Comment rédiger une assignation: méthodologie?

ASSIGNATION PAR-DEVANT LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE [Ville]

L’AN DEUX MILLE […]

ET LE

À LA DEMANDE DE :

[Si personne physique]

 Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], de nationalité [pays], demeurant à [adresse]

[Si personne morale]

La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

Ayant pour avocat constitué :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

Lequel se constitue sur la présente assignation et ses suites

[Si postulation]

Ayant pour avocat plaidant :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

J’AI HUISSIER SOUSSIGNÉ :

DONNÉ ASSIGNATION À :

[Si personne physique]

 Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], de nationalité [pays], demeurant à [adresse]

Où étant et parlant à :

[Si personne morale]

 La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

Où étant et parlant à :

D’AVOIR À COMPARAÎTRE :

Le [date] à [heures]

Par-devant le Tribunal judiciaire de [ville], [chambre], siégeant en la salle ordinaire de ses audiences au Palais de justice de [ville], sis [adresse]

ET L’INFORME :

Qu’un procès lui est intenté pour les raisons exposées ci-après.

TRÈS IMPORTANT

[Si représentation obligatoire]

Que dans un délai de QUINZE JOURS, à compter de la date du présent acte, conformément aux articles 54, 56, 752 et 763 du Code de procédure civile, il est tenu de constituer avocat pour être représenté par-devant ce tribunal.

Toutefois, si l’assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience.

Que l’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

Qu’à défaut, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

Il est, par ailleurs, rappelé les articles de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 reproduits ci-après :

Article 5

Les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sous les réserves prévues à l’article 4.

Ils peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel.

 Par dérogation au deuxième alinéa, les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l’aide juridictionnelle, ni dans des instances dans lesquelles ils ne seraient pas maîtres de l’affaire chargés également d’assurer la plaidoirie.

Article 5-1

Par dérogation au deuxième alinéa de l’article 5, les avocats inscrits au barreau de l’un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions. Ils peuvent postuler auprès de la cour d’appel de Paris quand ils ont postulé devant l’un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny et Créteil, et auprès de la cour d’appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

 La dérogation prévue au dernier alinéa du même article 5 leur est applicable.

Il est encore rappelé les dispositions du Code de procédure civile suivantes :

Article 640

Lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

Article 641

Lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

 Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. À défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.

 Lorsqu’un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d’abord décomptés, puis les jours.

Article 642

Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.

 Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Article 642-1

Les dispositions des articles 640 à 642 sont également applicables aux délais dans lesquels les inscriptions et autres formalités de publicité doivent être opérées.

Article 643

Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de tierce opposition dans l’hypothèse prévue à l’article 586 alinéa 3, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de :

  1. Un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ;
  1. Deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger.

[Si demande en justice visant, en matière immobilière, à remettre en cause des droits soumis à publicité foncière]

Lorsque la demande en justice doit faire l’objet d’une publication, l’article 54, 4° du Code de procédure civile, exige que soient reproduites les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier qui figurent à l’article 76 du décret n°55-1350 du 14 octobre 1955.

Dans un arrêt du 7 novembre 2012, la Cour de cassation est venue préciser que « le défaut de publication d’une demande tendant à l’annulation de droits résultant d’actes soumis à publicité constitue une fin de non-recevoir et non un vice de forme en affectant la validité » (Cass. 1ère civ. 7 nov. 2012, n°11-22.275).

Il est enfin indiqué au défendeur, en application des articles 56 et 752 du Code de procédure civile :

Que, le demandeur [consent/ ne consent pas] à ce que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire.

Que les pièces sur lesquelles la demande est fondée sont visées et jointes en fin d’acte selon bordereau.

[Si représentation facultative]

Que, en application des articles 753 et 762 du Code de procédure civile il est tenu :

==> Soit de se présenter à cette audience, seul ou assisté de l’une des personnes suivantes :

  • Un avocat
  • Le conjoint ;
  • Le concubin ;
  • La personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ;
  • Un parent ou allié en ligne directe ;
  • Un parent ou allié en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
  • Une personne exclusivement attachée à son service personnel ou à son entreprise.

==> Soit de se faire représenter par un avocat, ou par l’une des autres personnes ci-dessus énumérées, à condition qu’elle soit munie d’un pouvoir écrit et établi spécialement pour ce procès.

Que l’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

Qu’à défaut de comparaître à cette audience ou à toute autre à laquelle l’examen de cette affaire serait renvoyé, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

Il est, par ailleurs, indiqué au défendeur les dispositions du Code de procédure civile suivantes :

Article 817

Lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat conformément aux dispositions de l’article 761, la procédure est orale, sous réserve des dispositions particulières propres aux matières concernées.

Article 827

Le juge s’efforce de concilier les parties.

Article 830

A défaut de conciliation constatée à l’audience, l’affaire est immédiatement jugée ou, si elle n’est pas en état de l’être, renvoyée à une audience ultérieure. Dans ce cas, le greffier avise par tous moyens les parties qui ne l’auraient pas été verbalement de la date de l’audience.

Article 832

Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1343-5 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l’appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l’audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées.

Il est encore rappelé la disposition du Code civil suivante :

Article 1343-5

Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

 Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

 Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

 La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

 Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

 Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.

[Si demande en justice visant, en matière immobilière, à remettre en cause des droits soumis à publicité foncière]

Lorsque la demande en justice doit faire l’objet d’une publication, l’article 54, 4° du Code de procédure civile, exige que soient reproduites les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier qui figurent à l’article 76 du décret n°55-1350 du 14 octobre 1955.

Dans un arrêt du 7 novembre 2012, la Cour de cassation est venue préciser que « le défaut de publication d’une demande tendant à l’annulation de droits résultant d’actes soumis à publicité constitue une fin de non-recevoir et non un vice de forme en affectant la validité » (Cass. 1ère civ. 7 nov. 2012, n°11-22.275).

Il est enfin indiqué au défendeur, en application des articles 56 et 752 du Code de procédure civile :

Que, le demandeur [consent/ ne consent pas] à ce que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire.

Que les pièces sur lesquelles la demande est fondée sont visées et jointes en fin d’acte selon bordereau.

PLAISE AU TRIBUNAL

==> Condition de recevabilité de la demande tenant à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge

Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. »

Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.

Sont visées :

  • Les demandes qui tendent au paiement d’une somme inférieure à 5.000 euros
  • Les demandes relatives à un conflit de voisinage (actions visées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du COJ)

[Si exigence de tentative de règlement amiable du litige]

Conformément à l’article 750-1 du Code de procédure civile, préalablement à la saisine du Tribunal de céans, [identité du demandeur] a tenté de résoudre amiablement le litige en proposant, dans le cadre d’une [conciliation menée par un conciliateur de justice / de médiation / de procédure participative] à [identité du défendeur] de [préciser les diligences accomplies] :

Toutefois, cette tentative de règlement amiable n’a pas abouti pour les raisons suivantes : [préciser les raisons de l’échec]

[Si dispense de tentative de règlement amiable du litige]

En application de l’article 750-1 du Code de procédure civile, préalablement à la saisine du Tribunal de céans, [identité du demandeur] n’a pas tenté de résoudre amiablement le litige pour la raison suivante :

  • L’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord
  • L’exercice d’un recours préalable était obligatoire
  • L’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime
  • Le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation
  • Le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire

I) RAPPEL DES FAITS

  • Exposer les faits de façon synthétique et objective, tel qu’ils pourraient être énoncés dans le jugement à intervenir
  • Chaque élément de fait doit, en toute rigueur, être justifié au moyen d’une pièce visée dans le bordereau joint en annexe, numérotée et communiquée à la partie adverse et au juge

II) DISCUSSION

À titre de remarque liminaire, il convient de distinguer :

  • La prétention qui est le contenu de la demande
  • Le moyen qui est le raisonnement façonné pour justifier la demande
  • L’argument qui est un élément de fait ou de droit qui structure le moyen

1. Exposé des prétentions

Il s’agit ici d’exposer les prétentions formulées auprès de la Juridiction saisie en développant une argumentation juridique articulée autour de moyens en fait et en droit.

2. Hiérarchisation des prétentions

Lorsque plusieurs prétentions sont formulées par le demandeur, il y a lieu de les hiérarchiser en identifiant :

  • La demande principale
    • Il s’agit de la demande qui exprime la prétention la plus importance, soit celle qui prime sur toutes les autres
    • Le juge doit dès lors examiner la demande principale avant de statuer sur les demandes subsidiaires
  • Les demandes subsidiaires
    • Il s’agit des demandes alternatives, en ce sens qu’elles ne doivent être examinées par le Juge que dans l’hypothèse où il déciderait de ne pas faire droit à la demande principale
  • Les demandes accessoires
    • Il s’agit de demandes complémentaires qui se rattachent aux demandes principales et subsidiaires
    • Elles sont formulées, le plus souvent, en tout état de cause
    • Ces demandes consistent, par exemple, à réclamer la condamnation de la partie adverse aux dépens et au paiement des frais irrépétibles au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

3. Présentation des prétentions

Les prétentions formulées par le demandeur doivent être présentées au moyen d’un plan, lequel vise à faciliter la lecture de l’acte par le juge.

Deux situations peuvent être distinguées :

  • Les prétentions formulées par le demandeur sont cumulatives, car d’égale importance
  • Les prétentions formulées par le demandeur sont alternatives, car d’inégale importance

==> Les prétentions du demandeur sont cumulatives

Dans cette hypothèse, il conviendra de présenter les prétentions selon une logique chronologique, en les ordonnant, par exemple, de la plus pertinente à celle qui a le moins de chance d’être retenue par le Juge, en terminant par celles relatives à l’exécution provisoire (si justifiée), aux frais irrépétibles et aux dépens

  • Sur la demande A
  • Sur la demande B
  • Sur la demande C

                   […]

  • Sur l’exécution provisoire
  • Sur les frais irrépétibles et les dépens

==> Les prétentions du demandeur sont alternatives

Dans cette hypothèse, il conviendra de présenter les prétentions selon une logique hiérarchique :

I) A titre principal, sur la demande A

II) A titre subsidiaire, sur la demande B

III) A titre infiniment subsidiaire, sur la demande C

                            […]

 IV) En tout état de cause

  1. Sur la demande D
  2. Sur les frais irrépétibles et les dépends

4. Formulation des prétentions

La rédaction d’une assignation ou d’un jeu de conclusions obéit à deux règles fondamentales :

  • La nécessité de recourir au syllogisme juridique aux fins de justifier les prétentions
  • L’obligation de viser les pièces produites au soutien de chaque prétention

==> Sur la nécessité de recourir au syllogisme juridique aux fins de justifier les prétentions

Qu’il s’agisse d’une assignation ou de conclusions, les écritures judiciaires doivent formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée.

Autrement dit, chaque moyen développé au soutien d’une prétention doit être formulé sous la forme d’un raisonnement juridique façonnée au moyen d’un syllogisme.

Le syllogisme consiste en un raisonnement logique qui met en relation trois propositions :

  • La majeure: l’énoncé de la règle de droit applicable
  • La mineure: l’énoncé des faits du litige
  • La conclusion: l’application de la règle de droit aux faits

Exemple :

  • Tous les hommes sont mortels (majeure)
  • Or Socrate est un homme (mineure)
  • Donc Socrate est mortel (conclusion)

Les deux prémisses sont des propositions données et supposées vraies : le syllogisme permet d’établir la validité formelle de la conclusion, qui est nécessairement vraie si les prémisses sont effectivement vraies.

==> Sur l’obligation de viser les pièces produites au soutien de chaque prétention

Toutes les demandes et tous les arguments soulevés en demande et en défense doivent être prouvés par celui qui les allègue (articles 4 et 9 du CPC).

C’est la raison pour laquelle, toutes les pièces produites au cours des débats doivent être communiquées à la partie adverse dans les formes requises.

  • Obligation de communication des pièces
    • L’article 132 du Code de procédure civile prévoit que
      • D’une part, la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance.
      • D’autre part, la communication des pièces doit être spontanée.
  • Obligation de viser les pièces et de les numéroter
    • L’article 768 du Code de procédure civile prévoit que chacune des prétentions doit être fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.
  • Obligation d’établir un bordereau de pièces
    • L’article 768, al. 1er in fine du Code de procédure civile prévoit que, un bordereau énumérant les pièces justifiant les prétentions doit être annexé à l’assignation.

5. Exécution provisoire, frais irrépétibles et dépens

Pour conclure la discussion, il convient de ne pas omettre de solliciter :

  • L’exécution provisoire si elle est compatible avec la demande formulée
  • La condamnation du défendeur au paiement des frais irrépétibles
  • La condamnation du défendeur aux entiers dépens

==> Sur l’exécution provisoire

Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 l’exécution provisoire est désormais de droit pour les décisions de première instance (art. 514 CPC).

Par exception, elle est susceptible d’être écartée dans trois cas :

  • Lorsque la loi le prévoit
  • Lorsque le juge le décide, d’office ou sur la demande des parties, considérant que ;
    • Soit elle est incompatible avec la nature de l’affaire
    • Soit qu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives
  • Lorsque, en cas d’appel de la décision rendue, trois conditions cumulatives sont réunies :
    • D’une part, il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation
    • D’autre part, que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives
    • Enfin, si le demandeur a fait valoir ses observations sur l’exécution provisoire en première instance, auquel cas cette dernière n’est recevable, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, que si l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance

==> Sur les dépens

Les dépens sont régis aux articles 695 et suivants et Code de procédure civile.

  • Notion
    • Les dépens sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
    • Les dépens sont énumérés à l’article 695 du Code de procédure civile
    • Il s’agit de frais répétibles, en ce sens qu’ils sont supportés par la partie perdante
  • Les frais compris dans les dépens
    • Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution comprennent :
      • Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les greffes des juridictions ou l’administration des impôts à l’exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l’appui des prétentions des parties ;
      • Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;
      • Les indemnités des témoins ;
      • La rémunération des techniciens ;
      • Les débours tarifés ;
      • Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;
      • La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ;
      • Les frais occasionnés par la notification d’un acte à l’étranger ;
      • Les frais d’interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d’instruction effectuées à l’étranger à la demande des juridictions dans le cadre du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile et commerciale ;
      • Les enquêtes sociales ordonnées en application des articles 1072, 1171 et 1221 ;
      • La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de l’article 388-1 du code civil ;
      • Les rémunérations et frais afférents aux mesures, enquêtes et examens requis en application des dispositions de l’article 1210-8.
  • La charge des dépens
    • Principe : la partie succombant au procès
      • L’article 696 du CPC prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
    • Tempéraments : responsabilité des auxiliaires de justice
      • L’article 697 dispose que les avocats, anciens avoués et huissiers de justice peuvent être personnellement condamnés aux dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution accomplis en dehors des limites de leur mandat.
      • L’article 698 énonce encore que les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution injustifiés sont à la charge des auxiliaires de justice qui les ont faits, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. Il en est de même des dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution nuls par l’effet de leur faute.

==> Sur les frais irrépétibles

Les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile.

  • Notion
    • Les frais irrépétibles se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.
    • L’originalité de l’article 700 du Code de procédure civile tient au fait que, par définition, les frais irrépétibles sont ceux dont la partie gagnante ne peut obtenir le remboursement.
    • Or, ce texte a justement pour objet de lui permettre d’obtenir, à titre de compensation, une indemnisation forfaitaire de ses frais non compris dans les dépens (honoraires d’avocat, frais de transport et de séjour pour les besoins du procès, frais d’expertise amiable, etc.)
  • Conditions
    • L’existence d’une instance
      • L’article 700 du nouveau Code de procédure civile a une portée très générale dans la mesure où il concerne toutes les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale, rurale ou prud’homale (article 749 du nouveau Code de procédure civile).
      • Il est toutefois limité aux instances contentieuses et contradictoires.
    • La succombance de l’une des parties
      • L’article 700 du nouveau Code de procédure civile désigne la partie que le juge a la faculté de condamner au paiement d’une indemnité au titre des frais irrépétibles : il s’agit, en principe, de la partie tenue au paiement des dépens de l’instance dans les procédures avec dépens.
      • Ainsi, c’est normalement la charge des dépens qui va permettre au juge de déterminer la partie qui va devoir supporter la charge des frais irrépétibles.
      • À titre dérogatoire, dans les procédures gratuites ou sans dépens, la « partie perdante » pourra, le cas échéant, être condamnée par le juge à supporter la charge des frais irrépétibles.
      • La partie qui doit supporter l’intégralité des dépens ne peut demander d’indemnité pour frais irrépétibles.
    • L’existence de frais non compris dans les dépens
      • En principe, il s’agit de dépenses effectuées à l’occasion de l’instance par une partie non comprises dans les dépens.
      • Il n’est pas nécessaire que les dépenses aient été effectuées au moment de la demande.
      • En pratique, le justiciable n’est donc pas tenu de produire en justice une facture acquittée à l’appui de la demande de remboursement de ses frais irrépétibles.
    • La présentation d’une demande au titre des frais irrépétibles
      • À la différence de la condamnation aux dépens, le juge n’est pas tenu de statuer sur les frais irrépétibles, s’il n’est pas saisi d’une demande en ce sens.
      • En cas de désistement d’instance au principal, la demande formée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile par le demandeur peut être maintenue.
      • Réciproquement, ce désistement ne fait pas obstacle à une demande du défendeur en paiement des frais irrépétibles.
  • Frais concernés
    • Les frais irrépétibles comprennent notamment :
      • Les honoraires d’avocat
      • Les frais de déplacement, de démarches, de voyage et de séjour
      • Les frais engagés pour obtenir certaines pièces ;
      • Les honoraires versés à certains consultants techniques amiables (brevet, informatique, etc.) ou experts amiables

==> Formulation de la demande

Compte tenu de ce qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [nom du demandeur] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts, il est parfaitement fondé à solliciter la condamnation de [nom du défendeur] le paiement de la somme de [montant] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire pendante par-devant le Tribunal de céans, elle sera ordonnée dans la décision à intervenir.

PAR CES MOTIFS

Il est de principe que le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Cette règle impose, autrement dit, aux parties de synthétiser leurs prétentions dans un « dispositif » introduit par la formule « par ces motifs ».

Le dispositif constitue, en quelque sorte, la conclusion du raisonnement juridique.

A cet égard, le juge ne sera tenu de se prononcer que sur les termes de ce dispositif, soit sur les prétentions qui y sont énoncées.

Il est d’usage que le dispositif soit rédigé en ces termes :

Vu les articles […]
Vu la jurisprudence
Vu les pièces versées au débat

Il est demandé au Tribunal judiciaire de [ville] de :

Déclarant la demande de [Nom du demandeur] recevable et bien fondée,

I) À titre principal

  • CONSTATER que […]
  • DIRE ET JUGER que […]

 En conséquence,

  • ORDONNER […]
  • PRONONCER […]
  • CONDAMNER

II) À titre subsidiaire

[…]

III) À titre infiniment subsidiaire

[…]

IV) En tout état de cause

  • DIRE ET JUGER qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [nom du demandeur] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts

En conséquence,

  • CONDAMNER [nom de l’adversaire] au paiement de la somme de [montant] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
  • CONDAMNER [nom de l’adversaire] aux entiers dépens
  • ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir

SOUS TOUTES RESERVES ET CE AFIN QU’ILS N’EN IGNORENT

DEMANDE FONDÉE SUR LES PIÈCES SUIVANTES :

La procédure écrite devant le Tribunal judiciaire: la mise en état ou l’instruction de l’affaire

Si l’enrôlement de l’affaire est un prérequis pour que la juridiction soit valablement saisie, cette démarche seule ne suffit pas à permettre au juge de se saisir matériellement du dossier.

Une fois l’affaire inscrite au rôle, il est, en effet, nécessaire que l’affaire soit « orientée » vers un juge :

  • Soit pour qu’il soit procédé à son instruction
  • Soit aux fins de jugement
  • Soit aux fins de régularisation d’une convention de procédure participative
  • Soit aux fins d’orientation vers une audience de règlement amiable

Lorsque le Président estime à l’issue, soit de la première audience d’orientation, soit de la seconde, que l’affaire pas en état d’être jugée, il prononcera un renvoi devant le Juge de la mise en état, en application de l’article 779 du CPC. C’est ce que l’on appelle la voie du circuit long.

Le greffe doit alors aviser les avocats constitués de la désignation du juge de la mise en état, étant précisé que cette décision est une mesure d’administration judiciaire. Elle est donc insusceptible de voie de recours.

En tout état de cause, conformément à l’article 770, al. 2e du CPC, la décision du Président fait l’objet d’une simple mention en marge de la copie de l’assignation.

Une fois transmise au Juge de la mise en état, l’affaire est instruite sous son seul contrôle. Celui-ci a notamment pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.

L’instruction de l’affaire dans le cadre de la procédure applicable devant le Tribunal judiciaire comporte plusieurs aspects :

  • La désignation du Juge de la mise en état
  • Les missions et les pouvoirs du Juge de la mise en état
  • Les décisions du Juge de la mise en état
  • Les incidents d’instance
  • La clôture de la mise en état

I) La désignation du Juge de la mise en état

En application de l’article 779 du CPC, la désignation du Juge de la mise en état peut intervenir dans deux cas :

🡺Dans le cadre de la procédure de mise en état conventionnelle

Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont opté pour la conclusion d’une convention de procédure participative.

Plus précisément, un juge de la mise en état sera désigné si les parties ont formulé une demande de date de fixation de l’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.

Bien que, par hypothèse, la mise en état soit ici conventionnelle, le juge désigné est chargé de trancher toutes les difficultés susceptibles de naître dans le cadre de la procédure participative.

Cette faculté de saisir le juge est une nouveauté introduite par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui a modifié les termes de l’article 1555, 5 du CPC.

En effet, cette disposition prévoit désormais que si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention (art. 1555, 5° CPC).

🡺Dans le cadre de la procédure de mise en état judiciaire

En application de l’article 779 du CPC, lorsque, à l’issue de la procédure d’orientation, le Président du Tribunal ou le Président de chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, décide de ne pas renvoyer l’affaire à l’audience aux fins de jugement, il procède à la désignation d’un juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire.

Cette désignation peut être décidée, tant au moment de la première audience d’orientation, qu’au moment de la seconde audience qui est susceptible de se tenir lorsque le Président considérera qu’il convient de consentir un délai aux parties avant de décider de l’orientation de l’affaire.

En tout état de cause, la désignation du juge de la mise en état, amorce la voie de ce que l’on appelle le circuit long.

Elle se produira toutes les fois que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, à moins que l’une des parties ait été négligente dans l’observation des délais impartis pour conclure ou produire des pièces auquel cas le Président disposera toujours de la faculté de renvoyer directement l’affaire à l’audience de plaidoiries en guise de sanction, à la condition, toutefois, que la demande ait été formellement exprimée par un avocat.

Lorsque le Précisent décide de désigner le juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire qui, par hypothèse, n’est pas en état d’être jugée, le greffe est tenu d’en aviser les avocats, conformément au dernier alinéa de l’article 779 du CPC.

II) Les missions du Juge de la mise en état

La mission du Juge de la mise en état est d’assurer l’instruction de l’affaire. L’article 780 prévoit en ce sens que « l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle a été distribuée. »

Afin de mener à bien cette mission, le juge de la mise en état doit être guidé par deux objectifs dont l’atteinte conditionne le renvoi de l’affaire à l’audience de jugement :

  • Premier objectif
    • Il appartient au Juge de la mise en état de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.
    • Autrement dit, le Juge de la mise en état doit être le garant de la bonne tenue du débat judiciaire et, en particulier, du respect du principe du contradictoire.
    • L’observation de ce principe est une condition absolument nécessaire pour qu’il puisse être statué sur l’affaire.
    • L’article 16 du CPC dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. »
    • Le principe de la contradiction est l’un des fondements du procès équitable.
    • Il participe du principe plus général du respect des droits de la défense et du principe de loyauté des débats.
    • À cet égard, pour la Cour européenne, le principe de la contradiction implique notamment le droit pour une partie de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter (CEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c. Portugal, requête n° 15764/89).
  • Second objectif
    • L’article 799 du CPC prévoit que le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée
    • Ainsi, le second objectif qui doit être atteint par le Juge de la mise en état est d’impulser, en adoptant au besoin toutes les mesures utiles, les échanges de conclusions et les communications de pièces jusqu’à ce que le débat soit épuisé.
    • Autrement dit, il a pour tâche de faire en sorte que l’affaire soit en état d’être jugée.
    • Cette mission implique qu’il rythme la procédure en fixant un calendrier procédural, qu’il sollicite des auditions, qu’il entende les avocats, qu’il leur adresse des injonctions ou bien encore qu’il ordonne toute mesure d’instruction légalement admissible.

Au bilan, l’objectif d’efficacité et de célérité des procédures impose d’accorder une attention particulière à la mise en état.

Déjà plusieurs fois améliorée, elle est une phase essentielle et dynamique du procès civil dont l’objectif est de permettre d’audiencer des affaires véritablement en état d’être jugées.

Elle ne doit pas se limiter à de simples échanges de conclusions entre parties. Il s’agit en effet de permettre une mise en état non pas purement formelle mais une mise en état dite « intellectuelle » ce qui implique, de la part du juge notamment, une pleine connaissance de l’état du dossier.

Pour parvenir à cet objectif qui lui est assigné, le Juge de la mise en état dispose de nombreuses prérogatives dont certaines relèvent de sa compétence exclusive, soit de pouvoirs qui lui sont propres.

À cet égard, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu les pouvoirs du Juge de la mise en état.

Il a désormais compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, y compris lorsqu’il est nécessaire de trancher préalablement une question de fond.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

III) Les pouvoirs du Juge de la mise en état

À l’examen, les pouvoirs – nombreux et étendus – dont est investi le Juge de la mise en état peuvent être classés en deux catégories :

  • Première catégorie : les pouvoirs d’administration judiciaire
    • Ces pouvoirs sont conférés aux juges de la mise en état afin qu’il exerce sa mission de contrôle et d’impulsion de l’instruction.
    • L’adoption de mesures d’administration judiciaire va, en effet, lui permettre d’impulser le débat et de discipliner les parties dans l’échange des conclusions et la production des pièces
    • La particularité des décisions instaurant des mesures d’administration judiciaire est qu’elles sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée et qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.
  • Seconde catégorie : les pouvoirs juridictionnels
    • Les pouvoirs juridictionnels dont est investi le juge de la mise en état visent à lui permettre de trancher les contestations et incidents susceptibles d’intervenir au cours de l’instruction de l’affaire
    • À la différence des mesures judiciaires, les actes juridictionnels sont assortis de l’autorité de la chose jugée, tantôt au principal, tantôt au provisoire.
    • Ils sont également susceptibles de voies de recours, ce qui dès lors tempère le caractère discrétionnaire et irrévocable des décisions prises par le Juge de la mise en état
    • Enfin, les actes juridictionnels doivent répondre au formalisme qui s’impose au juge lorsqu’il rend un jugement, en particulier à l’exigence de motivation de tout jugement

A) Les pouvoirs d’administration judiciaire

1. Fixation du calendrier procédural

Il ressort de l’article 781 du CPC que le calendrier procédural peut être fixé selon deux modalités différentes.

Il peut être le produit :

  • Soit d’une décision unilatérale du Juge de la mise en état qui imposera aux avocats des délais sans qu’ils aient pu les discuter
  • Soit d’une concertation entre avocats auxquels le Juge de la mise en état aura octroyé la possibilité d’en négocier les termes

🡺La fixation unilatérale du calendrier procédural

  • La fixation de délais
    • L’article 781, al. 1er du CPC dispose que « le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. »
    • Il ressort de cette disposition que si lorsque le juge de la mise en état fixe des délais il doit ;
      • D’une part, tenir compte d’un certain nombre de critères (urgence, complexité et nature de l’affaire) lesquels doivent lui permettre d’apprécier la durée du délai accordé
      • D’autre part, solliciter l’avis des avocats, ce qui signifie qu’ils doivent être convoqués à l’audience et invité à présenter leurs observations, bien qu’il ne soit pas lié par leurs demandes.
    • Les délais fixés par le Juge de la mise en état visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces
    • Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur.
    • Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge de la mise en état.
    • En application de l’article 792 du CPC la décision du juge fait l’objet d’une simple mention au dossier.
    • Parce qu’il s’agit d’une mesure judiciaire, elle est insusceptible de voies de recours.
  • L’octroi de prorogations
    • Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations (art. 781, al. 2 CPC).
    • Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.
    • Autre alternative susceptible d’être retenue par le juge, l’article 764, al. 6 prévoit qu’il peut également renvoyer l’affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige.
  • Les injonctions
    • Lorsqu’une partie ne respecte pas le délai qui lui était imparti pour conclure, l’article 780 du CPC confère au Juge de la mise en état le pouvoir de prononcer des injonctions de conclure ou de communiquer les pièces attendues
    • L’article 774 prévoit, à cet égard, que les injonctions doivent toujours donner lieu à la délivrance d’un bulletin
    • Ce bulletin doit être daté et signé par le greffier, et remis ou déposé par celui-ci au lieu où sont effectuées, au siège du tribunal, les notifications entre avocats.
  • Les sanctions
    • En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, deux sanctions sont encourues par les parties, selon que la négligence est imputable à une seule d’entre elles ou aux deux
      • La clôture partielle en cas de défaut d’une seule partie
        • L’article 800 du CPC prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».
        • On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente.
        • Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.
        • Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture
        • La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
        • La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.
        • Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.
      • La radiation de l’affaire en cas de négligence des deux parties
        • Principe
          • L’article 801, al. 1er du CPC dispose que « si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours. »
          • L’alinéa 2 précise que « copie de cette ordonnance est adressée à chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile réel ou à leur résidence. »
          • Le Juge de la mise en état dispose ainsi de la faculté, en cas de négligence des deux parties, de prononcer la radiation de l’affaire.
          • Cette faculté est un rappel de la règle plus générale énoncée à l’article 381 du CPC qui prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».
        • Effets
          • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
          • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
          • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
          • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
        • Régime
          • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
          • Reste que l’article 801 du CPC impose au juge
            • D’une part, de provoquer l’avis des avocats
            • D’autre part, de rendre ordonnance de radiation qui doit être motivée.

🡺La fixation concertée du calendrier procédural

L’article 781, al. 3 du CPC prévoit que le juge de la mise en état « peut, après avoir recueilli l’avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état. »

L’alinéa 4 de cette disposition précise que le calendrier comporte alors « le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l’article 450, celle du prononcé de la décision. »

S’inspirant des pratiques de juridictions ayant mis en place des « contrats de procédure », l’article 781 introduit par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 a consacré ce dispositif.

L’ancienne rédaction prévoyait seulement que le juge fixe les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, « au fur et à mesure ».

Prise à la lettre, cette disposition interdisait donc les calendriers de procédure. À tout le moins, elle n’incitait pas les juges de la mise en état à s’orienter dans cette voie.

Désormais, le juge, après avoir recueilli l’accord des conseils des parties, peut donc fixer le calendrier de la mise en état qui comportera la date de toutes les étapes de la procédure, y compris celle du jugement.

Ce calendrier ne doit pas se limiter à un simple énoncé de dates. Il doit procéder, pour être efficace, d’une collaboration volontaire et étroite entre les avocats et le juge et résulter d’une action concertée au sein des juridictions.

Sans bouleverser les règles du procès civil, il conduit à un travail en commun qui impose que chacun connaisse tous les éléments du dossier à chaque étape de son traitement et puisse, en quelque sorte, anticiper l’évolution de la mise en état.

En impliquant davantage les auxiliaires de justice, ce dispositif innovant permet indubitablement de raccourcir les délais de procédure en supprimant les audiences formelles de mise en état et en éliminant les temps morts.

L’article 781 prévoit d’ailleurs, spécifiquement les conditions dans lesquelles ce calendrier peut être modifié, afin qu’il ne reste pas seulement indicatif.

Les délais fixés dans le calendrier peuvent, en effet, être prorogés qu’en cas de cause grave et dûment justifiée. À défaut, il conviendra de prononcer la radiation de l’affaire.

2. L’orientation du procès

Le juge de la mise en état a pour mission principale d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

🡺Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • L’article 783 du CPC autorise le Juge de la mise en état à procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • L’article 786 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige. »
    • Cette disposition n’est qu’un rappel de l’article 332 du CPC qui relève d’une section consacrée à l’intervention forcée.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s.).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • L’article 785 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.
  • Désigner un médiateur
    • Innovation du décret du 11 décembre 2019, l’article 785, al. 2 du CPC autorise le Juge de la mise en état à désigner un médiateur.
    • Cette désignation s’opérera dans les conditions de l’article 131-1 du CPC qui prévoit que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Cette désignation ne pourra donc intervenir qu’à la condition d’avoir recueilli le consentement des parties.
    • La mission du médiateur consistera alors à assister les parties dans une recherche mutuelle de résolution du litige.
  • Orienter les parties vers une audience de règlement amiable
    • Nouveauté introduite par le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023, l’article 785, al. 4e du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut également décider que les parties seront convoquées à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues aux articles 774-1 à 774-4 ».
    • Ainsi, à tous les stades de l’instruction de l’affaire, les parties peuvent être invitées par le juge ou de leur propre initiative à tenter de trouver un compromis dans le cadre d’une audience de règlement amiable.
    • Si elles parviennent à un accord, elles peuvent demander au juge chargé de l’audience de règlement amiable, assisté du greffier, de constater cet accord, dans les conditions des articles 130 et 131, al. 1er du CPC.
    • En application de ces dispositions, la teneur de l’accord, même partiel, est consignée dans un procès-verbal signé par les parties, le greffier et le juge.
    • Les extraits de ce procès-verbal délivrés par le greffe valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
    • Dans l’hypothèse où un accord serait trouvé après la tenue de l’audience de règlement amiable, les parties peuvent le soumettre à l’homologation du juge de la mise en état.

🡺Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 782 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu, à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige et, le cas échéant, à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l’article 768. »
    • Cette prérogative dont est investi le juge de la mise en état a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge de la mise en état peut exiger que l’original ou une des pièces visées dans leurs écritures lui soient communiqués (art. 782 CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent.
  • L’audition des parties
    • Autre prérogative conférée au juge de la mise en état, l’article 784 prévoit qu’il « peut, même d’office, entendre les parties. »
    • En toute hypothèse, cette audition des parties a lieu contradictoirement à moins que l’une d’elles, dûment convoquée, ne se présente pas.
    • Le juge de la mise en état pourra être tenté d’auditionner les parties, soit pour obtenir des précisions orales sur un moyen de fait ou de droit qui a retenu son attention, soit lorsqu’il considérera qu’une conciliation est possible

B) Les pouvoirs juridictionnels

Le juge de la mise en état n’est pas seulement investi du pouvoir de contrôler et d’organiser l’instance, il lui incombe également de régler toutes les difficultés qui surviennent en son cours.

Il ne s’agira pas ici pour le juge de la mise en état d’adopter des mesures d’administration judiciaires dont la finalité est d’assurer le bon déroulement de l’instance, mais de rendre des décisions à caractère juridictionnel, lesquels vise à trancher une contestation ou un incident.

Le juge de la mise en état est investi du pouvoir de rendre des décisions à caractère juridictionnelles que l’on peut classer en deux catégories

  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire
  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Tandis que les premières s’imposent aux parties dans l’attente que le litige soit tranché au fond, les secondes sont définitives, en ce sens que le juge ne peut pas être saisi ultérieurement pour les mêmes fins.

1. Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Ces décisions sont donc celles qui ne lient pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge de la mise en état s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge de la mise en état, ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, lorsqu’il est statué au provisoire, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge de la mise en état, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision.

Au nombre des pouvoirs juridictionnels du Juge de la mise en état qui l’autorisent à statuer au provisoire on peut distinguer ceux qu’il détient en propre, de ceux qu’il emprunte au Juge des référés

🡺Les pouvoirs propres du Juge de la mise en état

On recense plusieurs pouvoirs autorisant le Juge de la mise à statuer au provisoire que l’article 789 du CPC lui confère en propre :

  • Les pouvoirs relatifs à la production de pièces
    • L’article 788 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »
    • Cette disposition lui confère donc le pouvoir de statuer selon les règles communes à toutes les procédures énoncées aux articles 132 du CPC.
    • Ainsi, en application de ces règles, le juge peut, par exemple enjoindre à une partie, sous astreinte, de communiquer une pièce (art. 133 CPC).
    • Il peut encore, toujours sous astreinte, fixer le délai, et, s’il y a lieu, les modalités de la communication (art. 134 CPC).
    • Enfin, il peut également écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile (art. 135 CPC).
  • Les pouvoirs relatifs à l’adoption de mesures d’instruction
    • L’article 789, 5° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. »
    • De toute évidence, cette disposition fait directement écho aux articles 143 et suivants du CPC qui régissent les mesures d’instruction susceptible d’être prises dans le cadre du procès civil
    • En particulier, l’article 143 du CPC dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »
    • L’article 144 précise que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.
    • En application de ces textes, le juge de la mise en état dispose de toute liberté pour prescrire une mesure d’instruction.
    • Dans la mesure où la loi ne pose aucune limite, les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient légalement admissibles.
    • Ces mesures peuvent consister en :
      • La désignation d’un expert
      • La désignation d’un huissier de justice
      • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers
    • L’article 147 du CPC l’autorise à conjuguer plusieurs mesures d’instruction.
    • Il peut ainsi, à tout moment et même en cours d’exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.
    • Le juge peut encore accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.
    • Bien qu’il dispose de toute latitude pour prescrire des mesures d’instruction, l’article 147 du CPC intime au Juge de limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.
  • Les pouvoirs relatifs à l’allocation de provisions ad litem
    • L’article 789, 2° autorise le juge de la mise en état à allouer une provision pour le procès
    • L’octroi de cette provision ad litem (en vue du procès) vise à permettre à une partie, en situation de difficultés financières, de faire face à certains coûts de l’instance, tels que, par exemple, les frais d’expertise.
  • Les pouvoirs relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles
    • L’article 790 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700. »
    • Cette prérogative lui a été conférée par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005
      • S’agissant des dépens ce sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
      • S’agissant des frais irrépétibles, ils se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.
    • Le pouvoir dont est investi le juge de la mise en état, l’autorise à statuer sur les frais de l’instance dont il a pu constater l’extinction mais également sur les frais exposés par les parties aux fins de mettre en œuvre les mesures conservatoires, provisoires ou d’instruction prononcées.
    • Si, par principe, lorsque le Juge de la mise en état statue sur les dépens et les frais irrépétibles sa décision est seulement assortie de l’autorité de la chose jugée au provisoire, il en va autrement lorsqu’il statue sur des exceptions de procédure ou des incidents d’instance.

🡺Les pouvoirs empruntés au Juge des référés

À l’examen, plusieurs pouvoirs conférés par l’article 789 du CPC au juge de la mise en état sont semblables à ceux dont est investi le juge des référés.

Cette disposition précise néanmoins que, dès lors que le juge de la mise en état est saisi, il dispose d’une compétence exclusive de toute intervention du Juge des référés.

Autrement dit, la désignation d’un Juge de la mise en état fait obstacle à la saisie du Juge des référés.

L’article 789, al.1er précise expressément que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour exercer un certain nombre de pouvoirs, dont ceux qu’il emprunte au Juge des référés.

Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a toutefois nuancé la règle en affirmant que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17.147).

Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent.

L’article 789 du CPC confère, en effet, une compétence exclusive à ce dernier uniquement « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation ».

Autrement dit, dès lors qu’il est saisi en premier, les parties n’ont d’autre choix que de s’en remettre au Juge de la mise en état, quand bien même leur demande serait susceptible de relever de la compétence du Juge des référés.

En tout état de cause, le Juge de la mise en état emprunte au Juge des référés un certain nombre de pouvoirs énoncés à l’article 789 du CPC :

  • Allouer une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable
    • Ce pouvoir du Juge de la mise en état rejoint la prérogative conférée par l’article 835, al. 2 du CPC au juge des référées
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le juge des référés] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
    • Pareillement à l’article 835, al. 2e du CPC l’article 789, 3° du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».
    • L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.
    • En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.
    • La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence.
    • À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :
      • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
      • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
      • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique
    • Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit.
    • D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.
    • Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge de la mise en état sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires.
    • Autre élément qui rapproche le Juge de la mise en état du Juge des référés, l’article 789 du CPC prévoit, dans les mêmes termes que l’article 489 relatif à l’ordonnance de référé, qu’il peut « subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 »
    • À cet égard, l’article 517 du Code de procédure civile précise que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »
    • La nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.
    • Par ailleurs, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l’être, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet.
    • En outre, le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente.
  • Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires
    • L’article 789, 4° du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées »
    • Ce pouvoir du Juge de la mise en état se rapproche très étroitement de l’office du Juge des référés lorsqu’il est saisi sur le fondement des articles 834 ou 835, al. 1er du CPC.
    • Tous les deux sont investis du pouvoir d’adopter des mesures conservatoires.
    • La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond.
    • Plus précisément, il s’agit de mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal
    • La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.
    • Elle peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la désignation d’un séquestre etc.
    • Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.
    • La ressemblance entre les prérogatives du Juge de la mise en état et du juge des référés en matière de mesures provisoires se renforce à la lecture des articles 789, 4° in fine et 488 du CPC qui les autorisent respectivement à « modifier ou compléter » des mesures qui auraient déjà été ordonnées soit par eux-mêmes, soit par un autre juge statuant au provisoire « en cas de survenance d’un fait nouveau ».

2. Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Le pouvoir que le Code de procédure civile confère au Juge de la mise en état ne se limite pas à statuer au provisoire. Il est également investi du pouvoir de rendre des décisions assorties de l’autorité de la chose jugée au principal.

Ainsi, certaines décisions prises par le Juge de la mise en état, sont rendues par lui à titre définitif. Pour ces décisions, le Code de procédure civile lui confère un pouvoir exclusif.

Il ressort de l’article 789, 1° du CPC que tel est le cas lorsqu’il statue sur les exceptions de procédures et les incidents d’instance.

Quant aux fins de non-recevoir, si depuis la réforme de la procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur elles, elles restent soumises à un régime spécifique.

a. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux exceptions de procédure et aux incidents d’instance

i. Principe

L’article 789, 1° du CPC dispose, en effet, que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge »

Il ressort de cette disposition que le Juge de la mise en état est donc investi du pouvoir de connaître des exceptions de procédure et des incidents d’instance.

🡺Les exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982, n°80-16.546) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 nov. 2001, n°99-17.875) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janv. 1996).

S’agissant des exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état, l’article 789, 1° du CPC n’opère aucune distinction, de sorte que, en application de l’adage ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, il n’y a pas lieu de distinguer : toutes sont concernées y compris celles qui seraient découvertes par la jurisprudence.

🡺Les incidents d’instance relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

Si le Code de procédure ne définit pas ce qu’est un incident d’instance, il les énumère.

Ainsi, au nombre des incidents d’instance figurent :

  • La jonction et la disjonction d’instances
    • Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.
    • Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).
    • Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.
  • L’interruption de l’instance
    • Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.
      • Événements emportant de plein droit interruption de l’instance (art.369 CPC)
        • La majorité d’une partie
        • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
        • L’effet du jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens (redressement ou liquidation judiciaires) dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
        • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle.
        • La décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable
      • Événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse (art. 370 CPC)
        • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible (art. 370 CPC), étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation.
        • la cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur (art. 370 CPC)
        • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice (art. 370 CPC).
  • La suspension de l’instance
    • L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.
    • Tel est le cas pour :
      • Le sursis à statuer
      • La radiation de l’affaire
      • Le retrait du rôle
  • L’extinction de l’instance
    • Le jugement est l’issue normale de tous les procès ; cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières.
    • Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.
    • Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).
    • Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.
    • L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).
      • Péremption d’instance
        • L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).
        • En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.
      • Désistement d’instance
        • Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.
      • Acquiescement à la demande
        • L’acquiescement est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
        • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
        • L’acquiescement à la demande doit être distingué de l’acquiescement au jugement qui emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
      • Caducité de la citation
        • Par application de l’article 468 du code de procédure civile, le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. Cependant, la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
        • Dans ce cas les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

S’agissant de l’article 789, 1° qui confère au Juge de la mise en état le pouvoir de connaître des incidents d’instance, comme pour les exceptions de procédure, il n’opère aucune distinction, de sorte que tous relèvent de sa compétence.

Ainsi, peut-il être amené à statuer, tant sur les incidents qui affectent la poursuite de l’instance, que ceux qui conduisent à son extinction.

ii. Régime

  • Le monopole du Juge de la mise en état
    • L’article 789 du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance »
    • Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».
    • Ce monopole qui portait d’abord sur les exceptions dilatoires a, par suite, été étendu à toutes les exceptions de procédure (décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998), puis aux incidents d’instance (décret n° 2004-836 du 20 août 2004)
    • Pour comprendre le sens de cette exclusivité de la compétence du juge en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents d’instance, il convient de se remémorer que l’institution du juge de la mise en état avait pour objet de permettre de purger la procédure des incidents avant son renvoi à l’audience, afin que le tribunal n’ait à juger que le fond du droit.
    • Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.
    • Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance devaient être tranchés immédiatement.
    • Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des exceptions de procédure, l’article 789 du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.
    • Cette obligation ne vise évidemment pas les exceptions et incidents qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
  • Les limites du monopole du Juge de la mise en état
    • Si, l’article 789 du CPC confère une compétence exclusive au Juge de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents d’instance, il précise que « les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ».
    • Cela signifie que le dessaisissement du juge de la mise en état a pour effet d’interdire aux parties de soulever des exceptions de procédure et des incidents instance.
    • Pratiquement, les parties seront donc irrecevables à s’en prévaloir, sauf à établir qu’elles se sont révélées postérieurement au dessaisissement du Juge de la mise en état.
    • Par principe, la formation de jugement n’a donc pas vocation à connaître les exceptions de procédure et les incidents d’instance qui doivent toutes avoir été purgées lors de l’instruction de l’affaire.

b. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux fins de non-recevoir

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille (procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

Au nombre des fins de non-recevoir figurent, celles énoncées par l’article 122 du CPC que sont :

  • Le défaut de qualité
  • Le défaut d’intérêt
  • La prescription
  • Délai préfix
  • Chose jugée

Les fins de non-recevoir relèvent-elles du pouvoir du Juge de la mise en état ? Tandis que la jurisprudence répondait négativement à cette question jusqu’à la réforme de la procédure civile, le législateur est venu modifier la règle par l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

i. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, les fins de non-recevoir n’étaient pas visées par l’ancien l’article 771, 1° du Code de procédure civile, devenu l’article 789, 1°.

On en déduisait, par voie de conséquence, qu’elles échappaient purement et simplement à l’office du Juge de la mise en état.

Dans un avis du 13 novembre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « les incidents mettant fin à l’instance visés par le deuxième alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile sont ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code et n’incluent pas les fins de non-recevoir ».

Manifestement, cet avis a été diversement accueilli par la doctrine.

Un auteur a, par exemple, estimé que la mise en état rénovée par le décret du 28 décembre 2005 « doit permettre de traiter les exceptions et fins de non-recevoir afin que seul le fond de l’affaire soit évoqué lors d’une audience de plaidoiries » (E. Bonnet,Gaz. Pal. du 1er au 5 janvier 2006, p. 9 et 10)

Par ailleurs, pour M. Beauchard, le Juge de la mise en état « est dorénavant compétent pour statuer non seulement sur les exceptions de procédure, mais également sur les fins de non-recevoir qui ont pour effet, lorsqu’elles sont admises, de mettre fin à l’instance (défaut d’intérêt ou de qualité pour agir, autorité de la chose jugée, prescription) ».

Biens que certains auteurs se soient ainsi élevés contre cette exclusion des fins de non-recevoir de la sphère de compétence du Juge de la mise en état, la Cour de cassation n’est jamais revenue sur sa position, ce dont se félicitait la doctrine majoritaire.

En effet, les fins de non-recevoir constituent des moyens de défense définis au titre V du livre premier du CPC. Elles sont donc différentes des incidents d’instance définis au titre XI.

Permettre au juge de la mise en état de statuer sur ces moyens de défense reviendrait donc, selon les auteurs, à les assimiler aux incidents d’instance alors qu’ils n’ont pas le même statut juridique, ce qui est contraire à la logique intellectuelle et juridique du CPC.

L’article 123 du CPC permet de proposer une fin de non-recevoir en tout état de cause. Or admettre que le Juge de la mise en état puisse statuer sur celle-ci, conduirait à neutraliser cette règle, la fin de non-recevoir ne pouvant plus, une fois tranchée, être invoquée devant la formation de jugement.

Aussi, comment concilier l’article 123 du CPC avec le pouvoir exclusif du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir ?

Dire que les fins de non-recevoir constituent des incidents mettant fin à l’instance au sens de l’article 789,1° du CPC aurait pour conséquence d’introduire une disparité de traitement entre les procédures avec mise en état et les procédures sans mise en état où les fins de non-recevoir pourraient continuer à être proposées en tout état de cause. Il paraît difficile de faire de l’article 123 un article à géométrie variable.

À cet égard, on peut noter que dans la circulaire du 8 février 2006, la chancellerie avait repris les termes du décret pour dire que le juge de la mise en état est désormais seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance.

La question de la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir lui avait été précisément posée.

Elle avait alors répondu dans les termes suivants dans un document du 14 avril 2006 intitulé « Réflexions sur le décret du 28 décembre 2005 ».

« Non, les compétences dévolues au juge de la mise en état par le premier alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile portent exclusivement sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance. Les fins de non-recevoir sont distinctes des incidents mettant fin à l’instance. Elles tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond. Elles recouvrent notamment le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription et la chose jugée et peuvent être soulevées en tout état de cause. Elles sont susceptibles de régularisation. Une nouvelle instance pourra toujours être réintroduite suite à un jugement ayant admis une fin de non-recevoir.

Les incidents mettant fin à l’instance sont énumérés aux articles 384 et 385 du nouveau code de procédure civile. Il s’agit de la transaction, de l’acquiescement, de la péremption, de la caducité, du désistement et du décès d’une partie. Ils ne sont pas sanctionnés par l’irrecevabilité de l’action mais par l’extinction de l’instance en raison d’un événement de la volonté ou de la négligence des parties. Ils ne sont pas susceptibles de régularisation. L’autorité de la chose jugée pourra être opposée à une action introduite après une décision déclarant l’instance éteinte.

Le juge de la mise en état n’est donc pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Les premières décisions rendues sur la question par les juges du fond se sont prononcées majoritairement pour une impossibilité du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non- recevoir (TGI Toulouse, ord. JME, 1er ch., 12 avril 2006, RG 03/01865).

Par exemple, un conseiller de la mise en état ne s’est pas reconnu le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité d’un appel-nullité en matière de procédures collectives car « les notions d’exceptions de procédure et d’incidents mettant fin à l’instance doivent être appréciées au regard des définitions données par le nouveau code de procédure civile et ne sauraient englober les défenses au fond et les fins de non-recevoir, et ne sauraient s’entendre au sens large d’incidents de mise en état » (CA Toulouse, ord. CME, 2ème ch., 15 mars 2006, RG 05/04909).

Plusieurs autres décisions ont statué dans le même sens (V. en ce sens CA Rouen, ord. CME, 3avril 2006, RG 05/02395 ; CA Montpellier, ord. CME, 29 mars 2006, RG 05/02183).

Reste que le législateur a entendu revenir sur cette position de la jurisprudence en conférant au Juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir

ii. Réforme de la procédure civile

🡺L’extension des pouvoirs du Juge de la mise en état

L’article 789, 6° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi opéré une extension des pouvoirs du Juge de la mise en état qui peut désormais connaître des fins de non-recevoir.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

Pour que la faculté de statuer sur les fins de non-recevoir reconnue au Juge de la mise en état soit cohérente avec les termes de l’article 123 du CPC qui détermine le régime des fins de non-recevoir, il est désormais précisé que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement »

Tel est donc le cas, lorsque l’affaire fait l’objet d’une mise en état dans le cadre de la procédure écrite pendante devant le Tribunal judiciaire.

🡺Régime

  • Le monopole du Juge de la mise en état
    • En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
    • Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».
    • Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.
    • Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.
    • Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.
    • Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
    • Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état »[1].
  • Les limites du monopole du Juge de la mise en état
    • L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.
    • Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?
    • Le décret du 11 décembre 2019 a répondu à cette interrogation en posant un principe qu’il a assorti d’exceptions.
      • Principe
        • L’article 789, al. 2 du CPC pose que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »
        • Ainsi, le juge de la mise en état se voit-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépend l’appréhension de la fin de non-recevoir.
      • Exceptions
        • Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir peuvent être tranchées par la formation de jugement :
          • Soit à la demande des parties
            • L’article 789 al. 2 dispose que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
            • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui a vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
            • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précise le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
            • Le texte invite alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
            • Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.
          • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
            • Le renvoi devant la formation de jugement peut également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estime nécessaire.
            • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi est insusceptible d’une voie de recours.
            • Si la formation de jugement estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle peut renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.
    • En tout état de cause, l’article 789 dispose que lorsque le juge de la mise en état ou la formation de jugement sont amenés à statuer sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir, ils doivent le faire par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement.

C) Les décisions du Juge de la mise en état

1. La forme des décisions du Juge de la mise en état

Les décisions prises par le Juge de la mise en état sont susceptibles de prendre trois formes différentes, selon leur nature :

🡺Principe : une simple mention au dossier

L’article 792 du CPC prévoit que, par principe, les mesures prises par le Juge de la mise en état font l’objet d’une simple mention au dossier, laquelle mention est assortie d’un avis donné aux avocats.

Il en va notamment ainsi des mesures tenant à :

  • La détermination du calendrier procédurale (octroi de délais, prorogation, injonctions etc..)
  • L’invitation des parties à répondre à un moyen de fait ou de droit
  • L’audition des parties
  • L’instruction du dossier
  • La jonction et la disjonction d’instance

À cet égard, l’article 771 du CPC prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

🡺Exception : l’ordonnance

L’alinéa 2 de l’article 792 apporte un tempérament au principe posé par l’alinéa 1er : « dans les cas prévus aux articles 787 à 790, le juge de la mise en état statue par ordonnance motivée sous réserve des règles particulières aux mesures d’instruction. »

Il ressort de cet alinéa qu’il est des cas où la décision prise par le Juge de la mise en état requiert qu’il rende une ordonnance.

Bien que l’article 792 ne le dise pas, il convient de distinguer les mesures qui exigent l’établissement d’une ordonnance motivée de celles qui ne le requièrent pas.

  • Les décisions exigeant l’établissement d’une ordonnance simple
    • Au nombre des mesures qui ne requiert pas l’établissement d’une ordonnance motivée figurent :
      • La décision constatant et homologuant l’accord des parties
      • La décision prononçant la clôture totale ou partielle de l’instruction.
  • Les décisions exigeant l’établissement d’une ordonnance motivée
    • Les décisions qui requièrent l’établissement d’une ordonnance motivée sont celles visées aux articles 787 à 790 du CPC, soit :
      • Les décisions qui constatent l’extinction de l’instance
      • Les mesures tenant à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.
      • Les décisions relatives aux exceptions de procédure
      • Les décisions relatives aux incidents d’instance
      • Les décisions relatives à l’octroi d’une provision ad litem
      • Les décisions relatives à l’octroi d’une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable
      • Les décisions relatives à l’adoption de mesures provisoires ou conservatoires
      • Les décisions relatives à toute mesure d’instruction
      • Les décisions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles

2. L’exécution des décisions du Juge de la mise en état

L’article 514 du CPC prévoit que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Les décisions rendues en première instance sont donc, par principe, assorties de l’exécution provisoire.

C’est là une nouveauté – importante sinon marquante – de la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Sous l’empire du droit antérieur, le principe était que, pour bénéficier de l’exécution provisoire, les parties devaient en faire la demande au juge, faute de quoi l’effet suspensif de l’appel faisait obstacle à toute exécution de la décision rendue.

Désormais, le principe est inversé : la décision rendue en première instance doit être exécutée par la partie qui succombe.

L’article 514-1 CPC pose néanmoins une limite à ce principe lorsque l’exécution provisoire est de droit :

Le texte prévoit, en effet, que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

L’alinéa 3 de l’article 514-1 tempère toutefois cette faculté de neutralisation de l’exécution provisoire en disposant que le juge ne peut l’écarter lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état.

S’agissant des décisions rendues par le Juge de la mise en état, il ressort de cette disposition qu’il convient de distinguer deux sortes de décisions rendues par lui :

  • Les décisions qui intéressent l’adoption de mesures provisoires, conservatoires ou qui allouent une provision à l’une des parties
    • Pour ces décisions, elles sont assorties de l’exécution provisoire de plein droit, sans que le Juge de la mise en état ne puisse la neutraliser.
  • Les décisions qui n’intéressent pas l’adoption de mesures provisoires, conservatoires ou qui allouent une provision à l’une des parties
    • Pour ces décisions, si elles sont également assorties de l’exécution provisoire de plein droit, et c’est une nouveauté, le Juge de la mise en état pourra écarter l’exécution provisoire à la condition toutefois qu’il soit établi qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire
    • Il pourra statuer sur le maintien de l’exécution provisoire, soit d’office, soit à la demande d’une partie.

3. Les voies de recours contre les décisions du Juge de la mise en état

Les voies de recours contre les décisions prises par le Juge de la mise en état diffèrent selon la nature des décisions contestées.

🡺Pour les décisions qui font l’objet de l’inscription d’une simple mention au dossier

Il s’agit de mesures d’administration judiciaire, en conséquence de quoi elles sont insusceptibles de voies de recours (art. 537 CPC).

Cela signifie que ces mesures ne peuvent être déférées, ni devant la Cour d’appel, ni devant la Cour de cassation.

Quant à la voie de recours exercée, toutes sont concernées qu’il s’agisse de l’appel ou de l’opposition.

🡺Pour les décisions qui font l’objet de l’établissement d’une ordonnance

À titre de remarque liminaire, il convient d’observer que l’appel est la seule voie de recours ouverte contre les décisions du Juge de la mise en état, à tout le moins pour celles qui ne sont pas constitutives d’une mesure d’administration judiciaire.

L’article 795, al. 1er prévoit en ce sens que « les ordonnances du juge de la mise en état et les décisions rendues par la formation de jugement en application du neuvième alinéa de l’article 789 ne sont pas susceptibles d’opposition. »

Quant au pourvoi en cassation, il ne peut être formé qu’une fois rendu le jugement statuant au fond (art. 795, al. 2 CPC).

L’appel, quant à lui, peut être exercé selon des modalités différentes, selon la nature de la décision prise par le Juge de la mise en état.

À cet égard, il convient de distinguer les décisions qui sont susceptibles de faire l’objet d’un appel immédiat, de celles qui ne peuvent être frappées que d’une voie de recours différée.

  • Principe : l’appel différé
    • L’article 795, al. 2 du CPC prévoit que lorsqu’une décision rendue par le Juge de la mise en état est susceptible d’appel, la voie de recours ne peut être frappée d’appel ou de pourvoi en cassation qu’avec le jugement statuant sur le fond.
    • La conséquence en est pour les parties, qu’elles ne pourront exercer une voie de recours contre les ordonnances du Juge de la mise en état qu’après que le jugement au fond aura été rendu.
  • Exceptions : l’appel immédiat
    • Par exception, l’article 795, 1°, 2°, 3° et 4° prévoit que dans un certain nombre de cas, par souci de bonne administration de la justice et de célérité de l’instance, l’appel peut être exercé dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance du juge de la mise en état.
    • Les décisions visées sont celles qui :
      • Lorsqu’elles statuent sur un incident mettant fin à l’instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l’extinction
      • Même lorsqu’elles ne mettent pas fin à l’instance, les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur un incident de nature à y mettre fin qui statuent sur une exception de procédure (Cass. 2e civ. 11 juill. 2013, n°12-15.994).
      • Ont trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps ;
      • Ont statué sur une exception de procédure (Cass. 2e civ. 14 mai 2009, n°08-10.292) ou une fin de non-recevoir.
        • Le texte précise que « lorsque la fin de non-recevoir a nécessité que soit tranchée au préalable une question de fond, l’appel peut porter sur cette question de fond ».
      • Dans le cas où le montant de la demande est supérieur au taux de compétence en dernier ressort, ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable
      • Qui ont trait aux mesures d’expertise et au sursis à statuer à la double condition que :
        • D’une part, de l’obtention de l’autorisation du Premier Président de la Cour d’appel
        • D’autre part, qu’il soit justifié d’un motif grave et légitime

IV) Les incidents d’instance

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du Livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

À défaut de définition légale, ils peuvent être définis comme les événements qui modifient le cours de l’instance, soit en ce qu’ils affectent sa continuité (suspension ou interruption), soit en ce qu’ils provoquent son extinction (péremption, désistement, acquiescement, etc.).

Le Code de procédure civile énumère aux articles 367 à 410 quatre sortes d’incidents, au nombre desquels figurent :

  • La jonction et la disjonction d’instance
  • L’interruption de l’instance
  • La suspension de l’instance
  • L’extinction de l’instance

A) La jonction et la disjonction d’instances

Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.

Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).

Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.

L’article 368 du CPC prévoit que « les décisions de jonction ou disjonction d’instances sont des mesures d’administration judiciaire ». Il en résulte qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.

B) L’interruption de l’instance

1. Les causes d’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

🡺Les événements emportant de plein droit interruption de l’instance

L’article 369 du CPC envisage quatre causes d’interruption de plein de droit de l’instance :

  • La majorité d’une partie
  • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
  • Les effets du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
  • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle
  • La décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable.

🡺Les événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse

L’article 370 du CPC énonce trois causes d’interruption de l’instance subordonnées à leur notification :

  • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible, étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation (Cass. com. 21 oct. 2008, n°07-19.102).
  • La cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur
  • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice

2. Le moment de l’interruption

L’article 371 du CPC prévoit que « en aucun cas l’instance n’est interrompue si l’événement survient ou est notifié après l’ouverture des débats. »

Il en résulte que la cause d’interruption de l’instance doit intervenir avant l’ouverture des débats, soit le moment où à l’audience de plaidoirie, la parole est donnée, soit au demandeur, soit au juge rapporteur.

3. Les effets de l’interruption de l’instance

L’interruption de l’instance a pour effet de faire obstacle à la poursuite des débats. Plus aucun acte ne peut être accompli.

Bien que le juge demeure saisi de l’affaire (art. 376 CPC), l’instance pendante devant lui n’est plus considérée comme étant en cours (Cass. com., 17 juill. 2001, n° 98-19.258).

Surtout, l’article 372 du CPC précise que « les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l’interruption de l’instance, sont réputés non avenus à moins qu’ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue. »

Autrement dit, tous les actes de procédure qui seraient accomplis au mépris de l’interruption d’instance sont privés d’effets, sauf à ce qu’ils soient couverts par la partie à la faveur de laquelle l’instance est interrompue.

4. La reprise de l’instance

a. Les modalités de reprise de l’instance

🡺La reprise de l’instance initiée par les parties

L’article 373 du CPC prévoit que « l’instance peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense »

Il ressort de cette disposition que la reprise d’instance est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de procédure.

Cette reprise peut être impulsée, soit par la partie à la faveur de laquelle l’interruption de l’instance est intervenue, soit par l’adversaire.

Deux hypothèses doivent ainsi être distinguées :

  • La reprise de l’instance est initiée par la partie en faveur de laquelle l’interruption est intervenue, elle peut être formalisée selon deux modalités différentes :
    • En matière de procédure écrite, la reprise peur être engagée au moyen de la prise de conclusions
    • En matière de procédure orale, la reprise pourra être déclenchée au moyen d’une déclaration du greffe de la juridiction saisie.
  • La reprise de l’instance est initiée par l’adversaire de la partie en faveur de laquelle l’interruption est intervenue
    • Dans cette hypothèse, la reprise de l’instance ne pourra être effectuée que par voie de citation, selon les mêmes modalités que l’acte introductif d’instance
    • À cet égard, l’article 375 du CPC précise que si la partie citée en reprise d’instance ne comparaît pas, il est procédé comme il est dit aux articles 471 et suivants, soit selon les dispositions qui régissent le jugement rendu par défaut et le jugement réputé contradictoire

🡺La reprise de l’instance provoquée par le Juge

L’article 376 du CPC prévoit que le juge « peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance et radier l’affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • La reprise de l’instance peut être provoquée par le juge, qui sans se substituer aux parties, peut les « inviter » à accomplir tous les actes utiles en vue de la reprise des débats, ce qui peut se traduire par la fixation de délais
    • En application de l’article 376 du CPC, il peut encore demander au ministère public de recueillir les renseignements nécessaires à la reprise d’instance.
    • Cette faculté réservée au juge s’explique par l’absence de dessaisissement, de sorte que l’affaire demeure toujours sous son contrôle.
  • Second enseignement
    • En cas de non-respect des délais et injonctions prescrits par le Juge, celui-ci peut prononcer la radiation de l’affaire
    • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
    • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
    • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
    • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

b. Les effets de la reprise de l’instance

L’article 374 du CPC dispose que « l’instance reprend son cours en l’état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue. »

Dans la mesure où l’interruption de l’instance emporte l’interruption du délai de péremption, ce délai court à nouveau à compter de la reprise de l’instance.

C) La suspension de l’instance

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

1. Le sursis à statuer

🡺Notion de sursis à statuer

Le sursis à statuer est défini à l’article 378 du CPC comme la décision qui « suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

Classiquement, on distingue deux sortes de sursis à statuer : le sursis à statuer obligatoire et le sursis à statuer facultatif.

  • S’agissant du sursis à statuer obligatoire
    • Il s’agit du sursis à statuer qui s’impose au juge, tel que prévu à l’article 108 du CPC.
    • Cette disposition prévoit que le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit :
      • Soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer
      • Soit d’un bénéfice de discussion ou de division
      • Soit de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi.
  • S’agissant du sursis à statuer facultatif
    • Il s’agit du sursis à statuer qui résulte d’un événement que le juge a déterminé
    • Les articles 109 et 110 du CPC prévoient, en ce sens, que le juge peut suspendre l’instance :
      • Soit pour accorder un délai au défendeur pour appeler un garant
      • Soit lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation
    • D’autres cas de sursis à statuer facultatif que ceux prévus par la loi ont été découverts par la jurisprudence tels que la formulation d’une question préjudicielle ou l’existence d’un litige pendant devant le Juge pénal

🡺Nature du sursis à statuer

En dépit de l’apparente clarté de cette dichotomie, la doctrine s’est rapidement interrogée sur la nature du sursis à statuer.

En effet, le Code de procédure civile aborde le sursis à statuer à deux endroits différents :

  • Tantôt, le sursis à statuer est envisagé aux articles 108 et suivants du CPC comme une exception dilatoire, laquelle n’est autre qu’une variété d’exception de procédure dont le régime est fixé par le chapitre II relevant d’un Titre V consacré aux moyens de défense des parties.
  • Tantôt, le sursis à statuer est envisagé aux articles 378 et suivants du CPC comme une variété d’incident d’instance, incident dont la particularité est d’avoir pour effet de suspendre le cours de l’instance

La question qui alors se pose est de savoir à quelle catégorie le sursis à statuer appartient-il ? De la réponse à cette question dépend le régime applicable. Or selon que le sursis à statuer est qualifié d’exception de procédure ou d’incident d’instance le régime applicable n’est pas le même.

  • Si l’on retient la qualification d’exception de procédure, il en résultera une conséquence majeure :
    • En application de l’article 789 du CPC le Juge de la mise en état est seul compétent pour connaître du sursis à statuer
    • L’exception doit donc être soulevée devant lui avant toute défense au fond et fin de non-recevoir (Art. 74 CPC).
    • La demande de sursis à statuer est alors irrecevable devant la formation de jugement, lors de l’ouverture des débats (art. 799 in fine CPC).
    • Reste que si le sursis à statuer est sollicité dans le cadre d’une demande incidente, il pourra être soulevé en tout état de cause, les demandes incidences échappant au régime des exceptions de procédure.
    • Autre conséquence de la qualification d’exception de procédure : les voies de recours.
    • L’article 794 du CPC prévoit que « les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789. »
    • Aussi, des voies de recours différentes sont prévues par les articles 795 et 914 du CPC selon que la décision du juge a ou non autorité de chose jugée.
  • Si l’on retient la qualification d’incident d’instance ne mettant pas fin à l’instance, la conséquence sera radicalement différente
    • La demande de sursis à statuer pourra être présentée pour la première fois devant la juridiction de jugement
    • S’agissant de la voie de recours, en application de l’article 380 du CPC la décision statuant sur l’incident ne peut être frappée d’appel que sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Quelle est la qualification retenue par la jurisprudence ?

Selon le service de documentation et d’études de la Cour de cassation « si les demandes de sursis à statuer font partie d’un titre du code consacré aux incidents d’instance, la jurisprudence les soumet néanmoins au régime des exceptions de procédure, de sorte que (…) ces demandes paraissent relever de la compétence du juge de la mise en état ».

À l’examen, la grande majorité des décisions émanant des cours d’appel qualifient le sursis à statuer d’exception de procédure, en se fondant notamment sur la définition large de l’article 73 du CPC. En revanche, certains arrêts réfutent cette qualification, mettant notamment en avant le plan du code, en ce que le sursis à statuer se situe sous le Titre XI relatif aux incidents d’instance.

Certains arrêts de cours d’appel (CA Toulouse, 15 juin 2007, RG 03/02229 ; CA Douai, 14 juin 2007, RG 07/00197 ; CA Versailles, 5 avril 2007, RG 06/01963 ; CA Versailles, 5 janvier 2006, RG 04/08622), rejoignant ainsi certaines études doctrinales, distinguent selon que le sursis est obligatoire ou facultatif.

La distinction est notamment fondée sur l’article 108 du CPC (« délai d’attente en vertu de la loi ») et sur le rôle du juge.

  • Lorsque le sursis est impératif, ne laissant au juge aucun pouvoir d’appréciation, il s’agirait d’une exception de procédure relevant du magistrat chargé de la mise en état.
  • Lorsque le sursis est facultatif, le juge a un rôle plus actif en ce qu’il doit rechercher si l’événement invoqué a une incidence sur l’affaire qui lui est soumise. Ce faisant, le magistrat est amené à examiner le fond de l’affaire qui relèverait de la seule formation de jugement.

Certains auteurs se sont penchés sur cette dichotomie estimant qu’une distinction pourrait être utilement faite entre :

  • Le sursis impératif prévu par la loi, qu’il est logique d’assimiler à une exception dilatoire au sens de l’article 108 du CPC in fine qui dispose : « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit (…) d’un délai d’attente en vertu de la loi » et qui relèverait de la compétence exclusive du magistrat de la mise en état, comme exception de procédure,
  • Et le sursis facultatif qui conduit le juge à analyser les incidences de l’événement sur le jugement de l’affaire au fond avant de se prononcer, cas où le sursis pourrait conserver sa nature d’incident ne mettant pas fin à l’instance et échapperait à la compétence exclusive du magistrat de la mise en état.

L’exemple utilisé à cette fin est le sursis sollicité au titre de l’article 4 du code de procédure pénale, lequel offre, depuis la réforme du 5 mars 2007, deux possibilités :

  • L’alinéa 2 : la suspension de l’instance civile s’impose dès lors que l’action civile a pour objet de demander réparation du dommage causé par l’infraction dont est saisi le juge répressif ; il s’agit ici d’un cas de sursis imposé au juge ;
  • L’alinéa 3 : la suspension soumise à l’appréciation du juge civil au regard de l’influence que pourra exercer la décision pénale sur l’infraction, mais alors que l’action civile a un autre objet que la réparation de l’infraction ; il s’agit ici d’un cas de sursis facultatif.

Dans le premier cas, le sursis relèverait de la compétence du magistrat de la mise en état, dans le second, il ressortirait à la compétence de la seule formation de jugement, même avant dessaisissement du magistrat de la mise en état (CA Paris, 13 juin 2006, JurisData n° 2006-311819).

Mais cette dualité de juge pose bien des difficultés, notamment celle soulevée par Mme Fricero : n’est-il pas paradoxal que pour un sursis imposé par la loi, il ne soit plus possible de le soulever devant le juge du fond en raison de l’irrecevabilité prévue par l’article 789 du code de procédure civile, alors que l’empêchement disparaîtrait pour un sursis facultatif ?

Ne serait-il pas plus cohérent de le soumettre au même juge, le magistrat de la mise en état, qui serait compétent pour statuer, quelle que soit la cause de la demande de sursis, et purger la procédure de tous ses aléas ?

Il sera observé que l’article 789, 1° du CPC, ne fait aucune distinction entre des exceptions de procédure qui seraient impératives et d’autres qui seraient facultatives pour le juge.

Bien avant la réforme de décembre 2005, certains praticiens exprimaient déjà leur souhait qu’une révision du code de procédure civile soumette à un même régime tout moyen de procédure ayant pour objet d’entraîner un sursis à statuer.

La distinction entre sursis obligatoire et sursis facultatif ne paraît pas adaptée aux exigences de la pratique.

Quoi qu’il en soit, sollicitée sur la question de la nature du sursis à statuer, dans un avis n°0080007P du 29 septembre 2008 la Cour de cassation a considéré « la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure ». Il y a donc lieu de lui appliquer le régime juridique attaché aux exceptions de procédure, en particulier la règle exigeant qu’elles soient soulevées in limine litis, soit avant toute demande au fond.

a. Les causes du sursis à statuer

Il convient de distinguer les cas de suspension de l’instance expressément visés par la loi, de ceux qui ne sont le sont pas.

🡺Les cas de suspension visés par la loi

Il ressort de la combinaison des articles 108, 109 et 110 que plusieurs cas de suspension de l’instance sont prévus par la loi.

  • Le délai d’option successorale
    • L’article 108 du CPC prévoit que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer ».
    • Manifestement, c’est le délai d’option successorale qui est envisagé par ce texte.
    • L’article 771 du Code civil prévoit que l’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
    • Ainsi, le bénéficiaire de ce délai peut solliciter du juge un sursis à statuer pendant afin de prendre le temps d’opter.
    • À l’expiration du délai de 4 mois, l’héritier pourra être sommé d’exercer son option successorale, ce qui ouvrira un nouveau délai de deux mois.
  • Le bénéfice de discussion ou de division
    • L’article 108 prévoit encore que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […] d’un bénéfice de discussion ou de division », étant précisé que ces mécanismes se rencontrent dans le cadre d’un engagement de caution.
      • Le bénéfice de la discussion prévu à l’article 2298 du Code civil permet à la caution d’exiger du créancier qu’il saisisse et fasse vendre les biens du débiteur avant de l’actionner en paiement.
      • Le bénéfice de division quant à lui, prévu à l’article 2303 du Code civil autorise la caution à exiger du créancier qu’il divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.
    • Tant le bénéfice de discussion que le bénéfice de division sont envisagés par le Code de procédure civile comme des exceptions dilatoires.
    • La caution est donc fondée à s’en prévaloir afin de solliciter un sursis à statuer.
    • Tel sera le cas lorsqu’elle sera poursuivie par le créancier, sans que celui-ci n’ait préalablement actionné en paiement le débiteur principal ou divisé ses poursuites en autant d’actions qu’il y a de cautions.
  • Le délai d’appel à un garant
    • L’article 109 du CPC prévoit que « le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant. »
    • Le texte fait ici référence à la faculté pour l’une des parties de solliciter la mise en œuvre d’une garantie simple ou formelle.
    • À cet égard, l’article 334 du CPC prévoit que la garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d’un bien.
    • Dans les deux cas, le demandeur peut avoir besoin de temps pour appeler à la cause le garant.
    • C’est précisément là la fonction de l’article 109 du CPC que d’autoriser le juge à octroyer au demandeur ce temps nécessaire à l’organisation de sa défense.
  • Délai nécessaire à l’exercice d’une voie de recours extraordinaire
    • L’article 110 du CPC prévoit que « le juge peut également suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation. »
    • Ainsi, lorsque l’une des parties entend se prévaloir d’une décision frappée par l’une de ces voies de recours, elle peut solliciter du juge un sursis à statuer.
    • Celui-ci accédera à la demande qui lui est présentée lorsque la décision dont se prévaut le demandeur est susceptible d’avoir une incidence sur la solution du litige qui lui est soumis.
    • L’objectif visé par cette règle est d’éviter que des décisions contradictoires puissent être rendues, raison pour laquelle il convient que la décision frappée d’une voie de recours extraordinaire soit définitive.

🡺Les cas de suspension non visés par la loi

L’article 108 du CPC prévoit outre les exceptions dilatoires tenant au délai d’option successorale ou aux bénéfices de discussion et de division, « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […]de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi. »

Il ressort de cette disposition que la liste des exceptions dilatoires énoncée aux articles 108, 109 et 110 du CPC n’est pas exhaustive. Elle demeure ouverte.

Reste à déterminer quels sont les autres cas de suspension de l’instance en dehors de ceux expressément par la loi.

L’examen de la jurisprudence révèle que les principaux cas admis au rang des exceptions dilatoires sont :

  • La formulation d’une question préjudicielle adressée au Juge administratif
    • Dans cette hypothèse, l’article 49, al. 2 du CPC prévoit que « lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle. »
  • La formulation d’une question prioritaire de constitutionnalité
    • La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution du 4 octobre 1958 un article 61-1 disposant que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
    • Pour permettre le contrôle par le Conseil constitutionnel, par voie d’exception, des dispositions législatives promulguées, la réforme instaure un dispositif qui comprend une suspension d’instance.
    • En effet, à l’occasion d’une instance en cours, une partie peut désormais soulever un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
    • Ce moyen est qualifié par la loi organique de question prioritaire de constitutionnalité.
    • Lorsqu’une telle question est posée devant une juridiction judiciaire, il incombe à celle-ci de statuer sans délai sur sa transmission à la Cour de cassation.
    • Cette transmission doit être ordonnée dès lors que la disposition législative contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, qu’elle n’a pas déjà, sauf changement des circonstances, été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
    • Cette transmission impose, en principe, à la juridiction initialement saisie de surseoir à statuer sur le fond de l’affaire dans l’attente de la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité.
  • Le criminel tient le civil en l’état
    • L’ancien article 4 du CPC prévoyait un sursis obligatoire à statuer de l’action civile « tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ».
    • Ce sursis au jugement de l’action civile reposait sur le principe prétorien selon lequel « le criminel tient le civil en l’état ».
    • La primauté de la décision pénale s’expliquait notamment en raison des moyens d’investigation plus efficaces dont dispose le juge répressif, ainsi que par le nécessaire respect de la présomption d’innocence.
    • Ce principe ne valait toutefois que pour les actions civiles engagées pendant ou après la mise en mouvement de l’action publique, et en aucun cas pour celles ayant déjà été tranchées lorsque celle-ci est mise en mouvement.
    • En outre, l’action publique et l’action civile devaient être relatives aux mêmes faits.
    • Ainsi en était-il par exemple d’une action civile exercée en réparation du dommage causé par l’infraction pour laquelle est engagée une procédure pénale.
    • La Cour de cassation avait interprété assez largement ce principe et considéré que le sursis à statuer devait être prononcé dès lors que le même fait avait servi de fondement à l’action publique et à l’action civile, sans pour autant que cette dernière corresponde à la réparation du préjudice subi du fait de l’infraction (V. en ce sens Cass., civ., 11 juin 1918).
    • La Cour de cassation considérait donc que le sursis à statuer devait être prononcé lorsque la décision prise sur l’action publique était « susceptible d’influer sur celle de la juridiction civile ».
    • Cette règle visait principalement à assurer une primauté de la chose jugée par le pénal sur le civil et à éviter ainsi une divergence de jurisprudence.
    • Au fil du temps, une pratique s’est toutefois installée, laquelle consistait à mettre en mouvement une action publique devant le juge pénal dans le seul objectif de suspendre un procès civil.
    • Afin de mettre un terme aux abus, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a considérablement limité la portée de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état » en cantonnant son application aux seules actions civiles exercées en réparation du dommage causé par l’infraction.
    • Ainsi, désormais, le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique aurait été mise en mouvement devant le juge pénal.

b. Les effets du sursis à statuer

L’article 378 du CPC prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine »

Il ressort de cette disposition que le sursis à statuer a pour effet de suspendre l’instance :

  • Soit pendant un temps fixé par le Juge
  • Soit jusqu’à la survenance d’un événement déterminé

En tout état de cause, il appartient au Juge de prévoir le fait générateur de la reprise de l’instance.

Le sursis à statuer ne dessaisit pas le Juge, de sorte qu’il dispose de la faculté de revenir sur sa décision, à tout le moins d’abréger ou de proroger le délai fixé.

À l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

Ainsi, tant les parties que le Juge peuvent provoquer la reprise de l’instance, à l’instar de l’interruption d’instance. Aucun acte formel n’est exigé par l’article 379 du CPC pour que la reprise de l’instance soit opérante.

Suivant les circonstances, le Juge peut encore révoquer le sursis ou en abréger le délai initialement fixé, en particulier s’il considère que ce délai n’est plus justifié.

c. Les recours contre la décision de sursis à statuer

L’article 380 du CPC prévoit en ce sens que la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Pratiquement, la partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.

S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas.

Lorsque la décision de sursis à statuer est rendue en dernier ressort, elle peut être attaquée par la voie du pourvoi en cassation, mais seulement pour violation de la règle de droit.

2. La radiation de l’affaire

🡺Les causes de radiation du rôle

L’article 381 du CPC prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».

À l’examen, les causes de radiation du rôle sont nombreuses :

  • Si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours (art. 801 CPC).
  • Lorsque devant la juridiction désignée les parties sont tenues de se faire représenter, l’affaire est d’office radiée si aucune d’elles n’a constitué avocat, selon le cas, dans le mois de l’avis qui leur a été donné (art. 97 CPC)
  • Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision (art. 524 CPC).
  • En cas d’interruption de l’instance, celui-ci peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance et radier l’affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti (art. 376 CPC)

🡺Notification de la décision de radiation

La décision de radiation du rôle doit être notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu’à leurs représentants. La notification précise le défaut de diligence sanctionné.

Cette notification vise à :

  • D’une part, informer les parties de la suspension de l’instance
  • D’autre part, leur indiquer la cause de suspension de l’instance afin qu’elles en tirent toutes les conséquences pour engager sa reprise

🡺Les effets de la radiation du rôle

L’article 381 du CPC prévoit que la radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».

Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend

L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.

En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.

3. Le retrait du rôle

L’article 382 du CPC prévoit que « le retrait du rôle est ordonné lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée. »

Cette demande de retrait du rôle doit être formulée au moyen de conclusions prises respectivement par chacune des parties.

Pour être acceptée, la radiation est subordonnée à l’existence d’un accord entre les parties. Elle sera rejetée si la demande émane d’une seule partie.

En application de l’article 383 du CPC et à l’instar de la radiation, le retrait du rôle est une mesure d’administration judiciaire. Elle ne peut donc pas faire l’objet de voies de recours.

L’alinéa 2 de cette disposition précise néanmoins que l’une des parties peut solliciter la reprise de l’instance, sauf à ce que celle-ci soit périmée. Il n’est pas nécessaire que cette demande soit formulée par les deux parties. Aucun formalisme n’est, par ailleurs, exigé.

La reprise de l’instance pourra donc être provoquée par la seule déclaration au greffe formulée par l’une des parties.

D) L’extinction de l’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès. Cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières. Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

1. Péremption d’instance

🡺Définition

L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).

En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.

Son double fondement s’est manifestement inversé avec la réforme de la procédure civile de 1975. Initialement conçue comme un mécanisme présumant surtout l’intention des parties d’abandonner l’instance, dans le strict respect du principe dispositif, la péremption est clairement devenue à titre principal, avec le nouveau code de procédure civile, une sanction de la carence des plaideurs de plus de deux ans dans la conduite de l’instance qui leur incombe, justifiée par une bonne administration de la justice.

La péremption d’instance vise à « sanctionner le défaut de diligence des parties » (Cass. com., 9 nov. 2004, n°01-16.726).

La péremption d’instance est régie aux articles 386 à 393 du Code de procédure civile.

🡺Domaine de la péremption

La péremption d’instance concerne toutes les juridictions (première instance, cour d’appel, Cour de cassation), sauf les juridictions pénales lorsqu’elles statuent sur intérêts civils (Cass. 2e civ., 20 mai 1992, n° 90-15.496).

Elle concerne, en principe, toutes les instances.

🡺Conditions de la péremption

  • Le délai
    • La péremption d’instance peut être sollicitée à l’expiration d’un délai de deux ans, dans l’hypothèse où, durant ce délai, aucun acte de procédure n’a été accompli par les parties.
    • Le délai court à compter de la dernière diligence procédurale des parties ou à compter du dernier acte de procédure suivant les cas (Cass. 1ère civ., 7 avr. 1999, n° 97-13.647).
    • Au cours de l’instance, il appartient donc aux parties d’effectuer toutes les diligences utiles à l’avancement de l’affaire, sous peine de péremption laquelle s’apparente à une sanction.
  • L’interruption du délai
    • Pour que le délai de péremption de l’instance commence à courir encore faut-il que pèse sur les parties l’obligation d’accomplir des diligences.
    • Lorsque, en effet, au cours d’une instance, un temps de procédure échappe aux diligences des parties (Cass. 3e civ., 26 janv. 2011, n°09-71.734), et tant qu’aucun événement leur redonnant prise sur l’instance n’intervient le délai de péremption est interrompu.
    • Tel est le cas, par exemple, pendant le délibéré.
    • Le délai de péremption est également interrompu dès que le juge de la mise en état a fixé l’affaire en état à une audience des plaidoiries (Cass. 2e civ., 12 février 2004, n°01-17.565).
    • De même, le délai est interrompu dès que le juge de la mise en état, sans surseoir à statuer, a radié l’affaire du rôle dans l’attente d’une décision pénale (Cass. 2e civ., 6 avr. 2006, n° 04-14.298).
    • Enfin, il cesse également de courir durant la période de transmission d’un dossier d’une juridiction à une autre après décision d’incompétence, jusqu’à la réception de la lettre du greffe prévue à l’article 97 du code de procédure civile (Cass. 2e civ., 15 janv. 2009, n° 07-22.074).
    • Conséquence de la qualification d’« interruption » de la péremption, c’est un nouveau délai de deux ans qui recommence à courir lorsque, intervient un événement, qui redonne aux parties une possibilité d’agir sur la procédure, tel que la révocation de l’ordonnance de clôture (Cass. 2e civ., 28 juin 2006, n°04-17.992), ou la décision du juge ordonnant le retrait du rôle à la demande des parties (Cass. 2e civ., 15 mai 2014, pourvoi n°13-17.294).
  • Les incidents affectant le délai de péremption
    • Il ressort des textes que certains événements ont pour effet d’affecter le délai de la péremption d’instance
    • Il en va ainsi des événements suivants :
      • L’interruption de l’instance
        • L’article 392, al. 1er du CPC prévoit que l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.
        • Ainsi, pour tous les cas d’interruption de l’instance prévus par la loi, le délai de péremption est interrompu.
        • Dès lors que le délai de péremption de l’instance est interrompu, un nouveau délai ne commence pas à courir immédiatement.
        • Un effet, l’interruption du délai de péremption dure aussi longtemps que l’interruption de l’instance.
        • Comme indiqué par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 avril 1993, l’interruption du délai de péremption « ne prend fin que par la reprise de l’instance » (Cass. 2e civ. 5 avr. 1993, n°91-18.734).
        • Autrement dit, le délai de péremption ne recommence à courir qu’à compter de la reprise de l’instance.
        • Il peut être observé que lorsque l’instance a été interrompue par la conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état, l’alinéa 3e de l’article 392 du CPC précise que le nouveau délai de péremption court à compter de l’extinction de cette convention.
        • Lorsque, par ailleurs, l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, l’alinéa 4e de l’article 392 du CPC, prévoit que le nouveau délai de péremption de l’instant court, quant à lui, « à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »
      • La suspension de l’instance
        • En cas de suspension de l’instance, l’article 392, al. 2e du CPC prévoit que le délai de péremption continue à courir.
        • La radiation ou le retrait de l’affaire du rôle sont, dès lors, sans incidence sur le délai de péremption de l’instance dans la mesure où l’efficacité de ces événements n’est assortie d’aucun terme, ni d’aucune condition.
        • Par exception, la suspension de l’instance affecte le délai de péremption lorsqu’elle intervient pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé.
        • Pour ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.

🡺Procédure

  • Une instance en cours
    • Pour que la question de la péremption puisse être posée, il faut que l’instance soit en cours, ce qui a conduit la jurisprudence des années 1980 à préciser que le point de départ de l’instance est fixé à la date de la saisine de la juridiction (puisqu’il est nécessaire que le juge soit saisi de l’instance en cause), date qui peut donc varier
    • Classiquement, on considère que c’est l’enrôlement de l’assignation qui opère la saisine de la juridiction et non sa signification (V. en ce sens Cass. 2e civ., 29 février 1984, n° 82-12.259).
    • Dans l’hypothèse spécifique d’une cassation avec renvoi, le délai court à compter du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation lorsque celui-ci est contradictoire (Cass. 2e civ., 27 juin 1990, n° 89-14.276), et à compter de la saisine de la cour d’appel de renvoi lorsqu’il a été rendu par défaut.
    • Le point d’arrivée est le prononcé du jugement, dès lors qu’il dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche, ce qui donne lieu à un contentieux chaque fois qu’une voie de recours est exercée plus de deux ans après le prononcé d’une décision non signifiée.
    • Si l’irrecevabilité d’un appel ne résulte pas de l’expiration du délai pour l’interjeter, elle ne peut résulter de la péremption de l’instance de première instance, ni de celle de l’instance d’appel (Cass. 2e civ., 12 mars 1986, n° 84-16.642).
    • De même, l’instance au fond n’étant pas la suite de l’instance en référé-expertise, l’instance au fond intentée plus de deux ans après le dépôt du rapport d’expertise n’est pas périmée puisque l’ordonnance de référé a dessaisi le juge (Cass. 3e civ., 8 octobre 1997, n° 92-21.483).
    • Il s’ensuit également que le juge n’étant pas dessaisi par un jugement avant dire droit ou partiellement avant dire droit, le délai de péremption continue à courir, notamment durant les opérations d’expertise (Cass. 2e civ., 18 octobre 2001, n°99-21.883), sauf en cas d’indivisibilité des chefs de dispositif définitif et avant dire droit du jugement mixte (par exemple, la péremption de l’instance en indemnisation après expertise rend sans objet l’autorité de la chose jugée sur la responsabilité).
  • Les parties
    • L’article 387 du CPC prévoit que « la péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties. »
    • Tant le demandeur que le défendeur peuvent ainsi faire constater par le Juge la péremption de l’instance.
  • Forme de la demande
    • La péremption d’instance peut être demandée à titre principal soit au moyen d’une assignation, soit par voie de conclusions selon les situations
    • L’article 387, al. 2e du CPC précise que la péremption de l’instance peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai de péremption.
  • Moment de la demande
    • L’article 388 du CPC prévoit que « la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit »
    • Cela signifie qu’à l’expiration du délai de deux ans, la partie qui entend se prévaloir de la péremption de l’instance a l’obligation de soulever cette cause d’extinction de l’instance avant
      • Les exceptions de procédure
      • Les fins de non-recevoir
      • Les défenses au fond
    • La sanction de la règle est l’irrecevabilité de la demande de péremption de l’instance.
  • Rôle du Juge
    • Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2017-892 du 6 mai 2017 la péremption d’instance peut être soulevée d’office par le juge ce qui n’était pas le cas sous l’empire du droit antérieur.
    • Reste que la péremption d’instance étant de droit lorsqu’elle est demandée, le juge n’est investi d’aucun pouvoir d’appréciation s’il constate que la péremption est acquise (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 98-10.709).

🡺Effets de la péremption

  • Extinction de l’instance
    • L’article 389 du CPC prévoit que « la péremption n’éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir. »
    • Cela signifie que pour poursuivre l’action engagée, il conviendra d’introduire une nouvelle instance, soit de faire délivrer une nouvelle assignation, à supposer que l’action ne soit pas prescrite.
  • Survie de l’action
    • Il ressort de l’article 389 du CPC que lorsque l’instance est éteinte par la péremption, le droit d’agir subsiste néanmoins, ce qui autorise le demandeur à renouveler le procès par une nouvelle assignation (Cass. 2e civ., 11 février 2010, n° 08-20.154).
    • Devant la Cour de cassation, lorsque le pourvoi est radié du rôle en application des articles 1009-1 et suivants du code de procédure civile, un nouveau délai de péremption recommence à courir.
  • Acquisition de la force jugée du jugement
    • L’article 390 du CPC prévoit que la péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s’il n’a pas été notifié.
    • Lorsque, de la sorte, la péremption intervient au stade de l’appel, elle a pour effet de conférer au jugement rendu en première instance la force de chose jugée.
    • Cette décision ne pourra donc plus être remise en cause.
  • Opposabilité de la péremption d’instance
    • L’article 391 du CPC prévoit que le délai de péremption court contre toutes personnes physiques ou morales, même mineures ou majeures protégées, sauf leur recours contre leur représentant légal ou la personne chargée de la mesure de protection juridique.
  • Les frais d’instance
    • L’article 393 du CPC prévoit que les frais de l’instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance
    • Le demandeur aura, dans ces conditions, tout intérêt à éviter la péremption d’instance, sous peine de supporter les dépens et les frais irrépétibles.

2. Désistement d’instance

🡺Définition

Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.

Le désistement d’instance ne doit pas être confondu avec le désistement d’action

  • Le désistement d’instance
    • Ce désistement consiste seulement à renoncer à une demande en justice afin de mettre fin à l’instance.
    • La conséquence en est qu’une nouvelle demande pourra être introduite en justice, ce qui supposera d’engager une nouvelle instance
    • Ainsi, la partie qui se désiste à une instance ne renonce pas à l’action en justice dont elle demeure titulaire.
  • Le désistement d’action
    • Ce désistement consiste à renoncer, non pas à une demande en justice, mais à l’exercice du droit substantiel objet de la demande
    • Il en résulte que le titulaire de ce droit se prive, pour la suite, de la possibilité d’exercer une action en justice
    • En pareil cas, il y a donc renonciation définitive à agir en justice sur le fondement du droit auquel il a été renoncé

S’agissant du désistement d’instance, le Code de procédure civile distingue selon que le désistement d’instance intervient au stade de la première instance ou en appel et/ou opposition.

a. Le désistement en première instance

🡺Domaine

L’article 394 du CPC prévoit que le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance.

Il n’y a donc a priori aucune restriction pour faire jouer un désistement d’instance. Il est donc indifférent que les règles mobilisées dans le cadre de l’instance relèvent de l’ordre public.

🡺Conditions

  • Un acte de volonté
    • Principe
      • L’article 395 du CPC dispose que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur.
      • Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition
        • Premier enseignement, le désistement est un acte de volonté, de sorte que le demandeur doit justifier de sa pleine capacité
        • Second enseignent, le désistement ne peut être que le produit d’une rencontre des volontés, de sorte que défendeur doit consentir au désistement du demandeur.
      • S’agissant de l’expression du désistement, il peut être exprès ou tacite
    • Exceptions
      • Le principe posé à l’article 395 du CPC est assorti de deux exceptions.
      • En effet, l’acceptation n’est pas nécessaire si, au moment où le demandeur se désiste, le défendeur n’a présenté
        • Soit aucune défense au fond
        • Soit aucune fin de non-recevoir
  • Une décision
    • L’article 396 du CPC prévoit que le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime.
    • Ainsi, appartient-il au juge de s’assurer
      • D’une part, l’existence d’un accord entre les parties
      • D’autre part, en cas de désaccord, l’existence d’un motif légitime du défendeur, telle qu’une demande reconventionnelle
    • L’instance prendra fin, non pas sous l’effet du jugement, mais par l’accord des parties.
    • Le jugement constatant l’accord (de donner acte) est une mesure d’administration judiciaire dépourvue de l’autorité de la chose jugée et insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

🡺Effets

  • Exception de l’instance
    • L’article 398 du CPC prévoit que le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action, mais seulement extinction de l’instance.
    • La conséquence est alors double :
      • Tous les actes de procédure accomplis depuis la demande sont rétroactivement anéantis
      • Les parties conservent la possibilité d’introduire une nouvelle instance, tant que l’action n’est pas prescrite.
  • Les frais d’instance
    • L’article 399 du CPC dispose que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.
    • Ces frais devront, en principe, être supportés par l’auteur du désistement
    • Les parties demeurent libres de prévoir une répartition des frais différente, la règle n’étant pas d’ordre public.

b. Le désistement de l’appel ou de l’opposition

🡺Domaine

À l’instar du désistement en première instance, l’article 400 du CPC prévoit que « le désistement de l’appel ou de l’opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires. »

Il n’y a donc, s’agissant de la matière dont relève le litige, aucune restriction s’agissant du désistement dans le cadre d’un appel ou d’une opposition, sauf à ce qu’un texte en dispose autrement.

A l’examen, le cas de désistement se singularise, s’agissant de ces conditions de mise en œuvre diffèrent de celles applicables au désistement en première instance.

🡺Conditions

  • Les conditions de fond
    • Il convient de distinguer selon que le désistement porte sur un appel ou sur une opposition
      • S’agissant du désistement de l’appel
        • L’article 401 du CPC prévoit qu’il n’a besoin d’être accepté qu’à la condition :
          • Soit qu’il comporte des réserves, c’est-à-dire qu’il soit subordonné à la satisfaction par l’autre partie de conditions
          • Soit si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.
        • En dehors de ces deux cas, l’acceptation du désistement par le défendeur n’est pas requise.
      • S’agissant du désistement de l’opposition
        • L’article 402 du CPC prévoit qu’il n’a besoin d’être accepté que si le demandeur initial a préalablement formé une demande additionnelle.
        • À défaut, il ne sera nullement besoin de solliciter l’acceptation de la partie adverse
    • À l’examen, il apparaît que, contrairement au désistement en première instance, l’acceptation du défendeur n’est, par principe pas requise.
    • Ce n’est que par exception que les textes exigent que le défendeur accepte le désistement de la partie adverse.
  • Les conditions de forme
    • Comme le désistement en première instance, le désistement de l’appel ou de l’opposition peut être exprès ou tacite
    • De la même manière, il doit être constaté par un juge qui doit déclarer le désistement parfait, dès lors que les conditions requises par les articles 401 et 402 du CPC sont réunies.

🡺Effets

Le désistement de l’appel ou de l’opposition produit plusieurs effets :

  • Premier effet
    • Le désistement dessaisi le juge qui ne pourra dès lors plus statuer au fond, ni confirmer le jugement rendu en première instance.
    • L’instance est alors définitivement éteinte, sauf à ce que, consécutivement au désistement, un appel soit interjeté par la partie adverse.
  • Deuxième effet
    • Le désistement, a encore pour effet d’emporter acquiescement au jugement.
    • Lorsque, toutefois, le désistement porte sur un appel, l’article 403 du CPC précise qu’« il est non avenu si, postérieurement, une autre partie interjette elle-même régulièrement appel. »
    • Autrement dit, en cas d’appel incident interjeté par la partie adverse, l’auteur du désistement est autorisé à revenir sur son désistement.
    • Cette faculté qui lui est offerte se justifie par la nécessité de lui permettre de se défendre et de faire échec à la voie de recours exercée contre lui.
  • Troisième effet
    • Comme pour le désistement en première instance, le désistement de l’appel ou de l’opposition emporte pour son auteur et sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.

3. L’acquiescement

🡺Notion

Il ressort des articles 408 et 409 du CPC qu’il y a lieu de distinguer l’acquiescement à la demande de l’acquiescement au jugement

  • S’agissant de l’acquiescement à la demande
    • C’est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
  • S’agissant de l’acquiescement au jugement
    • Il se distingue de l’acquiescement à la demande en ce qu’il emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
    • L’acquiescement au jugement se rapproche, en quelque sorte, du désistement de l’appel.

🡺Conditions

  • Conditions communes
    • Principe : un acte de volonté
      • Tant l’acquiescement à la demande que l’acquiescement au jugement supposent l’accomplissement d’un acte de volonté de son auteur qui donc doit disposer de sa pleine capacité à consentir.
      • L’article 410, al. 1er du CPC prévoit que l’acquiescement peut être exprès ou implicite
    • Exception : l’effet de la loi
      • L’alinéa 2 de l’article 410 du CPC prévoit, s’agissant de l’acquiescement au jugement que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis.
      • Il ressort de cette disposition que pour valoir acquiescement :
        • D’une part, l’exécution doit porter sur un jugement non exécutoire, soit non passé en force de chose jugée ou non assortie de l’exécution provisoire
        • D’autre part, elle ne doit pas être équivoque, en ce sens qu’elle ne doit laisser aucun doute quant à l’intention de la partie qui exécute la décision.
  • Conditions spécifiques
    • S’agissant de l’acquiescement à la demande
      • L’article 408 dispose qu’« il n’est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition. »
      • Ainsi, par exemple, en matière de filiation, l’article 323 du Code civil prévoit expressément que les actions, en ce domaine, ne peuvent faire l’objet de renonciation. Le caractère d’ordre public de la matière rend donc les droits indisponibles.
    • S’agissant de l’acquiescement au jugement
      • L’article 409 du CPC prévoit qu’« il est toujours admis sauf disposition contraire » en premier et dernier ressort
      • S’il ne connaît, par principe, aucune limite, des dispositions légales peuvent malgré tout prohiber l’acquiescement au jugement.
      • Tel est le cas de l’article 1122 du CPC qui dispose que « un majeur protégé ne peut acquiescer au jugement de divorce, ou se désister de l’appel, qu’avec l’autorisation du juge des tutelles. »

🡺Effets

  • L’acquiescement à la demande
    • Il produit deux effets majeurs
      • D’une part, il emporte reconnaissance par le plaideur, du bien-fondé des prétentions de son adversaire
      • D’autre part, il vaut renonciation à contester et entraîne extinction de l’instance.
  • L’acquiescement au jugement
    • Il emporte
      • D’une part, soumission aux chefs de la décision
        • L’effet de l’acquiescement demeure néanmoins relatif en ce qu’il n’est pas opposable aux autres parties contre lesquelles le jugement a été rendu
      • D’autre part, renonciation aux voies de recours
        • Dans l’hypothèse, toutefois où postérieurement à l’acquiescement, une autre partie forme régulièrement un recours, son auteur dispose de la faculté de revenir sur son acquiescement.
        • En dehors de cette hypothèse, l’acquiescement est définitif, de sorte qu’il rend toute voie de recours irrecevable, exception faite de l’action en rectification d’erreur matérielle (Cass. 2e civ., 7 juill. 2011, n° 10-21.061)

4. Caducité de la citation

🡺Généralités

La caducité fait partie de ces notions juridiques auxquelles le législateur et le juge font régulièrement référence sans qu’il existe pour autant de définition arrêtée. Si, quelques études lui ont bien été consacrées[2], elles sont si peu nombreuses que le sujet est encore loin d’être épuisé.

En dépit du faible intérêt qu’elle suscite, les auteurs ne manquent pas de qualificatifs pour décrire ce que la caducité est supposée être. Ainsi, pour certains l’acte caduc s’apparenterait à « un fruit parfaitement mûr […] tombé faute d’avoir été cueilli en son temps »[3]. Pour d’autres, la caducité évoquerait « l’automne d’un acte juridique, une mort lente et sans douleur »[4].

D’autres encore voient dans cette dernière un acte juridique frappé accidentellement de « stérilité »[5]. L’idée générale qui ressort de ces descriptions, est que l’action du temps aurait eu raison de l’acte caduc de sorte qu’il s’en trouverait privé d’effet. De ce point de vue, la caducité se rapproche de la nullité, laquelle a également pour conséquence l’anéantissement de l’acte qu’elle affecte. Est-ce à dire que les deux notions se confondent ? Assurément non.

🡺Caducité et nullité

C’est précisément en s’appuyant sur la différence qui existe entre les deux que les auteurs définissent la caducité. Tandis que la nullité sanctionnerait l’absence d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation, la caducité s’identifierait, quant à elle, à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances. Cette différence d’objet ne saurait toutefois occulter les rapports étroits qu’entretiennent les deux notions, ne serait-ce parce que le vice qui affecte l’acte caduc aurait tout aussi bien pu être source de nullité s’il était apparu lors de la formation dudit acte. Sans doute est-ce d’ailleurs là l’une des raisons du regain d’intérêt pour la caducité ces dernières années.

🡺La caducité en matière civile

Lorsqu’elle a été introduite dans le Code civil, l’usage de cette notion est limité au domaine des libéralités. Plus précisément il est recouru à la caducité pour sanctionner la défaillance de l’une des conditions exigées pour que le legs, la donation ou le testament puisse prospérer utilement telles la survie[6] ou la capacité [7] du bénéficiaire ou bien encore la non-disparition du bien légué[8].

Ce cantonnement de la caducité au domaine des actes à titre gratuit va s’estomper peu à peu avec les métamorphoses que connaît le droit des contrats. Comme le souligne Véronique Wester-Ouisse « alors que la formation du contrat était le seul souci réel des rédacteurs du Code civil, le contrat, aujourd’hui, est davantage examiné au stade de son exécution »[9] si bien que l’appropriation de la notion de caducité par les spécialistes du droit des contrats prend alors tout son sens[10]. Là ne s’arrête pas son expansion. La caducité fait également son apparition en droit judiciaire privé.

🡺La caducité en matière procédurale

Bien que les auteurs soient partagés sur la question de savoir s’il s’agit de la même caducité que celle rencontrée en droit civil[11], tous s’accordent à dire qu’elle intervient comme une véritable sanction.

En droit judiciaire privé la caducité aurait, en effet, pour fonction de sanctionner l’inaction des parties qui n’auraient pas effectué les diligences requises dans le délai prescrit par la loi[12].

À l’examen, c’est à cette caducité-là que fait référence l’article 406 du CPC, lequel envisage la caducité de la citation comme une cause d’extinction de l’instance.

Plus précisément, ce type de caducité intervient pour sanctionner le non-accomplissement d’un acte subséquent à l’acte introductif d’instance et qui lui est essentiel dans un certain délai.

a. Les causes de caducité

Classiquement, on recense trois causes de caducité de la citation en justice

  • La caducité pour défaut de saisine du Juge
    • Cette cause de caducité concerne toutes les procédures contentieuses
      • En première instance
        • L’article 754 du CPC prévoit que l’assignation est caduque si une copie n’en a pas été remise au greffe dans les délais énoncés par le texte (2 mois ou 15 jours).
        • Il s’agit d’une sanction radicale puisque, comme le prévoit l’article 385 du CPC, elle entraîne l’extinction de l’instance, et fait donc encourir à la partie négligente le risque de perdre son action, sauf le droit d’introduire une nouvelle instance si l’action n’est pas éteinte par ailleurs (Cass. 2e civ., 12 juin 2008, n° 07-14.443).
        • Cette règle se retrouve pour la procédure à jour fixe (art. 843 CPC).
      • En appel
        • La récente réforme de la procédure civile d’appel a donné un regain d’actualité à la notion de caducité, mise en exergue par les décrets n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile et n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 modifiant la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile, ayant pour objet d’en améliorer la célérité et l’efficacité.
        • En application de l’article 902 du code de procédure civile, la déclaration d’appel est caduque si elle n’est pas signifiée à l’intimé n’ayant pas constitué avocat dans le mois de l’avis donné par le greffe à l’appelant d’avoir à effectuer cette formalité.
        • Et l’article 908 du code de procédure civile prévoit la caducité de la déclaration d’appel si l’appelant n’a pas conclu dans les trois mois de celle-ci.
  • La caducité pour défaut de comparution
    • La non-comparution à l’audience du demandeur est sanctionnée par la caducité de la citation.
    • Cette sanction est encourue devant toutes les juridictions, quelle que soit la procédure engagée.
    • L’article 468 du CPC prévoit en ce sens que si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas deux alternatives sont envisageables :
      • Première alternative
        • Le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.
      • Seconde alternative
        • Le juge peut, même d’office, déclarer la citation caduque.
        • La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
        • Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure.
  • La caducité pour défaut d’accomplissement d’une formalité
    • L’article 469 du CPC, applicables devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire, dispose que si, après avoir comparu, l’une des parties s’abstient d’accomplir les actes de la procédure dans les délais requis deux alternatives sont là encore envisageables :
      • Première Alternative
        • Le juge statue par jugement contradictoire au vu des éléments dont il dispose.
      • Seconde alternative
        • Le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque
    • Ici, le choix est laissé au défendeur qui peut soit laisser le juger rendre sa décision, soit se prévaloir de la caducité de la citation du demandeur.

b. Le prononcé de la caducité

🡺Décision

  • Le pouvoir du juge
    • Il convient de distinguer ici selon les causes de la caducité
      • La caducité de la citation résulte du défaut de saisine du Juge
        • Dans cette hypothèse, tant en première instance qu’en appel, le Juge est investi du pouvoir de se saisir d’office
          • En première instance
            • L’article 754 du CPC prévoit que dans l’hypothèse où l’assignation n’est pas placée dans le délai de 2 mois ou 15 jours, selon le cas, à compter de sa signification, la caducité de l’assignation est constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie.
            • Il en va de même pour la procédure à jour fixe (art. 843 CPC).
          • En appel
            • Le juge peut la prononcer d’office, même si le texte ne le prévoit pas explicitement.
            • La Cour de cassation en a récemment jugé ainsi dans le cas de la caducité de la déclaration d’appel, faute de notification par l’appelant de la déclaration d’appel dans le mois suivant l’avis du greffe l’invitant à cette diligence, alors même que l’article 902 du code de procédure civile prescrivant cette diligence ne prévoyait pas, à la différence des autres diligences prescrites par la réforme de la procédure d’appel, le pouvoir pour le juge de la relever d’office (Cass. 2e Civ., 26 juin 2014, n°13-20.868).
            • Comme la caducité de l’assignation, celle de la déclaration d’appel doit être prononcée sur le seul constat de l’absence de la formalité requise dans le délai fixé, sans que le juge dispose à cet égard d’un pouvoir de modération lui permettant de tenir compte de circonstances particulières, et même en l’absence de grief.
      • La caducité résulte du défaut de comparution du demandeur
        • L’article 468 du CPC prévoit que, dans cette hypothèse, le juge peut déclarer d’office la citation.
        • Il s’agit néanmoins d’une simple faculté
        • Aucune obligation ne pèse donc sur le Juge qui peut décider de ne pas prononcer la caducité de la citation, sauf à ce que la demande soit formulée par le défendeur
      • La caducité résulte du défaut d’accomplissement d’une formalité
        • Ici, le juge ne dispose pas de relever d’office la caducité de la citation.
        • L’article 469 dispose en ce sens que « le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque. »
        • Si donc le défendeur décide de ne pas se prévaloir de la caducité de la citation, le juge sera contraint de rendre une décision.

🡺Voies de recours

L’article 407 du CPC prévoit que « la décision qui constate la caducité de la citation peut être rapportée, en cas d’erreur, par le juge qui l’a rendue. »

Autrement dit, les parties disposent de la faculté de solliciter la rétractation de la décision prise par le juge qui constate la caducité de la citation.

S’agissant du délai pour exercer la voie de recours, les textes sont silencieux sur ce point, de sorte que les parties ne sont pas menacées par la forclusion en cas de recours tardif. Pour que celui-ci prospère, il leur appartiendra, néanmoins, de saisir le Juge dans un délai raisonnable.

c. Les effets de la caducité

Lorsqu’elle est prononcée ou constatée, la caducité produit des effets :

  • Pour l’avenir
  • Pour le passé

🡺Pour l’avenir : extinction de l’instance

Lorsque la caducité frappe la citation en justice, elle a pour effet de mettre fin à l’instance engagée par le demandeur. Le juge est alors immédiatement dessaisi de l’affaire.

Cet effet de la caducité est énoncé à l’article 385 du CPC qui dispose que « l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation. »

Reste que si l’instance est éteinte par l’effet de la caducité, l’action subsiste, de sorte qu’une nouvelle procédure pourra toujours être engagée sur le même fondement.

L’alinéa 2 de l’article 385 du CPC prévoit en ce sens que « la constatation de l’extinction de l’instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs. »

🡺Pour le passé : anéantissement rétroactif des actes de procédure

Traditionnellement, la caducité est perçue comme étant dépourvue d’effet rétroactif ; elle éteint seulement l’acte qu’elle affecte pour l’avenir. Rana Chaaban analyse cette perception – encore majoritaire aujourd’hui – en relevant que, « dans la conception originelle, le domaine de la caducité était limité aux actes juridiques qui n’ont reçu aucune exécution »[13].

C’est la raison pour laquelle, pendant longtemps, la rétroactivité de la caducité n’a pas été envisagée[14]. Il eût, en effet, été absurde de faire rétroagir la caducité en vue d’anéantir un acte qui n’a encore produit aucun effet.

Bien que la non-rétroactivité soit toujours considérée comme une caractéristique indissociable de la caducité, les données du problème ont pourtant changé. La caducité n’est plus cantonnée au domaine des legs : elle a été importée en droit des contrats et en droit judiciaire privé[15]. Il en résulte qu’elle est, désormais, susceptible de frapper des actes qui ont reçu une exécution partielle voire totale[16].

Partant, la question de sa rétroactivité s’est inévitablement posée. Plus précisément, on s’est interrogé sur la question de savoir s’il est des situations engendrées par la caducité qui justifieraient que l’on recourt à la fiction juridique qu’est la rétroactivité laquelle, on le rappelle, consiste à substituer « une situation nouvelle à une situation antérieure de telle sorte que tout se passe comme si celle-ci n’avait jamais existé »[17].

Comme le souligne Jean Deprez autant il est normal « qu’une situation juridique soit détruite pour l’avenir par l’intervention d’un acte ou d’un événement qui en opère l’extinction, autant il est anormal de détruire les effets qu’elle a produits dans le passé »[18].

Aussi, la rétroactivité, poursuit-il, n’est « justifiable que dans la mesure où cette protection en nécessite le mécanisme »[19]. En l’absence de textes régissant les effets de la caducité, c’est tout naturellement au juge qu’il est revenu le soin de déterminer si l’on pouvait attacher à la caducité un effet rétroactif.

Si, manifestement, les juridictions sont régulièrement amenées à statuer sur cette question, il ressort de la jurisprudence qu’il n’existe, pour l’heure, aucun principe général applicable à tous les cas de caducité. Comme elle le fait souvent pour les notions dont elle peine à se saisir, la jurisprudence agit de façon désordonnée, par touches successives.

À défaut d’unité du régime juridique de la caducité, une partie de la doctrine voit néanmoins, dans les dernières décisions rendues en matière de caducité d’actes de procédure, l’ébauche d’une règle qui gouvernerait ses effets. Les contours de cette règle demeurent toutefois encore mal définis.

Remontons, pour avoir une vue d’ensemble du tableau, à l’époque où l’idée selon laquelle la caducité serait nécessairement dépourvue de rétroactivité a évolué. La question de la rétroactivité de la caducité affectant un acte de procédure s’est tout d’abord posée lorsque l’on s’est demandé si l’on pouvait confondre l’assignation caduque avec l’assignation frappée de nullité. En les assimilant, cela permettait d’attraire l’assignation caduque dans le giron de l’ancien article 2247 du Code civil qui énonçait les cas dans lesquels l’interruption de prescription était non avenue.

Pendant longtemps, la jurisprudence s’est refusée à procéder à pareille assimilation[20]. En un sens, cela pouvait se comprendre dans la mesure où, techniquement, la caducité se distingue nettement de la nullité. Or la liste des cas prévus à l’ancien article 2247 du Code civil était exhaustive.

Cet obstacle textuel n’a cependant pas empêché la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, de revenir sur sa position dans un arrêt du 3 avril 1987[21]. Dans cette décision, les juges du Quai de l’Horloge ont estimé que, quand bien même la caducité de l’assignation ne figurait pas parmi les circonstances visées par la loi, elle était, comme la nullité, insusceptible d’« interrompre le cours de la prescription ». De cette décision, les auteurs en ont alors déduit que la caducité pouvait avoir un effet rétroactif.

Si, ce revirement de jurisprudence a été confirmé par la suite[22] ; on est légitimement en droit de se demander si elle est toujours valable. Le nouvel article 2243 du Code civil, introduit par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ne fait plus référence à la nullité de l’assignation.

Est-ce à dire que l’assignation nulle conserverait son effet interruptif de prescription et que, par voie de conséquence, il en irait de même pour l’assignation caduque ? Un auteur prédit que la solution adoptée par l’assemblée plénière sera maintenue[23]. S’il se trompe, cela ne remettra toutefois pas en cause le mouvement tendant à reconnaître à la caducité un effet rétroactif.

V) La clôture de l’instruction

La clôture de l’instruction intervient lorsque le Juge de la mise en état rend ce que l’on appelle une ordonnance de clôture. Cette ordonnance est issue de la réforme engagée en 1975 par le décret n°75-1123 du 5 décembre 1975 instituant un nouveau Code de procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 1976.

L’ordonnance de clôture a été institué afin de mettre fin aux abus des plaideurs qui consistaient à communiquer à l’adversaire ses pièces à la dernière heure avant l’audience, ce qui n’était pas sans contrevenir au principe du contradictoire.

À cet égard, dans son article « La réforme du code de procédure civile par le décret du 13 octobre 1965 et les principes directeurs du procès », Henri Motulsky rappelant la pratique des prétoires sous le régime du juge chargé de suivre la procédure, déplorait que l’affaire ne fût instruite qu’in extremis, quelques jours avant l’audience des plaidoiries sinon la veille et stigmatisait « l’usage des communications de pièces de dernière heure », « la grave altération consécutive de la loyauté du débat judiciaire », ainsi que « l’irritant appel des causes à l’audience sans être en état d’être plaidées » et même parfois, « le regrettable spectacle des audiences blanches comme des déplacements inutiles ».

Il achevait de brosser ce tableau affligeant en affirmant qu’il n’« est pas concevable qu’on impose la plaidoirie à une partie qui vient seulement d’avoir connaissance, tant du véritable système d’argumentation de son adversaire que des documents essentiels destinés à l’appuyer ».

L’institution de la procédure de la mise en état dans sa conception actuelle a donc eu pour objet de remédier à cette situation. On ne saurait prétendre qu’elle n’y a pas apporté de remède.

Toutefois, la tentation des parties de recourir à ces pratiques dénoncées par le professeur Motulsky subsiste, tentation qui doit être contenue par l’autorité effectivement exercée par le juge, sous peine de revenir auxdites pratiques.

De toute évidence, l’instauration d’une ordonnance de clôture s’inscrit dans cette volonté de mettre un terme à des pratiques abusives des plaideurs qui étaient devenues trop fréquences.

Parce qu’elle marque la fin de l’instruction à la date fixée par le juge, l’ordonnance de clôture a pour effet d’interdire, à compter de la date où elle est prononcée, le dépôt de toutes conclusions et la production de toutes pièces à peine d’irrecevabilité prononcée d’office (article 802 CPC).

Pour cette raison, elle est une pierre angulaire de l’instance. Ajouté à cela, l’ordonnance de clôture annonce le passage de la phase écrite de la procédure à la phase orale.

À l’exception de la procédure d’urgence à jour fixe, elle est une étape incontournable pour les plaideurs qui vont être directement touchés par ses effets. Leur situation ne sera néanmoins pas figée puisqu’ils disposeront toujours, lorsque les conditions seront réunies, de la faculté de solliciter sa révocation.

A) Le prononcé de l’ordonnance de clôture

1. Les causes justifiant le prononcé de l’ordonnance de clôture

Trois situations sont susceptibles de justifier le prononcé de l’ordonnance de clôture :

  • En cas de renvoi à l’audience sans que l’affaire ne fasse l’objet d’une mise en état (circuit court)
  • Dans l’hypothèse où le Juge de la mise en état estime que l’instruction de l’affaire est achevée
  • Dans l’hypothèse où le Juge de la mise en état souhaite sanctionner une partie négligente parce que ne concluant pas dans les délais impartis
  • Lorsque les parties demandent d’elles-mêmes la césure du procès

🡺Le renvoi de l’affaire à l’audience sans qu’elle fasse l’objet d’une mise en état

L’article 778 du CPC prévoit que, lors de l’audience d’orientation, l’affaire peut être renvoyée immédiatement à l’audience aux fins de jugement. C’est ce que l’on appelle le circuit court.

Il peut être opté pour ce circuit court dans plusieurs cas :

  • Premier cas : l’affaire est en état d’être jugée
    • L’article 778, al. 1er du CPC prévoit en ce sens que « le président renvoie à l’audience les affaires qui, d’après les explications des avocats et au vu des conclusions échangées et des pièces communiquées, lui paraissent prêtes à être jugées sur le fond. »
    • La question qui alors se pose est de savoir à partir de quand peut-on estimer qu’une affaire est en état d’être jugée.
    • À l’évidence, tel sera le cas lorsque les parties auront pu valablement débattre sur la base de conclusions échangées et de pièces communiquées.
    • Le Président devra s’assurer, avant de renvoyer l’affaire à l’audience, que le débat est épuisé et que le principe du contradictoire a été respecté.
    • Aussi, le renvoi ne pourra être prononcé qu’à la condition que le défendeur ait eu la faculté de conclure, soit de répondre à l’assignation dont il a fait l’objet.
    • C’est là une exigence expressément posée par l’article 778 qui précise que le renvoi ne peut avoir lieu qu’« au vu des conclusions échangées et des pièces communiquées ».
  • Deuxième cas : le défendeur ne comparaît pas
    • L’article 778, al. 2 prévoit que le Président « renvoie également à l’audience les affaires dans lesquelles le défendeur ne comparaît pas si elles sont en état d’être jugées sur le fond, à moins qu’il n’ordonne la réassignation du défendeur. »
    • Il s’infère de cette disposition que deux conditions doivent être remplies pour que le renvoi soit acquis de plein droit :
      • Le défendeur ne doit pas comparaître
      • L’affaire doit être en état d’être jugée
    • Ainsi, le Président devra s’assurer que toutes les mesures ont été prises pour que le défendeur soit prévenu de la procédure dont il fait l’objet et qu’il ait été en mesure de constituer avocat.
    • Plus précisément, il doit veiller :
      • D’une part, à ce que le principe du contradictoire ait bien été respecté
      • D’autre part, à ce que les éléments produits et les prétentions présentées par le défendeur soient suffisamment sérieux
    • Si le Président s’aperçoit que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, il peut imposer au demandeur de réassigner le défendeur.
  • Troisième cas : l’instance a été introduite au moyen d’une requête conjointe
    • Ce troisième cas n’est certes pas visé par l’article 758 du CPC qui traite de l’orientation de l’affaire lorsqu’elle procède du dépôt d’une requête conjointe.
    • Toutefois, elle est admise par la jurisprudence qui considère que dans la mesure où les parties sont d’accord sur les termes du litige, il n’y a pas lieu à procéder à une instruction de l’affaire.
    • Il est, en effet, fort probable qu’elles se soient entendues sur le dispositif de la décision sollicitée qui se traduira, la plupart du temps, par l’homologation d’un accord.

Dans tous les cas, en application des articles 778 et 779 du CPC lorsque le Président constate que toutes les conditions sont réunies pour que l’affaire soit jugée sans qu’il y ait lieu de la renvoyer devant le Juge de la mise en état, il doit déclarer l’instruction close et fixer la date de l’audience, étant précisé que celle-ci peut être tenue le jour même.

Le dernier alinéa de l’article 778 du CPC précise, et c’est une innovation du décret du 11 décembre 2019, que « lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, le président déclare l’instruction close et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. Le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public et les informe du nom des juges de la chambre qui seront amenés à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu. »

En toute hypothèse, cette clôture de l’instruction se matérialise par le prononcé d’une ordonnance de clôture qui donc annonce l’ouverture de la phase des débats oraux.

🡺Le juge de la mise en état estime que l’instruction de l’affaire est achevée

L’article 799 du CPC prévoit que « sauf dans le cas où il est fait application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 781, le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée à la date fixée par le président ou par lui-même s’il a reçu délégation à cet effet. »

Il ressort de cette disposition que dès lors que le Juge de la mise en état constate que l’instruction est achevée, il doit rendre une ordonnance de clôture aux termes de laquelle il met un terme à la mise en état et renvoi l’affaire devant la formation de jugement du Tribunal pour être plaidée.

À cet égard, l’article779 précise que la date de la clôture arrêtée par le Juge de la mise en état doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.

Cette obligation qui échoit au juge n’est toutefois assortie d’aucune sanction. Reste que plus le délai entre le prononcé de l’ordonnance de clôture et l’audience de plaidoirie sera long et plus il est un risque que des faits nouveaux interviennent entre-temps et donc justifient la révocation de l’ordonnance. Le magistrat a, dans ces conditions, tout intérêt à choisir une date rapprochée.

À ce stade de la procédure, les parties peuvent toujours demander à ce que l’affaire soit jugée sans qu’elle soit plaidée, au préalable, dans le cadre d’une audience.

L’article 799, al. 3 du CPC prévoit en ce sens que « lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. Le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public. »

🡺Le Juge de la mise en état souhaite sanctionner une partie négligente

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, l’article 800 du CPC autorise le Juge de la mise en état à prononcer la clôture partielle à l’égard de la partie négligente.

Plus précisément cette disposition prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».

On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente. Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.

Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture

La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence. La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.

Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.

🡺La demande des parties de césure du procès

Le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a introduit dans le Code de procédure civile une nouvelle cause de clôture de l’instruction : la césure du procès civil.

Ce dispositif octroie la faculté aux parties de solliciter un jugement tranchant les points nodaux du litige afin de leur permettre ensuite de résoudre les points subséquents en recourant aux modes amiables de résolution des différends de droit commun et, à défaut, de limiter de façon optimale le champ du débat judiciaire.

Ainsi, au lieu de statuer sur l’ensemble des prétentions dont il est saisi, le juge ne tranchera, dans un premier temps, que certains aspects du différend, tandis que les parties tenteront de trouver un accord amiable pour le surplus.

Ce nouvel instrument procédural, qui est régi aux articles 807-1 à 807-3 du CPC, ne peut être utilisé que dans le cadre de la procédure écrite ordinaire applicable devant le Tribunal judiciaire.

Conformément à l’article 807-1, al. 1er du CPC, la césure du procès est laissée à l’initiative exclusive des parties.

Cette faculté peut être exercée, précise le texte, « à tout moment » de la mise en état.

L’article 807-1, al. 2e du CPC prévoit encore que la demande d’ouverture d’une césure se fait au moyen d’un acte contresigné par avocats qui mentionne les prétentions à l’égard desquelles l’ensemble des parties constituées sollicitent un jugement partiel.

La demande doit donc porter sur une ou plusieurs prétentions pour lesquelles les parties se sont entendues pour solliciter un jugement partiel.

Aussi, sont-ce les parties qui déterminent le périmètre de la césure demandée sans que le juge ne puisse le modifier.

Il peut être observé que pour être recevable, la demande d’ouverture d’une césure doit porter sur des prétentions sécables.

Autrement dit, ces prétentions doivent pouvoir donner lieu à des jugements partiels indépendants du reste de la matière litigieuse.

Dans le cas contraire, le juge est autorisé à rejeter la demande d’ouverture d’une césure ainsi que le prévoit le troisième alinéa de l’article 807-1 du CPC. Dans cette hypothèse, l’affaire reprend son cours.

2. Le formalisme attaché au prononcé de l’ordonnance de clôture

🡺Dispositions générales

L’article 798 du CPC prévoit que « la clôture de l’instruction est prononcée par une ordonnance non motivée qui ne peut être frappée d’aucun recours. Copie de cette ordonnance est délivrée aux avocats. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • Un acte d’administration judiciaire
    • Il résulte de l’article 798 du CPC que l’ordonnance de clôture s’apparente à un acte d’administration judiciaire
    • C’est la raison pour laquelle elle est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.
  • Motivation de l’ordonnance de clôture
    • Principe
      • Parce qu’il s’agit d’un acte d’administration judiciaire, l’ordonnance de clôture n’a pas à être motivée
    • Exception
      • Le seul cas où le Juge de la mise en l’état a l’obligation de motiver l’ordonnance de clôture, c’est lorsqu’elle est rendue sur le fondement de l’article 800 du CPC
      • C’est l’hypothèse où, souhaitant sanctionner une partie négligence, le Juge de la mise en état prononce la clôture partielle
      • L’article 800 prévoit en ce sens que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours. »
  • Notification de l’ordonnance
    • Une copie de l’ordonnance de clôture doit être délivrée aux avocats
    • Lorsque la clôture n’est que partielle, l’article 800 du CPC précise que copie de l’ordonnance est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
  • Tenue du dossier
    • En application de l’article 727 du CPC, une copie de l’ordonnance de clôture doit être versée au dossier constitué par le greffe
    • Conformément à l’article 771, al. 2 du CPC, la mention de la clôture doit, en outre, figurer sur la fiche permettant de connaître l’état de l’affaire

🡺Cas particulier de la clôture partielle résultant d’une césure du procès

L’article 807-1 du CPC prévoit que « s’il fait droit à la demande, le juge ordonne la clôture partielle de l’instruction et renvoie l’affaire devant le tribunal pour qu’il statue au fond sur la ou les prétentions déterminées par les parties. »

Si donc les conditions d’ouverture de la césure sont réunies, le juge rend une ordonnance de clôture partielle de l’instruction. L’acte contresigné par avocats exprimant la demande d’ouverture d’une césure doit être annexé à l’ordonnance.

Cette clôture se limite aux prétentions visées dans la demande d’ouverture d’une césure. Comme souligné par l’ordonnance du 17 octobre 2023, « la décision du juge de la mise en état d’ordonner ou non la clôture partielle de l’affaire est prise en opportunité eu égard aux considérations de bonne administration de la justice ».

S’agissant de la date de la clôture partielle, en application de l’article 807-1, al. 4e du CPC, elle doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.

B) Les effets de l’ordonnance de clôture

Lorsqu’elle est rendue par le Juge de la mise en état, l’ordonnance de clôture produit deux effets :

  • Elle opère le renvoi de l’affaire devant la formation de jugement du Tribunal
  • Elle rend irrecevable le dépôt de conclusions et de pièces

1. Le renvoi de l’affaire devant la formation de jugement du Tribunal

En application de l’article 799 du CPC l’ordonnance de clôture a pour effet de renvoyer l’affaire

devant le tribunal pour être plaidée.

À cet égard, il doit s’ensuivre la fixation de la date de l’audience.

🡺La fixation de la date de l’audience

Il s’évince de l’article 799 du CPC que seul le Président dispose de cette prérogative, de sorte que deux hypothèses doivent être distinguées :

  • L’ordonnance de clôture est rendue par le Président de la juridiction ou de la chambre à laquelle l’affaire a été attribuée (circuit court)
    • Dans cette hypothèse, l’ordonnance fixe la date de l’audience.
  • L’ordonnance de clôture est rendue par le Juge de la mise en état
    • Dans cette hypothèse, deux situations peuvent être envisagées :
      • Le juge de la mise en état a reçu délégation du Président pour fixer la date de l’audience auquel cas il peut l’arrêter dans l’ordonnance de clôture
      • Le juge de la mise en état n’a pas reçu délégation du Président pour fixer la date de l’audience auquel cas il ne peut que renvoyer l’affaire sans fixer de date, charge au Président de la fixer lui-même

🡺La détermination de la date de l’audience

Quant à la date de l’audience, l’article 799 du CPC prévoit que « la date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries. »

Le délai entre ces deux dates doit être raisonnable, en ce sens qu’il doit se compter en jours et, en cas de circonstances exceptionnelles en mois.

La règle énoncée par l’article 799 CPC n’est toutefois assortie d’aucune sanction, de sorte que les parties ne sauraient se prévaloir de la nullité de l’ordonnance.

🡺Le dépôt du dossier au greffe

Lorsque l’affaire est renvoyée à l’audience, le dépôt du dossier de l’avocat peut être requis dans deux cas énoncés par l’article 799 du CPC pris en ses alinéas 2 et 3.

  • Demande du Juge de la mise en état en vue de l’élaboration de son rapport
    • L’article 799, al. 2 prévoit que « s’il l’estime nécessaire pour l’établissement de son rapport à l’audience, le juge de la mise en état peut demander aux avocats de déposer au greffe leur dossier, comprenant notamment les pièces produites, à la date qu’il détermine. »
    • L’établissement de ce rapport a été rendu obligatoire par le décret du 28 décembre 2005, le législateur considérant que l’audience ne devait plus être le lieu des seules plaidoiries, mais également le moment d’un dialogue entre les avocats et le juge sur les questions essentielles à la résolution du litige.
    • Aussi, cela implique-t-il une meilleure préparation de l’affaire par les juges, avant l’audience, et par voie de conséquence la généralisation du rapport fait par un juge à l’audience.
    • La demande de dépôt du dossier par le Juge est une simple faculté qu’il n’est pas tenu d’exercer systématiquement.
    • En pratique, les avocats devanceront sa demande en lui déposant leurs dossiers de plaidoiries respectifs.
  • Demande des avocats de ne pas plaider l’affaire à l’audience
    • Dans la pratique, de nombreux dossiers sont déposés sans être plaidés.
    • Cette pratique des dépôts de dossier par les avocats a, elle aussi, été officialisée par le décret du 28 décembre 2005 afin de limiter la durée des audiences.
    • À cet égard, le troisième alinéa de l’ancien article 779 du CPC prévoyait que « le président ou le juge de la mise en état, s’il a reçu délégation à cet effet, peut également, à la demande des avocats, et après accord, le cas échéant, du ministère public, autoriser le dépôt des dossiers au greffe de la chambre à une date qu’il fixe, quand il lui apparaît que l’affaire ne requiert pas de plaidoiries. »
    • Cette faculté des parties à solliciter une dispense d’audience a été généralisée à tous les stades de l’instance
    • Cette demande peut être formulée dès l’acte introductif d’instance, ce qui se traduit par l’insertion d’une mention dans l’assignation ou la requête conjointe.
    • Au stade de l’achèvement de l’instruction de l’affaire, l’article 799, al. 3 prévoit que « lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. »
    • Le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public. »
    • Par ailleurs, à la date annoncée, les parties devront être informées du nom des juges et de la date à laquelle le jugement sera rendu.
    • Ces informations sont impératives, tout justiciable devant savoir par qui il est jugé et quand il le sera.

2. L’irrecevabilité des conclusions et des pièces tardives

🡺Principe

L’article 802 du CPC dispose que « après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office. »

Il résulte de cette règle que, postérieurement à la date de l’ordonnance de clôture, les parties sont irrecevables à produire des conclusions et des pièces.

Il est indifférent que la production tardive soit fautif, le seul critère d’irrecevabilité devant être apprécié par le Juge étant la date de l’ordonnance de clôture.

À cet égard, en application de l’article 802 du CPC, il appartient au Juge de relever d’office l’irrecevabilité.

La conséquence en est que ce dernier ne pourra rendre sa décision qu’en se rapportant aux dernières conclusions déposées avant le prononcé de l’ordonnance de clôture.

Dans un arrêt du 11 mars 1992, la Cour de cassation a précisé que « le juge, qui relève d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité de conclusions déposées après l’ordonnance de clôture, n’a pas à inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen » (Cass. 2e civ. 11 mars 1992, n°90-19.699).

Reste que pour écarter les conclusions et pièces hors délai, le Juge devra s’assurer que le concluant ait bien eu connaissance de l’ordonnance de clôture (Cass. 2e civ., 18 nov. 2010, n°09-17.159).

🡺Le sort des conclusions et pièces de dernière heure

L’ordonnance de clôture, qui marque la fin de l’instruction à la date fixée par le juge, a pour effet d’interdire, à compter de la date où elle est prononcée, le dépôt de toutes conclusions et la production de toutes pièces à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Si les conclusions déposées et les pièces produites après l’ordonnance de clôture sont irrecevables, a contrario, elles sont recevables si elles l’ont été avant l’ordonnance. Le sont-elles dans tous les cas ?

À l’analyse, l’article 802 du CPC n’interdit pas de façon littérale le dépôt de pièces à la veille du prononcé de l’ordonnance de clôture.

Cependant l’article 15 du même code dispose que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ».

Quant au contrôle de la mise en œuvre du principe fondamental de la contradiction ainsi exprimé, il est assuré par le juge auquel l’article 16 du CPC fait obligation d’observer et de faire observer lui-même le respect de ce principe.

Lorsque les conclusions sont déposées et les pièces produites en dernière heure, c’est-à-dire à une date très proche de la date de clôture, laquelle aura été portée à l’avance à la connaissance des parties par le juge de la mise en état, le principe de la contradiction ne peut pas être respecté dès lors que la partie adverse ne dispose pas d’un délai suffisant dans le temps restant pour prendre connaissance des pièces et conclusions et y répliquer.

L’article 135 du CPC permet, dans ces conditions, au juge d’écarter des débats les pièces qui n’ont pas été communiquées « en temps utile ».

Cette notion de temps utile, qui fait référence à la même notion visée à l’article 15 du même code, ne s’applique qu’aux productions de pièces et non aux conclusions, pour lesquelles n’existe pas de disposition correspondante.

Ce concept de « temps utile » crée, selon le rapport annuel de la Cour de cassation publié en 1995, une sorte de « période suspecte » antérieure à l’ordonnance de clôture, durant laquelle les productions et communications de pièces sont exposées à un rejet.

À cet égard, le professeur Perrot a fait observer que « la notion de temps utile est malaisée à définir. C’est essentiellement une question de fait appréciée par le juge dans chaque cas d’espèce. Pour déterminer si les communications et notifications à l’adversaire ont eu lieu en temps utile, le juge doit procéder à une sorte de compte à rebours très aléatoire, en partant de la date à laquelle tout débat doit être arrêté et en se demandant si le temps dont l’adversaire a disposé peut être considéré comme suffisant pour organiser utilement sa défense. On devine la marge d’incertitude que comporte une telle appréciation ».

Lorsque l’on se tourne vers la jurisprudence, il apparaît que la décision d’irrecevabilité des pièces ou conclusions, prononcée d’office ou à la demande d’une partie, fait l’objet d’un contrôle très strict de la Cour de cassation qui s’explique par le fait qu’elle constitue une mesure radicale.

La jurisprudence exige que les conclusions aient été déposées de manière que la partie adverse ait été mise dans l’impossibilité de répliquer avant la clôture, ce qui suppose, d’une part, que les conclusions ou pièces nécessitaient une réponse, d’autre part, que le délai encore disponible pour y répondre était insuffisant.

Une jurisprudence abondante des trois chambres civiles et de la chambre commerciale exprime cette exigence : « le juge ne peut écarter des débats des conclusions déposées avant l’ordonnance de clôture sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché de respecter le principe de la contradiction » (Cass. 2e civ. 11 janv. 2001, n°99-13.060 )

Il s’agit donc de savoir selon Antoine Bolze si, au cas par cas, le dépôt tardif a été déloyal dans la mesure où « son contenu fait entrer dans la phase préparatoire qui s’achève des éléments dont la nouveauté désorganise la défense de l’adversaire ».

Dans un arrêt du 5 décembre 2012 la Cour de cassation a réitéré sa position en considérant que des conclusions ou pièces tardives ne pouvaient être déclarées irrecevables qu’à la condition qu’il soit établi l’existence de circonstances particulières ayant empêché le respect de la contradiction (Cass. 1ère civ. 5 déc. 2012, n°11-20.552).

🡺Exceptions

Le principe d’irrecevabilité des conclusions et pièces tardives est assorti de quatre exceptions énoncées aux alinéas 2 et 3 de l’article 802 du CPC.

Ces exceptions se justifient par l’impossibilité pour le concluant, dans certains cas, de présenter ses demandes.

Aussi, des conclusions et pièces pourront toujours être produites dans les cas suivants :

  • Dépôt de demandes en intervention volontaire
    • Dans cette hypothèse, il s’agit d’autoriser les tiers à intervenir à l’instance, ces derniers ne pouvant pas connaître, par hypothèse, la date de clôture de l’instruction.
    • L’article 803, al. 2e du CPC précise que « si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout. »
    • Ainsi, c’est au juge de déterminer s’il y a lieu de révoquer l’ordonnance de clôture, ce qu’il sera contraint de faire si, compte tenu de l’objet de la demande en intervention volontaire, il n’est pas en mesure de statuer sur l’ensemble de l’affaire.
    • Reste que la Cour de cassation a néanmoins admis que le juge puisse choisir de statuer d’abord sur la cause principale, si la demande en intervention volontaire risque de retarder à l’excès le jugement sur le fond (V. en ce sens Cass. com. 20 févr. 2001, n°97-16.019).
  • Dépôt de conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats
    • Cette hypothèse se justifie par la nécessité d’actualiser les montant évoqués dans les conclusions prises par les parties.
    • La clôture de l’instruction n’interrompt nullement le cours des intérêts, ni l’exigibilité des loyers, raison pour laquelle il est nécessaire de permettre aux parties de mettre à jour leurs écritures, mais seulement sur ces éléments pécuniaires.
  • Formulation de demandes de révocation de l’ordonnance de clôture
    • Cette hypothèse se justifie par la reconnaissance même d’un droit de révoquer l’ordonnance de clôture.
    • Par hypothèse, la demande de révocation de l’ordonnance de clôture ne peut être formulée que postérieurement à la décision du Juge, d’où cette dérogation au principe d’irrecevabilité des conclusions tardives posé par l’article 802 du CPC.
  • Dépôt de conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption
    • Cette hypothèse se rencontrera lorsqu’une cause d’interruption de l’instance interviendra postérieurement au prononcé de l’ordonnance de clôture.
    • Afin de mettre en terme à l’interruption de l’instance et de solliciter sa reprise, il est nécessaire que les parties disposent de la faculté de déposer des conclusions.
    • Or dans la mesure où l’ordonnance de clôture a déjà été rendu, le principe d’irrecevabilité des écritures tardives y fait obstacle ; d’où l’exception posée par l’article 802 du CPC.
    • De nouvelles conclusions pourront ainsi être prises, mais uniquement aux fins de discuter de la reprise de l’instance.

Si la liste des exceptions au principe d’irrecevabilité des conclusions tardives est limitative, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 20 juin 2012 admis un cinquième cas justifiant qu’il soit dérogé à ce principe : la demande de rejet de conclusions ou de pièces déposées à la dernière heure.

Dans cette décision, la première chambre civile a considéré que « si les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions et/ ou des pièces ont été déposées en temps utile au sens de l’article 15 du code de procédure civile, ils se doivent de répondre à des conclusions qui en sollicitent le rejet, que ces dernières soient déposées avant ou après le prononcé de l’ordonnance de clôture »

C) La révocation de l’ordonnance de clôture ou le rabat de clôture

1. Les causes de révocation de l’ordonnance de clôture

Il ressort des termes de l’article 803 du CPC que la révocation de l’ordonnance de clôture peut être prononcée dans trois cas :

  • La cause grave
  • La demande en intervention volontaire
  • L’orientation des parties vers une audience de règlement amiable

🡺Premier cas : la cause grave

L’article 803, al. 1er du CPC dispose que « l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue »

Bien que la cause grave ne soit pas définie par les textes, l’article 803 du CPC exclut d’emblée la constitution d’avocat postérieurement à la clôture.

À l’examen, par cause grave, il ne peut s’agir que d’une circonstance indépendante de la volonté du demandeur, qui s’est révélée à lui postérieurement à l’ordonnance de clôture et qui est de nature à avoir une incidence sur la solution du litige.

La combinaison de ces deux éléments réunis à conduit la jurisprudence :

  • À admettre la cause grave
    • En cas de communication d’une pièce dont dépend la solution du litige
    • En cas de retard dans l’octroi de l’aide juridictionnel auquel était subordonnée l’intervention de l’avocat
  • À exclure la cause grave
    • En cas de délai suffisant pour répondre à des conclusions déposées à une date proche de la clôture
    • En cas de succession d’avocat

🡺Deuxième cas : la demande en intervention volontaire

L’article 803, al. 2 du CPC prévoit que la demande en intervention volontaire peut justifier la révocation de l’ordonnance de clôture, à la condition néanmoins que le Tribunal ne soit pas en mesure de statuer sur le tout de l’affaire, sans que cette nouvelle demande ne soit instruite.

Reste que la révocation de l’ordonnance de clôture par le juge dans cette circonstance n’est qu’une simple faculté.

🡺Troisième cas : l’orientation des parties vers une audience de règlement amiable

L’article 803, al. 4e du CPC prévoit que « l’ordonnance de clôture peut également être révoquée, après recueil de l’avis des parties, afin de permettre au juge de la mise en état, conformément à l’article 785, de décider de la convocation des parties à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues aux articles 774-1 à 774-4. »

Cette cause de révocation de l’ordonnance de clôture a été introduite par décret n°2023-686 du 29 juillet 2023.

Pour mémoire, « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige. »

L’objectif recherché ici est de laisser une dernière chance aux parties de trouver un compromis avant que leur litige ne soit tranché par la formation de jugement.

2. La demande de révocation de l’ordonnance de clôture

L’article 803, al. 3 du CPC dispose que « l’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties ».

Dans le premier cas de figure, la Cour de cassation considère « qu’en application de l’article 783 [803 nouveau] du Code de procédure civile, les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture doivent être formées par conclusions » (Cass. 2e civ. 1er avr. 2004, n°02-13.996).

3. La décision de révocation de l’ordonnance de clôture

🡺Pouvoirs du juge

L’article 803, al. 3 du CPC prévoit que « l’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal. »

Il ressort de cette disposition que la décision de révocation de l’ordonnance de clôture peut intervenir dans trois cas :

  • La juge peut révoquer d’office l’ordonnance de clôture sans que cette révocation ait été sollicitée par les parties
  • Le juge peut révoquer l’ordonnance de clôture à la demande des parties, à la condition qu’elles justifient d’une cause grave
  • L’ordonnance est révoquée par décision du Tribunal réuni dans sa formation de jugement, d’où il s’ensuit une réouverture les débats

Ainsi, l’ordonnance de clôture peut être révoquée :

  • Soit par le Juge de la mise en état, lequel demeure saisi jusqu’à la date de l’audience
  • Soit par le Tribunal lui-même même qui est saisi à compter de la date de l’audience

Dans cette dernière hypothèse, soit lorsque c’est le Tribunal qui est saisi, il convient de distinguer deux hypothèses :

  • Le Tribunal prononce la réouverture des débats avec révocation de l’ordonnance de clôture
    • Dans cette hypothèse, les parties disposent de la faculté de conclure sur tous les points du litige pendant devant la juridiction, y compris formuler de nouvelles demandes (V. en ce sens Cass. 3e civ. 13 nov. 1997, n°95-15.705).
    • L’affaire est alors renvoyée devant le Juge de la mise en état
    • La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que la réouverture des débats n’emportait pas révocation de l’ordonnance de clôture, de sorte qu’il appartient au Tribunal de le spécifier dans le dispositif de sa décision (Cass. 2e civ. 14 mai 1997, n°95-17.009)
    • Seul le renvoi de l’affaire devant le Juge de la mise en état vaut révocation de l’ordonnance de clôture (Cass. 2e civ. 19 févr. 2009, n°07-19.504).
  • Le Tribunal prononce la réouverture des débats sans révocation de l’ordonnance de clôture
    • Dans cette hypothèse, la réouverture des débats intervient sur le fondement de l’article 444 du CPC
    • Cette disposition prévoit que « le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés. »
    • La réouverture des débats n’est ici pas subordonnée à la révocation de l’ordonnance de clôture.
    • La conséquence est que les parties ne pourront conclure que sur le point de droit ou de fait soulevé par le juge

🡺Motivation de la décision de révocation

Bien que l’article 803 du CPC ne prévoit pas que l’ordonnance de révocation doive être motivée, la Cour de cassation l’exige, en particulier s’agissant de la caractérisation de la cause grave justifiant la décision prise.

4. Les effets de la révocation de l’ordonnance de clôture

La révocation de l’ordonnance de clôture a pour effet de rouvrir la phase d’instruction de l’affaire, de sorte que les parties sont autorisées à déposer de nouvelles conclusions et pièces.

La révocation de l’ordonnance est nécessairement totale, en ce sens que le Tribunal ne saurait limiter la réouverture des débats à la production de certaines conclusions ou pièces.

Les parties sont libres de conclure sur tous les points du litige qui leur sied, ce qui implique qu’ils soient autorisés à formuler de nouvelles demandes.

  1. M. Kebir, « Réforme de la procédure civile : promotion de la mise en état conventionnelle et extension des pouvoirs du JME », Dalloz actualité, 23 déc. 2019
  2. V. en ce sens Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, LGDJ, 1963; N. Fricero-Goujon, La caducité en droit judiciaire privé : thèse Nice, 1979 ; C. Pelletier, La caducité des actes juridiques en droit privé, L’Harmattan, coll. « logiques juridiques », 2004 ; R. Chaaban, La caducité des actes juridiques, LGDJ, 2006.
  3. R. Perrot, « Titre exécutoire : caducité d’une ordonnance d’homologation sur la pension alimentaire », RTD Civ., 2004, p. 559.
  4. M.-C. Aubry, « Retour sur la caducité en matière contractuelle », RTD Civ., 2012, p. 625.
  5. H. roland et L. Boyer, Introduction au droit, Litec, coll. « Traités », 2002, n°102, p. 38.
  6. Article 1089 du Code civil.
  7. Article 1043 du Code civil.
  8. Article 1042, alinéa 1er du Code civil.
  9. V. Wester-Ouisse, « La caducité en matière contractuelle : une notion à réinventer », JCP G, n°4, Janv. 2001, I 290.
  10. V. en ce sens F. Garron, La caducité du contrat : étude de droit privé, PU Aix-Marseille, 2000.
  11. Pour Caroline Pelletier la caducité envisagée par les civilistes et la caducité que l’on rencontre en droit judiciaire privé forment une seule et même notion (C. Pelletier, op. cit., n°402, p.494-495). À l’inverse, Rana Chaaban estime qu’il s’agit là de caducités différentes (R. Chaaban, op. cit., n°29, p. 20). Elle estime en ce sens que, « contrairement à la caducité judiciaire, la caducité de droit civil éteint un droit substantiel, et non un élément processuel ».
  12. V. en ce sens S. Guinchard, «Le temps dans la procédure civile », in XVe Colloque des instituts d’études judiciaires, Clermont-Ferrand, 13-14-15 octobre 1983, Annales de la faculté de droit et de science politique de Clermont-Ferrand, 1983, p. 65-76.
  13. R. Chaaban, op. cit., n°371, p. 333.
  14. Pierre Hébraud affirme en ce sens que les effets de l’acte caduc « se concentrent dans cette chute, sans rayonner au-delà, sans s’accompagner, notamment de rétroactivité » (P. Hébraud, Préface de la thèse de Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, LGDJ, 1963, p. VI).
  15. Dès 1971 la notion de caducité fait son apparition en droit des contrats. Dans trois arrêts remarqués, la Cour de cassation juge, par exemple, caduque une stipulation contractuelle qui ne satisfaisait plus, en cours d’exécution d’un contrat, à l’exigence de déterminabilité du prix (Cass. com., 27 avr. 1971, n° 69-10.843, n° 70-10.752 et n° 69-12.329 : Gaz. Pal. 1971, 2, p. 706, [3 arrêts] ; JCP G 1972, II, 16975 note J. Boré ; D. 1972, p. 353, note J. Ghestin, W. Rabinovitch).
  16. Caroline Pelletier note que le cantonnement de la caducité aux actes juridiques non entrés en vigueur « ne reflète plus l’état du droit positif et [qu’elle] peut, aussi, sans inconvénient, résulter d’un fait générateur intervenant après le début de l’exécution de l’acte juridique » (C. Pelletier, op. cit., n°3, p. 17).
  17. R. Houin, « Le problème des fictions en droit civil », Travaux de l’association H. Capitant, 1947, p. 247.
  18. J. Deprez, La rétroactivité dans les actes juridiques : Thèse, Rennes, 1953, n°1.
  19. Ibid., n°61.
  20. Cass. 2e civ., 2 déc. 1982 : Bull. civ. 1982, II, n° 158 ; RTD civ. 1983, p. 593, obs. R. Perrot; Cass. 2e civ., 13 févr. 1985 : JCP G 1985, IV, 15.
  21. Cass. ass. plén., 3 avr. 1987 : JCP G 1987, II, 20792, concl. M. Cabannes ; Gaz. Pal. 1987, 2, somm. p. 173, note H. Croze et Ch. Morel ; RTD civ. 1987, p. 401, obs. R. Perrot ; D. 1988, Somm. p. 122, obs. P. Julien.
  22. Cass. soc., 21 mai 1996 : D. 1996, inf. rap. p. 154 ; Civ. 2e, 3 mai 2001, n° 99-13.592, D. 2001. 1671; RTD civ. 2001. 667, obs. R. Perrot, Bull. civ. II, n° 89 ; Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n° 99-16.269: Bull. civ. 2001, II, n° 153; Com. 14 mars 2006, n° 03-10.945.
  23. V. en ce sens L. Miniato, « La loi du 17 juin 2008 rend-elle caduque la jurisprudence de l’assemblée plénière de la Cour de cassation ? », Dalloz, 2008, p. 2592.

Le désistement d’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès. Cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières. Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

Nous nous focaliserons ici sur le désistement d’instance.

?Définition

Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.

Le désistement d’instance ne doit pas être confondu avec le désistement d’action

  • Le désistement d’instance
    • Ce désistement consiste seulement à renoncer à une demande en justice afin de mettre fin à l’instance.
    • La conséquence en est qu’une nouvelle demande pourra être introduite en justice, ce qui supposera d’engager une nouvelle instance
    • Ainsi, la partie qui se désiste à une instance ne renonce pas à l’action en justice dont elle demeure titulaire.
  • Le désistement d’action
    • Ce désistement consiste à renoncer, non pas à une demande en justice, mais à l’exercice du droit substantiel objet de la demande
    • Il en résulte que le titulaire de ce droit se prive, pour la suite, de la possibilité d’exercer une action en justice
    • En pareil cas, il y a donc renonciation définitive à agir en justice sur le fondement du droit auquel il a été renoncé

S’agissant du désistement d’instance, le Code de procédure civile distingue selon que le désistement d’instance intervient au stade de la première instance ou en appel et/ou opposition.

1. Le désistement en première instance

?Domaine

L’article 394 du CPC prévoit que le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance.

Il n’y a donc a priori aucune restriction pour faire jouer un désistement d’instance. Il est donc indifférent que les règles mobilisées dans le cadre de l’instance relèvent de l’ordre public.

?Conditions

  • Un acte de volonté
    • Principe
      • L’article 395 du CPC dispose que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur.
      • Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition
        • Premier enseignement, le désistement est un acte de volonté, de sorte que le demandeur doit justifier de sa pleine capacité
        • Second enseignent, le désistement ne peut être que le produit d’une rencontre des volontés, de sorte que défendeur doit consentir au désistement du demandeur.
      • S’agissant de l’expression du désistement, il peut être exprès ou tacite
    • Exceptions
      • Le principe posé à l’article 395 du CPC est assorti de deux exceptions.
      • En effet, l’acceptation n’est pas nécessaire si, au moment où le demandeur se désiste, le défendeur n’a présenté
        • Soit aucune défense au fond
        • Soit aucune fin de non-recevoir
  • Une décision
    • L’article 396 du CPC prévoit que le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime.
    • Ainsi, appartient-il au juge de s’assurer
      • D’une part, l’existence d’un accord entre les parties
      • D’autre part, en cas de désaccord, l’existence d’un motif légitime du défendeur, telle qu’une demande reconventionnelle
    • L’instance prendra fin, non pas sous l’effet du jugement, mais par l’accord des parties.
    • Le jugement constatant l’accord (de donner acte) est une mesure d’administration judiciaire dépourvue de l’autorité de la chose jugée et insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

?Effets

  • Exception de l’instance
    • L’article 398 du CPC prévoit que le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action, mais seulement extinction de l’instance.
    • La conséquence est alors double :
      • Tous les actes de procédure accomplis depuis la demande sont rétroactivement anéantis
      • Les parties conservent la possibilité d’introduire une nouvelle instance, tant que l’action n’est pas prescrite.
  • Les frais d’instance
    • L’article 399 du CPC dispose que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.
    • Ces frais devront, en principe, être supportés par l’auteur du désistement
    • Les parties demeurent libres de prévoir une répartition des frais différente, la règle n’étant pas d’ordre public.

2. Le désistement de l’appel ou de l’opposition

?Domaine

À l’instar du désistement en première instance, l’article 400 du CPC prévoit que « le désistement de l’appel ou de l’opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires. »

Il n’y a donc, s’agissant de la matière dont relève le litige, aucune restriction s’agissant du désistement dans le cadre d’un appel ou d’une opposition, sauf à ce qu’un texte en dispose autrement.

A l’examen, le cas de désistement se singularise, s’agissant de ces conditions de mise en œuvre diffèrent de celles applicables au désistement en première instance.

?Conditions

  • Les conditions de fond
    • Il convient de distinguer selon que le désistement porte sur un appel ou sur une opposition
      • S’agissant du désistement de l’appel
        • L’article 401 du CPC prévoit qu’il n’a besoin d’être accepté qu’à la condition :
          • Soit qu’il comporte des réserves, c’est-à-dire qu’il soit subordonné à la satisfaction par l’autre partie de conditions
          • Soit si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.
        • En dehors de ces deux cas, l’acceptation du désistement par le défendeur n’est pas requise.
      • S’agissant du désistement de l’opposition
        • L’article 402 du CPC prévoit qu’il n’a besoin d’être accepté que si le demandeur initial a préalablement formé une demande additionnelle.
        • À défaut, il ne sera nullement besoin de solliciter l’acceptation de la partie adverse
    • À l’examen, il apparaît que, contrairement au désistement en première instance, l’acceptation du défendeur n’est, par principe pas requise.
    • Ce n’est que par exception que les textes exigent que le défendeur accepte le désistement de la partie adverse.
  • Les conditions de forme
    • Comme le désistement en première instance, le désistement de l’appel ou de l’opposition peut être exprès ou tacite
    • De la même manière, il doit être constaté par un juge qui doit déclarer le désistement parfait, dès lors que les conditions requises par les articles 401 et 402 du CPC sont réunies.

?Effets

Le désistement de l’appel ou de l’opposition produit plusieurs effets :

  • Premier effet
    • Le désistement dessaisi le juge qui ne pourra dès lors plus statuer au fond, ni confirmer le jugement rendu en première instance.
    • L’instance est alors définitivement éteinte, sauf à ce que, consécutivement au désistement, un appel soit interjeté par la partie adverse
  • Deuxième effet
    • Le désistement, a encore pour effet d’emporter acquiescement au jugement.
    • Lorsque, toutefois, le désistement porte sur un appel, l’article 403 du CPC précise qu’« il est non avenu si, postérieurement, une autre partie interjette elle-même régulièrement appel. »
    • Autrement dit, en cas d’appel incident interjeté par la partie adverse, l’auteur du désistement est autorisé à revenir sur son désistement.
    • Cette faculté qui lui est offerte se justifie par la nécessité de lui permettre de se défendre et de faire échec à la voie de recours exercée contre lui.
  • Troisième effet
    • Comme pour le désistement en première instance, le désistement de l’appel ou de l’opposition emporte pour son auteur et sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.

La péremption d’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès. Cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières. Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

Nous nous focaliserons ici sur la péremption d’instance.

?Définition

L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).

En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.

Son double fondement s’est manifestement inversé avec la réforme de la procédure civile de 1975. Initialement conçue comme un mécanisme présumant surtout l’intention des parties d’abandonner l’instance, dans le strict respect du principe dispositif, la péremption est clairement devenue à titre principal, avec le nouveau code de procédure civile, une sanction de la carence des plaideurs de plus de deux ans dans la conduite de l’instance qui leur incombe, justifiée par une bonne administration de la justice.

La péremption d’instance vise à « sanctionner le défaut de diligence des parties » (Cass. com., 9 nov. 2004, n°01-16.726).

La péremption d’instance est régie aux articles 386 à 393 du Code de procédure civile.

?Domaine de la péremption

La péremption d’instance concerne toutes les juridictions (première instance, cour d’appel, Cour de cassation), sauf les juridictions pénales lorsqu’elles statuent sur intérêts civils (Cass. 2e civ., 20 mai 1992, n° 90-15.496).

Elle concerne, en principe, toutes les instances.

?Conditions de la péremption

  • Le délai
    • La péremption d’instance peut être sollicitée à l’expiration d’un délai de deux ans, dans l’hypothèse où, durant ce délai, aucun acte de procédure n’a été accompli par les parties.
    • Le délai court à compter de la dernière diligence procédurale des parties ou à compter du dernier acte de procédure suivant les cas (Cass. 1ère civ., 7 avr. 1999, n° 97-13.647).
    • Au cours de l’instance, il appartient donc aux parties d’effectuer toutes les diligences utiles à l’avancement de l’affaire, sous peine de péremption laquelle s’apparente à une sanction.
  • L’interruption du délai
    • Pour que le délai de péremption de l’instance commence à courir encore faut-il que pèse sur les parties l’obligation d’accomplir des diligences.
    • Lorsque, en effet, au cours d’une instance, un temps de procédure échappe aux diligences des parties (Cass. 3e civ., 26 janv. 2011, n°09-71.734), et tant qu’aucun événement leur redonnant prise sur l’instance n’intervient le délai de péremption est interrompu.
    • Tel est le cas, par exemple, pendant le délibéré.
    • Le délai de péremption est également interrompu dès que le juge de la mise en état a fixé l’affaire en état à une audience des plaidoiries (Cass. 2e civ., 12 février 2004, n°01-17.565).
    • De même, le délai est interrompu dès que le juge de la mise en état, sans surseoir à statuer, a radié l’affaire du rôle dans l’attente d’une décision pénale (Cass. 2e civ., 6 avr. 2006, n° 04-14.298).
    • Enfin, il cesse également de courir durant la période de transmission d’un dossier d’une juridiction à une autre après décision d’incompétence, jusqu’à la réception de la lettre du greffe prévue à l’article 97 du code de procédure civile (Cass. 2e civ., 15 janv. 2009, n° 07-22.074).
    • Conséquence de la qualification d’« interruption » de la péremption, c’est un nouveau délai de deux ans qui recommence à courir lorsque, intervient un événement, qui redonne aux parties une possibilité d’agir sur la procédure, tel que la révocation de l’ordonnance de clôture (Cass. 2e civ., 28 juin 2006, n°04-17.992), ou la décision du juge ordonnant le retrait du rôle à la demande des parties (Cass. 2e civ., 15 mai 2014, pourvoi n°13-17.294).
  • Les incidents affectant le délai de péremption
    • Il ressort des textes que certains événements ont pour effet d’affecter le délai de la péremption d’instance
    • Il en va ainsi des événements suivants :
      • L’interruption de l’instance
        • L’article 392, al. 1er du CPC prévoit que l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.
        • Ainsi, pour tous les cas d’interruption de l’instance prévus par la loi, le délai de péremption est interrompu.
        • Dès lors que le délai de péremption de l’instance est interrompu, un nouveau délai ne commence pas à courir immédiatement.
        • Un effet, l’interruption du délai de péremption dure aussi longtemps que l’interruption de l’instance.
        • Comme indiqué par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 avril 1993, l’interruption du délai de péremption « ne prend fin que par la reprise de l’instance » (Cass. 2e civ. 5 avr. 1993, n°91-18.734).
        • Autrement dit, le délai de péremption ne recommence à courir qu’à compter de la reprise de l’instance.
        • Il peut être observé que lorsque l’instance a été interrompue par la conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état, l’alinéa 3e de l’article 392 du CPC précise que le nouveau délai de péremption court à compter de l’extinction de cette convention.
        • Lorsque, par ailleurs, l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, l’alinéa 4e de l’article 392 du CPC, prévoit que le nouveau délai de péremption de l’instant court, quant à lui, « à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »
      • La suspension de l’instance
        • En cas de suspension de l’instance, l’article 392, al. 2e du CPC prévoit que le délai de péremption continue à courir.
        • La radiation ou le retrait de l’affaire du rôle sont, dès lors, sans incidence sur le délai de péremption de l’instance dans la mesure où l’efficacité de ces événements n’est assortie d’aucun terme, ni d’aucune condition.
        • Par exception, la suspension de l’instance affecte le délai de péremption lorsqu’elle intervient pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé.
        • Pour ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.

?Procédure

  • Une instance en cours
    • Pour que la question de la péremption puisse être posée, il faut que l’instance soit en cours, ce qui a conduit la jurisprudence des années 1980 à préciser que le point de départ de l’instance est fixé à la date de la saisine de la juridiction (puisqu’il est nécessaire que le juge soit saisi de l’instance en cause), date qui peut donc varier
    • Classiquement, on considère que c’est l’enrôlement de l’assignation qui opère la saisine de la juridiction et non sa signification (V. en ce sens Cass. 2e civ., 29 février 1984, n° 82-12.259).
    • Dans l’hypothèse spécifique d’une cassation avec renvoi, le délai court à compter du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation lorsque celui-ci est contradictoire (Cass. 2e civ., 27 juin 1990, n° 89-14.276), et à compter de la saisine de la cour d’appel de renvoi lorsqu’il a été rendu par défaut.
    • Le point d’arrivée est le prononcé du jugement, dès lors qu’il dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche, ce qui donne lieu à un contentieux chaque fois qu’une voie de recours est exercée plus de deux ans après le prononcé d’une décision non signifiée.
    • Si l’irrecevabilité d’un appel ne résulte pas de l’expiration du délai pour l’interjeter, elle ne peut résulter de la péremption de l’instance de première instance, ni de celle de l’instance d’appel (Cass. 2e civ., 12 mars 1986, n° 84-16.642).
    • De même, l’instance au fond n’étant pas la suite de l’instance en référé-expertise, l’instance au fond intentée plus de deux ans après le dépôt du rapport d’expertise n’est pas périmée puisque l’ordonnance de référé a dessaisi le juge (Cass. 3e civ., 8 octobre 1997, n° 92-21.483).
    • Il s’ensuit également que le juge n’étant pas dessaisi par un jugement avant dire droit ou partiellement avant dire droit, le délai de péremption continue à courir, notamment durant les opérations d’expertise (Cass. 2e civ., 18 octobre 2001, n°99-21.883), sauf en cas d’indivisibilité des chefs de dispositif définitif et avant dire droit du jugement mixte (par exemple, la péremption de l’instance en indemnisation après expertise rend sans objet l’autorité de la chose jugée sur la responsabilité).
  • Les parties
    • L’article 387 du CPC prévoit que « la péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties. »
    • Tant le demandeur que le défendeur peuvent ainsi faire constater par le Juge la péremption de l’instance.
  • Forme de la demande
    • La péremption d’instance peut être demandée à titre principal soit au moyen d’une assignation, soit par voie de conclusions selon les situations
    • L’article 387, al. 2e du CPC précise que la péremption de l’instance peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai de péremption.
  • Moment de la demande
    • L’article 388 du CPC prévoit que « la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit »
    • Cela signifie qu’à l’expiration du délai de deux ans, la partie qui entend se prévaloir de la péremption de l’instance a l’obligation de soulever cette cause d’extinction de l’instance avant
      • Les exceptions de procédure
      • Les fins de non-recevoir
      • Les défenses au fond
    • La sanction de la règle est l’irrecevabilité de la demande de péremption de l’instance.
  • Rôle du Juge
    • Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2017-892 du 6 mai 2017 la péremption d’instance peut être soulevée d’office par le juge ce qui n’était pas le cas sous l’empire du droit antérieur.
    • Reste que la péremption d’instance étant de droit lorsqu’elle est demandée, le juge n’est investi d’aucun pouvoir d’appréciation s’il constate que la péremption est acquise (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 98-10.709).

?Effets de la péremption

  • Extinction de l’instance
    • L’article 389 du CPC prévoit que « la péremption n’éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir. »
    • Cela signifie que pour poursuivre l’action engagée, il conviendra d’introduire une nouvelle instance, soit de faire délivrer une nouvelle assignation, à supposer que l’action ne soit pas prescrite.
  • Survie de l’action
    • Il ressort de l’article 389 du CPC que lorsque l’instance est éteinte par la péremption, le droit d’agir subsiste néanmoins, ce qui autorise le demandeur à renouveler le procès par une nouvelle assignation (Cass. 2e civ., 11 février 2010, n° 08-20.154).
    • Devant la Cour de cassation, lorsque le pourvoi est radié du rôle en application des articles 1009-1 et suivants du code de procédure civile, un nouveau délai de péremption recommence à courir.
  • Acquisition de la force jugée du jugement
    • L’article 390 du CPC prévoit que la péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s’il n’a pas été notifié.
    • Lorsque, de la sorte, la péremption intervient au stade de l’appel, elle a pour effet de conférer au jugement rendu en première instance la force de chose jugée.
    • Cette décision ne pourra donc plus être remise en cause.
  • Opposabilité de la péremption d’instance
    • L’article 391 du CPC prévoit que le délai de péremption court contre toutes personnes physiques ou morales, même mineures ou majeures protégées, sauf leur recours contre leur représentant légal ou la personne chargée de la mesure de protection juridique.
  • Les frais d’instance
    • L’article 393 du CPC prévoit que les frais de l’instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance
    • Le demandeur aura, dans ces conditions, tout intérêt à éviter la péremption d’instance, sous peine de supporter les dépens et les frais irrépétibles.

Les pouvoirs du Juge de la mise en état

?La désignation du Juge de la mise en état

En application de l’article 779 du CPC, la désignation du Juge de la mise en état peut intervenir dans deux cas :

  • Dans le cadre de la procédure de mise en état conventionnelle
    • Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont opté pour la conclusion d’une convention de procédure participative.
    • Plus précisément, un juge de la mise en état sera désigné si les parties ont formulé une demande de date de fixation de l’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.
    • Bien que, par hypothèse, la mise en état soit ici conventionnelle, le juge désigné est chargé de trancher toutes les difficultés susceptibles de naître dans le cadre de la procédure participative.
    • Cette faculté de saisir le juge est une nouveauté introduite par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui a modifié les termes de l’article 1555, 5 du CPC.
    • En effet, cette disposition prévoit désormais que si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention (art. 1555, 5° CPC).
  • Dans le cadre de la procédure de mise en état judiciaire
    • En application de l’article 779 du CPC, lorsque, à l’issue de la procédure d’orientation, le Président du Tribunal ou le Président de chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, décide de ne pas renvoyer l’affaire à l’audience aux fins de jugement, il procède à la désignation d’un juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire.
    • Cette désignation peut être décidée, tant au moment de la première audience d’orientation, qu’au moment de la seconde audience qui est susceptible de se tenir lorsque le Président considérera qu’il convient de consentir un délai aux parties avant de décider de l’orientation de l’affaire.
    • En tout état de cause, la désignation du juge de la mise en état, amorce la voie de ce que l’on appelle le circuit long.
    • Elle se produira toutes les fois que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, à moins que l’une des parties ait été négligente dans l’observation des délais impartis pour conclure ou produire des pièces auquel cas le Président disposera toujours de la faculté de renvoyer directement l’affaire à l’audience de plaidoiries en guise de sanction, à la condition, toutefois, que la demande ait été formellement exprimée par un avocat.
    • Lorsque le Précisent décide de désigner le juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire qui, par hypothèse, n’est pas en état d’être jugée, le greffe est tenu d’en aviser les avocats, conformément au dernier alinéa de l’article 779 du CPC.

?Les missions du Juge de la mise en état

La mission du Juge de la mise en état est d’assurer l’instruction de l’affaire. L’article 780 prévoit en ce sens que « l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle a été distribuée. »

Afin de mener à bien cette mission, le juge de la mise en état doit être guidé par deux objectifs dont l’atteinte conditionne le renvoi de l’affaire à l’audience de jugement :

  • Premier objectif
    • Il appartient au Juge de la mise en état de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.
    • Autrement dit, le Juge de la mise en état doit être le garant de la bonne tenue du débat judiciaire et, en particulier, du respect du principe du contradictoire.
    • L’observation de ce principe est une condition absolument nécessaire pour qu’il puisse être statué sur l’affaire.
    • L’article 16 du CPC dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. »
    • Le principe de la contradiction est l’un des fondements du procès équitable.
    • Il participe du principe plus général du respect des droits de la défense et du principe de loyauté des débats.
    • À cet égard, pour la Cour européenne, le principe de la contradiction implique notamment le droit pour une partie de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter (CEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c. Portugal, requête n° 15764/89).
  • Second objectif
    • L’article 799 du CPC prévoit que le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée
    • Ainsi, le second objectif qui doit être atteint par le Juge de la mise en état est d’impulser, en adoptant au besoin toutes les mesures utiles, les échanges de conclusions et les communications de pièces jusqu’à ce que le débat soit épuisé.
    • Autrement dit, il a pour tâche de faire en sorte que l’affaire soit en état d’être jugée.
    • Cette mission implique qu’il rythme la procédure en fixant un calendrier procédural, qu’il sollicite des auditions, qu’il entende les avocats, qu’il leur adresse des injonctions ou bien encore qu’il ordonne toute mesure d’instruction légalement admissible.

Au bilan, l’objectif d’efficacité et de célérité des procédures impose d’accorder une attention particulière à la mise en état.

Déjà plusieurs fois améliorée, elle est une phase essentielle et dynamique du procès civil dont l’objectif est de permettre d’audiencer des affaires véritablement en état d’être jugées.

Elle ne doit pas se limiter à de simples échanges de conclusions entre parties. Il s’agit en effet de permettre une mise en état non pas purement formelle mais une mise en état dite « intellectuelle » ce qui implique, de la part du juge notamment, une pleine connaissance de l’état du dossier.

Pour parvenir à cet objectif qui lui est assigné, le Juge de la mise en état dispose de nombreuses prérogatives dont certaines relèvent de sa compétence exclusive, soit de pouvoirs qui lui sont propres.

À cet égard, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu les pouvoirs du Juge de la mise en état.

Il a désormais compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, y compris lorsqu’il est nécessaire de trancher préalablement une question de fond.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

À l’examen, les pouvoirs – nombreux et étendus – dont est investi le Juge de la mise en état peuvent être classés en deux catégories :

  • Première catégorie : les pouvoirs d’administration judiciaire
    • Ces pouvoirs sont conférés aux juges de la mise en état afin qu’il exerce sa mission de contrôle et d’impulsion de l’instruction.
    • L’adoption de mesures d’administration judiciaire va, en effet, lui permettre d’impulser le débat et de discipliner les parties dans l’échange des conclusions et la production des pièces
    • La particularité des décisions instaurant des mesures d’administration judiciaire est qu’elles sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée et qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.
  • Seconde catégorie : les pouvoirs juridictionnels
    • Les pouvoirs juridictionnels dont est investi le juge de la mise en état visent à lui permettre de trancher les contestations et incidents susceptibles d’intervenir au cours de l’instruction de l’affaire
    • À la différence des mesures judiciaires, les actes juridictionnels sont assortis de l’autorité de la chose jugée, tantôt au principal, tantôt au provisoire.
    • Ils sont également susceptibles de voies de recours, ce qui dès lors tempère le caractère discrétionnaire et irrévocable des décisions prises par le Juge de la mise en état
    • Enfin, les actes juridictionnels doivent répondre au formalisme qui s’impose au juge lorsqu’il rend un jugement, en particulier à l’exigence de motivation de tout jugement

I) Les pouvoirs d’administration judiciaire

A) Fixation du calendrier procédural

Il ressort de l’article 781 du CPC que le calendrier procédural peut être fixé selon deux modalités différentes.

Il peut être le produit :

  • Soit d’une décision unilatérale du Juge de la mise en état qui imposera aux avocats des délais sans qu’ils aient pu les discuter
  • Soit d’une concertation entre avocats auxquels le Juge de la mise en état aura octroyé la possibilité d’en négocier les termes

1. La fixation unilatérale du calendrier procédural

?La fixation de délais

L’article 781, al. 1er du CPC dispose que « le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. »

Il ressort de cette disposition que si lorsque le juge de la mise en état fixe des délais il doit :

  • D’une part, tenir compte d’un certain nombre de critères (urgence, complexité et nature de l’affaire) lesquels doivent lui permettre d’apprécier la durée du délai accordé
  • D’autre part, solliciter l’avis des avocats, ce qui signifie qu’ils doivent être convoqués à l’audience et invité à présenter leurs observations, bien qu’il ne soit pas lié par leurs demandes.

Les délais fixés par le Juge de la mise en état visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces.

Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur.

Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge de la mise en état.

En application de l’article 792 du CPC la décision du juge fait l’objet d’une simple mention au dossier.

Parce qu’il s’agit d’une mesure judiciaire, elle est insusceptible de voies de recours.

?L’octroi de prorogations

Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations (art. 781, al. 2 CPC).

Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.

Autre alternative susceptible d’être retenue par le juge, l’article 764, al. 6 prévoit qu’il peut également renvoyer l’affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige.

?Les injonctions

Lorsqu’une partie ne respecte pas le délai qui lui était imparti pour conclure, l’article 780 du CPC confère au Juge de la mise en état le pouvoir de prononcer des injonctions de conclure ou de communiquer les pièces attendues.

L’article 774 prévoit, à cet égard, que les injonctions doivent toujours donner lieu à la délivrance d’un bulletin.

Ce bulletin doit être daté et signé par le greffier, et remis ou déposé par celui-ci au lieu où sont effectuées, au siège du tribunal, les notifications entre avocats.

?Les sanctions

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, deux sanctions sont encourues par les parties, selon que la négligence est imputable à une seule d’entre elles ou aux deux :

  • La clôture partielle en cas de défaut d’une seule partie
    • L’article 800 du CPC prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».
    • On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente.
    • Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.
    • Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture
    • La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
    • La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.
    • Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.
  • La radiation de l’affaire en cas de négligence des deux parties
    • Principe
      • L’article 801, al. 1er du CPC dispose que « si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours. »
      • L’alinéa 2 précise que « copie de cette ordonnance est adressée à chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile réel ou à leur résidence. »
      • Le Juge de la mise en état dispose ainsi de la faculté, en cas de négligence des deux parties, de prononcer la radiation de l’affaire.
      • Cette faculté est un rappel de la règle plus générale énoncée à l’article 381 du CPC qui prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».
    • Effets
      • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
      • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
      • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
      • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
    • Régime
      • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
      • Reste que l’article 801 du CPC impose au juge
        • D’une part, de provoquer l’avis des avocats
        • D’autre part, de rendre ordonnance de radiation qui doit être motivée.

2. La fixation concertée du calendrier procédural

L’article 781, al. 3 du CPC prévoit que le juge de la mise en état « peut, après avoir recueilli l’avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état. »

L’alinéa 4 de cette disposition précise que le calendrier comporte alors « le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l’article 450, celle du prononcé de la décision. »

S’inspirant des pratiques de juridictions ayant mis en place des « contrats de procédure », l’article 781 introduit par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 a consacré ce dispositif.

L’ancienne rédaction prévoyait seulement que le juge fixe les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, « au fur et à mesure ».

Prise à la lettre, cette disposition interdisait donc les calendriers de procédure. À tout le moins, elle n’incitait pas les juges de la mise en état à s’orienter dans cette voie.

Désormais, le juge, après avoir recueilli l’accord des conseils des parties, peut donc fixer le calendrier de la mise en état qui comportera la date de toutes les étapes de la procédure, y compris celle du jugement.

Ce calendrier ne doit pas se limiter à un simple énoncé de dates. Il doit procéder, pour être efficace, d’une collaboration volontaire et étroite entre les avocats et le juge et résulter d’une action concertée au sein des juridictions.

Sans bouleverser les règles du procès civil, il conduit à un travail en commun qui impose que chacun connaisse tous les éléments du dossier à chaque étape de son traitement et puisse, en quelque sorte, anticiper l’évolution de la mise en état.

En impliquant davantage les auxiliaires de justice, ce dispositif innovant permet indubitablement de raccourcir les délais de procédure en supprimant les audiences formelles de mise en état et en éliminant les temps morts.

L’article 781 prévoit d’ailleurs, spécifiquement les conditions dans lesquelles ce calendrier peut être modifié, afin qu’il ne reste pas seulement indicatif.

Les délais fixés dans le calendrier peuvent, en effet, être prorogés qu’en cas de cause grave et dûment justifiée. À défaut, il conviendra de prononcer la radiation de l’affaire.

B) L’orientation du procès

Le juge de la mise en état a pour mission principale d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

?Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • L’article 783 du CPC autorise le Juge de la mise en état à procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • L’article 786 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige. »
    • Cette disposition n’est qu’un rappel de l’article 332 du CPC qui relève d’une section consacrée à l’intervention forcée.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s.).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • L’article 785 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.
  • Désigner un médiateur
    • Innovation du décret du 11 décembre 2019, l’article 785, al. 2 du CPC autorise le Juge de la mise en état à désigner un médiateur.
    • Cette désignation s’opérera dans les conditions de l’article 131-1 du CPC qui prévoit que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Cette désignation ne pourra donc intervenir qu’à la condition d’avoir recueilli le consentement des parties.
    • La mission du médiateur consistera alors à assister les parties dans une recherche mutuelle de résolution du litige.

?Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 782 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu, à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige et, le cas échéant, à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l’article 768. »
    • Cette prérogative dont est investi le juge de la mise en état a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge de la mise en état peut exiger que l’original ou une des pièces visées dans leurs écritures lui soient communiqués (art. 782 CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent.
  • L’audition des parties
    • Autre prérogative conférée au juge de la mise en état, l’article 784 prévoit qu’il « peut, même d’office, entendre les parties. »
    • En toute hypothèse, cette audition des parties a lieu contradictoirement à moins que l’une d’elles, dûment convoquée, ne se présente pas.
    • Le juge de la mise en état pourra être tenté d’auditionner les parties, soit pour obtenir des précisions orales sur un moyen de fait ou de droit qui a retenu son attention, soit lorsqu’il considérera qu’une conciliation est possible

II) Les pouvoirs juridictionnels

Le juge de la mise en état n’est pas seulement investi du pouvoir de contrôler et d’organiser l’instance, il lui incombe également de régler toutes les difficultés qui surviennent en son cours.

Il ne s’agira pas ici pour le juge de la mise en état d’adopter des mesures d’administration judiciaires dont la finalité est d’assurer le bon déroulement de l’instance, mais de rendre des décisions à caractère juridictionnel, lesquels vise à trancher une contestation ou un incident.

Le juge de la mise en état est investi du pouvoir de rendre des décisions à caractère juridictionnelles que l’on peut classer en deux catégories

  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire
  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Tandis que les premières s’imposent aux parties dans l’attente que le litige soit tranché au fond, les secondes sont définitives, en ce sens que le juge ne peut pas être saisi ultérieurement pour les mêmes fins.

A) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Ces décisions sont donc celles qui ne lient pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge de la mise en état s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge de la mise en état, ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, lorsqu’il est statué au provisoire, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge de la mise en état, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision.

Au nombre des pouvoirs juridictionnels du Juge de la mise en état qui l’autorisent à statuer au provisoire on peut distinguer ceux qu’il détient en propre, de ceux qu’il emprunte au Juge des référés

1. Les pouvoirs propres du Juge de la mise en état

On recense plusieurs pouvoirs autorisant le Juge de la mise à statuer au provisoire que l’article 789 du CPC lui confère en propre :

?Les pouvoirs relatifs à la production de pièces

L’article 788 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »

Cette disposition lui confère donc le pouvoir de statuer selon les règles communes à toutes les procédures énoncées aux articles 132 du CPC.

Ainsi, en application de ces règles, le juge peut, par exemple enjoindre à une partie, sous astreinte, de communiquer une pièce (art. 133 CPC).

Il peut encore, toujours sous astreinte, fixer le délai, et, s’il y a lieu, les modalités de la communication (art. 134 CPC).

Enfin, il peut également écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile (art. 135 CPC).

?Les pouvoirs relatifs à l’adoption de mesures d’instruction

L’article 789, 5° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. »

De toute évidence, cette disposition fait directement écho aux articles 143 et suivants du CPC qui régissent les mesures d’instruction susceptible d’être prises dans le cadre du procès civil.

En particulier, l’article 143 du CPC dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

L’article 144 précise que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

En application de ces textes, le juge de la mise en état dispose de toute liberté pour prescrire une mesure d’instruction.

Dans la mesure où la loi ne pose aucune limite, les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient légalement admissibles.

Ces mesures peuvent consister en :

  • La désignation d’un expert
  • La désignation d’un huissier de justice
  • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers

L’article 147 du CPC l’autorise à conjuguer plusieurs mesures d’instruction.

Il peut ainsi, à tout moment et même en cours d’exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.

Le juge peut encore accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

Bien qu’il dispose de toute latitude pour prescrire des mesures d’instruction, l’article 147 du CPC intime au Juge de limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.

?Les pouvoirs relatifs à l’allocation de provisions ad litem

L’article 789, 2° autorise le juge de la mise en état à allouer une provision pour le procès.

L’octroi de cette provision ad litem (en vue du procès) vise à permettre à une partie, en situation de difficultés financières, de faire face à certains coûts de l’instance, tels que, par exemple, les frais d’expertise

?Les pouvoirs relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles

L’article 790 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700. »

Cette prérogative lui a été conférée par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005

  • S’agissant des dépens ce sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
  • S’agissant des frais irrépétibles, ils se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.

Le pouvoir dont est investi le juge de la mise en état, l’autorise à statuer sur les frais de l’instance dont il a pu constater l’extinction mais également sur les frais exposés par les parties aux fins de mettre en œuvre les mesures conservatoires, provisoires ou d’instruction prononcées.

Si, par principe, lorsque le Juge de la mise en état statue sur les dépens et les frais irrépétibles sa décision est seulement assortie de l’autorité de la chose jugée au provisoire, il en va autrement lorsqu’il statue sur des exceptions de procédure ou des incidents d’instance.

2. Les pouvoirs empruntés au Juge des référés

À l’examen, plusieurs pouvoirs conférés par l’article 789 du CPC au juge de la mise en état sont semblables à ceux dont est investi le juge des référés.

Cette disposition précise néanmoins que, dès lors que le juge de la mise en état est saisi, il dispose d’une compétence exclusive de toute intervention du Juge des référés.

Autrement dit, la désignation d’un Juge de la mise en état fait obstacle à la saisie du Juge des référés.

L’article 789, al.1er précise expressément que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour exercer un certain nombre de pouvoirs, dont ceux qu’il emprunte au Juge des référés.

Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a toutefois nuancé la règle en affirmant que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17147).

Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent.

L’article 789 du CPC confère, en effet, une compétence exclusive à ce dernier uniquement « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation ».

Autrement dit, dès lors qu’il est saisi en premier, les parties n’ont d’autre choix que de s’en remettre au Juge de la mise en état, quand bien même leur demande serait susceptible de relever de la compétence du Juge des référés.

En tout état de cause, le Juge de la mise en état emprunte au Juge des référés un certain nombre de pouvoirs énoncés à l’article 789 du CPC :

?Allouer une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable

Ce pouvoir du Juge de la mise en état rejoint la prérogative conférée par l’article 835, al. 2 du CPC au juge des référées.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le juge des référés] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Pareillement à l’article 835, al. 2e du CPC l’article 789, 3° du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».

L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.

En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence.

À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit.

D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.

Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge de la mise en état sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires.

Autre élément qui rapproche le Juge de la mise en état du Juge des référés, l’article 789 du CPC prévoit, dans les mêmes termes que l’article 489 relatif à l’ordonnance de référé, qu’il peut « subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 ».

À cet égard, l’article 517 du Code de procédure civile précise que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »

La nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.

Par ailleurs, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l’être, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet.

En outre, le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente.

?Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires

L’article 789, 4° du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées »

Ce pouvoir du Juge de la mise en état se rapproche très étroitement de l’office du Juge des référés lorsqu’il est saisi sur le fondement des articles 834 ou 835, al. 1er du CPC.

Tous les deux sont investis du pouvoir d’adopter des mesures conservatoires.

La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond.

Plus précisément, il s’agit de mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal

La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.

Elle peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la désignation d’un séquestre etc.

Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.

La ressemblance entre les prérogatives du Juge de la mise en état et du juge des référés en matière de mesures provisoires se renforce à la lecture des articles 789, 4° in fine et 488 du CPC qui les autorisent respectivement à « modifier ou compléter » des mesures qui auraient déjà été ordonnées soit par eux-mêmes, soit par un autre juge statuant au provisoire « en cas de survenance d’un fait nouveau ».

B) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Le pouvoir que le Code de procédure civile confère au Juge de la mise en état ne se limite pas à statuer au provisoire. Il est également investi du pouvoir de rendre des décisions assorties de l’autorité de la chose jugée au principal.

Ainsi, certaines décisions prises par le Juge de la mise en état, sont rendues par lui à titre définitif. Pour ces décisions, le Code de procédure civile lui confère un pouvoir exclusif.

Il ressort de l’article 789, 1° du CPC que tel est le cas lorsqu’il statue sur les exceptions de procédures et les incidents d’instance.

Quant aux fins de non-recevoir, si depuis la réforme de la procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur elles, elles restent soumises à un régime spécifique.

1. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux exceptions de procédure et aux incidents d’instance

a. Principe

L’article 789, 1° du CPC dispose, en effet, que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge »

Il ressort de cette disposition que le Juge de la mise en état est donc investi du pouvoir de connaître des exceptions de procédure et des incidents d’instance.

i. Les exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 novembre 2001) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janvier 1996).

S’agissant des exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état, l’article 789, 1° du CPC n’opère aucune distinction, de sorte que, en application de l’adage ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, il n’y a pas lieu de distinguer : toutes sont concernées y compris celles qui seraient découvertes par la jurisprudence.

ii. Les incidents d’instance relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

Si le Code de procédure ne définit pas ce qu’est un incident d’instance, il les énumère.

Ainsi, au nombre des incidents d’instance figurent :

?La jonction et la disjonction d’instances

Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.

Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).

Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.

?L’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

  • Événements emportant de plein droit interruption de l’instance (art.369 CPC)
    • La majorité d’une partie
    • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
    • L’effet du jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens (redressement ou liquidation judiciaires) dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
    • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle.
  • Événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse (art. 370 CPC)
    • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible (art. 370 CPC), étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation.
    • la cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur (art. 370 CPC)
    • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice (art. 370 CPC).

?La suspension de l’instance

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

?L’extinction de l’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès ; cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières.

Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

  • Péremption d’instance
    • L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).
    • En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.
  • Désistement d’instance
    • Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.
  • Acquiescement à la demande
    • L’acquiescement est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
    • L’acquiescement à la demande doit être distingué de l’acquiescement au jugement qui emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
  • Caducité de la citation
    • Par application de l’article 468 du code de procédure civile, le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. Cependant, la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
    • Dans ce cas les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

S’agissant de l’article 789, 1° qui confère au Juge de la mise en état le pouvoir de connaître des incidents d’instance, comme pour les exceptions de procédure, il n’opère aucune distinction, de sorte que tous relèvent de sa compétence.

Ainsi, peut-il être amené à statuer, tant sur les incidents qui affectent la poursuite de l’instance, que ceux qui conduisent à son extinction.

b. Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

L’article 789 du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ».

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».

Ce monopole qui portait d’abord sur les exceptions dilatoires a, par suite, été étendu à toutes les exceptions de procédure (décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998), puis aux incidents d’instance (décret n° 2004-836 du 20 août 2004).

Pour comprendre le sens de cette exclusivité de la compétence du juge en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents d’instance, il convient de se remémorer que l’institution du juge de la mise en état avait pour objet de permettre de purger la procédure des incidents avant son renvoi à l’audience, afin que le tribunal n’ait à juger que le fond du droit.

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des exceptions de procédure, l’article 789 du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les exceptions et incidents qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

Si, l’article 789 du CPC confère une compétence exclusive au Juge de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents d’instance, il précise que « les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ».

Cela signifie que le dessaisissement du juge de la mise en état a pour effet d’interdire aux parties de soulever des exceptions de procédure et des incidents instance.

Pratiquement, les parties seront donc irrecevables à s’en prévaloir, sauf à établir qu’elles se sont révélées postérieurement au dessaisissement du Juge de la mise en état.

Par principe, la formation de jugement n’a donc pas vocation à connaître les exceptions de procédure et les incidents d’instance qui doivent toutes avoir été purgées lors de l’instruction de l’affaire.

2. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux fins de non-recevoir

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille (procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

Au nombre des fins de non-recevoir figurent, celles énoncées par l’article 122 du CPC que sont :

  • Le défaut de qualité
  • Le défaut d’intérêt
  • La prescription
  • Délai préfix
  • Chose jugée

Les fins de non-recevoir relèvent-elles du pouvoir du Juge de la mise en état ? Tandis que la jurisprudence répondait négativement à cette question jusqu’à la réforme de la procédure civile, le législateur est venu modifier la règle par l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

a. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, les fins de non-recevoir n’étaient pas visées par l’ancien l’article 771, 1° du Code de procédure civile, devenu l’article 789, 1°.

On en déduisait, par voie de conséquence, qu’elles échappaient purement et simplement à l’office du Juge de la mise en état.

Dans un avis du 13 novembre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « les incidents mettant fin à l’instance visés par le deuxième alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile sont ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code et n’incluent pas les fins de non-recevoir ».

Manifestement, cet avis a été diversement accueilli par la doctrine.

Un auteur a, par exemple, estimé que la mise en état rénovée par le décret du 28 décembre 2005 « doit permettre de traiter les exceptions et fins de non-recevoir afin que seul le fond de l’affaire soit évoqué lors d’une audience de plaidoiries » (E. Bonnet,Gaz. Pal. du 1er au 5 janvier 2006, p. 9 et 10)

Par ailleurs, pour M. Beauchard, le Juge de la mise en état « est dorénavant compétent pour statuer non seulement sur les exceptions de procédure, mais également sur les fins de non-recevoir qui ont pour effet, lorsqu’elles sont admises, de mettre fin à l’instance (défaut d’intérêt ou de qualité pour agir, autorité de la chose jugée, prescription) ».

Biens que certains auteurs se soient ainsi élevés contre cette exclusion des fins de non-recevoir de la sphère de compétence du Juge de la mise en état, la Cour de cassation n’est jamais revenue sur sa position, ce dont se félicitait la doctrine majoritaire.

En effet, les fins de non-recevoir constituent des moyens de défense définis au titre V du livre premier du CPC. Elles sont donc différentes des incidents d’instance définis au titre XI.

Permettre au juge de la mise en état de statuer sur ces moyens de défense reviendrait donc, selon les auteurs, à les assimiler aux incidents d’instance alors qu’ils n’ont pas le même statut juridique, ce qui est contraire à la logique intellectuelle et juridique du CPC.

L’article 123 du CPC permet de proposer une fin de non-recevoir en tout état de cause. Or admettre que le Juge de la mise en état puisse statuer sur celle-ci, conduirait à neutraliser cette règle, la fin de non-recevoir ne pouvant plus, une fois tranchée, être invoquée devant la formation de jugement.

Aussi, comment concilier l’article 123 du CPC avec le pouvoir exclusif du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir ?

Dire que les fins de non-recevoir constituent des incidents mettant fin à l’instance au sens de l’article 789,1° du CPC aurait pour conséquence d’introduire une disparité de traitement entre les procédures avec mise en état et les procédures sans mise en état où les fins de non-recevoir pourraient continuer à être proposées en tout état de cause. Il paraît difficile de faire de l’article 123 un article à géométrie variable.

À cet égard, on peut noter que dans la circulaire du 8 février 2006, la chancellerie avait repris les termes du décret pour dire que le juge de la mise en état est désormais seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance.

La question de la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir lui avait été précisément posée.

Elle avait alors répondu dans les termes suivants dans un document du 14 avril 2006 intitulé « Réflexions sur le décret du 28 décembre 2005 ».

« Non, les compétences dévolues au juge de la mise en état par le premier alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile portent exclusivement sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance. Les fins de non-recevoir sont distinctes des incidents mettant fin à l’instance. Elles tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond. Elles recouvrent notamment le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription et la chose jugée et peuvent être soulevées en tout état de cause. Elles sont susceptibles de régularisation. Une nouvelle instance pourra toujours être réintroduite suite à un jugement ayant admis une fin de non-recevoir.

Les incidents mettant fin à l’instance sont énumérés aux articles 384 et 385 du nouveau code de procédure civile. Il s’agit de la transaction, de l’acquiescement, de la péremption, de la caducité, du désistement et du décès d’une partie. Ils ne sont pas sanctionnés par l’irrecevabilité de l’action mais par l’extinction de l’instance en raison d’un événement de la volonté ou de la négligence des parties. Ils ne sont pas susceptibles de régularisation. L’autorité de la chose jugée pourra être opposée à une action introduite après une décision déclarant l’instance éteinte.

Le juge de la mise en état n’est donc pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Les premières décisions rendues sur la question par les juges du fond se sont prononcés majoritairement pour une impossibilité du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non- recevoir (TGI Toulouse, ord. JME, 1er ch., 12 avril 2006, RG 03/01865).

Par exemple, un conseiller de la mise en état ne s’est pas reconnu le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité d’un appel-nullité en matière de procédures collectives car « les notions d’exceptions de procédure et d’incidents mettant fin à l’instance doivent être appréciées au regard des définitions données par le nouveau code de procédure civile et ne sauraient englober les défenses au fond et les fins de non-recevoir, et ne sauraient s’entendre au sens large d’incidents de mise en état » (CA Toulouse, ord. CME, 2ème ch., 15 mars 2006, RG 05/04909).

Plusieurs autres décisions ont statué dans le même sens (V. en ce sens CA Rouen, ord. CME, 3avril 2006, RG 05/02395 ; CA Montpellier, ord. CME, 29 mars 2006, RG 05/02183).

Reste que le législateur a entendu revenir sur cette position de la jurisprudence en conférant au Juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir

b. Réforme de la procédure civile

b.1 L’extension des pouvoirs du Juge de la mise en état

L’article 789, 6° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi opéré une extension des pouvoirs du Juge de la mise en état qui peut désormais connaître des fins de non-recevoir.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

Pour que la faculté de statuer sur les fins de non-recevoir reconnue au Juge de la mise en état soit cohérente avec les termes de l’article 123 du CPC qui détermine le régime des fins de non-recevoir, il est désormais précisé que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement »

Tel est donc le cas, lorsque l’affaire fait l’objet d’une mise en état dans le cadre de la procédure écrite pendante devant le Tribunal judiciaire.

b.2 Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état »[1].

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.

Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?

Le décret du 11 décembre 2019 a répondu à cette interrogation en posant un principe qu’il a assorti d’exceptions.

?Principe

L’article 789, al. 2 du CPC pose que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »

Ainsi, le juge de la mise en état se voit-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépend l’appréhension de la fin de non-recevoir.

?Exceptions

Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir peuvent être tranchées par la formation de jugement :

  • Soit à la demande des parties
    • L’article 789 al. 2 dispose que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
    • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui a vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
    • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précise le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
    • Le texte invite alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
    • Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.
  • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
    • Le renvoi devant la formation de jugement peut également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estime nécessaire.
    • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi est insusceptible d’une voie de recours.
    • Si la formation de jugement estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle peut renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.

En tout état de cause, l’article 789 dispose que lorsque le juge de la mise en état ou la formation de jugement sont amenés à statuer sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir, ils doivent le faire par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement.

  1. M. Kebir, « Réforme de la procédure civile : promotion de la mise en état conventionnelle et extension des pouvoirs du JME », Dalloz actualité, 23 déc. 2019 ?

La procédure de référé devant le Tribunal judiciaire

« La procédure est la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » (R.-J. POTHIER, Traité de procédure civile, in limine, 1er volume Paris, 1722, Debure)

?Présentation générale

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

Dans la pratique, les justiciables tendent à avoir de plus en plus recours au juge des référés, simplement dans le but d’obtenir plus rapidement une décision judiciaire, détournant ainsi la fonction initiale de cette procédure.

On peut en outre souligner que depuis la loi du 30 juin 2000, une procédure de référé administratif a été introduite dans cet ordre juridictionnel.

?Procédure sur requête et procédure de référé

  • Points communs
    • Monopole des juridictions présidentielles
      • Les procédures sur requête et de référé relèvent des pouvoirs propres des Présidents de Juridiction, à l’exception du Conseil de prud’hommes.
    • Absence d’autorité de la chose jugée
      • La procédure sur requête et la procédure de référé ne possèdent pas l’autorité de la chose jugée au principal.
      • Elles conduisent seulement, si elles aboutissent, au prononcé d’une décision provisoire
      • Aussi, appartiendra-t-il aux parties d’engager une autre procédure afin de faire trancher le litige au fond.
    • Efficacité de la décision
      • Tant l’ordonnance sur requête que l’ordonnance de référé est exécutoire immédiatement, soit sans que la voie de recours susceptible d’être exercée par le défendeur produise un effet suspensif
  • Différences
    • Le principe du contradictoire
      • La principale différence qui existe entre la procédure sur requête et la procédure de référé réside dans le principe du contradictoire
      • Tandis que la procédure sur requête déroge à ce principe directeur du procès, la procédure de référé y est soumise
    • Exécution sur minute
      • À la différence de l’ordonnance de référé qui, pour être exécutée, doit préalablement être signifiée, point de départ du délai d’exercice des voies de recours, l’ordonnance rendue sur requête est de plein droit exécutoire sur minute.
      • Cela signifie qu’elle peut être exécutée sur simple présentation, sans qu’il soit donc besoin qu’elle ait été signifiée au préalable.
      • Sauf à ce que le Juge ordonne, conformément à l’article 489 du CPC, que l’exécution de l’ordonnance de référé se fera sur minute, cette décision est seulement assortie de l’exécution provisoire

?Textes

Deux sortes de textes régissent les procédures sur requête :

  • Les dispositions communes à toutes les juridictions
    • Les articles 484 à 492 du Code de procédure civile déterminent :
      • Les règles de procédures
      • Le formalisme à respecter
      • Les voies de recours susceptibles d’être exercées
  • Les dispositions particulières à chaque juridiction
    • Pour le Président du Tribunal judiciaire, il convient de se reporter aux articles 834 à 838 du CPC.
    • Pour le Juge des contentieux de la protection, il convient de se reporter aux articles 834 à 838 du CPC.
    • Pour le Président du Tribunal de commerce, il convient de se reporter aux articles 872 à 873-1 du CPC
    • Pour le président du tribunal paritaire de baux ruraux, il convient de se reporter aux articles 893 à 896 du CPC
    • Pour le Conseil de prud’hommes l’article 879 qui renvoie aux articles R. 1455-1 et suivants du Code du travail
    • Pour le Premier président de la cour d’appel, il convient de se reporter aux articles 956 et 957 du CPC.

I) La compétence du Juge des référés

A) La compétence d’attribution

?Une compétence calquée sur la compétence au fond

Le juge compétent pour connaître d’une procédure de référé est :

  • Soit le Président du Tribunal judiciaire qui serait compétent pour statuer sur le fond du litige.
  • Soit le Juge des contentieux de la protection pour les matières qui relèvent de sa compétence, soit celles visées aux articles L. 213-4-2 à L. 213-4-7 du COJ

Naturellement, la compétence de droit commun du tribunal judiciaire fait de son Président le juge des référés de droit commun.

L’article 836 du Code de procédure civile dispose en ce sens que « les pouvoirs du président du tribunal judiciaire prévus aux deux articles précédents s’étendent à toutes les matières où il n’existe pas de procédure particulière de référé. »

S’agissant du Président du Tribunal de commerce, il sera compétent pour connaître des litiges qui présentent un caractère commercial.

En matière prud’hommale, le législateur a institué une formation spéciale pour statuer sur les demandes en référé (art. L. 1423-13 et R. 1455-1 et suivants du Code du travail).

?Juge des référés et Juge de la mise en l’état

Enfin, l’article 789 du Code de procédure civile prévoit que lorsque le Juge de la mise en état est saisi, il est « jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal ».

Il en résulte que les parties ne disposent plus de la faculté de saisir le Juge des référés dont ils empruntent, à certains égards.

La désignation d’un Juge de la mise en état fait donc obstacle à la saisie du Juge des référés. Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a néanmoins précisé que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17.147).

Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent. L’article 789 confère, en effet, une compétence exclusive à ce dernier que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation ».

B) La compétence territoriale

Très tôt la jurisprudence a considéré que le Juge territorialement compétent pour statuer en référé est celui-là même qui serait compétent pour connaître du litige au fond (Cass. civ. 4 mai 1910).

Aussi, convient-il de se reporter aux articles 42 et suivants du Code de procédure civile pour déterminer la compétence territoriale du Juge des référés.

?Principe

À cet égard, l’article 42 prévoit que, en principe, « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. »

S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux.

Si le défendeur n’a, ni domicile, ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger.

?Cas particuliers

  • Premier cas
    • En matière réelle immobilière la juridiction du lieu où est situé l’immeuble est seule compétente (art. 44 CPC).
  • Deuxième cas
    • En matière de succession, sont portées devant la juridiction dans le ressort de laquelle est ouverte la succession jusqu’au partage inclusivement (art. 45 CPC) :
      • Les demandes entre héritiers ;
      • Les demandes formées par les créanciers du défunt ;
      • Les demandes relatives à l’exécution des dispositions à cause de mort.
  • Troisième cas
    • Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
      • En matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ;
      • En matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
      • En matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble ;
      • En matière d’aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier.

C) Incidence des clauses compromissoires et attributives de compétence

?Pour les clauses attributives de compétence

Dans un arrêt du 17 juin 1998, la Cour de cassation a considéré que « la clause attributive de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés » (Cass. 2e civ., 17 juin 1998, n° 95-10.563).

Le juge des référés demeure donc compétent nonobstant la stipulation d’une telle clause.

?Pour les clauses compromissoires

La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce ou à ces contrats.

  • Principe
    • L’article 1448 du Code de procédure civile issu du décret n°2011-48 du 13 janvier 2011 pose que « lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. »
    • Ainsi, en cas de stipulation d’une clause compromissoire le Juge des référés doit se déclarer incompétent, ce qui n’est pas le cas en matière de clause attributive de compétence.
  • Exception
    • L’article 1449 du Code de procédure civile dispose que « l’existence d’une convention d’arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n’est pas constitué, à ce qu’une partie saisisse une juridiction de l’Etat aux fins d’obtenir une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire »
    • Lorsque, de la sorte, une partie sollicite l’adoption de mesures conservatoires ou d’instruction, la stipulation d’une clause compromissoire ne fait pas obstacle à la saisine du Juge des référés

II) La saisine du Juge des référés

?Juge du provisoire

L’article 484 du Code de procédure civile prévoit que le juge des référés « n’est pas saisi du principal », en ce sens que les mesures qu’il prend n’ont qu’un caractère provisoire.

Aussi, le provisoire emporte-t-il certains effets, à commencer par l’absence d’autorité de la chose jugée au principal de la décision ordonnée, ou encore l’impossibilité de concevoir un recours en révision contre une ordonnance de référé, dès lors qu’elle est toujours susceptible d’être rapportée en cas de circonstances nouvelles (Cass. 2e civ., 11 juillet 2013, n° 12-22.630).

La conséquence en est que l’ordonnance rendue ne s’impose donc pas au juge du fond qui serait saisi ultérieurement aux mêmes fins, ce qui, autrement dit, signifie que la décision rendue par le juge des référés ne préjudicie pas au principal.

Rien n’interdit au juge saisi au fond de rendre une décision différente de celle qui aura été prise par le Juge des référés. Le premier ne sera pas non plus tenu de tenir compte de la solution retenue par le second.

La procédure de référé et la procédure au fond sont ainsi totalement déconnectées, raison pour laquelle elles peuvent se succéder ou être concomitantes.

  • La procédure de référé et la procédure au fond se succèdent
    • Il s’agit de l’hypothèse la plus répandue
    • Le juge des référés a rendu une décision provisoire qui engendre la saisine de la juridiction au fond
    • Bien que cette saisine au fond ne soit pas nécessaire, elle sera souvent effectuée par la partie qui y trouve un intérêt, en particulier si la décision rendue en référé ne lui est pas favorable.
  • La procédure de référé et la procédure au fond sont concomitantes
    • Lorsque l’urgence de la situation ne permet pas d’attendre l’issue de la procédure engagée au fond, les parties disposent de la faculté de saisir, en parallèle, le juge des référés
    • Celui-ci rendra alors une décision provisoire qui aura vocation à s’appliquer tant qu’aucune décision au fond ne sera intervenue

?Juge de l’évidence

Le juge des référés n’est pas seulement le juge du provisoire, il est également le juge de l’évidence.

Concrètement, le pouvoir du juge des référés est limité à ce qui est manifeste, ce qui lui interdit de se prononcer sur trois catégories de problématiques juridiques :

  • Le statut des biens et des personnes
    • Il s’agit de toutes les questions qui ont trait aux incapacités, à la filiation, à la qualité de propriétaire ou encore à la régularité d’une sûreté réelle
    • Seul un examen au fond permet de trancher le litige.
  • Les actions en responsabilité
    • Si le juge des référés est compétent pour allouer une provision à une partie, il ne dispose pas du pouvoir d’octroyer des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice dont se prévaudrait le demandeur (V. en ce sens Cass. 2e civ., 11 déc. 2008, n° 07-20.255).
    • La raison en est que la caractérisation des conditions de mise en œuvre de la responsabilité suppose un examen au fond.
  • L’interprétation et la validité des actes juridiques
    • Dans un arrêt du 4 juillet 2006, la Cour de cassation a considéré que la nécessité pour le Juge des référés de se livrer à l’interprétation d’un contrat révélait l’existence d’une contestation sérieuse, de sorte que la demande qui lui était soumise échappait à sa compétence (Cass. 1ère civ. 4 juill. 2006, n°05-11.591).
    • Régulièrement, la Cour de cassation rappelle, par ailleurs, que le juge des référés n’est pas investi du pouvoir d’annuler un acte (Cass. soc. 14 mars 2006, 04-48.322) ou de résilier un contrat (Cass. com. 13 oct. 1998, n°96-15.062).
    • Tout au plus, le juge des référés dispose du pouvoir de constater la résolution d’un contrat déjà acquise, de plein droit, par le jeu d’une clause résolutoire, comme c’est le cas en matière de bail (Cass. com. 28 nov. 2006, n° 04-20.734).

III) Les variétés de référé

Si le point commun à toutes les mesures de référé susceptibles d’être prononcées par le Juge réside dans le caractère provisoire dont elles sont assorties, il existe plusieurs cas d’ouverture du référé.

Selon le résultat recherché par le demandeur, le fondement de la mesure invoquée sera différent. À cet égard, on distingue classiquement 4 sortes de référés :

  • Le référé d’urgence
  • Le référé conservatoire
  • Le référé provision
  • Le référé injonction
  • Le référé probatoire

A) Le référé d’urgence (art. 834 CPC)

L’article 834 du Code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

L’intérêt de ce référé réside indéniablement dans la possibilité pour le demandeur de solliciter du Juge des référés l’adoption de toutes mesures qu’il jugera utiles dès lors que leur prononcé n’implique pas un examen du litige au fond.

Reste que, en contrepartie, il devra démontrer la réunion de plusieurs conditions qui seront appréciées strictement par le Juge.

1. Sur la recevabilité de la demande

La recevabilité d’une action en référé sur le fondement de l’article 834 du Code de procédure civile est subordonnée à la satisfaction de deux conditions :

a. L’établissement d’un cas d’urgence

Première condition à remplir pour solliciter le Juge des référés sur le fondement de l’article 834 du CPC : l’établissement d’un cas d’urgence.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par urgence.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

Son appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. L’urgence de l’article 834 du code de procédure civile ne fait, en effet, pas l’objet d’un contrôle de la part de la Cour de cassation, en raison de son caractère factuel, ce qui donne aux arrêts rendus sur cette question la valeur de simples exemples, qui se bornent à constater que les juges l’ont caractérisée (V. en ce sens Cass. 2e civ., 3 mai 2006, n°04-11.121).

b. L’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend

Pour saisir le juge des référés sur le fondement de l’article 834 du CPC, l’établissement d’un cas d’urgence ne suffit pas. Il faut encore démontrer que la mesure sollicitée :

  • Soit ne se heurte à aucune contestation sérieuse
  • Soit se justifie par l’existence d’un différend

Il convient d’observer que ces deux conditions énoncées, en sus de l’exigence d’urgence, sont alternatives, de sorte que la non satisfaction de l’une ne fait pas obstacle à l’adoption par le juge de la mesure sollicitée par le demandeur (Cass. 2e civ., 19 mai 1980, n°78-15.549).

Ainsi, dans l’hypothèse où ladite mesure se heurterait à une contestation sérieuse, tout ne serait pas perdu pour le requérant qui peut toujours obtenir gain cause si l’adoption de la mesure est justifiée par l’existence d’un différend.

Reste que, en pareille hypothèse, le pouvoir du Juge des référés sera limité à l’adoption d’une mesure conservatoire, soit d’une mesure qui ne consistera pas en l’application de la règle de droit substantielle, objet du litige.

A contrario, en l’absence de contestation sérieuse, le juge sera investi d’un pouvoir des plus étendue, en sorte qu’il pourra prononcer une mesure d’anticipation de la décision au fond.

Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC, l’étendue du pouvoir du Juge des référés dépend ainsi de l’existence d’une contestation sérieuse, la démonstration de l’existence d’un différend n’étant nécessaire qu’en présente d’une telle contestation.

?Sur l’absence de contestation sérieuse

Dès lors que la mesure sollicitée se heurtera à une contestation sérieuse, le juge des référés saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC sera contraint de rejeter la demande formulée par le requérant.

Il convient d’observer que l’existence d’une contestation sérieuse ne constitue pas une exception d’incompétence, mais s’apparente à un défaut de pouvoir du juge. Elle n’a donc pas à être soulevée avant toute défense au fond (V. en ce sens Cass. 3e civ., 19 mars 1986, n° 84-17.524).

À l’instar de la notion d’urgence, la référence à l’absence de contestation sérieuse ne se laisse pas aisément définir. Que faut-il entendre par cette formule ?

Elle doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond. En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence. À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Plusieurs exemples peuvent être convoqués pour illustrer les limites du pouvoir du juge des référés saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC.

Ont été considérées comme constitutifs d’une contestation sérieuse et donc ne relevant pas du pouvoir du juge des référés :

Si le Juge des référés excède ses pouvoirs et encourt la cassation pour violation de la loi dans l’hypothèse où il est contraint de se livrer à l’interprétation pour statuer, il en va autrement lorsqu’il lui incombe, pour statuer sur le caractère non sérieusement contestable d’une obligation, d’interpréter non pas un contrat, mais la loi.

À cet égard, la Cour de cassation a pu censurer le juge du provisoire qui s’était refusé à mettre en œuvre une telle interprétation et s’est alors prononcée au visa de l’article 12 du code de procédure civile selon lequel le juge (des référés également) doit trancher le litige conformément aux règles de droit (Cass. soc., 24 juin 2009, n° 08-42.116).

S’agissant de l’appréciation de l’absence de contestation sérieuse, elle ne relève plus du pouvoir souverain des juges du fonds depuis un arrêt rendu par l’assemblée plénière en date du 16 novembre 2001 (Cass. ass. plén., 16 nov. 2001, n° 99-20.114).

?Sur l’existence d’un différend

Si la démonstration de l’existence d’un différend n’est pas nécessaire lorsque, en cas d’urgence, il est établi l’absence de contestation sérieuse, tel n’est pas le cas en présence d’une contestation sérieuse.

Dans cette dernière hypothèse, il appartiendra, en effet, au demandeur, de démontrer que la mesure sollicitée est justifiée par l’existence d’un différend.

Par différend, il faut entendre tout litige ou désaccord, de quelque nature que ce soit, entre les parties.

Reste que pour que le juge prononce une mesure conservatoire s’il constate l’existence d’un différend entre les parties, celui-ci devra justifier l’adoption de la mesure.

Autrement dit, la mesure sollicitée ne devra pas être étrangère au différend. Elle devra être en lien avec lui.

Il pourra, par exemple, s’agir de la désignation d’un mandataire ad hoc en cas de mésentente entre associés d’une société (Cass. 1ère civ. 17 oct. 2012, n°11-23.153).

La mesure prise peut encore consister en la suspension d’un commandement de payer en cas de litige entre le créancier et son débiteur (Cass. com., 26 févr. 1980, n°78-15.687).

Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. en ce sens Cass. 3e civ., 1er févr. 2011, n°10-10.353).

2. Sur les mesures prononcées

?Les mesures autorisées

Pour mémoire, l’article 834 du CPC prévoir que, lorsque le juge des référés en cas d’urgence il peut « ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ».

À l’examen, il apparaît que l’article 834 du CPC confère au juge le pouvoir de prononcer deux sortes de mesures, selon qu’il existe ou non une contestation sérieuse :

  • En l’absence de contestation sérieuse
    • Le juge dispose du pouvoir de prononcer des mesures d’anticipation, soit des mesures qui sont très proches de celles susceptibles d’être prononcées à l’issue de l’instance au fond.
    • Dans cette hypothèse, l’application de la règle de droit substantielle n’est contestée, de sorte que le juge des référés dispose du pouvoir de lui faire produire ses effets.
  • En présence d’une contestation sérieuse
    • Le juge des référés sera privé de son pouvoir de prononcer une mesure d’anticipation de la décision au fond.
    • Il ne pourra prononcer des mesures conservatoires, soit des mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal
    • La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.
    • Il pourra s’agir, par exemple, de la désignation d’un administrateur provisoire ou de la mise sous séquestre d’une somme d’argent.
    • Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle (suspension de travaux dans l’attente de la décision du juge du fond, désignation d’un administrateur judiciaire pour une association ou une copropriété, suspension des effets d’un commandement de payer, désignation d’un séquestre etc.)

?Les mesures interdites

Bien que le Juge des référés dispose, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC du pouvoir de prononcer des mesures d’anticipation de la décision au fond, il lui est interdit d’ordonner une mesure qui se heurte à une contestation sérieuse.

Ainsi lui est-il interdit de prononcer une mesure qui procède :

  • Soit de l’appréciation du statut des personnes ou de biens
  • Soit de l’appréciation du bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit de l’interprétation des termes d’un acte juridique ou de l’appréciation de sa validité

B) Le référé conservatoire (art. 835, al. 1er CPC)

L’article 835, al. 1er du CPC dispose que « le président du tribunal judiciaire ou le juge de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Il ressort de cette disposition que lorsqu’il s’agit de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble illicite, le Juge des référés dispose du pouvoir de prononcer deux sortes de mesures :

  • Des mesures conservatoires
  • Des remises en état

La question qui rapidement s’est posée a été de savoir si ces mesures pouvaient indifféremment être prononcées lorsqu’est établi, soit la survenance d’un dommage imminent, soit l’existence d’un trouble manifestement illicite.

À l’examen, il apparaît que l’adoption d’une mesure de remise en état ne saurait, par définition, être prononcée pour prévenir un dommage imminent. Cette mesure ne se conçoit que si le dommage s’est déjà réalisé. Or s’il est imminent, cela signifie qu’il n’a pas encore eu lieu.

De ce constat, on peut en déduire que :

  • D’une part, l’adoption d’une mesure de remise en état ne sera prononcée que pour faire cesser un trouble manifestement illicite
  • D’autre part, la prescription d’une mesure conservatoire ne se justifiera que dans l’hypothèse où il est nécessaire de prévenir un dommage imminent

En toute hypothèse, comme prévu par l’article 835, al. 1er du CPC, il est indifférent qu’existe une contestation sérieuse.

Lorsque le juge est saisi sur le fondement de cette disposition, l’établissement d’une telle contestation sera sans incidence sur le pouvoir du Juge de prononcer une mesure conservatoire ou une mesure de remise en état.

1. Prévention du dommage imminent et prescription d’une mesure conservatoire

Pour solliciter la prescription d’une mesure conservatoire du Juge des référés, il convient donc de justifier l’existence d’un dommage imminent.

?Sur le dommage imminent

Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer (V. en ce sens Cass. com., 13 avr. 2010, n° 09-14.386).

Ainsi, appartient-il au demandeur de démontrer que, sans l’intervention du Juge, il est un risque dont la probabilité est certaine qu’un dommage irréversible se produise.

Ce dommage peut procéder d’une situation de fait, de la méconnaissance d’un droit ou de la violation d’une règle.

La probabilité de la survenance de ce dommage doit être suffisamment forte pour justifier l’adoption de mesures conservatoires, soit de mesures qui peuvent être contraignantes pour la partie contre laquelle elles sont prises.

Il convient d’observer que, dans ce cas de figure, le pouvoir dont est investi le Juge des référés est semblable à celui qu’il détient en application de l’article 835 du CPC, l’existence d’une contestation sérieuse étant indifférent.

Pour ce qui est de la condition tenant à l’urgence, elle est comprise dans l’exigence de survenance imminente du dommage.

S’agissant de l’appréciation du dommage imminent elle relève de l’appréciation souveraine des juges du fonds, la Cour de cassation n’exerçant aucun contrôle sur cette notion (V. en ce sens Cass. 3e civ., 5 nov. 2015, n° 14-18.184).

?Sur les mesures conservatoires

Lorsque le juge constate le risque de survenance d’un dommage imminent, il est investi du pouvoir de prononcer des mesures conservatoires.

La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond. Autrement dit, elle a seulement vocation à geler une situation dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.

Une mesure conservatoire peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la suspension des effets d’un commandement de payer, en la désignation d’un séquestre etc.

A contrario, une mesure conservatoire ne pourra pas consister en l’octroi d’une provision ou en la mainlevée d’un commandement de payer.

2. Cessation d’un trouble manifestement illicite et adoption d’une mesure de remise en état

Pour solliciter du Juge des référés l’adoption d’une mesure de remise en état, le demander doit justifier la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans un arrêt du 22 mars 1983, la Cour de cassation a précisé que, dans cette hypothèse, il n’était pas nécessaire de démontrer l’urgence à l’instar d’une demande de référé (Cass. 3e civ. 22 mars 1983, n°81-14.547).

Cette décision a été confirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation, notamment dans un arrêt du 5 mai 2011 (Cass. 2e civ., 5 mai 2011, n°10-19.231).

?Sur le trouble manifestement illicite

Le trouble manifestement illicite s’entend, selon un auteur, de « toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ».

Il ressort de la jurisprudence que ce trouble peut résulter de la méconnaissance d’un droit ou d’une règle (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 17 mars 2016, n° 15-14.072).

Il importe peu que la règle violée soit d’origine légale ou contractuelle. Il est également indifférent que la norme méconnue soit de nature civile ou pénale.

À cet égard, constitue un trouble manifestement illicite :

S’agissant de l’appréciation de l’existence d’un trouble manifestement illicite, la Cour de cassation exerce son contrôle sur cette notion (Cass. ass. plén., 28 juin 1996, n°94-15.935) ou son absence (pour une corrida organisée dans la zone couverte par une tradition locale ininterrompue : Cass. 2e Civ., 22 nov. 2001, n°00-16.452).

Plus précisément, la deuxième chambre civile a décidé de laisser à l’appréciation souveraine des juges du fond les éléments de preuve établissant l’existence du trouble, mais exerce son contrôle sur l’illicéité manifeste de ce trouble (Cass. 2e Civ., 7 juin 2007, n°07-10.601 ; Cass. 2e civ., 6 déc. 2007, n°07-12.256).

Les juges du provisoire apprécient ensuite souverainement la mesure propre à mettre fin au trouble qu’ils ont constaté (Cass. 2e civ., 12 juillet 2012n°11-20.687), car il résulte de la lettre même du texte que l’intervention du juge des référés ne peut tendre qu’à faire cesser le trouble (ou à empêcher la survenance du dommage imminent), ce qui lui laisse une latitude importante dans le choix des mesures, à cette exception près que la mesure ne doit pas être inopérante (Cass. 2e civ., 30 avr. 2009, n°08-16.493) et ne pas porter une atteinte excessive à la liberté d’expression (Cass. soc., 26 mai 2010, n°09-12.282).

Mais si, au jour où le juge des référés statue, le trouble allégué a pris fin, aucune mesure ne peut être prononcée sur le fondement de l’article 835, al. 1er, du CPC, étant précisé qu’en cas d’appel, la cour d’appel statuant en référé doit apprécier l’existence du trouble ou du risque allégué en se plaçant au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue (Cass. 2e civ., 4 juin 2009, n°08-17.174).

En cas de cessation du trouble au jour de l’ordonnance, seule la réparation du dommage peut alors être envisagée, mais elle relève du juge du fond (Cass. 2e civ., 22 sept. 2005, n°04-12.032), ce dernier ne disposant pas, en l’état des textes, des moyens de faire cesser l’illicite, quoiqu’il puisse condamner, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, à des dommages-intérêts pour compenser le coût de réparations de nature à empêcher la survenance d’un dommage grave et imminent, que la jurisprudence assimile au préjudice certain (Cass. 2e civ., 15 mai 2008, n°07-13.483).

?Sur les mesures de remise en état

La mesure de remise en état prescrite par le juge doit avoir pour finalité de faire cesser le trouble manifestement illicite dont il est fait état par le demandeur.

Il pourra donc s’agir de faire cesser la diffusion d’un article de presse diffamatoire, de prononcer la mainlevée d’une saisie pratiquée sans titre exécutoire, d’ordonner la destruction de travaux, la remise en état des lieux ou encore l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre.

La demande d’adoption d’une mesure de remise en état ne pourra être motivée que par la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite.

C) Le référé provision (art. 835, al. 2e CPC)

L’article 835, al. 2e du CPC prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier »

Il ressort de cette disposition que, dans l’hypothèse où l’obligation dont se prévaut le demandeur n’est pas « sérieusement contestable », il peut solliciter du juge des référés l’octroi d’une provision.

Plusieurs règles encadrent la demande d’une provision fondée sur l’article 835, al. 2e du CPC :

?L’indifférence d’établissement d’un cas d’urgence

Lorsque le Juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 835, al. 2e du CPC, la Cour de cassation a précisé qu’il n’était pas nécessaire pour le demandeur d’établir l’existence d’un cas d’urgence, comme exigé lorsque la demande est fondée sur l’article 834 du CPC.

Dans un arrêt du 25 mars 2003, la première chambre civile a jugé en ce sens que « la faculté accordée au juge d’allouer une provision au créancier n’est pas subordonnée à la constatation de l’urgence » (Cass. 1ère civ., 25 mars 2003, n° 00-13.471).

Aussi, est-ce sur cet élément essentiel que le référé d’urgence et le référé provision se distinguent. Tandis que pour l’un l’urgence est indifférente, pour l’autre elle est une condition essentielle.

Ils se rejoignent néanmoins sur un point : l’exigence d’absence de contestation sérieuse.

?L’exigence d’absence d’obligation sérieusement contestable

L’article 835, al. 2e du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».

À la vérité, cette formule se rapproche très étroitement des termes de l’article 834 du CPC qui autorise à solliciter du Juge des référés « toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ».

Autant dire que les deux notions se confondent. Elles peuvent donc être envisagées de la même manière.

L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.

En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence. À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit. D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.

Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge des référés sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires. Il ne pourra, dans ces conditions, être saisi, soit sur le fondement de l’article 834 du CPC, soit sur le fondement de l’article 835, al. 1er.

S’agissant de l’appréciation de l’absence d’« obligation sérieusement contestable », elle fait l’objet d’un contrôle de la cour de cassation à l’instar de la notion de « contestation sérieuse » (Cass. 2e civ., 24 mars 2016, n° 15-15.306).

?La demande d’octroi d’une provision

En cas d’obligation non sérieusement contestable, une provision peut être accordée : le demandeur peut donc solliciter l’octroi d’une somme provisionnelle, et non d’une somme à titre de dommages-intérêts ou au titre d’une créance contractuelle.

Dans le cas contraire, la demande pourrait être rejetée au motif qu’elle ne relève pas du pouvoir du juge des référés qui pourrait considérer « n’y avoir lieu à référé sur la demande d’indemnisation ».

S’il est investi d’un pouvoir d’anticipation, cela ne lui permet, pour autant, pas de statuer au principal.

Dès lors qu’est démontrée l’absence d’obligation sérieusement contestable, le Juge des référés dispose d’un pouvoir souverain pour déterminer le montant de la provision à allouer au demandeur (Cass. com., 20 nov. 2007, n° 06-20.669).

Aussi, rien ne s’oppose à ce que le Juge des référés alloue une provision une somme correspondant à l’intégralité de la créance qui sera invoquée au principal.

Dans un arrêt du 20 janvier 1981, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le montant de la provision n’avait d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée » (Cass. com., 20 janv. 1981, n°79-13.050).

Dans l’hypothèse où l’obligation invoquée serait partiellement contestable, le juge pourra allouer une provision pour la partie non sérieusement contestable.

D) Le référé injonction (art. 835, al. 2e in fine CPC)

L’article 835, al. 2e in fine dispose que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

En cas d’obligation non sérieusement contestable, le juge des référés dispose ainsi de la faculté, en plus du pouvoir d’allouer une provision, d’ordonner l’exécution d’une obligation de faire.

Pour que la mesure prononcée soit efficace, il conviendra pour le juge des référés, de l’assortir d’une astreinte, à défaut de quoi l’inexécution de l’obligation ne serait pas sanctionnée.

Le référé injonction peut, par exemple, être utilisé aux fins de solliciter l’expulsion des lieux d’un occupant sans droit, ni titre (V. en ce sens Cass. 3e civ. 14 oct. 1987).

E) Le référé probatoire (art. 145 CPC)

Selon l’article 9 du code de procédure civile, c’est aux parties qu’incombe la charge de prouver les faits propres à fonder leurs prétentions.

Cependant, l’article 143 précise que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible ».

Certes, les parties ne sont pas véritablement titulaires d’un droit à obtenir une mesure d’instruction.

À cet égard, l’article 146 du code de procédure civile fait interdiction au juge d’ordonner une mesure d’instruction en vue de suppléer leur carence dans l’établissement de la preuve.

Toutefois, le code de procédure civile a prévu la possibilité pour une partie d’obtenir l’organisation d’une mesure d’instruction judiciaire avant même l’engagement d’un procès.

L’article 145 de ce code dispose en ce sens que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Il est de jurisprudence constante que l’article 146 du code de procédure civile est sans application lorsque le juge est saisi sur le fondement de l’article 145 du même code (Cass. 2e civ., 10 juillet 2008, n°07-15.369 ; Cass. 2e civ., 10 mars 2011, n°10-11.732).

Plus précisément, le demandeur doit justifier que la mesure, qui ne peut être ordonnée si un procès est déjà en cours entre les parties, est en lien avec un litige susceptible de les opposer et que l’action éventuelle concernant ce litige n’est pas manifestement vouée à l’échec : la mesure doit être de nature à éclairer le juge susceptible d’être saisi du litige opposant les parties (Cass. 2e civ., 29 sept. 2011, n° 10-24.684).

Il ressort de l’article 145 du Code de procédure civile que, lorsque le juge est saisi, avant qu’un procès n’ait lieu, il est investi du pouvoir de prendre deux sortes de mesures :

  • Soit il peut prendre des mesures propres à assurer la conservation des preuves
  • Soit il peut prendre des mesures qui tendent à la constitution de preuves

C’est ce que l’on appelle des mesures d’instruction in futurum

Reste que la mise en œuvre de cette disposition est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions et que les mesures susceptibles d’être prononcées par le juge sont limitées.

1. Les conditions de mises en œuvre

a. Les conditions procédurales

L’article 145 du Code de procédure civile présente la particularité de permettre la saisine du juge aux fins d’obtenir une mesure d’instruction avant tout procès, soit par voie de référé, soit par voie de requête.

Est-ce à dire que la partie cherchant à se préconstituer une preuve avant tout procès dispose d’une option procédurale ?

L’analyse de la combinaison des articles 145 et 845 du Code de procédure civile révèle qu’il en est rien.

Régulièrement, la Cour de cassation rappelle, en effet, qu’il ne peut être recouru à la procédure sur requête qu’à la condition que des circonstances particulières l’exigent.

Autrement dit, la voie du référé doit être insuffisante, à tout le moins inappropriée, pour obtenir le résultat recherché.

Cette hiérarchisation des procédures qui place la procédure sur requête sous le signe de la subsidiarité procède de la volonté du législateur de n’admettre une dérogation au principe du contradictoire que dans des situations très exceptionnelles.

D’où l’obligation pour les parties d’envisager, en première intention, la procédure de référé, la procédure sur requête ne pouvant intervenir que dans l’hypothèse où il n’existe pas d’autre alternative.

Dans un arrêt du 29 janvier 2002, la Cour de cassation avait ainsi reproché à une Cour d’appel de n’avoir pas recherché « si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction » (Cass. com., 29 janv. 2002, n°00-11.134).

Lorsque toutefois la procédure sur requête se justifie, deux conditions devront être remplies par le requérant :

  • D’une part, aucune instance au fond ne doit avoir été introduite, les mesures d’instructions in futurum visant à se procurer des preuves avant tout procès
  • D’autre part, il doit justifier d’un motif légitime qu’il a de conserver ou d’établir l’existence de faits en prévision d’un éventuel procès : il faut que l’action éventuelle au fond ne soit pas manifestement vouée à l’échec

Au bilan, la voie privilégiée pour engager une demande sur le fondement de l’article 145 du CPC, c’est le référé.

La procédure sur requête ne peut être envisagée qu’à la condition de justifier de circonstances exceptionnelles.

b. Les conditions de fond

Lorsque le Juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 145 du CPC, la mesure sollicitée doit être justifiée par la nécessité de conserver ou d’établir les faits en vue d’un procès potentiel.

?Sur la justification d’un motif légitime

La demande ne peut être accueillie que si le demandeur justifie d’un motif légitime, dont l’existence est appréciée souverainement par les juges du fond (Cass. 2e civ., 8 févr. 200, n°05-14.198).

La légitimité du motif est étroitement liée à la situation des parties et à la nature de la mesure sollicitée, le motif n’étant légitime que si les faits à établir ou à conserver sont eux-mêmes pertinents et utiles.

Le juge n’a pas à caractériser la légitimité de la mesure au regard des différents fondements juridiques possibles de l’action en vue de laquelle elle était sollicitée (Cass. 2e civ., 8 juin 2000, n° 97-13.962).

Les mesures d’instruction peuvent tendre à la conservation des preuves, mais aussi à l’établissement de faits, et peuvent concerner des tiers, si aucun empêchement légitime ne s’y oppose (Cass. 2e civ., 26 mai 2011, n°10-20.048).

Les mesures d’investigation ordonnées, que ce soit en référé ou sur requête, doivent être légalement admissibles.

La Cour de cassation veille à ce que le juge se soit assuré que les mesures sollicitées ne comportent pas d’atteinte à une liberté fondamentale (Cass. 2e civ., 10 nov. 2010, n° 09-71.674 ; Cass. 2e civ., 6 janv. 2011, n° 09-72.841).

Par exemple, il a été jugé qu’excède les mesures d’instruction légalement admissibles au sens de l’article 145 du code de procédure civile, la mesure ordonnée par le président d’un tribunal de commerce autorisant un huissier de justice à se rendre dans les locaux d’une société suspectée d’actes de concurrence déloyale et de détournement de clientèle et à se saisir de tout document social, fiscal, comptable, administratif, de quelque nature que ce soit, susceptible d’établir la preuve, l’origine et l’étendue du détournement, permettant ainsi à l’huissier de justice de fouiller à son gré les locaux de la société, sans avoir préalablement sollicité la remise spontanée des documents concernés et obtenu le consentement du requis (Cass. 2e civ., 16 mai 2012, n° 11-17.229).

Aussi, la Cour de cassation se montre vigilante sur l’étendue des investigations pouvant être autorisées sur le fondement de l’article 145 du CPC.

Il peut être noté que, dans un arrêt du 7 janvier 1999, la Cour de cassation a estimé que « le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du nouveau Code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées » (Cass. 2e civ. 7 janvier 1999, n° 95-21.934).

En pratique, il existe de nombreuses contestations contre les décisions ordonnant des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145, en raison :

  • De l’insuffisance de démonstration du « motif légitime » de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ;
  • De l’imprécision de la mesure d’expertise sollicitée, la mission de l’expert ne pouvant pas être générale, mais précisément limitée à la recherche des faits pertinents, en quelque sorte « ciblée » (comme pour toute demande d’expertise, y compris devant le juge du fond) ;

Reste que, le Juge ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire, raison pour laquelle il lui appartient de motiver sa décision d’admettre ou de rejeter une demande de mesure d’instruction ou de production forcée de pièces sur le fondement de l’article 145 du CPC (Cass. 2e civ., 8 mars 2007, n° 06-15.251).

C’est là une différence essentielle avec le juge saisi au fond qui dispose du pouvoir d’ordonner discrétionnairement ou non une mesure d’instruction (Cass. com. 3 avr. 2007, n° 06-12.762 ; Cass. com17 mars 2004, n° 00-13.081).

?Sur la potentialité d’un procès

Mesure par nature préventive, le référé de l’article 145 du code de procédure civile, parfois appelé « référé instruction », a pour objet de permettre à un sujet de droit de se procurer une preuve dont il pourrait avoir besoin à l’appui d’un procès potentiel.

Encore faut-il que ce dernier soit envisageable.

Le litige doit être potentiel, ce qui signifie qu’il ne doit pas être en cours. Selon une jurisprudence bien établie, la condition tenant à l’absence d’instance au fond, prescrite par le texte (« avant tout procès »), est une condition de recevabilité devant être appréciée, et conséquemment remplie, au jour de la saisine du juge des référés.

Par procès, il faut entendre une instance au fond. Dans un arrêt du 11 mai 1993, la Cour de cassation a considéré qu’une mesure in futurum devait être ordonnée « avant tout procès, c’est-à-dire avant que le juge du fond soit saisi du procès en vue duquel (cette mesure) est sollicitée » (Cass. com., 11 mai 1993, n°90-20.430).

La saisine du Juge des référés n’interdit donc pas l’introduction d’une demande sur le fondement de l’article 145 du CPC (Cass. 2e civ., 17 juin 1998, n°95-10.563).

Quant à l’appréciation de l’existence d’un procès, dans un arrêt du 28 juin 2006, la Cour de cassation a considéré « qu’en statuant ainsi, alors que l’absence d’instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande, devait s’apprécier à la date de la saisine du juge, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cass. 2e civ., 28 juin 2006, n° 05-19.283).

Reste que l’interdiction de saisir le Juge des référés sur le fondement de l’article 145 est inapplicable lorsque la mesure litigieuse est sollicitée pour recueillir la preuve, avant tout procès, d’actes de concurrence déloyale distincts du procès qui oppose les parties (Cass. com. 3 avr. 2013, n°12-14.202).

2. Les mesures prises

Lorsque le juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 145 CPC, il peut prendre toutes les mesures d’instructions utiles légalement admissibles.

Ce qui importe, c’est que ces mesures répondent à l’un des deux objectifs suivants :

  • Conserver la preuve d’un fait
  • Établir la preuve d’un fait

Il ressort d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 7 janvier 1999 que la mesure sollicitée ne peut pas être d’ordre général.

La deuxième chambre civile a ainsi validé la décision d’une Cour d’appel qui avait considéré que parce que « la mesure d’instruction demandée s’analysait en une mesure générale d’investigation portant sur l’ensemble de l’activité de la société Drouot et tendant à apprécier cette activité et à la comparer avec celle de sociétés ayant le même objet, la cour d’appel n’a fait qu’user des pouvoirs qu’elle tient de l’article 145 du nouveau Code de procédure civile, en décidant sans ajouter au texte une condition qu’il ne contenait pas, que la mesure demandée excédait les prévisions de cet article » (Cass. 2e civ. 7 janv. 1999, n°97-10.831).

Les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient précises. À cet égard, ce peut être :

  • La désignation d’un expert
  • La désignation d’un huissier de justice
  • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers

S’agissant de la production forcée de pièces, c’est de manière prétorienne que les « mesures d’instruction » ont été étendues à cette sollicitation, par combinaison des articles 10, 11 et 145 du CPC.

En effet, l’article 145 relève d’un sous-titre du Code de procédure civile consacrée aux mesures d’instruction.

La production de pièces est régie, quant à elle, par un sous-titre distinct, ce qui a fait dire à certains que, en l’absence de texte prévoyant expressément la production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers, cette mesure ne relevait pas de la compétence du Juge des référés saisi sur le fondement de l’article 145 du CPC.

Reste que l’article 145 est compris dans le titre VII du Code de procédure dédié à « l’administration judiciaire de la preuve ».

C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a admis que le juge des référés puisse ordonner la production forcée de pièces détenues, soit par une autre partie (Cass. com. 11 avril 1995, n° 92-20.985 ; Cass. 2e civ. 23 sept. 2004, n° 02-16.459 ; Cass. 2e civ., 17 févr. 2011, n° 10-30.638) ou par des tiers (Cass. 1ère civ., 20 déc. 1993, n° 92-12.819 ; Cass. 2e civ., 26 mai 2011, n° 10-20.048).

Il a, en effet, été considéré que cette production forcée était de nature à contribuer à la bonne « instruction » de l’affaire.

Pratiquement, il conviendra, de solliciter la production forcée de pièces sous astreinte, afin que l’ordonnance rendue puisse être exécutée efficacement.

Enfin, Lorsque la demande de production forcée de pièces est sollicitée en cours de procédure, il conviendra de se fonder sur les articles 11 et 138 du Code de procédure civile.

3. L’exécution de la mesure prise

?Principe

Lorsque le Juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 145 du CPC il est immédiatement dessaisi après avoir ordonné la mesure sollicitée (Cass. 2e civ., 6 juin 2013, n° 12-21.683).

Il en résulte qu’il n’est pas compétent pour connaître de l’irrégularité de l’exécution de la mesure ordonnée.

Dans un arrêt du 15 juin 1994, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « en déboutant les époux X… de leur demande d’interdiction et en ordonnant la mesure d’instruction sollicitée, avait épuisé sa saisine en tant que juridiction des référés ; qu’elle a donc à bon droit déclaré que les époux X… n’étaient pas recevables à lui demander une nouvelle expertise » (Cass. 2e civ., 15 juin 1994, n°92-18.186).

Dans un arrêt du 24 juin 1998, elle a encore décidé après avoir relevé que « pour commettre un nouveau technicien en lui confiant une mission identique à celle qui avait été précédemment ordonnée, [l’arrêt attaqué] retient que le premier technicien n’a pas correctement exécuté sa mission alors qu’en ordonnant par son arrêt du 3 octobre 1995 la mesure d’expertise sollicitée par la société Henri Maire, elle avait épuisé les pouvoirs que le juge des référés tient de l’article 145 susvisé, toute demande de nouvelle mesure d’instruction motivée par l’insuffisance des diligences du technicien commis ne pouvant relever que de l’appréciation du juge du fond, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs » (Cass. 2e civ. 24 juin 1998, n° 97-10.638).

Aussi, c’est aux seuls juges du fond d’apprécier la régularité de l’exécution de la mesure d’instruction in futurum ordonnée par le Juge des référés sur le fondement de l’article 145 du CPC (Cass. 2e civ. 2 déc. 2004, n°02-20.205).

?Tempéraments

Une fois la mesure ordonnée le Juge des référés peut seulement « sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, déclarer commune à une autre partie une mesure d’instruction qu’il a précédemment ordonnée en référé » (Cass. 2e civ., 12 juill. 2001, n° 00-10.162).

Rien ne lui interdit, par ailleurs d’étendre la mission de l’expert à toutes fins utiles dont dépend la solution du litige (Cass. com., 22 sept. 2016, n° 15-14.449).

IV) L’instance en référé

A) La représentation des parties

Si, sous l’empire du droit antérieur, en matière de référé les parties disposaient de la faculté de se défendre elles-mêmes ou de se faire représenter, la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié la règle.

Désormais, la procédure de référé est, s’agissant de la représentation des parties, alignée sur les mêmes règles que celles applicables dans le cadre de la procédure au fond.

Le principe est donc que la représentation est obligatoire. Par exception, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire représenter.

?La représentation obligatoire

L’article 760 du CPC prévoit que les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire.

La représentation est ainsi, par principe, obligatoire devant le Tribunal judiciaire.

Cette représentation obligatoire relève, à cet égard, du monopole de postulation des avocats.

Il en résulte que les avocats ne sont autorisés à accomplir des actes de procédure que devant les tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel.

Pour les avocats extérieurs au ressort de la Cour d’appel, leur intervention ne pourra se limiter qu’à l’activité de plaidoirie.

La conséquence en est pour le justiciable, qu’il devra s’attacher les services de deux avocats :

  • Un avocat plaidant pour défendre sa cause à l’oral devant la juridiction saisie
  • Un avocat postulant pour accomplir les actes de procédure

?La représentation facultative

Devant le Tribunal judiciaire, la représentation par avocat n’est facultative que par exception.

L’article 761 du CPC prévoit en ce sens que les parties sont dispensées de constituer avocat lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
    • Sauf à ce que la matière relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, auquel cas la constitution d’avocat est obligatoire quel que soit le montant sur lequel porte la demande
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

Lorsque la représentation est facultative, l’article 762 du CPC dispose que les parties peuvent :

  • Soit se défendre elles-mêmes.
  • Soit se faire assister ou représenter par :
    • Un avocat ;
    • Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
    • Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
    • Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
    • les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
  • L’article 761, al. 3 du CPC précise que l’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
  • Lorsque la représentation n’est pas obligatoire, les parties disposent ainsi du choix d’assurer leur propre défense ou de désigner un mandataire.
  • Lorsqu’elles choisissent de se faire représenter, le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

B) L’introduction de l’instance

1. L’acte introductif d’instance

?L’assignation

L’article 485, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « la demande est portée par voie d’assignation à une audience tenue à cet effet aux jour et heure habituels des référés. »

Il n’existe ainsi qu’un seul mode de saisine du Juge des référés : l’assignation. Elle est définie à l’article 55 du CPC comme « l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge. »

L’assignation consiste, autrement dit, en une citation à comparaître par-devant la juridiction saisie, notifiée à la partie adverse afin qu’elle prenne connaissance des prétentions du demandeur et qu’elles puissent, dans le cadre d’un débat contradictoire, fournir des explications.

L’assignation présente cette particularité de devoir être notifiée au moyen d’un exploit d’huissier.

Ainsi, doit-elle être adressée, non pas au juge, mais à la partie mise en cause qui, par cet acte, est informée qu’un procès lui est intenté, en conséquence de quoi elle est invitée à se défendre.

?Formalisme

Dans le cadre de la procédure de référé par-devant le Tribunal judiciaire, l’assignation doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions énoncées par le Code de procédure.

La teneur de ces mentions diffère selon que la représentation est obligatoire ou selon qu’elle est facultative

La représentation obligatoire

Mentions de droit commun
Art. 54A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 56L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée
Art. 648• Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice

4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 752• Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, l'assignation contient à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat du demandeur

2° Le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat

• Le cas échéant, l'assignation mentionne l'accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.
Art. 760• Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire.

• La constitution de l'avocat emporte élection de domicile.
Art. 763Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l'assignation. Toutefois, si l'assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l'audience, il peut constituer avocat jusqu'à l'audience.
Art. 764• Dès qu'il est constitué, l'avocat du défendeur en informe celui du demandeur ; copie de l'acte de constitution est remise au greffe.

• L'acte comporte, le cas échéant, l'accord du défendeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

La représentation facultative

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 56• L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Art. 648• Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice

4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 753• Lorsque la représentation par avocat n'est pas obligatoire, l'assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui le demandeur élit domicile en France lorsqu'il réside à l'étranger.

• Le cas échéant, l'assignation mentionne l'accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

• L'acte introductif d'instance rappelle en outre les dispositions de l'article 832 et mentionne les conditions dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter, ainsi que, s'il y a lieu, le nom du représentant du demandeur.
Art. 832• Sans préjudice des dispositions de l'article 68, la demande incidente tendant à l'octroi d'un délai de paiement en application de l'article 1343-5 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l'appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l'audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

• L'auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l'audience, conformément au second alinéa de l'article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s'il les estime régulières, recevables et bien fondées.
Art. 762• Lorsque la représentation par avocat n'est pas obligatoire, les parties se défendent elles-mêmes.

• Les parties peuvent se faire assister ou représenter par :

-un avocat ;
-leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
-leurs parents ou alliés en ligne directe ;
-leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
-les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.

• Le représentant, s'il n'est avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial.

2. La constitution d’avocat

?Représentation obligatoire/représentation facultative

La constitution d’avocat n’est exigée, en matière de référé, que pour les cas où la représentation est obligatoire, ce qui, devant le Tribunal judiciaire est, en application de l’article 760 du CPC, le principe.

Pour mémoire, en vertu de l’article 761 du CPC, la représentation n’est facultative que lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
    • Sauf à ce que la matière relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, auquel cas la constitution d’avocat est obligatoire quel que soit le montant sur lequel porte la demande
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

?L’obligation de constitution

L’article 760 du Code de procédure civile dispose que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire. »

L’article 763 précise que « lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l’assignation. »

Le texte précise toutefois que « si l’assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience. »

Par ailleurs, en application de l’article 760, al. 2e, « la constitution de l’avocat emporte élection de domicile », ce qui signifie que tous les actes de procédure dont le défendeur est destinataire devront être adressés à son avocat et non lui être communiqués à son adresse personnelle.

Lorsque la représentation est obligatoire ne peuvent se constituer que les avocats inscrits au barreau du ressort de la Cour d’appel compétente.

Dans certains cas (procédures de saisie immobilière, partage et de licitation, en matière d’aide juridictionnelle etc.), seuls les avocats inscrits au Barreau relevant du Tribunal judiciaire sont autorisés à se constituer.

?Le délai de constitution

  • Principe
    • Le défendeur dispose d’un délai de 15 jours pour constituer avocat à compter de la délivrance de l’assignation.
    • Ce délai est calculé selon les règles de computation des délais énoncées aux articles 640 et suivants du CPC.
  • Exceptions
    • Si l’assignation est délivrée au défendeur dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience.
    • Lorsque le défendeur réside dans les DOM-TOM ou à l’étranger le délai de constitution d’avocat est d’augmenter d’un ou deux mois selon la situation (art. 643 et 644 CPC)
    • Lorsque l’assignation n’a pas été délivrée à personne, l’article 471 du CPC prévoit que « le défendeur qui ne comparaît pas peut, à l’initiative du demandeur ou sur décision prise d’office par le juge, être à nouveau invité à comparaître si la citation n’a pas été délivrée à personne. »

?La sanction du défaut de constitution

Le défaut de constitution d’avocat emporte des conséquences très graves pour le défendeur puisque cette situation s’apparente à un défaut de comparution.

Or aux termes de l’article 472 du CPC « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. »

La conséquence en est, selon l’article 54 que « faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ».

Dans cette hypothèse deux possibilités :

  • Soit le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne.
  • Soit le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.

?Le formalisme de la constitution

  • Contenu de l’acte de constitution
    • L’article 765 du CPC prévoit que l’acte de constitution d’avocat indique
      • Si le défendeur est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.
      • Si le défendeur est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui le représente légalement.
    • L’article 764, al. 2e ajoute que « l’acte comporte, le cas échéant, l’accord du défendeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire. »
  • Notification de la constitution
    • L’article 765 du CPC prévoit que la constitution de l’avocat par le défendeur ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.
    • En application de l’article 764 précise qu’une copie de l’acte de constitution doit être remise au greffe.
    • L’article 767 précise que la remise au greffe de la copie de l’acte de constitution et des conclusions est faite soit dès leur notification, soit si celle-ci est antérieure à la saisine du tribunal, avec la remise de la copie de l’assignation.
    • En outre, cette dénonciation doit s’opérer soit par voie de RPVA soit en requérant les services des huissiers audienciers
    • En application de l’article 769 du CPC la remise au greffe de l’acte de constitution est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.
  • Notification du greffe aux avocats constitués
    • L’article 773 du CPC prévoit qu’il appartient au greffe d’aviser aussitôt les avocats dont la constitution lui est connue du numéro d’inscription au répertoire général, des jour et heure fixés par le président du tribunal pour l’appel de l’affaire et de la chambre à laquelle celle-ci est distribuée.
    • Cet avis est donné aux avocats dont la constitution n’est pas encore connue, dès la remise au greffe de la copie de l’acte de constitution.

3. La comparution

Pour mémoire, la comparution est l’acte par lequel une partie se présente devant une juridiction.

Pour comparaître, encore faut-il que le justiciable ait eu connaissance de la citation en justice dont il fait l’objet.

Lorsque cette citation prend la forme d’une assignation, elle doit être délivrée au défendeur par voie d’huissier.

La question qui alors se pose est de savoir jusqu’à quelle date avant l’audience l’assignation peut être notifiée.

En effet, la partie assignée en justice doit disposer du temps nécessaire pour

  • D’une part, prendre connaissance des faits qui lui sont reprochés
  • D’autre part, préparer sa défense et, le cas échéant, consulter un avocat

À l’analyse, ce délai de comparution, soit la date butoir au-delà de laquelle l’assignation ne peut plus être délivrée diffère d’une procédure à l’autre.

Qu’en est-il en matière de référé ?

?Règles communes aux juridictions civiles et commerciales

  • Principe
    • Aucun délai de comparution n’est prévu par les textes. Il est seulement indiqué à l’article 486 du Code de procédure civile que « le juge s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense ».
    • Le défendeur doit, autrement dit, avoir pu disposer de suffisamment de temps pour assurer sa défense avant la tenue de l’audience, faute de quoi il sera fondé à solliciter du Juge un renvoi (V. en ce sens Cass. 2e civ., 9 nov. 2006, n° 06-10.714).
    • L’article 486 du CPC doit néanmoins être combiné à l’article 754 d’où il s’infère que, pour la procédure de référé, l’enrôlement de l’affaire doit intervenir dans un délai de 15 jours avant l’audience.
    • Il en résulte que le délai entre la date de signification de l’assignation et la date d’audience doit être suffisant pour que le demandeur puisse procéder au placement de l’assignation dans le délai fixé.
    • À défaut l’assignation encourt la caducité.
  • Exception
    • L’article 485, al. 2e du Code de procédure civile prévoit que si « le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d’assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés »
    • Cette procédure, qualifiée de référé d’heure à heure, permet ainsi à une personne d’obtenir une audience dans un temps extrêmement rapproché, l’urgence étant souverainement appréciée par le juge
    • Reste que pour assigner en référé d’heure à heure le requérant devra avoir préalablement obtenu l’autorisation du Juge
    • Pour ce faire, il devra lui adresser une requête selon la procédure prévue aux articles 493 et suivants du Code de procédure civile (procédure sur requête)
    • Cette requête devra être introduite aux fins d’obtenir l’autorisation d’assigner à heure indiquée
    • Quant au défendeur, il devra là encore disposer d’un délai suffisant pour assurer sa défense.
    • La faculté d’assigner d’heure à heure est permise par-devant toutes les juridictions à l’exception du Conseil de prud’hommes.

?Règles spécifiques au Tribunal judiciaire

Les dispositions communes qui régissent les procédures pendantes devant le Tribunal judiciaire ne fixent aucun délai de comparution, de sorte qu’il y a lieu de se reporter aux règles particulières applicables à chaque procédure.

En matière de référé, c’est donc les articles 484 et suivants du CPC qui s’appliquent, lesquels ne prévoient, ainsi qu’il l’a été vu, aucun délai de comparution.

Le juge doit seulement s’assurer qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.

Est-ce à dire que, si cette condition est remplie, l’assignation peut être délivrée – hors le cas du référé heure à heure – moins d’une semaine avant l’audience ?

A priori, aucun texte ne l’interdit, à tout le moins en référé. Il faut néanmoins compter avec un autre paramètre qui n’est autre que le délai d’enrôlement de l’assignation.

En effet, pour saisir le juge, il ne suffit pas de faire délivrer une citation en justice au défendeur avant l’audience. Il faut encore, que cette citation soit inscrite au rôle de la juridiction.

Or cette formalité doit être accomplie dans un certain délai, lequel est parfois plus long que le délai de comparution, étant précisé que l’enrôlement suppose la production de l’acte de signification de la citation.

En pareille hypothèse, cela signifie que l’assignation devra avoir été délivrée avant l’expiration du délai d’enrôlement, ce qui n’est pas sans affecter le délai de comparution qui, mécaniquement, s’en trouve allongé.

Pour exemple :

Dans l’hypothèse où aucun délai de comparution n’est prévu, ce qui est le cas pour la procédure de référé pendante devant le Tribunal judiciaire et que le délai d’enrôlement de l’assignation est fixé à 15 jours, il en résulte l’obligation pour le demandeur de faire signifier l’assignation au défendeur avant l’expiration de ce délai.

En pratique, il devra se ménager une marge de sécurité d’un ou deux jours compte tenu des contraintes matérielles inhérentes à la notification et à l’accomplissement des formalités d’enrôlement.

Aussi, afin de déterminer la date butoir de délivrance de l’assignation, il y a lieu de se référer tout autant au délai de comparution, qu’au délai d’enrôlement les deux étant très étroitement liés.

4. L’enrôlement de l’affaire

Il ressort des articles 754 et 756 du CPC que la saisine du Tribunal judiciaire ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».

Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.

Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer

  • Le placement de l’acte introductif d’instance
  • L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
  • La constitution et le suivi du dossier

4.1. Le placement de l’assignation

a. La remise de l’assignation au greffe

L’article 754 du CPC dispose, en effet, que le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal judiciaire qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.

À cet égard, l’article 769 du CPC précise que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

b. Le délai

b.1. Principe

i. Droit antérieur

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, disposait dans son ancienne rédaction que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ».

L’alinéa 2 précisait que « lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Il ressortait de la combinaison de ces deux dispositions que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y avait lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée par voie électronique.

?La date d’audience n’était pas communiquée par voie électronique

Il s’agit de l’hypothèse où les actes de procédures ne sont pas communiqués par voie électronique (RPVA).

Tel est le cas, par exemple, en matière de procédure orale ou de procédure à jour fixe, la voie électronique ne s’imposant, conformément à l’article 850 du CPC, qu’en matière de procédure écrite.

Cette disposition prévoit, en effet, que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe, les actes de procédure à l’exception de la requête mentionnée à l’article 840 sont remis à la juridiction par voie électronique. »

Dans cette hypothèse, il convenait donc de distinguer deux situations :

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant l’audience
    • Le délai d’enrôlement de l’assignation devait être alors porté à 15 jours
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant l’audience
    • L’assignation devait être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

?La date d’audience était communiquée par voie électronique

Il s’agit donc de l’hypothèse où la date d’audience est communiquée par voie de RPVA ce qui, en application de l’article 850 du CPC, intéresse :

  • La procédure écrite ordinaire
  • La procédure à jour fixe

L’article 754 du CPC prévoyait que pour ces procédures, l’enrôlement de l’assignation doit intervenir « dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Ainsi, lorsque la communication de la date d’audience était effectuée par voie électronique, le demandeur devait procéder à la remise de son assignation au greffe dans un délai de deux mois à compter de la communication de la date d’audience.

Le délai de placement de l’assignation était censé être adapté à ce nouveau mode de communication de la date de première audience.

Ce système n’a finalement pas été retenu lors de la nouvelle réforme intervenue un an plus tard.

ii. Droit positif

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021, dispose désormais en son alinéa 2que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. »

Il ressort de cette disposition que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y a lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée 15 jours avant la tenue de l’audience.

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée au plus tard 15 jours avant l’audience
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi mis fin au système antérieur qui supposait de déterminer si la date d’audience avait ou non été communiquée par voie électronique.

b.2. Exception

L’article 755 prévoit que dans les cas d’urgence ou de dates d’audience très rapprochées, les délais de comparution des parties ou de remise de l’assignation peuvent être réduits sur autorisation du juge.

Cette urgence sera notamment caractérisée pour les actions en référé dont la recevabilité est, pour certaines, subordonnée à la caractérisation d’un cas d’urgence (V. en ce sens l’art. 834 CPC)

Au total, le dispositif mis en place par le décret du 27 novembre 2020 permet de clarifier l’ancienne règle posée par l’ancien décret du 11 décembre 2019 et d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.

En procédure écrite, il convient surtout de retenir que le délai d’enrôlement est, par principe de deux mois, et par exception, il peut être réduit à 15 jours, voire à moins de 15 jours en cas d’urgence.

c. La sanction

L’article 754 prévoit que le non-respect du délai d’enrôlement est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.

Cette disposition précise que la caducité de l’assignation est « constatée d’office par ordonnance du juge »

À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président ou au juge en charge de l’affaire en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.

En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.

Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°9916.269).

4.2. L’enregistrement de l’affaire au répertoire général

L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.

Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision

Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.

4.3. La constitution et le suivi du dossier

Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.

?La constitution du dossier

L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.

Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.

Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.

Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulé par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

?Le suivi du dossier

L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.

Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.

Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.

Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.

C) Le déroulement de l’instance

1. Une procédure contradictoire

À la différence de la procédure sur requête, la procédure de référé présente un caractère contradictoire

Conformément à l’article 15 du CPC il est donc exigé que les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile :

  • Les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions
  • Les éléments de preuve qu’elles produisent
  • Les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 ajoute que le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

À cet égard, en application de l’article 132 la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance et la communication des pièces doit être spontanée.

À défaut, le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.

Reste que dans la mesure où la procédure de référé est animée par l’urgence, la question se pose du délai de la communication des écritures et des pièces.

Quid dans l’hypothèse où ces éléments seraient communiqués la veille de l’audience voire le jour-même ?

Dans un arrêt du 12 juin 2002, la Cour de cassation a admis que des écritures puissent être communiquées le jour-même dès lors que la partie concluante ne soulevait aucune prétention nouvelle (Cass. 3e civ. 12 juin 2002, n°01-01.233).

Lorsque toutefois des circonstances particulières empêchent la contradiction, la Cour de cassation considère que la communication d’écriture au dernier moment n’est pas recevable (Cass. 2e civ. 4 déc. 2003, n°01-17.604).

Dans un arrêt du 1er mars 2006, la Cour de cassation a encore considéré que « les conclusions doivent être communiquées en temps utile au sens de l’article 15 du nouveau code de procédure civile ; qu’ayant relevé que les conclusions de M. P., appelant, avaient été remises au greffe de la juridiction huit minutes avant le début de l’audience, la cour d’appel [statuant en référé] a, par ce seul motif, souverainement rejeté des débats ces conclusions tardives, auxquelles l’adversaire était dans l’incapacité de répondre » (Cass. 3e civ, 1er mars 2006, n° 04-18.327).

2. Une procédure orale

La procédure de référé est orale, de sorte qu’il appartient à chaque partie de développer verbalement à l’audience ses arguments en fait et en droit.

Bien que les conclusions écrites ne soient pas obligatoires, il est d’usage qu’elles soient adressées au juge des référés

Dans un arrêt du 25 septembre 2013 la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « la procédure de référé étant orale et en l’absence de disposition particulière prévoyant que les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l’audience, le dépôt par une partie d’observations écrites, ne peut suppléer le défaut de comparution » (Cass. soc. 25 sept. 2013, n° 12-17.968).

Si le contenu des débats oraux diffère de ce qui figure dans les écritures des parties, le juge ne doit, en principe, fonder sa décision que sur les seuls arguments oraux développés en audience.

S’agissant de l’invocation des exceptions de procédure, dans un arrêt du 16 octobre 2003 la Cour de cassation a jugé que ces « exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et qu’il en est notamment ainsi des exceptions de procédure » (Cass. 2e civ. 16 oct. 2003, n°01-13.036).

3. La procédure sans audience

L’article 836-1 prévoit que « à tout moment de la procédure, les parties peuvent donner expressément leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire. Dans ce cas, il est fait application de l’article 828 et, lorsque la représentation par avocat n’est pas obligatoire, de l’article 829. »

Il convient donc de distinguer selon que la représentation par avocat est obligatoire ou facultative :

  • La représentation par avocat est obligatoire
    • L’article 828 prévoit que, dans ce cas, les parties formulent leurs prétentions et leurs moyens par écrit. Le jugement est contradictoire.
    • Le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.
  • La représentation par avocat est facultative
    • L’article 829 prévoit que lorsqu’elle est formulée en cours d’instance, la déclaration par laquelle chacune des parties consent au déroulement de la procédure sans audience est remise ou adressée au greffe et comporte à peine de nullité :
      • Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
      • Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;
    • Elle est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

4. Orientation des parties vers une audience de règlement amiable

L’article 836-2 du CPC prévoit que « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut décider que les parties seront convoquées à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues à l’article aux articles 774-1 à 774-4. »

Ce dispositif a été créé par décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 aux fins de favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire.

Plus précisément, il permet de confier à un juge, qui n’est pas celui saisi du litige, la mission d’accompagner les parties, dans un cadre confidentiel, à trouver une solution au conflit qui les oppose.

L’article 774-2 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige ».

À cet égard, l’audience de règlement amiable se distingue des autres modes alternatifs de règlement des conflits en ce que le juge joue ici un rôle central.

Tandis que dans le cadre d’une transaction, d’une médiation ou d’une conciliation amiable, sa mission se cantonne bien souvent à homologuer l’accord conclu par les parties, dans le cadre de l’audience de règlement amiable c’est à lui qu’il revient de conduire la procédure en rappelant aux parties les grands principes de droit applicables au litige qui les oppose et en les accompagnant dans la recherche d’un compromis.

L’audience de règlement amiable est régie aux articles 774-1 à 774-4 du Code de procédure civile.

À l’issue de l’audience de règlement amiable, le juge chargé de cette audience informe le juge saisi qu’il y est mis fin par soi-transmis.

Deux issues sont possibles :

  • Succès de l’audience de règlement amiable
    • En application de l’article 774-4 du CPC en cas d’accord trouvé par les parties dans le cadre de l’audience de règlement amiable, ces dernières peuvent décider de formaliser cet accord.
    • Il s’agit là toutefois d’une simple faculté.
    • Si elles choisissent d’exercer cette faculté, elles peuvent demander au juge chargé de l’audience de règlement amiable, assisté du greffier, de constater leur accord, total ou partiel, dans les conditions des articles 130 et 131, al. 1er du CPC.
    • En application de ces dispositions, la teneur de l’accord, même partiel, est consignée dans un procès-verbal signé par les parties, le greffier et le juge.
    • Les extraits de ce procès-verbal délivrés par le greffe valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
    • Dans l’hypothèse où les parties parviendraient à un accord après la tenue de l’audience de règlement amiable, elles peuvent le soumettre à l’homologation du juge saisi.
    • Elles peuvent également solliciter l’apposition de la formule exécutoire par le greffe en cas de formalisation de leur accord par voie d’acte contresigné par avocats.
  • Échec de l’audience de règlement amiable
    • Le juge en charge de l’audience de règlement amiable peut y mettre fin à tout moment s’il estime que les conditions de la recherche d’un accord amiable ne sont plus réunies.
    • Il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire qui ne requiert aucune motivation particulière et qui, surtout, est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

Compte tenu de ce que la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable a pour effet d’interrompre l’instance principale, pour que cette instance puisse reprendre son cours à l’issue de l’audience de règlement amiable, les parties devront accomplir un acte de reprise d’instance par dépôt de conclusions en ce sens ou par citation (art. 373 CPC).

À défaut, le juge saisi informé par le juge en charge de l’audience de règlement amiable devra convoquer les parties à une audience afin :

  • Soit d’inviter les parties à accomplir un acte de reprise d’instance, le cas échéant avec désistement, par dépôt de conclusions en ce sens ou citation
  • Soit radier l’affaire à défaut de diligences accomplies dans le délai imparti aux parties

L’article 392 du CPC prévoit que « lorsque l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, un nouveau délai court à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »

En tout état de cause, il revient au juge saisi de, soit mettre fin à l’instance, soit poursuivre la mise en état de l’affaire.

Deux situations sont alors envisageables :

  • Les parties sont parvenues à formaliser un accord
    • Dans cette hypothèse, le juge saisi constatera le désistement des parties ainsi que l’extinction de l’instance.
  • Les parties ne sont pas parvenues à formaliser un accord
    • Dans cette hypothèse, le juge saisi sera informé par le juge en charge de l’audience de règlement amiable et devra en tirer toutes les conséquences sur l’orientation de l’instance dont il est saisi lors d’une nouvelle audience.
    • Dans le cadre de cette audience il pourra :
      • Soit constater le désistement des parties ou radier l’affaire faute pour les parties de comparaître ou si elles le lui demandent
      • Soit réintroduire l’affaire dans le circuit procédural normal au stade où l’instance avait été interrompue, étant précisé qu’en cas d’accord partiel intervenu entre les parties, il ne sera statué par la juridiction de jugement que sur les prétentions résiduelles de ces dernières.

5. Renvoi de l’affaire au fond

?Le renvoi de l’affaire

L’article 837, al. 1er du CPC dispose « à la demande de l’une des parties et si l’urgence le justifie, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut renvoyer l’affaire à une audience dont il fixe la date pour qu’il soit statué au fond. »

Il est ainsi des cas où le juge des référés peut estimer que la question qui lui est soumise ne relève pas de l’évidence et qu’elle se heurte à une contestation sérieuse.

Dans cette hypothèse, il dispose de la faculté, en cas d’urgence, de renvoyer l’affaire au fond, soit pour qu’il soit tranché au principal et non seulement au provisoire.

Lorsque le Juge des référés procède à un tel renvoi, il doit veiller, en fixant la date d’audience, à ce que le défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense.

Par ailleurs, l’article 837, al. 2 in fine précise que « lorsque le président de la juridiction a ordonné la réassignation du défendeur non comparant, ce dernier est convoqué par acte d’huissier de justice à l’initiative du demandeur. »

L’ordonnance rendue emporte alors saisine de la juridiction.

?Le jugement au fond de l’affaire

L’alinéa 2 de l’article 837 du CPC précise que lorsque la représentation est obligatoire, il y a lieu de faire application d’un certain nombre de règles empruntées à la procédure à jour fixe :

  • D’une part, le défendeur est tenu de constituer avocat avant l’audience (art. 842 CPC)
  • D’autre part, le juge auquel l’affaire est renvoyée dispose de trois options :
    • Première option
      • S’il considère que l’affaire est en état d’être jugée, le juge peut décider qu’elle sera plaidée sur-le-champ en l’état où elle se trouve, même en l’absence de conclusions du défendeur ou sur simples conclusions verbales.
    • Deuxième option
      • En application de l’article 779 du CPC, le président peut décider que les avocats se présenteront à nouveau devant lui, à une date d’audience qu’il fixe, pour conférer une dernière fois de l’affaire s’il estime qu’un ultime échange de conclusions ou une ultime communication de pièces suffit à mettre l’affaire en état ou que les conclusions des parties doivent être mises en conformité avec les dispositions de l’article 768.
    • Troisième option
      • Le juge peut considérer que l’affaire n’est pas en état d’être jugée raison pour laquelle il y a lieu de la renvoyer devant le juge de la mise en état aux fins d’instruction
      • Dans cette hypothèse, l’affaire sera ainsi redirigée vers la voie du circuit long.
      • Elle sera donc instruite selon les règles énoncées aux articles 780 à 797 du CPC.

V) L’ordonnance de référé

A) L’autorité de l’ordonnance

?Une décision provisoire

L’article 484 du Code de procédure civile prévoit que « l’ordonnance de référé est une décision provisoire ».

Par provisoire il faut entendre que la décision rendue par le Juge des référés a vocation à être substituée par une décision définitive qui sera rendue par une juridiction statuant au fond.

Aussi, les mesures prises par le Juge des référés ne sont pas destinées à être pérennes. Elles sont motivées, le plus souvent, par l’urgence, à tout le moins par la nécessité de sauvegarder, à titre conservatoire, les intérêts du demandeur.

?Une décision dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal

L’article 488 du Code de procédure civile ajoute que « l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. »

Cela signifie que la décision rendue par le juge des référés ne lie pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Dans un arrêt du 13 novembre 2014, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’ordonnance de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, il est toujours loisible à l’une des parties à la procédure de référé de saisir le juge du fond pour obtenir un jugement définitif » (Cass. 2e civ., 13 nov. 2014, n°13-26.708).

Sensiblement dans les mêmes termes elle a encore affirmé dans un arrêt du 25 février 2016 que « une décision de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, l’une des parties à l’instance en référé a la faculté de saisir le juge du fond afin d’obtenir un jugement » (Cass. 3e civ. 25 févr. 2016, n°14-29.760).

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge des référés s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge des référés ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge des référés, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision (V. en ce sens Cass. 2e civ., 2 févr. 1982)

?Une décision pourvue de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Si la décision du juge des référés est dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal, elle possède, en revanche, l’autorité de la chose jugée au provisoire.

Cela signifie que, tant qu’aucune décision au fond n’est intervenue, l’ordonnance du juge des référés s’impose aux parties.

L’article 488, al. 2 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que l’ordonnance de référé « ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles ».

Ce n’est donc qu’en cas de survenance de circonstances nouvelles que les parties peuvent solliciter du Juge des référés la rétractation de son ordonnance.

Dans un arrêt du 16 décembre 2003, la Cour de cassation a précisé que « ne constituent pas une circonstance nouvelle autorisant la rétractation d’une ordonnance de référé des faits antérieurs à la date de l’audience devant le juge des référés qui a rendu l’ordonnance et connus de celui qui sollicite la rétractation » (Cass. 3e civ. 16 déc. 2003, n°02-17.316).

Pour être une circonstance nouvelle, il est donc nécessaire que :

  • D’une part, le fait invoqué soit intervenu postérieurement à l’audience de référé ou ait été ignoré du plaideur au jour de l’audience
  • D’autre part, qu’il soit un élément d’appréciation nécessaire à la décision du Juge ou ayant une incidence sur elle

La Cour de cassation a, par exemple, considéré que des conclusions d’expertise rendues par un expert pouvaient constituer des circonstances nouvelles au sens de l’article 488 du Code de procédure civile (Cass. 3e civ. 20 oct. 1993).

Enfin, pour la Cour de cassation, le recours en rétractation prévu à l’article 488 du Code de procédure civile écarte le recours en révision de l’article 593 du code de procédure civile. Dans un arrêt du 11 juillet 2013 elle a, en effet, jugé que « le recours en révision n’est pas ouvert contre les ordonnances de référé susceptibles d’être rapportées ou modifiées en cas de circonstances nouvelles » (Cass. 2e civ., 11 juill. 2013, n°12-22.630).

B) L’exécution de l’ordonnance

En application de l’article 514 du CPC l’ordonnance de référé en de droit exécutoire à titre provisoire à l’instar de l’ensemble des décisions de première instance.

Le caractère exécutoire à titre provisoire de l’ordonnance de référé lui est conféré de plein droit, c’est-à-dire sans qu’il soit besoin pour les parties d’en formuler la demande auprès du juge.

À la différence néanmoins d’une ordonnance sur requête qui est exécutoire sur minute, l’ordonnance de référé doit, au préalable, avoir été signifiée à la partie adverse pour pouvoir être exécutée, sauf à ce que le juge ordonne expressément dans sa décision, comme le lui permet « en cas de nécessité » l’alinéa 3 de l’article 489, que « l’exécution de l’ordonnance aura lieu au seul vu de la minute ».

Une fois signifiée, l’ordonnance de référé pourra alors donner lieu à l’exécution forcée des mesures prononcées par le Juge.

Il convient enfin d’observer que cette ordonnance est exécutoire à titre provisoire en toutes ces dispositions, y compris celles statuant sur les dépens et l’article 700.

C) Les voies de recours

1. Les voies de recours ordinaires

?L’appel

  • Taux de ressort
    • L’article 490 du CPC prévoit que « l’ordonnance de référé peut être frappée d’appel à moins qu’elle n’émane du premier président de la cour d’appel ou qu’elle n’ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande. »
    • Ainsi, est-il possible pour une partie d’interjeter appel d’une ordonnance de référé à la condition
      • Soit qu’elle n’émane pas du Premier Président de la Cour d’appel
      • Soit qu’elle n’ait pas été rendue en dernier ressort
  • Délai d’appel
    • Le délai pour interjeter appel d’une ordonnance de référé est, en application de l’article 490 du CPC, de 15 jours
    • Ce délai court à compter de la signification de l’ordonnance à la partie adverse
    • Dans la mesure où les ordonnances de référé sont exécutoires de plein droit, l’appel n’est ici pas suspensif

?L’opposition

L’article 490 du CPC envisage la possibilité de former opposition d’une ordonnance de référé dans un cas très spécifique : lorsque l’ordonnance a été rendue en dernier ressort par défaut.

Le délai d’opposition est de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance.

2. Les voies de recours extraordinaires

?La tierce opposition

Pour rappel, définie à l’article 582 du CPC la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque.

Aussi, a-t-elle pour effet de remettre en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

À cet égard, l’article 585 du CPC prévoit que « tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n’en dispose autrement. »

Il est de jurisprudence constante que l’ordonnance de référé est regardée comme un jugement au sens de ce texte, raison pour laquelle il est admis que la tierce opposition est admise en matière de référé.

?Le pourvoi en cassation

Si le pourvoi en cassation n’est pas ouvert pour les ordonnances de référés susceptibles d’appel (Cass. 3e civ., 25 nov. 2014, n° 13-10.653), il est admis pour les ordonnances rendues en dernier ressort.

Le délai pour former un pourvoi auprès de la Cour de cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance (Cass. soc., 30 janv. 2002, n° 99-45.140).

De la distinction entre les dépens et les frais irrépétibles (article 700)

La conduite d’un procès n’est pas sans coût pour les parties (frais d’avocat, d’huissier, d’expertise etc).

Ce coût qui sera, soit supporté la partie perdante, soit réparti entre le demandeur et le défendeur, comprend ce que l’on appelle les dépens et les frais irrépétibles.

La question qui alors se pose est de savoir en quoi consistent ces frais nécessaires à la conduite du procès. Comment les distinguer?

I) les dépens

Les dépens sont régis aux articles 695 et suivants et Code de procédure civile.

  • Notion
    • Les dépens sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie règlementaire, soit par décision judiciaire
    • Les dépens sont énumérés à l’article 695 du Code de procédure civile
    • Il s’agit de frais répétibles, en ce sens qu’ils sont supportés par la partie perdante
  • Les frais compris dans les dépens
    • Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution comprennent :
      • Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les greffes des juridictions ou l’administration des impôts à l’exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l’appui des prétentions des parties ;
      • Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;
      • Les indemnités des témoins ;
      • La rémunération des techniciens ;
      • Les débours tarifés ;
      • Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;
      • La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ;
      • Les frais occasionnés par la notification d’un acte à l’étranger ;
      • Les frais d’interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d’instruction effectuées à l’étranger à la demande des juridictions dans le cadre du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile et commerciale ;
      • Les enquêtes sociales ordonnées en application des articles 1072, 1171 et 1221 ;
      • La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de l’article 388-1 du code civil ;
      • Les rémunérations et frais afférents aux mesures, enquêtes et examens requis en application des dispositions de l’article 1210-8.
  • La charge des dépens
    • Principe : la partie succombant au procès
      • L’article 696 du CPC prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
    • Tempéraments : responsabilité des auxiliaires de justice
      • L’article 697 dispose que les avocats, anciens avoués et huissiers de justice peuvent être personnellement condamnés aux dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution accomplis en dehors des limites de leur mandat.
      • L’article 698 énonce encore que les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution injustifiés sont à la charge des auxiliaires de justice qui les ont faits, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. Il en est de même des dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution nuls par l’effet de leur faute.

II) les frais irrépétibles

Les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile.

  • Notion
    • Les frais irrépétibles se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.
    • L’originalité de l’article 700 du Code de procédure civile tient au fait que, par définition, les frais irrépétibles sont ceux dont la partie gagnante ne peut obtenir le remboursement.
    • Or, ce texte a justement pour objet de lui permettre d’obtenir, à titre de compensation, une indemnisation forfaitaire de ses frais non compris dans les dépens (honoraires d’avocat, frais de transport et de séjour pour les besoins du procès, frais d’expertise amiable, etc.)
  • Conditions
    • L’existence d’une instance
      • L’article 700 du nouveau Code de procédure civile a une portée très générale dans la mesure où il concerne toutes les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale, rurale ou prud’homale (article 749 du nouveau Code de procédure civile).
      • Il est toutefois limité aux instances contentieuses et contradictoires.
    • La succombance de l’une des parties
      • L’article 700 du nouveau Code de procédure civile désigne la partie que le juge a la faculté de condamner au paiement d’une indemnité au titre des frais irrépétibles : il s’agit, en principe, de la partie tenue au paiement des dépens de l’instance dans les procédures avec dépens.
      • Ainsi, c’est normalement la charge des dépens qui va permettre au juge de déterminer la partie qui va devoir supporter la charge des frais irrépétibles.
      • A titre dérogatoire, dans les procédures gratuites ou sans dépens, la « partie perdante » pourra, le cas échéant, être condamnée par le juge à supporter la charge des frais irrépétibles.
      • La partie qui doit supporter l’intégralité des dépens ne peut demander d’indemnité pour frais irrépétibles.
    • L’existence de frais non compris dans les dépens
      • En principe, il s’agit de dépenses effectuées à l’occasion de l’instance par une partie non comprises dans les dépens.
      • Il n’est pas nécessaire que les dépenses aient été effectuées au moment de la demande.
      • En pratique, le justiciable n’est donc pas tenu de produire en justice une facture acquittée à l’appui de la demande de remboursement de ses frais irrépétibles.
    • La présentation d’une demande au titre des frais irrépétibles
      • A la différence de la condamnation aux dépens, le juge n’est pas tenu de statuer sur les frais irrépétibles, s’il n’est pas saisi d’une demande en ce sens.
      • En cas de désistement d’instance au principal, la demande formée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile par le demandeur peut être maintenue.
      • Réciproquement, ce désistement ne fait pas obstacle à une demande du défendeur en paiement des frais irrépétibles.
  • Frais concernés
    • Les frais irrépétibles comprennent notamment :
      • Les honoraires d’avocat
      • Les frais de déplacement, de démarches, de voyage et de séjour
      • Les frais engagés pour obtenir certaines pièces ;
      • Les honoraires versés à certains consultants techniques amiables (brevet, informatique, etc.) ou experts amiables

Le divorce par consentement mutuel homologué par un juge: conditions et procédure

==> Ratio legis

L’institution du divorce par consentement mutuel, grande innovation de la loi du 11 juillet 1975, a répondu à une profonde et ancienne demande de la société et à un immense besoin d’égalité de la femme dans le couple.

Surtout, il a permis aux époux de sortir des liens du mariage, sans avoir à prouver la faute de l’autre, ce qui a pu conduire à des situations de tensions extrêmes entre conjoints.

Librement négociés, les accords entre époux permettent de dégager des solutions mieux adaptées aux cas d’espèce ; mieux exécutés que des décisions judiciaires imposées, ils sont ainsi souvent le gage d’un après-divorce apaisé, particulièrement important lorsque sont impliqués des enfants.

Le succès du divorce par consentement mutuel a été immédiat et grandissant. Il représente aujourd’hui plus de la moitié des procédures.

La particularité de cette procédure est donc l’intervention du Juge. Lors de l’adoption de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 certains professionnels du droit avaient milité pour une déjudiciarisation totale du divorce par consentement mutuel, lorsqu’il n’y a, ni biens, ni enfants.

Toutefois, le législateur a préféré maintenir son rôle dans la procédure. Les parlementaires ont estimé que le contrôle du juge permettait de garantir effectivement la volonté librement exprimée de chacun des époux, l’équité des accords et le respect des intérêts de chacun.

C’est ainsi qu’en 2004, une procédure simplifiée a été instituée en remplacement de l’ancien divorce sur requête conjointe instauré par la loi du 11 juillet 1975.

L’innovation principale résulte de la suppression des deux phases de la procédure, le divorce étant prononcé à l’issue d’une seule audience.

Il en résulte que l’ensemble des conséquences de la séparation doit être réglé en amont de la saisine du juge, y compris la liquidation du régime matrimonial (article 1091 du nouveau code de procédure civile).

L’actuelle procédure de divorce par consentement mutuel homologué par un juge n’a pas été modifiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Ce texte n’a fait qu’ajouter une variante au divorce par consentement mutuel, en offrant la possibilité aux époux de se passer du Juge.

==> Divorce par consentement mutuel judiciaire et divorce par consentement mutuel conventionnel

La procédure de divorce par consentement mutuel conventionnel se distingue du divorce par consentement mutuel judiciaire sur trois points.

  • Première différence
    • Il est fait obligation aux deux époux de prendre chacun un avocat.
    • Cette obligation est présentée comme une garantie pour les intéressés.
    • En effet, la partie la plus faible ne pourrait plus escompter que le juge veille à ses intérêts et refuse, comme l’article 232 du code civil lui en fait l’obligation, d’homologuer une convention qui préserve insuffisamment lesdits intérêts ou ceux de ses enfants.
  • Deuxième différence
    • La convention de divorce n’a plus à être homologuée par un juge.
    • Il suffit qu’elle soit signée par les parties, puis contresignée par leurs avocats, avant d’être ensuite déposée par ces derniers au rang des minutes d’un notaire.
    • Ce dépôt confère une date certaine à la convention et force exécutoire, ce qui évite alors à chacun des époux d’avoir à revenir devant le juge pour le faire exécuter en cas d’inexécution de la part de l’autre.
  • Troisième différence
    • La convention de divorce est soumise au respect de plusieurs exigences formelles :
      • des renseignements relatifs aux époux, à leurs enfants et à leurs avocats
      • des mentions relatives à l’accord des époux pour le divorce, les modalités de son règlement, pour tous ses effets, patrimoniaux et extra-patrimoniaux, ainsi qu’à l’état liquidatif éventuel du régime matrimonial.

==> Domaine d’application

Lors de l’adoption de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, il ressort des travaux parlementaires que ce nouveau cas de divorce a vocation à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel.

Plus encore, l’article 229 du Code civil peut désormais être lu comme érigeant au rang de principe le divorce par consentement mutuel conventionnel.

Il s’infère de sa rédaction que, ce n’est que par exception que le recours au Juge est envisagé.

À cet égard, la circulaire du 26 janvier 2017 confirme cette interprétation en indiquant que « le nouveau divorce par consentement mutuel extrajudiciaire n’est pas un divorce optionnel. »

Si donc les époux s’accordent sur le principe de la rupture du lien conjugal et l’ensemble des conséquences du divorce, la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel ne leur est, sauf exception, désormais plus ouverte.

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est possible que dans les deux cas d’exclusions énoncés à l’article 229-2 du Code civil.

==> Exclusions

En application de l’article 229-2 du Code civil, le recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est expressément exclu dans deux cas :

  • Premier cas
    • Lorsque, l’enfant mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge, demande son audition par le juge
  • Second cas
    • Lorsque l’un des époux se trouve placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.

De toute évidence, ces deux exclusions visent à protéger des personnes irréfragablement présumées comme faibles, dont les intérêts ne doivent pas être lésés.

En toute hypothèse, c’est désormais seulement par exception que la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire pourra être engagée.

I) Le principe

Aux termes de l’article 230 du Code civil « dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets en soumettant à l’approbation du juge une convention réglant les conséquences du divorce »

À l’instar du divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat, le divorce par consentement mutuel judiciaire suppose que les époux soient d’accord sur tout.

Plus précisément, ils doivent être d’accord :

  • Sur le principe même de divorcer (rupture du lien conjugal)
  • Sur les effets du divorce (sort des biens et des enfants)

En cas de désaccord des époux sur l’un de ses deux points, ils n’auront d’autre choix que d’emprunter la voie du divorce contentieux.

Si, au contraire, les époux parviennent à s’entendre, leur accord doit être matérialisé par une convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce.

Nouveauté introduite par la loi du 26 mai 2004, le divorce par consentement mutuel peut être demandé dans les six premiers mois de l’union, la condition tenant à l’existence d’une durée minimale du mariage ayant supprimé (abrogation du 3e alinéa de l’article 230).

II) Conditions

==> La capacité

Aux termes de l’article 249-4 du Code civil « lorsque l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre, aucune demande en divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut être présentée. »

Ainsi, pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel il faut jouir de sa pleine et entière capacité juridique.

Plus précisément, il ne faut pas que l’un des époux fasse l’objet d’une mesure de protection.

L’article 425 du Code civil prévoit qu’une mesure de protection peut être instituée au bénéfice de « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

Les mesures de protection sont au nombre de cinq :

  • La sauvegarde de justice
    • L’article 433 du Code civil prévoit que le juge peut placer sous sauvegarde de justice une personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
    • Il s’agit de la mesure de protection la moins légère dans la mesure où la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits
  • La curatelle
    • Aux termes de l’article 440 du Code civil, la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
    • La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit d’une mesure de protection intermédiaire, en ce sens que la personne placée sous curatelle perd la capacité d’exercer les actes de disposition les plus graves
  • La tutelle
    • L’article 440 du Code civil dispose que la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
    • La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit de la mesure de protection la plus lourde, car elle prive son bénéficiaire de l’exercice de tous ses droits
  • Le mandat de protection future
    • L’article 477 du Code civil prévoit que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
    • À la différence de la sauvegarde de justice, de la curatelle et de la tutelle qui sont prononcées par le Juge, le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé.
    • Il s’agit donc d’une mesure de protection conventionnelle et non judiciaire
  • L’habilitation familiale
    • Aux termes de l’article 494-1 du Code civil lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom.
    • L’habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,219,1426 et 1429, ou par les stipulations du mandat de protection future conclu par l’intéressé.

Au bilan, dès lors que l’un des époux fait l’objet de l’une des mesures de protection précitées, la voie du recours au divorce par consentement mutuel judiciaire est fermée.

==> Le consentement

L’article 232, al. 1er du Code civil dispose que « le juge homologue la convention et prononce le divorce s’il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé. »

Il ressort de cette disposition que le consentement des époux est le pilier central du divorce par consentement mutuel.

Le Juge ne pourra homologuer la convention que s’il constate que les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets

Pour qu’il y ait accord, encore faut-il qu’ils y aient consenti.

Ainsi, revient-il au juge de s’assurer que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est éclairé.

Toutefois, dès lors qu’il estime respectées la réalité, la liberté et la persistance des consentements, il ne peut mettre en cause l’accord de principe des époux quant au divorce, dont par ailleurs il n’a pas à connaître les causes.

III) Procédure

A) La requête

==> Présentation de la requête

La demande est formée par une requête unique des époux (article 1089 CPC).

L’article 250 du Code civil prévoit que la demande peut être présentée :

  • Soit par les avocats respectifs des parties
  • Soit par leur avocat choisi d’un commun accord

==> Contenu de la requête

À peine d’irrecevabilité, la requête doit remplir un certain nombre de conditions de forme (art. 1090 CPC).

  • La requête comporte
    • Des mentions relatives aux époux
      • Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux
      • La date et le lieu de leur mariage
      • Les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants
      • Les renseignements prévus à l’article 1075, soit les informations relatives à la caisse d’assurance maladie à laquelle ils sont affiliés, les services ou organismes qui servent les prestations familiales, les pensions de retraite ou tout avantage de vieillesse ainsi que la dénomination et l’adresse de ces caisses, services ou organismes.
    • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
    • Le nom des avocats chargés par les époux de les représenter, ou de celui qu’ils ont choisi à cet effet d’un commun accord.
    • La date et la signature de chacun des époux et de leur avocat.
  • La requête ne comporte pas
    • Les faits à l’origine de la demande
    • En matière de divorce par consentement mutuel, ce qui importe c’est le consentement des époux
    • Aussi, les circonstances de la rupture n’intéressent pas le Juge dont le rôle se limitera au contrôle de la réalité du consentement des époux et à la préservation de leurs intérêts respectifs
    • Quand bien même une faute serait imputable à l’un des époux, le juge n’a donc pas vocation à en tenir compte

==> Documents annexés à la requête

Là encore à peine d’irrecevabilité, la requête doit être assortie de documents annexes énumérés par les articles 1075-1 et 1091 du Code de procédure civile.

  • Le formulaire d’information de l’enfant mineur demandant à être entendu daté et signé par lui
    • Pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel, les époux doivent, au préalable, avoir consulté leurs enfants mineurs.
    • Le législateur a prévu que la consultation de l’enfant se fait au moyen d’un formulaire.
    • Ce formulaire visé à l’article 1144 du Code de procédure qui prévoit que « l’information prévue au 1° de l’article 229-2 du code civil prend la forme d’un formulaire destiné à chacun des enfants mineurs, qui mentionne son droit de demander à être entendu dans les conditions de l’article 388-1 du même code ainsi que les conséquences de son choix sur les suites de la procédure. »
    • Le formulaire d’information poursuit un double objectif :
      • donner aux enfants les informations pratiques pour assurer l’exercice effectif de leur droit
      • permettre aux avocats ainsi qu’au notaire de vérifier l’effectivité de l’information du mineur
    • Dans l’hypothèse où l’enfant mineur décide à être entendu, la voie du divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée à ces parents.
  • La convention de divorce
    • Sur la forme
      • Il s’agit de la convention de divorce qui doit porter règlement de toutes les conséquences du divorce.
      • Cette convention inclut
        • Soit un état liquidatif du régime matrimonial
        • Soit la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation
      • La convention doit être datée et signée par chacun des époux et leur avocat
    • Sur le fond
      • Le sort des biens
        • Il est régi par l’état liquidatif qui doit être passé en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière
        • Plus généralement, l’état liquidatif doit comporter
          • La répartition de l’actif
          • La répartition du passif
          • L’octroi de récompenses
      • Le sort des enfants
        • L’article 373-2-7 prévoit qu’il appartient aux parents d’organiser les modalités d’exercice de l’autorité parentale et de fixer la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (pension alimentaire
        • Le juge homologuera la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement
      • La prestation compensatoire
        • L’article 278 du Code civil prévoit que les époux fixent le montant et les modalités de la prestation compensatoire dans la convention établie par acte sous signature privée contresigné par avocats ou dans la convention qu’ils soumettent à l’homologation du juge.
        • Ils peuvent prévoir que le versement de la prestation cessera à compter de la réalisation d’un événement déterminé.
        • La prestation peut prendre la forme d’une rente attribuée pour une durée limitée.
        • L’alinéa 2 précise néanmoins que le Juge peut toutefois, refuser d’homologuer la convention si elle fixe inéquitablement les droits et obligations des époux.
  • Une déclaration sur l’honneur en cas d’octroi d’une prestation compensatoire
    • L’article 1075-1 du Code de procédure civile prévoit que lorsqu’une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, chaque époux produit la déclaration sur l’honneur
    • À cet égard, l’article 272 du Code civil précise que dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie

Chaque document doit être daté et signé par chacun des époux et leur avocat. Toutes ces dispositions sont édictées à peine d’irrecevabilité (article 1091 CPC).

L’irrecevabilité porte tant sur l’absence d’un document que sur le non-respect des dispositions de forme prévues.

==> Dépôt de la requête

L’article 1092 du Code de procédure civile prévoit que le juge aux affaires familiales est saisi par la remise au greffe de la requête, qui vaut conclusions.

Ainsi, la requête doit-elle être adressée au greffe du Tribunal de grande instance

B) L’audition du mineur

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est ouverte aux époux qu’en cas de demande d’audition formée par un enfant mineur.

La demande d’audition rouvre la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel quelle que soit la décision du juge sur la demande d’audition.

==> La demande d’audition

  • Le moment de la demande
    • La demande d’audition du mineur peut être formée à tout moment de la procédure jusqu’au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire.
    • Dès qu’une telle demande est formée, le divorce ne peut se poursuivre sur le fondement de l’article 229-1 du code civil.
    • Les époux peuvent alors :
      • soit engager une procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire dans les conditions visées aux articles 230 à 232 du code civil et 1088 à 1092 du code de procédure civile, la requête devant alors être accompagnée du formulaire de demande d’audition en plus des pièces actuellement exigées à l’article 1091
      • soit introduire une requête contentieuse en divorce.
  • La forme de la demande
    • Lorsque le mineur demande à être auditionné par le Juge, la situation est régie par l’article 1148-2 du code de procédure civile qui renvoie aux articles 1088 à 1092 du même code, soit aux règles procédurales relatives au divorce judiciaire par consentement mutuel.
    • Les époux pourront ainsi faire le choix, dans le cadre du divorce par consentement mutuel judiciaire, d’être assisté par un seul conseil.
    • La requête devant le juge aux affaires familiales comprend à peine d’irrecevabilité outre la convention de divorce et l’état liquidatif ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation.
    • Les époux sont en conséquence convoqués à l’audience devant le juge aux affaires familiales aux fins d’homologation de leur convention de divorce après l’audition du mineur ou refus d’audition par le juge.

==> Le déroulement de l’audition

Le juge peut réaliser lui-même l’audition ou désigner une personne pour y procéder. Le mineur peut être assisté par un avocat, choisi ou spécialement désigné, ou par la personne de son choix.

Le compte-rendu de l’audition est soumis au principe du contradictoire. Tout comme dans les autres procédures, le juge aux affaires familiales peut refuser d’entendre le mineur s’il estime que celui-ci n’est pas capable de discernement. Les motifs du refus doivent être mentionnés dans la décision.

C) L’audience

==> Convocation des époux

L’article 1092 du Code de procédure civile prévoit que, après l’audition de l’enfant mineur, le juge procède à deux formalités :

  • Il convoque chacun des époux par lettre simple expédiée quinze jours au moins avant la date qu’il fixe pour leur audition
  • Il avise le ou les avocats.

==> L’examen de la demande des époux

Le jour fixé, il examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit. Il appelle ensuite le ou les avocats.

Après avoir vérifié la recevabilité de la requête (article 1099 CPC), il doit s’assurer que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé (article 232 alinéa 1 C. civ.).

Au cours de l’audience, il peut faire supprimer ou modifier les clauses de la convention qui lui paraissent contraires à l’intérêt des enfants ou de l’un des époux (article 1099 alinéa 2 CPC).

Toutefois, il ne peut le faire qu’avec l’accord des parties, recueilli en présence de leur avocat.

Dans l’hypothèse d’une modification de la teneur de la convention au cours de l’audience, une attention toute particulière doit être appelée sur la concordance des termes entre la convention ainsi modifiée et l’acte liquidatif éventuellement joint.

S’il s’agit d’un acte notarié, le prononcé du divorce ne peut intervenir qu’après la mise en conformité de cet acte par le notaire, ce qui implique que le juge ne peut homologuer la convention sans avoir laissé un délai aux parties pour le faire modifier.

Lorsque les conditions prévues à l’article 232 du code civil sont réunies, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce.

Le prononcé du divorce s’effectue dans la même décision.

D) L’homologation de la convention

Trois hypothèses doivent être distinguées

  1. L’homologation pure et simple

Il peut être procédé à l’homologation pure et simple de la convention de divorce lorsque le Juge :

  • D’une part, s’est assuré que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est éclairé
  • D’autre part, a vérifié que la convention préserve suffisamment les intérêts des époux et des enfants

Après avoir accompli ces vérifications, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce.

Le prononcé du divorce s’effectue dans la même décision.

2. L’homologation précédée de modifications et suppressions

L’article 1099, al. 2 du Code civil autorise le juge à modifier ou supprimer certaines clauses de la convention de divorce si elles lui paraissent contraires à l’intérêt des enfants ou de l’un des époux.

Cette immixtion du juge dans l’accord conclu entre les parties est subordonnée à la satisfaction de deux conditions cumulatives :

  • L’accord des époux
  • La présence du ou des avocats

Si ces deux conditions sont remplies, le Juge rend alors sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce.

3. Le refus d’homologation

==> Motifs du refus

L’article 232 du code civil prévoit que le juge peut refuser d’homologuer la convention et ne pas prononcer le divorce s’il constate que les intérêts des enfants ou de l’un des époux sont insuffisamment préservés.

Il refusera également de prononcer le divorce s’il a un doute sur la réalité du consentement d’un époux

==> Ordonnance d’ajournement

Si le juge refuse d’homologuer la convention, il rend sur-le-champ une ordonnance et ajourne sa décision sur le prononcé du divorce jusqu’à présentation d’une nouvelle convention (article 1100 CPC).

Il informe alors les époux à l’audience que celle-ci devra être présentée avant l’expiration d’un délai de six mois.

L’ordonnance porte mention à la fois de ce délai et de l’information qui a été donnée oralement.

Elle précise, en outre, les conditions ou les garanties auxquelles seront subordonnés l’homologation de la nouvelle convention et, en conséquence, le prononcé du divorce.

==> Mesures provisoires

  • Principe
    • L’ordonnance d’ajournement comprend, le cas échéant, les mesures provisoires homologuées par le juge (article 1100 CPC).
    • L’objectif est de permettre, dans ce cas particulier, l’organisation judiciaire de la séparation des époux, en garantissant leurs droits respectifs ainsi que la protection de l’intérêt des enfants.
    • L’article 250-2 du code civil précise les modalités d’une telle homologation.
  • Les mesures envisageables
    • Peuvent être homologuées les mesures provisoires que le juge peut prendre lors de l’audience de conciliation prévue pour les autres cas de divorce.
    • Sont donc concernées, au sens de l’article 254 du même code, toutes les mesures nécessaires pour organiser l’existence des époux et celle des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée.
  • Exigence d’un accord des époux
    • Les pouvoirs du juge en matière de consentement mutuel ne peuvent être identiques à ceux qui lui sont conférés dans les autres cas de divorce.
    • En conséquence, sont exclusivement concernées les mesures que les parties s’accordent à prendre.
  • L’homologation des mesures
    • La forme de l’homologation étant libre, le juge peut faire mention des mesures provisoires homologuées directement dans l’ordonnance d’ajournement.
    • Il peut également homologuer les mesures prises par les parties dans un document annexé à l’ordonnance.
    • À défaut d’accord entre les parties ou si le juge estime que les mesures proposées ne sont pas conformes à l’intérêt du ou des enfants, la décision d’ajournement sera cependant prise sans homologation de mesures provisoires, celle-ci n’étant aucunement imposée par les textes.
    • Lorsque le juge refuse d’homologuer les mesures provisoires, il doit motiver sa décision.

==> Procédure postérieure à la décision d’ajournement

Les époux disposent d’un délai de six mois à compter du prononcé de la décision d’ajournement pour déposer une nouvelle convention (article 250-2 C. civ.).

Ce délai est suspendu en cas d’appel (article 1101 CPC).

Deux cas de figure doivent alors être distingués :

  • Premier cas de figure
    • Aucune convention n’est déposée dans le délai imparti.
    • Le juge constate alors d’office par ordonnance la caducité de la demande en divorce (article 1101 al. 2 CPC).
  • Second cas de figure
    • Les parties déposent une nouvelle convention dans le délai légal.
    • Elles sont alors convoquées par lettre simple expédiée quinze jours au moins avant la date fixée pour leur audition.
    • À l’audience, soit le juge accepte cette nouvelle convention, l’homologue, et prononce le divorce, soit il refuse une nouvelle fois de l’homologuer.
    • Dans ce dernier cas, il rend une ordonnance constatant la caducité de la demande en divorce (article 1101 al. 3 CPC).
    • Il n’est donc pas possible d’ordonner un second ajournement.

E) Les voies de recours

  • Le jugement de divorce
    • L’appel
      • L’article 1102 du Code de procédure civile prévoit que la décision qui prononce le divorce est insusceptible d’appel.
      • Cette solution se justifie par l’existence d’un accord conclu entre les parties
    • Le pourvoi
      • Le jugement de divorce est susceptible de pourvoi en cassation dans les quinze jours de son prononcé (article 1103 CPC).
      • L’article 1086 précise que :
        • D’une part, le délai de pourvoi en cassation suspend l’exécution de la décision qui prononce le divorce.
        • D’autre part, que le pourvoi en cassation exercé dans ce délai est également suspensif.
      • Toutefois, l’article 1087 al. 2 du Code de procédure civile apporte un tempérament à l’effet suspensif du pourvoi.
      • Cette disposition prévoit, en effet, que l’effet suspensif qui s’attache au pourvoi en cassation ainsi qu’à son délai ne s’applique pas aux dispositions de la décision ou de la convention homologuée qui concernent :
        • les pensions
        • la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant
        • l’exercice de l’autorité parentale.
      • Il est donc apparu indispensable, pendant le délai du pourvoi en cassation et son éventuel exercice, de prévoir le maintien de mesures permettant d’organiser la vie des époux ainsi que celle des enfants.
  • L’ordonnance d’ajournement
    • L’appel
      • L’ordonnance qui refuse l’homologation de la convention et entérine le cas échéant des mesures provisoires est susceptible d’appel ( 1102 CPC)
      • Le délai d’appel est de quinze jours
      • Il commence à courir à compter de la date de la décision
    • Le pourvoi
      • L’arrêt rendu par la Cour d’appel est susceptible de faire l’objet d’un pouvoir dans le délai ordinaire de 2 mois prévu par l’article 612 du Code de procédure civile

F) La délivrance de la copie exécutoire du jugement

Jusqu’au 1 er janvier 2005, l’article 862 du Code général des impôts conditionnait la délivrance de la copie exécutoire du jugement de divorce rendu sur requête conjointe à l’acquittement préalable des droits d’enregistrement.

Cette exigence, limitée au divorce gracieux, pouvait avoir pour conséquence de priver d’effet le prononcé du divorce sur le seul motif du défaut de paiement des droits fiscaux.

Aussi, la loi du 26 mai 2004 a modifié les dispositions du Code Général des Impôts et supprimé cette condition.

Le régime applicable en la matière est désormais unifié, quel que soit le cas de divorce : la délivrance des copies exécutoires des jugements de divorce par consentement mutuel est donc possible même si les formalités d’enregistrement n’ont pas été exécutées.

G) Les dépens de l’instance

L’article 1105 du Code de procédure civile prévoit que les dépens de l’instance sont partagés par moitié entre les époux.

Toutefois, leur convention peut en disposer autrement sous réserve de l’application des dispositions de l’article 123-2 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 lorsque l’un des époux bénéficie de l’aide juridictionnelle.

Cette dernière disposition prévoit que la convention de divorce ne peut mettre à la charge de la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle plus de la moitié des dépens de cette instance.

IV) Les effets du divorce

A) Le principe d’intangibilité de la convention

==> Énoncé du principe

Il ressort de plusieurs textes que la convention de divorce est indissociable du jugement qui prononce le divorce :

  • L’article 1099 du Code de procédure civile prévoit que le Juge « rend sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce. »
  • L’article 279 dispose encore que « la convention homologuée a la même force exécutoire qu’une décision de justice»
  • L’article 232 prévoit quant à lui que « le juge homologue la convention et prononce le divorce »

La jurisprudence déduit de ces textes qu’il existe une indivisibilité de l’homologation de la convention avec la décision qui prononce le divorce.

Il en résulte que, à l’instar d’un jugement, elle est pourvue de l’autorité de la chose jugée ce qui lui confère son intangibilité. Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée par les époux.

Sur ce point, elle se distingue d’un contrat soumis au droit commun, en ce que les parties peuvent toujours revenir dessus en cas de commun accord.

Tel n’est pas le cas de la convention de divorce qui, une fois homologuée par le juge, ne peut plus être supprimée, ni révisée

Dans un arrêt du 6 mai 1987 la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi »

Cass. 2e civ. 6 mai 1987
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 14 février 1985), qu'un jugement, non frappé de voies de recours, a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe et homologué la convention définitive portant réglement des conséquences du divorce ; que Mme X..., estimant être victime d'une lésion dans cette convention, en a demandé la rescision ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette action irrecevable, alors que, d'une part, la convention portant règlement des effets du divorce pourrait être dissociée du jugement prononçant celui-ci, et, n'étant pas irrévocable, pourrait faire l'objet d'une action en rescision pour lésion, et alors que, d'autre part, en considérant qu'en l'absence de clause stipulant l'égalité du partage, celui-ci pouvait être présumé inégal, ce qui rendrait irrecevable l'action en rescision pour lésion, la cour d'appel aurait violé les articles 1476 et 887 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que le prononcé du divorce et l'homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi ;

Que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Prononcé d’un divorce sur requête conjointe par un arrêt de la Cour d’appel de Lyon le 14 février 1985
  • Demande
    • Action en rescision pour lésion contre une convention d’homologation introduite par une épouse.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 14 février 1985 la Cour d’appel de Lyon déboute l’appelante de sa demande.
    • Pour les juges du fond, l’action de l’épouse est irrecevable dans la mesure où le prononcé du divorce et l’homologation de la convention sont indissociables.
    • Or un jugement bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
  • Solution
    • La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse
    • Pour la deuxième chambre civile la convention réglant les effets du divorce devient, dès lors qu’elle a été homologuée par le juge, intangible.
    • Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée
    • La Cour de cassation pose ici le principe d’intangibilité de la convention réglant les effets du divorce

==> Applications

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce conduit à écarter un certain nombre d’actions :

  • Les actions en nullité de la convention
    • La question ici se pose de savoir si, en cas de non-respect d’une condition de validité de la convention de divorce, elle peut faire l’objet d’une annulation
    • La jurisprudence répond par la négative à cette question, au motif que le principe d’intangibilité de la convention prévaut
    • Peu importe donc le fondement invoqué par l’un des époux (contrariété à l’ordre public, vices du consentement ou encore irrégularité formelle) : l’action en nullité est irrecevable
  • Les actions en complément de part
    • Il s’agit de l’hypothèse où un époux aurait été lésé dans le partage des biens
    • Dès lors, est-il recevable à engager une action aux fins de rétablir l’équilibre qui a été rompu volontairement ou involontairement ?
    • L’article 889 du Code civil prévoit que dans le cadre d’opérations de partages prévues par la loi, lorsque l’un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature.
    • Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage.
    • L’action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage.
    • Pour les mêmes raisons que celles qui président à l’irrecevabilité de l’action en nullité, l’action en complément de parts ne saurait être accueillie lorsqu’elle est dirigée contre la convention de divorce.
    • Le principe d’intangibilité de cette convention y fait obstacle.
    • Cette solution a notamment été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 2010.

Cass. 1re civ., 3 mars 2010
Sur le moyen unique :

Attendu que M. X... et Mme Y... ont contracté mariage le 3 octobre 1998 sous le régime de la séparation de biens ; qu'en 1999, ils ont acquis en indivision, chacun pour moitié, un terrain situé à Saint-Pierre de la Réunion sur lequel ils ont fait édifier une maison ; qu'un jugement du 3 mars 2003 a prononcé leur divorce sur requête conjointe et homologué la convention définitive par laquelle ils fixaient à 335 387 euros la valeur de l'immeuble bâti acquis durant le mariage et prévoyaient de maintenir ce bien en indivision pour une durée de deux ans renouvelable ; que par acte sous-seing privé du même 3 mars 2003, les époux sont convenus de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble à Mme Y... pour un prix de 167 693,50 euros ; que cet acte stipulait que la vente serait réitérée par acte authentique au plus tard le 15 février 2005 ; que M. X... ne s'étant pas présenté devant le notaire pour la réitération de l'acte, Mme Y... l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance en déclaration judiciaire de vente ; que pour s'opposer à cette demande, M. X... a fait valoir que le prix fixé dans la promesse de vente était lésionnaire et a sollicité une expertise de la valeur du bien ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 août 2008) d'avoir déclaré irrecevable l'action en rescision pour lésion de l'acte du 3 mars 2003, dit que la vente par M. X... à Mme Y... d'une parcelle bâtie sise à Saint-Pierre pour un prix de 167 693,50 euros était parfaite et dit que le jugement tiendrait lieu d'acte authentique en vue des formalités de publicité foncière, alors, selon le moyen, que l'impossibilité de remettre en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce sur demande conjointe ne concerne que le partage opéré par cette convention ; qu'ainsi en l'espèce où la convention définitive prévoyait le maintien dans l'indivision de l'immeuble litigieux, la cour d'appel, en déclarant irrecevable l'action en rescision pour lésion exercée contre une convention séparée contenant une promesse de cession par M. X... à Mme Y... de sa part indivise dans l'immeuble, non homologuée par le juge, a violé les articles 279 et 888 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a rappelé que le caractère indissociable du prononcé du divorce sur demande conjointe et de la convention définitive ne permettait aucune modification des modalités de cette dernière en dehors des cas prévus aux anciens articles 279 et 292 du code civil, a constaté par motifs propres et adoptés, d'abord, que la convention définitive homologuée comportait un chapitre intitulé "liquidation" consacré au sort de l'immeuble litigieux par lequel les époux fixaient la valeur du bien à la somme de 335 387 euros et établissaient une convention d'indivision régissant leurs droits quant à ce bien ; puis, que par acte du 3 mars 2003, les parties convenaient de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble au profit de Mme Y... pour un montant conforme à celui fixé par la convention définitive ; encore, que cet acte était antérieur au divorce puisqu'il était soumis à la condition suspensive du prononcé du divorce ; en outre, que les débats permettaient d'établir qu'il s‘agissait en réalité de trouver un statut juridique à l'immeuble permettant à la fois aux époux d'obtenir le divorce et de se ménager le bénéfice de la défiscalisation à laquelle ce bien ouvrait droit à condition qu'il ne soit pas cédé avant un délai de cinq années après son achèvement ; enfin, que les dispositions de la convention définitive relatives à l'immeuble litigieux, et notamment celle stipulant sa valeur, étaient indissociables de l'ensemble de la convention, elle-même indissociable du jugement de divorce, le consentement des époux étant dépendant du contenu de la convention définitive ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la convention définitive ne pouvait être remise en cause sans remettre en cause le consentement des époux et que dès lors l'action en rescision pour lésion de plus du quart du compromis de vente du 3 mars 2003, était irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Le recours en révision
    • Le recours en révision est régi aux articles 593 et suivants et Code de procédure civile
    • Il tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
    • En raison de son caractère dérogatoire au droit commun, ce recours ne peut être exercé que dans des cas très restreints
    • L’article 595 prévoit ainsi que le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes suivantes :
      • S’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
      • Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie ;
      • S’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
      • S’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
    • Dans tous ces cas, le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
    • Le délai du recours en révision est de deux mois.
    • Le recours en révision peut-il être exercé dans l’hypothèse où l’homologation de la convention de divorce aurait été obtenue en fraude des droits de l’un des époux ?
    • La Cour de cassation a répondu par la négative à cette question en se fondant, à encore, sur le principe d’intangibilité de la convention.
    • Dans un arrêt du 5 novembre 2008, elle a affirmé que « mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable, la cour d’appel en a exactement déduit l’irrecevabilité du recours en révision partielle du jugement prononçant le divorce sur requête conjointe en ses seules dispositions relatives au partage des biens» ( 1ère civ., 5 nov. 2008).

==> Cas particulier des actions en interprétation

L’action en interprétation vise à solliciter les lumières du juge sur une clause imprécise ou ambiguë de la convention

Il ne s’agit pas ici pour le Juge de revenir sur la décision rendue.

Son intervention a pour seul but d’apporter un éclairage sur les termes de la convention de divorce aux fins de permettre son exécution.

Dans la mesure où cette action ne heurte pas le principe d’intangibilité, elle est admise par la jurisprudence (C. en ce sens Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002)

Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002
Sur le pourvoi formé par M. Dominique André Yves X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 6 mai 1999 par la cour d'appel de Caen (1e chambre civile et commerciale), au profit :

1 / de Mme Françoise Marcelle Jeanne Y..., divorcée, Boudin, demeurant "La Houssaye", 61160 Mont Ormel,

2 / de la société Cétélem, société anonyme à directoire, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 décembre 2001, où étaient présents : M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mlle Barberot, conseiller référendaire rapporteur, M. Jean-Pierre Ancel, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mlle Barberot, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de M. X..., les conclusions écrites de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X..., qui a fait opposition à l'ordonnance lui ayant fait injonction de payer le solde d'un prêt contracté avec son épouse pendant le mariage depuis dissous par divorce pour financer des travaux sur un véhicule, a appelé celle-ci en garantie pour qu'elle soit condamnée à supporter la moitié de la condamnation prononcée au profit du prêteur ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 6 mai 1999) d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :

1 / qu'en l'espèce, le prêt a été souscrit solidairement par M. et Mme X... ; que M. X... avait donc un recours contre Mme Y... à concurrence de la part incombant à cette dernière ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

2 / que la circonstance que, lors de la convention définitive conclue entre les époux à l'occasion du divorce, le véhicule ait été attribué à M. X..., qui ne concerne que la répartition des actifs, n'avait aucune incidence sur le recours dont disposait M. X... ; qu'à cet égard, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

3 / qu'en se fondant sur la convention définitive conclue à l'occasion du divorce, bien que cette convention n'ait comporté aucune stipulation s'agissant de la charge du prêt, les juges du fond, qui ont ajouté a la convention de divorce, en ont dénaturé les termes ;

Mais attendu qu'après avoir admis la recevabilité de l'appel en garantie formée contre la femme qui était obligée à la dette en sa qualité de co-emprunteuse, la cour d'appel, qui a relevé, par une interprétation que les termes imprécis de la convention définitive de divorce rendaient nécessaire, qu'il entrait dans l'intention des époux que celui qui était attributaire du véhicule en supporte les charges, a souverainement estimé que le mari devait seul contribuer à la dette ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) Les limites au principe d’intangibilité de la convention

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce n’est pas sans limites. Il est des situations qui permettent, tantôt aux parties, tantôt aux tiers de revenir sur ce qui a été jugé ou de compléter le dispositif.

==> L’omission d’un bien ou d’une dette

La question s’est posée en jurisprudence du sort d’un bien ou d’une dette omis lors de l’établissement de l’état liquidatif.

Une fois homologuée, la convention de divorce est, par principe, intangible, de sorte que les époux ne peuvent plus solliciter sa révision.

Est-ce à dire que le bien ou la dette omis ne peut plus faire l’objet d’un partage ?

La première et la deuxième chambre civile se sont longtemps opposées sur la réponse à apporter à cette question.

  • La position de la deuxième chambre civile
    • Dans un arrêt du 18 mars 1992, elle a considéré que, en application du principe d’intangibilité de la convention de divorce, un bien omis ne pouvait pas être intégré, postérieurement à l’homologation, dans la composition du patrimoine commun ( 2e civ. 18 mas 1992).
    • Pour la deuxième chambre civile, cela revient à modifier sans l’accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé
    • Ainsi, aurait-il fallu conclure une nouvelle convention aux côtés de l’accord homologué

Cass. 2e civ. 18 mas 1992
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que la convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice ; qu'elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe, et homologué leur convention définitive ; que M. X... a fait assigner son ex-épouse pour faire juger qu'un immeuble ne figurant pas sur la convention constituait un bien propre et régulariser une déclaration de remploi ;

Attendu que pour débouter M. X... de cette demande et dire que le bien était commun, l'arrêt énonce que l'omission de toute mention de ce remploi et des biens acquis à l'aide de celui-ci dans la convention définitive de partage peut résulter d'une simple erreur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la convention définitive homologuée, qui ne faisait pas mention de l'immeuble litigieux dans l'actif commun, attribuait à Mme Y... une somme d'argent pour solde de tout compte de la communauté, la cour d'appel, en faisant entrer postérieurement cet immeuble dans la composition du patrimoine commun, a modifié, sans l'accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée

  • La position de la première chambre civile
    • Dans un arrêt du 3 juillet 1996 la première chambre civile a considéré quant à elle que, en cas d’omission d’un bien dépendant de la communauté conjugale dans l’état liquidatif du régime matrimonial des époux, joint à la convention définitive homologuée par le juge du divorce, la demande de partage complémentaire était recevable.
    • Pour la première chambre civile il n’y avait donc pas lieu de régulariser une nouvelle convention de divorce.
    • Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt du 6 mars 2001 aux termes duquel, la Cour de cassation a affirmé, au visa de l’article 279 du Code civil que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué, à l’application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l’élaboration de la convention»

Cass. 1ère civ. 6 mars 2001
Attendu que les époux Y...-X... ont divorcé sur requête conjointe par jugement du 8 mars 1990, qui a homologué la convention définitive réglant les modalités de liquidation de leur communauté, comprenant notamment les actions des sociétés Y... SA et Y... boutique, évaluées à 110 000 000 francs ; qu'ayant appris ultérieurement que son ex mari avait vendu, pour la somme de 39 000 000 francs, au groupe Seibu department store, dont dépendent les sociétés Ilona gestion et Saison Nederland BV, des actions de la société JLS KK qui ne figuraient pas dans l'état liquidatif, Mme X... a demandé la condamnation de M. Y... à lui payer l'intégralité de la somme ainsi recelée ou, subsidiairement, la moitié de cette somme à titre de partage complémentaire, ainsi que sa condamnation solidaire avec les sociétés Seibu, Ilona et Saison au paiement de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables ces demandes ;

Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen : (Publication sans intérêt) ;

Mais sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, réunis :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l'état liquidatif homologué, à l'application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l'élaboration de la convention ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes présentées de ces chefs par Mme X..., l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'elles remettraient en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée contre les sociétés Seibu department store, Ilona gestion et Saison Nederland BV, l'arrêt rendu le 10 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

  • Position actuelle
    • Bien que la deuxième chambre civile ne se soit pas prononcée récemment sur la question, la doctrine considère que c’est la position de la première chambre civile qui l’a emporté.
    • Sa solution a d’ailleurs été réitérée à de nombreuses reprises
    • Dans un arrêt du 22 février 2005, elle a une nouvelle fois jugé, dans les mêmes termes qu’en 2001, que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ., 22 févr. 2005)
    • Dans un arrêt du 30 septembre 2009, la première chambre civile a adopté la même solution en reprenant le même attendu de principe : « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ. 30 sept. 2009)

Cass. 1ère civ. 30 sept. 2009
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu l'article 279 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et l'article 887 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ensemble les articles 1477, 1478 et 1485 du code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l'état liquidatif homologué ;

Attendu qu'un jugement du 12 septembre 2000 a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... sur leur requête conjointe et a homologué la convention définitive portant règlement des conséquences pécuniaires du divorce ; qu'aux termes de cette convention, signée en mai 2000, les époux se sont partagés le remboursement de différents prêts, sans tenir compte d'un acte notarié du 24 août 2000 par lequel ils avaient renégocié avec leur banque des "prêts consommations au CIN et chez Cofidis" ; que, reprochant à son ancienne épouse de ne pas avoir respecté ses engagements, M. X... l'a fait assigner le 28 octobre 2004 devant le tribunal de grande instance pour la voir condamner à lui rembourser les dettes communes mises à sa charge tant par la convention définitive homologuée que par la convention notariée du 24 août 2000, dont il s'était acquitté postérieurement au divorce ; que M. X... a en outre sollicité que soit ordonnée la vente aux enchères publiques d'un immeuble sis à Cernay, appartenant indivisément aux anciens époux, omis dans la convention définitive ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes et ordonner que les parties règlent le sort de la ou des dettes, ainsi que de l'immeuble commun, omis dans la convention définitive, par une nouvelle convention soumise au contrôle du juge et renvoyer à cette fin les parties devant le juge aux affaires familiales, l'arrêt attaqué énonce que si M. X... soutient et rapporte la preuve qu'une dette de communauté a été omise lors de l'établissement de la convention devant régler tous les effets du divorce et que le sort de l'immeuble de communauté, ainsi que les conséquences de son occupation par Mme Y..., postérieurement au prononcé du divorce, n'ont pas davantage été pris en considération dans la convention définitive, les demandes présentées par chacune des parties sont de nature à modifier considérablement l'économie de la convention définitive qui a été homologuée par le jugement du 12 septembre 2000 et nécessitent une nouvelle convention soumise au contrôle du juge ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

==> La révision de la prestation compensatoire

Bien que la convention de divorce soit intangible, l’article 279 du Code civil envisage la révision de la prestation compensatoire.

L’alinéa 3 de cette disposition prévoit que :

  • D’une part, les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d’eux pourra, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties, demander au juge de réviser la prestation compensatoire.
  • D’autre part, les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 275 ainsi qu’aux articles 276-3 et 276-4 sont également applicables, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère.

Dans le silence de la convention, le débiteur d’une prestation compensatoire peut solliciter sa révision dans les conditions fixées par la loi.

La révision de la prestation compensatoire suppose toutefois de distinguer selon qu’elle est versée sous forme de capital ou de rente.

  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • L’article 275 al. 2 du Code civil autorise le débiteur d’une prestation compensatoire à demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation.
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de capital la prestation compensatoire ne pourra donc faire l’objet d’une révision que dans ses modalités de paiement.
    • Son montant ne peut pas être revu à la baisse ou à la hausse.
    • Tout au plus, le débiteur peut obtenir un échelonnement du versement sur une durée totale supérieure à huit ans, mais ce à titre très exceptionnel.
    • Pour ce faire, deux conditions doivent être remplies
      • Il faut un changement important de la situation du débiteur
      • Le juge devra alors spécialement motiver sa décision.
  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • La règle est posée à l’article 276-3 du Code : « la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties».
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de rente, la prestation compensatoire peut également faire l’objet d’une révision
    • Cette révision peut se traduire de trois manières différentes :
      • Révision du montant de la rente
      • Suspension du versement de la rente
      • Suppression du versement de la rente
    • Plusieurs conditions doivent être remplies pour que la prestation compensatoire versée sous forme de rente puisse être révisée
      • La révision ne peut être décidée par le juge que s’il constate un changement important de la situation du débiteur ou inversement de la situation du créancier.
      • L’article 276-3 se réfère, tant aux besoins du créancier de la prestation compensatoire qu’aux ressources de son débiteur.
    • Par ailleurs, il est précisé à l’alinéa 2 de l’article 276-3 que « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge».
    • Autrement dit, si révision de la rente il y a, elle ne pourra se faire qu’à la baisse ; jamais à la hausse.
    • Enfin, il est à noter que le débiteur de la prestation compensatoire versée sous forme de rente peut, à tout moment, demander sa substitution par le versement d’un capital
    • L’article 276-4 dispose que « le débiteur d’une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge d’une demande de substitution d’un capital à tout ou partie de la rente. La substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat».

==> La révision des mesures prises à la faveur des enfants

L’article 373-2-13 du Code civil prévoit que les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ainsi que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d’un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.

Il appartiendra alors au juge de statuer sur le sort des enfants selon les articles 373-2-6 et suivants du Code civil

==> La remise en cause de convention de divorce par les tiers

L’article 1104 du Code de procédure civile prévoit que les créanciers de l’un et de l’autre époux peuvent faire déclarer que la convention homologuée leur est inopposable en formant tierce opposition contre la décision d’homologation dans l’année qui suit l’accomplissement des formalités mentionnées à l’article 262 du code civil, soit l’inscription du divorce en marge de l’état civil des époux.

Dans un arrêt du 13 mai 2015, la Cour de cassation a précisé que, pour être recevables à former tierce opposition, il appartient aux tiers de démonter :

  • D’une part, l’existence d’une fraude des droits du créancier
  • D’autre part, l’existence d’une collusion entre les époux

Cass. 1ère civ. 13 mai 2015
Vu leur connexité, joint les pourvois n° D 14-10. 501 et D 14-10. 547 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 547 :

Vu les articles 583 et 1104 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 26 juin 2009 a prononcé le divorce par consentement mutuel des époux X...-B...et homologué leur convention en réglant les effets, ainsi que l'acte de liquidation partage de leur communauté établi le 29 avril 2009 ; que, le 24 juin 2010, Mme Y..., se prévalant d'une créance de dommages-intérêts contre M. X... à la suite d'une procédure pénale ayant, notamment, donné lieu à l'ouverture d'une information le 21 avril 1994 et à un jugement de condamnation du 29 avril 1999, a formé tierce opposition au jugement de divorce en ce qu'il a homologué la convention de partage ; que M. A..., agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme Y...est intervenu à l'instance ;

Attendu que, pour déclarer inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention du 29 avril 2009, l'arrêt retient qu'il est manifeste que la liquidation de la communauté a été faite à l'insu de la créancière du mari et que la fraude résulte des circonstances rappelées qui ont présidé à la fixation des dommages-intérêts dus à celle-ci ;

Qu'en se bornant à se référer à la chronologie des décisions intervenues dans l'instance pénale à l'issue de laquelle M. X... a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à des dommages-intérêts, sans rechercher si, en concluant la convention homologuée par le juge du divorce, son épouse avait pu avoir conscience d'agir en fraude des droits du créancier de son mari et s'il y avait collusion des époux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 501 :

Vu l'article 615 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en raison de l'indivisibilité du litige la décision attaquée doit être annulée au regard de Mme B... comme de M. X... , de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen du pourvoi formé par celui-ci ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention de liquidation partage de la communauté des époux X...-B...établie le 20 avril 2009 et homologuée par jugement du 26 juin 2009, l'arrêt rendu le 23 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;