Extinction de l’instance: l’acquiescement

Le jugement est l’issue normale de tous les procès. Cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières. Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

Nous nous focaliserons ici sur l’acquiescement.

?Notion

Il ressort des articles 408 et 409 du CPC qu’il y a lieu de distinguer l’acquiescement à la demande de l’acquiescement au jugement

  • S’agissant de l’acquiescement à la demande
    • C’est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
  • S’agissant de l’acquiescement au jugement
    • Il se distingue de l’acquiescement à la demande en ce qu’il emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
    • L’acquiescement au jugement se rapproche, en quelque sorte, du désistement de l’appel.

?Conditions

  • Conditions communes
    • Principe : un acte de volonté
      • Tant l’acquiescement à la demande que l’acquiescement au jugement supposent l’accomplissement d’un acte de volonté de son auteur qui donc doit disposer de sa pleine capacité à consentir.
      • L’article 410, al. 1er du CPC prévoit que l’acquiescement peut être exprès ou implicite
    • Exception : l’effet de la loi
      • L’alinéa 2 de l’article 410 du CPC prévoit, s’agissant de l’acquiescement au jugement que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis.
      • Il ressort de cette disposition que pour valoir acquiescement :
        • D’une part, l’exécution doit porter sur un jugement non exécutoire, soit non passé en force de chose jugée ou non assortie de l’exécution provisoire
        • D’autre part, elle ne doit pas être équivoque, en ce sens qu’elle ne doit laisser aucun doute quant à l’intention de la partie qui exécute la décision.
  • Conditions spécifiques
    • S’agissant de l’acquiescement à la demande
      • L’article 408 dispose qu’« il n’est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition. »
      • Ainsi, par exemple, en matière de filiation, l’article 323 du Code civil prévoit expressément que les actions, en ce domaine, ne peuvent faire l’objet de renonciation. Le caractère d’ordre public de la matière rend donc les droits indisponibles.
    • S’agissant de l’acquiescement au jugement
      • L’article 409 du CPC prévoit qu’« il est toujours admis sauf disposition contraire » en premier et dernier ressort
      • S’il ne connaît, par principe, aucune limite, des dispositions légales peuvent malgré tout prohiber l’acquiescement au jugement.
      • Tel est le cas de l’article 1122 du CPC qui dispose que « un majeur protégé ne peut acquiescer au jugement de divorce, ou se désister de l’appel, qu’avec l’autorisation du juge des tutelles. »

?Effets

  • L’acquiescement à la demande
    • Il produit deux effets majeurs
      • D’une part, il emporte reconnaissance par le plaideur, du bien-fondé des prétentions de son adversaire
      • D’autre part, il vaut renonciation à contester et entraîne extinction de l’instance
  • L’acquiescement au jugement
    • Il emporte
      • D’une part, soumission aux chefs de la décision
        • L’effet de l’acquiescement demeure néanmoins relatif en ce qu’il n’est pas opposable aux autres parties contre lesquelles le jugement a été rendu
      • D’autre part, renonciation aux voies de recours
        • Dans l’hypothèse, toutefois où postérieurement à l’acquiescement, une autre partie forme régulièrement un recours, son auteur dispose de la faculté de revenir sur son acquiescement.
        • En dehors de cette hypothèse, l’acquiescement est définitif, de sorte qu’il rend toute voie de recours irrecevable, exception faite de l’action en rectification d’erreur matérielle (Cass. 2e civ., 7 juill. 2011, n° 10-21.061)

La péremption d’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès. Cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières. Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

Nous nous focaliserons ici sur la péremption d’instance.

?Définition

L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).

En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.

Son double fondement s’est manifestement inversé avec la réforme de la procédure civile de 1975. Initialement conçue comme un mécanisme présumant surtout l’intention des parties d’abandonner l’instance, dans le strict respect du principe dispositif, la péremption est clairement devenue à titre principal, avec le nouveau code de procédure civile, une sanction de la carence des plaideurs de plus de deux ans dans la conduite de l’instance qui leur incombe, justifiée par une bonne administration de la justice.

La péremption d’instance vise à « sanctionner le défaut de diligence des parties » (Cass. com., 9 nov. 2004, n°01-16.726).

La péremption d’instance est régie aux articles 386 à 393 du Code de procédure civile.

?Domaine de la péremption

La péremption d’instance concerne toutes les juridictions (première instance, cour d’appel, Cour de cassation), sauf les juridictions pénales lorsqu’elles statuent sur intérêts civils (Cass. 2e civ., 20 mai 1992, n° 90-15.496).

Elle concerne, en principe, toutes les instances.

?Conditions de la péremption

  • Le délai
    • La péremption d’instance peut être sollicitée à l’expiration d’un délai de deux ans, dans l’hypothèse où, durant ce délai, aucun acte de procédure n’a été accompli par les parties.
    • Le délai court à compter de la dernière diligence procédurale des parties ou à compter du dernier acte de procédure suivant les cas (Cass. 1ère civ., 7 avr. 1999, n° 97-13.647).
    • Au cours de l’instance, il appartient donc aux parties d’effectuer toutes les diligences utiles à l’avancement de l’affaire, sous peine de péremption laquelle s’apparente à une sanction.
  • L’interruption du délai
    • Pour que le délai de péremption de l’instance commence à courir encore faut-il que pèse sur les parties l’obligation d’accomplir des diligences.
    • Lorsque, en effet, au cours d’une instance, un temps de procédure échappe aux diligences des parties (Cass. 3e civ., 26 janv. 2011, n°09-71.734), et tant qu’aucun événement leur redonnant prise sur l’instance n’intervient le délai de péremption est interrompu.
    • Tel est le cas, par exemple, pendant le délibéré.
    • Le délai de péremption est également interrompu dès que le juge de la mise en état a fixé l’affaire en état à une audience des plaidoiries (Cass. 2e civ., 12 février 2004, n°01-17.565).
    • De même, le délai est interrompu dès que le juge de la mise en état, sans surseoir à statuer, a radié l’affaire du rôle dans l’attente d’une décision pénale (Cass. 2e civ., 6 avr. 2006, n° 04-14.298).
    • Enfin, il cesse également de courir durant la période de transmission d’un dossier d’une juridiction à une autre après décision d’incompétence, jusqu’à la réception de la lettre du greffe prévue à l’article 97 du code de procédure civile (Cass. 2e civ., 15 janv. 2009, n° 07-22.074).
    • Conséquence de la qualification d’« interruption » de la péremption, c’est un nouveau délai de deux ans qui recommence à courir lorsque, intervient un événement, qui redonne aux parties une possibilité d’agir sur la procédure, tel que la révocation de l’ordonnance de clôture (Cass. 2e civ., 28 juin 2006, n°04-17.992), ou la décision du juge ordonnant le retrait du rôle à la demande des parties (Cass. 2e civ., 15 mai 2014, pourvoi n°13-17.294).
  • Les incidents affectant le délai de péremption
    • Il ressort des textes que certains événements ont pour effet d’affecter le délai de la péremption d’instance
    • Il en va ainsi des événements suivants :
      • L’interruption de l’instance
        • L’article 392, al. 1er du CPC prévoit que l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.
        • Ainsi, pour tous les cas d’interruption de l’instance prévus par la loi, le délai de péremption est interrompu.
        • Dès lors que le délai de péremption de l’instance est interrompu, un nouveau délai ne commence pas à courir immédiatement.
        • Un effet, l’interruption du délai de péremption dure aussi longtemps que l’interruption de l’instance.
        • Comme indiqué par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 avril 1993, l’interruption du délai de péremption « ne prend fin que par la reprise de l’instance » (Cass. 2e civ. 5 avr. 1993, n°91-18.734).
        • Autrement dit, le délai de péremption ne recommence à courir qu’à compter de la reprise de l’instance.
        • Il peut être observé que lorsque l’instance a été interrompue par la conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état, l’alinéa 3e de l’article 392 du CPC précise que le nouveau délai de péremption court à compter de l’extinction de cette convention.
        • Lorsque, par ailleurs, l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, l’alinéa 4e de l’article 392 du CPC, prévoit que le nouveau délai de péremption de l’instant court, quant à lui, « à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »
      • La suspension de l’instance
        • En cas de suspension de l’instance, l’article 392, al. 2e du CPC prévoit que le délai de péremption continue à courir.
        • La radiation ou le retrait de l’affaire du rôle sont, dès lors, sans incidence sur le délai de péremption de l’instance dans la mesure où l’efficacité de ces événements n’est assortie d’aucun terme, ni d’aucune condition.
        • Par exception, la suspension de l’instance affecte le délai de péremption lorsqu’elle intervient pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé.
        • Pour ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.

?Procédure

  • Une instance en cours
    • Pour que la question de la péremption puisse être posée, il faut que l’instance soit en cours, ce qui a conduit la jurisprudence des années 1980 à préciser que le point de départ de l’instance est fixé à la date de la saisine de la juridiction (puisqu’il est nécessaire que le juge soit saisi de l’instance en cause), date qui peut donc varier
    • Classiquement, on considère que c’est l’enrôlement de l’assignation qui opère la saisine de la juridiction et non sa signification (V. en ce sens Cass. 2e civ., 29 février 1984, n° 82-12.259).
    • Dans l’hypothèse spécifique d’une cassation avec renvoi, le délai court à compter du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation lorsque celui-ci est contradictoire (Cass. 2e civ., 27 juin 1990, n° 89-14.276), et à compter de la saisine de la cour d’appel de renvoi lorsqu’il a été rendu par défaut.
    • Le point d’arrivée est le prononcé du jugement, dès lors qu’il dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche, ce qui donne lieu à un contentieux chaque fois qu’une voie de recours est exercée plus de deux ans après le prononcé d’une décision non signifiée.
    • Si l’irrecevabilité d’un appel ne résulte pas de l’expiration du délai pour l’interjeter, elle ne peut résulter de la péremption de l’instance de première instance, ni de celle de l’instance d’appel (Cass. 2e civ., 12 mars 1986, n° 84-16.642).
    • De même, l’instance au fond n’étant pas la suite de l’instance en référé-expertise, l’instance au fond intentée plus de deux ans après le dépôt du rapport d’expertise n’est pas périmée puisque l’ordonnance de référé a dessaisi le juge (Cass. 3e civ., 8 octobre 1997, n° 92-21.483).
    • Il s’ensuit également que le juge n’étant pas dessaisi par un jugement avant dire droit ou partiellement avant dire droit, le délai de péremption continue à courir, notamment durant les opérations d’expertise (Cass. 2e civ., 18 octobre 2001, n°99-21.883), sauf en cas d’indivisibilité des chefs de dispositif définitif et avant dire droit du jugement mixte (par exemple, la péremption de l’instance en indemnisation après expertise rend sans objet l’autorité de la chose jugée sur la responsabilité).
  • Les parties
    • L’article 387 du CPC prévoit que « la péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties. »
    • Tant le demandeur que le défendeur peuvent ainsi faire constater par le Juge la péremption de l’instance.
  • Forme de la demande
    • La péremption d’instance peut être demandée à titre principal soit au moyen d’une assignation, soit par voie de conclusions selon les situations
    • L’article 387, al. 2e du CPC précise que la péremption de l’instance peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai de péremption.
  • Moment de la demande
    • L’article 388 du CPC prévoit que « la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit »
    • Cela signifie qu’à l’expiration du délai de deux ans, la partie qui entend se prévaloir de la péremption de l’instance a l’obligation de soulever cette cause d’extinction de l’instance avant
      • Les exceptions de procédure
      • Les fins de non-recevoir
      • Les défenses au fond
    • La sanction de la règle est l’irrecevabilité de la demande de péremption de l’instance.
  • Rôle du Juge
    • Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2017-892 du 6 mai 2017 la péremption d’instance peut être soulevée d’office par le juge ce qui n’était pas le cas sous l’empire du droit antérieur.
    • Reste que la péremption d’instance étant de droit lorsqu’elle est demandée, le juge n’est investi d’aucun pouvoir d’appréciation s’il constate que la péremption est acquise (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 98-10.709).

?Effets de la péremption

  • Extinction de l’instance
    • L’article 389 du CPC prévoit que « la péremption n’éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir. »
    • Cela signifie que pour poursuivre l’action engagée, il conviendra d’introduire une nouvelle instance, soit de faire délivrer une nouvelle assignation, à supposer que l’action ne soit pas prescrite.
  • Survie de l’action
    • Il ressort de l’article 389 du CPC que lorsque l’instance est éteinte par la péremption, le droit d’agir subsiste néanmoins, ce qui autorise le demandeur à renouveler le procès par une nouvelle assignation (Cass. 2e civ., 11 février 2010, n° 08-20.154).
    • Devant la Cour de cassation, lorsque le pourvoi est radié du rôle en application des articles 1009-1 et suivants du code de procédure civile, un nouveau délai de péremption recommence à courir.
  • Acquisition de la force jugée du jugement
    • L’article 390 du CPC prévoit que la péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s’il n’a pas été notifié.
    • Lorsque, de la sorte, la péremption intervient au stade de l’appel, elle a pour effet de conférer au jugement rendu en première instance la force de chose jugée.
    • Cette décision ne pourra donc plus être remise en cause.
  • Opposabilité de la péremption d’instance
    • L’article 391 du CPC prévoit que le délai de péremption court contre toutes personnes physiques ou morales, même mineures ou majeures protégées, sauf leur recours contre leur représentant légal ou la personne chargée de la mesure de protection juridique.
  • Les frais d’instance
    • L’article 393 du CPC prévoit que les frais de l’instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance
    • Le demandeur aura, dans ces conditions, tout intérêt à éviter la péremption d’instance, sous peine de supporter les dépens et les frais irrépétibles.

Les pouvoirs du Juge de la mise en état

?La désignation du Juge de la mise en état

En application de l’article 779 du CPC, la désignation du Juge de la mise en état peut intervenir dans deux cas :

  • Dans le cadre de la procédure de mise en état conventionnelle
    • Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont opté pour la conclusion d’une convention de procédure participative.
    • Plus précisément, un juge de la mise en état sera désigné si les parties ont formulé une demande de date de fixation de l’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.
    • Bien que, par hypothèse, la mise en état soit ici conventionnelle, le juge désigné est chargé de trancher toutes les difficultés susceptibles de naître dans le cadre de la procédure participative.
    • Cette faculté de saisir le juge est une nouveauté introduite par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui a modifié les termes de l’article 1555, 5 du CPC.
    • En effet, cette disposition prévoit désormais que si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention (art. 1555, 5° CPC).
  • Dans le cadre de la procédure de mise en état judiciaire
    • En application de l’article 779 du CPC, lorsque, à l’issue de la procédure d’orientation, le Président du Tribunal ou le Président de chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, décide de ne pas renvoyer l’affaire à l’audience aux fins de jugement, il procède à la désignation d’un juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire.
    • Cette désignation peut être décidée, tant au moment de la première audience d’orientation, qu’au moment de la seconde audience qui est susceptible de se tenir lorsque le Président considérera qu’il convient de consentir un délai aux parties avant de décider de l’orientation de l’affaire.
    • En tout état de cause, la désignation du juge de la mise en état, amorce la voie de ce que l’on appelle le circuit long.
    • Elle se produira toutes les fois que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, à moins que l’une des parties ait été négligente dans l’observation des délais impartis pour conclure ou produire des pièces auquel cas le Président disposera toujours de la faculté de renvoyer directement l’affaire à l’audience de plaidoiries en guise de sanction, à la condition, toutefois, que la demande ait été formellement exprimée par un avocat.
    • Lorsque le Précisent décide de désigner le juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire qui, par hypothèse, n’est pas en état d’être jugée, le greffe est tenu d’en aviser les avocats, conformément au dernier alinéa de l’article 779 du CPC.

?Les missions du Juge de la mise en état

La mission du Juge de la mise en état est d’assurer l’instruction de l’affaire. L’article 780 prévoit en ce sens que « l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle a été distribuée. »

Afin de mener à bien cette mission, le juge de la mise en état doit être guidé par deux objectifs dont l’atteinte conditionne le renvoi de l’affaire à l’audience de jugement :

  • Premier objectif
    • Il appartient au Juge de la mise en état de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.
    • Autrement dit, le Juge de la mise en état doit être le garant de la bonne tenue du débat judiciaire et, en particulier, du respect du principe du contradictoire.
    • L’observation de ce principe est une condition absolument nécessaire pour qu’il puisse être statué sur l’affaire.
    • L’article 16 du CPC dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. »
    • Le principe de la contradiction est l’un des fondements du procès équitable.
    • Il participe du principe plus général du respect des droits de la défense et du principe de loyauté des débats.
    • À cet égard, pour la Cour européenne, le principe de la contradiction implique notamment le droit pour une partie de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter (CEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c. Portugal, requête n° 15764/89).
  • Second objectif
    • L’article 799 du CPC prévoit que le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée
    • Ainsi, le second objectif qui doit être atteint par le Juge de la mise en état est d’impulser, en adoptant au besoin toutes les mesures utiles, les échanges de conclusions et les communications de pièces jusqu’à ce que le débat soit épuisé.
    • Autrement dit, il a pour tâche de faire en sorte que l’affaire soit en état d’être jugée.
    • Cette mission implique qu’il rythme la procédure en fixant un calendrier procédural, qu’il sollicite des auditions, qu’il entende les avocats, qu’il leur adresse des injonctions ou bien encore qu’il ordonne toute mesure d’instruction légalement admissible.

Au bilan, l’objectif d’efficacité et de célérité des procédures impose d’accorder une attention particulière à la mise en état.

Déjà plusieurs fois améliorée, elle est une phase essentielle et dynamique du procès civil dont l’objectif est de permettre d’audiencer des affaires véritablement en état d’être jugées.

Elle ne doit pas se limiter à de simples échanges de conclusions entre parties. Il s’agit en effet de permettre une mise en état non pas purement formelle mais une mise en état dite « intellectuelle » ce qui implique, de la part du juge notamment, une pleine connaissance de l’état du dossier.

Pour parvenir à cet objectif qui lui est assigné, le Juge de la mise en état dispose de nombreuses prérogatives dont certaines relèvent de sa compétence exclusive, soit de pouvoirs qui lui sont propres.

À cet égard, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu les pouvoirs du Juge de la mise en état.

Il a désormais compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, y compris lorsqu’il est nécessaire de trancher préalablement une question de fond.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

À l’examen, les pouvoirs – nombreux et étendus – dont est investi le Juge de la mise en état peuvent être classés en deux catégories :

  • Première catégorie : les pouvoirs d’administration judiciaire
    • Ces pouvoirs sont conférés aux juges de la mise en état afin qu’il exerce sa mission de contrôle et d’impulsion de l’instruction.
    • L’adoption de mesures d’administration judiciaire va, en effet, lui permettre d’impulser le débat et de discipliner les parties dans l’échange des conclusions et la production des pièces
    • La particularité des décisions instaurant des mesures d’administration judiciaire est qu’elles sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée et qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.
  • Seconde catégorie : les pouvoirs juridictionnels
    • Les pouvoirs juridictionnels dont est investi le juge de la mise en état visent à lui permettre de trancher les contestations et incidents susceptibles d’intervenir au cours de l’instruction de l’affaire
    • À la différence des mesures judiciaires, les actes juridictionnels sont assortis de l’autorité de la chose jugée, tantôt au principal, tantôt au provisoire.
    • Ils sont également susceptibles de voies de recours, ce qui dès lors tempère le caractère discrétionnaire et irrévocable des décisions prises par le Juge de la mise en état
    • Enfin, les actes juridictionnels doivent répondre au formalisme qui s’impose au juge lorsqu’il rend un jugement, en particulier à l’exigence de motivation de tout jugement

I) Les pouvoirs d’administration judiciaire

A) Fixation du calendrier procédural

Il ressort de l’article 781 du CPC que le calendrier procédural peut être fixé selon deux modalités différentes.

Il peut être le produit :

  • Soit d’une décision unilatérale du Juge de la mise en état qui imposera aux avocats des délais sans qu’ils aient pu les discuter
  • Soit d’une concertation entre avocats auxquels le Juge de la mise en état aura octroyé la possibilité d’en négocier les termes

1. La fixation unilatérale du calendrier procédural

?La fixation de délais

L’article 781, al. 1er du CPC dispose que « le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. »

Il ressort de cette disposition que si lorsque le juge de la mise en état fixe des délais il doit :

  • D’une part, tenir compte d’un certain nombre de critères (urgence, complexité et nature de l’affaire) lesquels doivent lui permettre d’apprécier la durée du délai accordé
  • D’autre part, solliciter l’avis des avocats, ce qui signifie qu’ils doivent être convoqués à l’audience et invité à présenter leurs observations, bien qu’il ne soit pas lié par leurs demandes.

Les délais fixés par le Juge de la mise en état visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces.

Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur.

Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge de la mise en état.

En application de l’article 792 du CPC la décision du juge fait l’objet d’une simple mention au dossier.

Parce qu’il s’agit d’une mesure judiciaire, elle est insusceptible de voies de recours.

?L’octroi de prorogations

Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations (art. 781, al. 2 CPC).

Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.

Autre alternative susceptible d’être retenue par le juge, l’article 764, al. 6 prévoit qu’il peut également renvoyer l’affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige.

?Les injonctions

Lorsqu’une partie ne respecte pas le délai qui lui était imparti pour conclure, l’article 780 du CPC confère au Juge de la mise en état le pouvoir de prononcer des injonctions de conclure ou de communiquer les pièces attendues.

L’article 774 prévoit, à cet égard, que les injonctions doivent toujours donner lieu à la délivrance d’un bulletin.

Ce bulletin doit être daté et signé par le greffier, et remis ou déposé par celui-ci au lieu où sont effectuées, au siège du tribunal, les notifications entre avocats.

?Les sanctions

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, deux sanctions sont encourues par les parties, selon que la négligence est imputable à une seule d’entre elles ou aux deux :

  • La clôture partielle en cas de défaut d’une seule partie
    • L’article 800 du CPC prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».
    • On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente.
    • Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.
    • Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture
    • La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
    • La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.
    • Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.
  • La radiation de l’affaire en cas de négligence des deux parties
    • Principe
      • L’article 801, al. 1er du CPC dispose que « si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours. »
      • L’alinéa 2 précise que « copie de cette ordonnance est adressée à chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile réel ou à leur résidence. »
      • Le Juge de la mise en état dispose ainsi de la faculté, en cas de négligence des deux parties, de prononcer la radiation de l’affaire.
      • Cette faculté est un rappel de la règle plus générale énoncée à l’article 381 du CPC qui prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».
    • Effets
      • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
      • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
      • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
      • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
    • Régime
      • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
      • Reste que l’article 801 du CPC impose au juge
        • D’une part, de provoquer l’avis des avocats
        • D’autre part, de rendre ordonnance de radiation qui doit être motivée.

2. La fixation concertée du calendrier procédural

L’article 781, al. 3 du CPC prévoit que le juge de la mise en état « peut, après avoir recueilli l’avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état. »

L’alinéa 4 de cette disposition précise que le calendrier comporte alors « le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l’article 450, celle du prononcé de la décision. »

S’inspirant des pratiques de juridictions ayant mis en place des « contrats de procédure », l’article 781 introduit par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 a consacré ce dispositif.

L’ancienne rédaction prévoyait seulement que le juge fixe les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, « au fur et à mesure ».

Prise à la lettre, cette disposition interdisait donc les calendriers de procédure. À tout le moins, elle n’incitait pas les juges de la mise en état à s’orienter dans cette voie.

Désormais, le juge, après avoir recueilli l’accord des conseils des parties, peut donc fixer le calendrier de la mise en état qui comportera la date de toutes les étapes de la procédure, y compris celle du jugement.

Ce calendrier ne doit pas se limiter à un simple énoncé de dates. Il doit procéder, pour être efficace, d’une collaboration volontaire et étroite entre les avocats et le juge et résulter d’une action concertée au sein des juridictions.

Sans bouleverser les règles du procès civil, il conduit à un travail en commun qui impose que chacun connaisse tous les éléments du dossier à chaque étape de son traitement et puisse, en quelque sorte, anticiper l’évolution de la mise en état.

En impliquant davantage les auxiliaires de justice, ce dispositif innovant permet indubitablement de raccourcir les délais de procédure en supprimant les audiences formelles de mise en état et en éliminant les temps morts.

L’article 781 prévoit d’ailleurs, spécifiquement les conditions dans lesquelles ce calendrier peut être modifié, afin qu’il ne reste pas seulement indicatif.

Les délais fixés dans le calendrier peuvent, en effet, être prorogés qu’en cas de cause grave et dûment justifiée. À défaut, il conviendra de prononcer la radiation de l’affaire.

B) L’orientation du procès

Le juge de la mise en état a pour mission principale d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

?Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • L’article 783 du CPC autorise le Juge de la mise en état à procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • L’article 786 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige. »
    • Cette disposition n’est qu’un rappel de l’article 332 du CPC qui relève d’une section consacrée à l’intervention forcée.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s.).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • L’article 785 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.
  • Désigner un médiateur
    • Innovation du décret du 11 décembre 2019, l’article 785, al. 2 du CPC autorise le Juge de la mise en état à désigner un médiateur.
    • Cette désignation s’opérera dans les conditions de l’article 131-1 du CPC qui prévoit que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Cette désignation ne pourra donc intervenir qu’à la condition d’avoir recueilli le consentement des parties.
    • La mission du médiateur consistera alors à assister les parties dans une recherche mutuelle de résolution du litige.

?Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 782 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu, à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige et, le cas échéant, à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l’article 768. »
    • Cette prérogative dont est investi le juge de la mise en état a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge de la mise en état peut exiger que l’original ou une des pièces visées dans leurs écritures lui soient communiqués (art. 782 CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent.
  • L’audition des parties
    • Autre prérogative conférée au juge de la mise en état, l’article 784 prévoit qu’il « peut, même d’office, entendre les parties. »
    • En toute hypothèse, cette audition des parties a lieu contradictoirement à moins que l’une d’elles, dûment convoquée, ne se présente pas.
    • Le juge de la mise en état pourra être tenté d’auditionner les parties, soit pour obtenir des précisions orales sur un moyen de fait ou de droit qui a retenu son attention, soit lorsqu’il considérera qu’une conciliation est possible

II) Les pouvoirs juridictionnels

Le juge de la mise en état n’est pas seulement investi du pouvoir de contrôler et d’organiser l’instance, il lui incombe également de régler toutes les difficultés qui surviennent en son cours.

Il ne s’agira pas ici pour le juge de la mise en état d’adopter des mesures d’administration judiciaires dont la finalité est d’assurer le bon déroulement de l’instance, mais de rendre des décisions à caractère juridictionnel, lesquels vise à trancher une contestation ou un incident.

Le juge de la mise en état est investi du pouvoir de rendre des décisions à caractère juridictionnelles que l’on peut classer en deux catégories

  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire
  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Tandis que les premières s’imposent aux parties dans l’attente que le litige soit tranché au fond, les secondes sont définitives, en ce sens que le juge ne peut pas être saisi ultérieurement pour les mêmes fins.

A) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Ces décisions sont donc celles qui ne lient pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge de la mise en état s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge de la mise en état, ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, lorsqu’il est statué au provisoire, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge de la mise en état, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision.

Au nombre des pouvoirs juridictionnels du Juge de la mise en état qui l’autorisent à statuer au provisoire on peut distinguer ceux qu’il détient en propre, de ceux qu’il emprunte au Juge des référés

1. Les pouvoirs propres du Juge de la mise en état

On recense plusieurs pouvoirs autorisant le Juge de la mise à statuer au provisoire que l’article 789 du CPC lui confère en propre :

?Les pouvoirs relatifs à la production de pièces

L’article 788 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »

Cette disposition lui confère donc le pouvoir de statuer selon les règles communes à toutes les procédures énoncées aux articles 132 du CPC.

Ainsi, en application de ces règles, le juge peut, par exemple enjoindre à une partie, sous astreinte, de communiquer une pièce (art. 133 CPC).

Il peut encore, toujours sous astreinte, fixer le délai, et, s’il y a lieu, les modalités de la communication (art. 134 CPC).

Enfin, il peut également écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile (art. 135 CPC).

?Les pouvoirs relatifs à l’adoption de mesures d’instruction

L’article 789, 5° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. »

De toute évidence, cette disposition fait directement écho aux articles 143 et suivants du CPC qui régissent les mesures d’instruction susceptible d’être prises dans le cadre du procès civil.

En particulier, l’article 143 du CPC dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

L’article 144 précise que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

En application de ces textes, le juge de la mise en état dispose de toute liberté pour prescrire une mesure d’instruction.

Dans la mesure où la loi ne pose aucune limite, les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient légalement admissibles.

Ces mesures peuvent consister en :

  • La désignation d’un expert
  • La désignation d’un huissier de justice
  • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers

L’article 147 du CPC l’autorise à conjuguer plusieurs mesures d’instruction.

Il peut ainsi, à tout moment et même en cours d’exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.

Le juge peut encore accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

Bien qu’il dispose de toute latitude pour prescrire des mesures d’instruction, l’article 147 du CPC intime au Juge de limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.

?Les pouvoirs relatifs à l’allocation de provisions ad litem

L’article 789, 2° autorise le juge de la mise en état à allouer une provision pour le procès.

L’octroi de cette provision ad litem (en vue du procès) vise à permettre à une partie, en situation de difficultés financières, de faire face à certains coûts de l’instance, tels que, par exemple, les frais d’expertise

?Les pouvoirs relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles

L’article 790 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700. »

Cette prérogative lui a été conférée par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005

  • S’agissant des dépens ce sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
  • S’agissant des frais irrépétibles, ils se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.

Le pouvoir dont est investi le juge de la mise en état, l’autorise à statuer sur les frais de l’instance dont il a pu constater l’extinction mais également sur les frais exposés par les parties aux fins de mettre en œuvre les mesures conservatoires, provisoires ou d’instruction prononcées.

Si, par principe, lorsque le Juge de la mise en état statue sur les dépens et les frais irrépétibles sa décision est seulement assortie de l’autorité de la chose jugée au provisoire, il en va autrement lorsqu’il statue sur des exceptions de procédure ou des incidents d’instance.

2. Les pouvoirs empruntés au Juge des référés

À l’examen, plusieurs pouvoirs conférés par l’article 789 du CPC au juge de la mise en état sont semblables à ceux dont est investi le juge des référés.

Cette disposition précise néanmoins que, dès lors que le juge de la mise en état est saisi, il dispose d’une compétence exclusive de toute intervention du Juge des référés.

Autrement dit, la désignation d’un Juge de la mise en état fait obstacle à la saisie du Juge des référés.

L’article 789, al.1er précise expressément que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour exercer un certain nombre de pouvoirs, dont ceux qu’il emprunte au Juge des référés.

Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a toutefois nuancé la règle en affirmant que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17147).

Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent.

L’article 789 du CPC confère, en effet, une compétence exclusive à ce dernier uniquement « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation ».

Autrement dit, dès lors qu’il est saisi en premier, les parties n’ont d’autre choix que de s’en remettre au Juge de la mise en état, quand bien même leur demande serait susceptible de relever de la compétence du Juge des référés.

En tout état de cause, le Juge de la mise en état emprunte au Juge des référés un certain nombre de pouvoirs énoncés à l’article 789 du CPC :

?Allouer une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable

Ce pouvoir du Juge de la mise en état rejoint la prérogative conférée par l’article 835, al. 2 du CPC au juge des référées.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le juge des référés] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Pareillement à l’article 835, al. 2e du CPC l’article 789, 3° du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».

L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.

En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence.

À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit.

D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.

Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge de la mise en état sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires.

Autre élément qui rapproche le Juge de la mise en état du Juge des référés, l’article 789 du CPC prévoit, dans les mêmes termes que l’article 489 relatif à l’ordonnance de référé, qu’il peut « subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 ».

À cet égard, l’article 517 du Code de procédure civile précise que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »

La nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.

Par ailleurs, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l’être, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet.

En outre, le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente.

?Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires

L’article 789, 4° du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées »

Ce pouvoir du Juge de la mise en état se rapproche très étroitement de l’office du Juge des référés lorsqu’il est saisi sur le fondement des articles 834 ou 835, al. 1er du CPC.

Tous les deux sont investis du pouvoir d’adopter des mesures conservatoires.

La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond.

Plus précisément, il s’agit de mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal

La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.

Elle peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la désignation d’un séquestre etc.

Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.

La ressemblance entre les prérogatives du Juge de la mise en état et du juge des référés en matière de mesures provisoires se renforce à la lecture des articles 789, 4° in fine et 488 du CPC qui les autorisent respectivement à « modifier ou compléter » des mesures qui auraient déjà été ordonnées soit par eux-mêmes, soit par un autre juge statuant au provisoire « en cas de survenance d’un fait nouveau ».

B) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Le pouvoir que le Code de procédure civile confère au Juge de la mise en état ne se limite pas à statuer au provisoire. Il est également investi du pouvoir de rendre des décisions assorties de l’autorité de la chose jugée au principal.

Ainsi, certaines décisions prises par le Juge de la mise en état, sont rendues par lui à titre définitif. Pour ces décisions, le Code de procédure civile lui confère un pouvoir exclusif.

Il ressort de l’article 789, 1° du CPC que tel est le cas lorsqu’il statue sur les exceptions de procédures et les incidents d’instance.

Quant aux fins de non-recevoir, si depuis la réforme de la procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur elles, elles restent soumises à un régime spécifique.

1. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux exceptions de procédure et aux incidents d’instance

a. Principe

L’article 789, 1° du CPC dispose, en effet, que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge »

Il ressort de cette disposition que le Juge de la mise en état est donc investi du pouvoir de connaître des exceptions de procédure et des incidents d’instance.

i. Les exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 novembre 2001) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janvier 1996).

S’agissant des exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état, l’article 789, 1° du CPC n’opère aucune distinction, de sorte que, en application de l’adage ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, il n’y a pas lieu de distinguer : toutes sont concernées y compris celles qui seraient découvertes par la jurisprudence.

ii. Les incidents d’instance relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

Si le Code de procédure ne définit pas ce qu’est un incident d’instance, il les énumère.

Ainsi, au nombre des incidents d’instance figurent :

?La jonction et la disjonction d’instances

Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.

Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).

Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.

?L’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

  • Événements emportant de plein droit interruption de l’instance (art.369 CPC)
    • La majorité d’une partie
    • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
    • L’effet du jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens (redressement ou liquidation judiciaires) dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
    • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle.
  • Événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse (art. 370 CPC)
    • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible (art. 370 CPC), étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation.
    • la cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur (art. 370 CPC)
    • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice (art. 370 CPC).

?La suspension de l’instance

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

?L’extinction de l’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès ; cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières.

Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

  • Péremption d’instance
    • L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).
    • En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.
  • Désistement d’instance
    • Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.
  • Acquiescement à la demande
    • L’acquiescement est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
    • L’acquiescement à la demande doit être distingué de l’acquiescement au jugement qui emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
  • Caducité de la citation
    • Par application de l’article 468 du code de procédure civile, le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. Cependant, la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
    • Dans ce cas les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

S’agissant de l’article 789, 1° qui confère au Juge de la mise en état le pouvoir de connaître des incidents d’instance, comme pour les exceptions de procédure, il n’opère aucune distinction, de sorte que tous relèvent de sa compétence.

Ainsi, peut-il être amené à statuer, tant sur les incidents qui affectent la poursuite de l’instance, que ceux qui conduisent à son extinction.

b. Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

L’article 789 du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ».

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».

Ce monopole qui portait d’abord sur les exceptions dilatoires a, par suite, été étendu à toutes les exceptions de procédure (décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998), puis aux incidents d’instance (décret n° 2004-836 du 20 août 2004).

Pour comprendre le sens de cette exclusivité de la compétence du juge en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents d’instance, il convient de se remémorer que l’institution du juge de la mise en état avait pour objet de permettre de purger la procédure des incidents avant son renvoi à l’audience, afin que le tribunal n’ait à juger que le fond du droit.

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des exceptions de procédure, l’article 789 du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les exceptions et incidents qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

Si, l’article 789 du CPC confère une compétence exclusive au Juge de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents d’instance, il précise que « les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ».

Cela signifie que le dessaisissement du juge de la mise en état a pour effet d’interdire aux parties de soulever des exceptions de procédure et des incidents instance.

Pratiquement, les parties seront donc irrecevables à s’en prévaloir, sauf à établir qu’elles se sont révélées postérieurement au dessaisissement du Juge de la mise en état.

Par principe, la formation de jugement n’a donc pas vocation à connaître les exceptions de procédure et les incidents d’instance qui doivent toutes avoir été purgées lors de l’instruction de l’affaire.

2. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux fins de non-recevoir

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille (procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

Au nombre des fins de non-recevoir figurent, celles énoncées par l’article 122 du CPC que sont :

  • Le défaut de qualité
  • Le défaut d’intérêt
  • La prescription
  • Délai préfix
  • Chose jugée

Les fins de non-recevoir relèvent-elles du pouvoir du Juge de la mise en état ? Tandis que la jurisprudence répondait négativement à cette question jusqu’à la réforme de la procédure civile, le législateur est venu modifier la règle par l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

a. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, les fins de non-recevoir n’étaient pas visées par l’ancien l’article 771, 1° du Code de procédure civile, devenu l’article 789, 1°.

On en déduisait, par voie de conséquence, qu’elles échappaient purement et simplement à l’office du Juge de la mise en état.

Dans un avis du 13 novembre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « les incidents mettant fin à l’instance visés par le deuxième alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile sont ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code et n’incluent pas les fins de non-recevoir ».

Manifestement, cet avis a été diversement accueilli par la doctrine.

Un auteur a, par exemple, estimé que la mise en état rénovée par le décret du 28 décembre 2005 « doit permettre de traiter les exceptions et fins de non-recevoir afin que seul le fond de l’affaire soit évoqué lors d’une audience de plaidoiries » (E. Bonnet,Gaz. Pal. du 1er au 5 janvier 2006, p. 9 et 10)

Par ailleurs, pour M. Beauchard, le Juge de la mise en état « est dorénavant compétent pour statuer non seulement sur les exceptions de procédure, mais également sur les fins de non-recevoir qui ont pour effet, lorsqu’elles sont admises, de mettre fin à l’instance (défaut d’intérêt ou de qualité pour agir, autorité de la chose jugée, prescription) ».

Biens que certains auteurs se soient ainsi élevés contre cette exclusion des fins de non-recevoir de la sphère de compétence du Juge de la mise en état, la Cour de cassation n’est jamais revenue sur sa position, ce dont se félicitait la doctrine majoritaire.

En effet, les fins de non-recevoir constituent des moyens de défense définis au titre V du livre premier du CPC. Elles sont donc différentes des incidents d’instance définis au titre XI.

Permettre au juge de la mise en état de statuer sur ces moyens de défense reviendrait donc, selon les auteurs, à les assimiler aux incidents d’instance alors qu’ils n’ont pas le même statut juridique, ce qui est contraire à la logique intellectuelle et juridique du CPC.

L’article 123 du CPC permet de proposer une fin de non-recevoir en tout état de cause. Or admettre que le Juge de la mise en état puisse statuer sur celle-ci, conduirait à neutraliser cette règle, la fin de non-recevoir ne pouvant plus, une fois tranchée, être invoquée devant la formation de jugement.

Aussi, comment concilier l’article 123 du CPC avec le pouvoir exclusif du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir ?

Dire que les fins de non-recevoir constituent des incidents mettant fin à l’instance au sens de l’article 789,1° du CPC aurait pour conséquence d’introduire une disparité de traitement entre les procédures avec mise en état et les procédures sans mise en état où les fins de non-recevoir pourraient continuer à être proposées en tout état de cause. Il paraît difficile de faire de l’article 123 un article à géométrie variable.

À cet égard, on peut noter que dans la circulaire du 8 février 2006, la chancellerie avait repris les termes du décret pour dire que le juge de la mise en état est désormais seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance.

La question de la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir lui avait été précisément posée.

Elle avait alors répondu dans les termes suivants dans un document du 14 avril 2006 intitulé « Réflexions sur le décret du 28 décembre 2005 ».

« Non, les compétences dévolues au juge de la mise en état par le premier alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile portent exclusivement sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance. Les fins de non-recevoir sont distinctes des incidents mettant fin à l’instance. Elles tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond. Elles recouvrent notamment le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription et la chose jugée et peuvent être soulevées en tout état de cause. Elles sont susceptibles de régularisation. Une nouvelle instance pourra toujours être réintroduite suite à un jugement ayant admis une fin de non-recevoir.

Les incidents mettant fin à l’instance sont énumérés aux articles 384 et 385 du nouveau code de procédure civile. Il s’agit de la transaction, de l’acquiescement, de la péremption, de la caducité, du désistement et du décès d’une partie. Ils ne sont pas sanctionnés par l’irrecevabilité de l’action mais par l’extinction de l’instance en raison d’un événement de la volonté ou de la négligence des parties. Ils ne sont pas susceptibles de régularisation. L’autorité de la chose jugée pourra être opposée à une action introduite après une décision déclarant l’instance éteinte.

Le juge de la mise en état n’est donc pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Les premières décisions rendues sur la question par les juges du fond se sont prononcés majoritairement pour une impossibilité du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non- recevoir (TGI Toulouse, ord. JME, 1er ch., 12 avril 2006, RG 03/01865).

Par exemple, un conseiller de la mise en état ne s’est pas reconnu le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité d’un appel-nullité en matière de procédures collectives car « les notions d’exceptions de procédure et d’incidents mettant fin à l’instance doivent être appréciées au regard des définitions données par le nouveau code de procédure civile et ne sauraient englober les défenses au fond et les fins de non-recevoir, et ne sauraient s’entendre au sens large d’incidents de mise en état » (CA Toulouse, ord. CME, 2ème ch., 15 mars 2006, RG 05/04909).

Plusieurs autres décisions ont statué dans le même sens (V. en ce sens CA Rouen, ord. CME, 3avril 2006, RG 05/02395 ; CA Montpellier, ord. CME, 29 mars 2006, RG 05/02183).

Reste que le législateur a entendu revenir sur cette position de la jurisprudence en conférant au Juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir

b. Réforme de la procédure civile

b.1 L’extension des pouvoirs du Juge de la mise en état

L’article 789, 6° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi opéré une extension des pouvoirs du Juge de la mise en état qui peut désormais connaître des fins de non-recevoir.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

Pour que la faculté de statuer sur les fins de non-recevoir reconnue au Juge de la mise en état soit cohérente avec les termes de l’article 123 du CPC qui détermine le régime des fins de non-recevoir, il est désormais précisé que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement »

Tel est donc le cas, lorsque l’affaire fait l’objet d’une mise en état dans le cadre de la procédure écrite pendante devant le Tribunal judiciaire.

b.2 Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état »[1].

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.

Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?

Le décret du 11 décembre 2019 a répondu à cette interrogation en posant un principe qu’il a assorti d’exceptions.

?Principe

L’article 789, al. 2 du CPC pose que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »

Ainsi, le juge de la mise en état se voit-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépend l’appréhension de la fin de non-recevoir.

?Exceptions

Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir peuvent être tranchées par la formation de jugement :

  • Soit à la demande des parties
    • L’article 789 al. 2 dispose que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
    • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui a vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
    • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précise le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
    • Le texte invite alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
    • Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.
  • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
    • Le renvoi devant la formation de jugement peut également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estime nécessaire.
    • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi est insusceptible d’une voie de recours.
    • Si la formation de jugement estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle peut renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.

En tout état de cause, l’article 789 dispose que lorsque le juge de la mise en état ou la formation de jugement sont amenés à statuer sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir, ils doivent le faire par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement.

  1. M. Kebir, « Réforme de la procédure civile : promotion de la mise en état conventionnelle et extension des pouvoirs du JME », Dalloz actualité, 23 déc. 2019 ?

Procédure devant le Tribunal judiciaire: l’enrôlement de l’affaire ou le placement de l’acte introductif d’instance (assignation, requête et requête conjointe)

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a opéré une simplification des modes de saisine, ces derniers étant unifiés devant le Tribunal judiciaire.

Cette unification des modes de saisine procède de la consécration d’une proposition formulée dans le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.

Ce rapport, issu d’un groupe de travail dirigé par Frédéric Agostini, Présidente du Tribunal de grande instance de Melun et par Nicolas Molfessis, Professeur de droit, comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle appelant à « créer l’acte unique de saisine judiciaire ». Cette proposition repose sur le constat que

  • D’une part, « la majorité des réponses aux consultations est favorable à la réduction des cinq modes de saisine des juridictions civiles et propose de ne conserver que l’assignation et la requête. »
  • D’autre part, « la variété des modes de saisine existant pour une même juridiction est un facteur de complication des méthodes de travail alors que le numérique offre d’importantes perspectives de standardisation et devrait permettre de limiter les tâches répétitives. »

Aussi, le groupe de travail considère-t-il que « la transformation numérique impose de sortir des schémas actuels du code de procédure civile ».

Le vœu formulé par ce dernier a manifestement été exhaussé par le législateur puisque la loi du 23 mars 2019 a non seulement simplifié les modes de saisine, mais encore, tout en supprimant la déclaration au greffe et la présentation volontaire des parties comme mode de saisine, elle a conféré à l’assignation une nouvelle fonction : celle de convocation du défendeur en matière contentieuse. Pour le comprendre, revenons à la fonction générale des actes introductifs d’instance.

La formulation d’une demande en justice suppose, pour le plaideur qui est à l’initiative du procès, d’accomplir ce que l’on appelle un acte introductif d’instance, lequel consiste à soumettre au juge des prétentions (art. 53 CPC).

En matière contentieuse, selon l’article 54 du Code de procédure civile, cet acte peut prendre plusieurs formes au nombre desquelles figurent :

  • L’assignation
  • La requête
  • La requête conjointe

Reste que l’accomplissement d’un acte introductif d’instance n’emporte pas saisine de la juridiction.

En effet, pour saisir le juge, il convient de procéder à l’enrôlement de l’affaire, ce qui, par suite, donnera lieu à la constitution d’un dossier par le greffe. Dans le même temps, et plus précisément dans un délai de 15 jours à compter de la délivrance de l’assignation, il appartient, au défendeur, en procédure écrite, de constituer avocat.

Nous nous focaliserons ici sur l’enrôlement de l’acte introductif.

Bien que l’acte de constitution d’avocat doive être remis au greffe, il n’a pas pour effet de saisir le Tribunal.

Il ressort des articles 754 et 756 du CPC que cette saisine ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties (assignation, requête ou requête conjointe) fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».

Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.

Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer

  • Le placement de l’acte introductif d’instance
  • L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
  • La constitution et le suivi du dossier

I) Le placement de l’acte introductif d’instance

A) Le placement de l’assignation

1. La remise de l’assignation au greffe

L’article 754 du CPC dispose, en effet, que le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal judiciaire qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.

À cet égard, l’article 769 du CPC précise que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

2. Le délai

a. Principe

i. Droit antérieur

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, disposait dans son ancienne rédaction que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ».

L’alinéa 2 précisait que « lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Il ressortait de la combinaison de ces deux dispositions que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y avait lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée par voie électronique.

?La date d’audience n’était pas communiquée par voie électronique

Il s’agit de l’hypothèse où les actes de procédures ne sont pas communiqués par voie électronique (RPVA).

Tel est le cas, par exemple, en matière de procédure orale ou de procédure à jour fixe, la voie électronique ne s’imposant, conformément à l’article 850 du CPC, qu’en matière de procédure écrite.

Cette disposition prévoit, en effet, que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe, les actes de procédure à l’exception de la requête mentionnée à l’article 840 sont remis à la juridiction par voie électronique. »

Dans cette hypothèse, il convenait donc de distinguer deux situations :

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant l’audience
    • Le délai d’enrôlement de l’assignation devait être alors porté à 15 jours
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant l’audience
    • L’assignation devait être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

?La date d’audience était communiquée par voie électronique

Il s’agit donc de l’hypothèse où la date d’audience est communiquée par voie de RPVA ce qui, en application de l’article 850 du CPC, intéresse :

  • La procédure écrite ordinaire
  • La procédure à jour fixe

L’article 754 du CPC prévoyait que pour ces procédures, l’enrôlement de l’assignation doit intervenir « dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Ainsi, lorsque la communication de la date d’audience était effectuée par voie électronique, le demandeur devait procéder à la remise de son assignation au greffe dans un délai de deux mois à compter de la communication de la date d’audience.

Le délai de placement de l’assignation était censé être adapté à ce nouveau mode de communication de la date de première audience.

Ce système n’a finalement pas été retenu lors de la nouvelle réforme intervenue un an plus tard.

ii. Droit positif

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021, dispose désormais en son alinéa 2 que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. »

Il ressort de cette disposition que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y a lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée 15 jours avant la tenue de l’audience.

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée au plus tard 15 jours avant l’audience
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi mis fin au système antérieur qui supposait de déterminer si la date d’audience avait ou non été communiquée par voie électronique.

b. Exception

L’article 755 prévoit que dans les cas d’urgence ou de dates d’audience très rapprochées, les délais de comparution des parties ou de remise de l’assignation peuvent être réduits sur autorisation du juge.

Cette urgence sera notamment caractérisée pour les actions en référé dont la recevabilité est, pour certaines, subordonnée à la caractérisation d’un cas d’urgence (V. en ce sens l’art. 834 CPC)

Au total, le dispositif mis en place par le décret du 27 novembre 2020 permet de clarifier l’ancienne règle posée par l’ancien décret du 11 décembre 2019 et d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.

En procédure écrite, il convient surtout de retenir que le délai d’enrôlement est, par principe de deux mois, et par exception, il peut être réduit à 15 jours, voire à moins de 15 jours en cas d’urgence.

3. La sanction

L’article 754 prévoit que le non-respect du délai d’enrôlement est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.

Cette disposition précise que la caducité de l’assignation est « constatée d’office par ordonnance du juge »

À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président ou au juge en charge de l’affaire en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.

En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.

Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°9916.269).

B) Le placement de la requête

?Modalités de placement

La procédure sur requête présente cette particularité d’être non-contradictoire. Il en résulte que la requête n’a pas vocation à être notifiée à la partie adverse, à tout le moins dans le cadre de l’introduction de l’instance.

Aussi, la saisie de la juridiction s’opère par l’acte de dépôt de la requête auprès de la juridiction compétence, cette formalité n’étant précédée, ni suivi d’aucune autre.

L’article 845 du CPC prévoit en ce sens que « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi. »

L’article 756 précise que « cette requête peut être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des sceaux. »

L’alinéa 2 de cette disposition précise que, lorsque les parties ont soumis leur différend à un conciliateur de justice sans parvenir à un accord, leur requête peut également être transmise au greffe à leur demande par le conciliateur.

À cet égard, il convient d’observer que, désormais, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à une action en bornage ou aux actions visées à l’article R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire (art. 750-1 CPC).

Enfin, comme pour l’assignation, en application de l’article 769 du CPC, la remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.

?Convocation des parties défendeur

L’article 758 du CPC dispose que, lorsque la juridiction est saisie par requête, le président du tribunal fixe les lieu, jour et heure de l’audience.

Reste à en informer les parties :

  • S’agissant du requérant
    • Il est informé par le greffe de la date et de l’heure de l’audience « par tous moyens »
    • On en déduit qu’il n’est pas nécessaire pour le greffe de lui communication l’information par voie de lettre recommandée
  • S’agissant du défendeur
    • L’article 758, al. 3 prévoit que le greffier convoque le défendeur à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • À cet égard, la convocation doit comporter un certain nombre de mentions au nombre desquelles figurent :
      • La date ;
      • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
      • L’indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
      • Le cas échéant, la date de l’audience à laquelle le défendeur est convoqué ainsi que les conditions dans lesquelles il peut se faire assister ou représenter.
      • Un rappel des dispositions de l’article 832 du CPC qui prévoit que
      • « Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1343-5 du Code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l’appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l’audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées. »

      • Les modalités de comparution devant la juridiction
    • La convocation par le greffe du défendeur vaut citation précise l’article 758 du CPC.
    • Enfin, lorsque la représentation est obligatoire, l’avis est donné aux avocats par simple bulletin.
    • Par ailleurs, la copie de la requête est jointe à l’avis adressé à l’avocat du défendeur ou, lorsqu’il n’est pas représenté, au défendeur.

C) Le placement de la requête conjointe

?Modalités de placement

L’article 756 du CPC prévoit que « dans les cas où la demande peut être formée par requête, la partie la plus diligente saisit le tribunal par la remise au greffe de la requête. » La saisine de la juridiction compétente s’opère ainsi de la même manière que pour la requête « ordinaire ».

La requête peut, de sorte, également être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des Sceaux à intervenir.

Le dépôt de la requête suffit, à lui-seul, à provoquer la saisine du Tribunal judiciaire. À la différence de l’assignation, aucun délai n’est imposé aux parties pour procéder au dépôt. La raison en est que la requête n’est pas signifiée, de sorte qu’il n’y a pas lieu de presser les demandeurs.

En application de l’article 769 du CPC La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.

?Convocation des parties

L’article 758 du CPC prévoit que, lorsque la requête est signée conjointement par les parties, cette date est fixée par le président du tribunal ; s’il y a lieu il désigne la chambre à laquelle elle est distribuée.

Consécutivement à la fixation de la date d’audience, les parties en sont avisées par le greffier.

II) L’enregistrement de l’affaire au répertoire général

L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.

Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision

Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.

III) La constitution et le suivi du dossier

Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.

?La constitution du dossier

L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.

Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.

Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.

Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulées par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

?Le suivi du dossier

L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.

Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.

Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.

Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.

La durée du contrat: régime juridique

Lors de l’adoption de la réforme des obligations, le législateur a décidé, dans le chapitre relatif aux effets du contrat de prévoir une partie consacrée à sa durée.

Cette partie (section 3 du chapitre IV) composée de six articles est donc une innovation de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Sous l’empire du droit antérieur, le Code civil ne comportait aucune disposition générale sur la durée des contrats.

Il n’envisageait que la question du terme dans la théorie générale (articles 1185 et suivants), alors même qu’il existe un contentieux important relatif à la durée des contrats à durée déterminée.

Le régime juridique de la durée du contrat s’est donc esquissé progressivement au gré de la jurisprudence, de la pratique contractuelle, et des dispositions spéciales.

Aussi, le législateur a-t-il eu pour ambition de codifier ces règles générales sur la durée du contrat afin, notamment, de clarifier les différences entre des notions proches en ce qu’elles concernent toutes la prolongation des contrats dans le temps, mais qui n’en sont pas moins différentes : renouvellement, prorogation et tacite reconduction.

Cette codification s’articule autour de trois corps de règles qui appréhendent la durée du contrat à ses trois stades, soit au moment de sa formation, de son exécution et à l’expiration de son terme.

I) La durée du contrat au stade de la formation

Parce que, conformément à l’article 1102 du Code civil les parties sont libres de déterminer le contenu du contrat, elles peuvent l’assortir de la durée qui leur sied.

Elles peuvent ainsi envisager de conclure un contrat, tant à durée déterminée, qu’à durée indéterminée.

Au vrai, la stipulation de la durée du contrat ne souffre que d’une seule limite : celle posée par le principe de prohibition des engagements perpétuels.

A) Signification du principe de prohibition des engagements perpétuels

Le principe de prohibition des engagements perpétuels signifie que nul ne saurait être engagé indéfiniment dans des liens contractuels.

Le Doyen Carbonnier observait en ce sens que le Code civil de 1804 « ne paraît avoir envisagé pour les obligations, une fois nées, d’autre destin que de s’éteindre »[1].

Quelques dispositions éparses fondent cette analyse telle que l’article 1710 du Code civil qui prévoit, par exemple, que « on ne peut engager ses services qu’à temps, ou pour une entreprise déterminée »

Aussi, tout contrat doit être borné dans le temps, quand bien même il aurait été conclu pour une durée indéterminée.

Dans son rapport annuel de l’année 2014 la Cour de cassation exprime parfaitement bien cette idée en affirmant que « la liberté contractuelle de choisir le temps pour lequel on s’engage s’enchâsse alors dans une limite maximale impérative, qui peut être légale (six ans pour les contrats de louage d’emplacement publicitaire, article L. 581-25 du code de l’environnement ; quatre-vingt-dix-neuf ans pour les sociétés civiles et commerciales, articles 1838 du code civil et L. 210-2 du code de commerce), ou prétorienne (quatre-vingt-dix-neuf ans pour les baux, Cass. 3e civ., 27 mai 1998, n°96-15.774), mais dont la mesure est toujours sensible à l’objet du contrat. »

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par engagement perpétuel.

Concrètement, les engagements perpétuels recoupent deux situations bien distinctes :

  • Soit le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, mais, par le jeu d’une clause, il ne permet pas l’exercice de la faculté de résiliation unilatérale
  • Soit le contrat a été conclu pour une durée déterminée, mais cette durée est anormalement longue

B) Reconnaissance du principe

Le principe de prohibition des engagements perpétuels a été reconnu en trois temps :

  • Premier temps : la Cour de cassation
  • Deuxième temps : le Conseil constitutionnel
    • Le principe de prohibition des engagements perpétuel a été consacré par le Conseil constitutionnel dans une décision du 9 novembre 1999 (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC)
    • Les juges de la rue de Montpensier ont estimé, que « si le contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant toutefois être garanties ».
  • Troisième temps : le législateur
    • Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur a introduit un article 1210 dans le Code civil qui prévoit que
      • « les engagements perpétuels sont prohibés. »
      • « Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »

C) Effets du principe

Deux effets sont attachés au principe de prohibition des engagements perpétuels

  • Lorsque le contrat est à durée déterminée
    • Dans l’hypothèse où le contrat comporte un terme, qui peut être tacite sous réserve que sa survenue soit certaine, le contrat s’éteint par l’arrivée de ce terme à la condition sine qua non que le terme prévu par les parties n’excède pas un éventuel plafond légal
    • À défaut, le contrat est réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée
    • Son extinction relève alors du pouvoir des parties, chacune disposant d’un droit de résiliation unilatérale pour se prémunir des dangers d’un engagement perpétuel.
  • Lorsque le contrat est à durée indéterminée
    • Dans cette hypothèse, chaque partie dispose de la faculté de mettre fin au contrat en sollicitant unilatéralement sa résiliation
    • Dans un arrêt du 31 mai 1994, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux parties » (Cass. com. 31 mai 1994, n°88-10.757)
    • Il s’agit là d’une règle d’ordre public à laquelle les parties ne sauraient déroger par clause contraire (Cass. 3e civ. 19 févr. 1992, n°90-16.148).

Cass. com. 31 mai 1994

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1134, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que, dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux parties ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Etablissements Gabriel et compagnie (la société), qui avait une activité industrielle à Lyon, a créé, en 1972, un restaurant d’entreprise dont elle a confié la gestion à M. X… à compter du 24 avril 1975, pour une durée indéterminée ; que par lettre du 23 novembre 1989 la société a informé M. X… du prochain transfert de l’entreprise à Reyrieux et lui a notifié que de ce fait le contrat de concession serait ” caduc ” ; que M. X…, soutenant que la résiliation de ce contrat était abusive, a demandé la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient que l’article 12 du contrat litigieux prévoyait plusieurs cas de rupture ; que la société prétend se trouver dans la troisième hypothèse, c’est-à-dire la fermeture de ses établissements, mais qu’il s’agit d’un transfert et non d’une fermeture de l’entreprise ; qu’ainsi, en prenant unilatéralement la décision de supprimer, à l’occasion d’un simple transfert de locaux, et hors des cas de rupture prévus au contrat, le restaurant d’entreprise concédé à M. X… , la société a rompu abusivement la convention conclue avec ce dernier ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’abus de droit imputé à la société ne pouvait résulter du seul fait que la résiliation était intervenue en dehors des cas prévus au contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 décembre 1991, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble.

D) Sanction du principe

Sous l’empire du droit antérieur à la réforme des obligations, la sanction du principe de prohibition des engagements perpétuels a fait l’objet d’une vive controverse

Trois sortes de sanctions ont été discutées par la jurisprudence et la doctrine :

  • Première sanction : la nullité totale
    • Cette sanction a été envisagée de nombreuses fois par la jurisprudence (v. notamment en ce sens Cass. 3e civ., 20 févr. 1991)
    • L’avantage de la nullité est qu’il s’agit d’une sanction suffisamment vigoureuse pour dissuader les agents de contrevenir au principe de prohibition des engagements perpétuels
    • Toutefois, cette sanction n’est pas sans inconvénient
    • Il peut, en effet, être observé que l’action en nullité est enfermée dans un certain délai
    • Cela signifie donc que si la prescription est acquise, l’action en nullité ne peut plus être exercée, ce qui dès lors produit l’effet inverse de celui recherché : l’engagement perpétuel que l’on cherchait à annuler ne peut plus être délié.
    • Il devient irrévocablement perpétuel.
  • Deuxième sanction : la nullité partielle
    • Afin de se prémunir de l’anomalie ci-dessus évoquée, la jurisprudence a circonscrit, dans certains arrêts la nullité à la seule clause qui contrevenait au principe de prohibition des engagements perpétuels.
    • Telle a été la solution rendue par la Cour de cassation notamment dans un arrêt du 7 mars 2006 (Cass. 1ère civ. 7 mars 2006, n°04-12.914).
    • La sanction de la nullité partielle ne pourra toutefois être prononcée qu’à la condition que la clause n’ait pas été déterminante du consentement des parties.
    • Si elle a été la cause « impulsive et déterminante » de leur engagement, le juge n’aura d’autre choix que d’annuler le contrat dans son ensemble (Cass. 1ère civ., 24 juin 1971, n°70-11.730).
    • Dans l’hypothèse où la nullité partielle pourra jouer, les contractants retrouveront la faculté de résiliation unilatérale propre aux contrats à durée indéterminée.
  • Troisième sanction : la réduction de la durée du contrat au maximum légal
    • Dans l’hypothèse où la durée du contrat excéderait le plafond prévu par la loi, le juge réduira cette durée d’autant qu’elle dépasse le maximum légal.
    • La Cour de cassation a eu l’occasion de prononcer cette sanction à plusieurs reprises (V. en ce sens Cass. com., 10 févr. 1998, 95-21.906).
    • Dans un arrêt du 13 novembre 2002 elle a notamment estimé que « le contrat de louage d’emplacement publicitaire ne peut être conclu pour une durée supérieure à six ans à compter de sa signature ; que la stipulation d’une durée plus longue est soumise à réduction » (Cass. 1re civ., 13 nov. 2002, n°99-21.816).
    • Si, de toute évidence, cette solution permet de surmonter les difficultés soulevées par la nullité totale ou partielle, elle n’est pas non plus à sans faille.
    • La possibilité de réduire la durée du contrat à hauteur du plafond légal n’est envisageable qu’à la condition que ce plafond existe.
    • Or pour la plupart des contrats aucun maximum de durée n’a été institué par le législateur.
    • Ainsi, apparaît-il que le champ d’application de la sanction qui consiste à réduire la durée du contrat est pour le moins restreint.

Au total, il ressort de l’examen général de chacune des mesures envisagées en guise de sanction du principe de prohibition des engagements perpétuels qu’aucune d’elles n’était véritablement satisfaisante.

C’est la raison pour laquelle le législateur n’en a retenu aucune. Il a préféré emprunter une autre voie

À l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a introduit un article 1210, al. 2 dans le Code civil.

Cette disposition prévoit en contrepoint de l’alinéa 1er, lequel pose le principe de prohibition des engagements perpétuels, que « Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »

Ainsi, la sanction d’un contrat conclu à titre perpétuel n’est autre que la requalification en contrat à durée indéterminée.

Les parties retrouvent alors leur faculté de résiliation unilatérale.

En cas d’exercice de cette faculté, elles ne seront toutefois pas dispensées d’observer l’exigence de préavis prévue à l’article 1211.

E) Limites au principe

  • L’abus
    • Le principe de prohibition des engagements perpétuels est tempéré par l’obligation pour la partie qui entend exercer sa faculté de résiliation unilatérale de ne pas commettre d’abus.
    • Dans un arrêt du 15 novembre 1969 la Cour de cassation a par exemple estimé que le contractant « pouvait librement mettre fin au contrat a durée indéterminée a la condition de ne pas agir abusivement » (Cass. com. 15 déc. 1969)
    • Elle a encore jugé dans un arrêt du 5 février 1985 que « dans les contrats a exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionne par l’alinea 3 de [l’ancien article 1134], offert aux deux parties » (Cass. 1ère civ. 5 févr. 1985, n°83-15.895).
  • Les relations commerciales établies
    • Dans le domaine des affaires, la faculté de rupture unilatérale est strictement encadrée, en particulier lorsque les relations commerciales sont dites établies.
    • L’article 442-6, I, 5° du Code de commerce prévoit que « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l’application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d’au moins un an dans les autres cas ».

Cass. com. 15 déc. 1969

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaque que la société des établissements Castaing fils a concédé en septembre 1961 a valentin y… de la vente des appareils agricoles qu’elle fabriquait dans quatre départements du sud-est de la France ;

Que, par lettre du 13 avril 1965, la société Castaing, invoquant la faiblesse des résultats obtenus par a…, a dénoncé le contrat de 1961 en proposant a ce dernier de continuer à lui livrer le matériel qui pourrait lui être utile, mais sans exclusivité ;

Que a… et les deux sociétés qu’il avait constituées pour l’exercice de son activité commerciale, le comptoir industriel et agricole méditerranéen (ciam) et les établissements Paul a… ont alors fait assigner la société Castaing devant le tribunal de commerce en paiement de dommages-intérêts pour rupture unilatérale des conventions liant les parties, en demandant en outre que les établissements Castaing soient condamnes a reprendre les pièces détachées qu’ils avaient livrées a a… ou à ces deux sociétés ;

Attendu que le tribunal de commerce a fait droit a la demande concernant les pièces détachées mais a x… valentin et les deux sociétés susvisées de leur demande en dommages-intérêts en relevant notamment que le retrait d’exclusivité était justifié par l’absence complète de toute vente d’appareils au cours des années 1964 et 1965 succédant au nombre très réduit et en diminution constante et progressive des ventes réalisées au cours des trois années précédentes ;

Attendu que l’arrêt déféré infirme le jugement entrepris et ordonne une expertise pour rechercher notamment quelles diligences ont été faites par a… et ses sociétés concessionnaires pour implanter les produits Castaing dans le secteur concédé, si ces diligences étaient normales et suffisantes eu égard aux conditions du marché, aux motifs que si “le contrat étant a durée indéterminée, les établissements Castaing pouvaient le dénoncer de leur seule volonté, à condition de ne pas agir abusivement, et ce, sans avoir à s’adresser à justice” , et que “la seule question qui se pose est donc de savoir si cette dénonciation est justifiée par un motif légitime, tel qu’un manquement du concessionnaire a ses obligations, qu’a cet égard, la société Castaing est mal fondée a prétendre que celui-ci avait une obligation de résultat, qu’en effet, la convention ne prévoyait aucun chiffre d’affaires a réaliser par lui, que a…, n’était donc tenu que d’une obligation de diligence normale, eu égard aux usages de la profession et aux possibilités du marché des produits à vendre” ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, ayant déclaré à juste titre, que le concédant pouvait librement mettre fin au contrat a durée indéterminée a la condition de ne pas agir abusivement, la cour d’appel ne pouvait imposer à ce dernier la charge de rapporter la preuve de l’existence d’un juste motif de résiliation du contrat, la cour d’appel n’a pas donné de base légale a sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen :

CASSE et ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 28 juin 1968 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

II) La durée du contrat au stage de l’exécution

Envisagée au stade de l’exécution du contrat, la durée du contrat soulève l’épineuse question de savoir si le contrat peut ou non être rompu par les parties avant l’expiration de son terme.

Pour le déterminer, cela suppose de distinguer selon que le contrat est conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée.

A) Le contrat à durée indéterminée

Le contrat à durée indéterminée est celui qui n’est assorti d’aucun terme extinctif, de sorte qu’il a vocation à être exécutée sans limitation de durée.

Est-ce à dire que les parties sont privées de la faculté de sortir du lien contractuel ? Il n’en est rien.

Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, les parties disposent d’une faculté de résiliation unilatérale

Cette faculté qui déroge au principe de force obligatoire des contrats a pour fondement le principe de prohibition des engagements perpétuels.

Elle a été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016.

La jurisprudence qui s’était fondée sur le principe de la prohibition des engagements perpétuels pour reconnaître aux parties une faculté de résiliation unilatérale en matière de contrat à durée indéterminée a été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016.

Le nouvel article 1211 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition. Une interrogation néanmoins subsiste.

  • Premier enseignement : la reconnaissance d’un droit
    • La faculté de rupture unilatérale appartient aux deux parties qui dès lors sont mises sur un pied d’égalité
    • Qui plus est, il s’agit là d’une disposition d’ordre public à laquelle les contractants ne sauraient déroger par clause contraire.
  • Second enseignement : le respect d’un délai de préavis
    • L’exercice de la faculté de rupture unilatérale est subordonné à l’observation d’un délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, raisonnable.
    • Cette faculté unilatérale de résiliation des contrats à durée indéterminée moyennant le respect d’un délai de préavis a, pour rappel, été reconnue comme une règle à valeur constitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel du 9 novembre 1999 relative à la loi sur le pacte civil de solidarité (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC)
    • Dans sa décision, le Conseil constitutionnel avait incité le législateur à préciser les règles ou les « causes permettant une telle résiliation, ainsi que les modalités de celle-ci, notamment le respect d’un préavis ».
    • C’est ce que fait l’ordonnance du 10 février 2016, en réservant aux contractants une faculté de résiliation du contrat à durée indéterminée, sous réserve du respect d’un délai de préavis contractuellement prévu, ou à défaut raisonnable.
    • Concrètement, l’objectif poursuivi par le législateur est de permettre au cocontractant de disposer du temps nécessaire pour s’organiser.
    • La question qui inévitablement se posera à l’avenir est de savoir ce que l’on doit entendre par la notion de « délai raisonnable ».
    • Le délai raisonnable de l’article 1211 est-il le même que celui visé par l’article 442-6, I, 5° du Code de commerce en matière de rupture des relations commerciales établies ?
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».
    • Doit-on se référer aux critères posés par ce texte pour déterminer ce que l’on doit entendre par « préavis raisonnable » ?
    • Ajouté à cela, en cas de litige, comment le juge va-t-il apprécier le caractère raisonnable du délai ?
  • L’interrogation : la sanction
    • Silence volontaire ou non du législateur, l’article 1211 du Code civil ne dit mot sur la sanction dont est assortie une résiliation unilatérale fautive du contrat.
    • Le rapport au Président de la République précise seulement que « dans le silence du texte, les règles de la responsabilité civile de droit commun trouveront à s’appliquer en cas de faute commise par le cocontractant, conformément à la jurisprudence constitutionnelle précitée. »
    • Deux solutions sont alors envisageables
      • Première solution
        • La sanction d’une rupture contractuelle pourrait en l’allocation de dommages et intérêts au cocontractant
        • Toutefois, la résiliation du contrat serait réputée acquise, quelles que soient les circonstances, conformément au principe de prohibition des engagements perpétuels
      • Seconde solution
        • Dans la mesure où la résiliation n’a pas été effectuée conformément aux formes requises, on pourrait estimer qu’elle est inefficace
        • Ainsi, le contrat serait maintenu, nonobstant l’exercice par la partie fautive de sa faculté de résiliation unilatérale
        • Il lui appartiendra alors de dénoncer une nouvelle fois le contrat en satisfaisant aux exigences de l’article 1211 du Code civil.

B) Le contrat à durée déterminée

1. Définition

Contrairement au contrat à durée indéterminée, le contrat à durée déterminée est assorti d’un terme extinctif.

Initialement, le Code civil ne donnait aucune définition du terme.

Lors de la réforme des obligations, le législateur a remédié à cette carence en introduisant un nouvel article 1305 dans le Code civil

Cette disposition prévoit que « l’obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine. »

Deux enseignements majeurs peuvent être tirés de cette définition :

  • Premier enseignement : une modalité temporelle de l’obligation
    • Le terme est une modalité de l’obligation qui a pour objet d’affecter son exigibilité ou sa durée
      • Lorsque le terme fait dépendre l’exigibilité de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est suspensif
        • Dans cette hypothèse, l’obligation existe
        • Toutefois, tant que l’événement ne s’est pas réalisé, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution
      • Lorsque le terme fait dépendre la durée de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est extinctif
        • Dans cette hypothèse, non seulement l’obligation existe, mais encore elle est exigible
        • Il en résulte que tant que l’événement ne s’est pas réalisé le débiteur doit l’exécuter
        • Lorsque, en revanche, l’échéance fixée interviendra, l’obligation disparaîtra
    • Lorsque le contrat est à durée déterminée, le terme dont il est assorti est extinctif.
  • Second enseignement : un événement futur et certain
    • Le terme consiste en un événement qui est futur et certain, mais dont la date de réalisation peut être incertaine.
    • Si donc l’événement doit être certain pour être qualifié de terme, sa date de réalisation peut en revanche ne pas être fixée :
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est déterminée, le terme est certain
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est indéterminée, le terme est incertain
    • En toute hypothèse, pour constituer un terme l’événement auquel est subordonnée l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit nécessairement être certain dans son principe
      • Exemple :
        • l’événement auquel est subordonné le versement d’une prime d’assurance au décès d’une personne constitue un terme et non une condition
        • Si la date de décès d’une personne est, par nature, incertaine, il est certain que cet événement se produira
    • À, défaut de certitude quant à la réalisation même de l’événement, celui-ci s’apparentera à une condition

?Distinction entre le terme et la condition

Le terme se distingue de la condition sur deux points :

  • Premier élément distinctif : existence / exigibilité-durée
    • La condition
      • Elle est une modalité de l’obligation qui affecte son existence, en ce sens que de sa réalisation dépend
        • soit sa création (condition suspensive)
        • soit sa disparition (condition résolutoire)
    • Le terme
      • Il est une modalité de l’obligation qui affecte, non pas son existence, mais son exigibilité ou sa durée
        • Le terme est suspensif lorsqu’il affecte l’exigibilité de l’obligation
        • Le terme est extinctif lorsqu’il affecte la durée de l’obligation
  • Second élément distinctif : l’incertitude
    • La condition
      • Elle se rapporte à un événement incertain, en ce sens que sa réalisation est indépendante de la volonté des parties
      • Ce n’est qu’en cas de survenance de cet événement que l’obligation produira ses effets
    • Le terme
      • Il se rapporte à un événement certain, en ce sens que sa survenance n’est pas soumise à un aléa
      • Les parties ont la certitude que cet événement se produira, soit parce que son échéance est déterminée, soit parce que sa réalisation est inévitable

?Un événement futur et certain

Pour être qualifié de terme l’événement dont dépend l’exécution de l’obligation doit être futur et certain.

Si le premier de ces caractères ne soulève pas de difficulté particulière, tel n’est pas le cas de l’exigence de certitude de l’événement qui a fait l’objet d’un débat doctrinal qui s’est accompagné d’une évolution de la jurisprudence.

  • Exposé de la problématique
    • En principe, pour être qualifié de terme, l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit être certain dans son principe, peu importe sa date de réalisation.
    • Aussi, que doit-on entendre par certain ?
    • Suffit-il que l’événement pris pour référence par les parties soit tenu pour certain par les parties pour être qualifié de terme ou est-il nécessaire que réalisation soit objectivement certaine ?
    • Pour la doctrine classique, de deux choses l’une :
      • Soit l’événement est objectivement certain auquel cas il s’apparente à un terme
      • Soit l’événement est objectivement incertain auquel cas il constitue une condition
    • C’est donc une approche objective de la certitude qui a été retenue par les auteurs
  • Évolution de la jurisprudence
    • Première étape
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a adopté une approche plutôt subjective de l’exigence de certitude
      • Elle estimait en ce sens que dès lors que les parties avaient considéré l’événement pris en référence, comme certain, il pouvait être qualifié de terme quand bien même sa réalisation était objectivement incertaine (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 21 juill. 1965).
    • Seconde étape
      • Dans une décision relativement récente, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation », ce dont elle déduit que si « l’événement [est] incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il [s’agit] d’une condition et non d’un terme » (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999, n°97-11.156).
      • Il ressort de cette solution un rejet de la conception subjective du terme, dont les parties n’ont plus la discrétion de la qualification.
      • Le revirement opéré par la première chambre civile a été confirmé dans les mêmes termes par un arrêt du 13 juillet 2004 (Cass. 1ère civ. 13 juill. 2004, n°01-01.429)

Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Union générale cinématographique, pris en sa première branche :

Vu l’article 1185 du Code civil ;

Attendu que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ;

Attendu que, pour débouter la société Union générale cinématographique (UGC), de son appel en garantie tendant à voir dire que la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne (CICF) devrait supporter les charges dues à l’Association foncière urbaine du centre commercial principal des Flanades, à Sarcelles, au titre du lot n° 54, exploité à usage de cinémas, l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, retient que l’accord du 13 mars 1981, faisant la loi des parties, selon lequel la société CIRP, aux droits de laquelle se trouve la CICF, s’est engagée à supporter ces charges aux lieu et place de l’UGC, tant que le nombre d’entrées annuelles des cinémas resterait inférieur ou égal à 380 000, comporte un terme et non une condition, dès lors qu’il a été considéré comme de réalisation certaine par les parties ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’événement étant incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il s’agissait d’une condition et non d’un terme, la cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi incident, ni sur ceux du pourvoi principal de la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne CICF :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 juin 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens.

En conclusion, pour être qualifiée de contrat à durée déterminée :

  • D’une part, son exigibilité doit être différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain
  • D’autre part, l’acte doit être assorti d’un terme extinctif

2. Principe

L’article 1212 du Code civil dispose que « lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme. »

Autrement dit, les parties ne disposent d’aucune faculté de résiliation unilatérale.

Cette règle se justifie par le principe de force obligatoire du contrat. Il en est le descendant direct.

Les parties sont donc liées par le terme du contrat qu’elles ont conclu. Aussi, la rupture anticipée du contrat serait constitutive d’une faute contractuelle.

3. Exceptions

Lorsque les parties sont liées par un contrat à durée déterminée, elles ne peuvent le rompre par anticipation que dans deux cas :

  • La faculté de résiliation unilatérale est prévue par la loi
  • Le contrat est rompu d’un commun accord des parties

a. La faculté de résiliation unilatérale est prévue par la loi

De nombreux textes confèrent aux parties la faculté de résilier unilatéralement un contrat à durée déterminée.

Il en va ainsi :

  • Du contrat du bail d’habitation qui peut être rompu par anticipation par le locataire sous réserve de l’observation d’un préavis de trois mois (Loi du 6 juillet 1989, art. 12).
  • Du contrat de mandat qui offre la faculté au mandant de révoquer le mandataire ad nutum (art. 2004 et 2007 C. civ.).
  • Du contrat de travail qui peut être rompu unilatéralement par l’employeur en cas de faute grave du salarié ou de force majeure (art. L. 1243-1 C. trav.).
  • Du contrat d’assurance auquel il peut être mis un terme par anticipation, tant par l’assureur, que par l’assuré moyennant le respect d’un préavis de deux mois (art. L. 113-12 c. ass.).
  • Du contrat de dépôt qui peut être résilié unilatéralement par le déposant (art. 1944 C. civ.).

b. Le commun accord des parties ou le mutus dissensus

Le principe d’intangibilité du contrat exprimé à l’article 1103 du Code civil, anciennement 1134, ne signifie pas que, une fois conclu, le contrat échappe définitivement à l’emprise des parties.

Ce que les parties ont fait conjointement, elles peuvent le défaire de la même manière.

C’est ce que l’on appelle le principe du mutus dissensus

Ce principe n’est autre que le corollaire de la force obligatoire.

Tout autant que la formation du contrat suppose la rencontre des volontés, sa révocation suppose cette même rencontre des volontés.

La question qui alors se pose est de savoir si les parties doivent observer un certain parallélisme des formes, lorsqu’elles envisagent conjointement une révocation du contrat ?

?Formalisme de la révocation

Dans un arrêt du 22 novembre 1960, la Cour de cassation a estimé « que si aux termes de l’article 1134, les conventions légalement formées ne peuvent être révoquées que par l’accord des contractants, semblable accord, qui n’est soumis à aucune condition de forme, peut être tacite et résulter des circonstances dont l’appréciation appartient aux juges du fond » (Cass. 1ère civ. 22 nov. 1960).

Ainsi, la Cour de cassation n’exige pas un parallélisme des formes.

Dans un arrêt du 18 juin 1994, la Cour de cassation a confirmé cette solution en affirmant que « la révocation d’un contrat par consentement mutuel peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges du fond sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve par écrit » (Cass. 1ère civ. 18 juin 1994, n°92-15.184).

Cass. 1ère civ. 18 juin 1994

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1134, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que le 16 novembre 1981, la société civile d’exploitation agricole des Masquières, aux droits de laquelle est la SCEA Saint-Benoît, a conclu avec la société Agri Gestion une convention par laquelle elle lui confiait la direction d’un domaine agricole ; que le contrat, conclu pour une durée de 5 années à compter du 1er janvier 1982, prévoyait pour la société Agri Gestion la faculté de rompre le contrat à tout moment moyennant l’obligation de respecter un préavis de 12 mois ou de payer une indemnité compensatrice correspondant à une année de rémunération ; que le 16 mai 1984, la société Agri Gestion a notifié à la SCEA des Masquières son intention de mettre fin au contrat ; qu’assignée par sa cocontractante le 23 mai 1989 en paiement de l’indemnité compensatrice de la rupture, la société Agri Gestion a soutenu que la convention avait été résiliée du commun accord des parties ;

Attendu que pour condamner la société Agri Gestion au paiement de l’indemnité réclamée, l’arrêt attaqué retient que cette société, qui se prétend libérée de son obligation, doit rapporter dans les termes de l’article 1341 du Code civil la preuve que la rupture est intervenue d’accord entre les parties ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la révocation d’un contrat par consentement mutuel des parties peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges du fond, sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve par écrit, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mars 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse autrement composée.

?Effets de la révocation

Quel est l’effet de la révocation d’un contrat ?

Dans l’hypothèse où les parties ont réglé dans leur accord initial les conséquences de la révocation, leur volonté prime sur toute autre considération.

La difficulté survient, lorsqu’elles n’ont rien prévu.

Doit-on attacher à la révocation les mêmes effets qu’une résolution, soit un effet rétroactif ?

  • Principe : les contrats à exécution instantanée
    • La Cour de cassation a apporté une réponse positive à cette question en estimant que « les conventions peuvent être révoquées du consentement mutuel des parties, et que cette révocation produit le même effet que l’accomplissement d’une condition résolutoire, c’est-à-dire que les choses sont remises au même état que si l’obligation n’avait pas existé » (Cass. civ., 27 juill. 1892).
    • Ainsi, non seulement la révocation met fin pour l’avenir au contrat, mais encore elle produit un effet rétroactif.
    • Il y aura donc lieu de procéder à des restitutions afin de revenir au statu quo ante.
  • Exception : les contrats à exécution successive
    • Dans l’hypothèse où le contrat était à exécution successive, la jurisprudence considère que la révocation aura seulement pour effet de mettre fin au contrat que pour l’avenir (V. notamment en ce sens Cass. com., 1er févr. 1994, n°92-18.276)

III) La durée du contrat à l’expiration de son terme

À l’expiration du terme, les obligations nées du contrat ont vocation à s’éteindre de sorte que les effets de ce dernier sont anéantis.

Les parties sont libérées, de plein droit, du lien contractuel sans qu’il soit besoin qu’elles accomplissent une démarche ou un acte en particulier.

Trois événements sont néanmoins susceptibles de prolonger la durée du contrat qui donc continuera à produire ses effets pour l’avenir.

Les modalités de prolongation du contrat sont au nombre de trois :

  • La prorogation
  • Le renouvellement
  • La tacite reconduction

A) La prorogation

?Définition

Classiquement, la prorogation est définie comme le report du terme extinctif du contrat sous l’effet du commun accord des parties.

En raison de son objet, la prorogation ne se conçoit que dans un contrat à durée déterminée qui, par définition, comporte un terme extinctif à la différence du contrat à durée indéterminée dont l’exécution dans le temps ne connaître aucune limite, excepté celle posée par le principe de prohibition des engagements perpétuels.

?Conditions

La prorogation du contrat est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives énoncées à l’article 1213 du Code civil qui prévoit que « le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration. »

  • Première condition
    • La prorogation ne peut intervenir que sous l’effet d’un commun accord des parties.
    • Une partie ne saurait, en effet, être engagée au-delà du terme sans y avoir consenti
    • Admettre le contraire, reviendrait à porter atteinte au principe d’autonomie de la volonté : on ne peut s’obliger que si on l’a voulu.
  • Seconde condition
    • La prorogation du contrat doit avoir été convenue entre les cocontractants avant l’expiration du terme du contrat.
    • À défaut, on ne saurait proroger des obligations éteintes
    • La seule solution qui, en pareille circonstance, s’offrirait aux parties serait de procéder à un renouvellement du contrat.
    • Le contrat renouvelé s’apparente toutefois à un nouveau contrat, de sorte que toutes les sûretés qui étaient adossées à l’ancienne convention sont anéanties.
    • Aussi, la prorogation suppose-t-elle que les parties la prévoient
      • Soit en cours d’exécution du contrat par échange des consentements
      • Soit lors de la formation du contrat au moyen d’une clause

?Effets

  • Les effets à l’égard des parties
    • La prorogation du contrat a pour effet de reporter le terme extinctif du contrat. Autrement dit, la convention initiale conclue par les parties continue à produire ses effets pour l’avenir.
    • Ses dispositions sont maintenues tout autant que les sûretés constituées par les parties en garantie de leurs engagements respectifs.
    • La loi applicable demeure, par ailleurs, la même que celle sous l’empire de laquelle le contrat a été conclu.
    • En définitive, tous les effets du contrat sont préservés jusqu’à l’expiration du nouveau terme convenu par les contractants.
  • Les effets à l’égard des tiers
    • Le nouvel article 1213 du Code civil précise que « la prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers ».
    • Cette disposition vise notamment à protéger les tiers dont la situation est susceptible d’être affectée par la prorogation.
    • Il en va notamment ainsi des garants, dont la caution.
    • En écho à l’article 1213, l’article 2316 du Code civil prévoit, par exemple, que « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement. »
    • Il ressort de cette disposition que, en cas de prorogation du contrat, la caution demeure tenue envers le créancier principal.
    • En contrepartie, elle dispose néanmoins d’une action en paiement contre le débiteur qu’elle peut exercer par anticipation.
    • Elle peut, par ailleurs, procéder à un paiement forcé du créancier, sans que celui-ci ne puisse lui opposer la prorogation du terme (V. en ce sens Cass. com., 5 nov. 1971)

B) Le renouvellement

?Définition

Le renouvellement consiste en la substitution d’un contrat dont le terme est échu par un nouveau contrat identique en toutes ses dispositions.

À l’instar de la prorogation, le renouvellement ne se conçoit que pour les contrats à durée déterminée.

Pour qu’un contrat puisse être renouvelé, encore faut-il qu’il comporte un terme ce qui, par définition, n’est pas le cas d’un contrat à durée indéterminée.

?Conditions

L’article 1214 du Code civil prévoit que « le contrat à durée déterminée peut être renouvelé par l’effet de la loi ou par l’accord des parties. »

Il ressort de cette disposition que, pour qu’un contrat puisse faire l’objet d’un renouvellement, celui-ci doit avoir été prévu, soit par les parties, soit par la loi.

  • Le renouvellement prévu par les parties
    • Les parties peuvent librement convenir que le contrat sera renouvelé à l’expiration de son terme.
    • Cela se traduira, le plus souvent, par l’insertion d’une clause de renouvellement
    • L’article 1212 du Code civil précise néanmoins que « nul ne peut exiger le renouvellement du contrat. »
    • Aussi, pour que le renouvellement du contrat s’opère, est-il nécessaire que les deux parties y consentent.
    • En ce que le renouvellement s’analyse en la conclusion d’un nouveau contrat, un contractant ne saurait être engagé contre sa volonté.
    • C’est la raison pour laquelle le renouvellement ne peut procéder que d’un commun accord des parties.
  • Le renouvellement prévu par la loi
    • Le législateur a prévu plusieurs cas où le renouvellement s’opère par l’effet de la loi.
    • Il en va ainsi pour notamment pour le bail d’habitation et le bail commercial
    • Lorsqu’il est prévu par la loi, le renouvellement est automatique sauf à ce qu’une partie dénonce le contrat avant l’arrivée de son terme

?Effets

Aux termes de l’article 1214, al. 2 « le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. »

Autrement dit, le renouvellement d’un contrat opère novation en ce sens que cette opération donne naissance à une nouvelle convention.

Plus précisément, ce nouveau contrat est identique en tout point à l’ancien, à la nuance près néanmoins que :

  • D’une part, il est conclu pour une durée indéterminée
  • D’autre part, il n’est plus assorti des sûretés qui avaient été constituées par les parties en garantie de leur engagement initial
  • Enfin, chaque partie peut y mettre fin moyennant l’observation d’un préavis raisonnable

C) La tacite reconduction

?Définition

La tacite reconduction s’analyse en un renouvellement de contrat qui n’a pas expressément été exprimé par les parties.

Elle ne peut donc être envisagée, à l’instar du renouvellement dont elle constitue une variété, que pour un contrat à durée déterminée.

?Conditions

L’article 1215 prévoit que « lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. »

La tacite reconduction suppose ainsi que les parties aient :

  • Soit poursuivi l’exécution de leurs obligations respective à l’expiration du terme du contrat initial
  • Soit prévu une clause spécifique qui stipule que le contrat est renouvelé, faute de dénonciation par les parties avant l’arrivée du terme

L’article L. 215-1 du Code de la consommation ajoute que l’efficacité de la tacite reconduction d’un contrat de prestation de services conclus pour une durée déterminée entre un professionnel et un consommateur est subordonnée à l’information de ce dernier « par écrit, par lettre nominative ou courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite. »

Cette disposition ajoute que l’information doit être « délivrée dans des termes clairs et compréhensibles, mentionne, dans un encadré apparent, la date limite de non-reconduction. »

?Effets

L’article 1215 du Code civil dispose que la reconduction tacite « produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat. »

Elle a donc pour conséquence d’emporter création d’un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée.

La règle ainsi posée est néanmoins supplétive, de sorte que les parties sont libres d’y déroger.

  1. J. Carbonnier, Droit civil – Les Obligations, PUF, 22e éd., 2000, § 314 ?

La nullité du contrat : régime juridique

I) Vue générale

A) Notion

Aux termes du nouvel article 1178 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, « un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. ».

Par « nul », il faut comprendre, poursuit cette disposition, qu’il « est censé n’avoir jamais existé. »

Il ressort de cette définition générale de la nullité qu’elle présente deux caractères principaux :

  • Elle sanctionne les conditions de formation de l’acte irrégulier
  • Elle anéantit l’acte qu’elle frappe rétroactivement

B) Nullité et notions voisines

1. Nullité et caducité

?Défaillance

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances.

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La caducité
    • Elle s’identifie à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

?Volonté des parties

Pour être acquise, la caducité doit résulter de la survenant d’un événement indépendant de la volonté des parties.

Admettre le contraire reviendrait à conférer indirectement aux parties un droit de rupture unilatérale du contrat.

?Effets

  • La nullité
    • Elle est, en principe, assortie d’un effet rétroactif.
    • L’acte est donc anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
  • La caducité
    • Selon les termes de l’article 1187 du Code civil, elle met simplement fin au contrat, de sort qu’elle n’opère que pour l’avenir.
    • Les parties pourront toujours solliciter des restitutions.

2. Nullité et résolution

?Défaillance

Comme la caducité, la résolution ne vise à pas sanctionner la même défaillance que la nullité.

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La résolution
    • Elle sanctionne une irrégularité qui procède de la survenance d’une circonstance postérieure à la formation.
    • Cette irrégularité consiste
      • Soit en une inexécution
      • Soit en la non-réalisation d’une condition

Tandis que la nullité intervient au moment de la formation du contrat, la résolution ne peut survenir qu’au cours de son exécution.

?Effets

  • Principe
    • La nullité et la résolution produisent les mêmes effets : elles sont toutes les deux assorties d’un effet rétroactif.
  • Exception
    • En matière de contrat à exécution successive, il ressort de l’article 1229, al. 3 du Code civil que « lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. »
    • Autrement dit, contrairement à la résolution, la résiliation anéantit le contrat seulement pour l’avenir.
    • Elle ne produit aucun effet rétroactif.

3. Nullité et rescision

?Défaillance

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La rescision
    • Elle sanctionne la lésion qui affecte certains contrats au moment de leur formation.
    • Par lésion, il faut entendre le préjudice subi par l’une des parties au moment de la conclusion du contrat, du fait d’un déséquilibre existant entre les prestations.

?Effets

Tant la nullité que la rescision sont assorties d’un effet rétroactif. Le contrat est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés

4. Nullité et inopposabilité

?Défaillance

Tant la nullité que l’inopposabilité résultent du non-respect d’une condition de formation du contrat.

L’inopposabilité résultera, le plus souvent, du non-accomplissement d’une formalité de publicité.

?Effets

  • La nullité
    • Elle anéantit l’acte qu’elle frappe, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
  • L’inopposabilité
    • Contrairement à la nullité, elle n’a pas pour effet d’anéantir l’acte : il demeure valable entre les parties
    • L’inopposabilité a seulement pour effet de rendre l’acte inefficace pour les tiers.

5. Nullité et inexistence

?Défaillance

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • L’inexistence
    • Si l’inexistence se rapproche de la nullité en ce qu’elle consiste en la sanction prononcée à l’encontre d’un acte dont l’un des éléments constitutifs essentiels à sa formation fait défaut.
    • Elle s’en distingue, en ce qu’elle intervient lorsque la défaillance qui atteint l’une des conditions de validité de l’acte porte sur son processus de formation.
    • Autrement dit, tandis qu’en matière de nullité l’échange des consentements a eu lieu, tel n’est pas le cas en matière d’inexistence.
    • Aussi, l’inexistence vient-elle précisément sanctionner l’absence de rencontre des volontés.
    • Dans un arrêt du 5 mars 1991, la Cour de cassation a approuvé en ce sens une Cour d’appel qui, après avoir relevé qu’aucun échange de consentement n’était intervenu entre les parties, a estimé qu’il n’y avait pas pu y avoir de contrat elles (Cass. 1ère civ., 5 mars 1991, n°89-17.167).
    • Conformément à cette jurisprudence, l’erreur obstacle devrait donc, en toute logique, être sanctionnée par l’inexistence, comme le soutiennent certains auteurs et non par la nullité.

?Effets

  • La nullité
    • Dans l’hypothèse, où le non-respect d’une condition de validité du contrat est sanctionné par la nullité, celui qui entend contester l’acte dispose d’un délai de 5 ans pour agir.
    • Conformément à l’article 2224 du Code civil, le point de départ de ce délai de prescription court à compter « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Il s’agira, le plus souvent, du jour de la conclusion du contrat.
  • L’inexistence
    • Dans l’hypothèse toutefois où la sanction prononcée est l’inexistence de l’acte, le contrat n’a jamais été formé puisque les volontés ne se sont pas rencontrées.
    • Il en résulte que les parties à l’acte inexistant ne sauraient se prévaloir d’aucun droit, sinon de celui de faire constater l’inexistence.
    • Aussi, l’exercice de l’action en inexistence n’est-il subordonné à l’observation d’un quelconque délai de prescription.
    • L’intérêt de la sanction de l’inexistence ne tient pas seulement à l’absence de prescription de l’action.
    • Elle réside également dans l’impossibilité pour les parties de confirmer l’acte.
    • On ne saurait, en effet, confirmer la validité d’un acte qui n’a jamais existé.

C) La summa divisio des nullités

Traditionnellement, on distingue deux catégories de nullités :

  • Les nullités relatives
  • Les nullités absolues

La question qui immédiatement se pose est alors se savoir quel critère retenir pour les distinguer. Sur cette question, deux théories se sont opposées : l’une dite classique et l’autre moderne

?La théorie classique

Selon cette théorie, née au XIXe siècle, le critère de distinction entre les nullités relatives et les nullités absolues serait purement anthropomorphique.

Autrement dit, le contrat pourrait être comparé à un être vivant, lequel est composé d’organes.

Or ces organes peuvent, soit faire défaut, ce qui serait synonyme de mort, soit être défectueux, ce qui s’apparenterait à une maladie.

Selon la doctrine de cette époque, il en irait de même pour le contrat qui est susceptible d’être frappé par différents maux d’une plus ou moins grande gravité.

En l’absence d’une condition d’existence (consentement, objet, cause) l’acte serait mort-né : il encourrait la nullité absolue

Lorsque les conditions d’existence seraient réunies mais que l’une d’elles serait viciée, l’acte serait seulement malade : il encourrait la nullité relative

Cette théorie n’a pas convaincu les auteurs modernes qui lui ont reproché l’artifice de la comparaison.

?La théorie moderne

La théorie classique des nullités a été vivement critiquée, notamment par Japiot et Gaudemet.

Selon ces auteurs, le critère de distinction entre la nullité relative et la nullité absolue réside, non pas dans la gravité du mal qui affecte l’acte, mais dans la finalité poursuivie par la règle sanctionnée par la nullité.

Ainsi, selon cette théorie :

  • La nullité absolue viserait à assurer la sauvegarde de l’intérêt général, ce qui justifierait qu’elle puisse être invoquée par quiconque à un intérêt à agir
  • La nullité relative viserait à assurer la sauvegarde d’un intérêt privé, ce qui justifierait qu’elle ne puisse être invoquée que par la personne protégée par la règle transgressée

S’il est indéniable que le critère de distinction proposé par la doctrine moderne est d’application plus aisé que le critère anthropomorphique, il n’en demeure pas moins, dans certains cas, difficile à mettre en œuvre.

Qui plus est, il ressort de la jurisprudence que les tribunaux n’ont absolument pas renoncé au premier critère.

Il est, en effet, constant en jurisprudence que les vices de forme ou l’absence d’objet sont sanctionnés par une nullité absolue, alors même que ces conditions de validité de l’acte visent à protéger moins l’intérêt général, que l’intérêt des cocontractants.

Aussi, cela témoigne-t-il, sans aucun doute, de l’existence d’une certaine corrélation entre la gravité du mal qui affecte l’acte et la sanction appliquée.

À l’occasion de la réforme des obligations, le législateur n’est pas resté étranger à ce débat.

On peut lire dans le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 qu’il a entendu consacrer « ce qu’il est convenu d’appeler la théorie moderne des nullités »

Cette volonté du législateur de trancher le débat relatif au critère de distinction entre la nullité absolue et la nullité relative, s’est traduite par l’introduction d’un nouvel article 1179 dans le Code civil.

Cette disposition prévoit désormais que la nullité est :

  • Absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.
  • Relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

Aussi, est-ce toujours autour de cette distinction que s’articule le régime juridique de l’action en nullité (I)

Que la nullité soit absolue ou relative, cela n’aura toutefois aucune répercussion sur les effets de la nullité (II)

II) L’action en nullité

A) Les titulaires de l’action en nullité

Afin de déterminer qui a qualité à agir en annulation d’un acte, il convient de déterminer si la sanction de la règle transgressée est une nullité absolue ou relative.

1. L’invocation de la nullité absolue

?Principe : indifférence de la qualité à agir

Aux termes du nouvel article 1180 du Code civil « la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public. »

Cela signifie que le périmètre de l’action s’étend au-delà de la sphère des parties.

L’étendue de ce périmètre se justifie par la nature de la transgression qui est sanctionnée.

L’atteinte est portée, en pareil cas, à une règle protectrice de l’intérêt général. Potentiellement ce sont donc tous les sujets droits qui sont visés par cette atteinte.

Dans ces conditions, il n’est pas illégitime d’admettre qu’ils puissent agir en nullité de l’acte qu’il leur fait grief aux fins d’assurer la sauvegarde de leurs intérêts.

?Condition : exigence d’un intérêt à agir

Si, en matière de nullité absolue, l’article 1180 du Code civil ne restreint pas le nombre de personnes qui ont qualité à agir, il n’en subordonne pas moins l’exercice de l’action à l’existence d’un intérêt.

Pour invoquer la nullité absolue d’un acte cela suppose, autrement dit, d’être en mesure de justifier :

  • En premier lieu
    • d’un intérêt légitime au sens de l’article 31 du Code de procédure civile, soit d’un intérêt qui entretient un lien suffisamment étroit avec la cause de nullité.
  • En second lieu
    • d’un intérêt direct ce qui pose la question de la faculté pour les associations et autres groupements de défense des intérêts collectifs d’agir en nullité.
    • Dans un arrêt du 22 janvier 2014, cela n’a toutefois pas empêché la Cour de cassation de reconnaître à un syndicat son intérêt à agir en nullité d’un acte (Cass. 1ère civ. 22 janv. 2014, n°13-12.675).

?Les personnes qui ont un intérêt à agir

  • Les parties
    • De par leur engagement à l’acte, les parties ont, en toutes circonstances, intérêt à soulever une cause de nullité absolue.
    • Elles y sont intéressées au premier chef.
    • Cette faculté leur est offerte, quand bien même le contractant qui solliciterait la nullité serait à l’origine du vice qui affecte l’acte.
    • La raison en est que l’adage nemo auditur n’est applicable aux effets de l’action engagée et non à ses causes.
  • Les créanciers
    • Les créanciers peuvent justifier d’un intérêt à agir s’ils démontrent que l’acte conclu par leur débiteur leur cause un préjudice.
    • Dans le cas, contraire l’action en nullité leur sera fermée
  • Les tiers
    • La possibilité pour un tiers d’agir en nullité semble extrêmement restreinte.
    • Par définition, le tiers est insusceptible d’être atteint par les effets de l’acte.
    • Dans ces conditions, il ne semble pas pouvoir être en mesure de justifier d’un intérêt à agir, sauf à envisager que l’exécution de l’acte lui cause préjudice
  • Le ministère public
    • La possibilité pour le ministère public d’agir en nullité absolue de l’acte est expressément prévue par l’article 1180 du Code civil.
    • Son action n’est subordonnée, a priori, au respect d’aucune condition en particulier.
    • En pratique toutefois
      • d’une part, son intervention sera subsidiaire
      • d’autre part, il ne soulèvera que les causes de nullité relatives à l’illicéité du contenu de l’acte

2. L’invocation de la nullité relative

?Restriction des personnes ayant qualité à agir

Aux termes de l’article 1181 du Code civil « la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. »

Ainsi, la loi restreint-elle le cercle des personnes ayant qualité à agir en nullité relative d’un acte. Cette disposition est d’ordre public. Il ne saurait, en conséquence, y être dérogé par convention contraire.

?Les personnes ayant qualité à agir

  • Les contractants
    • La règle dont la violation est sanctionnée par une nullité relative vise, le plus souvent, à protéger les contractants
    • Mécaniquement, c’est donc l’une des parties au contrat qui sera seule titulaire de l’action en nullité
    • Il en ira ainsi en matière :
      • de vices du consentement
      • de lésion (lorsqu’elle est reconnue)
      • d’incapacité
    • Il peut être observé que l’action en nullité ne pourra être exercée que par la partie victime de la violation de la règle sanctionnée par une nullité relative
    • Son cocontractant sera, en conséquence, privé du droit d’agir, quand bien même il justifierait d’un intérêt.
  • Les représentants légaux
    • En ce qu’ils agissent au nom et pour le compte de la personne protégée, les représentants légaux peuvent exercer l’action en nullité (tuteur, curateur etc.).
  • Les ayants cause
    • Lorsque les droits de la personne protégée sont transmis à un ayant cause, celui-ci devient titulaire des actions attachées à ces droits, dont l’action en nullité qui dès lors, pourra être exercée par lui.
  • Les créanciers
    • Si, par principe, les créanciers n’auront pas qualité à agir pour exercer directement l’action en nullité lorsque ladite nullité est relative, ils pourront néanmoins agir par voie d’action oblique.
    • L’article 1341-1 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne. »

B) Les pouvoirs du juge

?Principe : la nullité judiciaire

  • Le monopole du juge
    • En principe, seul le juge est investi du pouvoir de prononcer la nullité du contrat.
    • L’article 1178 du Code civil dispose que « la nullité doit être prononcée par le juge ».
    • Cette règle se justifie par la présomption de validité qui pèse sur les conventions.
    • Cette présomption a été instituée aux fins d’assurer la sécurité des actes juridiques.
    • Il sera par conséquent nécessaire pour celui qui agit en nullité d’un acte de saisir la juridiction compétente, avant d’entreprendre toute rupture de la relation contractuelle.
    • Aussi, appartiendra-t-il au juge une fois saisi
      • D’abord de vérifier les conditions de validité de l’acte
      • Ensuite de constater sa nullité si établie
      • Enfin de prononcer sur les effets de la nullité
    • Quid néanmoins dans l’hypothèse où, au cours d’une instance, le juge relève une nullité, mais qu’elle n’a pas été soulevée par les parties ?
    • C’est toute la question de l’office du juge.
  • L’office du juge
    • Le juge peut-il relever d’office la nullité d’un acte ?
    • Les textes sont silencieux sur cette question.
    • Tout au plus, l’article 12 du Code de procédure civil prévoit que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. »
    • Toutefois, il ressort de la jurisprudence (Cass. 1ère civ. 22 mai 1985, n°84-10.572) que le juge dispose de cette faculté à la condition qu’il fonde sa décision
      • D’une part sur des faits inclus dans les débats (art. 7 CPC)
      • D’autre part que ces faits aient été débattus contradictoirement par les parties (art. 16 CPC)
    • La jurisprudence n’opère aucune distinction, selon que la nullité est absolue ou relative.

?Exception : la nullité conventionnelle

Si, en principe, la nullité d’un acte ne produit d’effets qu’à la condition d’être prononcée par le juge, l’article 1178 du Code civil prévoit que cette règle est écartée lorsque les parties constatent la nullité « d’un commun accord ».

Cette faculté qu’ont les parties à tirer, elles-mêmes, les conséquences de la nullité d’un acte résulte du principe du mutus dissens.

Autrement dit, ce que les contractants ont consenti à faire, ils doivent pouvoir le défaire au moyen de cette même volonté.

Cette conception du pouvoir dont sont titulaires les parties, consacrée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations, participe de sa volonté, d’une part, de leur conférer une plus grande autonomie, mais encore de désengorger les tribunaux.

En matière fiscale néanmoins, il peut être observé que les parties n’auront pas la possibilité d’opposer au Trésor public la nullité amiable.

L’article 1961, al. 2 du CGI dispose en ce sens que « en cas de rescision d’un contrat pour cause de lésion, ou d’annulation d’une vente pour cause de vices cachés et, au surplus, dans tous les cas où il y a lieu à annulation, les impositions visées au premier alinéa perçues sur l’acte annulé, résolu ou rescindé ne sont restituables que si l’annulation, la résolution ou la rescision a été prononcée par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée. »

C) La prescription de l’action en nullité

Afin d’envisager la question de la prescription, il convient de distinguer selon que la nullité est invoquée par voie d’action ou par voie d’exception.

Tandis que dans le premier cas, le délai de prescription est de 5 ans, dans le second il est perpétuel.

1. L’invocation de la nullité par voie d’action

On dit de la nullité qu’elle est invoquée par voie d’action, lorsque celui qui soulève ce moyen est le demandeur à l’instance.

?Le délai de prescription

Lorsque la nullité est invoquée par voie d’action l’article 2224 du Code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans ».

Antérieurement à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le délai de prescription de l’action en nullité était différent que la nullité était absolue ou relative :

  • Lorsque la nullité était absolue, le délai de prescription était de 30 ans
  • Lorsque la nullité était relative, le délai de prescription était de 5 ans

Désormais, il n’y a plus lieu de distinguer selon que la nullité est absolue ou relative.

Dans les deux cas, le délai de prescription de l’action en nullité est de 5 ans.

?Le point de départ du délai

  • La fixation du point de départ du délai
    • Aux termes de l’article 2224 du Code civil le délai de prescription de l’action en nullité court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Cela signifie donc que tant que le titulaire de l’action en nullité n’a pas connaissance de la cause de nullité qui affecte l’acte, le délai de prescription ne court pas ; son point de départ est reporté
    • En matière de vices du consentement, l’article 1144 précise que le délai de l’action en nullité ne court
      • D’une part, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts
      • D’autre part, en cas de violence, que du jour où elle a cessé.
  • Le report du point de départ du délai
    • L’article 2232, al. 2 du Code civil pose une limite au report du point de départ du délai de prescription de l’action en nullité.
    • Cette disposition prévoit, en effet, que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »
    • Ainsi, le point de départ de la prescription ne peut être reporté que dans la limite de 20 ans à compter du jour de la conclusion de l’acte.

?L’invocation de la prescription

  • Les parties
    • Aux termes de l’article 2248 du Code civil, les parties ont la faculté de soulever la nullité d’un acte en première instance et en appel.
    • La voie leur est fermée en cas de pourvoi en cassation.
  • Le juge
    • L’article 2247 interdit au juge de « suppléer d’office le moyen résultant de la prescription ».
    • Autrement dit, il revient aux parties d’invoquer la prescription de l’action en nullité.
    • À défaut, elle sera sans effet.

2. L’invocation de la nullité par voie d’exception

On dit que la nullité est invoquée par voie d’exception lorsque celui qui la soulève est le défendeur à l’instance.

Ce dernier est conduit à soulever la nullité de l’acte dans le cadre du débat contradictoire qui va s’instaurer avec le demandeur dont ce dernier est à l’initiative, puisque auteur de l’acte introductif d’instance.

?Le principe de perpétuité de l’exception de nullité

Lorsque la nullité est soulevée par voie d’action, le délai de prescription est très différent de celui imparti à celui qui agit par voie d’action.

Aux termes de l’article 1185 du Code civil « l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. »

Il ressort de cette disposition que l’exception de nullité est perpétuelle.

Cette règle n’est autre que la traduction de l’adage quae temporalia ad agendum perpetua sunt ad excipiendum, soit les actions sont temporaires, les exceptions perpétuelles

Concrètement, cela signifie que, tandis que le demandeur peut se voir opposer la prescription de son action en nullité pendant un délai de 5 ans, le défendeur pourra toujours invoquer la nullité de l’acte pour échapper à son exécution.

Cette règle a été instituée afin d’empêcher que le créancier d’une obligation n’attende la prescription de l’action pour solliciter l’exécution de l’acte sans que le débiteur ne puisse lui opposer la nullité dont il serait frappé.

?Les conditions à la perpétuité de l’exception de nullité

Pour que l’exception de nullité soit perpétuelle, trois conditions doivent être réunies

  • Première condition
    • Conformément à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er décembre 1998 « l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté » (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998, n°96-17.761)
    • Autrement dit, l’exception de nullité doit être soulevée par le défendeur pour faire obstacle à une demande d’exécution de l’acte
    • Dans le cas contraire, l’exception en nullité ne pourra pas être opposée au demandeur dans l’hypothèse où l’action serait prescrite.
  • Deuxième condition
    • Il ressort de l’article 1185 du Code civil, que l’exception de nullité est applicable à la condition que l’acte n’ai reçu aucune exécution.
    • Cette solution avait été adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mai 2012 (Cass. 1ère civ. 4 mai 2012, n°10-25.558)
    • Dans cette décision, elle a affirmé que « la règle selon laquelle l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté »
    • Cette règle a été complétée par la jurisprudence dont il ressort que peu importe :
      • Que le contrat n’ait été exécuté que partiellement (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998)
      • Que la nullité invoquée soit absolue ou relative (Cass. 1ère civ. 24 avr. 2013).
      • Que le commencement d’exécution ait porté sur d’autres obligations que celle arguée de nullité (Cass. 1ère civ. 13 mai 2004).
  • Troisième condition
    • Bien que l’article 1185 ne le précise pas, l’exception de nullité n’est perpétuelle qu’à la condition qu’elle soit invoquée aux fins d’obtenir le rejet des prétentions de la partie adverse
    • Dans l’hypothèse où elle serait soulevée au soutien d’une autre demande, elle devrait alors être requalifiée en demande reconventionnelle au sens de l’article 64 du Code de procédure civil.
    • Aussi, se retrouverait-elle à la portée de la prescription qui, si elle n’affecte jamais l’exception, frappe toujours l’action.
    • Or une demande reconventionnelle s’apparente à une action, en ce sens qu’elle consiste pour son auteur à « être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée » (art. 30 CPC).

III) L’étendue de la nullité

Longtemps, la question s’est posée de savoir si la nullité ne devait avoir que pour effet d’anéantir l’acte qu’elle affecte dans son ensemble ou si elle pouvait ne porter que sur certaines clauses.

Lorsque le contrat est privé d’objet ou que le consentement d’une partie à l’acte fait défaut ou est vicié, cette question ne soulève pas de difficultés.

Mais quid dans l’hypothèse où seule une stipulation est illicite ?

Dans certains cas, le législateur surmonte cette difficulté en prévoyant une sanction spéciale, qui tend à se développer de plus en plus : le réputé non écrit.

En pareil cas, seule la clause entachée d’irrégularité est anéantie, tandis que le contrat est quant à lui maintenu.

Exemple :

  • L’article 1170 dispose que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »
  • L’article 1171 prévoit encore que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »

En dehors de textes spécifiques, quelle solution adopter en cas d’irrégularité d’une stipulation contractuelle ?

A) Droit antérieur

Avant la réforme des obligations, le Code civil ne comportait aucune disposition de portée générale régissant l’étendue de la nullité.

Tout au plus, on a pu voir dans la combinaison des articles 900 et 1172 une distinction à opérer s’agissant de l’étendue de la nullité entre les actes à titre gratuit et les actes à titre onéreux.

  • Les actes à titre gratuit
    • L’article 900 du Code civil prévoit que « dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites »
    • Pour les actes à titre gratuit, la nullité pourrait donc n’être que partielle en cas d’illicéité d’une clause.
  • Les actes à titre onéreux
    • L’ancien article 1172 prévoyait que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend »
    • Sur le fondement de cette disposition les auteurs estimaient que, pour les actes à titre onéreux, l’illicéité d’une stipulation contractuelle entachait l’acte dans son ensemble de sorte que la nullité ne pouvait être totale.

Manifestement, la jurisprudence a très largement dépassé ce clivage.

Les tribunaux ont préféré s’appuyer sur le critère du caractère déterminant de la clause dans l’esprit des parties (Voir en sens notamment Cass. 3e civ., 24 juin 1971, n°70-11.730)

Aussi, la détermination de l’étendue de la nullité supposait-elle de distinguer deux situations :

  • Lorsque la clause présente un caractère « impulsif et déterminant », soit est essentielle, son illicéité affecte l’acte dans son entier
    • La nullité est donc totale
  • Lorsque la clause illicite ne présente aucun caractère « impulsif et déterminant », soit est accessoire, elle est seulement réputée non-écrite
    • La nullité est donc partielle

Jugeant le Code civil « lacunaire » sur la question de l’étendue de la nullité, à l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a consacré la théorie de la nullité partielle, reprenant le critère subjectif institué par la jurisprudence.

B) Réforme des obligations

Le législateur n’a pas seulement consacré la théorie de la nullité partielle, il en également profité pour clarifier le système instauré par la jurisprudence.

Pour ce faire, il a envisagé deux sortes de maintien du contrat :

?Le maintien de principe

Aux termes de l’article 1184, al. 1er du Code civil, « lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. »

Il ressort de cette disposition que quand bien même un acte est affecté par une cause de nullité, il peut être sauvé.

Le juge dispose, en effet, de la faculté de ne prononcer qu’une nullité partielle de l’acte.

Cela suppose toutefois que deux conditions soient remplies :

  • L’illicéité affecte une ou plusieurs clauses de l’acte
  • La stipulation desdites clauses ne doit pas avoir été déterminante de l’engagement des parties

Si ces deux conditions sont remplies, les clauses affectées par la cause de nullité seront réputées non-écrites

?Le maintien d’exception

Le législateur a prévu à l’alinéa 2 de l’article 1184 du Code civil deux hypothèses de maintien du contrat, quand bien même les conditions exigées à l’alinéa 1er ne seraient pas remplies.

Peu importe donc que la stipulation de la clause illicite ait été ou non déterminante de l’engagement des parties.

Le contrat sera, en tout état de cause maintenu.

  • Première hypothèse
    • Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite
    • Ainsi, la règle spéciale déroge à la règle générale.
  • Seconde hypothèse
    • Le contrat est maintenu lorsque la finalité de la règle méconnue exige son maintien
    • Cette hypothèse se rencontrera lorsque le maintien du contrat est regardé comme une sanction pour celui contre qui la nullité partielle est prononcée.

IV) Les effets de la nullité

Plusieurs effets sont attachés à la nullité d’un acte. Il convient de distinguer les effets de la nullité à l’égard des parties des effets à l’égard des tiers

A) Les effets de la nullité à l’égard des parties

À l’égard des parties, il ressort de l’article 178 du Code civil que les effets de la nullité sont au nombre de trois.

?L’effet rétroactif de la nullité

Le principal effet de la nullité c’est la rétroactivité. Par rétroactivité il faut entendre que l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Cela signifie, autrement dit, que le contrat est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.

Dans l’hypothèse où l’acte a reçu un commencement d’exécution, voire a été exécuté totalement, l’annulation du contrat suppose de revenir à la situation antérieure, soit au statu quo ante.

Pour ce faire, il conviendra alors de procéder à des restitutions.

?Les restitutions

Conséquence de l’effet rétroactif de la nullité, l’obligation de restitution qui échoit aux parties consiste pour ces dernières à rendre à l’autre ce qu’elle a reçu.

Les restitutions qui résultent de la nullité d’un acte sont régies aux articles 1352 à 1352-9 du Code civil.

L’objectif poursuivi par les restitutions est de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat.

Cet objectif se révélera toutefois, dans bien des cas, difficile à atteindre, notamment lorsque la restitution portera sur une chose consomptible, périssable ou encore qui a fait l’objet de dégradation. Quid encore de la restitution des fruits procurés par la chose restituée ?

Toutes ces questions sont traitées dans un chapitre propre aux restitutions, destiné à unifier la matière et à s’appliquer à toutes formes de restitutions, qu’elles soient consécutives à l’annulation, la résolution, la caducité ou encore la répétition de l’indu.

?L’octroi de dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1178, al. 4 du Code civil « indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. »

Ainsi, la partie qui obtient la nullité d’un acte peut se voir octroyer, si elle justifie d’un préjudice, des dommages et intérêts. Elle ne pourra engager la responsabilité de son cocontractant que sur le terrain de la responsabilité délictuelle puisque l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Dans un arrêt du 9 juillet 2004, la Chambre mixte a, toutefois, eu l’occasion de préciser que « la partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé » (Cass. ch. Mixte, 9 juill. 2004, n°02-16.302).

B) Les effets de la nullité à l’égard des tiers

?Principe

Dans la mesure où l’acte annulé est censé n’avoir jamais existé, il ne devrait en toute logique produire aucun effet à l’égard des tiers.

Toute prérogative octroyée à un tiers et qui a sa source dans le contrat annulé devrait normalement être anéantie.

Exemple :

  • Envisageons l’hypothèse où A vend un bien à B et que B le revend à C.
  • L’annulation du contrat entre A et B devrait avoir pour effet de priver C de la propriété du bien dont il est le sous-acquéreur.
  • Dans la mesure où B n’a, en raison de l’annulation du contrat, jamais été propriétaire du bien, il n’a pu valablement en transmettre la propriété à C.
  • Cette règle est exprimée par l’adage nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet : nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a.

?Correctifs

De toute évidence, la règle nemo plus juris porte atteinte à la sécurité juridique puisque l’annulation d’un acte est susceptible de remettre en cause nombre de situations juridiques constituées dans le lignage de cet acte.

Cette situation est d’autant plus injuste lorsque le tiers est de bonne foi, soit lorsqu’il ignorait la cause de nullité qui affectait l’acte initial.

C’est la raison pour laquelle, de nombreux correctifs ont été institués pour atténuer l’effet de la nullité d’un acte à l’égard des tiers.

  • La possession mobilière de bonne foi : aux termes de l’article 2276 du Code civil « en fait de meubles, la possession vaut titre »
    • Lorsqu’il est de bonne foi, le possesseur d’un bien meuble est considéré comme le propriétaire de la chose par le simple effet de la possession.
    • Dans notre exemple, C est présumé être le propriétaire du bien qui lui a été vendu par B, quand bien même le contrat conclu entre ce dernier et A est nul.
  • La prescription acquisitive immobilière
    • Après l’écoulement d’un certain temps, le possesseur d’un immeuble est considéré comme son propriétaire
    • Son droit de propriété est alors insusceptible d’être atteinte par la nullité du contrat
    • Le délai est de 10 pour le possesseur de bonne foi et de trente ans lorsqu’il est de mauvaise foi (art. 2272 C. civ.)
    • Il peut être observé que l’article 2274 prévoit que, en matière de prescription acquisitive, « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. »

V) Le remède à la nullité

Le vice qui affecte la validité d’un acte n’est pas sans remède. Il est possible de sauver l’acte de la nullité, en se prévalant de sa confirmation.

A) Notion de confirmation

Par confirmation, il faut entendre, selon l’article 1182 du Code civil « l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce »

Il s’agit, autrement dit, de la manifestation de volonté par laquelle le titulaire de l’action en nullité renonce à agir et, par un nouveau consentement, valide rétroactivement l’acte.

B) Distinctions

La confirmation doit principalement être distinguée de la régularisation et de la réfection de l’acte

  • Confirmation et régularisation
    • La régularisation consiste à valider un acte initialement nul en le purgeant du vice qui l’affecte.
    • À la différence de la confirmation, la régularisation de l’acte est opposable erga omnes
    • Tel n’est pas le cas de la confirmation qui ne produit d’effet qu’à l’égard du titulaire de l’action en nullité, lequel renonce simplement à son droit de critiquer l’acte.
    • C’est la raison pour laquelle la régularisation de l’acte est envisageable, tant en matière de nullité relative qu’en matière de nullité absolue.
    • Pour être efficace, elle doit néanmoins être permise par la loi.
    • Tel est, par exemple le cas en matière de rescision de la vente pour cause de lésion.
    • L’article 1681 du Code civil prévoit en ce sens que « dans le cas où l’action en rescision est admise, l’acquéreur a le choix ou de rendre la chose en retirant le prix qu’il en a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total. »
  • Confirmation et réfection
    • La réfection consiste pour les parties d’un acte affecté par une cause de nullité à conclure un nouvel accord, semblable à celui qui avait donné naissance au contrat initial, mais expurgé de toute irrégularité.
    • Contrairement à la confirmation ou à la régularisation, la réfection ne produit aucun effet rétroactif.
    • Cette dernière s’apparente à la conclusion d’un nouveau contrat qui produit ses effets au jour de sa formation.
    • La réfection du contrat sera par exemple nécessaire lorsqu’une donation n’aura pas été effectuée en la forme authentique.
    • L’article 931-1 du Code civil prévoit, en effet, que « en cas de vice de forme, une donation entre vifs ne peut faire l’objet d’une confirmation. Elle doit être refaite en la forme légale. »

C) Domaine de la confirmation

Conformément aux articles 1180 et 1181 la confirmation ne peut être sollicitée qu’en matière de nullité relative.

Lorsque l’acte est affecté par une cause de nullité absolue, il ne peut pas être confirmé (art. 1180, al. 2e C. civ.).

Cette règle est logique : la confirmation de l’acte par une partie au contrat n’a pour effet que d’éteindre son propre droit de critique. Or l’action en nullité absolue appartient à tout intéressé.

D’où la limitation du domaine de la confirmation aux seules causes de nullité relative, dont l’invocation relève du monopole que d’une seule personne.

D) Conditions de la confirmation

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que la confirmation sauve l’acte affecté par un vice de la nullité :

?Indifférence de l’expression de la confirmation

  • La confirmation expresse
    • Lorsque la confirmation est expresse, l’acte qui l’exprime doit mentionner l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat (art. 1182, al. 1er C. civ.)
    • Cette exigence vise à s’assurer que celui qui renonce à son droit à la critique de l’acte, a conscience, de l’existence d’une cause de nullité de l’acte.
  • La confirmation tacite
    • Bien que le Code n’envisage pas nommément la confirmation tacite de l’acte nul, il ne l’exclut pas.
    • L’article 1182, al. 3e du Code civil prévoit en ce sens que « l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation »
    • Ainsi, la seule exécution du contrat par la partie titulaire de l’action en nullité relative s’apparente à une confirmation, à la condition toutefois qu’elle ait conscience du vice qui affecte l’acte.

?L’exigence de postériorité de la confirmation

Conformément à l’article 1182, al. 2e du Code civil « la confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat. »

L’alinéa 3 précise que « en cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé. »

La solution retenue par le législateur est logique.

Elle se justifie par la nécessité d’empêcher que la victime du vice ne renonce prématurément à l’action en nullité.

Surtout, il est nécessaire que cette dernière ne soit plus sous l’emprise de son cocontractant ce qui est susceptible d’être le cas tant que le contrat n’a pas été conclu.

D’où l’exigence de postériorité de la confirmation à la conclusion de l’acte.

E) Effets de la confirmation

Aux termes de l’article 1182, al. 4e du Code civil « la confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers. »

Cela signifie que la confirmation d’un acte fait obstacle à ce que son auteur, après avoir renoncé à son droit de critiquer l’acte, soit exerce une action en nullité, soit oppose une exception tirée de l’existence d’une irrégularité.

Une fois confirmé, l’acte ne pourra donc plus être remis en cause. La confirmation de l’acte est alors opposable à l’égard de tous, sauf à ce que d’autres personnes soient titulaires de l’action en nullité relative.

Dans cette dernière hypothèse, pour que l’acte soit définitivement confirmé, tous ceux susceptibles d’agir en nullité devront avoir renoncé à leur droit de critiquer l’acte.

F) Action interrogatoire

?Principe

Parce que le contrat qui est affecté par une cause de nullité peut être anéanti à tout moment, la partie contre laquelle une action en nullité est susceptible d’être diligentée se retrouve dans une situation pour le moins précaire.

Tant que la nullité n’est pas prononcée l’acte est efficace. Il demeure toutefois sous la menace d’un anéantissement rétroactif.

Cette situation est susceptible de perdurer aussi longtemps que l’action en nullité n’est pas prescrite.

Aussi afin de ne pas laisser la partie qui subit cette situation dans l’incertitude, le législateur lui a conféré la faculté de contraindre le titulaire de l’action à nullité à se prononcer sur le maintien de l’acte.

Le nouvel article 1183 du Code civil prévoit en ce sens que « une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. »

Cette disposition a, de la sorte, instauré une action interrogatoire au bénéfice de celui qui souhaite savoir si le titulaire de l’action en nullité entend réclamer l’anéantissement du contrat.

L’exercice de cette action est subordonné à la satisfaction d’un certain nombre de conditions.

?Conditions

  • Premièrement, l’action interrogatoire n’appartient qu’aux seules parties au contrat.
  • Deuxièmement, pour que l’action interrogatoire puisse être exercée, la cause de nullité doit avoir cessé
  • Troisièmement, l’exercice de l’action interrogatoire doit être formalisé par un écrit
  • Quatrièmement, l’écrit doit mentionner les conséquences de l’absence de réaction du titulaire de l’action en nullité en cas d’interpellation

?Effets

L’exercice de l’action interrogatoire a pour effet de contraindre le titulaire de l’action en nullité de se prononcer sur le maintien du contrat.

Si dans un délai de 6 mois ce dernier n’a pas opté, le contrat est réputé confirmé.

La condition: modalité de l’obligation (Notion, caractères, effets)

?Notion

Si, par principe, l’obligation est réputée exister dès l’échange des consentements, les parties peuvent subordonner sa création ou sa disparition à la réalisation d’un événement dont elles déterminent la teneur lors de la conclusion du contrat.

Cette modalité de l’obligation qui est susceptible d’affecter son existence est qualifiée de condition.

Introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, le nouvel article 1304 du Code civil prévoit que « l’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain. »

La condition fait ainsi dépendre l’existence de l’obligation d’un événement dont la réalisation est indépendante de la volonté des parties (à tout le moins du débiteur), ce qui conduit à la distinguer d’une autre modalité de l’obligation : le terme.

?Distinction entre la condition et le terme

La condition se distingue du terme sur deux points :

  • Premier élément distinctif : existence / exigibilité-durée
    • La condition
      • Elle est une modalité de l’obligation qui affecte son existence, en ce sens que de sa réalisation dépend
        • soit sa création : la condition est suspensive
        • soit sa disparition : la condition est résolutoire
    • Le terme
      • Il est une modalité de l’obligation qui affecte, non pas son existence, mais son exigibilité ou sa durée
        • Le terme est suspensif lorsqu’il affecte l’exigibilité de l’obligation
        • Le terme est extinctif lorsqu’il affecte la durée de l’obligation.
  • Second élément distinctif : l’incertitude
    • La condition
      • Elle se rapporte à un événement incertain, en ce sens que sa réalisation est indépendante de la volonté des parties
      • Ce n’est qu’en cas de survenance de cet événement que l’obligation produira ses effets
    • Le terme
      • Il se rapporte à un événement certain, en ce sens que sa survenance n’est pas soumise à un aléa
      • Les parties ont la certitude que cet événement se produira, soit parce que son échéance est déterminée, soit parce que sa réalisation est inévitable

?La typologie des conditions

Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, la typologie des conditions s’articulait autour de deux grandes distinctions qui tenaient respectivement à la nature de la condition et à ses effets.

  • La distinction (abandonnée) tenant à la nature de la condition
    • Cette distinction oppose les conditions casuelles, potestatives et mixtes
      • La condition casuelle
        • L’ancien article 1169 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui dépend du hasard, et qui n’est nullement au pouvoir du créancier ni du débiteur. »
        • Ainsi, selon cette disposition, la condition casuelle est celle dont la réalisation est totalement indépendante de la volonté des parties
        • Elle peut dépendre de la survenance :
          • Soit du fait de la nature
          • Soit du fait d’un tiers
      • La condition potestative
        • L’ancien article 1170 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher. »
        • La condition potestative constitue de la sorte l’exact opposé de la condition casuelle
        • Sa réalisation n’est nullement indépendante de la volonté des parties
        • Bien au contraire, elle dépend du pouvoir de l’une d’elles qui, discrétionnairement, peut décider de réaliser ou non la condition.
        • Au fond cette prérogative, que confère la condition potestative à l’une des parties, l’autorise à imposer à sa volonté à son cocontractant
        • Aussi, cela a-t-il conduit le législateur à distinguer deux hypothèses :
          • La condition subordonne l’existence de l’obligation à la seule volonté du débiteur
            • Dans cette hypothèse la condition potestative est nulle
          • La condition subordonne l’existence de l’obligation à la seule volonté du créancier
            • Dans cette hypothèse la condition potestative est valable
        • Parfois, il apparaîtra pour le moins délicat de déterminer si l’on est ou non présence d’une condition potestative, spécialement lorsqu’elle sera en concours avec la qualification de condition alternative.
      • La condition mixte
        • L’ancien article 1171 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers. »
        • Contrairement à la condition potestative, la condition mixte comporte un aléa puisque que sa réalisation dépend, pour partie, à la volonté d’un tiers.
        • Il en résulte qu’elle est pleinement valable.
          • Exemple : les parties subordonnent la réalisation d’une vente immobilière à l’obtention, par l’acquéreur, d’un prêt
    • Au total, si la distinction entre les conditions casuelles, potestatives et mixtes présente incontestablement un intérêt sur le plan théorique en ce qu’elle permet de mieux cerner les contours de la notion de condition, comme relevé par le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, elle demeure « dénuée de portée pratique ».
    • C’est la raison pour laquelle le législateur n’a pas souhaité conserver cette distinction
    • Aussi, en a-t-il profité pour mettre en avant celle tenant aux effets de la condition
  • La distinction (conservée) tenant aux effets de la condition
    • Cette distinction oppose deux sortes de conditions : la condition suspensive et la condition résolutoire.
      • La condition suspensive
        • Le nouvel article 1304 du Code civil prévoit, en son alinéa 2 que « la condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple. »
        • La condition suspensive est de la sorte celle qui suspend la naissance de l’obligation à la réalisation d’un événement futur et incertain.
        • Le rapport au Président de la République précise que « en présence d’une condition suspensive, la naissance de l’obligation est suspendue à l’accomplissement de cette condition : tant que la condition n’est pas réalisée, l’obligation conditionnelle n’existe qu’en germe, seul l’accomplissement de la condition rend l’obligation pure et simple ».
        • Deux hypothèses sont alors envisageables :
          • La condition suspensive se réalise
            • L’obligation est confirmée dans sa création
            • Dès lors, le contrat devient efficace : il peut recevoir exécution
          • La condition suspensive ne se réalise pas
            • L’obligation est réputée n’avoir jamais existé
            • La conséquence en est que si elle constituait un élément essentiel du contrat, l’acte est frappé de caducité
      • La condition résolutoire
        • Le nouvel article 1304 du Code civil prévoit en son alinéa 3 que la condition « est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéantissement de l’obligation. »
        • Ainsi, la condition résolutoire est celle qui, si elle se réalise, menace de disparition une obligation qui existe déjà.
        • Plus précisément, selon le rapport au Président de la République « en présence d’une condition résolutoire, l’obligation naît immédiatement et produit tous ses effets, mais son anéantissement est subordonné à l’accomplissement de la condition. »
          • Exemple :
            • Les parties prévoient que, en cas de nom paiement du loyer à une échéance déterminée, le bail est résilié de plein droit
    • Pour conclure, la distinction entre la condition suspensive et la condition résolutoire tient au fond à ce que « dans le premier cas, l’obligation est provisoirement inefficace, mais son efficacité peut résulter rétroactivement de la réalisation de la condition, tandis que dans le second, elle est provisoirement efficace, mais peut être rétroactivement anéantie si la condition se réalise »[1]

I) La validité de la condition

Pour être valide, l’événement dont dépend la réalisation de la condition doit présenter quatre caractères cumulatifs. Il doit être :

  • Futur et incertain
  • Indépendant de la volonté des parties
  • Possible et licite

A) L’exigence d’un événement futur et incertain

Pour que la condition soit valable, encore faut-il que l’événement dont sa réalisation dépend soit futur et incertain.

Dans le cas contraire, selon le caractère qui fait défaut à l’événement il est un risque de requalification :

  • Soit de l’obligation conditionnelle en obligation pure et simple si l’événement s’est déjà réalisé
  • Soit de la condition en terme si la réalisation de l’événement est certaine

Ce risque de requalification qui pèse, tantôt sur l’obligation, tantôt sur la condition conduit à distinguer selon que c’est le caractère futur ou incertain qui fait défaut à l’événement

1. L’événement s’est déjà réalisé au moment de la conclusion du contrat

Deux situations doivent être envisagées ici. Antérieurement à la réforme des obligations, elles étaient évoquées à l’ancien article 1171 du Code civil :

?La réalisation de l’événement était connue des parties au moment de la conclusion du contrat

Dans cette hypothèse, une double requalification pèse sur les stipulations contractuelles.

  • Première requalification
    • Subordonner l’existence d’une obligation à la réalisation d’un événement passé tout en sachant que cet événement s’est déjà réalisé, revient à stipuler une obligation pure et simple
    • Aussi, l’obligation qui, dans cette hypothèse, serait présentée par les parties comme conditionnelle produira ses effets dès la conclusion du contrat au même titre que n’importe quelle obligation non-conditionnelle.
  • Seconde requalification
    • Si les parties savent, au moment de la stipulation de l’obligation, que l’événement auquel elles subordonnent son existence s’est déjà réalisé, cela revient à retirer à cet événement son caractère incertain.
    • Or un événement dont la réalisation est certaine ne saurait endosser la qualification de condition : il constitue un terme.
    • En cas de requalification de la condition en terme, deux situations doivent être envisagées :
      • Si la condition était suspensive, sa requalification en terme conduit à la réputer l’obligation exigible dès la conclusion de l’acte.
      • Si la condition était résolutoire, sa requalification en terme conduit à réputer l’obligation comme n’ayant jamais existé, puisque éteinte avant même qu’elle n’ait été créée.

?La réalisation de l’événement était inconnue des parties au moment de la conclusion du contrat

Dans cette hypothèse, par un arrêt du 12 avril 1995, la Cour de cassation a pu estimer que « l’obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d’un événement futur et incertain, ou d’un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties ; que dans le premier cas, l’obligation ne peut être exécutée qu’après l’événement ; que dans le second cas, l’obligation a son effet au jour où elle a été contractée » (Cass. 3e civ. 12 avr. 1995, n°92-20.494).

Dans cette décision se posait donc la question du sort d’une obligation dont l’événement conditionnel était survenu sans que les parties aient eu connaissance de la réalisation de cet événement.

Il ressort de la solution dégagée par la Cour de cassation que deux situations doivent être distinguées.

  • La condition est suspensive
    • Si l’événement s’est déjà réalisé mais est inconnu des parties au moment de la conclusion de l’acte, la condition à laquelle il était associé dégénère en condition pure et simple
    • L’obligation suspensive prend alors effet au jour de la formation du contrat, ce qui a pour conséquence de la rendre immédiatement exécutoire.
  • La condition est résolutoire
    • Dans cette hypothèse, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé dans la mesure où le fait générateur de sa disparition (la réalisation de la condition) est concomitant à sa naissance (la formation de l’acte).

Cass. 3e civ. 12 avr. 1995

Sur les deux moyens, réunis :

Vu l’article 1181 du Code civil ;

Attendu que l’obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d’un événement futur et incertain, ou d’un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties ; que dans le premier cas, l’obligation ne peut être exécutée qu’après l’événement ; que dans le second cas, l’obligation a son effet au jour où elle a été contractée ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 9 septembre 1992), que M. X… a, selon un ” compromis de vente ” du 26 mai 1988, vendu une propriété aux époux Y… moyennant le versement d’un capital payable le jour de la signature de l’acte authentique et le service d’une rente viagère et sous la condition suspensive de la purge de tous droits de préemption, étant stipulé que la vente ne produirait ses effets que lors de sa réitération par acte authentique ; que M. X… étant décédé, le 30 juin 1988, les époux Y… ont assigné ses héritiers en régularisation de la vente ;

Attendu que, pour déclarer nulle la vente consentie par M. X…, l’arrêt retient qu’au moment du décès de M. X…, le 30 juin 1988, la condition relative à la purge du droit de préemption n’était pas réalisée et que la vente n’était donc pas parfaite à cette date ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que selon une lettre du maire, il n’avait pas été pris de délibération instituant un droit de préemption dans la commune, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 septembre 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry.

2. L’événement est certain au moment de la conclusion du contrat

Deux situations doivent être envisagées ici :

?La réalisation de l’événement est objectivement certaine

Cette hypothèse ne soulève pas de difficulté particulière

L’événement futur dont la réalisation est objectivement certaine ne pourra jamais être qualifié de condition : il constitue un terme.

Il s’ensuit que :

  • Si la condition est suspensive
    • Sa requalification en terme conduira à réputer l’obligation avoir existé dès la formation de l’acte.
    • Seule son exigibilité sera reportée à la survenance de l’événement.
  • Si la condition est résolutoire
    • Sa requalification en terme conduira à considérer que la survenance de l’événement a pour conséquence d’éteindre les effets de l’obligation seulement pour l’avenir
    • Son anéantissement sera dès lors dépourvu de tout caractère rétroactif contrairement aux effets attachés à la réalisation d’une condition résolutoire.

?La réalisation de l’événement est subjectivement certaine

Il s’agit de l’hypothèse où les parties tiennent pour certain un événement qui objectivement ne revêt pas ce caractère.

Deux situations doivent alors être envisagées :

  • L’événement se réalise conformément aux prévisions des parties
    • Dans cette hypothèse, la jurisprudence est plutôt favorable à une requalification de la condition en terme (V. en ce sens Cass. 3e civ. 9 juill. 1984).
    • Les conséquences de cette requalification varieront selon que la condition stipulée était suspensive ou résolutoire, comme montré précédemment.
  • L’événement ne se réalise pas en dépit des prévisions des parties
    • Premier temps
      • La jurisprudence a estimé que la condition encourait une requalification en terme, de sorte que l’obligation est réputée exister dès la formation de l’acte, nonobstant l’absence de survenance de l’événement (Cass. 1ère civ. 28 janv. 1976, n°74-14.069).
      • Le terme est alors analysé comme étant indéterminée
    • Deuxième temps
      • La Cour de cassation est revenue sur sa position considérant que l’événement dont la survenance était certaine pour les parties mais qui, finalement, ne se réalisait pas, devait être qualifié, non pas de terme, mais de condition (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999, n°97-11.156).
      • Tant que l’événement ne s’est pas réalisé l’obligation est, selon la nature que l’on confère à la condition (suspensive ou résolutoire, réputée soit n’avoir pas encore été créée, soit être toujours exécutoire.
    • Troisième temps
      • Dans un arrêt du 7 janvier 2016, la Cour de cassation aurait, selon certains auteurs, opéré un nouveau revirement de jurisprudence (Cass. 3e civ. 7 janv. 2016, n°14-26.945).
      • La troisième chambre civile a, en effet, estimé que la date incertaine à laquelle était subordonnée l’ouverture d’un golf devait s’analyser comme le fait générateur de l’exigibilité d’une obligation, celle-ci devant être réputée avoir été créée dès la conclusion de l’acte.

Cass. 3e civ. 7 janv. 2016

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2014), que, le 5 décembre 2007, la société Cegim a vendu à la société Promotion financière immobilière (Profimob) un bien immobilier par un acte notarié dont une clause prévoyait que le solde du prix de vente était payable à terme, après production par le vendeur d’une convention garantissant l’exploitation d’un golf et au fur et à mesure de la présentation des factures de travaux de réalisation du golf dont l’achèvement était fixé au plus tard au 31 décembre 2009 ; que, la société Cegim ayant fait procéder à diverses saisies faute de paiement de cette somme, la société Profimob a saisi le juge de l’exécution pour en obtenir la mainlevée et la nullité ;

Attendu que la société Profimob fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ; qu’un événement objectivement incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, aurait-il même été tenu pour certain par les parties qui s’étaient engagées à l’accomplir, constitue une condition et non un terme ; qu’en l’espèce, pour qualifier de terme les modalités stipulées par l’acte de vente du 5 décembre 2007, la cour d’appel a retenu que « les modalités de paiement du prix retranscrites dans la clause sont afférentes à la production d’une convention de prise à bail et à la présentation des factures relativement à la réalisation du golf que la société vendeuse s’engageait à réaliser. Il en ressort que cette clause constituait bien un terme en ce que l’exploitation et la réalisation du golf, attestées par la production du bail et des factures de travaux, étaient des événements à venir certains en leur réalisation dans l’esprit des parties, compte tenu de l’engagement du vendeur en ce sens. Seule la date restait incertaine » ; qu’en statuant ainsi, quand un événement objectivement incertain quant à sa réalisation constitue une condition quand bien même les parties se seraient engagées à l’accomplir, la cour d’appel a violé l’article 1185 du code civil ;

2°/ que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ; qu’un événement objectivement incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, aurait-il même été tenu pour certain par les parties qui s’étaient engagées à l’accomplir, constitue une condition et non un terme ; que la qualification de terme ou de condition dépend de la nature certaine ou incertaine de l’événement érigé en modalité, et non de la dénomination ou des termes employés par le contrat ; qu’en l’espèce, pour qualifier de terme les modalités stipulées par l’acte de vente du 5 décembre 2007, la cour d’appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que selon les termes de l’acte il est prévu que le solde du prix est « payable à terme » et que cette clause « est située dans le paragraphe « paiement du prix » de sorte que seules les modalités de paiement du solde de 400 000 euros (donc son exigibilité) sont affectées par les dispositions contractuelles contestées » ; qu’en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser la certitude objective de la réalisation de l’événement érigé en modalité, certitude qui constituait le seul critère permettant la qualification en un terme, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1185 du code civil ;

3°/ que ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance du terme, mais ce qui a été payé par avance ne peut être répété ; qu’en l’espèce, pour qualifier de terme les modalités stipulées par l’acte de vente du 5 décembre 2007, la cour d’appel a retenu que les stipulations de l’acte prévoyant que « si les conditions d’exploitation n’étaient pas remplies au plus tard le 31 décembre 2009, les sommes éventuellement versées par Profimob lui seraient automatiquement restituées sans délai, au titre de la non réalisation du Golf » « confirment que seule l’exigibilité de la créance est reportée en cas de non-respect du terme avant la fin de l’année 2009, puisque dans le cas contraire, les sommes pourront être restituées en l’attente de leur production » ; qu’en retenant ainsi que le droit conféré à la société Profimob de répéter les sommes versées en cas de non-réalisation dans les délais prévus de l’événement érigé en modalité confirme la qualification de terme, quand le paiement fait avant terme ne peut être répété, en sorte que cette circonstance établissait précisément qu’il s’agissait d’une condition, la cour d’appel a violé l’article 1186 du code civil ;

4°/ que les stipulations claires et précises de l’acte du 5 décembre 2007 prévoyaient que « si les conditions d’exploitation n’étaient pas remplies au plus tard le 31 décembre 2009, les sommes éventuellement versées par Profimob lui seraient automatiquement restituées sans délai, au titre de la non réalisation du Golf » ; que la non-survenance de la condition suspensive avant le 31 décembre 2009 était ainsi clairement sanctionnée par l’obligation pour la société Cegim de restituer toutes les sommes éventuellement perçues à ce titre ; qu’en retenant pourtant que ces stipulations contractuelles « ne sont formulées qu’à titre de « précision » selon les termes mêmes du contrat ne permettant pas de connaître la sanction de leur éventuel non-respect », la cour d’appel a dénaturé celles-ci, en violation de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant constaté qu’une clause de l’acte de vente, figurant dans le paragraphe « paiement du prix », prévoyait qu’une partie de celui-ci était payable à terme, relevé, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l’ambiguïté des termes de cette clause rendait nécessaire, que l’obligation de paiement était née lors de la conclusion de la vente et que les modalités de paiement du solde étaient liées à la réalisation d’événements futurs certains dont seule la date demeurait incertaine et retenu que la société Cegim, qui produisait deux factures de travaux et un bail commercial pour l’exploitation du golf, justifiait d’un titre exécutoire portant obligation à paiement d’une créance certaine, liquide et exigible, la cour d’appel a pu en déduire, abstraction faite d’un motif surabondant, que cette société était fondée à pratiquer des mesures d’exécution ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) L’exigence d’un événement indépendant de la volonté des parties

1. Principe

Pour être valable, l’obligation conditionnelle doit être subordonnée à la réalisation d’un événement indépendant de la volonté des parties.

Le nouvel article 1304-2 du Code civil exprime cette règle en prévoyant que « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. ».

Ainsi, les conditions dites potestatives sont, par principe, prohibées.

La raison en est que pareille condition est de nature contredire la portée de l’engagement de celui à la faveur de qui elle est stipulée.

Peut-on raisonnablement estimer, en effet, qu’un engagement dont l’efficacité est subordonnée à la seule volonté de celui qui s’oblige constitue un véritable engagement ?

Au fond, cela reviendrait à admettre que le bénéficiaire de la condition potestative puisse revenir discrétionnairement revenir sur son consentement : d’où la prohibition d’une telle condition dès 1804 par le législateur.

La prohibition n’est toutefois pas absolue, elle comporte des limites dont l’étendue a été précisée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations

2. Limites

a. Les limites qui tiennent à la position du contractant

Il ressort de l’article 1304-2 du Code civil que la prohibition des conditions potestatives ne s’applique que dans l’hypothèse où le bénéficiaire de la condition est en position de débiteur.

A contrario cela signifie que lorsque la réalisation de la condition dépend de la seule volonté du créancier, bien que potestative, elle échappe à la prohibition posée à l’article 1304-2.

Cette solution se justifie par le fait que, dans cette configuration, la condition est insusceptible de contredire la portée de l’engagement dont elle subordonne l’exécution puisque, par définition, ce n’est pas le créancier qui s’engage mais le débiteur.

Il est, par conséquent, indifférent que le créancier dispose de la faculté de réaliser discrétionnairement la condition.

La Cour de cassation a statué en ce sens notamment dans un arrêt du 17 décembre 1991 (Cass. com. 17 déc. 1991, n°89-20.348).

Cass. com. 17 déc. 1991

Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Vu les articles 1170 et 1174 du Code civil ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que M. X…, propriétaire d’un commerce de station-service et vente de carburant, en relation commerciale depuis plusieurs années avec la Société des pétroles BP, (la société BP) qui lui fournissait en exclusivité le carburant, a signé un contrat dit de ” commission ” avec la même société ; que ce contrat prévoyait que M. X… percevrait une commission fixe sur le prix de vente des carburants et en outre, que dans l’hypothèse où les prix affichés à la pompe par lui seraient inférieurs, pour des montants chiffrés par le contrat, au prix limité d’affichage de la société BP dans la zone du prix du point de vente, la commission due serait réduite proportionnellement à l’écart constaté ; que M. X… a résilié unilatéralement ce contrat et que la société BP a saisi le tribunal de commerce tendant à ce que la résiliation du contrat fût prononcée aux torts exclusifs de M. X… et à ce qu’il soit condamné à lui verser des dommages-intérêts ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société BP, la cour d’appel retient que le contrat contenait une clause de variation de la marge du commissionnaire dépendant de la seule volonté de la société BP qui pouvait déterminer cette marge en fixant le prix des carburants et entachait le contrat de nullité ;

Attendu qu’en statuant ainsi alors qu’il résulte des éléments rapportés par l’arrêt que la diminution de la commission due à M. X… était conditionnée par la baisse des prix affichés à la pompe, dont celui-ci prenait l’initiative, par rapport aux prix limite d’affichage BP dans la zone de prix du point de vente et donc par une limitation des bénéfices de cette société, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 septembre 1989, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon

b. Les limites qui tiennent à la nature de la condition potestative

Avant la réforme des obligations, la doctrine, suivie par la jurisprudence, a souhaité restreindre le périmètre de la prohibition des conditions potestatives, afin d’éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.

Aussi, animé par un souci de responsabilisation des contractants, les auteurs se sont engagés dans la voie de la distinction entre, d’une part, les conditions purement potestatives et, d’autre part, les conditions simplement potestatives.

Pointant les difficultés pratiques soulevées par cette distinction la doctrine a, par suite, préférer renouveler la notion de condition mixte, ce qui a conduit à une redéfinition de la notion de condition potestative.

i. L’instauration d’une distinction entre les obligations purement potestatives et les conditions simplement potestatives

?Exposé de la distinction

Selon la doctrine classique, la condition potestative ne doit être prohibée qu’à la condition qu’elle contredise l’engagement du débiteur.

Aussi, cette théorie l’a-t-elle conduite à distinguer selon que la condition est purement potestative ou simplement potestative.

  • La condition purement potestative
    • Il s’agit de la condition dont la réalisation dépend du seul consentement du débiteur.
    • L’exécution de l’obligation est, en d’autres termes, subordonnée à une simple manifestation de volonté.
    • Elle était autrefois qualifiée de condition « si voluero », ce qui signifie je m’engage « si je le veux », « si tel est mon bon désir », « s’il me sied ».
    • Dans la mesure où cette condition revient à conférer au débiteur la faculté de revenir discrétionnairement sur son consentement et donc de contredire la portée de son engagement, elle constitue l’essence même de la potestativité, d’où l’admission unanime et en tout temps de sa prohibition.
  • La condition simplement potestative
    • Il s’agit de la condition dont la réalisation suppose que le débiteur fasse plus qu’exprimer sa volonté.
    • Pour que la condition se réalise, il va devoir accomplir un acte ou un fait déterminé qui lui est extérieur.
    • La condition simplement potestative peut être illustrée par les formules : « si je pars à Paris », « si je vends ma voiture ».
    • Contrairement à la condition purement potestative, la condition simplement potestative implique une action ou une abstention.
    • La réalisation de cette condition dépend donc à la fois de la volonté du débiteur et d’une circonstance dont il n’a pas la maîtrise.
    • L’accomplissement d’un acte peut, en effet, se heurter à la survenance d’un événement qui y fait obstacle.
    • En toute hypothèse, pour rompre ou nouer le lien obligationnel, il sera nécessaire que le débiteur aliène une partie de sa liberté.
    • C’est la raison pour laquelle, la condition potestative a toujours été admise.

?Portée de la distinction

La distinction élaborée par la doctrine entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives a, dans certaines décisions, inspiré les juges, qui y ont trouvé un moyen pour sanctionner certains déséquilibres contractuels.

La Cour de cassation s’est, par ailleurs, appuyée sur cette théorie pour opérer une sous-distinction, au sein de la catégorie des conditions purement potestatives, entre les conditions suspensives et les conditions résolutoires.

Il ressort, par exemple, d’un arrêt du 2 mai 1900, que lorsque la condition serait purement potestative, mais résolutoire, elle n’encourrait pas la nullité, de sorte que seules les conditions suspensives seraient prohibées (Cass. civ. 2 mai 1900).

Cette solution s’expliquerait par le fait que l’atteinte portée à l’engagement du débiteur serait moins grande lorsqu’elle prend sa source dans une condition résolutoire que lorsqu’elle résulte d’une condition suspensive.

  • Lorsqu’elle est suspensive, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire totalement la portée de son engagement, celui-ci pouvant discrétionnairement agir sur la création même de l’obligation.
  • Lorsqu’elle est résolutoire, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire seulement partiellement la portée de son engagement, celui-ci ne pouvant agir que sur la pérennité de son engagement qui peut avoir déjà reçu un commencement d’exécution.

Au total, bien que la jurisprudence se soit appuyée dans certaines décisions, sur la distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives, certains auteurs ont critiqué le caractère artificiel de cette distinction qui, d’une part reposerait sur un critère flou et inopérant et, d’autre part, ne rendrait pas véritablement compte du droit positif.

Aussi, ce constat a-t-il conduit la jurisprudence et la doctrine moderne à dépasser la distinction classique à la faveur d’un renouvellement de la notion de condition mixte.

ii. Le renouvellement de la notion de condition mixte

Si, initialement, la notion de condition mixte a été entendue de manière restrictive, la jurisprudence a, sous l’impulsion de la doctrine, opéré une extension de son périmètre.

?La restriction du périmètre de la condition mixte

Dans un premier temps, la notion de condition mixte a donc fait l’objet d’une conception étroite.

La raison en est que l’ancien article 1171 du Code civil la définissait comme « celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers. »

Aussi, cela excluait-il, d’emblée, que puisse être inclus dans le périmètre de la condition mixte l’événement qui tout à la fois dépend de la volonté du débiteur et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.

L’inconvénient de cette conception était que la condition ainsi stipulée devait être qualifiée de potestative, quand bien même sa réalisation de ne dépendait pas de la seule volonté du débiteur.

Cette situation était d’autant plus absurde que l’on admettait qu’une condition qualifiée de simplement potestative puisse être valable, alors même que sa réalisation était subordonnée à l’accomplissement d’un acte si insignifiant que l’on pourrait la confondre avec une condition purement potestative, ce qui dès lors pourrait justifier qu’elle tombe sous le coup de la prohibition.

En réaction à l’incohérence de ce système, les auteurs ont proposé d’élargir le périmètre de la condition mixte.

?L’extension du périmètre de la condition mixte

L’extension de la notion de condition mixte s’est traduite par l’incorporation dans son périmètre des événements dont la réalisation dépend, et de la volonté du débiteur, et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.

La Cour de cassation ne semble manifestement pas s’être opposée à cette nouvelle appréhension de la notion.

Dans un arrêt du 28 mai 1974 elle a, par exemple, qualifié de condition mixte un événement qui dépendait « à la fois de la volonté [du débiteur] et de circonstances qui lui sont étrangères » (Cass. 1ère civ. 28 mai 1974, n°72-14.259).

Dorénavant, peu importe donc que la réalisation de la condition dépende ou non du fait d’un tiers : dès lors qu’elle porte au moins pour partie sur un événement autre que la volonté du débiteur elle échappe au principe de la prohibition.

Là ne s’est pas arrêtée l’évolution de ce mouvement.

L’extension du périmètre de la condition mixte s’est, en effet, accompagnée d’une redéfinition générale du critère de la potestativité.

iii. La redéfinition de la notion de condition potestative

L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative, d’abord engagée par la jurisprudence contemporaine, puis parachevée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, est assise sur l’abandon des distinctions classiques, combiné à la clarification des critères.

?L’abandon des distinctions classiques

La redéfinition du critère de la potestativité a donc conduit à abandonner les distinctions qui avaient été opérées par la doctrine et la jurisprudence classique.

Plusieurs distinctions ont ainsi été répudiées :

  • La distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives
    • Il est désormais indifférent que la condition porte sur un événement dont la réalisation dépend de la volonté ou du pouvoir du débiteur
    • Dès lors que la survenance de l’événement est au pouvoir arbitraire du débiteur, la condition peut être qualifiée de potestative
  • La distinction entre les conditions suspensives et les conditions résolutoire
    • Qu’elle soit suspensive ou résolutoire dès lors qu’elle porte sur un événement qui dépend de la seule volonté du débiteur la condition tombe sous le coup de la prohibition.
  • La distinction entre les conditions mixtes et les conditions simplement potestatives
    • Tandis que la condition mixte supposait, dans sa conception initiale, que la réalisation de l’événement auquel elle était rattachée dépende pour partie de la volonté d’un tiers, tel n’était pas le cas de la condition simplement potestative qui autorisait à envisager la prise en compte d’un fait d’une autre nature en complément de la volonté du débiteur.
    • L’extension du périmètre de la condition mixte a, mécaniquement, rendu caduque cette distinction.
  • La distinction entre les actes à titre gratuit et les actes à titres onéreux
    • Il a un temps été discuté de la question de savoir si l’on ne devait pas opposer les actes à titre gratuit aux actes à titre onéreux.
      • S’agissant des actes à titre gratuit
        • La prohibition devrait toucher tant les conditions purement potestatives que les conditions simplement potestatives.
        • Cette rigueur dans la sanction des conditions potestative aurait pour fondement l’adage « donner et retenir ne vaut »
      • S’agissant des actes à titre onéreux
        • La prohibition ne devrait toucher que les seules conditions purement potestatives.
        • La sanction se justifierait, dans cette hypothèse, par le caractère illusoire de l’engagement du débiteur dont l’engagement est contredit par la faculté de dédouanement que lui confère la condition.
  • La distinction entre les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux
    • Certains auteurs ont avancé, à une époque relativement récente, que le principe de prohibition des conditions potestatives n’aurait pas vocation à s’appliquer aux contrats synallagmatiques.
    • Au soutien de cette thèse ces auteurs ont soutenu qu’une condition potestative ne peut être annulée que si sa réalisation est au pouvoir du seul débiteur.
    • Or dans un contrat synallagmatique, les parties endossent tout à la fois les qualités de débiteur et de créancier.
    • La conséquence en est que si un contractant revient sur son engagement en activant la condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté, il devrait corrélativement s’ensuivre la perte de la contrepartie réciproque qui lui a été consentie.
    • Un élément autre que la seule volonté du débiteur entre donc en ligne de compte dans le processus de réalisation de la condition.
    • Pour cette raison, la stipulation de conditions potestatives dans une convention synallagmatique ne devrait pas être prohibée.
    • Bien qu’audacieuse, cette thèse n’a manifestement pas convaincu la jurisprudence qui l’a rejeté à plusieurs reprises.
    • Dans un arrêt du 7 juin 1983 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui « après avoir retenu l’existence d’une condition potestative de la part de l’acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l’acte authentique et de payer le prix [a décidé] que la nullité de cette condition n’affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations ».
    • Pour la troisième chambre civile, il importe peu que la convention soit synallagmatique « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ».
    • Cette solution a notamment été réitérée par la suite, notamment dans un arrêt du 13 octobre 1993 (Cass. 3e civ., 13 oct. 1993, n°82-10.281).

Cass. 3e civ. 7 juin 1983

Sur le moyen unique : vu l’article 1174 du code civil ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ;

Attendu selon l’arrêt attaque (Toulouse, 22 octobre 1981) que par acte sous seing privé du 11 octobre 1977, les époux x… ont “vendu” aux époux y… une maison d’habitation sous les conditions suspensives de la délivrance d’un certificat d’urbanisme et de l’obtention d’un prêt ;

Que l’acte stipulait que les conditions réalisées, le consentement du vendeur a la vente et la mutation de propriété étaient subordonnés à la condition de la signature de l’acte authentique avec le paiement du prix dans un délai fixe et que si l’acquéreur ne pouvait pas ou ne voulait pas passer l’acte et en payer le prix, le présent accord serait nul et non avenu de plein droit ;

Attendu qu’après avoir retenu l’existence d’une condition potestative de la part de l’acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l’acte authentique et de payer le prix, l’arrêt décide que la nullité de cette condition n’affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations ;

Qu’en statuant ainsi, alors que, contractée sous une condition potestative, l’obligation des époux y… de signer l’acte authentique de vente et de payer le prix était nulle et que cette nullité entraînait, par voie de conséquence, celle de la vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : CASSE et ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 22 octobre 1981 par la cour d’appel de Toulouse ;

?La clarification des critères de la potestativité

L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative a conduit le législateur et la jurisprudence à clarifier les critères qui permettent de déterminer si une condition tombe ou non sous le coup de la prohibition.

  • Premier critère : l’influence du débiteur sur l’événement
    • Aux termes du nouvel article 1304-2 du Code civil, « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. »
    • Il ressort de l’énoncé de cette règle que le législateur a entendu retenir une conception restrictive de la potestativité, sans doute animé par le même désir que la jurisprudence classique : éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.
    • Pour ce faire, il a été inscrit dans le marbre de loi que la condition potestative est celle « dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur »
    • Cette précision n’est pas sans faire écho à la condition « si voluero » qui subordonne l’exécution de l’obligation à une simple manifestation de volonté que la doctrine opposait classiquement à la condition « in facto a voluntate pendente » dont la réalisation suppose, quant à elle l’accomplissement d’un acte ou d’un fait déterminé qui dépend du débiteur mais qui lui est extérieur.
    • En se rapportant expressément à la volonté du débiteur et non à son pouvoir, le législateur a-t-il souhaité exclure du champ de la prohibition les conditions qualifiées de simplement potestatives ?
    • Cette solution serait conforme à l’évolution de la jurisprudence contemporaine.
    • Aussi, peut-on déduire de la lettre du nouvel article 1304-2 du Code civil que seules sont désormais interdites les conditions purement potestatives.
  • Deuxième critère : l’intérêt du débiteur dans l’événement
    • Pour être qualifiée de potestative, il ne suffit pas que la condition soit au pouvoir arbitraire du débiteur, il faut encore que celui-ci ait un intérêt à faire échouer la survenance de l’événement.
    • Dès lors que le débiteur doit, pour se délier de son engagement, consentir un sacrifice, quand bien même la réalisation de l’événement dépendra de sa seule volonté, la condition – potestative en apparence – ne tombera pas sous le coup de la prohibition.
    • A contrario, cela signifie qu’une condition pourra être qualifiée de potestative lorsque la réalisation de l’événement dont dépend la condition suppose que le débiteur accomplisse un acte ou un fait insignifiant.
  • Troisième critère : le contrôle judiciaire de l’événement
    • Régulièrement, la jurisprudence estime que lorsque la condition dépend de la seule volonté du débiteur mais que celui-ci doit, pour fonder sa décision se référer à des éléments extérieurs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle judiciaire, la condition ne pourra pas être qualifiée de potestative (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 22 nov. 1989, n°87-19.149)
    • La Cour de cassation, par exemple, a statué en ce sens dans un arrêt du 29 septembre 2009 (Cass. 3e civ. 29 sept. 2009, n°14.900).
    • Il s’agissait en l’espèce d’une clause qui conférait à l’assuré le droit de prétendre à une prise en charge dans l’hypothèse où une invalidité le placerait dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit,
    • La Deuxième chambre civile valide cette clause estimant qu’elle « dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire »
    • Autrement dit, pour les juges, si l’appréciation de l’activation de la clause était laissée au pouvoir de l’assureur, il n’en devait pas moins fonder sa décision sur des éléments objectifs (les justificatifs produits par l’assuré) lesquels pouvaient par suite faire l’objet d’un contrôle par le juge.
    • La condition ainsi stipulée dans le contrat ne peut dès lors pas être qualifiée de potestative.

Cass. 2e 29 sept. 2009

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 15 février 2007) qu’à l’occasion de deux prêts consentis par le Crédit agricole, M. X… a adhéré à un contrat d’assurance de groupe, garantissant les risques de décès et d’invalidité, souscrit par la banque auprès de la Caisse nationale de prévoyance et d’assurance (l’assureur) ; qu’ayant été reconnu en état d’invalidité par la Mutualité sociale agricole à compter du 1er novembre 2000, M. X… a demandé à bénéficier de la garantie invalidité totale et définitive prévue au contrat ; qu’à la suite du refus de l’assureur, il a assigné ce dernier en exécution du contrat ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou non-professionnel ; qu’en l’espèce, le caractère ambigu de la clause litigieuse, relative à l’impossibilité définitive pour l’adhérent de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit résulte des propres énonciations de l’arrêt, qui relève expressément « que cette clause est certes ambiguë puisque la conjonction « ou » introduit une alternative et qu’au contraire le terme « et » impose un cumul » ; qu’en déboutant cependant M. X… de sa demande de garantie, au prétexte «que cependant l’interprétation faite par l’assureur est plus favorable à M. X… puisqu’elle considère que lorsque l’adhérent exerce une activité professionnelle il peut prétendre à la prise en charge lorsque l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation », la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation ;

2°/ que constitue une clause potestative entachée de nullité la clause par laquelle l’assureur se réserve la possibilité d’une interprétation plus ou moins stricte des conditions de la garantie ; qu’en infirmant le jugement de première instance qui avait relevé « que le fait de prévoir l’alternative de « et » et « ou » laisse à penser que, selon le bon vouloir de l’assureur, celui-ci peut opposer à l’adhérent, pour refuser sa garantie, ou simplement le fait qu’il ne puisse plus exercer une activité rémunérée ou à la fois qu’il ne puisse exercer une activité rémunérée et qu’il ne puisse se livrer à aucune occupation ; que par ailleurs, le terme « occupation » sans adjectif adjoint permet au seul assureur d’exiger ou non comme condition de sa prise en charge qu’il y ait impossibilité d’exercer une occupation professionnelle ou privée ou les deux », sans s’expliquer sur le caractère potestatif de cette clause dont elle a pourtant relevé par ailleurs l’ambiguïté quant au caractère cumulatif ou alternatif des conditions de la garantie, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1170 et 1174 du code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel, après avoir relevé l’ambiguïté de la clause litigieuse, a exactement décidé que l’interprétation faite par l’assureur était la plus favorable à l’assuré puisque, lorsque ce dernier exerce une activité professionnelle, il peut prétendre à une prise en charge quand l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation ;

Et attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que l’application de la clause, dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire, la cour d’appel a nécessairement exclu le caractère potestatif de la condition ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

3. Sanction

L’article 1304-2 du Code civil prévoit que la stipulation d’une condition potestative est sanctionnée par la nullité.

Était-ce bien utile de préciser qu’elle était la sanction encourue dans la mesure où le même résultat pourrait être obtenu sur le terrain du consentement ?

Car finalement, la condition potestative est celle qui contredit la portée de l’engagement du débiteur. Aussi, pourrait-on imaginer que clause soit annulée pour défaut de consentement.

Toujours est-il que la nullité encourue par une condition potestative est sans nul doute relative. Leur prohibition vise à protéger l’intérêt d’une partie en particulier : le créancier.

L’article 1304-2 précise toutefois in fine que « cette nullité ne peut être invoquée lorsque l’obligation a été exécutée en connaissance de cause. »

Cela signifie que la nullité susceptible d’être soulevée par le créancier est couverte par l’exécution de l’obligation qui était subordonnée à la réalisation de la condition potestative.

a. L’exigence d’un événement possible et licite

Initialement, l’ancien article 1172 du Code civil prévoyait que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend. »

Pour être valide, la condition devait donc être possible et licite. Si, lors de la réforme des obligations le législateur a reconduit la seconde exigence, telle n’a pas été le cas de la première qui a, manifestement, été abandonnée.

?L’exigence abandonnée de possibilité de la condition

L’exigence de possibilité de la condition énoncée à l’ancien article 1172 ne se retrouve dans aucun des articles consacrés à l’obligation conditionnelle.

Loin de constituer une omission de la part du législateur, celui-ci a simplement voulu mettre un terme au caractère pour le moins absurde de cette exigence.

La condition impossible doit, en effet, être entendue comme celle qui dépend d’un événement qui ne se réalisera jamais.

Aussi, dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, la stipulation d’une condition impossible devait conduire à l’annulation du contrat :

  • Soit parce que la naissance de l’obligation sur laquelle elle porte serait suspendue indéfiniment, si elle est suspensive
  • Soit parce que la disparition de l’obligation sur laquelle elle porte ne pourra jamais intervenir, si elle est résolutoire

Dans les deux cas, l’exigence de possibilité de la condition n’a, en toute hypothèse, pas grand sens :

  • Lorsque la condition est suspensive, pourquoi vouloir annuler une obligation qui n’existe pas, la réalisation de la condition étant, par définition impossible.
  • Lorsque la condition est résolutoire, il est tout aussi superflu de vouloir l’annuler si elle impossible puisque cela reviendra, in fine, à laisser perdurer une obligation qui ne pourra jamais disparaître.

Pour toutes ces raisons, l’abandon de l’exigence de possibilité de la condition nous apparaît pleinement justifié.

?L’exigence reconduite de licéité de la condition

Aux termes de l’article 1304-1 du Code civil « la condition doit être licite. À défaut, l’obligation est nulle. »

L’exigence de licéité de la condition ne soulève guère de difficulté.

Le législateur a simplement entendu viser les conditions dont la réalisation dépend d’un événement qui s’inscrirait dans une opération prohibée.

Comme pour l’exigence de possibilité, on peut s’interroger sur l’utilité de cette précision.

Ne peut-on pas, en effet, estimé que l’exigence de licéité est déjà comprise dans la règle énoncée à l’article 1162 du Code civil qui, pour mémoire, prévoit que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. » ?

De l’avis des auteurs on est légitimement en droit de le penser.

Aussi, le législateur rappelle-t-il une exigence déjà formulée.

Reste la sanction de la condition illicite : l’article 1304-1 prévoit la nullité de l’obligation.

Par analogie avec l’article 1162 on devine que cette nullité est absolue de sorte que l’action ne sera pas limitée à la sphère des parties.

II) La réalisation de la condition

A) Le processus de réalisation de la condition

Participent au processus de réalisation de la condition, trois événements distincts qui, respectivement, puisent leur source dans :

  • La commune intention des parties
  • L’écoulement du temps
  • La déloyauté d’un contractant

1. La commune intention des parties

Pour déterminer si la condition stipulée dans le contrat est ou non accomplie, c’est à la commune intention des parties qu’il convient d’abord de se référer.

L’ancien article 1175 du Code civil disposait en ce sens que « toute condition doit être accomplie de la manière que les parties ont vraisemblablement voulu et entendu qu’elle le fût. »

Bien que cette disposition n’ait pas son équivalent dans la nouvelle section du Code civil consacrée à l’obligation conditionnelle, la règle qu’elle énonce n’en demeure pas moins toujours valable.

Aussi, est-ce cette commune intention des parties qui devra guider le juge dans son appréciation de l’accomplissement de la condition.

Sa marge de manœuvre dépendra de la précision des termes du contrat.

Dans cette perspective, rien n’empêchera le juge de s’écarter de la lettre de la clause à la faveur de son esprit.

Il pourra ainsi être conduit à se demander si l’accomplissement de la condition doit procéder d’une démarche effectuée en personne par le débiteur ou si elle peut être déléguée à un mandataire ou un héritier.

La question pourra encore se poser au juge de savoir si la condition peut ou non être accomplie par équivalent.

2. L’écoulement du temps

La commune intention des parties n’est pas le seul élément qui détermine l’accomplissement de la condition, l’écoulement du temps peut également influer sur le processus.

Deux situations doivent alors être envisagées :

?La condition est positive

Cela signifie que son accomplissement dépend de la survenance d’un événement

Il convient alors d’envisager deux situations :

  • Les parties ont assorti la condition d’un délai
    • Dans cette hypothèse, l’accomplissement de la condition ne pourra intervenir qu’au cours du délai déterminé par les contractants
    • Si tel n’est pas le cas, l’ancien article 1176 du Code civil prévoyait que « lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé »
    • Bien que cette règle n’ait pas été reprise par l’ordonnance du 10 février 2016, elle n’en reste pas moins vigueur.
  • Les parties n’ont assorti la condition d’aucun délai
    • L’ancien article 1176 prévoit, que « s’il n’y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’événement n’arrivera pas. »
    • Ainsi, en l’absence de délai fixé par les parties, la condition est susceptible de connaître trois sorts différents
      • L’événement se produit : la condition se réalise
      • L’événement ne se produit pas : la condition est efficace tant qu’il n’a pas été mis un terme au contrat
      • Lorsqu’il est devenu certain que l’événement ne se produira pas : la condition est réputée défaillie

?La condition est négative

Cela signifie que son accomplissement dépend de l’absence de survenance d’un événement.

Deux situations doivent également être envisagées ici :

  • Les parties ont assorti la condition d’un délai
    • L’ancien article 1177 prévoyait que « lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement n’arrivera pas dans un temps fixe, cette condition est accomplie lorsque ce temps est expiré sans que l’événement soit arrivé »
    • Ainsi, à l’inverse de la condition positive, la condition négative se réalise, dès lors que l’événement dont elle dépend ne survient pas dans le délai fixé par les parties.
  • Les parties n’ont assorti la condition d’aucun délai
    • L’ancien article 1177 du Code civil prévoyait que la condition négative est accomplie « si avant le terme il est certain que l’événement n’arrivera pas ; et s’il n’y a pas de temps déterminé, elle n’est accomplie que lorsqu’il est certain que l’événement n’arrivera pas. »
    • En l’absence de délai fixé par les parties, la condition négative est susceptible de connaître trois sorts différents
      • L’événement se réalise : la condition défaille
      • L’événement ne se réalise jamais : la condition demeure efficace tant qu’il n’a pas été mis un terme au contrat
      • Lorsqu’il est devenu certain que l’événement ne se produira pas : la condition est réputée accomplie

3. La déloyauté d’un contractant

?Exposé de la problématique

En principe, la condition est réputée irrévocablement accomplie ou défaillie dès lors que l’événement dont elle dépend se produit ou ne survient pas.

Quid néanmoins de l’hypothèse où un contractant a influé sur la réalisation de l’événement dont dépend de la condition plus que ne lui permettait le contrat afin d’échapper à son engagement ?

Si, par exemple, les parties conditionnent l’acquisition d’une maison à l’octroi d’un prêt et que l’acquéreur n’accomplit aucune démarche en ce sens, ne pourrait-on pas voir dans cette attitude une manœuvre déloyale qui justifierait une réponse juridique appropriée ?

?La parade du réputé accompli

Conscients que certains contractants pourraient être tentés de se livrer à des pratiques déloyales aux fins de soustraire à leur engagement, les rédacteurs du Code civil avaient prévu une parade à l’article 1178.

Cette disposition disposait que « la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement. »

Ainsi, pèse sur la tête des parties la menace que la condition s’accomplisse, et que par voie de conséquence, leur engagement prenne immédiatement effet dans l’hypothèse où elles feraient délibérément obstacle, ce, de manière déloyale, à la réalisation de l’événement.

La parade du réputé accomplie a manifestement été reconduite par le législateur lors de la réforme des obligations

Le nouvel article 1304-3, al. 1er du Code civil dispose en ce sens que « la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. »

?Conditions du réputé accompli

Pour que le créancier de l’obligation puisse se prévaloir de l’accomplissement de la condition en raison de l’influence déloyale exercée par le débiteur sur le cours des événements, deux conditions doivent être réunies.

  • La défaillance irrévocable de la condition
    • Tant que la condition n’a pas défaillie, le créancier de l’obligation n’est pas fondé à demander qu’elle soit réputée accomplie
    • La Cour de cassation a notamment statué en ce sens dans un arrêt du 29 avril 1929 (Cass. civ. 29 avr. 1929).
  • L’intervention fautive du débiteur
    • Pour que la condition soit réputée accomplie il est également nécessaire que l’intervention du débiteur qui a conduit la condition à défaillir soit fautive au sens délictuel du terme.
    • Quant à la question de savoir si la faute doit être intentionnelle ou s’il peut s’agir d’une simple faute d’imprudence, la position de la jurisprudence est pour le moins fluctuante.

?L’introduction du réputé défaillie

Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, les textes ne prévoyaient, en cas d’intervention déloyale du débiteur, que la parade du réputé accompli.

Aussi, n’était nullement envisagée l’hypothèse où le débiteur faisait non pas obstacle à la réalisation de la condition, mais au contraire intervenait de manière intempestive pour qu’elle s’accomplisse.

Devait-on considérer la condition défaillie ?

Le législateur a, lors de la réforme des obligations, répondu par l’affirmative à cette question en créditant l’article 1304-3 du Code civil d’un second alinéa qui prévoit : « la condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt. »

Les conditions d’application de cette disposition sont, par analogie avec le premier aliéna, les mêmes que dans la situation précédente, à savoir que pour que la condition soit réputée défaillie

  • D’une part, la condition doit s’être irrévocablement réalisée
  • D’autre part, le débiteur doit avoir commis une faute en intervenant

B) Les modalités de réalisation de la condition

?L’automaticité de la réalisation de la condition

Sauf à ce que les parties aient influé de manière déloyale sur le cours des choses, lorsque l’événement dont dépend la réalisation de la condition survient, cette dernière produit, de plein droit, tous ses effets.

Aussi, n’est-il pas nécessaire que le créancier adresse une mise en demeure au débiteur ou saisisse le juge aux fins de faire constater la réalisation de la condition.

Dès que l’événement se produit, l’obligation à laquelle est attachée la condition naît ou disparaît, selon que cette dernière est suspensive ou résolutoire.

?L’irrévocabilité de la réalisation de la condition

  • La force majeure
    • Excepté les cas de déloyauté visés à l’article 1304-3 du Code civil, rien ne peut remettre en cause la réalisation ou la défaillance de la condition, pas même la force majeure (Cass. 3e civ. 9 oct. 1974, n°73-12.113).
  • L’accord des parties
    • Quand bien même les parties décideraient de tenir pour accomplie ou défaillie la condition contrairement au cours des événements, leur accord serait analysé comme un contrat (Cass. com. 10 janv. 1989).

?La renonciation à la réalisation de la condition

La question qui ici se pose est savoir si une partie est libre de renoncer à une condition qui a été stipulée dans son intérêt, alors que l’événement dont dépend la condition ne s’est pas encore produit.

Cette situation n’avait pas été envisagée par les rédacteurs du Code civil en 1804 de sorte que c’est à la jurisprudence qu’est revenue la charge d’y apporter une réponse juridique.

Dans de nombreuses décisions cette faculté a été reconnue au bénéficiaire de la condition (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 17 mars 1998).

La Cour de cassation subordonne toutefois l’efficacité de la renonciation à la condition que la condition ait été stipulée dans l’intérêt exclusif du renonçant (Cass. 3e civ. 13 juill. 1999, n°97-20.110).

Cette jurisprudence a manifestement été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2017.

Le nouvel article 1304-4 du Code civil « une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie ou n’a pas défailli. »

Il en résulte, a contrario, précise le rapport au Président de la République « qu’une renonciation ne peut intervenir après la défaillance de la condition suspensive », choisissant ainsi l’anéantissement automatique du contrat afin d’éviter sa remise en cause bien après cette défaillance.

Le législateur a entendu ici mettre fin à une controverse jurisprudentielle et doctrinale née de la question de savoir si les parties pouvaient sauver le contrat de la caducité en cas de défaillance de la condition.

La position de la Cour de cassation sur cette question était pour le moins ambivalente dans la mesure où d’un côté elle considérait que, une fois la condition défaillie, les parties ne pouvaient plus revenir en arrière, sauf à conclure un nouveau contrat (Cass. com. 6 févr. 1996, n°93-12.868)

D’un autre côté, la haute juridiction a posé la règle selon laquelle pour que la caducité du contrat puisse être, encore fallait-il que les parties s’en prévalent, ce qui revenait alors à leur conférer la faculté de sauver le contrat en ne se prévalant pas (Cass. 3e civ. 31 mars 2005, n°04-11.752).

Le législateur a-t-il mis un terme à cette position schizophrénique de la Cour de cassation ?

C’est cette solution qui semble ressortir des termes du rapport au Président de la République, selon lesquels, « bien sûr, la partie qui avait intérêt à la condition pourra toujours y renoncer après cette défaillance si elle obtient l’accord de son cocontractant ».

Par ailleurs, l’article 1304-4 du code civil n’étant pas d’ordre public, les parties pourraient décider d’en disposer autrement.

Pour autant, la rédaction l’article 1304-4 issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ne permettait pas d’atteindre l’objectif poursuivi, puisqu’il n’y est pas question d’interdire la renonciation du bénéficiaire à la condition suspensive défaillie mais bien la renonciation à la condition suspensive accomplie, ce qui est sans effet.

Pour permettre à cette disposition d’atteindre l’objectif qui lui avait été assigné par les rédacteurs de l’ordonnance, une nouvelle rédaction de l’article 1304-4 a été proposée, affirmant clairement l’impossibilité pour le bénéficiaire d’une condition suspensive d’y renoncer une fois que celle-ci est défaillie.

Cass. 3e civ. 31 mars 2005

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 4 novembre 2003), que le 2 octobre 1999, M. X… a promis de vendre un immeuble aux époux Y…, sous la précision que le vendeur n’avait laissé créer aucune servitude sur le fonds et sous la condition suspensive de l’obtention de renseignements d’urbanisme négatifs ; que les acquéreurs ont postérieurement été informés de ce qu’une servitude de vue avait été constituée au profit du fonds voisin par acte sous seing privé en date du 10 mars 1999 et que le certificat d’urbanisme avait été refusé ;

Attendu que les époux Y… font grief à l’arrêt de constater la caducité de la promesse et de rejeter leur demande tendant à voir dire la vente parfaite sous réserve d’une réduction de prix, en réparation du préjudice résultant du dol du vendeur, alors, selon le moyen :

1 ) qu’en l’état du dol caractérisé par la cour d’appel, les époux Y… avaient la possibilité de renoncer aux conditions aux fins de réaliser la vente et de solliciter une réduction du prix, à titre de dommages-intérêts ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil ;

2 ) que dans leurs conclusions d’appel signifiées et déposées le 3 septembre 2003, les époux Y… demandaient expressément à la cour d’appel “d’homologuer le compromis en date du 2 octobre 1999 aux termes duquel M. X… a vendu à M. et Mme Y… un immeuble sis … à Pornic, cadastré section 042 AK, n° 571, pour une contenance de 03 ares 78 centiares, moyennant le prix porté à l’acte de 1 255 000 francs”, de dire qu’ils étaient “fondés à demander l’exécution de la convention c’est-à-dire la réalisation de la vente, après avoir décidé de ne pas solliciter l’application de la condition suspensive”, de faire droit à leurs demandes tendant ” à l’homologation du compromis en leur faveur bien que l’immeuble soit loué – les époux Y… faisant la preuve de la disponibilité de l’argent leur permettant de payer le solde du prix moyennant un prix de vente qui doit être fixé à 1 255 000 francs (186 750 euros) ainsi qu’il a été accepté par les deux parties aux termes du compromis de vente du 2 octobre 1999″, et de les déclarer “fondés à demander l’allocation de dommages-intérêts sous forme d’une réduction de prix en réparation de leur préjudice pour dol” ; qu’en affirmant néanmoins que les époux Y… refusaient de régulariser la vente au prix convenu la cour d’appel a dénaturé les conclusions susvisées et violé l’article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant retenu que la promesse de vente en date du 2 octobre 1999 avait été souscrite sous la condition suspensive de l’obtention d’un certificat d’urbanisme ou d’une note de renseignements d’urbanisme ne révélant aucune restriction significative susceptible de déprécier l’immeuble ou de le rendre impropre à sa destination et l’absence de servitude légale ou conventionnelle, que postérieurement les époux Y… avaient appris que par acte du 10 mars 1999 le vendeur avait créé sur le fonds une servitude de vue au profit du fonds voisin, que le certificat d’urbanisme obtenu le 5 octobre 1999 indiquait que le terrain d’assiette de la construction n’était pas constructible, la cour d’appel qui ne s’est pas déterminée par référence à une réticence dolosive, en a exactement déduit, sans dénaturation des conclusions, que les conditions convenues ayant défailli, les époux Y… n’avaient pour seule alternative que de se prévaloir de la caducité de la promesse ou d’y renoncer et de poursuivre la vente aux conditions initiales, ce qu’ils avaient refusé, et qu’ils n’étaient pas fondés à demander la réalisation forcée de la vente moyennant une réduction du prix, à titre de dommages-intérêts ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

III) Les effets de la condition

Les effets de la condition, qu’elle soit réalisée ou non, diffèrent selon qu’elle est suspensive ou résolutoire.

A) Les effets de la condition suspensive

Trois situations doivent être envisagées

1. La condition pendante

Il s’agit de la période au cours de laquelle on ne sait pas encore si la condition se réalisera. On dit alors de l’obligation sur laquelle elle porte qu’elle est « pendente conditione ».

Quels sont les effets de la condition lorsque l’on se trouve dans cette période d’incertitude ?

De toute évidence, dès lors que la condition ne s’est pas réalisée, l’obligation n’existe pas encore. Elle n’a qu’un potentiel d’existence.

Est-ce à dire que cette situation ne produit aucun effet à l’endroit des parties ?

L’article 1304-5 du Code civil nous invite à distinguer la situation du créancier de celle du débiteur.

?La situation du débiteur

Bien que l’obligation pendante sous condition suspensive n’existe pas encore, elle n’en a moins un potentiel d’existence ce qui n’est pas sans produire un certain nombre effets sur la situation du débiteur :

  • La rétractation du consentement
    • Dès lors que le débiteur a donné son consentement quant à la stipulation d’une obligation sous condition suspensive il est lié par cet engagement.
    • Il en résulte qu’il ne peut plus se rétracter, quand bien même l’obligation n’est pas encore née.
    • Il ne sera libéré de son engagement qu’en cas de défaillance de la condition.
  • L’obstruction à l’exécution de l’obligation
    • Bien que le débiteur ne soit pas contractuellement lié par l’obligation sous condition suspensive, il n’en est pas moins tenu de se comporter en considération de son existence potentielle.
    • L’article 1304-5 prévoit en ce sens que « avant que la condition suspensive ne soit accomplie, le débiteur doit s’abstenir de tout acte qui empêcherait la bonne exécution de l’obligation »
    • À défaut, il engagerait sa responsabilité.
  • L’action en répétition de l’indu
    • Tant que la condition suspensive ne s’est pas réalisée, aucun paiement n’est dû par le débiteur puisque, par définition, l’obligation n’est pas encore née.
    • C’est la raison pour laquelle l’article 1304-5, al.2 dispose que « ce qui a été payé peut être répété tant que la condition suspensive ne s’est pas accomplie »
    • Si donc le débiteur a, par erreur, payé le créancier alors que la condition ne s’est pas encore réalisée il dispose d’une action en répétition de l’indu, ce qui n’est pas le cas en matière de terme.
    • L’article 1305-2 prévoit, en effet, que « ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance ; mais ce qui a été payé d’avance ne peut être répété. »
    • Aussi, est-ce là une différence majeure entre la condition et le terme, cette dernière modalité n’affectant que l’exigibilité de l’obligation, d’où l’absence d’action en répétition de l’indu.

?La situation du créancier

Comme pour le débiteur, tant que la condition suspensive ne s’est pas réalisée, le créancier n’est, techniquement, titulaire d’aucun droit de créance à l’encontre du débiteur.

Cette situation n’en produit pas moins un certain nombre d’effets sur sa situation.

  • L’exécution de l’obligation
    • Dans la mesure où l’obligation pendante sous condition suspensive n’est pas encore née, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution, ni même engager des poursuites.
    • La Cour de cassation lui refuse, par ailleurs, le droit d’agir par voie d’action oblique (Cass. civ. 26 juill. 1854).
  • L’action paulienne
    • Le nouvel article 1304-5 du Code civil permet dorénavant au créancier d’« attaquer les actes du débiteur accomplis en fraude de ses droits »
    • Cette faculté conférée au créancier par le législateur est nouvelle puisque, antérieurement à la réforme des obligations, la jurisprudence subordonnait l’exercice de l’action paulienne à l’établissement d’une créance certaine.
    • Dans un arrêt du 15 janvier 2015, la Cour de cassation a considéré, par exemple, « qu’il suffit, pour l’exercice de l’action paulienne, que le créancier justifie d’une créance certaine en son principe au moment de l’acte argué de fraude » (Cass. 1ère civ. 15 janv. 2015, n°13-21.174).
    • Tel ne pouvait cependant pas être le cas du créancier d’une obligation pendante sous condition suspensive puisque, par définition, elle n’est pas encore née.
    • Aussi, le législateur est-il intervenu pour briser cette jurisprudence.
    • Désormais, l’action paulienne est ouverte au créancier, quand bien même la condition suspensive dont elle est assortie ne s’est pas encore réalisée.
  • L’accomplissement d’actes conservatoires
    • Bien que l’obligation pendante sous condition suspensive n’existe pas encore, le créancier n’en est pas moins titulaire d’un droit de créance éventuel.
    • À ce titre, l’article 1304-5 lui confère la possibilité d’« accomplir tout acte conservatoire » nécessaire à la défense de sa position contractuelle.
  • Cession, transmission, saisie
    • En ce que l’obligation pendante sous condition suspensive confère au créancier un droit de créance éventuel elle peut, à ce titre, faire l’objet :
      • D’une transmission entre vifs ou à cause de mort
      • D’une saisie conservatoire
      • D’un nantissement

2. La réalisation de la condition

?Principe : l’absence de rétroactivité

L’ancien article 1179 du Code civil prévoyait que « la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté »

La réalisation de la condition produisait de la sorte un effet rétroactif.

Il en résultait deux conséquences :

  • D’une part, tous les actes accomplis par le débiteur en contradiction avec l’obligation sous condition suspensive étaient anéantis
  • D’autre part, tous les actes accomplis par le créancier conformément à l’obligation sous condition suspensive étaient confirmés

Cette règle a été abandonnée par le législateur lors de la réforme des obligations

Le nouvel article 1304-5, al. 1er prévoit désormais que « l’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition suspensive. »

Ainsi, l’obligation sous condition suspensive produit ses effets, non plus au jour de la conclusion du contrat, mais au jour de la réalisation de la condition

L’un des arguments avancés au soutien de ce renversement du principe a été de dire que la rétroactivité n’est pas conforme à la volonté des parties qui, parce qu’elles ont stipulé une condition suspensive, elles ont voulu faire naître l’obligation au moment de la réalisation de la condition et non au jour de la conclusion du contrat

Il a par ailleurs été avancé que la rétroactivité serait purement et simplement inutile, dans la mesure où quand bien même la condition ne s’est pas encore réalisée, le contrat n’en est pas moins opposable aux tiers.

Le débat est désormais clos : la réalisation de la condition suspensive ne produit plus aucun effet rétroactif

?Exception : le rétablissement de la rétroactivité

Le législateur n’a pas totalement fermé la porte à la rétroactivité

L’article 1304-6, al. 2e dispose que « les parties peuvent prévoir que l’accomplissement de la condition rétroagira au jour du contrat. »

Dans cette hypothèse, l’obligation est réputée être née au jour de la conclusion du contrat.

Tous les actes accomplis par le créancier préalablement à la réalisation de l’obligation seront donc consolidés (constitution de sûreté, accomplissement d’actes conservatoires)

?Exception à l’exception : le transfert des risques

Aux termes de l’article 1304-6, al. 2, quand bien même les parties ont prévu que la réalisation de la condition produirait un effet rétroactif « la chose, objet de l’obligation, n’en demeure pas moins aux risques du débiteur, qui en conserve l’administration et a droit aux fruits jusqu’à l’accomplissement de la condition. »

Cela signifie que, s’agissant du transfert des risques, il ne peut pas être dérogé au principe de non rétroactivité.

Aussi, ce transfert des risques s’opérera nécessairement au jour de la réalisation de la condition.

Tant que la condition ne s’est pas réalisé la charge des risques pèse, autrement dit, sur le débiteur.

En contrepartie, toutefois, tant que la condition est pendante, ce dernier continue de percevoir les fruits de la chose.

3. La défaillance de la condition

?Rétroactivité

L’article 1304-6, al. 3 prévoit que « en cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé. »

Ainsi, à la différence de la condition réalisée, la condition défaillante a pour effet de faire disparaître rétroactivement l’obligation sur laquelle elle porte.

?Caducité du contrat

Dans l’hypothèse, où l’obligation pendante sous condition suspensive est essentielle, la défaillance de la condition devrait entraîner l’anéantissement du contrat dans son entier.

Pour la Cour de cassation estime que cela doit se traduire par la caducité de l’acte. Dans un arrêt du 14 octobre 2009 elle a par exemple estimé au sujet d’une promesse de vente que « la défaillance de la condition suspensive entraîne [sa] caducité » (Cass. 3e civ. 14 oct. 2009, n°08-20.152).

?Sort des actes d’administration et de disposition

  • S’agissant des actes accomplis par le débiteur avant la défaillance de la condition, ils sont consolidés
  • S’agissant des actes accomplis par le créancier avant la défaillance de la condition, ils sont anéantis

?Restitution des prestations déjà accomplies

Dans l’hypothèse, où les parties ont engagé l’exécution de l’obligation avant la défaillance de la condition, des restitutions devront être effectuées en application du principe de répétition de l’indu.

L’article 1302-1 du Code civil prévoit en ce sens que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu. »

B) Les effets de la condition résolutoire

1. La condition pendante

Tant que l’incertitude règne quant à la réalisation ou la défaillance de la condition résolutoire, non seulement l’obligation sur laquelle elle porte existe, mais encore elle est exigible. Il en résulte qu’elle doit être exécutée.

L’ancien article 1183, al. 2 prévoyait en ce sens que la condition résolutoire « ne suspend point l’exécution de l’obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu’il a reçu, dans le cas où l’événement prévu par la condition arrive. »

Bien que l’ordonnance du 10 février 2016 n’ait inséré dans le Code civil aucune disposition similaire, la règle demeure inchangée.

Elle se déduit, en effet, de la définition de la condition résolutoire qui est celle qui « entraîne l’anéantissement de l’obligation ». Pour être anéantie, encore faut-il exister au préalable.

2. La réalisation de la condition résolutoire

?Principe : l’anéantissement rétroactif

Aux termes de l’article 1304-7 du Code civil « l’accomplissement de la condition résolutoire éteint rétroactivement l’obligation, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d’administration. »

La réalisation de la condition résolutoire produit un effet rétroactif, ce qui signifie que l’obligation est réputée n’avoir jamais existé

Il en résulte que tous les actes attachés à l’exécution de l’obligation sont affectés par cet anéantissement

?Tempérament : actes d’administration et perception des fruits

La jurisprudence estime que doivent être maintenus les actes d’administration qui ont été accomplis avant la réalisation de la condition (Cass. civ. 18 juill. 1854).

Il en va de même s’agissant de la perception des fruits qui n’est pas affectée par la réalisation de la condition résolutoire (Cass. req., 26 févr. 1908)

?Exceptions : l’anéantissement pour l’avenir

L’article 1304-7, al. 2 pose deux exceptions au principe de rétroactivité.

  • La volonté des parties
    • L’article 1304-7, al. 2 dispose que « la rétroactivité n’a pas lieu si telle est la convention des parties »
    • Ainsi, les contractants sont libres d’écarter la rétroactivité attachée à la résolution du contrat s’ils le désirent.
    • Cela leur évitera, d’une part, de remettre en cause les actes accomplis avant la réalisation de la condition, d’autre part, de se livrer au jeu des restitutions.
  • Les contrats à exécution successive
    • L’article 1304-7, al. 2 prévoit que « si les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat. »
    • Ainsi, cette disposition institue-t-elle une dérogation au principe de rétroactivité
    • Lorsque le contrat est à exécution successive tel que le bail, la résolution ne joue que pour l’avenir.
    • Autrement dit, les effets passés ne sont pas affectés par la réalisation de la condition.
    • Seuls les effets futurs de la convention sont anéantis.
    • Plutôt que de parler de résolution, il serait plus juste de raisonner en termes de résiliation.
    • Cette règle est étrangement proche de celle édictée en matière de résolution pour inexécution.
    • L’article 1229, al. 3 prévoit, en effet, que « lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. »
    • La principale conséquence attachée à l’absence d’effet rétroactif est que résiliation ne donnera pas lieu au jeu des restitutions.
    • Les parties conservent le bénéfice des prestations exécutées avant la réalisation de la condition résolutoire, ce qui constitue une différence majeure avec la condition suspensive.
  • Incertitude quant à la charge des risques
    • Contrairement aux dispositions relatives à la condition suspensives, celles consacrées à la condition résolutoire sont silencieuses sur la charge des risques
    • La question pourtant se pose de savoir ce qu’il en est de la charge des risques dans l’hypothèse où la condition résolutoire se réalise ?
    • Si l’on raisonne par analogie avec la condition suspensive, elle devrait peser sur le débiteur de l’obligation dans la mesure où celui-ci est censé être demeuré propriétaire de la chose qui doit lui être restituée en cas de réalisation de la condition résolutoire.

3. La défaillance de la condition résolutoire

En cas de défaillance de la condition résolutoire, l’obligation sur laquelle elle porte devient pure et simple.

Le droit du créancier s’en trouve alors consolidé. Quant au débiteur, il est tenu d’exécuter l’obligation jusqu’à ce qu’il soit mis un terme au contrat.

  1. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : les obligations, éd. Dalloz 2007, coll. « précis », n°1221, p. 1161-1162. ?

Ensembles contractuels: la position de la Cour de cassation à l’aune de la réforme des obligations: (Cass. com. 12 juill. 2017)

Dans deux arrêts rendus le 12 juillet 2017, la Cour de cassation s’est prononcée sur les conséquences de la résiliation de contrats qui concouraient à la réalisation d’une même opération économique.

Première espèce

  • Faits
    • Une SCI de notaires a conclu avec un prestataire de services un contrat de fourniture et d’entretien de photocopieurs pour une durée de soixante mois
    • Le même jour, elle souscrit auprès d’un établissement bancaire un contrat de location financière de ces matériels
    • Un peu plus tard, la SCI décide finalement de résilier ce dernier contrat
    • Aussi, en informe-t-elle, dans la foulée, le prestataire
  • Demande
    • En réaction, celui-ci assigne en paiement de l’indemnité contractuelle de résiliation anticipée son client
    • La SCI lui oppose la caducité du contrat de prestations de services, conséquence de la résiliation du contrat de location financière
  • Procédure
    • Par un arrêt du 30 septembre 2015, la Cour d’appel de Bordeaux fait droit à la demande du prestataire et condamne la SCI au paiement de l’indemnité de résiliation
    • Les juges du fond considèrent que
      • d’une part, les conditions générales du contrat de location ne font dépendre ni la conclusion, ni l’exécution, ni la résiliation du contrat d’un quelconque contrat de service, lequel a été conclu indépendamment du contrat de location financière puisqu’aucune clause du contrat de location du matériel ne fait référence à l’obligation pour le souscripteur de conclure un contrat d’entretien pour celui-ci, ni ne fait dépendre les conditions de résiliation du contrat de location de celles du contrat d’entretien
      • d’autre part, que le contrat de services pouvait être passé sur un matériel différent de celui qui a fait l’objet du contrat de location, de sorte qu’il n’en constitue pas l’accessoire
    • La Cour d’appel en déduit que les deux conventions, qui avaient une existence propre et étaient susceptibles d’exécution indépendamment l’une de l’autre, ne peuvent pas être considérées comme s’inscrivant dans une opération unique au sein de laquelle l’anéantissement de l’un des contrats aurait eu pour effet de priver l’autre de cause

Cass. com. 12 juill. 2017
Première espèce
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et que la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 12 avril 2006, la société civile professionnelle de notaires Michel X..., Jean Y..., Claude Y... (la SCP) a conclu avec la société Konica Minolta Business solutions France (la société Konica Minolta) un contrat de fourniture et d’entretien de photocopieurs pour une durée de soixante mois ; que le même jour, elle a souscrit avec la société BNP Paribas Lease Group un contrat de location financière de ces matériels ; qu’ayant résilié ce dernier contrat, la SCP a informé la société Konica Minolta de sa décision de résilier le contrat de prestations de services ; que la société Konica Minolta l’a assignée en paiement de l’indemnité contractuelle de résiliation anticipée ; que la SCP a opposé la caducité du contrat de prestations de services, en conséquence de la résiliation du contrat de location financière ;

Attendu que pour condamner la SCP au paiement de cette indemnité, l’arrêt retient que les conditions générales du contrat de location ne font dépendre ni la conclusion, ni l’exécution, ni la résiliation du contrat d’un quelconque contrat de service, lequel a été conclu indépendamment du contrat de location financière puisqu’aucune clause du contrat de location du matériel ne fait référence à l’obligation pour le souscripteur de conclure un contrat d’entretien pour celui-ci, ni ne fait dépendre les conditions de résiliation du contrat de location de celles du contrat d’entretien ; que l’arrêt retient encore que le contrat de services pouvait être passé sur un matériel différent de celui qui a fait l’objet du contrat de location, de sorte qu’il n’en constitue pas l’accessoire ; qu’il en déduit que les deux conventions, qui avaient une existence propre et étaient susceptibles d’exécution indépendamment l’une de l’autre, ne peuvent pas être considérées comme s’inscrivant dans une opération unique au sein de laquelle l’anéantissement de l’un des contrats aurait eu pour effet de priver l’autre de cause ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté, par motifs propres et adoptés, que la SCP avait conclu, le même jour, un contrat de prestations de services portant sur des photocopieurs avec la société Konica Minolta et, par l’intermédiaire de cette dernière, un contrat de location financière correspondant à ces matériels avec la société BNP Paribas Lease Group, ce dont il résulte que ces contrats, concomitants et s’inscrivant dans une opération incluant une location financière, étaient interdépendants, et que la résiliation de l’un avait entraîné la caducité de l’autre, excluant ainsi l’application de la clause du contrat caduc stipulant une indemnité de résiliation, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 septembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers ;

Seconde espèce

  • Faits
    • Le 23 avril 2007, une société a conclu un contrat de prestation de surveillance électronique avec un prestataire, qui a fourni et installé le matériel nécessaire, d’une durée de quarante-huit mois renouvelable
    • Le 2 mai suivant, la société cliente a souscrit un contrat de location portant sur ce matériel auprès d’un bailleur, d’une durée identique, moyennant le paiement d’une redevance mensuelle
    • Avant l’échéance du terme des contrats, la société preneuse a obtenu, en accord avec le bailleur, la résiliation du contrat de location, en s’engageant à payer les échéances à échoir
  • Demande
    • Estimant qu’en l’absence de résiliation, le contrat de prestation de services avait été reconduit au terme de la période initiale, le prestataire a vainement mis en demeure sa cliente d’accepter l’installation d’un nouveau matériel ou de payer l’indemnité contractuelle de résiliation anticipée, avant de l’assigner en paiement de cette indemnité
  • Procédure
    • Par un arrêt du 8 avril 2015, la Cour d’appel de Nancy fait droit à la demande du prestataire et condamne la société cliente au paiement de l’indemnité contractuelle de résiliation
    • Les juges du fond infirment la décision rendue en première instance considérant que c’est à tort que les premiers juges ont estimé que l’indivisibilité entre les contrats en cause permettait de considérer que la résiliation anticipée du contrat de location avait nécessairement provoqué la résiliation du contrat de prestation de services, dès lors qu’il ressort des énonciations mêmes de ce dernier contrat, conclu pour une durée fixe et irrévocable, qu’une telle résiliation était contraire à la loi convenue entre les parties

Cass. com. 12 juill. 2017
Seconde espèce
Sur le moyen unique :

Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, lorsque des contrats sont interdépendants, la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 23 avril 2007, la société Baur a conclu un contrat de prestation de surveillance électronique avec la société Diffus’Est, qui a fourni et installé le matériel nécessaire, d’une durée de quarante-huit mois renouvelable ; que le 2 mai suivant, la société Baur a souscrit un contrat de location portant sur ce matériel auprès de la société Grenke location (la société Grenke), d’une durée identique, moyennant le paiement d’une redevance mensuelle ; qu’avant l’échéance du terme des contrats, la société Baur a obtenu, en accord avec le bailleur, la résiliation du contrat de location, en s’engageant à payer les échéances à échoir ; qu’estimant qu’en l’absence de résiliation, le contrat de prestation de services avait été reconduit au terme de la période initiale, la société Diffus’Est a vainement mis en demeure la société Baur d’accepter l’installation d’un nouveau matériel ou de payer l’indemnité contractuelle de résiliation anticipée, avant de l’assigner en paiement de cette indemnité ;

Attendu que, pour condamner la société Baur au paiement de l’indemnité prévue à l’article 12 du contrat de prestation souscrit auprès de la société Diffus’Est, l’arrêt retient que c’est à tort que les premiers juges ont estimé que l’indivisibilité entre les contrats en cause permettait de considérer que la résiliation anticipée du contrat de location avait nécessairement provoqué la résiliation du contrat de prestation de services, dès lors qu’il ressort des énonciations mêmes de ce dernier contrat, conclu pour une durée fixe et irrévocable, qu’une telle résiliation était contraire à la loi convenue entre les parties ;

Qu’en statuant ainsi, après avoir relevé, d’abord, que les contrats litigieux s’inscrivaient dans un même ensemble contractuel, ensuite, que le contrat de location conclu avec la société Grenke avait été résilié avant le terme initial, ce dont il résulte que, ces deux contrats étant interdépendants, cette résiliation avait entraîné la caducité, par voie de conséquence, du contrat de prestation conclu entre la société Baur et la société Diffus’Est, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 avril 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Metz ;

SOLUTION COMMUNE

Par deux arrêts rendus en date du 12 juillet 2017, la Cour de cassation casse et annule les arrêts rendus par les Cours d’appel de Bordeaux et de Nancy au visa de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.

  • Dans le premier arrêt, la Cour de cassation considère que « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et que la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute»[1].
  • Dans le second arrêt, la Chambre commerciale juge pareillement que « lorsque des contrats sont interdépendants, la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute»[2].

Quels enseignements tirer de ces deux arrêts ? Ils sont au nombre de trois :

I) Premier enseignement

Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation confirme sa volonté de faire de l’indivisibilité contractuelle une notion autonome, détachée des fondements de cause, de condition ou encore de théorie de l’accessoire comme elle s’était employée à le faire dans le courant des années 1990 (V. notamment en ce sens Cass. com. 7 avr. 1987 ; Cass. 3e cvi. 3 mars 1993 ; Cass. com. 4 avr. 1995).

En témoigne le visa de l’ancien article 1134 du code civil.

Celui-ci suggère, en effet, que la chambre commerciale a entendu fonder le concept d’ensemble contractuel sur la seule force obligatoire du contrat.

II) Deuxième enseignement

L’approche retenue par la Cour de cassation en l’espèce s’inscrit dans le droit fil de la position qu’elle avait adoptée dans deux arrêts rendus le 17 mai 2013.

Pour mémoire, la chambre mixte avait estimé, sensiblement dans les mêmes termes, que « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants » de sorte que « sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance » (Cass. ch. Mixte, 17 mai 2013).

Ces deux décisions avaient été analysées comme retenant une approche objective de la notion d’indivisibilité, en ce sens que l’existence d’une indivisibilité entre plusieurs contrats doit être appréciée, non pas au regard de la volonté des parties (approche subjective), mais en considération de la convergence de l’objet de chaque contrat.

Cette interprétation devait toutefois être tempérée par la précision « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière »

Certains auteurs avaient déduit de cette précision que la Cour de cassation avait voulu cantonner sa position aux seuls ensembles contractuels au sein desquels figurait un contrat de location financière.

Dans les autres cas, la volonté des parties devrait, dès lors, toujours prévaloir sur l’économie générale du contrat.

Comment interpréter la solution retenue en l’espèce par la chambre commerciale?

La lecture des faits révèle que l’un des deux arrêts portait sur un ensemble contractuel qui ne comprenait pas de contrat de location financière.

Il s’agissait d’une simple opération associant un contrat d’entreprise à un contrat de location simple.

Peut-on en déduire que la Cour de cassation a entendu étendre la solution qu’elle avait adoptée en 2013 à tous les ensembles contractuels ?

Autrement dit, s’est-elle finalement décidée à ériger en principe général la conception objective de l’indivisibilité ?

Cela est, nous semble-t-il, peu probable si l’on interprète ces deux décisions à la lumière de la réforme du droit des obligations.

La réforme des obligations engagée en 2016 a fourni l’occasion au législateur de faire rentrer dans le Code civil le concept d’ensemble contractuel.

Le nouvel article 1186 du Code civil prévoit ainsi à son alinéa 2 que « lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie. »

Aussi, ressort-il de cette disposition que le législateur a combiné le critère objectif et le critère subjectif pour définir l’indivisibilité.

  • Le critère objectif
    • La reconnaissance d’une indivisibilité suppose :
      • D’une part, que plusieurs contrats aient été « nécessaires à la réalisation d’une même opération»
      • D’autre part, que l’un d’eux ait disparu
      • Enfin, que l’exécution ait été « rendue impossible par cette disparition»
    • Ces trois éléments doivent être établis pour que le premier critère objectif soit rempli, étant précisé qu’ils sont exigés cumulativement.
  • Le critère subjectif
    • Principe
      • La deuxième partie de l’alinéa 2 de l’article 1186 précise que l’indivisibilité peut encore être établie dans l’hypothèse où les contrats « pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie»
      • Ainsi l’indivisibilité contractuelle peut-elle résulter, en plus de l’économie générale de l’opération, de la volonté des parties.
      • Dès lors, que les contractants ont voulu rendre plusieurs contrats indivisibles, le juge est tenu d’en tirer toutes les conséquences qu’en aux événements susceptibles d’affecter l’un des actes composant l’ensemble.
    • Condition
      • L’alinéa 3 de l’article 1186 du Code civil pose une condition à l’application du critère subjectif
      • Aux termes de cette disposition, « la caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement. »
      • L’anéantissement des contrats liés au contrat affecté par une cause de disparition est donc subordonné à la connaissance par les différents cocontractants de l’existence de l’ensemble, soit que les contrats auxquels ils sont parties, concourraient à la réalisation d’une même opération économique.

III) Troisième enseignement

Le troisième et dernier enseignement que l’on peut retirer des deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 12 juillet 2017 aux effets de l’indivisibilité.

La chambre commerciale nous indique, en effet, que, en cas d’interdépendance de plusieurs contrats « la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres ».

Cette affirmation est particulièrement intéressante si l’on se remémore que, en plus de s’être longuement interrogé sur les fondements et les critères de la notion d’indivisibilité, la jurisprudence a éprouvé un certain nombre de difficultés à en déterminer les effets ?

Plusieurs sanctions ont été envisagées en cas de reconnaissance d’une indivisibilité contractuelle :

  • La nullité
    • Telle a été la solution retenue dans un arrêt du 18 juin 1991, la chambre commerciale ayant validé la décision d’une Cour d’appel pour avoir « souverainement, estimé que les commandes émanant de cette société, bien que passées distinctement en deux lots, n’en étaient pas moins, au su de la société BP Conseils, déterminées par des considérations globales de coûts et, comme telles, indivisibles ; que, par ces seuls motifs, elle a pu décider que l’importante majoration de prix, que la société BP Conseils a tenté d’imposer a posteriori sur le dernier lot, remettait en cause les considérations communes sur le prix total et justifiait une annulation des deux commandes» ( com. 18 juin 1991)
  • La résolution
    • Dans les arrêts du 10 septembre 2015, la Cour de cassation considère que la résolution de la vente emportait la résolution du contrat de prêt ( 1ère civ., 10 sept. 2015, n° 14-17.772)
    • À l’instar de la nullité la résolution d’un acte est assortie d’un effet rétroactif, de sorte que l’anéantissement en cascade des contrats appartenant à l’ensemble donnera lieu à des restitutions.
  • La résiliation
    • Dans d’autres décisions, la Cour de cassation a retenu comme sanction de l’anéantissement du contrat principal la résiliation des actes auxquels il était lié.
    • Elle a notamment statué en ce sens dans les arrêts Sedri du 4 avril 1995.
    • Dans l’un d’eux, elle a considéré par exemple que la cessation des services promis par la société Sedri entraînait résiliation du contrat de location du matériel et du logiciel souscrit concomitamment par son cocontractant ( com. 4 avr. 1995).
  • La caducité
    • Dans plusieurs arrêts la Cour de cassation a retenu la caducité pour sanctionner l’anéantissement d’un contrat appartenant à un ensemble.
    • Dans une décision du 1er juillet 1997 elle a décidé en ce sens que « l’annulation du contrat de vente avait entraîné la caducité du prêt» ( 1ère civ. 1èr juill. 1997).
    • Cette solution a été réitérée dans un arrêt du 4 avril 2006 à l’occasion duquel la première chambre civile a estimé « qu’ayant souverainement retenu que les deux conventions constituaient un ensemble contractuel indivisible, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la résiliation du contrat d’exploitation avait entraîné la caducité du contrat d’approvisionnement» ( 1ère civ. 4 avr. 2006).
    • La chambre commerciale s’est prononcée dans le même sens dans un arrêt du 5 juin 2007.
    • Dans cette décision, elle a jugé que « alors que la résiliation des contrats de location et de maintenance n’entraîne pas, lorsque ces contrats constituent un ensemble contractuel complexe et indivisible, la résolution du contrat de vente mais seulement sa caducité» ( com. 5 juin 2007).

Manifestement, il apparaît que dans les deux arrêts rendus en l’espèce la Cour de cassation a opté pour la dernière option, soit pour la caducité.

Faut-il s’en réjouir ? Indépendamment de l’opportunité de cette sanction, elle est conforme à la solution retenue par le législateur.

L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit un article 1186 dans le Code civil qui prévoit en son alinéa 1er que « un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît. »

Enfin, il peut être observé que, la Cour de cassation ne s’est pas arrêtée aux prescriptions du législateur.

Dans les deux arrêts, la chambre commerciale précise que « la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faut ».

Cela signifie donc que dans l’hypothèse où l’anéantissement du premier contrat serait fautif, son auteur pourrait voir sa responsabilité engagée par les parties des autres contrats appartenant à l’ensemble.

[1] Cass. com. 12 juill. 2017, 15-27.703.

[2] Cass. com. 12 juill. 2017, n°15-23.552.

Le principe de l’effet relatif du contrat

?Notion

Conformément au principe de l’autonomie de la volonté, seules les personnes qui ont exprimé leur consentement sont susceptibles de s’obliger.

Lorsque dès lors, l’article 1103 du Code civil prévoit que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits », on peut en déduire que la loi contractuelle n’est applicable qu’aux seules parties.

Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur a entendu poser ce principe à l’article 1199, al.1er qui désormais dispose : « le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties. »

A contrario, cela signifie que l’acte ne saurait créer aucune obligation à la charge des tiers. C’est ce qui est exprimé au second alinéa de l’article 1199 aux termes duquel « les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV ».

Le nouvel article 1199 pose ce que l’on appelle le principe de l’effet relatif du contrat. Antérieurement à la réforme des obligations, ce principe était énoncé à l’article 1165.

Cette disposition prévoyait que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu à l’article 1121 » (stipulation pour autrui).

Ainsi, en 2016, le législateur a-t-il souhaité procéder à un véritable toilettage de ce texte.

La signification du principe demeure la même : nul ne peut devenir créancier ou débiteur d’une obligation s’il n’est pas partie au contrat.

Le principe de l’effet relatif, qui était perçu comme une évidence par les rédacteurs du Code civil dans la lignée de Pothier, n’est autre que la conséquence du principe de l’autonomie de la volonté couplé à la liberté contractuelle.

Le tiers qui, par définition, n’a pas consenti à l’acte ne saurait se voir imposer des obligations ou en bénéficier.

Est-ce à dire que le contrat ne produit aucun effet à l’égard des tiers ? C’est toute la question de son opposabilité.

Nous envisagerons donc dans un premier temps la question de l’effet relatif du contrat après quoi nous nous intéresserons, dans un second temps, à son opposabilité.

I) L’effet relatif du contrat

Si, conformément au principe de l’effet relatif, le contrat ne saurait créer aucune obligation à la charge des tiers, encore faut-il que l’on s’entende sur ce qu’est un tiers.

A priori, il s’agit de toutes les personnes qui n’ont pas exprimé leur volonté de contracter. Pour identifier les tiers, cela suppose dès lors de déterminer quelles sont les parties au contrat.

Quid, néanmoins, de la personne qui, sans avoir consenti à l’acte, qui donc ne peut pas être regardé comme partie au contrat, entretient malgré tout un lien de droit, contractuel, avec l’un des cocontractants ? C’est situation se présentera notamment en présence de groupes de contrats.

A) Principe : les parties au contrat

Doivent donc être considérées comme tiers toutes les personnes qui ne sont pas partie au contrat. La question qui dès lors se pose est de savoir ce que cette catégorie recoupe. Qu’est-ce qu’une partie au contrat ?

Deux catégories de parties doivent être distinguées :

  • Les parties originaires
  • Les parties subséquentes

1. Les parties originaires

Les parties originaires sont toutes celles qui ont concouru à la formation de l’acte. Autrement dit, il s’agit des personnes qui ont conclu le contrat, soit par elles-mêmes, soit par l’entreprise d’un représentant

1.1 Les personnes qui ont conclu le contrat par elles-mêmes

Les personnes qui ont conclu le contrat par elles-mêmes sont celles qui ont échangé, physiquement ou à distance, leurs consentements.

Cette catégorie de parties n’appelle pas de remarque particulière, sinon que la naissance du contrat procède de l’expression de leurs volontés respectives.

Aussi, ce sont elles qui ont déterminé le contenu du contrat.

1.2 Les personnes qui ont conclu le contrat par l’entremise d’un représentant

Il n’est pas nécessaire d’avoir été personnellement présent lors de la conclusion du contrat. Ce qui importe, c’est que la volonté des parties à l’acte ait été valablement exprimée. Or l’expression de cette volonté peut s’opérer par l’entremise d’un représentant.

Nouveauté de l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur a édicté aux articles 1153 à 1161 du Code civil un droit commun de la représentation.

Jusqu’alors, le mécanisme de la représentation était abordé de façon éparse dans le Code civil. Si, la réforme des obligations remédie indubitablement à cette carence pointée par les auteurs, il n’est pas certain que le dispositif ainsi institué résolve toutes les difficultés que soulève la représentation.

Afin de bien comprendre en quoi consiste le mécanisme de représentation il convient, au préalable, de s’arrêter sur la distinction entre la capacité et le pouvoir.

a. Capacité et pouvoir

Il est courant que les notions de représentation, de pouvoir ou encore de capacité soient confondues, sinon mal comprises.

Aussi, convient-il de les distinguer afin d’être en mesure de bien en articuler le sens.

i. La capacité

Elle se définit comme la faculté pour une personne physique à être titulaire de droits et à les exercer

Classiquement on distingue la capacité de jouissance de la capacité d’exercice :

?La capacité de jouissance

C’est l’aptitude à être titulaire de droits subjectifs (droits réels et personnels)

S’agissant de la capacité de jouissance une nouvelle distinction s’opère entre les personnes physiques et les personnes morales.

  • Les personnes physiques
    • Elles jouissent toutes, sans exception, d’une capacité de jouissance générale
    • Dès lors que le nouveau-né est doté de la personnalité juridique, soit lorsqu’il est vivant et viable, il dispose d’une capacité de jouissance générale, ce jusqu’à sa mort.
    • Si, toutefois, les personnes physiques jouissent toutes d’une capacité de jouissance générale, elles peuvent, en certaines circonstances, être frappées d’une incapacité de jouissance spéciale
      • C’est le cas du médecin qui ne dispose pas de la capacité juridique à recevoir de la part de son patient des libéralités
      • C’est encore le cas de l’étranger qui est privé du droit de voter
      • Il en va également ainsi du mineur de moins de 16 ans à qui il est interdit de tester.
  • Les personnes morales
    • Elles jouissent seulement d’une capacité de jouissance spéciale
    • Leur capacité de jouissance est déterminée par leur objet social, lequel doit être spécial
    • Un objet social trop général est réputé inexistant
    • La sanction encourue est la nullité de la personne morale.

?La capacité d’exercice

C’est l’aptitude pour une personne physique ou morale à exercer les droits dont elle est titulaire au titre de sa capacité de jouissance

La capacité d’exercice renvoie à la distinction entre les personnes capables et les personnes incapables :

  • Les personnes capables
    • Ce sont celles qui jouissent d’une capacité d’exercice générale
    • Seules les personnes majeures ou mineurs émancipés jouissent d’une capacité d’exercice générale
  • Les personnes incapables
    • Les personnes incapables se divisent en deux catégories
      • Les personnes frappées d’une incapacité d’exercice générale
        • Deux catégories de personnes sont frappées d’une incapacité d’exercice générale
          • Les mineurs non émancipés
          • Les majeurs sous tutelle
        • L’incapacité d’exercice générale ne signifie pas qu’ils ne disposent pas de la faculté à être titulaire de droits
        • Tant le mineur, que la personne placée sous tutelles jouissent d’une capacité de jouissance générale.
        • Ils n’ont simplement pas la capacité d’exercer les droits dont ils sont titulaires.
        • Il leur faut être représentés
      • Les personnes frappées d’une incapacité d’exercice spéciale
        • Les personnes frappées d’une incapacité d’exercice spéciale sont les personnes qui font l’objet :
          • Soit d’une sauvegarde de justice
          • Soit d’une curatelle
          • Soit d’un mandat de protection future
        • En somme, ces personnes peuvent accomplir seules la plupart des actes de la vie courante.
        • Toutefois, pour les actes de disposition les plus graves, elles doivent se faire représenter.
        • L’étendue de leur capacité dépend de la mesure de protection dont elles dont l’objet.

ii. Le pouvoir

Le pouvoir se définit comme l’aptitude pour celui qui en est investi à représenter une personne

Il s’agit, autrement dit, de la faculté d’agir au nom et pour le compte d’autrui, soit d’être son représentant.

Ainsi, tandis que la capacité correspond à l’aptitude à être titulaire de droits ou à les exercer, le pouvoir est attaché à la notion de représentation.

Le représentant est celui qui a le pouvoir d’exercer les droits dont est titulaire le représenté.

Celui qui est investi d’un pouvoir de représentation ne devient pas titulaire des droits du représenté.

Le représentant est seulement habilité à les exercer, étant précisé que cela n’ôte pas au représenté, sa capacité d’exercice.

Au fond, le pouvoir de représentation est une modalité d’exercice d’un droit.

Il est conféré au représentant, soit par la loi, soit par décision de justice, soit par convention, le pouvoir d’exercer le droit dont est seul titulaire le représenté.

b. La représentation

i. Notion de représentation

La représentation n’est pas définie dans le Code civil. Est-ce un oubli du législateur ? Certainement.

Par chance, sa définition s’infère de son régime juridique.

Par représentant, il faut entendre celui qui agit au nom et pour le compte d’une personne, le représentant.

Deux enseignements peuvent être tirés de cette définition :

  • Premier élément
    • Il ne peut être recouru au mécanisme de la représentation que pour l’accomplissement d’actes juridiques
    • La représentation ne pourra jamais jouer pour la réalisation de faits juridiques
  • Second élément
    • La représentation a pour effet de lier juridiquement le représenté à l’acte effectué par le représentant comme s’il l’avait personnellement accompli.
    • La représentation est ainsi une fiction juridique, ce qui justifie qu’elle soit strictement encadrée

ii. La source de la représentation

La représentation doit être regardée comme une situation exceptionnelle.

Le principe c’est que chacun s’engage pour lui-même. On ne saurait agir au nom et pour le compte d’autrui par l’effet de sa propre volonté

C’est la raison pour laquelle, la représentation ne se présume pas, à tout le moins les hypothèses où elle se présume sont rares et strictement encadrées.

Aussi, pour qu’une personne puisse représenter quelqu’un, encore faut-il qu’elle en ait le pouvoir.

Or on ne peut se prévaloir du pouvoir de représentation qu’à la condition d’en avoir été investi soit par la loi, soit par décision de justice, soit par convention

La représentation peut, de sorte, avoir trois origines différentes :

?La représentation légale

  • Les mineurs
    • Les mineurs sont frappés de ce que l’on appelle une incapacité d’exercice générale
    • Cela signifie que, s’ils peuvent être titulaires de droits et d’obligations, ils ne disposent pas, en revanche, de la faculté de les exercer.
    • Pour accomplir des actes juridiques il est donc nécessaire que le mineur soit représenté
    • Ce représentant, désigné par la loi, agira dès lors au nom et pour le compte du mineur jusqu’à sa majorité, événement à compter duquel il jouira de sa pleine de capacité, soit tant de jouissance que d’exercice.
    • La représentation du mineur est assurée
      • Soit par ses parents
      • Soit par un tuteur
  • Les personnes morales
    • À l’instar des mineurs, les personnes morales sont frappées d’une incapacité d’exercice générale.
    • Cette incapacité est permanente dans la mesure où par, par nature, une personne morale est un être fictif de sorte qu’elle ne sera jamais en mesure d’exprimer sa volonté.
    • C’est la raison pour laquelle, les personnes morales ne peuvent accomplir des actes juridiques que par l’entremise d’un représentant
    • La représentation des personnes morales est assurée par les dirigeants sociaux, lesquels ne doivent pas être confondus avec les associés.
      • Les dirigeants sociaux sont investis du pouvoir d’agir au nom et pour le compte de la personne morale
      • Les associés sont quant à eux investis du pouvoir, non pas de représenter la personne morale, mais d’exprimer directement sa volonté au moyen de leur droit vote
    • Ainsi, tandis que les associés expriment en assemblée la volonté de la personne morale, les dirigeants sociaux représentent cette volonté qui a été exprimée par les associés.
    • Selon la forme de la société, le représentant de la société pour être notamment :
      • Un gérant
      • Un président
      • Un directeur général
      • Un directeur général délégué
      • Un mandataire

?La représentation judiciaire

Elle correspond à l’hypothèse où le pouvoir de représentation est conféré à une personne par le juge.

Cette situation peut intervenir dans plusieurs cas :

  • Représentation d’une personne incapable
    • Lorsqu’une personne est frappée d’une incapacité d’exercice générale ou spéciale, l’expression de sa volonté ne peut s’opérer que par l’entremise d’un représentant.
    • Aussi, concomitamment à l’institution d’une mesure juridique de protection, le juge désignera, selon la mesure choisie (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle), un représentant chargé d’agir au nom et pour le compte de la personne protégée.
  • La représentation de l’époux hors d’état de manifester sa volonté
    • Aux termes de l’article 219 du Code civil « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »
    • Cette disposition vise l’hypothèse où un époux qui, sans être frappé d’incapacité, est inapte à exprimer sa volonté.
    • C’est donc son conjoint qui est investi par le juge d’accomplir un certain nombre d’actes déterminés par ce dernier.
  • La représentation d’un indivisaire hors d’état de manifester sa volonté
    • L’article 815-4 du Code civil prévoit que « si l’un des indivisaires se trouve hors d’état de manifester sa volonté, un autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale ou pour certains actes particuliers, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »
    • La règle est ici la même que celle énoncée à l’article 219 appliquée aux indivisaires.
    • Elle permet ainsi aux coindivisaires de prendre les mesures nécessaires à l’administration du bien indivis.
  • La représentation d’une personne présumée absente
    • Aux termes de l’article 113 du Code civil « le juge peut désigner un ou plusieurs parents ou alliés, ou, le cas échéant, toutes autres personnes pour représenter la personne présumée absente dans l’exercice de ses droits ou dans tout acte auquel elle serait intéressée, ainsi que pour administrer tout ou partie de ses biens ; la représentation du présumé absent et l’administration de ses biens sont alors soumises aux règles applicables à la tutelle des majeurs sans conseil de famille, et en outre sous les modifications qui suivent. »

?La représentation conventionnelle

Le pouvoir de représentation dont est investi un représentant peut lui avoir été conféré au titre d’un contrat

Le pouvoir de représentation sera ainsi le produit d’un accord de volontés

Cette hypothèse correspond à la conclusion d’un contrat de mandat.

L’article 1984 du Code civil prévoit en ce sens que « le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. »

Ainsi, tous les actes conclus par le mandataire sont réputés avoir été accomplis par le mandant en la personne de qui ils produisent directement leurs effets

Il existe cependant des mandats sans représentation.

Il en va ainsi du contrat conclu avec un intermédiaire, tel un agent d’affaires

L’intermédiaire se distingue du mandant classique, en ce qu’il agira certes pour le compte d’autrui, mais en son nom propre.

Il en résulte qu’il ne disposera pas du pouvoir d’accomplir des actes au nom de son client et donc de le représenter.

La représentation suppose la réunion de deux éléments cumulatifs :

  • L’accomplissement d’actes pour le compte d’autrui
  • L’accomplissement d’actes au nom d’autrui

Lorsque l’agent d’affaires (courtier, agent immobilier) est mandaté, il agit pour le compte de son client mais pas en son nom, sauf à être investi d’un pouvoir spécial de représentation.

iii. L’étendue de la représentation

Aux termes de l’article 1153 du code civil « le représentant légal, judiciaire ou conventionnel n’est fondé à agir que dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés »

Cela signifie que, quelle que soit la source du pouvoir dont il est investi, le représentant ne pourra jamais engager le représentant au-delà de la limite de ses pouvoirs.

Pour déterminer l’étendue du pouvoir du représenter l’article 1155 du Code civil invite à distinguer deux situations :

  • Le pouvoir du représentant est défini en termes généraux
    • Dans cette hypothèse le pouvoir de représentation ne couvre que les actes conservatoires et d’administration
    • En somme, le représentant ne disposera pas du pouvoir d’accomplir des actes de disposition au nom et pour le compte du représenté
  • Le pouvoir du représentant est spécialement déterminé
    • Dans cette hypothèse, le représentant ne pourra accomplir que les actes pour lesquels il est habilité et ceux qui en sont l’accessoire.
    • Le représenté ne sera, en conséquence, engagé que pour les actes accomplis par le représentant en vertu de pouvoirs spéciaux qui lui ont été conférés

iv. Les effets de la représentation

Il ressort de l’article 1154 du Code civil que les effets attachés à la représentation varient, d’une part, selon que la représentation est parfaite ou imparfaite et, d’autre part, selon la source de la représentation

?Les effets tenant à la nature de la représentation

  • La représentation parfaite
    • La représentation parfaite correspond à l’hypothèse où le représentant agit dans la limite de ses pouvoirs au nom et pour le compte du représenté (art. 1154, al. 1er C. civ.)
    • La conséquence en est que le représenté est seul tenu à l’engagement ainsi contracté.
    • Autrement dit, il est réputé avoir accompli personnellement l’acte conclu par le représentant.
    • Celui qui est considéré comme partie au contrat c’est donc le représenté
    • En cas d’inexécution contractuelle, c’est donc la responsabilité de ce dernier qui sera recherché et non celle du représentant qui n’est pas tenu au contrat puisque considéré comme un tiers.
  • La représentation imparfaite
    • La représentation imparfaite correspond à l’hypothèse où le représentant déclare agir pour le compte d’autrui mais contracte en son propre nom (art. 1154, al. 2e C. civ.)
    • La conséquence en est qu’il devient seul engagé à l’égard du cocontractant.
    • Celui qui est réputé être partie à l’acte ce n’est donc pas le représenté, comme en matière de représentation parfaite, mais le représentant qui endosse les qualités de créanciers et débiteurs.
    • La question qui alors est de savoir dans quelle mesure l’acte accompli par le représentant produit des effets à l’égard du représenté ?
    • L’opération se déroule en deux temps :
      • Premier temps
        • Le représentant agit pour le compte du représenté mais en son nom personnel
        • Techniquement, seul le représentant est donc partie à l’acte ainsi conclu
        • Le représenté n’a, a priori, pas vocation à l’être car l’opération se joue en deux temps
      • Second temps
        • Les effets du contrat conclu ne vont être répercutés sur le représenté par l’entremise du représentant en ce que celui-ci va, dans un second temps, lui céder le produit de l’opération
        • Cette cession s’opérera le plus souvent moyennant le paiement d’une commission.
        • Dans cette hypothèse on parle alors moins de représentant que de commissionnaire, lequel agit en vertu d’un contrat de commission

?Les effets tenant à la source de la représentation

Les effets que l’article 1159 attache à la représentation varient selon que la représentation est d’origine légale ou judiciaire ou selon qu’elle est conventionnelle.

  • La représentation légale et judiciaire
    • Dans cette hypothèse, l’article 1159 prévoit que le représenté est dessaisit pendant toute la durée de la représentation des pouvoirs transférés au représentant
    • Cela signifie que pour tous les droits pour lesquels le représenté est frappé d’une incapacité, il ne peut y avoir d’exercice concurrent.
    • Seul le représentant est habilité à accomplir les actes qui relèvent de son pouvoir de représentation.
    • Lorsqu’une représentation légale ou judiciaire est instituée, il y a donc un véritable transfert de pouvoir qui s’opère à la faveur du représentant.
    • Le représenté est dépouillé de sa faculté à exercer les droits dont il demeure toutefois titulaire
  • La représentation conventionnelle
    • L’article 1159, al. 2 du Code civil prévoit que « la représentation conventionnelle laisse au représenté l’exercice de ses droits »
    • À la différence de la représentation légale ou judiciaire, la représentation conventionnelle ne fait pas obstacle à un exercice concurrent des droits dont est titulaire le représenté.
    • Ce sera notamment le cas lorsque le représentant sera investi d’un mandat non-exclusif.
    • Rien n’empêche toutefois qu’il soit convenu avec le représenté que le mandat soit exclusif.
    • Dans cette hypothèse, le mandat s’interdit d’exercer les droits qui relèvent du pouvoir du mandataire.

v. Les obstacles à la représentation

Les obstacles à la représentation sont au nombre de deux.

?Premier obstacle : la survenance d’une incapacité du représentant

Aux termes de l’article 1160 du Code civil « les pouvoirs du représentant cessent s’il est atteint d’une incapacité ou frappé d’une interdiction ».

Cette disposition n’appelle pas de remarque particulière sinon que l’on peut s’interroger sur la question de savoir s’il est nécessaire de jouir, ab initio, d’une pleine capacité juridique pour représenter une personne.

Le texte est silencieux sur ce point, de sorte qu’il appartiendra à la jurisprudence de se prononcer.

On peut toutefois relever qu’il n’y, a priori, aucune incompatibilité à ce que, dans le cadre d’une représentation parfaite, le représentant soit frappé d’une incapacité puisque, dans cette hypothèse, il sera un tiers au contrat.

Par conséquent, la validité de l’acte exige la seule capacité du représenté.

D’un autre côté, on peut opposer à cet argument qu’il est intellectuellement difficilement envisageable que celui désigné pour représenter une personne privée de sa capacité soit lui-même frappé d’une incapacité de même nature.

Pourquoi le représentant serait-il plus en capacité un acte pour autrui que pour lui-même ?

Cela n’a pas vraiment de sens, de sorte qu’il n’est pas à exclure que la jurisprudence exige, à l’avenir, que le représentant soit doté, ab initio, de sa pleine capacité juridique.

?Second obstacle : l’existence d’un conflit d’intérêts

  • Principe
    • L’article 1161 du Code civil prévoit que « un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté. »
    • Le principe posé par cette disposition fait indéniablement partie des grandes nouveautés de l’ordonnance du 10 février 2016.
    • Pour la première fois, l’interdiction du conflit d’intérêts est instituée en principe général.
    • Certains textes avaient déjà posé cette interdiction, telle que notamment le décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.
    • La commission Sauvé avait, dans cette perspective, effectué une tentative de définition du conflit d’intérêts dans le domaine public
    • Il y était défini comme le « conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités »
    • La prohibition du conflit d’intérêts procède de l’idée que lorsqu’une même personne est chargée de représenter ou défendre des intérêts objectivement contradictoires, l’indépendance et l’impartialité que requiert sa mission s’en trouve atteinte
    • Il en résulte alors un préjudice potentiel pour le représenté dont les intérêts ne seront pas aussi bien portés que si son représentant n’avait pas été en situation de conflits d’intérêts.
    • Aussi, afin d’éviter cette situation, le législateur préfère-t-il poser un principe d’interdiction générale du conflit d’intérêts.
    • C’est ce qu’il a fait à l’article 1160 du Code civil.
  • Conditions
    • La caractérisation d’un conflit d’intérêts suppose d’établir :
      • Soit que le représentant a agi pour le compte des deux parties au contrat
      • Soit que le représentant a contracté pour son propre compte avec le représenté
  • Sanction
    • En cas d’établissement d’un conflit d’intérêts, la sanction encourue est la nullité de l’acte
    • La nullité est-elle relative ou absolue ? Le texte ne le dit pas.
    • Dans la mesure toutefois où l’interdiction du conflit d’intérêts vise à protéger un contractant en particulier, on est légitimement en droit de penser qu’il s’agit d’une nullité relative.
    • Elle ne pourra donc être invoquée que pour le contractant qui subit le conflit d’intérêts.
  • Tempérament
    • L’article 1161, al.2 du Code civil assortit l’interdiction du conflit d’intérêts de deux tempéraments
      • La permission de la loi
      • La ratification de l’acte par le représenté

vi. La sanction du dépassement et du détournement de pouvoir

Quid de la sanction dans l’hypothèse où le représentant a agi en dépassement de son pouvoir, voire en le détournant ?

Les articles 1156 et 1157 du Code civil invitent à distinguer le défaut ou dépassement de pouvoir de son détournement.

?: La sanction du défaut ou dépassement de pouvoir

?Exposé des sanctions

En cas de défaut ou de dépassement de pouvoir, l’article 1156 du Code civil envisage deux sanctions :

  • L’inopposabilité de l’acte
    • Principe
      • Aux termes de l’article 1156, al. 1er « l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté »
      • Par inopposable, il faut entendre que, tout en conservant sa validité, l’acte ne produira aucun effet à l’égard du représentant
      • Cela signifie donc, concrètement, qu’il ne pourra pas être considéré comme partie à l’acte.
      • En cas d’inexécution du contrat, la responsabilité du représenté ne pourra donc pas être recherchée.
      • Seul le représentant qui a agi en dépassement de son pouvoir de représentation sera donc tenu à l’acte.
      • Il endossera donc seul la qualité de débiteur ou créancier.
    • Exception
      • L’article 1156 pose une exception au principe d’inopposabilité de l’acte en cas de défaut ou de dépassement apparent : le mandat apparent
      • L’alinéa 1 in fine de cette disposition prévoit, en effet, que si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.
      • Aussi, dans cette hypothèse l’acte accompli par le représentant, en dépassement de ses pouvoirs, demeura opposable au représenté.
      • Le tiers contractant sera alors fondé à exiger de ce dernier qu’il exécute la prestation convenue.
      • Le législateur a repris ici la solution dégagée par la Cour de cassation dans son célèbre arrêt d’assemblée plénière rendu en date du 13 décembre 1962 (Cass. ass. plén., 13 déc. 1962, n°57-11.569)
      • Dans cette décision, la haute juridiction avait affirmé que « le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs »
      • Pour établir l’existence d’un mandat apparent, l’article 1156 ne semble pas exiger, à l’instar de la Cour de cassation, que le représenté ait concouru, de manière fautive, à la croyance légitime du tiers.
      • Le mandat apparent suppose seulement qu’existent des circonstances qui aient conduit le tiers contractant à se forger une croyance légitime.

Cass. ass. plén., 13 déc. 1962

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu qu’il résulte des qualités et des motifs de l’arrêt attaqué que C… président-directeur général de la Banque Canadienne société anonyme, a, sous sa seule signature, souscrit au nom de cette banque, envers l’Administration des Domaines, un cautionnement solidaire d’une société de récupération d’épaves, pour une somme de 700000 francs en mai 1953 ; que ladite administration ayant demandé l’exécution de cette obligation, la banque a soutenu que celle-ci ne lui était pas opposable, en déclarant que ses statuts exigeaient en ce cas la signature de deux mandataires sociaux habilités ;

Attendu que, pour condamner la banque, l’arrêt attaqué énonce qu’en l’espèce, l’Administration a pu légitimement penser qu’elle traitait avec un mandataire agissant dans les limites de ses pouvoirs normaux, et retient que la banque était en conséquence tenue à raison d’un mandat apparent ;

Attendu que, selon le moyen, le mandat apparent suppose une faute imputable au prétendu mandant et se trouvant à la base de l’erreur du tiers ; qu’il prétend que non seulement l’arrêt attaqué ne caractérise pas une telle faute, mais encore que, la nature même de l’engagement impliquant un pouvoir spécial que l’Administration aurait dû exiger, c’est elle qui s’est montrée imprudente en l’occurrence ;

Mais attendu, d’une part, que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs ;

Attendu, d’autre part, que le contrôle de l’imprudence alléguée à cet égard en l’espèce à l’encontre de l’Administration des Domaines nécessiterait une recherche d’éléments de fait à laquelle la Cour de Cassation ne peut procéder ;

D’où il suit qu’en aucune de ses branches, le moyen ne saurait être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 6 mai 1957 par la Cour d’appel de Poitiers.

  • La nullité de l’acte
    • L’article 1156, al. 2e prévoit que « lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité. »
    • Cela signifie donc que le tiers contractant dispose d’un choix
      • Soit il opte pour l’inopposabilité de l’acte, car il souhaite que le contrat conclu reçoive une exécution
      • Soit il opte pour la nullité de l’acte, car préfère son anéantissement
    • Cette option est laissée à la seule discrétion du tiers contractant, lequel a seul qualité à agir en nullité
    • Le législateur a ainsi entendu mettre fin à la solution dégagée par la Cour de cassation sur cette question.
    • Dans un arrêt du 2 novembre 2005, elle avait en effet estimé que « la nullité d’un contrat en raison de l’absence de pouvoir du mandataire, qui est relative, ne peut être demandée que par la partie représentée » (Cass. 1ère civ. 2 nov. 2005, n°02-14.614).
    • L’article 1156 du Code civil prévoit l’exact contraire.

Cass. 1ère civ. 2 nov. 2005

Vu l’article 1984 du Code civil ;

Attendu que la nullité d’un contrat en raison de l’absence de pouvoir du mandataire, qui est relative, ne peut être demandée que par la partie représentée ;

Attendu que se prévalant d’un contrat collectif de prévoyance souscrit par la société La and company auprès de la Fédération nationale de la mutualité française (la FNMF), M. X…, en sa qualité de bénéficiaire des garanties prévues par le contrat, a assigné la FNMF en paiement des indemnités journalières prévues pour le cas de maladie ; que celle-ci a fait valoir que le contrat d’assurance était nul pour avoir été conclu par M. X…, qui n’avait pas le pouvoir d’engager la société La and company dont il était alors salarié ;

Attendu que l’arrêt attaqué a accueilli cette exception et déclaré “le contrat de nul effet dans les rapports entre la Fédération nationale de la mutualité française et M. X…” ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 février 2002, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

?La neutralisation des sanctions : la ratification de l’acte

En cas de ratification de l’acte par le représenté, l’article 1156, al. 3 prévoit que, tant l’inopposabilité que la nullité ne peuvent être invoquées.

Ainsi, la ratification vient-elle couvrir l’irrégularité dont l’acte est entaché.

Reste néanmoins à déterminer ce que l’on doit entendre par ratification

La ratification peut-elle s’apparenter à un commencement d’exécution de l’acte ou doit-elle être formalisée ?

Le législateur ne le dit pas.

C’est donc à la jurisprudence qu’il appartient de préciser le régime juridique de la ratification.

?: La sanction du détournement de pouvoir

Aux termes de l’article 1157 du Code civil, « lorsque le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du représenté, ce dernier peut invoquer la nullité de l’acte accompli si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer. »

Le détournement de pouvoir correspond à l’hypothèse très précise où le représentant a agi dans la limite de ses pouvoirs, mais dans son intérêt personnel alors qu’il est censé agir dans les intérêts du représenté.

L’article 1157 en tire la conséquence logique que, dans la mesure où le représentant, a détourné les pouvoirs qui lui ont été confiés, le représenté est tout naturellement fondé à réclamer la nullité de l’acte.

À la différence du dépassement de pouvoir, le représenté a, dans cette situation, qualité à agir en nullité de l’acte.

Deux conditions cumulatives doivent toutefois être réunies :

  • Première condition
    • Le représenté doit établir, en cas de détournement de pouvoir, que l’acte a été accompli à son détriment
    • Quid lorsque l’acte aura été accompli dans l’intérêt exclusif du représentant ?
    • L’acte sera-t-il présumé avoir été nécessairement accompli au détriment du représenté.
    • Plus délicate encore sera l’appréhension de l’hypothèse où l’acte aura été accompli au détriment seulement partiel du représenté.
  • Seconde condition
    • L’exercice par le représenté de l’action en nullité de l’acte accompli à son détriment est subordonné à la connaissance par le tiers, à tout le moins à son absence d’ignorance, du détournement de pouvoir.
    • Afin de ne pas s’exposer à une action en nullité, l’article 1158 du Code civil ouvre au tiers contractant une action interrogatoire.
    • Cette disposition prévoit en ce sens que :
      • En premier lieu, le tiers qui doute de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure, peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant est habilité à conclure cet acte.
      • En second lieu, l’écrit doit mentionner que, à défaut de réponse dans le délai imparti, le représentant est réputé habilité à conclure cet acte.

2. Les parties subséquentes

Il est des cas où certaines personnes qui étaient des tiers au moment de la formation du contrat vont endosser la qualité de partie à l’acte en cours d’exécution.

Au nombre de ces personnes on compte :

?Les ayants cause à titre universel

  • Principe
    • Toutes les personnes qui ont vocation à recueillir la totalité ou une quote-part d’une succession ont vocation à se substituer au défunt pour devenir partie au contrat.
    • L’ouverture d’une succession opère, en effet, transfert de tous les droits réels et personnels dont était titulaire le de cujus vers les ayants cause
    • Ces derniers acquièrent alors, tant la titularité des créances que des dettes du de cujus.
  • Exception
    • Il est certaines hypothèses où les ayants cause à titre universel ne pourraient pas devenir partie au contrat en lieu et plus du contractant défunt.
    • Il en va notamment ainsi pour tous les contrats conclus « intuitus personae », soit en considération de la personne du de cujus.
    • En cas de décès de l’un des contractants, le contrat devient alors caduc.

?Les sociétés absorbantes ou fusionnantes

Lorsqu’une société fait l’objet de ce que l’on appelle une absorption, cette opération opère une transmission universelle du patrimoine de la société absorbé vers la société absorbante.

L’opération de fusion consiste quant à elle en la création d’une nouvelle personne morale, laquelle a vocation à recueillir à titre universel le patrimoine de sociétés fusionnées.

Manifestement dans ces deux cas, qu’il s’agisse de la société absorbante ou de la personne morale née de la fusion, elles ont vocation à se substituer respectivement à la société absorbée et aux sociétés fusionnées

Par voie de conséquence, elles devraient également endosser la qualité de partie au contrat pour tous ceux conclus par la société absorbée ou les sociétés fusionnées.

La Cour de cassation a eu l’occasion de statuer plusieurs fois en ce sens (V. notamment Cass. com. 25 mai 1987, n°85-94.968 ; Cass. 1ère civ. 4 mars 1981, n°80-14.123).

Même limite que pour les ayants cause à titre universel : cette règle ne vaut qu’à la condition que le contrat qui fait l’objet d’une substitution de parties n’ait pas été conclu intuitus personae (V. en ce sens Cass. com. 3 juin 2007, n°06-18.007).

?Le cessionnaire d’un contrat

Nouveauté de l’ordonnance du 10 février 2016, la cession conventionnelle de contrat est consacrée.

L’article 1216 du Code civil prévoit, en ce sens que « un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé. »

Ainsi, le cessionnaire devient-il partie au contrat en lieu et place du cédant.

L’article 1216-2 dispose, dans cette perspective, que :

  • Le cessionnaire peut opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il ne peut lui opposer les exceptions personnelles au cédant.
  • Réciproquement, le cédé peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant.

Est-ce à dire que le cédant est totalement déchargé de toutes ses obligations ?

En application de l’article 1216-1, cela suppose que le cédé y ait expressément consenti.

À défaut, et sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l’exécution du contrat.

B) Tempérament : les groupes de contrats

En vertu de l’effet relatif, chaque contrat doit, en principe, être regardé comme autonome de sorte qu’il ne peut produire d’effet sur les autres contrats.

Quid néanmoins, de l’hypothèse où, par exemple, un même bien fait l’objet de plusieurs contrats de vente successifs ? Le vendeur initial doit-il être regardé comme un véritable tiers pour le sous-acquéreur ? Ou peut-on estimer qu’existe un lien contractuel indirect entre eux ?

C’est toute la question de l’application du principe de l’effet relatif dans les groupes de contrats.

Deux groupes de contrats doivent être distingués :

  • Les ensembles contractuels
    • Ils regroupent des contrats qui concourent à la réalisation d’une même opération
  • Les chaînes de contrats
    • Elles regroupent des contrats qui portent sur un même objet

1. Les ensembles contractuels

Les ensembles contractuels se rencontrent lorsqu’une opération économique suppose, pour sa réalisation, la conclusion de plusieurs contrats.

La question qui alors se pose est de savoir si l’anéantissement de l’un des contrats est susceptible d’affecter l’existence des autres contrats ?

Schématiquement, deux approches peuvent être envisagées :

  • L’approche stricte
    • Au nom d’une application stricte du principe de l’effet relatif, chaque contrat de l’ensemble ne devrait produire d’effets qu’à l’égard de ses contractants
    • Le sort de chacun des contrats ne devrait, en conséquence, être déterminé que par son propre contenu et non par les exceptions ou causes d’extinction susceptibles d’affecter les autres.
  • L’approche souple
    • Elle consiste à considérer que de la création d’un ensemble contractuel naît un lien d’indivisibilité entre les contrats, de sorte qu’ils seraient interdépendants
    • En raison de cette interdépendance, le sort des uns serait alors lié au sort des autres.

Après s’être arc-boutés sur une position pour le moins orthodoxe pendant des années, les tribunaux ont finalement opté pour l’approche souple. Ce mouvement ne s’est cependant pas opéré sans tâtonnements.

L’ordonnance du 10 février 2016 est venue parachever cette lente évolution jurisprudentielle.

a. L’évolution de la jurisprudence

La position de la jurisprudence sur les ensembles contractuels a radicalement changé après l’adoption de la loi n°78-22 du 10 janvier 1978 relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit.

a.1 La rigueur de la position retenue par la jurisprudence avant la loi du 10 janvier 1978

Pendant longtemps, la jurisprudence a refusé de reconnaître l’existence d’un lien d’indivisibilité entre contrats conclus en vue de la réalisation d’une même opération économique.

Pour la Cour de cassation, dès lors qu’un contrat a été conclu distinctement d’un ou plusieurs autres actes, il jouit, en application du principe de l’effet relatif, d’une autonomie propre. Son sort ne saurait, en conséquence, être lié à d’autres contrats, nonobstant leur appartenance respective à un même ensemble contractuel.

La cour de cassation a notamment fait application de cette position dans un arrêt du 21 mars 1972 (Cass. com. 21 mars 1972, n°70-12.836)

Dans cette décision elle a estimé que la nullité de deux contrats de vente conclus par une société qui souhaitait acquérir des semi-remorques était insusceptible de fonder l’anéantissement du contrat de prêt, souscrit corrélativement par l’acheteur pour financer l’opération.

Pour la chambre commerciale, quand bien même l’annulation du contrat principal faisait perdre au contrat de financement toute son utilité, cela était sans effet sur sa validité, de sorte qu’il devait, malgré tout, être maintenu.

Pour que l’interdépendance entre ces deux contrats soit admise, cela supposait donc que les parties aient expressément stipulé, dans le contrat de prêt, que l’emprunt était destiné à financer l’opération principale.

Cass. com. 21 mars 1972

Sur le premier moyen : attendu que, selon les énonciations de l’arrêt attaque, la société Venassier passa commande a x… de deux semi-remorques à construire à partir de châssis nus ;

Que ladite société sollicita deux prêts, que lui accorda la société crédit industriel et financier (CIFA) pour financer ces deux acquisitions ;

Que le CIFA remit le montant de ces prêts, non pas au vendeur, mais a l’acquéreur, société Venassier ;

Que celle-ci fut peu après déclarée en état de règlement judiciaire ;

Que x…, n’ayant jamais reçu de quiconque le prix des deux semi-remorques vendues, ne les livra pas ;

Attendu qu’il est reproche à la cour d’appel d’avoir refusé de déclarer nuls les gages pris par le CIFA sur les véhicules, et d’avoir condamne x… a remettre ceux-ci à cet établissement financier qui se les verrait attribuer, dans la limite de ses créances, après évaluation a dire d’expert, sans répondre, selon le pourvoi, aux conclusions dudit x… faisant valoir que les ventes des deux véhicules et les contrats de financement les concernant étaient atteints de nullité d’ordre public pour avoir été conclus en infraction aux dispositions de la législation sur les ventes a crédit relatives à la délivrance par le vendeur a l’acquéreur d’une attestation conforme a la réglementation en vigueur ;

Mais attendu qu’après avoir, a bon droit, énonce que le contrat de prêt en vue de financer l’acquisition d’un véhicule automobile est distinct du contrat de vente, la cour d’appel, qui a considéré qu’en l’espèce le CIFA avait ignoré la nullité des ventes alléguées par x…, a déclaré que ce dernier était d’autant moins fondé dans ses prétentions que le CIFA n’avait pu inscrire son gage que grâce aux documents régulièrement établis et transmis par lui ;

Qu’ainsi, abstraction faite du motif erroné mais surabondant tire de l’absence de sanction civile frappant l’infraction aux règles concernant le plafond des prêts dans les ventes a crédit, l’arrêt a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

Que le moyen n’est donc pas fondé ;

Jugeant la jurisprudence de la Cour de cassation dangereuse, le législateur est intervenu le 10 janvier 1978 pour y mettre un terme.

Pour ce faire, il a institué à l’ancien article L. 311-20, devenu L. 312-48 du Code de la consommation, la règle selon laquelle les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de l’exécution complète de la fourniture de biens ou services convenue au titre d’un contrat principal.

La portée de cette règle était, cependant, pour le moins restreinte. Elle n’avait été envisagée que pour les seuls crédits à la consommation.

Très vite les juridictions ont toutefois cherché à s’émanciper de cette restriction en faisait application du concept d’interdépendance contractuelle au-delà de la sphère du droit de la consommation.

a.2 L’assouplissement de la position retenue par la jurisprudence après la loi du 10 janvier 1978

Après l’adoption de la loi du 10 janvier 1978, les tribunaux se sont donc mis en quête d’une solution juridique pour lier le sort de plusieurs contrats distincts conclus en vue de la réalisation d’une même opération économique.

La première chose qui leur fallait trouver pour y parvenir était un fondement juridique sur lequel asseoir le concept d’indivisibilité contractuelle.

Dans le même temps la question des critères et des effets de l’indivisibilité s’est posé au juge, ce qui a donné lieu à de nombreuses hésitations jurisprudentielles.

i. La recherche d’un fondement au concept d’indivisibilité contractuelle

Aux fins de justifier l’existence d’une indivisibilité ou interdépendance entre plusieurs contrats ayant concouru à la réalisation d’une même opération, plusieurs fondements juridiques ont été envisagés par la Cour de cassation.

?La règle de l’accessoire

  • Exposé du fondement
    • Selon l’adage latin accessorium sequitur principal, devenu principe général du droit, l’accessoire suit le principal.
    • Cela signifie que l’on va regrouper différents actes ou faits juridiques autour d’un principal en leur appliquant à tous les régimes juridiques applicables à l’élément prépondérant.
    • Appliquée à des contrats interdépendants, cette règle permet de considérer que dans l’hypothèse où le contrat principal disparaîtrait, il s’ensuit un anéantissement des contrats conclus à titre accessoire
    • Tel est le fondement qui a été retenu par la Cour de cassation dans un arrêt du 7 avril. 1987 (Cass. com. 7 avr. 1987, n°84-16.254).
  • Critique du fondement
    • L’inconvénient de la règle de l’accessoire est qu’elle ne permet de rendre compte de la notion d’indivisibilité que pour moitié
    • L’indivisibilité suggère, en effet, que le lien d’interdépendance qui unit plusieurs contrats est à double sens, soit qu’existe une certaine réciprocité entre contrats quant aux effets qu’ils produisent les uns sur les autres
    • La règle de l’accessoire ne permet pas d’envisager cette réciprocité.
    • L’anéantissement de l’un des contrats n’est susceptible de se répercuter sur les autres qu’à la condition que le fait générateur de cet anéantissement réside dans le contrat principal.
    • Dans l’hypothèse où c’est un contrat accessoire qui serait touché en premier, cela serait sans effet sur le contrat principal.
    • Ainsi, la règle de l’accessoire est-elle à sens unique.
    • Sans doute est-ce la raison pour laquelle cette règle n’a pas été retenue par la jurisprudence comme fondement de la notion d’indivisibilité.

Cass. com. 7 avr. 1987

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué (Paris, 9 mai 1984) que l’Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) a été admis au passif du règlement judiciaire de la société Compagnie de navigation fruitière et de la Société navale de transports de conteneurs, converti ensuite en liquidation des biens, pour une somme de 4 198 680,12 francs au titre du privilège spécial sur les navires prévus par l’article 31-3° de la loi du 3 janvier 1967, en raison des cotisations qui lui restaient dues, que la société Scheepshypotheebank et la société nationale Nederlanden Scheepshypotheebank (les banques), créancières des deux sociétés en liquidation des biens, ont formé une réclamation en contestant le privilège de l’ENIM ;

Attendu que les banques font grief à l’arrêt d’avoir déclaré que les créances de cotisations sociales de l’ENIM sont privilégiées par application de l’article 31-3° de la loi du 3 janvier 1967 alors, selon le pourvoi, que, d’une part, il résulte des dispositions conjuguées des articles 31-3° et 36 de la loi du 3 janvier 1967, et les privilèges étant de droit étroit, que l’ENIM ne saurait invoquer le privilège défini par l’article 31-3° de la loi, violé par conséquent par la cour d’appel ; alors que, d’autre part, si l’ENIM pouvait invoquer ce privilège, celui-ci ne pourrait jouer pour les cotisations de la Caisse de prévoyance, la cour d’appel n’ayant pu dire le contraire sans violer l’article 31-3° de la loi du 3 janvier 1967 et l’article 41 du décret n° 68-292 du 21 mars 1968 ;

Mais attendu que c’est à bon droit que l’arrêt déclare qu’il existe entre le contrat d’engagement et les cotisations sociales un rapport étroit et nécessaire de cause à effet tel que ces cotisations, comme les autres créances résultant du contrat d’engagement, bénéficient du privilège établi par les dispositions de l’article 31-3° de la loi du 3 janvier 1967 ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

?La notion de condition

  • Exposé du fondement
    • Dans des arrêts Sedri du 4 avril 1995, la Cour de cassation a justifié l’existence d’une indivisibilité entre plusieurs contrats en considérant qu’ils constituaient les uns pour les autres « une condition de leur existence » (Cass. com. 4 avr. 1995, n°93-14.585 et 93-15.671).
    • Autrement dit, l’efficacité de chaque contrat serait subordonnée à la réalisation d’une condition suspensive laquelle consisterait en l’exécution complète des autres actes.
  • Critique du fondement
    • La principale critique que l’on peut formuler à l’encontre de ce fondement est que, là encore, la notion de condition ne permet pas de rendre compte du lien d’indivisibilité qui se noue entre contrats interdépendants.
    • Conformément à l’article 1304 du Code civil « l’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain »
    • Selon cette définition, la condition s’apparente donc à un événement extérieur au contrat.
    • Tel n’est cependant pas le cas de l’indivisibilité qui consiste toujours en un lien qui unit plusieurs actes.
    • Or, l’existence de ce lien procède de leurs contenus respectifs et non de la réalisation d’un événement qui leur serait extérieur.
    • Au surplus, tandis que l’absence de réalisation d’une condition affecte seulement la formation du contrat, l’établissement d’une indivisibilité lie le sort des contrats, tant au niveau de leur formation qu’au niveau de leur exécution.
    • Pour toutes ces raisons, les notions de condition et d’indivisibilité ne se confondent pas.

?La notion d’obligation indivisible

  • Exposé du fondement
    • Dans certaines décisions, la Cour de cassation a cherché à justifier l’existence d’une indivisibilité contractuelle en se fondant sur la notion d’obligation indivisible.
    • La Cour de cassation s’est notamment prononcée en ce sens dans un arrêt du 13 mars 2008 où elle vise expressément l’ancien article 1218 du Code civil, siège de l’obligation indivisible (Cass. 1ère civ. 13 mars 2008, n°06-19.339).
  • Critique du fondement
    • L’inconvénient du choix de ce fondement est qu’il repose sur une confusion entre les notions d’obligation indivisible et d’indivisibilité contractuelle
      • L’obligation indivisible est celle qui comporte plusieurs débiteurs ou créanciers.
      • L’indivisibilité contractuelle consiste, quant à elle, en l’existence de liens qui créent une interdépendance entre plusieurs contrats
    • La notion d’obligation indivisible apparait de la sorte inadéquate pour rendre compte du phénomène de l’indivisibilité contractuelle.

?La notion de cause

  • Exposé du fondement
    • Dans plusieurs arrêts la Cour de cassation a fondé l’existence d’une invisibilité sur la notion de cause.
    • Pour ce faire, elle a estimé que la cause d’un contrat appartenant à un ensemble contractuel résidait dans la conclusion des autres contrats auquel il était lié.
    • L’anéantissement de d’un acte de l’ensemble emporterait dès lors disparition de la cause des autres et réciproquement.
    • Telle a notamment été la solution retenue par la troisième chambre civile qui, dans un arrêt du 3 mars 1993, a approuvé une Cour d’appel pour avoir décidé que « la vente du terrain sur lequel était bâtie l’usine, pour le prix d’un franc, était une condition de réalisation de l’opération, cette vente ne pouvant être dissociée de celle des bâtiments et de la reprise des dettes de la société X… par la société Cerinco, l’ensemble concernant la vente de l’entreprise de briqueterie formant un tout indivisible, et que cette vente permettant l’apurement des dettes et la poursuite de l’activité, M. X… avait grand intérêt à sa réalisation, tant à titre personnel pour éviter les poursuites de ses créanciers, qu’à titre d’actionnaire de la société X… dont il détenait avec son épouse près de la moitié des parts sociales, la cour d’appel a pu en déduire que dans le cadre de l’économie générale du contrat, la vente du terrain était causée et avait une contrepartie réelle » (Cass. 3e cvi. 3 mars 1993, n°91-15.613)
    • Cette solution a été réitérée dans un arrêt du 1er juillet 1997 où la Cour de cassation valide l’anéantissement en cascade de deux contrats, après avoir relevé que « les deux actes de vente et de prêt, qui avaient été passés le même jour par-devant le même notaire, étaient intimement liés, et en a déduit que les parties avaient entendu subordonner l’existence du prêt à la réalisation de la vente en vue de laquelle il avait été conclu, de sorte que les deux contrats répondaient à une cause unique » (Cass. 1ère civ. 1er juill. 1997, n°95-15.642)
    • Plus récemment, la Cour de cassation a, dans une décision du 15 février 2000, jugé s’agissant d’une opération de crédit-bail que « le crédit-bailleur était informé que le matériel pris à bail était destiné à être exploité par la société de publicité, qu’en tant que de besoin le crédit-bailleur autorisait cette exploitation, qu’il s’agissait d’un matériel très spécifique et que la seule cause du contrat de crédit-bail était constituée par le contrat de prestations d’images, ce dont il déduit que les deux contrats étaient interdépendants et, par suite, que l’exploitation devenant impossible du fait de la défaillance de la société de publicité, la résiliation du contrat de crédit-bail devait être prononcée » (Cass. com. 25 févr. 2000, n°97-19.793).
  • Critique du fondement
    • Le recours à la notion de cause pour justifier l’existence d’une indivisibilité entre plusieurs contrats n’a pas fait l’unanimité en doctrine.
    • Le principal reproche formulé à l’encontre de cette solution consiste à dire que la cause, au sens de l’ancien article 1131 du Code civil, doit être entendue objectivement.
    • Selon cette approche, la cause représente les motifs les plus proches qui ont animé les parties au moment de la formation du contrat, soit plus exactement la contrepartie pour laquelle elles se sont engagées
    • Aussi, cette conception est-elle incompatible avec la notion de d’indivisibilité.
    • La justification de l’existence d’une indivisibilité contractuelle au moyen de la notion de cause supposerait en effet que l’on admette qu’elle puisse être recherchée dans des motifs extrinsèques à l’acte : la conclusion d’un second contrat.
    • Selon l’approche objective, la cause de l’engagement des parties réside toutefois dans un élément qui doit nécessairement avoir été intégré dans le champ contractuel.
    • D’où la réticence de certains auteurs à fonder l’anéantissement en cascade de contrats qui appartiennent à un même ensemble sur la notion de cause.

ii. La recherche des critères du concept d’indivisibilité contractuelle

?Exposé des approches objectives et subjectives

Deux approches de la notion d’indivisibilité ont été envisagées par la jurisprudence : l’une objective, l’autre subjective :

  • L’approche subjective
    • Selon cette approche, l’indivisibilité contractuelle trouverait sa source dans la seule volonté des parties.
    • Cela signifie que pour établir l’existence d’une invisibilité entre plusieurs contrats, cela suppose de déterminer si les contractants ont voulu cette indivisibilité.
    • Si tel n’est pas le cas, quand bien même les contrats en cause auraient concouru à la réalisation d’une même opération économique, ils ne pourront pas être regardés comme formant un ensemble contractuel indivisible.
  • L’approche objective
    • Selon cette approche, l’existence d’une indivisibilité entre plusieurs contrats doit être appréciée, non pas au regard de la volonté des parties, mais en considération de la convergence de l’objet de chaque contrat
    • Autrement dit, peu importe que les contractants n’aient pas voulu rendre les contrats auxquels ils sont partie interdépendants.
    • L’indivisibilité desdits contrats est établie dès lors qu’ils participent à la réalisation d’une même opération économique.

?L’absence de position arrêtée de la jurisprudence

L’incertitude quant à l’adoption de l’approche subjective ou objective de l’indivisibilité résulte des arrêts Sedri rendu, le même jour, soit le 4 avril 1995 par la chambre commerciale.

Les arrêts Sédri
  • Premier arrêt Sedri
    • Dans ce premier arrêt, la Cour de cassation approuve une Cour d’appel pour avoir « fondé sa décision relative à l’indivisibilité des conventions sur la considération de chacune d’entre elles par les parties comme une condition de l’existence des autres et non pas sur la nature spécifique de l’objet loué par rapport aux utilisations envisagées » (Cass. com., 4 avr. 1995, n° 93-14.585 et n° 93-15.671).
    • Ainsi, la haute juridiction retient-elle une approche subjective de la notion d’indivisibilité.
    • Elle s’attache à rechercher l’intention des parties, lesquelles avait, en l’espèce, voulu rendre les contrats indivisibles.
  • Second arrêt Sedri
    • Dans cette décision, bien que rendue le même jour que le précédent arrêt, la Cour de cassation adopte une approche radicalement différente de la notion d’indivisibilité.
    • Elle approuve une Cour d’appel pour avoir déduit l’existence d’une indivisibilité entre plusieurs contrats après avoir seulement relevé que « les matériels et logiciels ne pouvaient avoir, sans modifications substantielles, d’autre usage que la communication par le réseau Sedri, que cette spécificité était connue de la société bailleresse et que celle-ci avait participé à l’élaboration de l’ensemble complexe ayant pour objet la mise en place et le financement du système de communication » (Cass. com., 4 avr. 1995, n° 93-20.029).
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, c’est parce que les contrats concourraient à la réalisation d’une même opération économique qu’ils devaient être regardés comme indivisibles.
    • La haute juridiction ne semble pas vouloir faire, en l’espèce, de la volonté des parties le critère de l’indivisibilité.
    • Seule importe l’économie générale de l’ensemble contractuel soumis à son examen.

Cass. com., 4 avr. 1995, n° 93-20.029

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 30 juin 1993), que M. X… a conclu avec la société V Conseil application (société V Conseil) un contrat lui donnant accès, par l’intermédiaire d’un matériel et d’un logiciel spécifiques, au réseau télématique de la Société d’études, de développements et de recherches industrielles (société Sedri) en vue de la diffusion d’images d’information et de publicité dans son magasin ; que, pour le financement du matériel et du logiciel, sur proposition du représentant de la société V Conseil, M. X… a souscrit un projet de contrat de location auprès de la Compagnie générale de location (société CGL), laquelle a ensuite donné son acceptation, avec la garantie d’une assurance à la charge de la société Sedri pour le cas de dommages au matériel ou d’interruption dans le paiement des loyers par le locataire ; que la prise en charge des loyers par la société Sedri a été proposée à M. X… en contrepartie de la cession de droits sur certaines images publicitaires le concernant ; qu’en août et septembre 1990, la société Sedri, la société V Conseil et la compagnie d’assurances garantissant la société CGL ont été mises en liquidations judiciaires, à la suite desquelles la diffusion des images sur le réseau a été interrompue et la résiliation des contrats de prestations de services a été notifiée aux commerçants abonnés par le mandataire de justice représentant les sociétés ; que la société CGL a réclamé à M. X… la poursuite du règlement des loyers ;

Sur le premier et le second moyens, réunis, chacun étant pris en ses deux branches :

Attendu que la société CGL fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que la cessation des services promis par la société Sedri entraînait résiliation du contrat de location du matériel et du logiciel, alors, selon le pourvoi, d’une part, que, devant la cour d’appel, le commerçant invoquait une indivisibilité objective liant le contrat de location du matériel télématique conclu entre la CGL et le commerçant, et le contrat d’adhésion souscrit par le commerçant auprès du centre serveur Sedri ; que la CGL, à l’inverse, faisait valoir l’absence de lien entre ces contrats ; qu’après avoir relevé qu’il n’existait pas d’indivisibilité subjective entre ces contrats, la cour d’appel a jugé qu’il existait en revanche, entre ceux-ci, des liens tels que la résiliation de l’un entraînait la résiliation de l’autre ; qu’en statuant ainsi, sans caractériser en quoi ces deux contrats auraient été liés par l’identité de leur objet ou par un rapport de dépendance juridique nécessaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 1er, et 1184 du Code civil ; alors, d’autre part, qu’elle a, ainsi, également privé sa décision de base légale au regard de l’article 1165 du Code civil ; alors, en outre, que l’obligation d’assurer la maintenance incombait non pas au loueur mais au locataire ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, qu’en toute hypothèse, l’obligation de maintenance porte sur l’entretien du matériel loué et non sur la fourniture des images délivrées par le centre serveur ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l’arrêt relève que les matériels et logiciels ne pouvaient avoir, sans modifications substantielles, d’autre usage que la communication par le réseau Sedri, que cette spécificité était connue de la société bailleresse et que celle-ci avait participé à l’élaboration de l’ensemble complexe ayant pour objet la mise en place et le financement du système de communication ; qu’en déduisant de ces constatations l’indivisibilité entre les contrats souscrits par M. X… tant avec la société V Conseil et la société Sedri qu’avec la société CGL, la cour d’appel a légalement justifié sa décision, indépendamment des motifs critiqués par le second moyen qui sont surabondants ; que les moyens ne peuvent donc être accueillis en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Après les arrêts Sedri, l’incertitude quant à au critère de l’indivisibilité était de mise : quelle conception devait-on retenir ?

?L’adoption de l’approche objective

Dans une décision du 13 février 2007, la Cour de cassation a, par exemple, approuvé une Cour d’appel pour avoir décidé que « les quatre contrats litigieux étaient interdépendants, dans la mesure où ils poursuivaient tous le même but et n’avaient aucun sens indépendamment les uns des autres, les prestations de maintenance et de formation ne se concevant pas sans les licences sur lesquelles elles portaient et l’acquisition de ces licences par la société Faurecia n’ayant aucune raison d’être si le contrat de mise en œuvre n’était pas exécuté, la cour d’appel n’avait pas à relever que la société Oracle en était informée, dès lors que cette société avait elle-même conclu les quatre contrats concernés » (Cass. com. 13 févr. 2007, n°05-17.407).

Dans un arrêt du 15 février 2015, la Cour de cassation a semblé abonder dans le même sens en décidant qu’une clause de divisibilité des contrats devait être réputée non-écrite, dès lors qu’elle contrevenait à l’économie générale du contrat (Cass. com., 15 févr. 2000, n°97-19.793).

Dans cette décision, la chambre commerciale fait ainsi primer, l’existence d’une interdépendance objective des actes en cause sur la volonté des parties.

On en a alors déduit que les contractants ne pouvaient pas écarter l’indivisibilité contractuelle par le jeu de leur seule volonté.

Cette solution a été réitérée par la chambre commerciale à plusieurs reprises.

Dans un arrêt du 23 octobre 2007 elle reproche encore à une Cour d’appel de n’avoir pas recherché « s’il existait une indivisibilité entre les contrats de location et les contrats de prestation de services, au regard de l’économie générale de l’opération pour laquelle ces deux contrats avaient été conclus et si, en conséquence, le texte de la clause n’était pas en contradiction avec la finalité de cette opération, telle que résultant de la commune intention des parties » (Cass. com., 23 oct. 2007, n°06-19.976).

Cass. com., 13 févr. 2007

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Faurecia sièges d’automobiles (la société Faurecia), alors dénommée Bertrand Faure équipements, a souhaité en 1997 déployer sur ses sites un logiciel intégré couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale ; que conseillée par la société Deloitte, elle a choisi le logiciel V 12, proposé par la société Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999 ; qu’un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés Faurecia et Oracle, tandis qu’un contrat de mise en oeuvre du “programme Oracle applications” a été signé courant juillet 1998 entre les sociétés Faurecia, Oracle et Deloitte ; qu’en attendant, les sites ibériques de la société Faurecia ayant besoin d’un changement de logiciel pour passer l’an 2000, une solution provisoire a été installée ; qu’aux motifs que la solution provisoire connaissait de graves difficultés et que la version V 12 ne lui était pas livrée, la société Faurecia a cessé de régler les redevances ; qu’assignée en paiement par la société Franfinance, à laquelle la société Oracle avait cédé ces redevances, la société Faurecia a appelé en garantie la société Oracle puis a assigné cette dernière et la société Deloitte aux fins de nullité pour dol ou résolution pour inexécution de l’ensemble des contrats signés par les parties ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Oracle :

Attendu que la société Oracle fait grief à l’arrêt d’avoir prononcé la résolution partielle du contrat de licences et la résiliation du contrat de formation en date du 29 mai 1998 aux torts de la société Oracle, constaté la résiliation des contrats de maintenance et de mise en oeuvre, et condamné en conséquence la société Oracle, d’une part, à garantir la société Faurecia de la condamnation de cette dernière à payer à la société Franfinance la somme de 203 312 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter du 1er mars 2001 et capitalisation des intérêts échus à compter du 1er mars 2002, d’autre part, à payer à la société Franfinance la somme de 3 381 566,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2001 et capitalisation des intérêts échus à compter du 11 janvier 2005, alors, selon le moyen : […]

Mais attendu qu’ayant retenu que les quatre contrats litigieux étaient interdépendants, dans la mesure où ils poursuivaient tous le même but et n’avaient aucun sens indépendamment les uns des autres, les prestations de maintenance et de formation ne se concevant pas sans les licences sur lesquelles elles portaient et l’acquisition de ces licences par la société Faurecia n’ayant aucune raison d’être si le contrat de mise en oeuvre n’était pas exécuté, la cour d’appel n’avait pas à relever que la société Oracle en était informée, dès lors que cette société avait elle-même conclu les quatre contrats concernés ; qu’ainsi l’arrêt n’encourt aucun des griefs formulés au moyen ; que ce dernier n’est pas fondé ;

?L’adoption de l’approche subjective

À l’inverse des décisions précédemment évoquées, dans un arrêt remarqué du 28 octobre 2010, la première chambre civile a approuvé une Cour d’appel pour avoir refusé de retenir l’existence d’une indivisibilité contractuelle après avoir relevé que « la commune intention des parties avait été de rendre divisibles les deux conventions, de sorte que la disparition de l’une ne pouvait priver de cause les obligations nées de l’autre » (Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2010, n°09-68.014).

Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2010

Sur le moyen unique :

Attendu que par contrat du 27 décembre 2001, Mme X… a commandé à la société Génération Online un produit appelé « Net in Pack », comprenant, pendant une durée de 36 mois, la création d’un site internet marchand, du matériel informatique, des services internet et des services d’assistance téléphonique et de maintenance de ce matériel dont le financement a été assuré par la souscription auprès de la société Factobail, le 7 janvier 2002, d’un contrat de location financière d’une durée de 36 mois stipulant un loyer mensuel de 196, 64 euros ; qu’à la suite de la liquidation judiciaire de la société Génération Online, prononcée par jugement du 18 juin 2002, cette société a cessé d’exécuter ses obligations ; que Mme X… a alors interrompu le paiement des mensualités du contrat de location financière ; que la société Factobail l’a assignée en paiement des sommes dues jusqu’au terme de ce contrat et que Mme X… a reconventionnellement sollicité l’annulation du contrat pour absence de cause, à défaut la constatation de sa caducité du fait de la liquidation judiciaire de la société Génération Online et de l’indivisibilité de ces deux contrats ;

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 21 novembre 2008), d’avoir accueilli la demande de la société Factobail et rejeté la sienne, alors, selon le moyen : […]

Mais attendu que la cour d’appel a constaté que le contrat de location litigieux stipulait que les produits ayant été choisis par le locataire sous sa seule responsabilité et sans la participation du loueur, ce dernier mandatait le locataire pour exercer tout recours à l’encontre du fournisseur, que le loueur serait déchargé de toute responsabilité et de toute obligation à cet égard et que l’immobilisation temporaire des produits pour quelque cause que ce soit n’entraînerait aucune diminution de loyers ni indemnité ; qu’elle en a souverainement déduit que la commune intention des parties avait été de rendre divisibles les deux conventions, de sorte que la disparition de l’une ne pouvait priver de cause les obligations nées de l’autre ; qu’aucun des griefs n’est donc fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Comment interpréter cette fluctuation de la position de la Cour de cassation ?

Tandis que la doctrine est pendant longtemps est demeurée partagée pendant longtemps sur cette question, ce n’est que tardivement que la Cour de cassation a finalement décidé de trancher la question.

?L’interprétation doctrinale des tergiversations de la Cour de cassation

  • Pour certains auteurs, la position de la Cour de cassation serait assise sur la distinction entre :
    • D’une part,
      • Les contrats qui n’auraient pas de fonction économique propre lorsqu’ils sont envisagés séparément.
      • Dans cette hypothèse, c’est la conception objective qui primerait.
    • D’autre part,
      • Les contrats qui rempliraient une fonction économique propre, en ce sens que, quand bien même ils seraient conclus seuls, leur exécution serait pourvue d’une utilité économique.
  • Pour d’autres d’auteurs, l’absence de position bien arrêtée de la Cour de cassation sur la question du critère de la notion d’indivisibilité résulterait d’une divergence entre :
    • La première chambre civile : favorable à l’approche subjective
    • La chambre commerciale : partisane de l’approche objective

C’est dans ce contexte que, réunie en chambre mixte, la Cour de cassation a rendu simultanément deux arrêts en date du 17 mai 2013.

?La clarification de la position de la Cour de cassation

Deux interventions ont été nécessaires à la Cour de cassation pour clarifier sa position sur l’approche à adopter s’agissant de la notion d’indivisibilité.

  • Première intervention : les arrêts du 17 mai 2013
    • Dans deux décisions rendues le 17 mai 2013, la chambre mixte de la Cour de cassation a estimé que « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants » de sorte que « sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance » (Cass. ch. Mixte, 17 mai 2013, n°11-22.768)
    • Ces deux arrêts ont été accompagnés par un communiqué de presse par lequel la Cour de cassation explique :
      • Tout d’abord, que les deux espèces soumises portent chacune sur un ensemble de contrats comprenant un contrat de référence assorti d’un contrat de location financière nécessaire à son exécution :
        • dans un cas, le contrat de référence était une convention de partenariat pour des diffusions publicitaires
        • dans l’autre cas, le contrat de référence était un contrat de télésauvegarde informatique
      • Ensuite, que dans chaque espèce, un cocontractant unique, pivot de l’opération, s’est engagé avec deux opérateurs distincts : le prestataire de service, d’une part, le bailleur financier, d’autre part de sorte que, à chaque fois, le contrat principal a été anéanti.
        • Dans la première affaire, la cour d’appel de Paris, retenant l’interdépendance des contrats, a écarté la clause de divisibilité stipulée par les parties et a prononcé la résiliation du contrat de location.
        • Dans la seconde affaire, la cour d’appel de Lyon, statuant comme cour de renvoi après une première cassation, a écarté, au contraire, l’interdépendance des conventions.
      • La Cour de cassation vient ici préciser les éléments caractérisant l’interdépendance contractuelle, en qualifiant d’interdépendants, qualification soumise à son contrôle, les contrats concomitants ou successifs s’inscrivant dans une opération incluant une location financière.
      • Aussi, s’inspirant de la jurisprudence de la chambre commerciale, elle juge que sont réputées non écrites les clauses de divisibilité contractuelle inconciliables avec cette interdépendance.
      • La chambre mixte rejette en conséquence le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Paris et casse l’arrêt de la cour d’appel de Lyon.
    • Il peut être observé que, si ces deux arrêts retiennent indubitablement une approche objective de la notion d’indivisibilité, leur portée doit être tempérée par la précision « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière »
    • Ainsi, la Cour de cassation invite-t-elle à cantonner cette solution aux seuls ensembles contractuels au sein desquels figure un contrat de location financière.
    • Dans les autres cas, la volonté des parties semble prévaloir sur l’économie générale du contrat.

Cass. ch. Mixte, 17 mai 2013

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 6 avril 2011), que deux conventions de partenariat ont été signées, les 25 novembre 2004 et 8 avril 2005, entre la société Bar le Paris et la société Media vitrine, aux termes desquelles la seconde s’est engagée, d’une part, à installer chez la première un “réseau global de communication interactive”, par la mise en place d’un ensemble informatique et vidéo “avec un contenu interactif pour les clients et un contenu en diffusion médiatique”, contenant notamment des spots publicitaires dont la commercialisation devait assurer l’équilibre financier de l’ensemble, d’autre part, à lui verser une redevance de 900 euros hors taxes par mois, pendant une durée de quarante huit mois, la société Bar le Paris s’obligeant à garantir à la société Media vitrine l’exclusivité de l’exploitation du partenariat publicitaire, que, les 29 décembre 2004 et 4 janvier 2005, la société Leaseo, qui avait acquis de la société Cybervitrine le matériel nécessaire, a consenti à la société Bar le Paris la location de ce matériel, avec effet au 1er janvier 2005, pour une durée identique et moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 1 000 euros hors taxes, que, le 5 janvier 2005, la société Leaseo a cédé le matériel à la société Siemens lease services, qui a apposé sa signature sur le contrat de location en qualité de bailleur substitué, que le système n’a jamais fonctionné de manière satisfaisante, que la société Siemens lease services a mis en demeure la société Bar le Paris de lui régler les loyers impayés, puis lui a notifié la résiliation du contrat faute de règlement des arriérés s’élevant à 10 166,60 euros et l’a assignée en paiement, que la société Bar le Paris a appelé en intervention forcée la société Cybervitrine et la société Techni force, anciennement dénommée la société Media vitrine, que la société Techni force et la société Cybervitrine ont été mises en liquidation judiciaire ;

Attendu que la société Siemens lease services fait grief à l’arrêt de prononcer, avec effet au 17 janvier 2007, la résiliation du contrat de partenariat, aux torts exclusifs de la société Media vitrine, ainsi que la résiliation du contrat de location, de condamner la société Bar le Paris à lui payer la somme de 3 588 euros, outre intérêts, et de rejeter le surplus de ses demandes, alors, selon le moyen, qu’hormis le cas où la loi le prévoit, il n’existe d’indivisibilité entre deux contrats juridiquement distincts que si les parties contractantes l’ont stipulée ; qu’en énonçant, à partir des éléments qu’elle énumère, que le contrat de location des 29 décembre 2004 et 4 janvier 2005 est indivisible du contrat de partenariat des 25 novembre 2004 et 8 avril 2005, quand elle constate qu’une clause du contrat de location stipule qu’il est « indépendant » du contrat de prestation de services (partenariat), la cour d’appel, qui refuse expressément d’appliquer cette clause et qui, par conséquent, ampute la convention qui la stipule de partie de son contenu, a violé les articles 1134, 1217 et 1218 du code civil, ensemble le principe de la force obligatoire des conventions ;

Mais attendu que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Seconde intervention : les arrêts du 10 septembre 2015
    • Dans deux arrêts du 10 septembre 2015, la Cour de cassation a précisé sa position en s’appuyant, tant sur l’économie générale de l’opération que sur la volonté des parties
      • Dans le premier arrêt, elle a ainsi estimé que dans la mesure où « l’offre de crédit était affectée au contrat principal et avait été renseignée par le vendeur, et que le prêteur avait remis les fonds empruntés entre les mains de ce dernier, la cour d’appel a caractérisé l’existence d’une indivisibilité conventionnelle entre les contrats de vente et de prêt au sens de l’article 1218 du code civil » (Cass. 1ère civ.10 sept. 2015, n° 14-13.658)
      • Dans le second arrêt, la première chambre civile approuve la Cour d’appel pour avoir retenu l’existence d’une indivisibilité contractuelle après avoir constaté « d’une part, que le contrat de crédit était l’accessoire du contrat de vente auquel il était subordonné, d’autre part, que l’emprunteur avait attesté de l’exécution du contrat principal afin d’obtenir la libération des fonds par le prêteur, lequel avait mis ceux-ci à la disposition du vendeur » (Cass. 1ère civ., 10 sept. 2015, n° 14-17.772).
    • Ainsi, la Cour de cassation combine-t-elle dans ces deux décisions les approches objectives et subjectives de l’indivisibilité de qui témoigne de sa volonté d’adopter une approche mixte de la notion.
    • Non sans hasard, la lecture de l’ordonnance du 10 février 2016 nous révèle que c’est précisément cette approche de la notion d’indivisibilité qui a été retenue par le législateur.

 Cass. 1ère civ.10 sept. 2015, n° 14-13.658

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 novembre 2013), que, suivant bon de commande du 23 octobre 2008, les époux X… qui avaient fait l’acquisition, moyennant le prix de 22 600 euros, d’un toit photovoltaïque auprès de la société BSP Groupe VPF, actuellement en liquidation judiciaire, en recourant à un emprunt du même montant consenti par la société Groupe Sofemo (le prêteur), ont assigné le vendeur et le prêteur en résolution des contrats de vente et de crédit, alléguant que le matériel commandé n’avait été ni intégralement livré ni installé ;

Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que le prêteur fait grief à l’arrêt de prononcer la résolution du contrat de crédit après avoir prononcé celle du contrat de vente, de rejeter sa demande reconventionnelle en remboursement du prêt ainsi que de le condamner à restituer aux époux X… les mensualités par eux acquittées et à procéder à leur radiation du fichier national des incidents de paiement, en se déterminant par des motifs impropres à établir l’accord du prêteur pour déroger à la clause du contrat de crédit excluant les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation si l’opération de crédit dépassait 21 500 euros ;

Mais attendu qu’ayant constaté que l’offre de crédit était affectée au contrat principal et avait été renseignée par le vendeur, et que le prêteur avait remis les fonds empruntés entre les mains de ce dernier, la cour d’appel a caractérisé l’existence d’une indivisibilité conventionnelle entre les contrats de vente et de prêt au sens de l’article 1218 du code civil ; que, par ce motif de pur droit, substitué au motif justement critiqué par le premier moyen, l’arrêt se trouve légalement justifié ; […]

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cass. 1ère civ., 10 sept. 2015, n° 14-17.772

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 février 2014), que, suivant offre préalable acceptée le 13 juin 2007, la société Financo (la banque) a consenti à M. et Mme X…un prêt d’un montant de 32 000 euros destiné à financer l’acquisition et l’installation d’une éolienne vendue par la société France éoliennes ; que ceux-ci ont assigné la banque et Mme Y…, ès qualités, aux fins de voir prononcer la résolution du contrat de vente et la caducité du contrat de prêt ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :

Attendu que la banque fait grief à l’arrêt de constater la résolution du contrat de prêt après avoir prononcé celle du contrat de vente, alors, selon le moyen :

1°/ que sont exclus du champ d’application du chapitre relatif aux crédits à la consommation les prêts d’un montant supérieur à 21 500 euros ; que la cour d’appel a constaté que l’offre préalable de crédit n’était pas soumise aux dispositions du code de la consommation compte tenu du montant du crédit accordé ; d’où il suit qu’en décidant que la résolution du contrat principal entraînait la résolution du contrat de crédit, quand la banque rappelait cependant dans ses conclusions qu’il ne saurait y avoir lieu à résolution du contrat faute de disposition analogue en droit commun à celle du droit consumériste, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 311-3, L. 311-20 et D. 311-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ que la cause de l’obligation de l’emprunteur résidant dans la mise à disposition du montant du prêt, viole l’article 1131 du code civil la cour d’appel qui constate la résolution du contrat de prêt, non soumis aux articles L. 311-3, L. 311-20 et D. 311-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige, en conséquence de la résolution du contrat principal de vente, quand bien même le prêt litigieux eût été affecté à l’achat d’un bien déterminé, dès lors qu’il n’était pas prétendu que le vendeur et le prêteur avaient agi de concert ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui n’a pas appliqué les dispositions du code de la consommation, a fait ressortir l’indivisibilité des contrats litigieux en énonçant, d’une part, que le contrat de crédit était l’accessoire du contrat de vente auquel il était subordonné, d’autre part, que l’emprunteur avait attesté de l’exécution du contrat principal afin d’obtenir la libération des fonds par le prêteur, lequel avait mis ceux-ci à la disposition du vendeur ; qu’elle en a justement déduit que la résolution du contrat principal emportait l’anéantissement du contrat accessoire ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

iii. La détermination des effets de l’indivisibilité contractuelle

En plus de s’être interrogé sur les fondements et les critères de la notion d’indivisibilité, la jurisprudence a éprouvé un certain nombre de difficultés à en déterminer les effets ?

Plusieurs sanctions ont été envisagées en cas de reconnaissance d’une indivisibilité contractuelle :

  • La nullité
    • Telle a été la solution retenue dans un arrêt du 18 juin 1991, la chambre commerciale ayant validé la décision d’une Cour d’appel pour avoir « souverainement, estimé que les commandes émanant de cette société, bien que passées distinctement en deux lots, n’en étaient pas moins, au su de la société BP Conseils, déterminée par des considérations globales de coûts et, comme telles, indivisibles ; que, par ces seuls motifs, elle a pu décider que l’importante majoration de prix, que la société BP Conseils a tenté d’imposer à posteriori sur le dernier lot, remettait en cause les considérations communes sur le prix total et justifiait une annulation des deux commandes » (Cass. com. 18 juin 1991, n°89-18.691).
  • La résolution
    • Dans les arrêts du 10 septembre 2015, la Cour de cassation considère que la résolution de la vente emportait la résolution du contrat de prêt (Cass. 1ère civ., 10 sept. 2015, n° 14-17.772)
    • À l’instar de la nullité la résolution d’un acte est assortie d’un effet rétroactif, de sorte que l’anéantissement en cascade des contrats appartenant à l’ensemble donnera lieu à des restitutions.
  • La résiliation
    • Dans d’autres décisions, la Cour de cassation a retenu comme sanction de l’anéantissement du contrat principal la résiliation des actes auxquels il était lié.
    • Elle a notamment statué en ce sens dans les arrêts Sedri du 4 avril 1995.
    • Dans l’un d’eux, elle a considéré par exemple que la cessation des services promis par la société Sedri entraînait résiliation du contrat de location du matériel et du logiciel souscrit concomitamment par son cocontractant (Cass. com. 4 avr. 1995, n°93-14.585 et 93-15.671).
  • La caducité
    • Dans plusieurs arrêts la Cour de cassation a retenu la caducité pour sanctionner l’anéantissement d’un contrat appartenant à un ensemble.
    • Dans une décision du 1er juillet 1997 elle a décidé en ce sens que « l’annulation du contrat de vente avait entraîné la caducité du prêt » (Cass. 1ère civ. 1èr juill. 1997, n°95-15.642).
    • Cette solution a été réitérée dans un arrêt du 4 avril 2006 à l’occasion duquel la première chambre civile a estimé « qu’ayant souverainement retenu que les deux conventions constituaient un ensemble contractuel indivisible, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la résiliation du contrat d’exploitation avait entraîné la caducité du contrat d’approvisionnement » (Cass. 1ère civ. 4 avr. 2006, n°02-18.277l).
    • La chambre commerciale a abondé dans le même sens dans un arrêt du 5 juin 2007.
    • Dans cette décision, elle a jugé que « alors que la résiliation des contrats de location et de maintenance n’entraîne pas, lorsque ces contrats constituent un ensemble contractuel complexe et indivisible, la résolution du contrat de vente mais seulement sa caducité » (Cass. com. 5 juin 2007, n°04-20.380).

La lecture de toutes ces décisions révèle que la Cour de cassation n’a jamais vraiment eu de position bien définie sur les effets de l’indivisibilité contractuelle.

Aussi, l’intervention du législateur se faisait-elle attendre. Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016 il n’a pas manqué de se prononcer sur les effets de l’indivisibilité et plus généralement d’offrir aux ensembles contractuels le cadre juridique dont, jusqu’alors, ils étaient dépourvus.

b. L’intervention du législateur

La réforme des obligations engagée en 2016 a fourni l’occasion au législateur de faire rentrer dans le Code civil le concept d’ensemble contractuel.

Le nouvel article 1186 du Code civil prévoit ainsi à son alinéa 2 que « lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie. »

La règle est désormais posée : l’anéantissement d’un acte qui appartient à un ensemble contractuel entraîne consécutivement la disparition des autres.

Quels enseignements tirer de l’édiction de cette nouvelle règle ? Ils sont au nombre de trois :

b.1 L’autonomie de la notion d’indivisibilité

Jusqu’alors, la jurisprudence s’était employée à trouver un fondement juridique au concept d’indivisibilité contractuelle, tantôt en le rattachant à la notion cause, tantôt à la notion de condition ou encore à la notion d’obligation indivisible.

Le législateur ayant consacré les ensembles contractuels, cette quête est devenue inutile.

Aussi, l’indivisibilité constitue-t-elle dorénavant une notion autonome qui dispose d’un fondement juridique qui lui propre : l’alinéa 2 de l’article 1186 du Code civil.

Nul n’est dès lors plus besoin de chercher à dévoyer les notions de cause – disparue – ou de conditions pour justifier l’anéantissement en cascade de plusieurs contrats en raison de leur appartenance à un même ensemble.

Il suffit désormais d’établir que lesdits contrats forment un tout indivisible.

b.2 Les critères de la notion d’indivisibilité

Il ressort de l’article 1186, al. 2 du code civil que, semblablement à la Cour de cassation dans ces dernières décisions, le législateur a combiné le critère objectif et le critère subjectif pour définir l’indivisibilité.

  • Le critère objectif
    • La reconnaissance d’une indivisibilité suppose :
      • D’une part, que plusieurs contrats aient été « nécessaires à la réalisation d’une même opération »
      • D’autre part, que l’un d’eux ait disparu
      • Enfin, que l’exécution ait été « rendue impossible par cette disparition »
    • Ces trois éléments doivent être établis pour que le premier critère objectif soit rempli, étant précisé qu’ils sont exigés cumulativement.
  • Le critère subjectif
    • Principe
      • La deuxième partie de l’alinéa 2 de l’article 1186 précise que l’indivisibilité peut encore être établie dans l’hypothèse où les contrats « pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie »
      • Ainsi l’indivisibilité contractuelle peut-elle résulter, en plus de l’économie générale de l’opération, de la volonté des parties.
      • Dès lors, que les contractants ont voulu rendre plusieurs contrats indivisibles, le juge est tenu d’en tirer toutes les conséquences qu’en aux événements susceptibles d’affecter l’un des actes composant l’ensemble.
    • Condition
      • L’alinéa 3 de l’article 1186 du Code civil pose une condition à l’application du critère subjectif
      • Aux termes de cette disposition, « la caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement. »
      • L’anéantissement des contrats liés au contrat affecté par une cause de disparition est donc subordonné à la connaissance par les différents cocontractants de l’existence de l’ensemble, soit que les contrats auxquels ils sont partie concourraient à la réalisation d’une même opération économique.

b.3 Les effets de l’indivisibilité

Les effets de l’indivisibilité sont très clairement posés par l’article 1186 du Code civil : la caducité.

Plus précisément, la disparition de l’un des contrats de l’ensemble entraîne consécutivement la caducité des autres.

i. Absence de définition de la caducité

La caducité fait partie de ces notions juridiques auxquelles le législateur et le juge font régulièrement référence sans qu’il existe pour autant de définition arrêtée.

Si, quelques études lui ont bien été consacrées[1], elles sont si peu nombreuses que le sujet est encore loin d’être épuisé. En dépit du faible intérêt qu’elle suscite, les auteurs ne manquent pas de qualificatifs pour décrire ce que la caducité est supposée être.

Ainsi, pour certains, l’acte caduc s’apparenterait à « un fruit parfaitement mûr […] tombé faute d’avoir été cueilli en son temps »[2]. Pour d’autres, la caducité évoque « l’automne d’un acte juridique, une mort lente et sans douleur »[3]. D’autres encore voient dans cette dernière un acte juridique frappé accidentellement de « stérilité »[4].

L’idée générale qui ressort de ces descriptions est que l’action du temps aurait eu raison de l’acte caduc, de sorte qu’il s’en trouverait privé d’effet.

ii. Caducité et nullité

De ce point de vue, la caducité se rapproche de la nullité, qui a également pour conséquence l’anéantissement de l’acte qu’elle affecte. Est-ce à dire que les deux notions se confondent ? Assurément non.

C’est précisément en s’appuyant sur la différence qui existe entre les deux que les auteurs définissent la caducité.

Tandis que la nullité sanctionnerait l’absence d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation, la caducité s’identifierait, quant à elle, à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances. Cette différence d’objet ne saurait toutefois occulter les rapports étroits qu’entretiennent les deux notions, ne serait-ce parce que le vice qui affecte l’acte caduc aurait tout aussi bien pu être source de nullité s’il était apparu lors de la formation dudit acte. Sans doute est-ce d’ailleurs là l’une des raisons du regain d’intérêt pour la caducité ces dernières années.

iii. Origine

Lorsqu’elle a été introduite dans le Code civil, l’usage de cette notion est limité au domaine des libéralités. Plus précisément, il est recouru à la caducité pour sanctionner la défaillance de l’une des conditions exigées pour que le legs, la donation ou le testament puisse prospérer utilement telles la survie[5], la capacité [6] du bénéficiaire ou bien encore la non-disparition du bien légué[7].

Ce cantonnement de la caducité au domaine des actes à titre gratuit s’estompe peu à peu avec les métamorphoses que connaît le droit des contrats. Comme le souligne Véronique Wester-Ouisse « alors que la formation du contrat était le seul souci réel des rédacteurs du Code civil, le contrat, aujourd’hui, est davantage examiné au stade de son exécution »[8]. L’appropriation de la notion de caducité par les spécialistes du droit des contrats prend, dans ces conditions, tout son sens[9].

Aussi, cela s’est-il traduit par la consécration de la caducité dans l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations[10].

iv. Intervention du législateur

La lecture de l’article 1186 du Code civil révèle que le législateur a donc repris in extenso la définition de la caducité.

Aux termes de l’alinéa 1er de cette disposition « un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît. »

Il ressort de cette définition que :

  • D’une part, la caducité ne peut affecter qu’un acte qui a été régulièrement accompli
  • D’autre part, elle suppose que l’acte anéanti ait perdu l’un des éléments essentiels à son existence

Telles sont les deux conditions cumulatives qui doivent être réunies pour qu’un contrat puisse être frappé de caducité.

v. Les conditions de la caducité

?L’exigence d’un acte valablement formé

Si l’article 1186 prévoit que pour encourir la caducité le contrat doit avoir été valablement formé.

Aussi, cela signifie-t-il qu’il ne doit, ni avoir été annulé, ni avoir fait l’objet d’une résolution.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir s’il est nécessaire que la nullité du contrat ou sa résolution aient été constatées en justice ou s’il suffit qu’il soit seulement annulable ou susceptible de faire l’objet d’une résolution.

L’article 1186 ne le dit pas, de sorte qu’il appartient à la jurisprudence de se prononcer sur ce point.

?L’exigence de disparition d’un élément essentiel de l’acte

L’article 1186 subordonne la caducité à la disparition de l’un de ses éléments essentiels du contrat.

À la lecture de cette condition, deux difficultés surviennent immédiatement :

  • Première difficulté
    • L’article 1186 se garde de bien de dire ce que l’on doit entendre par « éléments essentiels ».
    • Faut-il limiter le périmètre de la notion d’« éléments essentiels » aux seules conditions de validité du contrat ou doit-on l’étendre aux éléments qui conditionnent son exécution ?
    • Selon les auteurs, c’est vers une approche restrictive de la notion que l’on devrait se tourner.
    • Au soutien de cet argument est notamment convoqué le nouvel article 1114 du Code civil qui associe la notion d’« éléments essentiels » à l’offre contractuelle, soit au contenu du contrat.
  • Seconde difficulté
    • Une seconde difficulté naît de la lecture de l’article 1186 en ce qu’il ne dit pas si la disparition de l’un des éléments essentiels du contrat doit être volontaire ou involontaire.
    • Jusqu’alors, les auteurs ont toujours considéré qu’un acte ne pouvait être frappé de caducité qu’à la condition que la disparition de l’un de ses éléments essentiels soit indépendante de la volonté des parties.
    • Admettre le contraire reviendrait, selon eux, à conférer aux contractants un pouvoir de rupture unilatérale du contrat
    • Aussi, cela porterait-il directement atteinte au principe du mutus dissensus.
    • Encore un point sur lequel il appartiendra à la jurisprudence de se prononcer.

vi. Les effets de la caducité

Aux termes de l’article 1187 du Code civil la caducité produit deux effets : d’une part, elle met fin au contrat et, d’autre part, elle peut donner lieu à des restitutions

?L’anéantissement du contrat

En prévoyant que « la caducité met fin au contrat », l’article 1187 du Code civil soulève deux difficultés : la première tient à la prise d’effet de la caducité, la seconde à sa rétroactivité :

  • La prise d’effet de la caducité
    • Faut-il pour que la caducité prenne effet qu’elle soit constatée par un juge ou peut-elle être acquise de plein droit, soit par la seule prise d’initiative d’un des contractants ?
    • L’article 1187 est silencieux sur ce point.
    • Doit-on, sans ces conditions, se risquer à faire un parallèle avec la résolution ou la nullité ?
      • Si l’on tourne vers la résolution, l’article 1224 dispose que cette sanction devient efficace
        • Soit par l’application d’une clause résolutoire
        • Soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur
        • Soit d’une décision de justice
      • Si l’on se tourne vers la nullité, l’article 1178 prévoit sensiblement la même chose puisqu’elle peut
        • Soit être prononcée par le juge
        • Soit être constatée d’un commun accord par les parties
    • Manifestement, aucun texte ne paraît subordonner l’efficacité de la caducité à sa constatation par un juge
    • Aussi, le silence de l’article 1187 combiné aux dispositions qui régissent la résolution et la nullité laisse à penser que la caducité pourrait être acquise par l’effet de la seule initiative de l’une des parties, ce, à plus forte raison si elles y ont consenti d’un commun accord.
  • La rétroactivité de la caducité
    • S’il ne fait aucun doute que la caducité anéantit le contrat qu’elle affecte pour l’avenir, l’article 1187 ne dit pas s’il en va de même pour ses effets passés.
      • D’un côté, l’alinéa 1er de l’article 1187 prévoit que la caducité « met fin au contrat », de sorte que l’on pourrait être enclin à penser que seuls les effets futurs du contrat sont anéantis.
      • D’un autre côté, l’alinéa 2 de cette même disposition envisage la possibilité pour les parties de solliciter un retour au statu quo ante par le jeu des restitutions, ce qui suggérerait dès lors que la caducité puisse être assortie d’un effet rétroactif.
    • Comment comprendre l’articulation de ces deux alinéas dont il n’est pas illégitime de penser qu’ils sont porteurs du germe de la contradiction ?
    • La caducité doit-elle être assortie d’un effet rétroactif ou cette possibilité doit-elle être exclue ?
    • Pour le déterminer, revenons un instant sur la définition de la caducité.
    • Selon Gérard Cornu la caducité consisterait en l’« état de non-valeur auquel se trouve réduit un acte »[11].
    • Autrement dit, l’acte caduc est réduit à néant ; il est censé n’avoir jamais existé.
    • S’il est incontestable que l’acte caduc doit être supprimé de l’ordonnancement juridique en raison de la perte d’un élément essentiel l’empêchant de prospérer utilement, rien ne justifie pour autant qu’il fasse l’objet d’un anéantissement rétroactif.
    • Pourquoi vouloir anéantir l’acte caduc rétroactivement, soit faire comme s’il n’avait jamais existé, alors qu’il était parfaitement valable au moment de sa formation ? Cela n’a pas grand sens.
    • Dès lors qu’un acte est valablement formé, il produit des effets sur lesquels on ne doit plus pouvoir revenir, sauf à nier une situation juridiquement établie[12].
    • Au vrai, l’erreur commise par les partisans de la reconnaissance d’un effet rétroactif à la caducité vient de la confusion qui est faite entre la validité de l’acte juridique et son efficacité.
    • Ces deux questions doivent cependant être distinguées.
    • La seule condition qui doit être remplie pour qu’un acte soit valable, c’est que, tant son contenu, que ses modalités d’édiction soient conformes aux normes qui lui sont supérieures.
    • On peut en déduire que la validité d’un acte ne se confond pas avec son efficacité.
    • Si tel était le cas, cela reviendrait à remettre en cause sa validité à chaque fois que la norme dont il est porteur est violée.
    • Or comme l’a démontré Denys de Béchillon « une norme juridique ne cesse pas d’être juridique lorsqu’elle n’est pas respectée »[13].
    • L’inefficacité de l’acte caduc se distingue certes de l’hypothèse précitée en ce qu’elle est irréversible et n’a pas le même fait générateur.
    • Elle s’en rapproche néanmoins dans la mesure où, d’une part, elle s’apprécie au niveau de l’exécution de l’acte et, d’autre part, elle consiste en une inopérance de ses effets.
    • Ainsi, les conséquences que l’on peut tirer de la caducité d’un acte sont les mêmes que celles qui peuvent être déduites du non-respect d’une norme : l’inefficacité qui les atteint ne conditionne nullement leur validité.
    • D’où l’impossibilité logique d’anéantir rétroactivement l’acte ou la norme qui font l’objet de pareille inefficacité.
    • En conclusion, nous ne pensons pas qu’il faille envisager que la caducité d’un contrat puisse être assortie d’un effet rétroactif.
    • L’alinéa 2 de l’article 1187 du Code civil peut être compris comme confirmant cette thèse.
    • Il peut être déduit de l’utilisation, dans cet alinéa, du verbe « peut » et de non « doit » que le législateur a, en offrant la possibilité aux parties de solliciter des restitutions, posé une exception au principe de non-rétroactivité institué à l’alinéa 1er de l’article 1187 du Code civil.
    • Aussi, dans l’hypothèse où l’une des parties à l’acte formulerait une demande de restitutions en justice, il n’est pas à exclure que le juge, alors même qu’il constatera la caducité du contrat, ne fasse pas droit à sa demande estimant qu’il ressort de la lettre de l’article 1187 que les restitutions sont facultatives.

?Les restitutions

Aux termes de l’article 1187 du Code civil la caducité « peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 ».

En application de ces articles, plusieurs règles doivent être observées en matière de restitutions dont les principales sont les suivantes :

D’abord, la restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution (art. 1352 C. civ.).

Ensuite, La restitution d’une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie (art. 1352-8 C. civ.).

Enfin, la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée (art. 1352-3 C. civ.).

2. Les chaînes de contrats

Contrairement aux ensembles contractuels qui regroupent des actes qui concourent à la réalisation d’une même opération, les chaînes de contrats sont constituées d’actes qui portent sur un même objet.

Exemple : un contrat de vente est conclu entre A et B, puis entre B et C. La question qui immédiatement se pose est de savoir si, en cas de vice affectant la chose, le sous-acquéreur dispose d’une action contre le vendeur initial ?

A priori, le principe de l’effet relatif interdit au sous-acquéreur d’agir contre le vendeur initial dans la mesure où ils ne sont liés par aucun contrat. L’acquéreur fait écran entre ce que l’on appelle les « contractants extrêmes » lesquels sont des tiers l’un pour l’autre.

Aussi, une action du sous-acquéreur contre le vendeur initial ne semble pas envisageable, à plus forte raison si elle est engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Tel n’est cependant pas ce qui a été décidé par la jurisprudence qui a connu une longue évolution.

2.1 Première étape : la distinction entre les chaînes de contrats homogènes et les chaînes hétérogènes

Pour déterminer si le, sous-acquéreur était fondé à agir contre le vendeur initial, la Cour de cassation a, dans un premier temps, distingué selon que l’on était en présence d’une chaîne de contrat homogène ou hétérogène.

a. Notion

  • La chaîne de contrats homogène est celle qui est formée d’actes de même nature (plusieurs ventes successives)
  • La chaîne de contrats hétérogène est celle qui est formée de plusieurs contrats de nature différente (vente et entreprise)

b. Application

i. Pour les chaînes de contrats homogènes

?Première étape : l’indifférence du fondement

La Cour de cassation a pendant longtemps estimé que le sous-acquéreur disposait d’une option en ce sens qu’il pouvait agir contre le vendeur initial, soit sur le terrain de la responsabilité contractuelle, soit sur le terrain de la responsabilité délictuelle (V. en ce sens Cass. civ. 25 janv. 1820).

L’idée était de permettre au sous-acquéreur de ne pas demeurer sans recours dans l’hypothèse où une stipulation contractuelle l’empêcherait d’agir contre son propre vendeur.

?Deuxième étape : la responsabilité contractuelle

Considérant que l’option laissée au sous-acquéreur quant au choix du fondement de l’action dirigée contre le vendeur initial constituait une atteinte au principe de non-cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt Lamborghini du 9 octobre 1979

La première chambre civile a estimé dans cette décision que « l’action directe dont dispose le sous-acquéreur contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire, pour la garantie du vice cache affectant la chose vendue dès sa fabrication, est nécessairement de nature contractuelle » (Cass. 1ère civ. 9 oct. 1979, n°78-12.502).

Cette solution repose sur l’idée que l’action dont dispose l’acquéreur contre le vendeur initial serait transmise au sous-acquéreur lors du transfert de propriété de la chose, ce qui justifie que ce dernier puisse agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

En somme l’action directe dont dispose le sous-acquéreur contre le vendeur initial est fondée sur la théorie de l’accessoire.

Cass. 1ère civ. 9 oct. 1979

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1147 et 1648 du code civil;

Attendu que, selon les juges du fond, constant, ayant acquis le 5 septembre 1968, de Landrau, garagiste, une automobile d’occasion de marque Lamborghini, modèle <400 ct>, a provoqué le 15 septembre suivant un accident dont l’expertise a révélé qu’il était du a la rupture d’une pièce de la suspension arrière résultant d’un vice de construction, reconnu par le constructeur, qui avait, le 8 mai 1967, adresse à ce sujet une note a tous ses agents en indiquant la manière de remédier au défaut constate sur ce modèle;

Que la société des voitures paris-monceau, importateur en France des véhicules de marque Lamborghini, qui avait assure l’entretien de l’automobile litigieuse pendant un certain temps, pour le compte d’un précèdent propriétaire, n’a pas méconnu avoir reçu les instructions de la société Lamborghini, mais n’a pas procédé a la réparation préconisée par le constructeur; que constant et son assureur, l’uap, ayant assigne la société Lamborghini, Landrau et la société des voitures paris-monceau sur le fondement des articles 1147 et 1582 et suivants du code civil, Landrau a appelé en garantie la société des voitures paris-monceau;

Que le tribunal a condamné in solidum les trois défendeurs envers constant et l’Uap, en précisant que dans leurs rapports, ils supporteraient cette condamnation a raison des 3/6 a la charge de la société Lamborghini, responsable du vice de fabrication, des 2/6 a la charge de la société des voitures paris-monceau, pour n’avoir pas fait la réparation demandée par le constructeur, et de 1/6 a la charge de Landrau, en sa qualité de vendeur professionnel;

Que la cour d’appel pour confirmer la condamnation prononcée contre les sociétés Lamborghini et paris-monceau et décider qu’elles seraient tenues chacune par moitié, s’est fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle et a déclaré ces deux sociétés responsables a l’égard de constant et de son assureur, par application de l’article 1383 du code civil;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’action directe dont dispose le sous-acquéreur contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire, pour la garantie du vice cache affectant la chose vendue dès sa fabrication, est nécessairement de nature contractuelle, et qu’il appartenait des lors aux juges du fond de rechercher, comme il leur était demandé, si l’action avait été intentée dans le bref délai prévu par la loi, la cour d’appel a violé les textes susvisés;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, ni sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 20 décembre 1977 par la cour d’appel de paris; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens.

ii. Pour les chaînes de contrats hétérogènes

Un conflit s’est noué entre la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation lesquelles ne se sont pas entendues sur la nature de l’action dont disposait le contractant en bout de chaîne (maître d’ouvrage) contre le premier (fabricant).

Cette opposition entre les deux chambres a provoqué l’intervention, par la suite, de l’assemblée plénière.

?Position de la première chambre civile

Dans un arrêt du 29 mai 1984, la première chambre civile s’est prononcée en faveur de la nature contractuelle de l’action (Cass. 1ère civ. 29 mai 1984, n°82-14.875).

Elle a estimé en ce sens que le maître d’ouvrage « dispose contre le fabricant de matériaux posés par son entrepreneur d’une action directe pour la garantie du vice cache affectant la chose vendue dès sa fabrication, laquelle action est nécessairement de nature contractuelle ».

Il s’agissait en l’espèce d’un contrat de vente suivi d’un contrat d’entreprise.

La première chambre civile retient manifestement ici la même solution que celle qu’elle avait adoptée dans l’arrêt Lamborghini qui portait sur une chaîne de contrats homogène.

Cass. 1ère civ. 29 mai 1984

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : vu les articles 1147 et 1648 du code civil ;

Attendu que Mme z… et Mlle Meyniel a… x… d’une maison, avaient fait recouvrir en 1966 la toiture de celle-ci de tuiles par un entrepreneur ;

Que lesdites tuiles s’étant révélées gélives, les copropriétaires ont assigne en réparation de leur préjudice le fabricant de ce matériau, la société Perrusson-Rhomer qui avait vendu les tuiles a l’entrepreneur ;

Que pour accueillir leur demande, la cour d’appel, qui s’est referee a son précèdent arrêt du 15 juin 1981, a fait application des principes relatifs à la responsabilité quasi-délictuelle ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le maitre de y… dispose contre le fabricant de matériaux poses par son entrepreneur d’une action directe pour la garantie du vice cache affectant la chose vendue dès sa fabrication, laquelle action est nécessairement de nature contractuelle ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer ni sur les deux autres branches du premier moyen, ni sur le second moyen : CASSE ET ANNULE l’arrêt rendu le 19 avril 1982, entre les parties, par la cour d’appel de Riom ;

?Position de la troisième chambre civile

Dans un arrêt rendu sensiblement à la même époque, soit le 19 juin 1984, la troisième chambre civile s’est radicalement opposée à la première chambre civile (Cass. 3e civ. 19 juin 1984, n°83-10.901).

Elle a, en effet, validé la décision d’une Cour d’appel qui après avoir relevé que « par suite d’une conception défectueuse, les tuiles fabriquées par la société Lambert Céramique n’étaient pas horizontales dans le sens transversal, vice qui ne pouvait être décelé et qui était l’unique cause des désordres affectant la toiture […] par ces seuls motifs caractérisant, en dehors de tout contrat, la faute commise et sa relation de causalité avec le dommage, [elle] a pu retenir la responsabilité du fabricant même en l’absence de lien de droit direct avec le maître de l’ouvrage ».

Pour la troisième chambre civile, l’action dont dispose le maître de l’ouvrage contre le fabricant est de nature délictuelle, car « en dehors de tout contrat ».

Cass. 3e civ. 19 juin 1984

Sur le moyen unique :

Attendu que selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 6 décembre 1982) M. Y… a fait réaliser la couverture de sa villa par l’entrepreneur M. X… qui a utilisé des tuiles, fournies par les établissements Grisard et fabriquées par la Tuilerie des Mureaux aux droits et obligations de laquelle vient la société Lambert Céramique ; qu’à la suite d’infiltrations d’eau, le maître de l’ouvrage a assigné le fabricant en réparation du dommage ; que l’Union fédérale des consommateurs de la Savoie est intervenue volontairement en cause d’appel ;

Attendu que le fabricant fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré recevables les demandes du maître de l’ouvrage et de l’intervenante tendant au paiement de dommages-intérêts et de sommes non comprises dans les dépens alors, selon le moyen, “que l’action en garantie des vices cachés contre le fabricant est de nature contractuelle, que le contrat d’entreprise n’étant pas un contrat de vente, le maître de l’ouvrage n’est pas acquéreur des matériaux et ne bénéficie pas, en tant que sous-acquéreur, de la garantie des vendeurs successifs ; que, dès lors, la Cour d’appel, qui a relevé l’absence d’un lien de droit direct entre la société Lambert Céramique et M. Y…, n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s’imposent en déclarant recevable l’action en garantie de celui-ci et a ainsi violé l’article 1641 du Code civil” ;

Mais attendu que l’arrêt retient que par suite d’une conception défectueuse, les tuiles fabriquées par la société Lambert Céramique n’étaient pas horizontales dans le sens transversal, vice qui ne pouvait être décelé et qui était l’unique cause des désordres affectant la toiture ; que, par ces seuls motifs caractérisant, en dehors de tout contrat, la faute commise et sa relation de causalité avec le dommage, la Cour d’appel a pu retenu la responsabilité du fabricant même en l’absence de lien de droit direct avec le maître de l’ouvrage ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 6 décembre 1982 par la Cour d’appel de Chambéry.

?Intervention de l’assemblée plénière

Cette opposition frontale entre la première et la troisième chambre civile a donné lieu à une intervention de l’assemblée plénière qui s’est prononcée sur la nature de l’action en responsabilité dont est titulaire le maître d’ouvrage contre le fabricant dans un arrêt remarqué du 7 février 1986.

Dans cette décision, l’assemblée plénière a tranché en faveur de la solution retenue par la première chambre civile (Cass ass. plén. 7 févr. 1986, n°84-15.189).

Elle a, en effet, estimé que le maître d’ouvrage « dispose […] contre le fabricant d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée ».

Pour l’assemblée plénière, peu importe donc que la chaîne de contrats soit homogène ou hétérogène : l’action en responsabilité dont est titulaire le maître d’ouvrage est de nature contractuelle.

Elle justifie cette solution en affirmant que « le maître de l’ouvrage comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur ».

L’assemblée plénière retient ainsi comme fondement de l’action en responsabilité contractuelle la théorie de l’accessoire : l’action est transmise concomitamment avec le transfert de propriété de la chose.

Autrement dit, tant le maître de l’ouvrage que le sous-acquéreur recueillent dans leur patrimoine avec la chose les accessoires juridiques qui y sont attachés.

Cass ass. plén. 7 févr. 1986

Sur le premier moyen :

Attendu que, selon les énonciations de l’arrêt attaqué (Paris, 14 juin 1984), la société civile immobilière Résidence Brigitte, assurée par l’Union des Assurances de Paris (U.A.P.) a, en 1969, confié aux architectes C… et Z…, aux droits desquels se trouvent les consorts Z…, assistés des bureaux d’études OTH et BEPET, la construction d’un ensemble immobilier, que la société Petit, chargée du gros oeuvre, a sous traité à la société Samy l’ouverture de tranchées pour la pose de canalisations effectuée par la société Laurent X…, que la société Samy a procédé à l’application sur ces canalisations de Protexculate, produit destiné à en assurer l’isolation thermique, qui lui avait vendu par la Société Commerciale de Matériaux pour la Protection et l’Isolation (MPI), fabricant, que des fuites d’eau s’étant produites, les experts désignés en référé ont conclu en 1977 à une corrosion des canalisations imputables au Protexculate et aggravée par un mauvais remblaiement des tranchées, que l’U.A.P. a assigné la société MPI, les sociétés Petit, Samy et Laurent X…, MM. C… et Z… ainsi que les bureaux d’études, pour obtenir le remboursement de l’indemnité versée aux copropriétaires suivant quittance subrogative du 30 octobre 1980 ;

Attendu que la société MPI fait grief à l’arrêt d’avoir accueilli cette demande avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 1980 sur le fondement de la responsabilité délictuelle, alors, selon le moyen, d’une part, que le maître de l’ouvrage ne dispose contre le fabricant de matériaux posés par un entrepreneur que d’une action directe pour la garantie du vice caché affectant la chose vendue dès sa fabrication et que cette action, nécessairement de nature contractuelle, doit être engagée dans un bref délai après la découverte du vice ; qu’en accueillant donc, en l’espèce, l’action engagée le 28 janvier 1980 par l’U.A.P., subrogée dans les droits du maître de l’ouvrage, pour obtenir garantie d’un vice découvert par les experts judiciaires le 4 février 1977 et indemnisé par l’U.A.P. le 30 octobre 1980, la Cour d’appel, qui s’est refusée à rechercher si l’action avait été exercée à bref délai, a violé, par fausse application, l’article 1382 du Code civil et, par défaut d’application, l’article 1648 du même Code ;

Mais attendu que le maître de l’ouvrage comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur ; qu’il dispose donc à cet effet contre le fabricant d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée ; que, dès lors, en relevant que la Société Commerciale de Matériaux pour la Protection et l’Isolation (M.P.I.) avait fabriqué et vendu sous le nom de “Protexulate” un produit non conforme à l’usage auquel il était destiné et qui était à l’origine des dommages subis par la S.C.I. Résidence Brigitte, maître de l’ouvrage, la Cour d’appel qui a caractérisé un manquement contractuel dont l’U.A.P., substituée à la S.C.I., pouvait se prévaloir pour lui demander directement réparation dans le délai de droit commun, a, par ces motifs, légalement justifié sa décision ; […]

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi

?Portée de la décision d’assemblée plénière

Après l’intervention de l’assemblée plénière, la troisième chambre civile n’a eu d’autre choix que de se rallier à sa position.

C’est ce qu’elle a fait notamment dans un arrêt du 10 mai 1990 à l’occasion duquel elle a estimé que le maître de l’ouvrage, et les acquéreurs disposent « contre le fabricant ou le fournisseur d’une action contractuelle directe » (Cass. 3e civ. 10 mai 1990, n°88-14.478).

Cass. 3e civ. 10 mai 1990

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 26 juin 1987), que la société civile immobilière du Domaine des Grands Prés (SCI) a fait édifier, un groupe de pavillons, par la société Balency-Briard, actuellement société Sogéa, entrepreneur général, qui a posé des chassis ouvrants achetés à la société Roto-Franck qui les a fabriqués ; que des désordres tenant à des phénomènes de condensation sur ces chassis s’étant manifestés après réception et la vente des pavillons intervenues en 1976-1977, plusieurs acquéreurs ont assigné en réparation la SCI, l’entrepreneur général et le fabricant, et qu’il s’en est suivi des appels en garantie ; […]

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, qui est recevable :

Vu l’article 1147 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Roto-Franck à indemniser les copropriétaires et à garantir la SCI, l’arrêt retient la responsabilité de la société Roto-Franck, en tant que fabricant et fournisseur des chassis affectés de désordres, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, à l’égard des tiers que sont pour elle le maître de l’ouvrage et ses acquéreurs ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la SCI, maître de l’ouvrage, et les acquéreurs disposaient contre le fabricant ou le fournisseur d’une action contractuelle directe, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré la société Roto-Franck responsable des désordres affectant les chassis et a prononcé condamnation contre elle, l’arrêt rendu le 26 juin 1987, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans

2.2 Seconde étape : la distinction entre les chaînes de contrats translatives de propriété et les chaînes non translatives de propriété

S’il ressort de la jurisprudence précédemment étudiée que la Cour de cassation a voulu étendre le domaine de l’action contractuelle dans les chaînes de contrats, ce, en refusant de distinguer selon que la chaîne était homogène ou hétérogène, ce mouvement extensif n’a pas été sans limite.

Un coup d’arrêt lui a été porté dans une décision rendue par l’assemblée plénière elle-même le 12 juillet 1991, plus connue sous le nom d’arrêt Besse, ce qui a conduit certains auteurs à se demander si cette dernière n’entendait pas revenir sur sa position initiale (Cass. ass. plén. 12 juill. 1991, n°90-13.602)

Les circonstances dans lesquelles l’assemblée plénière a été amenée à se prononcer cette fois-ci étaient toutefois sensiblement différentes de celles qui avaient entouré sa première décision.

Dans l’arrêt du 7 février 1986, il était, en effet, question d’une chaîne de contrats dite translative de propriété, en ce sens que la chose, objet des contrats successifs, est transférée d’un acquéreur à l’autre (Cass. ass. plén. 7 févr. 1986, n°84-15.189).

Tel n’était pas dans l’arrêt Besse, lequel portait sur une chaîne de contrats non-translative de propriété (contrat d’entreprise couplé à un contrat de sous-traitance).

Il peut néanmoins être noté que l’intervention de l’assemblée plénière a une nouvelle fois été provoquée par un conflit né entre la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

a. L’opposition entre la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation

i. La position de la première chambre civile

?Première étape

Dans un arrêt du 8 mars 1988, la première chambre civile a considéré au visa des anciens articles 1147 et 1382 du Code civil que « dans le cas où le débiteur d’une obligation contractuelle a chargé une autre personne de l’exécution de cette obligation, le créancier ne dispose contre cette personne que d’une action de nature nécessairement contractuelle, qu’il peut exercer directement dans la double limite de ses droits et de l’étendue de l’engagement du débiteur substitué » (Cass. 1ère civ. 8 mars 1988, n°86-18.182).

Ainsi, pour cette chambre de la Cour de cassation en matière de sous-traitance, l’action dont dispose le maître de d’ouvrage contre le sous-traitant est de nature contractuelle, alors même que ces derniers ne sont liés par aucun contrat, à tout le moins de façon directe.

Cass. 1ère civ. 8 mars 1988

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1147 et 1382 du Code civil ;

Attendu que dans le cas où le débiteur d’une obligation contractuelle a chargé une autre personne de l’exécution de cette obligation, le créancier ne dispose contre cette personne que d’une action de nature nécessairement contractuelle, qu’il peut exercer directement dans la double limite de ses droits et de l’étendue de l’engagement du débiteur substitué ;

Attendu que la société Clic Clac Photo, qui avait reçu de M. X… des diapositives en vue de leur agrandissement, a chargé de ce travail la société Photo Ciné Strittmatter ; que cette dernière société ayant perdu les diapositives, l’arrêt attaqué a retenu sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de M. X… ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article 1382 du Code civil, et par refus d’application l’article 1147 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 mai 1986, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Caen

?Seconde étape

La première chambre civile ne s’est pas arrêtée à la solution qu’elle venait d’adopter le 8 mars 1988, dont la portée était circonscrite à la seule sphère des contrats de sous-traitance.

Dans une décision remarquée du 21 juin 1988 (arrêt Saxby), elle a estimé que cette solution était applicable à l’ensemble des groupes de contrats, sans distinction (Cass. 1ère civ. 21 juin 1988, n°85-12.609).

Elle a jugé en ce sens que « dans un groupe de contrats, la responsabilité contractuelle régit nécessairement la demande en réparation de tous ceux qui n’ont souffert du dommage que parce qu’ils avaient un lien avec le contrat initial ; qu’en effet, dans ce cas, le débiteur ayant dû prévoir les conséquences de sa défaillance selon les règles contractuelles applicables en la matière, la victime ne peut disposer contre lui que d’une action de nature contractuelle, même en l’absence de contrat entre eux ».

Pour la première chambre civile, peu importe donc que l’on soit en présence d’une chaîne translative ou non de propriété : le principe de l’effet relatif ne fait pas obstacle à l’existence d’une relation contractuelle entre deux cocontractants extrêmes, soit entre des parties qui n’ont pas échangé leurs consentements.

Cass. 1ère civ. 21 juin 1988

Sur le premier moyen, pris en sa première branche du pourvoi de la société Saxby Manutention, moyen étendu d’office par application de l’article 12 du nouveau Code de procédure civile au pourvoi de la société Soderep et au pourvoi incident de la Commercial Union Assurance Company Limited, assureur de Saxby ;

Vu les articles 1147 et 1382 du Code civil ;

Attendu que, dans un groupe de contrats, la responsabilité contractuelle régit nécessairement la demande en réparation de tous ceux qui n’ont souffert du dommage que parce qu’ils avaient un lien avec le contrat initial ; qu’en effet, dans ce cas, le débiteur ayant dû prévoir les conséquences de sa défaillance selon les règles contractuelles applicables en la matière, la victime ne peut disposer contre lui que d’une action de nature contractuelle, même en l’absence de contrat entre eux ;

Attendu qu’un avion de la compagnie norvégienne Braathens South American and Far East Airtransport, dite Braathens SAFE, a été endommagé pendant l’opération destinée à l’éloigner à reculons du point d’embarquement de ses passagers pour lui permettre de se diriger ensuite par ses propres moyens vers la piste d’envol ; qu’en effet, le tracteur d’Aéroports de Paris qui le refoulait s’étant brusquement décroché de la ” barre de repoussage ” attelée par son autre extrémité au train d’atterrissage, l’appareil et le tracteur sont entrés en collision ; que l’accident a eu pour origine une fuite d’air comprimé due à un défaut de l’intérieur du corps d’une vanne pneumatique fabriquée par la société Soderep et incorporée au système d’attelage de la barre au tracteur par la société Saxby, devenue depuis lors Saxby Manutention, constructeur et fournisseur de l’engin à Aéroports de Paris ; que la compagnie Braathens SAFE ayant assigné en réparation Aéroports de Paris ainsi que les sociétés Saxby Manutention et Soderep, l’arrêt attaqué a dit la demande non fondée en tant que dirigée contre le premier en raison de la clause de non-recours insérée dans le contrat d’assistance aéroportuaire liant la compagnie demanderesse à Aéroports de Paris ; qu’en revanche, il a déclaré les sociétés Saxby Manutention et Soderep, la première en raison, notamment, du mauvais choix de la vanne devant équiper le tracteur, responsables, chacune pour moitié, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ;

Attendu qu’en statuant ainsi par application des règles de la responsabilité délictuelle à l’égard des sociétés Soderep et Saxby Manutention, alors que, le dommage étant survenu dans l’exécution de la convention d’assistance aéroportuaire au moyen d’une chose affectée d’un vice de fabrication imputable à la première et équipant le tracteur fourni par la seconde à Aéroports de Paris, l’action engagée contre elles par la compagnie Braathens SAFE ne pouvait être que de nature contractuelle, la cour d’appel, qui ne pouvait donc se dispenser d’interpréter la convention d’assistance aéroportuaire, a, par refus d’application du premier et fausse application du second, violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois des sociétés Soderep et Saxby Manutention et du pourvoi incident de la Commercial Union Assurance Company Limited :

CASSE ET ANNULE, en ce qu’il a déclaré responsables, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, les sociétés Saxby Manutention et Soderep des conséquences dommageables de l’accident survenu le 10 juillet 1979 à l’aéroport de Paris-Orly, l’arrêt rendu le 14 février 1985, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens

ii. La position de la troisième chambre civile

Comme elle l’avait fait en matière de chaîne de contrats hétérogène, la troisième chambre civile s’est vigoureusement opposée à la première chambre civile.

Pour ce faire, elle a rendu le 22 juin 1988 dans lequel elle a considéré que « l’obligation de résultat d’exécuter des travaux exempts de vices, à laquelle le sous-traitant est tenu vis-à-vis de l’entrepreneur principal, a pour seul fondement les rapports contractuels et personnels existant entre eux et ne peut être invoquée par le maître de l’ouvrage, qui est étranger à la convention de sous-traitance » (Cass. 3 civ. 22 juin 1988, n°86-16.263).

Pour la troisième chambre civile, dans les groupes de contrats, les cocontractants extrêmes doivent autrement dit être regardés comme des tiers l’un pour l’autre.

L’un ne saurait, en conséquence, engager contre l’autre une action sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Seul le fondement de la responsabilité délictuelle est susceptible d’être invoqué.

Cass. 3e civ. 22 juin 1988

Sur le moyen unique

Attendu qu’ayant chargé de l’édification d’une maison individuelle la Société Corelia-Constructions, mise par la suite en état de liquidation des biens avec M. Guerin pour syndic, M. et Mme Jollivet font grief à l’arrêt attaqué (Pau, 4 juin 1986) d’avoir rejeté, en se plaçant sur le terrain de la responsabilité délictuelle, la demande en réparation de malfaçons, qu’ils avaient formée contre M. Dupeyrou, sous-traitant de l’entreprise pour les travaux de charpente-couverture, et de les avoir condamnés à payer à ce dernier une somme excessive en paiement de travaux qu’ils lui avaient directement commandés,

Alors, selon le moyen, que, « d’une part, le maître de l’ouvrage, comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et dispose, à cet effet, contre le fabricant d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée, qu’en l’espèce, les époux Jollivet ne pouvaient être privés de cette action contractuelle directe contre M. Dupeyrou, n’ayant pas livré un arbalétrier et des éléments de charpente ou menuiserie conformes aux spécifications du marché de construction de la maison, qu’en statuant comme il l’a fait, l’arrêt attaqué, qui a méconnu l’obligation de résultat pesant sur M. Dupeyrou et les conséquences des malfaçons constatées, a violé l’article 1147 du Code civil, ensemble et par fausse application l’article 1382 du même code, alors que, d’autre part, l’expert commis ayant retenu que les travaux concernant les solives, supports et pose de menuiserie, évaluées à 4.016,04 francs, étaient déjà compris dans le devis de M. Dupeyrou, l’arrêt attaqué ne pouvait lui accorder la même somme au titre d’un supplément de travaux à la charge des époux Jollivet, que le double emploi qui en résulte, au détriment des maîtres de l’ouvrage, aboutit à une violation de l’article 541 de l’ancien Code de procédure civile, encore en vigueur à la date de ces travaux » ;

Mais attendu, d’une part, que l’obligation de résultat d’exécuter des travaux exempts de vices, à laquelle le sous-traitant est tenu vis-à-vis de l’entrepreneur principal, a pour seul fondement les rapports contractuels et personnels existant entre eux et ne peut être invoquée par le maître de l’ouvrage, qui est étranger à la convention de sous-traitance ;

Attendu, d’autre part, que M. et Mme Jollivet n’ayant pas soutenu que la somme que leur réclamait M. Dupeyrou au titre des solives et support et de la pose des menuiseries se rapportaient à des travaux qui avaient été compris dans le devis, le moyen est, de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit ; D’où il suit que le moyen, qui est, pour partie, mal fondé, est pour le surplus irrecevable ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

b. L’intervention de l’assemblée plénière : l’arrêt Besse

Dans l’arrêt Besse du 12 juillet 1991, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a, à nouveau, été appelée à trancher le conflit qui opposait la première chambre à la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

Toutefois, cette fois-ci, c’est à la seconde de deux chambres qu’elle a donné raison. Elle a estimé, s’agissant d’un contrat de sous-traitance et au visa de l’article 1165 du Code civil, ancien siège du principe de l’effet relatif, que « le sous-traitant n’est pas contractuellement lié au maître de l’ouvrage ».

Cass. ass. plén. 12 juill. 1991

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1165 du Code civil ;

Attendu que les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que plus de 10 années après la réception de l’immeuble d’habitation, dont il avait confié la construction à M. X…, entrepreneur principal, et dans lequel, en qualité de sous-traitant, M. Z… avait exécuté divers travaux de plomberie qui se sont révélés défectueux, M. Y… les a assignés, l’un et l’autre, en réparation du préjudice subi ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes formées contre le sous-traitant, l’arrêt retient que, dans le cas où le débiteur d’une obligation contractuelle a chargé une autre personne de l’exécution de cette obligation, le créancier ne dispose contre cette dernière que d’une action nécessairement contractuelle, dans la limite de ses droits et de l’engagement du débiteur substitué ; qu’il en déduit que M. Z… peut opposer à M. Y… tous les moyens de défense tirés du contrat de construction conclu entre ce dernier et l’entrepreneur principal, ainsi que des dispositions légales qui le régissent, en particulier la forclusion décennale ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le sous-traitant n’est pas contractuellement lié au maître de l’ouvrage, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande dirigée contre M. Z…, l’arrêt rendu le 16 janvier 1990, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Reims

?Faits

Un maître d’ouvrage confie à un entrepreneur principal la construction d’un immeuble.

De son côté, l’entrepreneur principal délègue les travaux de plomberie à un sous-traitant

L’installation effectuée par ce dernier va toutefois se révéler défectueuse.

?Demande

Le maître d’ouvrage assigne en dommages et intérêts :

  • L’entrepreneur principal
  • Le sous-traitant

?Procédure

Par un arrêt du 16 janvier 1990, la Cour d’appel de Nancy déboute le maître d’ouvrage de son action formée contre le sous-traitant.

Les juges du fond estiment que dans le cas où le débiteur d’une obligation contractuelle a chargé une autre personne de l’exécution de cette obligation, le créancier ne dispose contre cette dernière que d’une action nécessairement contractuelle, dans la limite de ses droits et de l’engagement du débiteur substitué

Or en l’espèce, le sous-traitant pouvait opposer à l’entrepreneur principal la forclusion décennale.

La Cour d’appel en déduit que ladite forclusion pouvait également être opposée au maître d’ouvrage en raison de la nature contractuelle de son action.

?Solution

Par un arrêt du 12 juillet 1991, l’assemblée plénière casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’ancien article 1165 du Code civil.

La Cour de cassation estime que, en l’espèce, le sous-traitant n’était pas contractuellement lié au maître de l’ouvrage, de sorte que la forclusion décennale ne lui était pas opposable.

Cela signifie, par conséquent, que l’action dont dispose le sous-traitant contre le maître d’ouvrage est de nature délictuelle.

La Cour de cassation fait ici une application stricte du principe de l’effet relatif.

Le maître d’ouvrage n’étant pas contractuellement lié au sous-traitant, les exceptions qui affectent le contrat conclu entre ce dernier et l’entrepreneur principal ne lui sont pas opposables.

?Analyse

Si, de toute évidence, le raisonnement adopté par la Cour de cassation dans cette décision est imparable, il n’en a pas moins été diversement apprécié par la doctrine.

Immédiatement après l’arrêt Besse la question s’est posée de savoir si la Cour de cassation entendait revenir sur sa position adoptée dans l’arrêt du 7 février 1986 ou si elle souhaitait seulement limiter le domaine de l’action contractuelle dans les chaînes de contrat en introduisant la distinction entre les chaînes translatives et non-translatives de propriété.

Ainsi, deux interprétations étaient envisageables :

  • Première interprétation
    • On pouvait d’abord voir dans cette nouvelle décision d’assemblée plénière un revirement de jurisprudence, dans la mesure où cinq ans plus tôt la même assemblée avait affirmé de manière fort explicite que le maître d’ouvrage « dispose […] contre le fabricant d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée » ?
    • Une lecture rapide de l’arrêt pouvait conduire à le penser.
    • Toutefois, l’analyse des faits révèle que les circonstances de l’arrêt Besse n’étaient pas les mêmes que dans l’arrêt du 7 février 1986.
    • Dans cette décision, on était, en effet, en présence d’une chaîne de contrat translative de propriété, en ce sens que les droits réels exercés sur la chose étaient transférés d’un acquéreur à l’autre.
    • Tel n’était pas le cas dans l’arrêt Besse.
    • Il s’agissait d’un contrat d’entreprise couplé à un contrat de sous-traitance.
    • Aussi, cette chaîne de contrats n’était nullement translative de propriété
  • Seconde interprétation
    • L’assemblée plénière est simplement venue mettre un terme à l’opposition qui s’était instauré entre la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation sur les chaînes de contrats non-translatives de propriété.
    • Dans cette perspective, certains auteurs ont suggéré qu’en matière de chaîne de contrats, il convenait dorénavant de distinguer selon que la chaîne était translative ou non translative de propriété.
      • Les chaînes de contrats translatives de propriété
        • Dans cette hypothèse, les accessoires attachés à la chose sont transférés d’acquéreur en acquéreur ce qui dès lors permettra à l’acquéreur final d’agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle contre le vendeur initial.
        • En contrepartie, ce dernier sera fondé à opposer au sous-acquéreur les mêmes exceptions qu’il peut invoquer à l’encontre de son cocontractant.
      • Les chaînes de contrats non-translatives de propriété
        • Dans cette hypothèse, les accessoires attachés à la chose ne pourront pas, par définition, être transférés aux contractants subséquents, si bien qu’ils ne disposeront contre les contractants extrêmes que d’une action de nature délictuelle.
        • Cette situation ne sera cependant pas sans avantage pour eux dans la mesure où ils ne pourront pas se voir opposer les exceptions affectant les contrats dont ils ne sont pas parties.
    • Il ressort des arrêts rendus postérieurement à cet arrêt d’assemblée plénière que c’est la seconde interprétation qu’il fallait retenir.
    • Dans un arrêt du 23 juin 1993, la première chambre civile a par exemple jugé que « le maître de l’ouvrage dispose contre le fabricant d’une action contractuelle » (Cass. 1ère civ. 23 juin 1993, n°91-18.132).
    • Il s’agissait en l’espèce d’une chaîne translative de propriété (contrat de vente + contrat d’entreprise).
    • À l’inverse, dans un arrêt du 16 février 1994, la même chambre a estimé que, en matière de chaîne non translative de propriété, l’action était nature délictuelle.
    • Depuis ces arrêts, il convient donc de distinguer selon que la chaîne est translative ou non de propriété.

c. Le trouble semé par un arrêt du 22 mai 2002

Un arrêt rendu le 22 mai 2002 par la chambre commerciale est venu jeter le trouble sur la jurisprudence Besse (Cass. com. 22 mai 2002, n°99-11.113).

La Cour de cassation a, en effet, estimé dans cette décision que l’action dont disposait un maître d’ouvrage contre le sous-traitant était de nature contractuelle, alors même que c’est la solution inverse qui avait été adoptée dans l’arrêt Besse.

Si toutefois, l’on prête attention à la motivation de la Cour de cassation, celle-ci semble maintenir la distinction entre les chaînes translatives et non translatives de propriété.

Elle considère en ce sens que « si le maître de l’ouvrage qui agit contre le sous-traitant exerce l’action que le vendeur intermédiaire lui a transmise avec la propriété de la chose livrée, le sous-traitant, qui n’est pas lié contractuellement au maître de l’ouvrage, ne peut invoquer les limitations éventuellement prévues dans le contrat principal passé entre le maître de l’ouvrage et le vendeur intermédiaire ».

Aussi, cette solution ne doit, en aucune manière, être interprétée comme remettant en cause la solution dégagée dans l’arrêt Besse. La motivation retenue par la Cour de cassation est tout au plus maladroite.

Au, vrai, cet arrêt révèle la difficulté qu’il y a à déterminer si une chaîne de contrat réalise ou non un transfert de propriété, spécialement lorsqu’elle comporte un contrat d’entreprise ce qui était le cas en l’espèce.

Cass. com. 22 mai 2002

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 1998), que la société Qatar Petrochemical Cy Ltd (la société QAPCO) a confié, dans le courant de l’année 1977 à la société Technip la réalisation d’un complexe pétrochimique au Qatar ; que, suivant bon de commande du 28 novembre 1977 faisant expressément référence aux conditions particulières du contrat 5521 B datées du mois d’avril 1977, la société Technip a demandé à la société Alsthom la fourniture d’un turbo associé à un compresseur ; qu’à la suite de deux incidents survenus le 17 janvier 1984 et le 20 janvier 1986, la société Qapco et ses assureurs ont judiciairement demandé que la société Alsthom soit déclarée responsable des vices cachés affectant la turbine et condamnée à réparer le préjudice en résultant ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Alsthom fait grief à l’arrêt d’avoir dit qu’elle était tenue de réparer l’intégralité des dommages subis par la société Qapco et ses assureurs subrogés et de l’avoir condamnée à leur payer diverses sommes au titre des préjudices subis, alors, selon le moyen […]

Mais attendu, d’une part, qu’après avoir exposé que la société Alsthom avait reçu, de la société Technip, commande du turbo-compresseur le 28 novembre 1977, l’arrêt relève que seules les conditions particulières du contrat 5521 B étaient reprises dans cette commande du 28 novembre 1977 à l’exclusion des conditions générales du contrat principal liant Qapco à la société Technip ; que, dès lors, contrairement aux allégations du moyen, la cour d’appel, en se fondant, pour condamner Alsthom au profit de la société Qapco, sur l’article 11-1 des conditions particulières du contrat 5521 B, n’a pas admis la société Qapco à se prévaloir à l’encontre d’Alsthom des stipulations liant la société Qapco à la société Technip ; que le moyen manque en fait ;

Attendu, d’autre part, que, si le maître de l’ouvrage qui agit contre le sous-traitant exerce l’action que le vendeur intermédiaire lui a transmise avec la propriété de la chose livrée, le sous-traitant, qui n’est pas lié contractuellement au maître de l’ouvrage, ne peut invoquer les limitations éventuellement prévues dans le contrat principal passé entre le maître de l’ouvrage et le vendeur intermédiaire ; qu’ayant retenu que l’action du sous-acquéreur était celle de son auteur, à savoir celle du vendeur intermédiaire contre son vendeur originaire, la cour d’appel a justement décidé que la société Alsthom ne pouvait opposer que la clause limitative de responsabilité figurant dans le contrat qu’elle avait conclu avec la société Technip, vendeur intermédiaire ;

Et attendu, enfin, que l’arrêt retient que Qapco et ses assureurs subrogés étaient bien fondés à rechercher la garantie légale de l’entrepreneur et que, le contrat d’entreprise conclu par la société Alsthom ayant eu pour objet de transmettre la propriété de la chose, l’entrepreneur se trouvait tenu d’une obligation de résultat qui emportait présomption de faute et présomption de causalité ; qu’ainsi, la cour d’appel n’a pas appliqué à la société Alsthom une clause relative à la garantie légale du vendeur ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

II) L’opposabilité du contrat

Conformément au principe de l’effet relatif le contrat ne crée d’obligations qu’à la charge des parties. Est-ce qu’il ne produit aucun effet à l’égard des tiers ? C’est toute la question de l’opposabilité du contrat.

?Silence du Code civil

Bien que l’article 1199 du Code civil interdise de rendre les tiers créanciers ou débiteur d’une obligation stipulée par les contractants, l’exécution de l’acte n’en est pas moins susceptible d’avoir des répercussions sur leur situation personnelle.

Aussi, la question s’est-elle rapidement posée de savoir quel rapport les tiers entretiennent-ils avec le contrat.

Initialement, le Code civil était silencieux sur cette question. L’article 1165 se limitait à énoncer que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121. »

Pour une partie de la doctrine cette règle était incomplète. René Savatier a écrit en ce sens que « cette conception simpliste d’une liberté absolue de l’individu ne tient pas suffisamment compte des liens qui rattachent inévitablement les uns aux autres tous les membres d’une société [où] les affaires de chacun, auprès d’un côté individuel, ont aussi un côté social. Il faut donc reconnaître qu’elles ne concernent pas seulement celui qui y préside, mais à certains points de vue la société et, par conséquent, les tiers »[14].

D’autres auteurs ont encore affirmé que « se prévaloir de ce qu’une personne a passé un contrat et même de ce qu’elle ne l’a pas exécuté, c’est se prévaloir d’un pur fait, qui existe en tant que fait, donc à l’égard de tous ».

?Consécration jurisprudentielle

La Cour de cassation n’est pas, manifestement, demeurée indifférente à ces critiques puisqu’elle a affirmé le principe de l’opposabilité du contrat au tiers à de nombreuses reprises.

Dans un arrêt du 6 février 1952 la Cour de cassation a, de la sorte, considéré que « si, en principe, les conventions ne sont pas opposables à ceux qui n’y ont pas été parties, il ne s’ensuit pas que le juge ne puisse pas rechercher dans les actes étrangers à l’une des parties en cause des renseignements de nature à éclairer sa décision, ni ne puisse considérer comme une situation de fait vis-à-vis des tiers les stipulations d’un contrat » (Cass. 1ère civ. 6 févr. 1952).

Cette solution a été réaffirmée, par exemple, dans un arrêt du 22 octobre 1991 où elle estime que « s’ils ne peuvent être constitués ni débiteurs ni créanciers, les tiers à un contrat peuvent invoquer à leur profit, comme un fait juridique, la situation créée par ce contrat » (Cass. com. 22 oct. 1991, n°89-20.490).

Cass. com. 22 oct. 1991

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 1165 du Code civil ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué, que la Société industrielle et forestière en Afrique Centrale (Sifac) et la société Industries forestières Batalimo (IFB), dont M. Jacques X… présidait les conseils d’administration, étaient titulaires de comptes courants dans les livres de la Banque internationale pour l’Afrique Occidentale à Bangui (BIAO Centrafrique) et dans ceux de l’agence de la Banque internationale pour l’Afrique Occidentale à Pointe-Noire, en République populaire du Congo (BIAO) ; qu’à la suite de l’expropriation de ses avoirs au Congo, la BIAO a, le 14 août 1974, signé une convention aux termes de laquelle, notamment, la Banque commerciale congolaise (BCC) devait, dans un certain délai, lui signifier la liste des créances qu’elle ne reprenait pas, les autres créances étant, passé ce délai, considérées comme acquises par cette banque ; qu’après l’expiration du délai, la BIAO a inscrit au débit des comptes des sociétés Sifac et IFB ouverts à la BIAO Centrafrique, les montants des soldes débiteurs des comptes de ces sociétés dans les livres de son agence de Pointe-Noire ; que Jacques X… et Jeanine Y…, son épouse, se sont portés cautions, au profit de la BIAO, des dettes des deux sociétés ;

Attendu que, pour condamner les époux X… à payer diverses sommes à la BIAO en exécution de leurs engagements de cautions, l’arrêt, après avoir relevé que ceux-ci ” invoquent le protocole passé entre la Banque commerciale congolaise et la BIAO pour soutenir que la BCC n’ayant pas rejeté les créances dans le délai, seule cette dernière en est titulaire “, retient que, ” n’étant pas partie à cette convention qui n’a pas été faite dans leur intérêt, ils ne peuvent s’en prévaloir ” ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, s’ils ne peuvent être constitués ni débiteurs ni créanciers, les tiers à un contrat peuvent invoquer à leur profit, comme un fait juridique, la situation créée par ce contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 juillet 1989, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier

Ainsi, pour la Cour de cassation, le contrat est opposable aux tiers car il constitue une situation de fait qu’ils ne sauraient ignorer.

La conséquence est double :

  • En premier lieu, les tiers ne doivent pas faire obstacle à l’exécution du contrat
  • En second lieu, les tiers peuvent se prévaloir du contrat à l’encontre des parties

Appliquée régulièrement par la jurisprudence, cette règle a été consacrée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations.

?Intervention du législateur

Aux termes du nouvel article 1200 du Code civil, d’une part, « les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat », d’autre part, « ils peuvent s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un fait. »

Il ressort de cette disposition que, opposable aux tiers par les parties, la situation juridique née du contrat l’est aussi par les tiers aux parties.

Deux principes sont ainsi posés par à l’article 1200 du Code civil.

A) L’opposabilité du contrat aux tiers

1. Principe

L’article 1200, al. 1er énonce le principe selon lequel les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat

Cela signifie que les parties peuvent se prévaloir de la convention à l’encontre de personnes qui, par définition, ne l’ont pas conclue.

Cette possibilité dont disposent les contractants d’opposer le contrat aux tiers est susceptible de se rencontrer dans plusieurs situations :

?L’acte porte sur un droit réel

Dans cette hypothèse, qu’il s’agisse d’une constitution de droit réel ou d’un transfert de droit réel, l’opération conclue par les parties est opposable erga omnes.

Dans un arrêt du 22 juin 1864 la Cour de cassation a affirmé en ce sens :

  • D’une part, que « la propriété des biens s’acquiert et se transmet par l’effet des obligations, et que les contrats qui lui servent de titre et de preuve sont ceux qui sont passés entre l’acquéreur et le vendeur ».
  • D’autre part, « que le droit de propriété serait perpétuellement ébranlé si les contrats destinés à l’établir n’avaient de valeur qu’à l’égard des personnes qui y auraient été parties, puisque, de l’impossibilité de faire concourir les tiers à des contrats ne les concernant pas, résulterait l’impossibilité d’obtenir des titres protégeant la propriété contre les tiers » (Cass. civ. 22 juin 1864).

Ainsi, le contrat pourra-t-il toujours être utilisé par les parties comme mode de preuve d’un droit réel.

Cass. civ. 22 juin 1864

Vu les articles 711 et 1165 du X… Napoléon ;

Attendu qu’il a été reconnu, en fait, par les deux jugements de première instance dont l’arrêt attaqué a adopté les motifs, qu’à consulter l’acte de partage du 15 octobre 1812 et l’adjudication du 25 novembre 1855, titres invoqués par Z…, la réclamation par laquelle il revendique cette portion de haie séparant sa propriété de celle de Y… se trouve clairement établie et devrait être accueillie ;

Attendu que, s’appuyant sur ce que le partage de 1812, étranger à Y… et à ses auteurs, ne ferait pas absolument foi contre eux, le jugement préparatoire a admis les parties à faire preuve des faits de possession et de prescription, respectivement invoqués par elles, et subsidiairement par le demandeur ;

Attendu que le jugement définitif, en reconnaissant des actes de jouissance de la part de l’une et l’autre partie, a déclaré insuffisante l’enquête du demandeur, préférable celle du défendeur, et a, en conséquence, rejeté comme mal fondée la demande en revendication formée par Z… ;

Attendu qu’il ne résulte, ni du dispositif, ni des motifs de ce jugement, que la possession de Y… ou de ses auteurs ait été, pendant une durée de trente années, continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ;

Attendu que la possession de Y… n’aurait pu prévaloir sur les titres de Z… que si elle avait eu soit ce commencement, soit cette durée ; que ni l’un ni l’autre de ces caractères ne lui sont attribués par l’arrêt attaqué, et que, dans l’état des faits déclarés par cet arrêt, l’unique question qui reste à examiner est celle de savoir si les titres de Z…, quoique reconnus probants en eux-mêmes, ont à bon droit été écartés par le motif qu’ils étaient étrangers à Y… et à ses auteurs ;

Attendu qu’aux termes de l’article 711 du X… Napoléon, la propriété des biens s’acquiert et se transmet par l’effet des obligations, et que les contrats qui lui servent de titre et de preuve sont ceux qui sont passés entre l’acquéreur et le vendeur ;

Que le droit de propriété serait perpétuellement ébranlé si les contrats destinés à l’établir n’avaient de valeur qu’à l’égard des personnes qui y auraient été parties, puisque, de l’impossibilité de faire concourir les tiers à des contrats ne les concernant pas, résulterait l’impossibilité d’obtenir des titres protégeant la propriété contre les tiers ;

Attendu que, déclarer opposables aux tiers les titres réguliers de propriété, ce n’est aucunement prétendre qu’il peut résulter de ces titres une modification quelconque aux droits des tiers, et qu’ainsi la règle de l’article 1165, qui ne donne effet aux conventions qu’entre les contractants, est ici sans application ;

D’où il suit qu’en faisant prévaloir, sur les titres produits par Z…, les faits de possession tels qu’ils sont constatés dans l’espèce, et en rejetant ainsi la demande en revendication formée par Z…, l’arrêt attaqué a faussement appliqué l’article 1165 du X… Napoléon, et violé tant ledit article que l’article 711 du même code,

CASSE,

Ainsi jugé et prononcé

?L’acte porte sur une institution

Cette hypothèse vise les contrats qui créent une situation institutionnelle entre les parties à l’acte.

Tel est le cas du mariage, de l’adoption, du divorce ou encore de l’acte constitutif d’une société.

Dès lors que la situation créée entre les parties a fait l’objet des formalités de publicité requises, elle devient opposable à tous.

?L’acte porte sur un droit de créance

Le contrat ne crée, certes, d’obligations qu’à la charge des seules parties

Cette situation juridique ainsi créée n’en est pas moins opposable aux tiers.

Cela signifie, concrètement, que les tiers ne sauraient faire obstacle à l’exécution contrat.

Dans un arrêt du 26 janvier 1999, la Cour de cassation a, dans cette perspective, considéré que « le contractant, victime d’un dommage né de l’inexécution d’un contrat peut demander, sur le terrain de la responsabilité délictuelle, la réparation de ce préjudice au tiers à la faute duquel il estime que le dommage est imputable » (Cass. 1ère civ. 26 janv. 1999, n°96-20.782).

Cass. 1ère civ. 26 janv. 1999

Attendu que M. Le Bourg, commissaire aux comptes, désirant prendre sa retraite, a, par un acte du 2 avril 1984, constitué avec MM. Bertrand et André X… ce dernier décédé en cours de procédure et aux droits de qui viennent M. Bertrand X… et les consorts X… une société civile professionnelle (la SCP) dont il a été nommé gérant et à laquelle il devait ” céder sa clientèle ” ; que le contrat de cession intervenu le 17 septembre 1984 n’a pu se réaliser en février 1985, comme il en avait été convenu, en raison des dissensions qui étaient apparues entre M. Le Bourg et M. Bertrand X…, son principal associé, quant aux conditions de mise en oeuvre de la convention ; que, conformément aux statuts de la SCP, les parties ont saisi la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris pour arbitrer le litige et une sentence arbitrale du 13 février 1985 a prononcé la dissolution de la SCP ; que M. Le Bourg a alors agi pour faire constater la caducité du contrat de cession et ordonner la liquidation de la SCP ; que, statuant sur renvoi après cassation, un arrêt du 14 septembre 1994 a renvoyé l’affaire à la mise en état pour permettre aux parties de conclure au fond, à la suite de quoi M. Le Bourg a soutenu que la rupture des relations contractuelles était exclusivement imputable à M. Bertrand X… et a demandé en conséquence, du fait de la ” caducité ” de la convention et des fautes de ce dernier, de le condamner à lui payer une somme de 100 000 francs, au titre de ” l’immobilisation de sa clientèle ” pendant plus de trois ans, et une autre somme de 100 000 francs, en réparation des divers inconvénients liés à l’échec de l’opération, ainsi qu’à lui rembourser des honoraires perçus sans contrepartie ; que M. X… a reconventionnellement demandé l’allocation de différentes sommes ; que l’arrêt attaqué, rendu en suite de celui du 14 septembre 1994, a dit que les frais de liquidation de la SCP seraient supportés par les associés dans les proportions de leurs droits sociaux, et a déclaré les autres demandes des parties irrecevables […]

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de dommages-intérêts formées par M. Le Bourg contre M. X…, l’arrêt énonce que c’est à la SCP et non à M. B. X… que M. Le Bourg a cédé la clientèle de son cabinet par acte du 17 septembre 1984 et que, même s’il est constant que la rupture de cette convention a bien été la conséquence de comportements personnels, il reste que les responsabilités encourues et les conséquences à en tirer ne sauraient être jugées qu’à l’encontre de la SCP, partie au contrat litigieux et représentée par son liquidateur, à charge par ce dernier de répercuter ultérieurement les condamnations éventuelles à intervenir dans le cadre de la liquidation des droits de chacun et sauf à soumettre au juge les litiges qui pourraient subsister ;

Attendu cependant que le contractant, victime d’un dommage né de l’inexécution d’un contrat peut demander, sur le terrain de la responsabilité délictuelle, la réparation de ce préjudice au tiers à la faute duquel il estime que le dommage est imputable […]

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a dit que les frais de cette liquidation seraient supportés par les associés dans les proportions de leurs droits sociaux, et en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de M. Le Bourg tendant à l’allocation de dommages-intérêts au titre de ” l’immobilisation de sa clientèle ” et des inconvénients divers liés à la non-réalisation de la cession, au remboursement d’une somme de 60 000 francs versée à M. X… à titre d’honoraires, ainsi qu’à celui d’une quote-part des frais de fonctionnement du cabinet de M. Le Bourg, l’arrêt rendu le 2 juillet 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles.

Deux enseignements peuvent être tirés de cette décision :

  • Premier enseignement
    • Lorsqu’un tiers compromet l’exécution d’un contrat, cette intervention est constitutive d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité.
    • Cela suppose toutefois de démontrer l’existence, d’une part, d’un préjudice et, d’autre part, d’un lien de causalité entre ce préjudice et l’inexécution contractuelle.
  • Second enseignement
    • La réparation du préjudice causé au cocontractant victime de l’inexécution du contrat devra être recherchée sur le terrain de la responsabilité délictuelle.
    • Cette solution se justifie par le fait que, par définition, le tiers n’est pas partie au contrat.
    • Aussi, l’obligation qui lui échoit consiste, non pas à respecter les termes du contrat, mais à ne pas entraver sa bonne exécution.
    • Il ressort de la jurisprudence qu’il importe peu que l’inexécution contractuelle soit le fait du seul tiers ou que celui-ci se soit rendu complice des agissements de l’un des contractants (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 29 janv. 1963).
    • Dans cette dernière hypothèse, la victime pourra cumulativement agir :
      • D’abord, contre le tiers, sur le fondement de la responsabilité délictuelle
      • Ensuite, contre son cocontractant sur le fondement de la responsabilité contractuelle

2. Exception : la simulation

a. La notion de simulation

La possibilité pour les parties d’opposer le contrat aux tiers n’est pas sans limite.

Dans le droit fil des règles édictées antérieurement à la réforme des obligations, le législateur a prévu à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016 que l’acte conclu par les contractants était inopposable aux tiers en cas de simulation.

La notion de simulation est présentée à l’article 1201 du Code civil qui prévoit que « lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier, appelé aussi contre-lettre ».

Par simulation, il faut donc entendre l’opération qui consiste pour les parties à conclure simultanément deux actes dont les contenus différèrent.

Tandis que le premier acte est apparent, soit qu’il a été conclu au vu et au su des tiers, le second est quant à lui occulte en ce sens qu’il a vocation à demeurer secret.

La véritable intention des parties résidant dans ce dernier acte, très tôt, tant le législateur que la jurisprudence a estimé que l’acte occulte devait faire l’objet d’une appréhension juridique particulière, à tout le moins qu’il ne pût pas produire les mêmes effets que l’acte apparent.

b. Les formes de simulation

?L’acte fictif

L’acte fictif consiste pour les parties à simuler la conclusion d’un acte qui, en réalité, n’existe pas.

Exemple : les parties concluent ostensiblement un contrat de vente et, dans le même temps, conviennent que cet acte n’opérera aucun transfert de propriété.

L’opération est ici purement fictive, dans la mesure où ses auteurs ont simplement voulu donner à l’acte qu’ils ont conclu l’apparence d’un contrat de vente, alors que, en réalité, il n’existe pas.

?L’acte déguisé

L’acte déguisé consiste pour les parties à conférer à un acte une fausse qualification.

Exemple : les parties concluent ostensiblement un contrat de vente immobilière et conviennent, dans le même temps, que le prix ne sera, soit jamais réclamé, soit sera dérisoire.

Dans cette hypothèse, les parties choisissent délibérément de déguiser sous une autre qualification (la vente) la véritable opération qu’elles entendent conclure (une donation).

?L’interposition de personnes

Il s’agit de la manœuvre qui consiste à dissimuler l’identité du véritable contractant derrière un prête-nom.

Exemple : un bailleur consent un bail à usage d’habitation à un preneur, qui concomitamment, convient avec tiers qu’il lui concédera la jouissance des lieux.

c. Les effets de la simulation

i. À l’égard des parties la validité de l’acte occulte

?Principe

Il a toujours été admis que dès lors que les parties ont échangé leurs consentements l’acte conclu doit être regardé comme valable, quand bien même il n’a fait l’objet d’aucune révélation aux tiers.

Cette règle est exprimée à l’article 1201 du Code civil qui énonce : « le contrat occulte […] produit effet entre les parties », à supposer qu’il remplisse les conditions prévues par la loi

?Conditions

  • S’agissant des conditions de fond
    • Pour être valable, le contrat occulte doit remplir
      • Les conditions communes à tous les actes juridiques, notamment celles énoncées à l’article 1128 du Code civil.
      • Les conditions propres à l’acte dont il endosse la qualification.
    • Toutefois, pour être valable, il n’est pas nécessaire que l’acte occulte satisfasse aux conditions de validité de l’acte apparent
  • S’agissant des conditions de forme
    • Contrairement à l’acte apparent, l’acte occulte est dispensé de remplir des conditions de forme quand bien même elles seraient requises à peine de nullité.
    • Il en va ainsi d’une donation fictive qui n’aurait pas été conclue en la forme authentique comme exigé par la loi.

?Exception : la fraude

Si, en principe, l’acte simulé est valide entre les parties, il n’en va pas lorsqu’il est l’instrument d’une fraude.

L’article 1202 du Code civil énumère deux sortes d’actes occultes qui sont irréfragablement présumés frauduleux :

  • D’une part, « est nulle toute contre-lettre ayant pour objet une augmentation du prix stipulé dans le traité de cession d’un office ministériel. »
  • D’autre part, « est également nul tout contrat ayant pour but de dissimuler une partie du prix, lorsqu’elle porte sur une vente d’immeubles, une cession de fonds de commerce ou de clientèle, une cession d’un droit à un bail, ou le bénéfice d’une promesse de bail portant sur tout ou partie d’un immeuble et tout ou partie de la soulte d’un échange ou d’un partage comprenant des biens immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle. »

En dehors de ces deux hypothèses, l’acte occulte demeure valide (V. en ce sens Cass. 3e civ. 20 mars 1996), sauf à établir l’existence d’une fraude.

Quant au contrat apparent il n’encourra jamais la nullité.

ii. À l’égard des tiers : l’inopposabilité de l’acte occulte

Parce que la véritable intention des parties a été cachée aux tiers, l’acte occulte leur est inopposable en ce sens qu’il ne saurait produire aucun effet à leur endroit.

L’article 1201 du Code civil prévoit en ce sens que l’acte occulte « n’est pas opposable aux tiers »

Ainsi cette règle constitue-t-elle une exception au principe général d’opposabilité des conventions.

Elle se justifie par l’apparence créée par l’acte ostensible qui a trompé les tiers sur la véritable intention des parties.

Quid dans l’hypothèse où les tiers connaissaient ou auraient dû connaître l’acte secret ?

En pareil cas, l’acte ne revêt plus aucun caractère occulte, de sorte qu’il leur redevient opposable.

B) L’opposabilité du contrat par les tiers

Dès lors qu’il est admis que le contrat est opposable aux tiers, il serait injuste de dénier une application de ce principe en sens inverse.

C’est la raison pour laquelle l’article 1200 du Code civil autorise les tiers à se prévaloir de l’acte conclu à l’encontre des parties.

L’exercice de cette prérogative conférée aux tiers se rencontrera dans deux situations distinctes :

1. L’invocation de l’acte aux fins de rapporter la preuve d’un fait

Cette possibilité est expressément envisagée par l’article 1200 du Code civil.

La Cour de cassation avait notamment exprimé cette règle dans un arrêt du 22 octobre 1991.

Dans cette décision elle considère que « s’ils ne peuvent être constitués ni débiteurs ni créanciers, les tiers à un contrat peuvent invoquer à leur profit, comme un fait juridique, la situation créée par ce contrat » (Cass. com. 22 oct. 1991, n°89-20.490).

En défense, la partie contre qui est produit l’acte peut toutefois opposer au tiers sa nullité.

Elle a affirmé en ce sens dans un arrêt du 21 février 1995 que « la victime d’un dol est en droit d’invoquer la nullité du contrat vicié contre le tiers qui se prévaut de celui-ci » (Cass. 1ère civ. 21 févr. 1995, n°92-17.814).

2. L’invocation de l’acte aux fins d’engager la responsabilité des parties

a. Principe

Il est des situations où l’exécution d’un contrat occasionnera un préjudice aux tiers.

Exemples :

    • Le vice de construction affectant une automobile a provoqué un accident dans lequel un tiers a été blessé
    • Dans le cadre de l’exécution d’un contrat de bail, le preneur dégrade les parties communes d’un immeuble

Très tôt, la jurisprudence a admis que le tiers peut invoquer un contrat pour rechercher la responsabilité d’une partie, lorsqu’il subit un préjudice du fait de la mauvaise exécution du contrat.

Dans un arrêt du 22 juillet 1931, la Cour de cassation a considéré que « si dans les rapports des parties entre elles, les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil ne peuvent en principe être invoquées pour le règlement de la faute commise dans l’exécution d’une obligation résultant d’un engagement contractuel, elles reprennent leur empire au regard des tiers étrangers au contrat » (Cass. civ. 22 juill. 1931)

Ainsi, l’opposabilité du contrat, en tant que situation de fait, induit la faculté pour les tiers, dans l’hypothèse de la méconnaissance de cette situation par ceux qui l’ont créée, d’en obtenir la sanction juridique en se plaçant sur le terrain délictuel.

b. Conditions

Si le bien-fondé de l’action en responsabilité délictuelle dont est titulaire le tiers à l’encontre de la partie au contrat auteur du dommage n’a jamais été discuté, il n’en a pas été de même pour ses conditions de mise en œuvre.

Un débat est né autour de la question de savoir si, en cas de préjudice occasionné aux tiers, la seule inexécution contractuelle suffisait à engager la responsabilité du contractant fautif où s’il fallait, en outre, que caractériser de manière distinction l’existence d’une faute délictuelle.

Il ressort de la jurisprudence une opposition entre la chambre commerciale et la première chambre civile, ce qui a donné lieu à l’intervention de l’assemblée plénière.

?La position de la chambre commerciale : le refus d’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles

La chambre commerciale a estimé de manière constante que l’établissement de la seule inexécution du contrat ne suffisait pas à établir une faute de nature à engager la responsabilité de la partie au contrat qui, dans le cadre de l’exécution de ses obligations, a causé un dommage à un tiers.

Dans un arrêt du 5 avril 2005, elle a estimé en ce sens « qu’un tiers ne peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir de l’inexécution du contrat qu’à la condition que cette inexécution constitue un manquement à son égard au devoir général de ne pas nuire à autrui » (Cass. com. 5 avr. 2005, n°03-19.370).

Ainsi, pour la chambre commerciale, pour que le tiers victime de la mauvaise exécution du contrat puisse rechercher la responsabilité du contractant fautif il est nécessaire qu’il rapporte la preuve d’une faute délictuelle distincte de la faute contractuelle.

Cette solution repose sur l’idée que le principe de l’effet relatif des conventions fait obstacle à ce qu’un tiers au contrat puisse tirer profit d’une faute contractuelle laquelle ne peut être invoquée que par les seules parties à l’acte.

Cass. com. 5 avr. 2005

Vu l’article 1382 du Code civil ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société d’exploitation française de recherches Bioderma (la SEFRB) a consenti à la société Lyonnaise pharmaceutique (la société Lipha) une licence exclusive de commercialisation de produits cosmétiques ; que la société Merck ayant pris le contrôle de la société Lipha, cette dernière s’est engagée à s’abstenir de toute concurrence envers la SEFRB durant deux ans ; que la société Bioderma, filiale de la société SEFRB, créée après l’intervention de ce protocole afin de reprendre la commercialisation des produits, a poursuivi la société Lipha, aux droits de laquelle est désormais la société Merck santé France, en réparation du préjudice causé par manquement à son engagement ; qu’après avoir ordonné une expertise par arrêt du 14 avril 2000, la cour d’appel a liquidé ce préjudice par arrêt du 16 janvier 2003 ;

Attendu que pour déclarer la société Bioderma fondée à engager la responsabilité de la société Merck santé France en raison de la violation du protocole d’accord, et condamner celle-ci au paiement de diverses sommes en réparation du préjudice consécutif, l’arrêt du 14 avril 2000 retient que, s’ils ne peuvent être constitués débiteurs ou créanciers, les tiers à un contrat peuvent invoquer à leur profit, comme un fait juridique, la situation créée par ce contrat et demander, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la réparation du préjudice résultant de la violation du contrat, et l’arrêt du 16 janvier 2003, que cette décision a reconnu l’intérêt d’un tiers à agir en réparation du préjudice résultant de la violation du contrat auquel il n’est pas partie sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’un tiers ne peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir de l’inexécution du contrat qu’à la condition que cette inexécution constitue un manquement à son égard au devoir général de ne pas nuire à autrui, la cour d’appel, qui n’a pas recherché si les agissements reprochés constituaient une faute à l’égard de la société Bioderma, n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus les 14 avril 2000 et 16 janvier 2003, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;

?La position de la première chambre civile : l’admission de l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles

Dans plusieurs décisions, la première chambre civile de la Cour de cassation a admis que la seule inexécution contractuelle suffisait à fonder l’action en responsabilité délictuelle engagée par le tiers victime à l’encontre du contractant fautif.

Dans un arrêt du 15 décembre 1998 elle a considéré par exemple que « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur a causé un dommage » (Cass. 1ère civ. 15 déc. 1998, n°96-21.905 et 96-22.440).

Nul n’est dès lors besoin de rapporter la preuve d’une faute délictuelle distincte de la faute contractuelle.

Les deux fautes font ici l’objet d’une assimilation.

L’inexécution du contrat est, autrement dit, regardée comme une faute délictuelle, ce qui justifie que la responsabilité du contractant fautif puisse être recherchée.

La première chambre civile a réitéré cette solution dans un arrêt particulièrement remarqué du 13 février 2001 à l’occasion duquel elle a estimé que « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage, sans avoir à rapporter d’autre preuve » (Cass. 1ère civ. 13 févr. 2001, n°99-13.589).

Cass. 1ère civ. 13 févr. 2001

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1165 et 1382 du Code civil ;

Attendu que les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage, sans avoir à rapporter d’autre preuve ;

Attendu qu’en 1983 Claude X… a été contaminé par le virus de l’immuno déficience humaine à l’occasion d’une transfusion sanguine réalisée avec des produits fournis par le Centre régional de transfusion sanguine de Rennes (le Centre) ; qu’il a été indemnisé de son préjudice spécifique de contamination par le Fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles ; qu’après son décès, survenu en septembre 1992, consécutif à un SIDA déclaré, sa fille Christelle X…, alors âgée de 17 ans, a engagé devant les juridictions de droit commun une action contre le Centre et son assureur, la compagnie Axa, aux fins de réparation du préjudice par ricochet, moral et économique, qu’elle subissait du fait de la mort de son père ; que l’arrêt attaqué l’a déboutée de son action au motif qu’elle ne pouvait invoquer l’obligation contractuelle de sécurité de résultat pesant sur le Centre en l’absence de lien contractuel avec celui-ci et qu’elle ne rapportait pas la preuve d’une faute dudit centre ;

Attendu qu’en statuant ainsi alors qu’un centre de transfusion sanguine est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les produits sanguins qu’il cède et que le manquement à cette obligation peut être invoqué aussi bien par la victime immédiate que par le tiers victime d’un dommage par ricochet, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu, en application de l’article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, qu’il y a lieu à cassation sans renvoi, en ce qui concerne le droit pour Mlle X… d’invoquer à l’encontre du Centre régional de transfusion sanguine de Rennes l’obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu, la Cour de Cassation pouvant mettre fin au litige de ce chef en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande de Mlle Christelle X… tendant à la réparation de son préjudice par ricochet, l’arrêt rendu le 25 février 1998, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

?L’intervention de l’assemblée plénière : l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles

Afin de mettre un terme au conflit qui opposait la chambre commerciale à la première chambre civile, l’assemblée plénière a été contrainte d’intervenir.

Aussi dans un arrêt du 6 octobre 2006, c’est à la première chambre civile qu’elle a donné raison.

Elle a estimé en effet que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » (Cass. ass. plén. 6 oct. 2006, n°05-13.255).

Cass. ass. plén. 6 oct. 2006

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2005), que les consorts X… ont donné à bail un immeuble commercial à la société Myr’Ho qui a confié la gérance de son fonds de commerce à la société Boot Shop ; qu’imputant aux bailleurs un défaut d’entretien des locaux, cette dernière les a assignés en référé pour obtenir la remise en état des lieux et le paiement d’une indemnité provisionnelle en réparation d’un préjudice d’exploitation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts X… font grief à l’arrêt d’avoir accueilli la demande de la société Boot Shop, locataire-gérante, alors, selon le moyen, “que si l’effet relatif des contrats n’interdit pas aux tiers d’invoquer la situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n’ont pas été parties, dès lors que cette situation de fait leur cause un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité délictuelle, encore faut-il, dans ce cas, que le tiers établisse l’existence d’une faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel ; qu’en l’espèce, il est constant que la société Myr’Ho, preneur, a donné les locaux commerciaux en gérance à la société Boot Shop sans en informer le bailleur ; qu’en affirmant que la demande extra-contractuelle de Boot Shop à l’encontre du bailleur était recevable, sans autrement caractériser la faute délictuelle invoquée par ce dernier, la cour d’appel a entaché sa décision d’un manque de base légale au regard de l’article 1382 du code civil” ;

Mais attendu que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les accès à l’immeuble loué n’étaient pas entretenus, que le portail d’entrée était condamné, que le monte-charge ne fonctionnait pas et qu’il en résultait une impossibilité d’utiliser normalement les locaux loués, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé le dommage causé par les manquements des bailleurs au locataire-gérant du fonds de commerce exploité dans les locaux loués, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les 2ème et 3ème moyens, dont aucun ne serait de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

La solution adoptée par l’assemblée plénière en 2006 a, par la suite, été confirmée à plusieurs reprises, tant par la première chambre civile (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 4 juill. 2007 ; Cass. 1ère civ. 30 sept. 2010, n°09-69.129), que par la chambre commerciale.

Dans un arrêt du 2 mars 2007, cette dernière a ainsi considéré que « le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » (Cass. com. 2 mars 2007, n°04-13.689)

Elle reprend ici mot pour mot la solution dégagée par l’assemblée plénière ce qui marque l’abandon de sa position antérieure.

Cass. com. 2 mars 2007

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ;

Attendu, selon l’arrêt déféré, que par contrat de licence conclu courant septembre 1991, la société Jean-Louis Scherrer a concédé à la société de droit néerlandais Elisabeth Arden international BV, aux droits de laquelle se trouve la société Unilever Cosmetics international BV (société E. Arden) le droit de fabriquer et de vendre dans le monde entier divers produits sous la dénomination et la marque Jean-Louis Scherrer ; que, par acte du 2 décembre 1992, la société Jean-Louis Scherrer a apporté à la société JLS marques la marque Jean-Louis Scherrer, ses déclinaisons et la branche d’activité relative à l’exploitation de la marque, laquelle comprenait les contrats de licence en cours, dans la mesure où ceux-ci étaient transmissibles, que la société E. Arden, arguant de la clause d’incessibilité du contrat de licence, un accord a été conclu le 10 octobre 1994 entre la société JLS marques, titulaire de la marque, la société Jean-Louis Scherrer, licencié de la société JLS marques depuis le 27 avril 1993, et la société E. Arden, aux termes duquel la convention de cession de marques signée entre les deux premières sociétés ne modifiait pas le contrat de licence conclu entre les sociétés Jean-Louis Scherrer et E. Arden ; que, le 17 mars 2000, la société E. Arden a régulièrement notifié à la société EK finances, venant aux droits de la société Jean-Louis Scherrer et à la société JLS marques sa décision de ne pas exercer l’option de renouvellement prévue au contrat de licence ; que la société JLS marques a poursuivi judiciairement la société E. Arden en responsabilité contractuelle puis en responsabilité délictuelle, la société EK finances intervenant volontairement à l’instance ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société JLS marques en responsabilité fondée sur l’article 1382 du code civil, l’arrêt retient que cette société, qui reprochait à la société E. Arden d’avoir manqué gravement à ses obligations contractuelles en ne procédant pas à une diffusion géographique et à une commercialisation mondiale suffisante des produits et en ne lançant pas la ligne pour homme, et faisait valoir que les mauvais résultats de la licence s’expliquaient par la médiocrité des efforts publicitaires et promotionnels, n’a développé aucun moyen de nature à établir la responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article 1382 du code civil ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant rejeté la demande de la société Scherrer fondée sur les dispositions de l’article 1382 du code civil, l’arrêt rendu le 14 janvier 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

La position de la Cour de cassation a, manifestement, été accueillie pour le moins froidement par une frange de la doctrine, certains auteurs estimant qu’elle était bien trop favorable aux tiers.

Cette solution leur permet, en effet, de s’émanciper de la rigueur contractuelle à laquelle se sont astreintes les parties notamment par le jeu des obligations de résultat ou des clauses limitatives de responsabilité.

Aussi, peut-on regretter que le législateur soit resté silencieux sur ce point.

L’avant-projet de réforme de la responsabilité civile laisse toutefois augurer une modification de ce point de droit.

Les auteurs de cet avant-projet envisagent d’introduire un nouvel article 1234 qui disposerait que :

  • « Lorsque l’inexécution du contrat cause un dommage à un tiers, celui-ci ne peut demander réparation de ses conséquences au débiteur que sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à charge pour lui de rapporter la preuve de l’un des faits générateurs visés à la section II du chapitre II.
  • Toutefois, le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d’un contrat peut également invoquer, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage. Les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants lui sont opposables. Toute clause qui limite la responsabilité contractuelle d’un contractant à l’égard des tiers est réputée non écrite. »

Le débat n’est donc pas clos.

Il est fort à parier que la position adoptée par l’assemblée plénière en 2006 sera brisée par le législateur.

  1. V. en ce sens Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, LGDJ, 1963 ; N. Fricero-Goujon, La caducité en droit judiciaire privé : thèse Nice, 1979 ; C. Pelletier, La caducité des actes juridiques en droit privé, L’Harmattan, coll. « logiques juridiques », 2004 ; R. Chaaban, La caducité des actes juridiques, LGDJ, 2006. ?
  2. R. Perrot, « Titre exécutoire : caducité d’une ordonnance d’homologation sur la pension alimentaire », RTD Civ., 2004, p. 559. ?
  3. M.-C. Aubry, « Retour sur la caducité en matière contractuelle », RTD Civ., 2012, p. 625. ?
  4. H. roland et L. Boyer, Introduction au droit, Litec, coll. « Traités », 2002, n°02, p. 38. ?
  5. Article 1089 du Code civil. ?
  6. Article 1043 du Code civil. ?
  7. Article 1042, alinéa 1er du Code civil. ?
  8. V. Wester-Ouisse, « La caducité en matière contractuelle : une notion à réinventer », JCP G, n°, Janv. 2001, I 290. ?
  9. V. en ce sens F. Garron, La caducité du contrat : étude de droit privé, PU Aix-Marseille, 2000. ?
  10. Le régime juridique de la caducité contractuelle figure désormais aux nouveaux articles 1186 et 1187 du Code civil. ?
  11. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Puf, 2014, V. Caducité. ?
  12. V. en ce sens A. Foriers, La caducité des obligations contractuelles par disparition d’un élément essentiel à leur formation, Bruylant, 1998, n°54 et s. ?
  13. D. de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, éd. Odile Jacob, 1997, p. 61. V. également en ce sens F. Rangeon, « Réflexions sur l’effectivité du droit » in les usages sociaux du droit, Centre universitaire de recherches administratives et politiques de Picardie, PUF, 1989, p. 130 ; P. Amselek, « Kelsen et les contradictions du positivisme », APD, 1983, n°28, p. 274. Pour la thèse opposée V. H. Kelsen, Théorie pure du droit, éd. Bruylant-LGDJ, 1999, trad. Ch. Eisenmann, p. 19 et s. ?
  14. R. Savatier, Le prétendu principe de l’effet relatif des contrats, R.T.D. Civ., 1934, p. 544. ?

De la distinction entre les notions de nullité, de rescision, de caducité, d’inexistence, de résolution, de résiliation et d’inopposabilité

Tableau récapitulatif.JPG

Frise.JPG

1. Nullité et caducité

?Défaillance

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances.

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La caducité
    • Elle s’identifie à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

?Volonté des parties

Pour être acquise, la caducité doit résulter de la survenant d’un événement indépendant de la volonté des parties.

Admettre le contraire reviendrait à conférer indirectement aux parties un droit de rupture unilatérale du contrat.

?Effets

  • La nullité
    • Elle est, en principe, assortie d’un effet rétroactif.
    • L’acte est donc anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
  • La caducité
    • Selon les termes de l’article 1187 du Code civil, elle met simplement fin au contrat, de sort qu’elle n’opère que pour l’avenir.
    • Les parties pourront toujours solliciter des restitutions.

2. Nullité et résolution

?Défaillance

Comme la caducité, la résolution ne vise à pas sanctionner la même défaillance que la nullité.

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La résolution
    • Elle sanctionne une irrégularité qui procède de la survenance d’une circonstance postérieure à la formation.
    • Cette irrégularité consiste
      • Soit en une inexécution
      • Soit en la non-réalisation d’une condition

Tandis que la nullité intervient au moment de la formation du contrat, la résolution ne peut survenir qu’au cours de son exécution.

?Effets

  • Principe
    • La nullité et la résolution produisent les mêmes effets : elles sont toutes les deux assorties d’un effet rétroactif.
  • Exception
    • En matière de contrat à exécution successive, il ressort de l’article 1229, al. 3 du Code civil que « lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. »
    • Autrement dit, contrairement à la résolution, la résiliation anéantit le contrat seulement pour l’avenir.
    • Elle ne produit aucun effet rétroactif.

3. Nullité et rescision

?Défaillance

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La rescision
    • Elle sanctionne la lésion qui affecte certains contrats au moment de leur formation.
    • Par lésion, il faut entendre le préjudice subi par l’une des parties au moment de la conclusion du contrat, du fait d’un déséquilibre existant entre les prestations.

?Effets

Tant la nullité que la rescision sont assorties d’un effet rétroactif. Le contrat est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés

4. Nullité et inopposabilité

?Défaillance

Tant la nullité que l’inopposabilité résultent du non-respect d’une condition de formation du contrat.

L’inopposabilité résultera, le plus souvent, du non-accomplissement d’une formalité de publicité.

?Effets

  • La nullité
    • Elle anéantit l’acte qu’elle frappe, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
  • L’inopposabilité
    • Contrairement à la nullité, elle n’a pas pour effet d’anéantir l’acte : il demeure valable entre les parties
    • L’inopposabilité a seulement pour effet de rendre l’acte inefficace pour les tiers.

5. Nullité et inexistence

?Défaillance

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • L’inexistence
    • Si l’inexistence se rapproche de la nullité en ce qu’elle consiste en la sanction prononcée à l’encontre d’un acte dont l’un des éléments constitutifs essentiels à sa formation fait défaut.
    • Elle s’en distingue, en ce qu’elle intervient lorsque la défaillance qui atteint l’une des conditions de validité de l’acte porte sur son processus de formation.
    • Autrement dit, tandis qu’en matière de nullité l’échange des consentements a eu lieu, tel n’est pas le cas en matière d’inexistence.
    • Aussi, l’inexistence vient-elle précisément sanctionner l’absence de rencontre des volontés.
    • Dans un arrêt du 5 mars 1991, la Cour de cassation a approuvé en ce sens une Cour d’appel qui, après avoir relevé qu’aucun échange de consentement n’était intervenu entre les parties, a estimé qu’il n’y avait pas pu y avoir de contrat elles (Cass. 1ère civ., 5 mars 1991, n°89-17.167).
    • Conformément à cette jurisprudence, l’erreur obstacle devrait donc, en toute logique, être sanctionnée par l’inexistence, comme le soutiennent certains auteurs et non par la nullité.

?Effets

  • La nullité
    • Dans l’hypothèse, où le non-respect d’une condition de validité du contrat est sanctionné par la nullité, celui qui entend contester l’acte dispose d’un délai de 5 ans pour agir.
    • Conformément à l’article 2224 du Code civil, le point de départ de ce délai de prescription court à compter « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Il s’agira, le plus souvent, du jour de la conclusion du contrat.
  • L’inexistence
    • Dans l’hypothèse toutefois où la sanction prononcée est l’inexistence de l’acte, le contrat n’a jamais été formé puisque les volontés ne se sont pas rencontrées.
    • Il en résulte que les parties à l’acte inexistant ne sauraient se prévaloir d’aucun droit, sinon de celui de faire constater l’inexistence.
    • Aussi, l’exercice de l’action en inexistence n’est-il subordonné à l’observation d’un quelconque délai de prescription.
    • L’intérêt de la sanction de l’inexistence ne tient pas seulement à l’absence de prescription de l’action.
    • Elle réside également dans l’impossibilité pour les parties de confirmer l’acte.
    • On ne saurait, en effet, confirmer la validité d’un acte qui n’a jamais existé.