Les parties au contrat d’assurance (Code des assurances)

Le contrat d’assurance, par la richesse de ses mécanismes et la variété des intérêts qu’il cristallise, se distingue au sein du droit des obligations comme une figure contractuelle particulièrement singulière. Instrument de prévoyance et de protection, il s’inscrit dans une logique de couverture du risque qui dépasse les frontières classiques de l’engagement bilatéral. Si, comme tout contrat, il unit deux volontés — celle de l’assureur, porteur du risque, et celle du souscripteur, en quête de sécurité — il irrigue, par sa structure et sa fonction, un champ d’effets plus large, souvent pluripersonnel, qui en accentue la complexité juridique.

À cette complexité tient notamment la pluralité des figures que l’opération d’assurance met en jeu. Car ce contrat, s’il repose fondamentalement sur une relation entre deux parties, n’en demeure pas moins ouvert, par vocation, à l’intervention de tiers, lesquels peuvent être les véritables destinataires de la garantie, voire, dans certains cas, ses titulaires effectifs. Le contrat d’assurance manifeste ainsi une capacité d’irradiation qui oblige à dépasser la stricte lecture synallagmatique, pour embrasser une conception fonctionnelle de la relation contractuelle, où se croisent et se combinent les intérêts du souscripteur, de l’assuré, du bénéficiaire, voire du tiers lésé.

Nous nous focaliserons ici sur les parties au contrat d’assurance.

Le contrat d’assurance repose d’abord sur l’intervention de deux parties essentielles: l’assureur, qui prend en charge un risque en contrepartie du paiement d’une prime, et le souscripteur, qui conclut le contrat et en supporte les principales obligations. L’un engage sa garantie, l’autre manifeste le consentement à l’acte assurantiel. Autour de ce duo s’organise la relation d’assurance, à laquelle peuvent s’ajouter d’autres figures (assuré, bénéficiaire, intermédiaire), mais dont la formation repose fondamentalement sur cet échange initial. Il convient ainsi d’examiner, en premier lieu, la qualité d’assureur, puis celle de souscripteur.

1. L’assureur

Le contrat d’assurance ne saurait valablement exister sans la présence d’un assureur, entendu comme la personne morale qui assume, en vertu d’un engagement contractuel, le risque garanti. Par cette obligation, l’assureur s’engage, en contrepartie d’une prime ou cotisation, à fournir une prestation déterminée lors de la survenance d’un événement aléatoire spécifié au contrat. Il est ainsi le débiteur originaire et principal de l’obligation d’assurance.

L’article L. 310-1 du Code des assurances réserve la qualité d’assureur à ceux qui, à titre habituel et professionnel, effectuent des opérations d’assurance ou de réassurance, sous réserve d’un agrément administratif préalable. Cette définition restrictive exclut expressément les simples intermédiaires, qui ne sont pas parties au contrat mais seulement intéressés à son exécution. L’usage commun, souvent imprécis, conduit à confondre ces opérateurs avec l’assureur véritable, alors même que seule l’entité investie du pouvoir de porter le risque — c’est-à-dire de garantir l’aléa — peut revendiquer cette qualité.

1.1. La diversité des porteurs de risques

Le contrat d’assurance implique, par essence, l’existence d’un assureur, entendu comme le porteur du risque. Celui-ci est tenu, en contrepartie d’une prime ou cotisation, d’exécuter la prestation convenue en cas de survenance du sinistre garanti. La figure de l’assureur ne se limite cependant pas à une seule catégorie d’entité : elle recouvre, en droit français, une pluralité d’organismes, régis par des régimes distincts, eux-mêmes déterminés par le code sectoriel auquel ils se rattachent. Trois grandes catégories peuvent ainsi être distinguées : les sociétés d’assurance régies par le Code des assurances, les mutuelles relevant du Code de la mutualité, et les institutions de prévoyance, soumises au Code de la sécurité sociale.

a. Les sociétés d’assurance (Code des assurances)

Les sociétés d’assurance constituent historiquement le cœur du secteur assurantiel. Leur activité est encadrée par les dispositions du Livre III du Code des assurances, qui établit une typologie reposant à la fois sur leur forme juridique et sur leur mode de fonctionnement.

i. Les sociétés anonymes d’assurance

Ces entités à but lucratif, soumises au droit commun des sociétés commerciales (C. com., art. L. 225-1 et s.), sont les plus répandues sur le marché français. Elles opèrent toutes branches d’assurance (sous réserve de compatibilité entre elles) et doivent satisfaire aux exigences prudentielles définies par la réglementation Solvabilité II. Leur gouvernance est souvent duale (directoire et conseil de surveillance), bien que le modèle moniste subsiste. Leur agrément est délivré par l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), au vu de critères relatifs à leur solvabilité, à leur gouvernance et à leur spécialisation technique.

ii. Les sociétés d’assurance mutuelle (SAM)

Les SAM relèvent également du Code des assurances (art. L. 322-26-1 et s.), mais se distinguent par leur but non lucratif et par leur mode de fonctionnement mutualiste. Dépourvues de capital social, elles reposent sur une logique de solidarité entre sociétaires, lesquels sont à la fois assurés et membres de la structure. Les excédents réalisés ne sont pas distribués mais réaffectés au bénéfice des sociétaires, par exemple sous la forme de réduction des cotisations. Ces sociétés ne sont pas commerciales au sens du droit commun et échappent à ce titre à la compétence des tribunaux de commerce.

iii. Les sociétés européennes d’assurance

Introduites par le règlement (CE) n° 2157/2001 et transposées en droit français par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 (art. L. 322-5-1 C. assur.), ces sociétés permettent une harmonisation des activités d’assurance au sein du marché intérieur européen. Elles peuvent librement transférer leur siège social d’un État membre à un autre, sans dissolution, et constituent un levier d’intégration pour les grands groupes opérant à l’échelle de l’Union.

iv. Les formes groupées : SGAM et GAM

Le Code des assurances reconnaît également des formes plurales, telles que les sociétés de groupe d’assurance mutuelle (SGAM) (art. L. 322-1-2 C. assur.) et les groupements d’assurance mutuelle (GAM) (art. L. 322-1-5). Tandis que la SGAM, en tant que société faîtière, peut regrouper plusieurs entités mutualistes autour d’un pilotage stratégique sans exercer elle-même d’activité d’assurance, le GAM a un rôle plus modeste et non contraignant, consistant à coordonner les actions des membres tout en laissant à chacun la responsabilité de ses engagements.

b. Les mutuelles (Code de la mutualité)

Les mutuelles sont régies, quant à elles, par le Livre II du Code de la mutualité. À l’instar des SAM, elles sont à but non lucratif, mais s’en distinguent par un cadre juridique propre et une vocation plus exclusivement orientée vers la santé, la prévoyance ou la solidarité sociale.

Les mutuelles fonctionnent selon un modèle démocratique, où chaque membre dispose d’une voix à l’assemblée générale (C. mut., art. L. 114-1). Elles ne disposent pas de capital social, mais doivent constituer un fonds d’établissement pour couvrir les engagements initiaux (C. mut., art. L. 114-4). Leur gouvernance est organisée autour d’un conseil d’administration et d’un dirigeant opérationnel, ce dernier n’étant pas administrateur (art. L. 211-14 C. mut.).

Les mutuelles du Livre II peuvent exercer des opérations d’assurance, à l’exclusion de certaines branches techniques (v. art. L. 111-1 C. mut.). En revanche, celles relevant du Livre III (mutuelles de prévention ou à vocation médico-sociale) n’ont pas vocation à pratiquer des opérations d’assurance, leur objet étant centré sur la gestion de prestations sociales ou sanitaires.

Comme les sociétés d’assurance, les mutuelles peuvent se regrouper sous forme d’union mutualiste de groupe (UMG) ou d’union de groupe mutualiste (UGM), structures analogues à la SGAM et au GAM, respectivement. Ces entités assurent une coordination stratégique sans mise en commun de la mutualisation du risque (C. mut., art. L. 111-4-1 et L. 111-4-2).

c. Les institutions de prévoyance (Code de la sécurité sociale)

Les institutions de prévoyance constituent la troisième catégorie d’assureurs à part entière, bien qu’elles soient souvent perçues comme des opérateurs spécifiques. Leur régime est défini par le Livre IX du Code de la sécurité sociale, plus précisément par les articles L. 931-1 et suivants.

Les institutions de prévoyance sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif, créées pour couvrir les risques sociaux dans un cadre collectif. Elles sont administrées selon un modèle paritaire, associant des représentants des employeurs (membres adhérents) et des salariés (membres participants) (C. séc. soc., art. L. 931-1).

Leur activité est plus restreinte que celle des assureurs classiques. Elles ne peuvent intervenir que dans les branches suivantes : vie-décès, mariage-naissance, capitalisation, accidents, maladie, et perte d’emploi (art. L. 932-1 C. séc. soc.). Elles exercent leurs activités soit dans un cadre individuel, par adhésion directe d’un salarié, soit dans un cadre collectif, à adhésion facultative ou obligatoire.

Elles peuvent également se structurer en groupes prudentiels, autour d’une société de groupe assurantiel de protection sociale (SGAPS) (C. séc. soc., art. L. 931-2-2), ou en groupes non prudentiels, dénommés groupes assurantiels de protection sociale (GAPS) (art. L. 931-2-1). Des unions peuvent également être constituées pour mutualiser les engagements ou réassurer les opérations collectives.

1.2. Conditions d’intervention en France

L’accès au marché français de l’assurance est régi par un encadrement juridique exigeant. Il repose sur l’obtention préalable d’un agrément délivré par l’ACPR, auquel s’ajoutent des obligations étendues en matière de gouvernance, de comptabilité et de solvabilité. Ce régime combine les règles issues du droit national avec les prescriptions du droit européen, notamment celles de la directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009, dite « Solvabilité II », qui structure l’ensemble des exigences prudentielles applicables aux entreprises d’assurance.

a. Délivrance d’un agrément

En vertu de l’article L. 310-10 du Code des assurances, aucun organisme ne peut pratiquer des opérations d’assurance en France sans avoir obtenu un agrément délivré par l’ACPR. Cette mesure d’autorisation préalable vise à contrôler la capacité de l’entreprise à tenir ses engagements et à protéger les intérêts des assurés. L’agrément, individuel, porte sur une ou plusieurs branches d’assurance déterminées, dont certaines sont incompatibles entre elles. Il est interdit à un même organisme d’exercer à la fois dans les branches d’assurance de personnes et dans celles des assurances de dommages, sauf exceptions strictement encadrées (C. assur., art. L. 322-2-2).

La délivrance de l’agrément suppose l’examen de critères relatifs à la solidité financière, à la gouvernance et à la nature des opérations envisagées. Le non-respect de l’objet social ainsi agréé est susceptible d’entraîner tant des sanctions disciplinaires que des sanctions civiles, voire pénales, en cas d’exercice illicite de l’activité assurantielle.

Les assureurs établis dans un autre État membre de l’Espace économique européen bénéficient d’un passeport européen, leur permettant, sous réserve de notification préalable par l’autorité de leur État d’origine, d’exercer en France en libre prestation de services ou par le biais d’un établissement secondaire (succursale ou agence). Ce régime repose sur le principe de contrôle unique, la surveillance de l’activité demeurant en principe du ressort de l’État d’origine, sauf en cas d’urgence ou de manquement manifeste à la législation de l’État d’accueil.

b. Exigences de gouvernance

L’agrément n’est que le préalable à l’exercice effectif. L’entreprise agréée doit en outre satisfaire aux exigences d’organisation interne imposées par le pilier II de la directive Solvabilité II, transposée en droit français notamment aux articles L. 354-1 et suivants du Code des assurances. Elle doit ainsi mettre en place un système de gouvernance structuré autour de deux dispositifs principaux : un système de contrôle interne et un système de gestion des risques.

Ces dispositifs sont servis par des fonctions clés, soumises à des conditions d’honorabilité et de compétence contrôlées par l’ACPR : la gestion des risques, la vérification de la conformité, l’audit interne et l’actuariat. L’ensemble repose sur des politiques écrites et sur une séparation claire des responsabilités. En outre, le recours à des prestataires extérieurs dans le cadre de l’externalisation de certaines fonctions ou services fait l’objet d’un encadrement particulier lorsqu’il concerne des fonctions critiques ou importantes, notamment en matière de continuité d’activité ou de maîtrise des risques.

c. Exigences financières

Le cœur du dispositif prudentiel est constitué par l’exigence de disposer de fonds propres suffisants pour faire face aux risques. Le capital de solvabilité requis (CSR), calculé selon une formule standard ou un modèle interne validé par l’ACPR, vise à garantir la continuité d’exploitation à un an avec un niveau de confiance de 99,5 %. Il correspond donc à une valeur en risque de l’entreprise, tenant compte de l’ensemble de ses engagements futurs. Le minimum de capital requis (MCR), plus bas, marque quant à lui le seuil en deçà duquel l’activité de l’assureur devient intolérable, signalant un niveau de fonds propres équivalant à une probabilité de ruine de 15 % à un an.

Ces exigences doivent être couvrables par des fonds propres éligibles, classés en trois niveaux selon leur qualité et leur capacité d’absorption des pertes. Les fonds de base (tier 1) doivent représenter plus de la moitié du total des fonds admissibles.

S’agissant du régime comptable applicable aux assureurs en France, il s’articule autour de deux exigences : la tenue de comptes sociaux établis selon les normes comptables nationales, et, pour les entités concernées, la publication de comptes consolidés conformes aux normes IFRS (International Financial Reporting Standards), conformément au règlement CE n° 1606/2002.

Le bilan social doit notamment refléter les provisions techniques, c’est-à-dire les montants destinés à faire face aux engagements de l’assureur envers les assurés, qu’il s’agisse de provisions mathématiques en assurance-vie ou de provisions pour sinistres et pour primes en assurance non-vie. L’actif de l’entreprise doit représenter ces engagements à travers un actif dit représentatif ou excédentaire, dont la valorisation varie selon qu’il est amortissable ou non.

2. Le souscripteur

Le contrat d’assurance trouve sa source dans l’initiative du souscripteur, véritable pivot de l’engagement assurantiel. Partie originaire à l’accord, il en provoque la formation, en assume les obligations principales, et peut, selon les cas, agir pour son propre compte ou dans l’intérêt d’autrui. Sa qualité ne se confond ni avec celle de l’assuré, ni avec celle du bénéficiaire, même si ces fonctions peuvent coïncider. Comprendre son rôle implique donc d’en cerner les contours juridiques, tant en matière de souscription individuelle que dans le cadre plus complexe des assurances collectives.

a. La notion de souscripteur

Le souscripteur — parfois désigné par la terminologie européenne comme le preneur d’assurance — désigne  la personne physique ou morale qui conclut le contrat d’assurance avec l’assureur. Partie originaire à la convention, il est juridiquement celui qui manifeste le consentement nécessaire à la formation du contrat et sur lequel pèsent les obligations essentielles qui en découlent, au premier rang desquelles figurent le paiement de la prime et la déclaration exacte du risque, conformément aux prescriptions de l’article L. 113-2 du Code des assurances.

Cette qualité de souscripteur, centrale dans l’économie contractuelle, ne doit cependant pas être confondue avec celles — distinctes bien que fréquemment cumulées — d’assuré ou de bénéficiaire. Tandis que l’assuré est la personne sur la tête ou sur le patrimoine de laquelle repose le risque couvert, le bénéficiaire est, quant à lui, celui qui a vocation à percevoir la prestation de l’assureur en cas de réalisation du sinistre. Cette distinction, solidement ancrée dans la tradition doctrinale et régulièrement réaffirmée par la jurisprudence, permet d’appréhender avec rigueur la structure tripartite que peut revêtir la relation d’assurance, et d’éviter les amalgames sémantiques parfois induits par l’usage courant.

Dans les contrats d’assurance individuels, la figure du souscripteur est généralement celle de l’assuré lui-même : il agit pour son propre compte, supporte le risque et perçoit, le cas échéant, la prestation. Cette identité des qualités, fréquente, ne présente cependant aucun caractère nécessaire. Le souscripteur peut contracter dans l’intérêt d’un tiers — par exemple dans le cadre d’une assurance sur la tête d’autrui, ou d’une assurance pour compte. Dans cette dernière configuration, visée par l’article L. 112-1 du Code des assurances, le contrat est conclu par une personne qui, sans disposer d’un mandat exprès, agit pour le compte d’un individu déterminé. Ce tiers, selon les circonstances, sera lié au contrat en vertu des règles applicables au mandat apparent ou à la gestion d’affaires, à condition que la souscription lui soit utile ou qu’il en ait ratifié les effets. La jurisprudence a ainsi précisé que, dans ces hypothèses, le contractant apparent ne demeure qu’un intermédiaire, la personne véritablement engagée étant celle pour le compte de laquelle l’assurance a été souscrite, pourvu qu’elle ait été identifiée ou identifiable à la date de formation du contrat.

Dans les contrats d’assurance collectifs, le rôle du souscripteur prend une envergure plus institutionnelle. Il s’agit, le plus souvent, d’un employeur, d’une association ou d’un organisme professionnel, qui conclut une convention d’assurance de groupe auprès d’un assureur, en vue de la couverture d’un ensemble de personnes unies par un lien objectif, tel qu’un contrat de travail, l’adhésion à une structure associative, ou une relation contractuelle avec un établissement de crédit. Ce type d’opération, régi par les articles L. 141-1 et suivants du Code des assurances, donne naissance à une configuration tripartite, dans laquelle les adhérents — c’est-à-dire les membres du groupe éligibles à la garantie — accèdent à la qualité d’assuré (et parfois de bénéficiaire), selon des modalités d’adhésion variables.

La doctrine souligne que, dans cette configuration, le souscripteur exerce des fonctions multiples : il négocie la teneur du contrat avec l’assureur, fixe les conditions d’adhésion et assure un rôle de relais entre les adhérents et l’assureur. L’article L. 141-6 du Code des assurances instaure à cet égard une présomption de mandat au profit du souscripteur, lequel est réputé agir pour le compte de l’entreprise d’assurance à l’égard des adhérents. Cette présomption, instituée dans un souci de sécurité juridique, implique que les actes et documents émanant du souscripteur engagent l’assureur vis-à-vis des adhérents, sauf clause contraire expressément portée à la connaissance de ces derniers, conformément à l’article A. 141-6 du même Code.

L’adhésion au contrat collectif peut être soit obligatoire, soit facultative. Dans le premier cas — typiquement en matière de protection sociale complémentaire liée à l’emploi —, l’adhésion résulte automatiquement de l’appartenance au groupe, sans qu’un acte exprès ne soit requis. Elle peut alors s’analyser comme une stipulation pour autrui acceptée tacitement, conférant aux adhérents la qualité d’assurés sans intervention individuelle de leur part. Dans le second cas, l’adhésion repose sur une manifestation de volonté expresse de la personne concernée. Elle s’analyse alors comme une pollicitation, acceptée par l’assureur par l’émission d’un certificat d’adhésion. La relation ainsi formée entre l’adhérent et l’assureur constitue un véritable contrat individuel d’assurance, régi par les conditions générales et particulières négociées dans la convention-cadre. La doctrine hésite, dans cette configuration, entre une analyse en termes de promesse de contrat pour autrui — l’assureur s’engageant à proposer à chaque adhérent les garanties convenues — ou de stipulation classique, chaque adhésion valant contrat distinct une fois acceptée.

Ainsi, qu’il intervienne dans un cadre individuel ou collectif, le souscripteur est toujours celui qui, en sa qualité de cocontractant de l’assureur, déclenche la formation du lien contractuel et en supporte les principales charges. Mais il peut aussi, par un jeu de représentations ou de stipulations, s’effacer derrière d’autres figures — assuré ou bénéficiaire — dont les intérêts justifient la souscription de la garantie.

b. La capacité du souscripteur

La souscription d’un contrat d’assurance constitue, par essence, un acte juridique dont la validité suppose que son auteur soit doté de la capacité requise pour contracter. Cette exigence, d’apparence triviale, n’en recouvre pas moins une diversité de situations dont le traitement repose principalement sur les dispositions du droit commun, en particulier les articles 1145 et suivants du Code civil, mais se colore aussi des règles spécifiques tenant à la nature même du contrat d’assurance. En effet, selon qu’il s’agisse d’un contrat de dommages ou d’un contrat d’assurance-vie, la qualification juridique de l’acte – acte d’administration ou de disposition – influe directement sur le régime applicable.

i. Les mineurs non émancipés

Privé de la capacité d’exercice, le mineur non émancipé ne peut, en principe, souscrire lui-même un contrat d’assurance. La représentation par l’administrateur légal ou le tuteur s’impose. La distinction entre actes d’administration et actes de disposition, reprise par le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 (annexe 1), joue ici un rôle déterminant?: la souscription d’un contrat d’assurance de dommages – telle qu’une assurance habitation ou de responsabilité civile – relève de la catégorie des actes d’administration et peut donc être accomplie par les représentants légaux agissant seuls, sauf disposition contraire.

En revanche, la conclusion d’un contrat d’assurance-vie est qualifiée d’acte de disposition. Dès lors, elle requiert l’autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles, conformément à l’article 505 du Code civil. Le régime protecteur du mineur se double ainsi d’un contrôle juridictionnel lorsque la souscription emporte des conséquences patrimoniales substantielles.

Il n’en demeure pas moins que l’article 1148 du Code civil permet au mineur de conclure lui-même certains actes de la vie courante, à condition qu’ils soient conformes à l’usage et qu’ils interviennent à des conditions normales. Ce tempérament autorise, dans une certaine mesure, la souscription autonome d’assurances liées à des activités sportives ou scolaires. Toutefois, la validité d’un tel contrat demeure conditionnée à l’absence de lésion, laquelle, en matière d’assurance, est d’autant plus difficile à démontrer que le contrat repose sur un aléa (C. civ., art. 1305).

ii. Les majeurs protégés

La capacité du souscripteur fait également l’objet d’aménagements en présence d’une mesure de protection juridique. Le droit positif distingue selon le régime applicable – sauvegarde de justice, curatelle, tutelle ou habilitation familiale – chacun d’eux induisant des conséquences spécifiques.

  • Sous sauvegarde de justice, le majeur conserve la plénitude de sa capacité juridique. Toutefois, les actes accomplis peuvent être rescindés pour excès en vertu de l’article 435 du Code civil, si la souscription d’une assurance s’avérait manifestement inadaptée à sa situation patrimoniale. Ce risque est théoriquement limité par le caractère aléatoire du contrat d’assurance, qui rend la démonstration de la lésion complexe.
  • Sous curatelle, l’assistance du curateur est exigée pour les actes de disposition. Ainsi, la souscription d’une assurance-vie requiert son concours, conformément à l’article L. 132-4-1 du Code des assurances. En revanche, les contrats de dommages – qualifiés d’actes d’administration – peuvent être conclus par le majeur seul, sauf stipulation contraire ou circonstances particulières.
  • En tutelle, la logique de représentation s’impose de manière continue. Le tuteur est seul habilité à souscrire, y compris les contrats d’assurance de dommages. S’agissant de l’assurance-vie, l’article L. 132-4-1 du Code des assurances impose en outre l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille, tant pour la souscription que pour la désignation ou la modification du bénéficiaire.
  • Enfin, dans le cadre de l’habilitation familiale, instaurée par l’ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015, la capacité du majeur est maintenue, sous réserve des restrictions expressément prévues par la décision du juge. L’habilitation peut être générale ou limitée à certains actes, de sorte qu’une analyse casuistique s’impose au regard de la portée du mandat judiciaire (C. civ., art. 494-6 et s.).

iii. Les personnes mariées

Le droit des régimes matrimoniaux n’est pas sans incidence sur les règles de capacité. L’article 1421 du Code civil autorise chacun des époux à gérer seul les biens communs et, à ce titre, à souscrire un contrat d’assurance de dommages utile à la famille. Cette latitude n’est toutefois pas absolue?: dans l’hypothèse d’une assurance-vie souscrite au profit d’un tiers, le risque d’une requalification en donation de biens communs ne peut être écarté. Il convient alors d’apprécier si l’opération respecte les charges du mariage (C. civ., art. 223) ou si elle emporte une atteinte injustifiée au patrimoine commun, auquel cas l’article 1422 pourrait justifier l’exigence du consentement du conjoint.

En tout état de cause, la jurisprudence veille à ne pas restreindre indûment la liberté de chacun des époux de souscrire un contrat d’assurance-vie à titre personnel. L’attribution du capital à un tiers bénéficiaire est en principe considérée comme un droit propre, susceptible néanmoins d’être tempéré par le droit à récompense de la communauté si les primes ont été acquittées avec des deniers communs (Cass. 1re civ. , 31 mars 1992, n° 90-16.343).

iv. Les personnes morales

Enfin, les personnes morales ne jouissent que d’une capacité spéciale, limitée aux actes entrant dans leur objet statutaire ou y étant accessoires (C. civ., art. 1145, al. 2). La souscription d’un contrat d’assurance ne pose généralement pas difficulté, dès lors qu’elle vise à garantir des risques inhérents à l’activité de la structure – qu’il s’agisse de protéger ses biens, sa responsabilité ou ses ressources humaines.

L’acte est valablement accompli par le représentant légal, dont les pouvoirs sont présumés étendus vis-à-vis des tiers. Même lorsque les statuts comportent des limitations internes, celles-ci demeurent inopposables aux cocontractants de bonne foi, conformément au principe d’apparence et à la jurisprudence constante en matière de représentation des personnes morales.

c. La représentation du souscripteur

Le contrat d’assurance peut être valablement conclu par une personne agissant non pour son propre compte, mais au nom ou dans l’intérêt d’autrui. Deux mécanismes juridiques distincts permettent cette représentation du souscripteur : le mandat, d’une part, et la gestion d’affaires, d’autre part. Tous deux sont expressément visés à l’article L. 112-1, alinéa 1er, du Code des assurances, qui dispose que « l’assurance peut être contractée en vertu d’un mandat général ou spécial, ou sans mandat, pour le compte d’une personne déterminée ». Ce texte prévoit ainsi la possibilité d’une souscription indirecte.

Dans le cadre du mandat, la souscription est effectuée par un représentant dûment habilité. Le mandant, c’est-à-dire la personne pour le compte de laquelle l’assurance est contractée, est seul engagé dans les liens du contrat. Il en résulte qu’il est l’unique débiteur des primes (Cass. 1re civ., 18 juill. 1962) et qu’il bénéficie seul des prérogatives afférentes à la qualité de souscripteur (Cass. 1re civ., 27 déc. 1962). Le mandataire, en tant qu’intermédiaire, n’est pas partie au contrat — sauf à ce qu’il ait excédé les limites de son mandat ou qu’il ait omis de révéler sa qualité de représentant. En pareille hypothèse, sa responsabilité personnelle pourrait être engagée, notamment à l’égard de l’assureur.

Le gérant d’affaires, quant à lui, intervient sans mandat préalable, mais agit dans l’intérêt d’une personne déterminée. Ce mode de représentation spontanée, également reconnu par l’article L. 112-1 du Code des assurances et fondé sur les articles 1372 et suivants du Code civil, emporte des effets analogues au mandat, sous réserve de certaines spécificités. Le contrat d’assurance profite ici à celui que la jurisprudence qualifie de maître de l’affaire, dès lors que la gestion s’est avérée utile ou qu’elle a été ratifiée, fût-ce postérieurement à la survenance d’un sinistre (Cass. 1re civ., 13 juill. 1960). Le gérant d’affaires, tout comme le mandataire, n’est pas tenu personnellement des obligations issues du contrat, sauf s’il a manqué à ses devoirs ou s’il est lui-même à l’origine du sinistre.

Il convient de souligner que, dans ces hypothèses de représentation indirecte, la personne qui agit pour autrui doit clairement révéler sa qualité à l’assureur. À défaut, elle sera présumée avoir contracté en son nom propre, conformément aux règles de droit commun. La distinction entre représentation et souscription personnelle est, à cet égard, décisive, tant pour déterminer le débiteur des primes que pour identifier l’éventuel créancier de la prestation assurantielle.

Ces modes de représentation trouvent un écho particulier dans les assurances pour compte, lesquelles consistent à souscrire un contrat au profit d’un tiers, que ce tiers soit ou non déterminé au jour de la conclusion du contrat. La jurisprudence, tout comme la doctrine la plus autorisée, insiste sur la distinction à opérer entre la représentation, qui repose sur une délégation de volonté, et la stipulation pour autrui, qui ne crée pas un lien contractuel direct entre l’assureur et le bénéficiaire.

Ch. mixte, 09 janv. 2015, n° 13-310 : Perte de droits à la retraite, rente et revirement

Le donné. Le législateur a décidé que l’indemnisation des accidents de travail-maladies professionnelles (AT-MP) serait forfaitaire. Dont acte. Le juge, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation de même nature que celui du Parlement, veille. Rue Montpensier : « le plafonnement de l’indemnité destinée à compenser la perte de salaire résultant de l’incapacité n’institue pas une restriction disproportionnée aux droits des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle »[1]. Quai de l’Horloge : le seul fait pour la victime d’un risque professionnel de ne pas être éligible, en principe, à une réparation intégrale n’engendre pas de discrimination prohibée par la Convention européenne des droits de l’Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales[2]. L’affaire était décidément mal engagée.

En l’espèce, un salarié fait une chute de plusieurs mètres sur son lieu de travail. Le caractère professionnel de l’accident est reconnu par la caisse d’assurance-maladie. Six mois plus tard, le salarié victime est licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. Saisie, la Cour d’appel de Rennes retient la faute inexcusable de l’employeur, majore la rente allouée au taux maximum, mais déboute la victime de sa demande au titre de la perte de droits à la retraite.

Contrairement à l’analyse qui est faite par les juges du fond, l’auteur du pourvoi soutient en substance que ladite perte n’est pas un chef de dommage couvert par le livre IV du Code de la sécurité sociale, qu’elle peut donc faire l’objet d’une demande d’indemnisation complémentaire.

La question posée par le pourvoi est simple en apparence. Elle consiste à se demander ce que compense précisément la rente majorée à raison de la faute inexcusable de l’employeur. La réponse, qui est débattue en doctrine, est acquise en jurisprudence : la perte des droits à la retraite est nécessairement indemnisée par application du livre IV du Code de la sécurité sociale (principe) ; la perte subie ne saurait donner lieu, par voie de conséquence, à une réparation distincte (effet).

Le construit. Le principe de l’indemnisation est réaffirmé en l’espèce : « la perte de droits à la retraite est couverte par la rente majorée ». Et la Cour de cassation de préciser que ladite rente répare « notamment les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation ». Cette solution est acquise en jurisprudence depuis près de cinq ans[3].

Ceci étant rappelé, le sens de l’arrêt ne s’impose pas d’emblée au lecteur. C’est qu’on n’y trouve pas affirmé que la rente majorée indemnise la perte des droits à la retraite. La solution ne surprend pourtant pas. On la doit à la nomenclature des préjudices corporels[4] à laquelle la chambre mixte renvoie par prétérition. La définition de l’incidence professionnelle doit retenir l’attention. Ce chef de préjudice patrimonial à caractère définitif a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, en l’occurrence la perte de retraite. Ceci posé, la Cour de cassation aurait été bien imprudente de s’aventurer à retenir une définition originale de la rente.

L’indemnisation de tous les retentissements de l’accident du travail imputables à la faute inexcusable de l’employeur a été rendue possible par une décision du Conseil constitutionnel. Il faut bien voir que jusqu’à la décision précitée du 18 juin 2010, cette faute qualifiée autorisait certes le salarié victime à demander la majoration de sa rente et la compensation de quelques autres postes de préjudice, mais c’était tout. On doit au Conseil d’avoir écarté le caractère limitatif de la liste des chefs de dommage réparables (cons. 18). La Cour de cassation s’est appliquée à le redire[5]. Il restait encore à s’entendre sur ce que sont « des dommages non couverts » par le droit des risques professionnels et, par voie de conséquence, à déterminer l’étendue de la réparation.

Par faveur pour le salarié victime, il aurait pu être considéré que tous les dommages non totalement couverts pouvaient être compensés. Cette interprétation aurait fondé la victime à échapper, par la bande en quelque sorte, à l’indemnisation forfaitaire. Saisie de la question, la deuxième Chambre civile avait refusé de franchir le Rubicon[6]. Elle est à présent confortée dans son analyse par l’arrêt rendu en chambre mixte : l’indemnisation ne saurait jamais être intégrale, à tout le moins pas à l’initiative du juge. La perte des droits à la retraite subie par le salarié victime étant indemnisée à raison de l’allocation d’une rente, elle ne saurait donner lieu à une réparation distincte. En disant cela, la Cour de cassation se conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à la volonté du législateur.

Les effets d’une pareille indemnisation sont notables. Le licenciement pour inaptitude et l’impossibilité de reclassement sont relégués au second plan en l’espèce. Il n’en a pas toujours été ainsi.

La Chambre sociale de la Cour de cassation décide, dans un arrêt du 26 octobre 2011, que le salarié a le droit de demander à la juridiction prud’homale une indemnité réparant la perte des droits à la retraite[7], et ce toutes les fois que le licenciement est prononcé en raison d’une inaptitude consécutive à un accident du travail jugé imputable à une faute inexcusable de l’employeur. Le renvoi devant une chambre mixte s’imposait.

Désireuse manifestement de conjurer le mauvais sort que le droit des risques professionnels continue de réserver au salarié victime, la Chambre sociale offrait à cette dernière la possibilité de demander la compensation de chefs de préjudice singuliers jugés alors (en opportunité) irréductibles à la perte des gains professionnels ou à l’incidence professionnelle. En se prononçant de la sorte, le juge était sur sa ligne. Pour mémoire, il décidait, dans le courant de l’année 2006 : « lorsqu’un salarié a été licencié en raison d’une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle qui a été jugée imputable à une faute inexcusable de l’employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de son emploi due à cette faute de l’employeur ». Et d’ajouter « que les juges du fond apprécient souverainement les éléments à prendre en compte pour fixer le montant de cette indemnisation à laquelle ne fait pas obstacle la réparation spécifique afférente à la maladie professionnelle ayant pour origine la faute inexcusable de l’employeur »[8].

L’arrêt sous étude met un terme à cette jurisprudence. Alors que le pourvoi ne l’y invitait pas, la chambre mixte de la Cour de cassation décide que la perte des droits à la retraite est couverte de manière forfaitaire par la rente majorée, quand bien même serait-elle consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude. Autant dire que la jurisprudence indemnisant la perte d’emploi consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle risque, par voie de conséquence, de vaciller. L’attention est de mise.


  1. Cons. const., 18 juin 2010, n° 2010-8 QPC, consid. 17. ?
  2. Cass. 2e civ., 11 juill. 2013, n° 12-15402. ?
  3. Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 07-21768 – Cass. 2e civ., 28 févr. 2013, n° 11-21015. ?
  4. Colloque, « Autour de la nomenclature des préjudices corporels. Hommage au président Dintilhac », et not. notre article « Les préjudices professionnels » : Gaz. Pal. 27 déc. 2014, p. 32, n° 203f0. ?
  5. Cass. 2e civ., 30 juin 2011, n° 10-19475. Contra : Cass. soc., 16 nov. 1988, n° 87-12800. ?
  6. Cass. 2e civ., 4 avr. 2012, nos 11-18014, 11-15393, 11-14311, 11-12299. ?
  7. Cass. soc., 26 oct. 2011, n° 10-20991. ?
  8. Cass. soc., 17 mai 2006, n° 04-47455. V. égal. en ce sens, Cass. soc., 26 janv. 2011, n° 09-41342, inédit – Cass. soc., 23 sept. 2014, n° 13-17212. ?

(Article publié in Gazette du palais, 5-7 juill. 2015)

Civ. 2, 9 janv. 2025, n° 23-18.592 : Contentieux de la sécurité sociale et compétences respectives du juge judiciaire et du juge administratif

Les litiges nés de l’application du droit de la sécurité sociale relèvent en principe de la compétence exclusives des juridictions judiciaires. Lorsque, toutefois, la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative (excès de pouvoir de l’administration excipé par le demandeur), le juge judiciaire initialement saisi sursoit à statuer et la transmet à la juridiction administrative compétente.

En l’espèce, une aide-soignante stagiaire en centre hospitalier est victime d’un accident reconnu imputable au service. Après que la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales l’a déclarée dans l’impossibilité de reprendre ses fonctions, l’intéressée est licenciée. Une rente d’invalidité lui est allouée en application de l’article 6 du décret n° 77-812 du 13 juillet 1977 relatif au régime de sécurité sociale des agents stagiaires des départements, des communes et de leurs établissements n’ayant pas le caractère industriel et commercial (v. art. L. 6141-1, al. 2 c. santé publ.). Mais une erreur est commise par le centre hospitalier, qui affecte l’assiette de calcul des droits pécuniaires de la victime. La restitution d’un indu de rente est demandée. L’accipiens conteste devant le juge judiciaire la légalité de l’acte administratif portant notification de l’indu et remboursement du trop-perçu.

Saisie, la Cour d’appel de Grenoble déclare irrecevable la demande en annulation pour irrégularité formelle de la décision administrative. La cour d’appel de considérer que la notification litigieuse constituant précisément un acte administratif faisant grief, il revenait au seul juge administratif de se prononcer.

L’occasion est donnée à la Cour de cassation de préciser à nouveau le pouvoir des juges spécialement désignés pour connaître du contentieux de la sécurité sociale et d’indiquer, en négatif, la compétence résiduelle du tribunal administratif.

L’articulation fine des textes applicables à la cause est un exercice qui n’est pas évident. L’arrêt en témoigne. Tandis que la loi des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire (art. 13) et le décret du 16 fructidor an III (2 septembre 1975) interdisent au juge judiciaire d’intervenir dans les affaires de l’administration, l’article L. 142-8, 1° du Code de la sécurité sociale dispose que le juge judicaire connaît des contestations relatives au contentieux de la sécurité, lequel contentieux comprend entre autres les litiges relatifs à l’application du droit de la sécurité sociale (L. 142-1, 1° c. sécu. soc.) en l’occurrence ceux qui intéressent les modalités de calcul de la rente.

La Cour de cassation prend soin de bien rappeler la solution qui s’infère de l’application des textes sous étude (cons. n° 5) et de relever l’erreur qui a été commise par les juges du fond et très vraisemblablement par les parties à la cause (confère le moyen relevé d’office dans le cas particulier) quant à la compétence matérielle du pôle social (A. Bugada, De la difficulté de systématiser la compétence matérielle des pôles sociaux, JCP S. 2021.1120).

Le nombre de personnes concernées par ladite erreur donne à penser que la chose n’allait manifestement pas de soi. D’abord, le code de la justice administrative, qui a pu être consulté pour les besoins de la cause, dispose dans un article L. 311-1 que : « Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort, juges de droit commun du contentieux administratif, sous réserve des compétences que l’objet du litige ou l’intérêt d’une bonne administration de la justice conduisent à attribuer à une autre juridiction administrative » (c’est nous qui soulignons). En l’espèce, la restitution de l’indu est refusée par un demandeur qui excipe un excès de pouvoir de l’administration tiré d’un vice de procédure et de forme (CE, 5 mai 1944, Veuve Trompier-Gravier et CE Ass. 23 déc. 2011, Danthony et autres. J.-F. Lachaume et alii, Droit administratif. Les grandes décisions de la jurisprudence, 19e éd., Puf, 2023, pp. 692 et s.). Dans de telles conditions, une déclaration d’irrecevabilité de la demande était à craindre dans le chef du juge judiciaire du fond. Ensuite, le Cour de cassation fait sienne une décision du Tribunal des conflits du 20 février 2008 (n° 08-03.649 publié au bulletin. V. not. Th. Tauran, La jurisprudence du Tribunal des conflits et le contentieux de la sécurité sociale, RDSS 2014.720), dont elle reprend la quasi-totalité des termes à son compte. Seulement voilà, le tribunal des conflits règle en première intention un problème de compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale non pas celui de la compétence des juridictions administrative et judiciaire à proprement parler, ce qui a pu interroger. Quant à la suite de la décision, le contentieux sous étude est bien attribué aux juridictions de l’ordre judiciaire, mais un chef de compétence résiduel du juge administratif est réservé (qui connaît des litiges nés du service des prestations inhérentes au statut des agents), ce qui ne facilite pas la compréhension de la résolution du conflit de compétences.

L’arrêt commenté a le mérite de préciser le sens des textes et la jurisprudence applicables à la cause. La voie intermédiaire qui a été choisie dans le cas particulier se recommande d’un principe de bonne administration de la justice pendant qu’elle tire toutes les conséquences de l’attribution de compétence du contentieux né de l’application des règles idoines – à savoir celles qui forment le livre 4 du Code de la sécurité sociale – aux termes desquelles des droits ont été ouverts à la victime.

« Lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative », au sens de l’article L. 311-1 plus précisément. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle. C’est ce qui est attendu de la cour d’appel de renvoi (Lyon).

Il sera précisé pour terminer que la difficulté dont il est question ne peut avoir pour objet qu’une décision de caractère individuelle se rapportant exclusivement aux règles formant le droit de la sécurité sociale. Car le contentieux des actes réglementaires reste quant à lui de la compétence des tribunaux administratifs (T. confll., 22 avr. 1974, Dame Léotier et Blancher – 2 mars 1977, Confédération nationale du crédit mutuel, Lebon 668. V. not. M. Borgetto et R. Lafore, Droit de la sécurité sociale, 20e éd., Dalloz, 2024, n° 1115).

(Article publié in Dalloz actualité 22 janv. 2025)

Civ. 2, 09 janv. 2025, n° 22-21.030 : Police de la facturation/tarification des professionnels de santé et modalités de la sanction

La police de la facturation et de la tarification de l’activité des professionnels de santé est une éminente responsabilité des organismes de sécurité sociale d’autant plus grande que l’augmentation de la dette sociale ne parvient pas à être réfrénée. Cela étant, et nonobstant les enjeux bien compris en termes d’économie de la santé et de lutte contre la fraude sociale, le prononcé de sanctions administratives financières ne saurait autoriser qu’on se passât d’un formalisme de protection des professionnels mis en cause.

En l’espèce, après qu’une infirmière libérale a fait l’objet d’un contrôle de son activité professionnelle, une violation des règles de facturation ou de tarification est découverte par les agents de la caisse. L’arrêt ne révèlent rien de plus précis à ce sujet. En pratique, il peut s’agir de facturation de prestations non réalisées, du non-respect des tarifs opposables, de la multiplication d’actes techniques par exemple. En droit, ces faits peuvent résulter d’une simple faute ; ils peuvent tout aussi bien être constitutifs d’une fraude sociale (art. L. 114-16-2 c. sécu. soc.). C’est la raison pour laquelle, le code renferme une gradation des mesures administratives, qui vont de l’avertissement aux pénalités financières (art. L. 114-7-1 c. sécu. soc.) jusqu’à l’annulation en tout ou partie de la participation de l’assurance maladie au financement des cotisations sociales patronales du professionnel de santé concerné (art. L. 114-17-1-1 c. sécu. soc.). Dans le cas particulier, une demande en restitution de l’indu est signifiée par l’organisme de sécurité sociale et un avertissement est prononcé dans la foulée. L’intéressée conteste cette dernière sanction. Il s’avère que si les faits reprochés ont été notifiés conformément à la loi et si la professionnelle de santé a pu formuler des observations écrites circonstanciées en réponse, la caisse a refusé de faire droit à une demande d’entretien contradictoire préalablement au prononcé de la sanction envisagée.

La question est donc posée de savoir si cette dernière formalité est prescrite ou non à peine de nullité de la procédure.

Saisie, la Cour d’appel de Rennes répond par la négative et rejette le recours formé par la professionnelle de santé. La cour considère que le directeur de la caisse n’avait aucune obligation de faire droit à cette demande dans la mesure où des observations écrites ont été communiquées par l’intéressée. Au surplus, la cour d’appel fait observer que le demandeur a pu répondre aux conclusions de la caisse pendant le procès. Le principe du contradictoire et les droits de la défense auraient donc été respectés.

La cassation est prononcée. Chose plutôt rare, la Cour de cassation considère que l’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie qu’il soit statué au fond (attendu n° 9) : l’avertissement litigieux est en conséquence annulé et la caisse est condamnée aux entiers dépens.

En désaccord avec le tribunal judiciaire de Quimper, dont le jugement a été confirmé en appel, la Cour de cassation considère que le droit du professionnel de santé à être entendu, préalablement au prononcé de la sanction envisagée contre lui, constitue une formalité substantielle, dont l’inobservation entraîne la nullité de la procédure de sanction nonobstant la formulation d’observations en défense.

L’application de l’article R. 147-2, I, al. 1 du code de la sécurité sociale est à l’origine du litige. La règle est la suivante : « la notification (du directeur de la caisse) précise les faits reprochés et le montant de la pénalité encourue et indique à la personne mise en cause qu’elle dispose d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour demander à être entendue, si elle le souhaite, ou pour présenter des observations écrites ». Faute pour le législateur de s’être appliqué à prescrire la nature de ces formalités et la sanction de leur inobservation, il revient donc au juge de se prononcer.

L’emploi d’une conjonction de coordination donne à penser qu’il est suffisant que l’une ou l’autre des modalités de contestation de la notification ait été satisfaite pour que la procédure de sanction puisse valablement prospérer. L’important semble bien que le professionnel de santé ait été en mesure de se défendre, peu important la forme en définitive.

Par le passé, la Cour de cassation a eu l’occasion de dire que le droit de la personne mise en cause d’être entendue était une formalité substantielle (Civ.2, 29 nov. 2018, JCP S. 2018.1421, note X. Aumeran). Il semblait ici que la réglementation telle que précisée par la Cour de cassation avait été bien appliquée : notification, observations, appréciation, sanction.

Il n’en est rien pourtant. A partir du moment où un professionnel de santé mis en cause demande à être entendu, il doit l’être à peine de nullité de la procédure de sanction engagée à son encontre.

En première réaction, l’on pourrait être tenté de se demander à quoi bon ajouter au formalisme et contraindre la caisse à supporter des coûts environnés supplémentaires aux fins de lutte contre l’inobservance des règles de facturation ou de tarification, lesquels coûts de fonctionnement viennent inévitablement en réduction de la capacité des organismes de sécurité sociale à couvrir les risques et charges de l’existence ? Les faits sont têtus : le professionnel de santé a été constitué en faute par les agents chargés du contrôle, qui ont nécessairement procédé aux vérifications idoines (art. L. 114-10-3 c. sécu. soc.). L’organisme a pris soin dans la foulée de notifier les griefs et de recueillir les observations. On ne voit spontanément pas ce qu’une audition pourrait apporter à la défense.

Le grand public est plus averti de la fraude aux prestations ou bien encore aux cotisations sociales. Il est moins informé des fautes commises par les professionnels de santé voire des fraudes à la tarification ou à la facturation. Un rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale, publié en 2024, renseigne que la fraude des professionnels de santé représente 10 % d’une fraude évaluée en termes de manque à gagner à environ 13 milliards d’euros (Lutte contre la fraude sociale. Etat des lieux et enjeux, pp. 15, 77, 79). On aurait pu s’attendre dans ces conditions, au vu des enjeux en termes de couverture du risque maladie, dans le contexte d’une dette sociale de plus de 280 milliards d’euros (à titre de comparaison, la dernière publication de l’INSEE en date du 27 septembre 2024 renseigne une dette publique qui s’établit à 3 228 milliards d’euros, https://www.insee.fr/fr/statistiques/8260877), que l’aptitude des organismes de sécurité sociale à faire la police de la facturation et de la tarification soit sinon facilitée à tout le moins ne soit pas compliquée.

Ceci étant dit, il faut avoir à l’esprit que le professionnel de santé peut encourir sur le fondement des dispositions critiquée une sanction à caractère de punition, dont le quantum est déterminé en fonction de la gravité de l’infraction commise (art. L. 114-17-1, III et IV c. sécu. soc. V. par ex. Civ. 2, 22 juin 2023, n° 21-21.475, inédit). Il est donc question de répression administrative ou de droit social répressif. A ce titre, la lutte contre la fraude sociale ne saurait jamais se départir des règles fondamentales qui garantissent le droit que tout un chacun a à ce que sa cause soit entendue aux fins de contestation de la régularité de la procédure de sanction (Civ. 2, 10 mars 2016, n° 15-12.970 et n° 15-12.971, publié au Bulletin). L’infraction est certes grave en ce qu’elle porte atteinte à l’économie du système de protection sociale et à la confiance légitime des usagers du système de santé dans l’usage que font les ordonnateurs de la dépense des ressources de la Nation. Mais la personne mise en cause a simplement demandé à être entendue pour s’expliquer plus avant afin de prouver sa bonne foi.

Dans un Etat au service d’une société de confiance, qui prône le droit à l’erreur (loi n° 2018-727 du 10 août 2018, ESSOC), il est entendable qu’un administré soit invité par la caisse à s’expliquer par écrit – on le savait – et à l’oral s’il le souhaite au surplus – on vient de l’apprendre. C’est au reste, et plus fondamentalement, l’application des principes les mieux acquis du droit de la procédure pénale à savoir le respect du principe du contradictoire (art. 410 c. pén.) et le respect des droits de la défense. En refusant à la professionnelle de santé d’être entendue, c’est également son avocat dont le ministère est bridé. La capillarité du droit pénal était trop forte ; la cassation était fort probable en conséquence (Crim., 19 févr. 2003, n° 01-88.361).

La faute reprochée à l’auteur de la saisine ne l’a pas rendue justiciable de poursuites pénales au sens de l’article L. 114-9, al. 4 du code de la sécurité sociale, qui sont encourue en sus des pénalités financières (art. L. 114-16-1, II, 1er c. sécu. soc. V. égal. sur la composition évolutive de la commission des pénalités en fonction des personnes mises en cause : art. L. 114-17-2, II). Se pourvoir en cassation pour un « vulgaire » avertissement dit beaucoup plus qu’on ne le pense par voie de conséquence. La professionnelle de santé n’a pas simplement cherché à échapper à la sanction la plus faible qui puisse être prononcée à son encontre. Elle a fait de la reconnaissance de sa bonne foi et de l’impérieuse nécessité qu’elle puisse s’expliquer en personne et être défendue par un avocat une question de principe. La cassation sans renvoi est assez révélatrice à cet égard du sentiment de la cour régulatrice dans cette affaire.

(Article publié in Dalloz actualité 24 janv. 2025)

Cour EDH, 12 janv. 2017, req. n° 74734/14, Saumier c./ France : Risques professionnels et conventionnalité de la réparation forfaitaire

Résumé.

L’arrêt rendu le 12 janvier 2017 par la Cour européenne des droits de l’Homme a trait à l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. À l’unanimité, la Cour dit que le régime juridique (français) dédié, qui est exclusif d’une réparation intégrale, peu important la faute inexcusable commise par l’employeur, n’est pas constitutif d’une violation de la Convention européenne des droits de l’Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales. L’exception de non-conventionnalité des articles L. 451-1, L. 452-1 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale est inopérante. Il n’y a donc pas discrimination.

Commentaire.

Alors qu’elle travaille pour un laboratoire, une salariée est exposée à du bioxyde de manganèse. Le contact avec l’agent chimique s’avère être des plus dommageables. L’intéressée contracte la maladie de Parkinson et doit cesser toute activité professionnelle. Son handicap est tel que l’assistance d’une tierce personne permanente s’impose.

Saisi, un tribunal des affaires de sécurité sociale reconnaît le caractère professionnel de la maladie. Dans la foulée, les organismes de sécurité sociale considèrent que la victime est définitivement inapte au travail. Saisie de nouvelles demandes, la juridiction sociale reconnaît la faute inexcusable de l’employeur et condamne ce dernier, dans le droit fil des jurisprudences respectives du Conseil constitutionnel (1) et de la Cour de cassation (2), à indemniser la victime de tous ses chefs de préjudices corporels tant patrimoniaux qu’extra-patrimoniaux. Et le juge de dire à la caisse, qui résistait du reste à la demande de l’assuré social, d’en faire l’avance.

Quatre ans de procédure auront été nécessaires en l’espèce pour que le droit soit dit et la salariée-victime remplie de ses droits. Le combat judiciaire est pourtant continué des années durant. Tour à tour ont été saisies une cour d’appel (CA Paris, 4 avr. 2013), la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 28 mai 2014, n° 13-18509, D) et la Cour européenne des droits de l’Homme dans le cas particulier. C’est que la demanderesse, qui certes a été indemnisée, n’a pas été complètement replacée dans la situation qui aurait été la sienne si l’acte dommageable ne s’était pas produit, à tout le moins ne l’a-t-elle pas été au vu des règles qui président d’ordinaire à la compensation du dommage corporel. Privée en l’occurrence de l’espérance légitime d’une créance de réparation intégrale, la salariée dénonce la double peine dont elle est le siège. Non seulement elle subit les conséquences préjudiciables de la faute inexcusable commise par l’employeur, mais elle considère de surcroît, à raison du caractère forfaitaire de la réparation allouée, qu’elle est discriminée au sens de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme combiné avec l’article 1er du Protocole n° 1.

Les règles en conflit. En droit civil de la responsabilité, l’étendue de la réparation est gouvernée par un principe d’équivalence entre la réparation et le dommage. En droit des risques professionnels, la règle est différente. En principe, la victime n’est pas fondée à obtenir la réparation intégrale des chefs de dommages subis (3). Au mieux, elle peut espérer (tous chefs de préjudices confondus) une majoration des dommages et intérêts compensatoires, peu important la forme qu’ils prennent. C’est dire qu’il est organisé en droit positif français, en toute connaissance de cause, des disparités de traitement entre les victimes atteintes dans leur intégrité physique en général et les salariés victimes de dommages corporels en particulier.

La constitutionnalité des règles. La question a été posée de savoir si les articles L. 451-1, L. 452-1 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ne portaient pas atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit (4). Le Conseil constitutionnel a répondu par la négative (v. supra). Mais ce dernier d’assortir le brevet de constitutionnalité d’une franche réserve d’interprétation, à savoir qu’« en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de [l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale] ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale » (cons. 18).

La doctrine de la Cour de cassation et les règles. La notion de « dommages non couverts par le livre IV » donna matière à hésitations. Fallait-il comprendre « dommages non couverts intégralement » ou bien « dommages non couverts tout court » tout court par l’une quelconque des dispositions du livre IV du Code de la sécurité sociale ? La Cour de cassation choisissait cette dernière interprétation (v. supra). Ce faisant, elle empêchait les salariés-victimes de demander une indemnisation complémentaire des chefs de préjudices forfaitairement indemnisés sur le fondement des articles L. 451-1 et suivants du Code de la sécurité sociale. Et la Cour de cassation de considérer, dans la droite ligne de sa jurisprudence, que les règles applicables à la cause n’engendrent ni une atteinte aux biens, ni une discrimination prohibée par les articles 14 de la Convention et 1er du Protocole additionnel n° 1 à ladite convention du seul fait que la victime ne peut obtenir une réparation intégrale de son préjudice (5).

Le brevet de constitutionnalité des dispositions critiquées n’étant toutefois pas des plus fermes (6), il y avait après tout matière à interroger le juge de Strasbourg quant à la conventionnalité du régime d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. C’est chose faite à présent. À l’analyse, la réponse apportée convainc peu.

La conventionnalité des règles. La Cour européenne des droits de l’Homme rappelle que, pour qu’un problème se pose au regard de l’article 14 de la Convention (combiné avec l’article 1 du Protocole n° 1), il doit y avoir une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables (§ 51 et 66). Ceci fait, le juge européen suit le Gouvernement lorsqu’il soutient que les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles sont dans une situation différente de celle des autres victimes. Sur cette pente, il est considéré, dans la mesure où le salarié est dans un lien de subordination juridique avec l’employeur, que la survenance d’accidents et de maladies dans le cadre de l’exécution du travail constitue un risque particulier (§ 33, 60 et s.). Soit. L’ennuyant c’est qu’il n’a jamais été discuté du fait qu’en raison de sa qualité particulière de travailleur dépendant, la victime était soumise à des règles spéciales.

Valeur de la conventionnalité des règles. Pour le dire autrement, la requérante ne conteste pas, à tout le moins pas à proprement parler, l’existence d’un régime spécial d’indemnisation sans faute des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle défend seulement qu’elle ne saurait être valablement privée de la réparation intégrale de chacun de ses chefs de préjudices alors qu’elle est victime d’un fait dommageable inexcusable.

Ceci pour dire que la conventionnalité des dispositions critiquées, tirée de la nature contractuelle des relations entretenues avec l’employeur, ne saurait emporter la conviction par faute d’être spécieuse. À raison précisément du contrat de travail, l’intensité juridique de l’obligation de sécurité de l’employeur est des plus vigoureuses. Le Code du travail est en ce sens. Son article L. 4121-1, al. 1er oblige l’employeur à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Qu’un manque de diligence (i.e. une faute simple) soit reproché est une chose, qu’une faute inexcusable soit reconnue en est une autre. Du reste, contrairement à ce qui est soutenu par le Gouvernement et affirmé par la Cour EDH, le régime d’indemnisation d’une faute dommageable inexcusable n’est certainement pas enviable. On rappellera que la charge probatoire de la victime n’est pas réduite à la portion congrue. Il y a manifestement une erreur d’appréciation qui a été commise. La reconnaissance d’une faute inexcusable n’ayant en principe rien de systématique (v. toutefois C. trav., art. L. 4131-4), il est erroné de soutenir en l’espèce, et cela à plusieurs reprises, que « les dispositions [critiquées] garantissent l’automaticité, la rapidité et la sécurité de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles » (v. par ex. § 16).

Portée de la conventionnalité des règles. Les juges français et européens sont manifestement confrontés à la limite de leur saisine. Au fond, c’est de la grave question des séparations du pouvoir dont il est question. Ce n’est pas à dire que des efforts n’ont pas été faits par le juge pour majorer le quantum des indemnités (7). Ce n’est pas à dire non plus que des demandes itératives n’ont pasété faites tous azimuts par la doctrine dans le dessein d’assurer la réparation intégrale des victimes du travail en cas de faute inexcusable de l’employeur (8). Rien n’y fait pourtant : le Parlement français refuse en conscience de légiférer sur la question et d’étendre le domaine d’application du principe de la réparation intégrale. Et aussi puissant qu’il puisse être, le juge n’a certainement pas le pouvoir de heurter frontalement la volonté de la Représentation nationale ni de s’y substituer.

Puisse alors la proposition présentée par le député Warsmann sur le sujet, qui a été enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2016 (n° 4098), se révéler plus fructueuse que les quelques autres faites par le passé… « Tout a [peut-être] été dit, mais comme personne n’écoute, il faut toujours répéter » (A. Gide)…


1.- Cons. const., 18 juin 2010, n° 2010-8 QPC, cons. 18.

2.- Cass. 2e civ., 4 avr. 2012, nos 11-15393, 11-18014, 11-12299 et 11-14311 : D. 2012, p. 1098, note Porchy-Simon S., et D. 2013, p. 40, obs. Brun P. ; Dr. soc. 2012, p. 839, note Hocquet-Berg S. ; RTD civ. 2012, p. 539, obs. Jourdain P. – V. pour un rappel exprès et didactique : Cass. 2e civ., 19 sept. 2013, n° 12-18074.

3.- V. toutefois l’article L. 452-5 ; voir bien plutôt l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 déc. 2000 de financement de la Sécurité sociale pour 2001 qui alloue une réparation intégrale aux victimes de l’amiante.

4.- À savoir, entre autres moyens, au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques énoncé aux articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ainsi qu’au principe de responsabilité, qui découle de son article 4.

4.- Cass. 2e civ., 11 juill. 2013, n° 12-15402 : Bull. civ. II, n° 158 – Cass. 2e civ., 28 mai 2014, n° 13-18509, D – Cass. 2e civ., 21 janv. 2016, n° 15-10536, D.

6.- V. égal. en ce sens : Porchy-Simon S., « L’indemnisation des préjudices des victimes de faute inexcusable à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 : réelle avancée ou espoir déçu ? », D. 2011, p. 459.

7.- V. not en ce sens notre article, « Du droit des risques professionnels, panorama », RLDC 2014/3, p. 19 et s. – Contra Cass. ch. mixte, 9 janv. 2015, n° 13-12310 : Lexbase janv. 2015, note Bourdoiseau J. (perte de droits à la retraite, rente et revirement) – Cass. soc., 06 oct. 2015, n° 13-26052 : Lexbase oct. 2015 (perte de salaire, rente et revirement – suite et fin), note Bourdoiseau J.

8.- V. notre article, op. cit. ; v. égal. Coulon C., « Indemnisation des victimes d’une faute inexcusable de l’employeur : le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation enfin entendus ? », Resp. civ. et assur. 2017, veille n° 2.

(Article publié in Gazette du palais mars 2017)

Civ. 2, 10 mars 2016, n° 15-16.312 : Affiliation obligatoire au régime social des indépendants et droit de l’Union européenne

Résumé. Le régime social des indépendants n’a de cesse de faire couler l’encre de ses détracteurs. Priée d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne sur la question de savoir si le monopole accordé aux régimes obligatoires de la Sécurité sociale française est compatible avec le principe de la liberté de s’assurer auprès de l’assureur de son choix et le principe de concurrence en matière d’assurance, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation considère qu’il ne saurait y avoir lieu à saisine préjudicielle.

Sens. En l’espèce, le gérant d’une société demande à la Caisse nationale du régime social des indépendants sa radiation en raison de la souscription d’une assurance maladie auprès d’un organisme privé ayant son siège en Grande-Bretagne. La Caisse la lui refuse et lui décerne dans la foulée deux contraintes. Saisie, la cour d’appel de Colmar ne fait pas droit à sa demande. Et la Cour de cassation de dire qu’il n’y a pas lieu à saisine préjudicielle. Pour mémoire, rappelle la deuxième chambre civile, « si l’article 267 du TFUE rend obligatoire le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n’est pas susceptible d’un recours juridictionnel en droit interne, cette obligation disparaît quand la question soulevée est matériellement identique à une question ayant déjà fait l’objet d’une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue ». Or, dans le cas particulier, la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie d’une question identique tranchée par arrêt du 26 mars 1996 (aff. n° C-238/94). En l’occurrence, le juge luxembourgeois considère que « (…) des régimes de sécurité sociale qui sont fondés sur le principe de solidarité exigent que l’affiliation à ces régimes soit obligatoire, afin de garantir l’application du principe de solidarité ainsi que l’équilibre financier desdits régimes (…) ». C’est de la survie des régimes qui est en cause, ajoutera la Cour de justice. En bref, l’affiliation obligatoire n’est contraire ni aux dispositions du Traité (1), ni à celles de la directive n° 92/49/CEE du 18 juin 1992 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie (2).

Valeur. Cela fait plus de vingt ans que la Cour de justice se prononce en ce sens. Il semble donc que sa jurisprudence ne soit toujours pas reçue. La Cour de cassation, qui n’a pas souhaité publier cet arrêt, aurait peut-être gagné à expliciter sa décision et à la diffuser largement (3). C’est que ce contentieux s’inscrit dans une critique systématique du dispositif qui a été faite par « Liberté sociale » et le « Mouvement pour la liberté de la protection sociale », entre autres. Leurs zélateurs nient l’existence de l’obligation d’assujettissement au RSI, recommandent aux « entrepreneurs » de cesser le paiement de leurs cotisations sociales, et prétendent que les uns et les autres peuvent valablement assurer les risques de l’existence auprès d’un opérateur tiers (étranger en pratique). Une pareille position juridique, qui ouvrirait certainement le champ des possibles pour les opérateurs privés si elle était validée, est des plus audacieuses. L’arrêt en atteste, la lettre de la loi tout autant.

Portée. Certes, seuls les travailleurs dépendants sont assujettis aux assurances sociales du régime général (CSS, art. L. 311-2). Ce n’est pas à dire que les actifs, qui sont propriétaires du capital productif et travaillent au sein de leur entreprise, échappent à l’emprise de la législation sociale, qui est d’ordre public. Bien au contraire, les intéressés relèvent obligatoirement du régime social des indépendants (CSS, art. L. 611-1, ensemble CSS, art. L. 613-1, ensemble CSS, art. L. 111-2-2). C’est que, pour mémoire, « la Nation affirme son attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de la prise en charge des frais de santé assurée par l’assurance maladie » (CSS, art. L. 111-2-1, al. 1er nouv.). Le RSI n’a d’ailleurs pas manqué de défendre légitimement sa position (4). C’est la raison pour laquelle le Code de la sécurité sociale punit le travailleur indépendant qui ne s’est pas conformé aux prescriptions de la législation de sécurité sociale (CSS, art. L. 244-1 et s., sur renvoi de CSS, art. L. 612-12). La loi punit également toute personne qui a organisé le refus par les assujettis de se conformer aux prescriptions du livre VI et notamment de s’affilier à un organisme de sécurité sociale ou de payer les cotisations dues, d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 € (CSS, art. L. 652-7). Quant à ceux qui se seraient limités à inciter à la fraude, une peine reste encourue, même si son quantum est moindre.

La discussion au Sénat du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 a révélé qu’en pratique, les comportements incriminés ne font pas l’objet de poursuites (5). Ce constat n’a pas empêché le législateur d’aggraver le mauvais sort que le droit de la sécurité sociale réserve aux contrevenants et à ceux qui les incitent. La loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la Sécurité sociale pour 2015 a modifié en conséquence le siège de la matière, en l’occurrence l’article L. 114-18 du Code de la sécurité sociale (CSS, art. 90). Un effet remarquable retiendra l’attention. Il s’agit de la contradiction du texte nouveau avec l’article L. 652-7 précité ! Pendant que le premier texte punit l’incitateur d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 € ou de l’une de ces deux peines, le second punit l’intéressé d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 7 500 €…


1.- CJUE, 17 févr. 1993, nos C-159/91 et C-160/91, Poucet et Pistre, point 13.

2.- CJUE, 26 mars 1996, n° C-238/94, point 14.

3.- V. not. en ce sens, « Regards d’universitaires sur la réforme de la Cour de cassation – Actes de la conférence-débat du 24 novembre 2015 », JCP G 2016, suppl. ; v. égal. J. Bourdoiseau, « Le secret de la délibération » in La délibération (colloque), Procédures, mars 2011.

4.- Note du 18 décembre 2014.

5.- Commission des affaires sociales, rapp. n° 127.

(Article publié in Gazette du palais juin 2016)

Soc., 27 janv. 2015, n° 13-221179 : Égalité de traitement et protection sociale

Par une série d’arrêts rendus le 27 janvier 2015, la Cour de cassation inverse l’ordre des facteurs lorsque sont en cause des avantages catégoriels conventionnels. C’est de présomption d’objectivité dont il est question à présent. Ce faisant, la Cour redonne aux négociateurs sociaux, agissant notamment par délégation de la loi, une marge d’appréciation comparable à celle que le Conseil constitutionnel accorde au législateur.

Le sens des arrêts s’impose à l’esprit. Leur domaine d’application appelle en revanche quelques remarques en droit de la protection sociale.

Égalité de traitement et droit de la protection sociale. En effet, par un arrêt rendu le 13 mars 2013, la chambre sociale affirmait, au visa du principe d’égalité de traitement, qu’ “en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en œuvre la garantie d’un organisme extérieur à l’entreprise, l’égalité de traitement ne s’applique qu’entre les salariés relevant d’une même catégorie professionnelle. ” (1). Par cette décision, la Cour de cassation admettait que des différences de traitement catégorielles peuvent être opérées dans le domaine de la prévoyance par décision unilatérale. Pour mémoire, il s’agissait en l’espèce d’une mutuelle d’entreprise mise en place par décision unilatérale de l’employeur.

Depuis lors, la chambre sociale a réitéré à cinq reprises sa jurisprudence (2). Elle a notamment confirmé cette règle dans le courant de l’été dernier avec une certaine autorité et le renfort de la publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (3). En l’espèce, par décision unilatérale, l’employeur met en place au profit des seuls salariés cadres une mutuelle obligatoire prenant en charge les frais médicaux avec financement de l’employeur à hauteur de 50 %. Un salarié exclu de ladite prise en charge, auquel se joint un syndicat, excipent de la violation du principe d’égalité de traitement. Saisie, la cour d’appel de Grenoble condamne l’employeur au motif « que la seule différence de catégorie professionnelle ne peut justifier en elle-même une différence de traitement et que l’employeur ne fournit pas d’éléments objectifs susceptibles de justifier cette différence de traitement. » L’arrêt est cassé. La décision est plus précise encore que celle rendue en 2013 : « Attendu cependant, qu’en raison des particularités des régimes de prévoyance incluant la protection sociale complémentaire, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en œuvre la garantie d’un organisme extérieur à l’entreprise, l’égalité de traitement ne s’applique qu’entre les salariés relevant d’une même catégorie professionnelle. » (4)

De son côté, le Code de la sécurité sociale a prévu la possibilité d’instituer des différences de traitement entre catégories professionnelles (5).

Pour importants qu’ils soient, les arrêts du 27 janvier 2015 ne modifient donc pas l’état du droit positif de la protection sociale complémentaire. Le communiqué de la Cour de cassation est d’ailleurs en ce sens. Il pourrait même être soutenu que ces arrêts, qui se contentent en définitive d’inverser la charge de la preuve en droit du travail, sont en-deçà de la liberté qui prévaut en droit de la protection sociale en général, et en droit de la protection sociale complémentaire en particulier.


1. Soc., 13 mars 2013, n° 11-20.490. On pouvait trouver les prémices d’une telle solution dans un arrêt Soc. 11 janv. 2012, n° 10-15.806, Bull. civ. V, 2012, n° 13 portant sur la retraite.
2. Soc. 13 mars 2013, nos 11-13.645, 11-23761 et 10-28022, inédits – 30 avr. 2014, n° 13-12.729, inédit – 09 juill. 2014, n° 12-12.121, P+B
3. Soc. 09 juill. 2014, op. cit.
4. C’est nous qui mettons en italique
5. D. n° 2012-25, 9 janv. 2012, relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire : JO 11 janv. 2012, p. 514.
(Article publié in Gazette du palais 21 avr. 2015)