation à la vie statutaire et institutionnelle de la mutuelle.

a. Qui peut être membre participant?

La qualité de membre participant est réservée, en vertu de l’article L. 114-1, alinéa 2 du Code de la mutualité, aux personnes physiques qui remplissent les conditions d’adhésion définies par les statuts de la mutuelle. Il s’agit d’un statut personnel, qui ne peut être conféré qu’à des individus, et dont l’attribution repose à la fois sur des critères statutaires d’éligibilité et sur la souscription effective d’une garantie.

i. Les conditions statutaires d’accès

Chaque mutuelle détermine, dans ses statuts, les conditions d’accès à l’adhésion. Ces conditions doivent être conformes aux principes posés par le Code de la mutualité, notamment ceux d’égalité et de non-discrimination, mais peuvent intégrer des critères propres à l’objet social de l’organisme, tels que :

  • l’appartenance à une catégorie socio-professionnelle déterminée ;
  • la résidence dans une zone géographique spécifique ;
  • l’affiliation à un régime particulier de sécurité sociale ;
  • ou tout autre critère objectif et pertinent, dès lors qu’il est prévu par les statuts.

Ainsi, peut devenir membre participant toute personne physique remplissant les conditions statutaires et acceptée par la mutuelle, dès lors qu’elle adhère et s’acquitte de la cotisation correspondant aux garanties souscrites, que ce soit dans le cadre d’une opération individuelle ou collective.

ii. Le cas particulier des mineurs de plus de 16 ans

Le Code de la mutualité prévoit une disposition spécifique à l’article L. 114-2, selon laquelle les mineurs âgés de plus de seize ans peuvent adhérer seuls, sans autorisation parentale, sous réserve qu’ils expriment une volonté éclairée. Cette disposition illustre la vocation inclusive et éducative de la mutualité, en reconnaissant aux jeunes la capacité de s’engager dans un dispositif solidaire dès l’âge de 16 ans.

iii. L’affiliation sans consentement dans les opérations collectives obligatoires

Enfin, il convient de souligner que dans le cadre des opérations collectives à adhésion obligatoire (article L. 221-2, III, 2°), la qualité de membre participant peut être attribuée automatiquement, sans qu’il soit nécessaire que la personne accomplisse un acte d’adhésion individuel. Dans cette hypothèse, la simple affiliation, opérée par l’effet d’un acte collectif à portée normative (convention collective, accord d’entreprise, décision unilatérale de l’employeur), suffit à faire naître la qualité de membre participant, dès lors que la personne bénéficie effectivement des garanties.

b. La formalisation de l’adhésion

L’adhésion donnant accès à la qualité de membre participant peut intervenir dans deux cadres juridiques distincts : celui de l’opération individuelle, d’une part, et celui de l’opération collective, d’autre part. Ces deux régimes, bien que juridiquement distincts, partagent une finalité commune : l’intégration de l’adhérent dans la communauté mutualiste en tant qu’assuré et acteur.

i. L’adhésion dans le cadre d’une opération individuelle

==>Définition juridique de l’opération individuelle

L’opération individuelle se définit, au sens de l’article L. 221-2, II du Code de la mutualité, comme celle par laquelle une personne physique adhère directement à une mutuelle ou à une union, en signant un bulletin d’adhésion. Cette adhésion intervient dans le cadre des activités d’assurance de personnes mentionnées à l’article L. 111-1, I, 1° (maladie, accident, prévoyance, etc.).

Ce type d’opération repose sur une démarche entièrement personnelle et volontaire, traduisant une volonté propre d’adhérer à la mutuelle, sans l’intermédiaire d’un contrat collectif.

La qualification juridique de l’adhérent dépend de sa situation au regard des garanties :

  • Si la personne physique adhérente est bénéficiaire des garanties, elle acquiert, à la date de sa signature, la qualité de membre participant. Elle devient ainsi à la fois bénéficiaire des garanties et membre statutaire de la mutuelle.
  • En revanche, si elle n’est pas elle-même bénéficiaire (par exemple lorsqu’elle adhère pour le compte d’un tiers), elle n’obtient que la qualité de membre honoraire. Dans ce cas, la personne physique effectivement couverte doit elle-même signer le bulletin d’adhésion pour être reconnue comme membre participant.

Cette exigence illustre le principe selon lequel la qualité de membre participant ne peut être acquise que par une personne physique bénéficiaire des garanties, et uniquement par l’effet d’un acte d’adhésion personnellement accompli. En ce sens, l’opération individuelle constitue un modèle d’adhésion fondé sur l’engagement exprès du bénéficiaire, à l’opposé de la logique à laquelle répond une opération collective.

==>Effets de l’adhésion

L’adhésion à une mutuelle produit des effets juridiques immédiats. Dès la signature du bulletin d’adhésion, et à condition que la personne physique soit bénéficiaire des garanties, celle-ci acquiert de plein droit la qualité de membre participant.

Cette qualité ne se réduit pas à la simple situation d’« assuré » : elle confère à l’adhérent un statut unique, à la fois assuré au titre du contrat mutualiste et membre actif de la mutuelle, participant à sa gouvernance.

D’une part, l’adhérent devient titulaire de droits à prestations, dans le cadre d’un régime assurantiel défini par le règlement mutualiste. Ce règlement précise la nature, l’étendue, les modalités de mise en œuvre, ainsi que les éventuelles exclusions ou limitations de garanties. Il encadre également les obligations de l’adhérent, au premier rang desquelles figure le versement régulier de la cotisation.

D’autre part, l’adhésion ouvre l’accès au régime statutaire de la mutuelle : le membre participant dispose d’un droit de vote à l’assemblée générale, d’une éligibilité aux fonctions d’administrateur, ainsi que d’un droit d’information et de participation aux décisions collectives. Ces droits s’exercent selon le principe « un membre, une voix » (art. L. 110-1 du Code de la mutualité), indépendamment du niveau de cotisation ou des prestations reçues.

Ce statut unifié, qui confère à la fois une protection assurantielle et une capacité d’intervention dans la gouvernance de l’organisme, constitue l’une des marques les plus distinctives de la mutualité. Il reflète une vision du contrat d’adhésion comme instrument de solidarité, mais aussi d’implication démocratique, au service d’un projet collectif non lucratif.

ii. L’adhésion dans le cadre d’une opération collective

Lorsque les garanties sont proposées dans un cadre collectif, l’adhésion à la mutuelle n’est plus initiée directement par la personne physique, mais organisée par l’entremise d’une personne morale souscriptrice, telle qu’un employeur, une association ou un groupement professionnel. Dans ce cas, c’est cette entité qui contracte avec la mutuelle pour le compte d’un ensemble de personnes, généralement ses salariés ou ses membres.

L’article L. 221-2, III du Code de la mutualité distingue alors deux régimes, selon le caractère facultatif ou obligatoire de l’adhésion individuelle. Cette distinction conditionne la manière dont la qualité de membre participant est acquise par les personnes physiques couvertes.

==>L’opération collective à adhésion facultative

Une opération collective est dite facultative lorsque chaque personne concernée dispose de la liberté d’adhérer ou non aux garanties souscrites pour son groupe (salariés d’une entreprise, membres d’une association, etc.). Ce régime repose donc sur une décision individuelle.

Concrètement, l’adhésion se matérialise :

  • soit par la signature d’un bulletin d’adhésion individuel ;
  • soit par l’acceptation expresse du contrat collectif conclu entre la mutuelle et la personne morale souscriptrice (employeur ou autre).

L’adhérent accepte ainsi les statuts de la mutuelle, les règlements mutualistes, et la notice d’information, dans les mêmes conditions que dans une opération individuelle.

À compter de la date de son adhésion, la personne physique acquiert la qualité de membre participant. Elle bénéficie des garanties prévues et participe à la vie statutaire de la mutuelle (vote, éligibilité, etc.).

La seule différence avec l’adhésion individuelle réside dans le cadre contractuel initial : ici, le contrat collectif lie d’abord la mutuelle et une entité tierce (ex. : l’employeur), mais l’engagement final de l’adhérent reste personnel, volontaire et juridiquement autonome.

==>L’opération collective à adhésion obligatoire

L’opération devient obligatoire lorsque l’affiliation des personnes physiques résulte d’un acte collectif ayant force contraignante, sans qu’un consentement individuel ne soit requis. L’adhésion n’est plus volontaire : elle découle d’une décision imposée à l’ensemble d’un groupe ou d’une catégorie de personnes.

Ce caractère obligatoire peut avoir plusieurs fondements :

  • une disposition légale ou réglementaire ;
  • une convention collective ou un accord de branche ;
  • un accord ratifié par la majorité des personnes concernées ;
  • ou une décision unilatérale de l’employeur (DUE).

Dans ces hypothèses, la personne physique est automatiquement affiliée à la mutuelle. Cette simple affiliation suffit à lui conférer la qualité de membre participant, sans qu’il soit nécessaire de signer un bulletin d’adhésion.

Le droit de la mutualité admet ici une exception au principe de liberté contractuelle, en ce qu’il reconnaît à l’acte collectif une valeur équivalente à un consentement individuel, à condition que soient respectées les garanties fixées par les statuts et les règlements mutualistes.

L’affiliation produit alors les mêmes effets juridiques qu’une adhésion individuelle : le salarié ou le membre affilié devient membre participant à part entière, bénéficiant des prestations et participant à la gouvernance de l’organisme.

c. Les droits et obligations attachés à la qualité de membre participant

La qualité de membre participant emporte des droits juridiques mais aussi des droits politiques, fondant l’originalité de l’engagement mutualiste.

i. Les droits juridiques

Les règlements mutualistes, adoptés soit par l’assemblée générale, soit par le conseil d’administration selon les statuts (art. L. 114-1 et L. 114-17 C. mutualité), déterminent l’ensemble des engagements contractuels opposables à la mutuelle comme au membre. Ces règlements précisent notamment :

  • les prestations garanties,
  • les modalités de déclaration des sinistres,
  • les délais de prescription,
  • les causes d’exclusion ou de déchéance,
  • les conditions de résiliation ou de reconduction tacite.

Le contenu de ces règlements est encadré par l’article R. 114-0-1 du Code de la mutualité, qui impose des mentions obligatoires, et par l’article L. 110-2, qui prohibe toute discrimination injustifiée. Sauf exception pour les opérations collectives obligatoires, la modulation des cotisations et des prestations ne peut être fondée que sur des critères objectifs limitativement énumérés (revenu, âge, durée d’appartenance, régime de sécurité sociale, lieu de résidence, etc.), à l’exclusion de l’état de santé ou du sexe.

ii. Les droits politiques

La participation à la vie démocratique de la mutuelle est un corollaire essentiel de l’adhésion. Le membre participant dispose :

  • d’un droit de vote à l’assemblée générale,
  • d’un droit de candidature au conseil d’administration,
  • d’un droit d’information sur les décisions prises par les organes de gouvernance.

Ces droits s’exercent conformément au principe d’égalité entre les membres, exprimé par la règle « un membre, une voix », qui constitue l’un des fondements du modèle mutualiste.

En ce sens, le membre participant n’est pas un usager passif du service d’assurance, mais un acteur engagé, porteur d’un projet collectif de protection sociale. Il participe à la délibération, à la décision, et à la co-construction de l’action mutualiste.

Les tiers intéressés au contrat d’assurance porté par une mutuelle: les ayants droit et les bénéficiaires

Le cœur du modèle mutualiste réside dans le lien d’adhésion unissant chaque membre à la mutuelle. Cet engagement ne se réduit ni à une simple relation contractuelle, ni à une prestation de service : il scelle une appartenance à une organisation autonome, porteuse d’un projet de solidarité et fondée sur une gouvernance démocratique. La qualité de membre n’est donc pas le simple corollaire de la souscription à une garantie ; elle procède d’un rattachement statutaire, engageant à la fois juridiquement et institutionnellement.

Le Code de la mutualité reconnaît deux formes principales de participation à la vie mutualiste : celle des membres participants, bénéficiaires des garanties et pleinement intégrés à la gouvernance de l’organisme, et celle des membres honoraires, qui contribuent au fonctionnement de la mutuelle sans relever de sa logique assurantielle.

L’analyse des conditions d’accès à la qualité de membre, des modalités d’adhésion et des droits qui y sont attachés permet de mieux comprendre la spécificité de l’engagement mutualiste, à l’intersection du droit des assurances et du droit des organismes à but non lucratif.

Nous nous focaliserons ici sur le statut des tiers intéressés au contrat d’assurance porté par une mutuelle.

Le contrat d’assurance mutualiste produit des effets qui débordent la seule relation entre la mutuelle et ses membres. En effet, certaines personnes, bien que n’ayant pas la qualité de membre, peuvent bénéficier des prestations assurantielles mises en œuvre par l’organisme. Ces bénéficiaires extérieurs à la mutuelle ne sont ni parties à l’acte d’adhésion, ni ne forment le corps électoral, ni ne participent à la gouvernance mutualiste. Néanmoins, leur intérêt à l’opération d’assurance résulte :

  • soit d’un lien dérivé, par l’intermédiaire d’un membre participant ;
  • soit d’un engagement contractuel spécifique, fondé sur une stipulation pour autrui.

a. Les ayants droit des membres participants

Les ayants droit sont les personnes désignées par les statuts ou les règlements mutualistes comme pouvant bénéficier des garanties souscrites par un membre participant. Leur droit est donc accessoire et dépendant de celui du membre dont ils dépendent (C. mutualité, art. L. 114-1, al. 2).

i. Une qualité accessoire, sans statut de membre

Contrairement au membre participant, l’ayant droit n’est pas adhérent à la mutuelle :

  • il ne signe aucun bulletin d’adhésion,
  • ne participe pas à la gouvernance de l’organisme,
  • et ne peut ni voter ni être élu dans les instances statutaires.

Il tire l’intégralité de ses droits des dispositions statutaires ou règlementaires applicables au membre participant dont il dépend. Par conséquent, la cessation d’adhésion du membre principal (résiliation, radiation, décès non couvert) emporte disparition du droit à prestations de l’ayant droit, sauf stipulation contraire.

ii. Définition du statut

Depuis l’abrogation de l’ancien article L. 313-3 du Code de la sécurité sociale, le législateur n’offre plus de définition de la notion d’ayant droit dans le cadre des contrats mutualistes. En conséquence, il revient désormais à chaque mutuelle de définir, dans ses statuts ou ses règlements mutualistes, les personnes qui peuvent être reconnues comme ayants droit d’un membre participant.

Cette définition est laissée à l’appréciation des mutuelles, sous réserve du respect des principes généraux du droit de la mutualité, en particulier le principe de non-discrimination (C. mutualité, art. L. 110-1 et L. 110-2). Les statuts peuvent ainsi prévoir que sont considérés comme ayants droit :

  • le conjoint marié du membre ;
  • le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ;
  • le concubin notoire ;
  • les enfants mineurs ou à charge ;
  • voire, selon les cas, certains ascendants ou autres membres de la famille vivant au foyer.

Cette autonomie permet aux mutuelles d’adapter leur politique de couverture aux réalités sociales et familiales contemporaines, en intégrant, par exemple, les nouveaux modèles familiaux ou les situations de dépendance économique.

b. Les bénéficiaires désignés par une stipulation pour autrui

Outre les ayants droit, une autre catégorie de personnes peut bénéficier des effets du contrat d’assurance mutualiste sans pour autant être membre de la mutuelle : il s’agit des bénéficiaires désignés par une stipulation pour autrui, conformément au régime prévu aux articles 1205 et suivants du Code civil.

Ce mécanisme permet à l’adhérent — dit le stipulant — de prévoir, dans le contrat mutualiste, qu’un tiers bénéficiera d’une prestation déterminée, sans être lui-même partie à la convention. Ce schéma est courant dans les garanties de prévoyance, notamment pour les prestations en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité, où le capital ou la rente est directement versé à un tiers désigné.

i. Un droit propre, né de la volonté du stipulant

Contrairement à l’ayant droit, dont la qualité est statutairement défini et juridiquement dérivé de l’adhésion du membre participant, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui dispose d’un droit propre, né de l’acte du stipulant.

Ce droit :

  • n’est pas subordonné à la qualité de membre du bénéficiaire ;
  • devient directement opposable à la mutuelle dès lors qu’il a été accepté ;
  • et ouvre la voie à une action personnelle en exécution de la prestation, selon les modalités prévues dans le contrat.

La stipulation produit donc un effet direct et immédiat au profit du tiers, qui peut valablement réclamer le versement des sommes ou l’exécution de l’engagement prévu, indépendamment de tout lien juridique avec la mutuelle.

ii. L’absence de qualité de membre

Malgré l’existence d’un droit sur la prestation, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui ne devient pas pour autant membre de la mutuelle. Il reste extérieur à la structure mutualiste, et n’est investi d’aucune des prérogatives attachées à la qualité d’adhérent.

Concrètement :

  • il ne participe pas à l’assemblée générale et ne dispose d’aucun droit de vote ;
  • il ne peut être éligible à aucune fonction au sein des instances dirigeantes ;
  • il n’est tenu par aucune obligation de cotisation ou de contribution ;
  • et il n’est pas soumis aux statuts ou règlements mutualistes, sauf en cas d’adhésion dûment formalisée.

Ce n’est que s’il accomplit les formalités d’adhésion — notamment la signature du bulletin et l’acceptation des statuts et règlements mutualistes — qu’il pourra acquérir la qualité de membre participant.

Les parties au contrat d’assurance porté par une mutuelle

Le cœur du modèle mutualiste réside dans le lien d’adhésion unissant chaque membre à la mutuelle. Cet engagement ne se réduit ni à une simple relation contractuelle, ni à une prestation de service : il scelle une appartenance à une organisation autonome, porteuse d’un projet de solidarité et fondée sur une gouvernance démocratique. La qualité de membre n’est donc pas le simple corollaire de la souscription à une garantie ; elle procède d’un rattachement statutaire, engageant à la fois juridiquement et institutionnellement.

Le Code de la mutualité reconnaît deux formes principales de participation à la vie mutualiste : celle des membres participants, bénéficiaires des garanties et pleinement intégrés à la gouvernance de l’organisme, et celle des membres honoraires, qui contribuent au fonctionnement de la mutuelle sans relever de sa logique assurantielle.

L’analyse des conditions d’accès à la qualité de membre, des modalités d’adhésion et des droits qui y sont attachés permet de mieux comprendre la spécificité de l’engagement mutualiste, à l’intersection du droit des assurances et du droit des organismes à but non lucratif.

Nous nous focaliserons ici sur le statut des seules personnes adhérentes, membres de la mutuelle.

L’adhésion constitue l’acte juridique créateur de la relation entre une personne et une mutuelle. Elle ne saurait être réduite à une simple formalité d’accès aux prestations : elle marque l’entrée dans une communauté organisée, fondée sur des valeurs spécifiques – solidarité, démocratie, non-lucrativité – et sur un projet collectif de protection sociale. En ce sens, l’adhésion emporte un double effet : elle confère à la fois un statut d’assuré et une qualité de membre, ancrée dans une logique institutionnelle propre au modèle mutualiste.

Conformément à l’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité, l’adhésion implique l’acceptation des statuts, du règlement intérieur et du règlement mutualiste, qui fixent les engagements contractuels réciproques. Ce triptyque normatif constitue le fondement des droits et obligations du membre, aussi bien sur le plan assurantiel (définition des garanties et cotisations) que statutaire (participation à la vie démocratique de la mutuelle).

Le Code de la mutualité distingue deux grandes catégories d’adhérents : les membres participants et les membres honoraires.

1. Les membres participants

Le membre participant constitue l’adhérent-type du contrat d’assurance mutualiste. Il incarne la spécificité du modèle mutualiste, en ce qu’il est à la fois bénéficiaire de garanties et acteur engagé de la gouvernance démocratique de l’organisme. L’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité le définit comme «?la personne physique qui bénéficie des prestations de la mutuelle à laquelle elle a adhéré et en ouvre le droit à ses ayants droit?».

Sa qualité repose sur une logique de double appartenance : juridique, au titre de la couverture assurantielle qu’il acquiert en contrepartie de sa cotisation ; politique, au regard de sa participation à la vie statutaire et institutionnelle de la mutuelle.

a. Qui peut être membre participant?

La qualité de membre participant est réservée, en vertu de l’article L. 114-1, alinéa 2 du Code de la mutualité, aux personnes physiques qui remplissent les conditions d’adhésion définies par les statuts de la mutuelle. Il s’agit d’un statut personnel, qui ne peut être conféré qu’à des individus, et dont l’attribution repose à la fois sur des critères statutaires d’éligibilité et sur la souscription effective d’une garantie.

i. Les conditions statutaires d’accès

Chaque mutuelle détermine, dans ses statuts, les conditions d’accès à l’adhésion. Ces conditions doivent être conformes aux principes posés par le Code de la mutualité, notamment ceux d’égalité et de non-discrimination, mais peuvent intégrer des critères propres à l’objet social de l’organisme, tels que :

  • l’appartenance à une catégorie socio-professionnelle déterminée ;
  • la résidence dans une zone géographique spécifique ;
  • l’affiliation à un régime particulier de sécurité sociale ;
  • ou tout autre critère objectif et pertinent, dès lors qu’il est prévu par les statuts.

Ainsi, peut devenir membre participant toute personne physique remplissant les conditions statutaires et acceptée par la mutuelle, dès lors qu’elle adhère et s’acquitte de la cotisation correspondant aux garanties souscrites, que ce soit dans le cadre d’une opération individuelle ou collective.

ii. Le cas particulier des mineurs de plus de 16 ans

Le Code de la mutualité prévoit une disposition spécifique à l’article L. 114-2, selon laquelle les mineurs âgés de plus de seize ans peuvent adhérer seuls, sans autorisation parentale, sous réserve qu’ils expriment une volonté éclairée. Cette disposition illustre la vocation inclusive et éducative de la mutualité, en reconnaissant aux jeunes la capacité de s’engager dans un dispositif solidaire dès l’âge de 16 ans.

iii. L’affiliation sans consentement dans les opérations collectives obligatoires

Enfin, il convient de souligner que dans le cadre des opérations collectives à adhésion obligatoire (article L. 221-2, III, 2°), la qualité de membre participant peut être attribuée automatiquement, sans qu’il soit nécessaire que la personne accomplisse un acte d’adhésion individuel. Dans cette hypothèse, la simple affiliation, opérée par l’effet d’un acte collectif à portée normative (convention collective, accord d’entreprise, décision unilatérale de l’employeur), suffit à faire naître la qualité de membre participant, dès lors que la personne bénéficie effectivement des garanties.

b. La formalisation de l’adhésion

L’adhésion donnant accès à la qualité de membre participant peut intervenir dans deux cadres juridiques distincts : celui de l’opération individuelle, d’une part, et celui de l’opération collective, d’autre part. Ces deux régimes, bien que juridiquement distincts, partagent une finalité commune : l’intégration de l’adhérent dans la communauté mutualiste en tant qu’assuré et acteur.

i. L’adhésion dans le cadre d’une opération individuelle

==>Définition juridique de l’opération individuelle

L’opération individuelle se définit, au sens de l’article L. 221-2, II du Code de la mutualité, comme celle par laquelle une personne physique adhère directement à une mutuelle ou à une union, en signant un bulletin d’adhésion. Cette adhésion intervient dans le cadre des activités d’assurance de personnes mentionnées à l’article L. 111-1, I, 1° (maladie, accident, prévoyance, etc.).

Ce type d’opération repose sur une démarche entièrement personnelle et volontaire, traduisant une volonté propre d’adhérer à la mutuelle, sans l’intermédiaire d’un contrat collectif.

La qualification juridique de l’adhérent dépend de sa situation au regard des garanties :

  • Si la personne physique adhérente est bénéficiaire des garanties, elle acquiert, à la date de sa signature, la qualité de membre participant. Elle devient ainsi à la fois bénéficiaire des garanties et membre statutaire de la mutuelle.
  • En revanche, si elle n’est pas elle-même bénéficiaire (par exemple lorsqu’elle adhère pour le compte d’un tiers), elle n’obtient que la qualité de membre honoraire. Dans ce cas, la personne physique effectivement couverte doit elle-même signer le bulletin d’adhésion pour être reconnue comme membre participant.

Cette exigence illustre le principe selon lequel la qualité de membre participant ne peut être acquise que par une personne physique bénéficiaire des garanties, et uniquement par l’effet d’un acte d’adhésion personnellement accompli. En ce sens, l’opération individuelle constitue un modèle d’adhésion fondé sur l’engagement exprès du bénéficiaire, à l’opposé de la logique à laquelle répond une opération collective.

==>Effets de l’adhésion

L’adhésion à une mutuelle produit des effets juridiques immédiats. Dès la signature du bulletin d’adhésion, et à condition que la personne physique soit bénéficiaire des garanties, celle-ci acquiert de plein droit la qualité de membre participant.

Cette qualité ne se réduit pas à la simple situation d’« assuré » : elle confère à l’adhérent un statut unique, à la fois assuré au titre du contrat mutualiste et membre actif de la mutuelle, participant à sa gouvernance.

D’une part, l’adhérent devient titulaire de droits à prestations, dans le cadre d’un régime assurantiel défini par le règlement mutualiste. Ce règlement précise la nature, l’étendue, les modalités de mise en œuvre, ainsi que les éventuelles exclusions ou limitations de garanties. Il encadre également les obligations de l’adhérent, au premier rang desquelles figure le versement régulier de la cotisation.

D’autre part, l’adhésion ouvre l’accès au régime statutaire de la mutuelle : le membre participant dispose d’un droit de vote à l’assemblée générale, d’une éligibilité aux fonctions d’administrateur, ainsi que d’un droit d’information et de participation aux décisions collectives. Ces droits s’exercent selon le principe « un membre, une voix » (art. L. 110-1 du Code de la mutualité), indépendamment du niveau de cotisation ou des prestations reçues.

Ce statut unifié, qui confère à la fois une protection assurantielle et une capacité d’intervention dans la gouvernance de l’organisme, constitue l’une des marques les plus distinctives de la mutualité. Il reflète une vision du contrat d’adhésion comme instrument de solidarité, mais aussi d’implication démocratique, au service d’un projet collectif non lucratif.

ii. L’adhésion dans le cadre d’une opération collective

Lorsque les garanties sont proposées dans un cadre collectif, l’adhésion à la mutuelle n’est plus initiée directement par la personne physique, mais organisée par l’entremise d’une personne morale souscriptrice, telle qu’un employeur, une association ou un groupement professionnel. Dans ce cas, c’est cette entité qui contracte avec la mutuelle pour le compte d’un ensemble de personnes, généralement ses salariés ou ses membres.

L’article L. 221-2, III du Code de la mutualité distingue alors deux régimes, selon le caractère facultatif ou obligatoire de l’adhésion individuelle. Cette distinction conditionne la manière dont la qualité de membre participant est acquise par les personnes physiques couvertes.

==>L’opération collective à adhésion facultative

Une opération collective est dite facultative lorsque chaque personne concernée dispose de la liberté d’adhérer ou non aux garanties souscrites pour son groupe (salariés d’une entreprise, membres d’une association, etc.). Ce régime repose donc sur une décision individuelle.

Concrètement, l’adhésion se matérialise :

  • soit par la signature d’un bulletin d’adhésion individuel ;
  • soit par l’acceptation expresse du contrat collectif conclu entre la mutuelle et la personne morale souscriptrice (employeur ou autre).

L’adhérent accepte ainsi les statuts de la mutuelle, les règlements mutualistes, et la notice d’information, dans les mêmes conditions que dans une opération individuelle.

À compter de la date de son adhésion, la personne physique acquiert la qualité de membre participant. Elle bénéficie des garanties prévues et participe à la vie statutaire de la mutuelle (vote, éligibilité, etc.).

La seule différence avec l’adhésion individuelle réside dans le cadre contractuel initial : ici, le contrat collectif lie d’abord la mutuelle et une entité tierce (ex. : l’employeur), mais l’engagement final de l’adhérent reste personnel, volontaire et juridiquement autonome.

==>L’opération collective à adhésion obligatoire

L’opération devient obligatoire lorsque l’affiliation des personnes physiques résulte d’un acte collectif ayant force contraignante, sans qu’un consentement individuel ne soit requis. L’adhésion n’est plus volontaire : elle découle d’une décision imposée à l’ensemble d’un groupe ou d’une catégorie de personnes.

Ce caractère obligatoire peut avoir plusieurs fondements :

  • une disposition légale ou réglementaire ;
  • une convention collective ou un accord de branche ;
  • un accord ratifié par la majorité des personnes concernées ;
  • ou une décision unilatérale de l’employeur (DUE).

Dans ces hypothèses, la personne physique est automatiquement affiliée à la mutuelle. Cette simple affiliation suffit à lui conférer la qualité de membre participant, sans qu’il soit nécessaire de signer un bulletin d’adhésion.

Le droit de la mutualité admet ici une exception au principe de liberté contractuelle, en ce qu’il reconnaît à l’acte collectif une valeur équivalente à un consentement individuel, à condition que soient respectées les garanties fixées par les statuts et les règlements mutualistes.

L’affiliation produit alors les mêmes effets juridiques qu’une adhésion individuelle : le salarié ou le membre affilié devient membre participant à part entière, bénéficiant des prestations et participant à la gouvernance de l’organisme.

c. Les droits et obligations attachés à la qualité de membre participant

La qualité de membre participant emporte des droits juridiques mais aussi des droits politiques, fondant l’originalité de l’engagement mutualiste.

i. Les droits juridiques

Les règlements mutualistes, adoptés soit par l’assemblée générale, soit par le conseil d’administration selon les statuts (art. L. 114-1 et L. 114-17 C. mutualité), déterminent l’ensemble des engagements contractuels opposables à la mutuelle comme au membre. Ces règlements précisent notamment :

  • les prestations garanties,
  • les modalités de déclaration des sinistres,
  • les délais de prescription,
  • les causes d’exclusion ou de déchéance,
  • les conditions de résiliation ou de reconduction tacite.

Le contenu de ces règlements est encadré par l’article R. 114-0-1 du Code de la mutualité, qui impose des mentions obligatoires, et par l’article L. 110-2, qui prohibe toute discrimination injustifiée. Sauf exception pour les opérations collectives obligatoires, la modulation des cotisations et des prestations ne peut être fondée que sur des critères objectifs limitativement énumérés (revenu, âge, durée d’appartenance, régime de sécurité sociale, lieu de résidence, etc.), à l’exclusion de l’état de santé ou du sexe.

ii. Les droits politiques

La participation à la vie démocratique de la mutuelle est un corollaire essentiel de l’adhésion. Le membre participant dispose :

  • d’un droit de vote à l’assemblée générale,
  • d’un droit de candidature au conseil d’administration,
  • d’un droit d’information sur les décisions prises par les organes de gouvernance.

Ces droits s’exercent conformément au principe d’égalité entre les membres, exprimé par la règle « un membre, une voix », qui constitue l’un des fondements du modèle mutualiste.

En ce sens, le membre participant n’est pas un usager passif du service d’assurance, mais un acteur engagé, porteur d’un projet collectif de protection sociale. Il participe à la délibération, à la décision, et à la co-construction de l’action mutualiste.

2. Les membres honoraires

Aux côtés des membres participants, le Code de la mutualité prévoit une catégorie distincte d’adhérents : les membres honoraires. Prévue à l’article L. 114-1, alinéa 4, cette qualité est ouverte aux personnes qui ne bénéficient d’aucune garantie assurantielle, mais qui souhaitent néanmoins contribuer à la vie de la mutuelle par leur engagement financier ou institutionnel.

a. Conditions d’admission

La qualité de membre honoraire peut être attribuée, selon les conditions fixées par les statuts de la mutuelle, aux catégories suivantes :

  • Les personnes physiques qui versent à la mutuelle des cotisations, contributions ou dons, ou qui lui ont rendu des services équivalents, sans bénéficier en retour de prestations. Cette situation vise notamment les anciens membres désireux de soutenir l’organisme, ou les personnalités impliquées dans son rayonnement social ou territorial.
  • Les personnes morales souscriptrices de contrats collectifs, en particulier les employeurs ayant conclu un contrat avec la mutuelle pour couvrir leurs salariés (art. L. 114-1, al. 5). Cette faculté est réservée aux mutuelles régies par le livre II du Code de la mutualité. Elle permet une implication institutionnelle des partenaires collectifs sans lien assurantiel propre.
  • Les représentants des salariés de ces personnes morales souscriptrices, lorsque les statuts de la mutuelle l’autorisent. Il s’agit ici d’une catégorie indirecte de membres honoraires, qui permet une représentation élargie des salariés dans la gouvernance mutualiste.

La qualité de membre honoraire ne s’acquiert pas de plein droit : elle est soumise à l’agrément du conseil d’administration de la mutuelle. L’article 11 des statuts-types de la Fédération Nationale de la Mutualité Française prévoit que cette admission peut résulter :

  • soit d’une demande expresse de la personne concernée ;
  • soit d’une proposition émanant du conseil d’administration lui-même.

Le conseil peut fixer des critères spécifiques, tenir compte de la contribution effective de la personne à la mutuelle, et, le cas échéant, déléguer cette prérogative à un comité ou à un dirigeant désigné. Cette procédure d’admission encadre rigoureusement l’accès à un statut qui, bien que sans contrepartie assurantielle, ouvre des droits politiques au sein de l’organisme.

En application de l’article L. 114-1, al. 6, les règlements mutualistes définissent les droits et obligations des membres honoraires, au même titre que ceux des membres participants, en ce qui concerne les cotisations (éventuelles) et la participation à la vie institutionnelle. Ces règlements, adoptés par l’assemblée générale sur proposition du conseil d’administration, constituent le cadre de référence pour apprécier l’implication attendue des membres honoraires et leur position dans l’organisation.

b. Statut et rôle au sein de la gouvernance mutualiste

Bien qu’ils ne soient ni bénéficiaires de garanties, ni liés par les règlements mutualistes définissant les engagements assurantiels, les membres honoraires peuvent exercer des droits politiques au sein de la mutuelle, dès lors que les statuts le prévoient.

À ce titre, ils peuvent :

  • participer à l’assemblée générale et y exercer un droit de vote, au même titre que les membres participants ;
  • être éligibles aux fonctions d’administrateur, s’ils sont des personnes physiques, ou s’ils représentent une personne morale elle-même membre honoraire.

Ce rôle institutionnel contribue à élargir la gouvernance mutualiste à des acteurs extérieurs au cercle des assurés, mais qui partagent les valeurs, les orientations ou les enjeux de la mutuelle. Il permet également d’impliquer durablement les partenaires collectifs — notamment les employeurs souscripteurs — dans la stratégie de l’organisme, sans leur reconnaître pour autant de droits à prestations.