Comment rédiger des conclusions ?
Guide méthodologique exhaustif pour maîtriser la rédaction des conclusions en procédure civile
Les conclusions constituent l'acte procédural par lequel les parties expriment leurs prétentions et exposent les moyens en fait et en droit qui les fondent. Elles matérialisent l'exercice des droits de la défense et participent directement à la détermination de l'objet du litige.
Les conclusions remplissent deux fonctions essentielles :
- Fonction argumentative : exposer le raisonnement juridique et factuel soutenant les prétentions
- Fonction procédurale : déterminer l'objet du litige et constituer une diligence interruptive de prescription et de péremption d'instance
« L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. »
Le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Procédures écrites (conclusions obligatoires)
- Tribunal judiciaire en procédure écrite ordinaire (représentation obligatoire)
- Cour d'appel dans le cadre de la procédure contentieuse avec représentation obligatoire
- Cour de cassation (sous forme de mémoires)
Procédures orales (conclusions facultatives mais recommandées)
- Tribunal de commerce
- Conseil de prud'hommes
- Tribunal paritaire des baux ruraux
- Juridictions de sécurité sociale
- Juge de l'exécution
- Juge aux affaires familiales (certaines procédures)
- Tribunal judiciaire en procédure orale
Dans les procédures orales, les prétentions doivent en principe être présentées oralement à l'audience. Les conclusions écrites ne produisent pleinement leurs effets que si :
- Les parties s'y réfèrent expressément à l'audience, ou
- Le juge autorise les parties à formuler leurs prétentions par écrit sans se présenter (art. 446-1 et 446-2 CPC)
Effets substantiels
- Interruption de la prescription : les conclusions contenant une demande reconventionnelle interrompent la prescription (Cass. 2e civ., 26 nov. 1998)
- Interruption du délai préfix : mêmes effets pour les délais de forclusion
- Caractère contraignant de l'aveu : l'aveu judiciaire contenu dans les conclusions engage son auteur
- Effet acquisitif : les faits reconnus dans les conclusions peuvent être retenus par le juge
Effets procéduraux
- Détermination de l'objet du litige : délimitation du périmètre des prétentions soumises au juge
- Office du juge : le juge est tenu de répondre aux prétentions et moyens soulevés dans les conclusions
- Diligence procédurale : interruption de la péremption d'instance (art. 386 CPC)
- Constitution implicite : le dépôt de conclusions vaut constitution d'avocat
- Point de départ des délais : notification des conclusions faisant courir certains délais
Dans les procédures écrites, les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions l'ensemble des prétentions et moyens présentés antérieurement. À défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés (art. 768 et 954 CPC).
Les conclusions obéissent à une structure rigoureuse, harmonisée par les articles 446-2, 768 et 954 du CPC, qui imposent une présentation méthodique facilitant l'examen du dossier par le juge.
Plan-type des conclusions
-
⓵ EN-TÊTE
Juridiction saisie, numéro RG, identification des parties, constitution d'avocat -
⓶ FORMULE INTRODUCTIVE
« PLAISE AU TRIBUNAL » ou « PLAISE À LA COUR » -
⓷ RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Exposé synthétique, chronologique et objectif de la situation -
⓸ DISCUSSION
Argumentation en fait et en droit, structurée par moyens -
⓹ DISPOSITIF (« PAR CES MOTIFS »)
Récapitulation hiérarchisée des prétentions -
⓺ BORDEREAU DE PIÈCES
Liste numérotée et détaillée des pièces justificatives
Depuis le décret du 28 décembre 1998 et ses perfectionnements ultérieurs, le législateur impose une présentation formellement distincte des moyens nouveaux (art. 768, 954 CPC). Cette exigence vise à faciliter le contradictoire et l'examen des écritures.
Style classique « en attendus »
Caractéristiques :
- Rédaction en propositions subordonnées introduites par « ATTENDU QUE » ou « CONSIDÉRANT QUE »
- Phrase unique dont la proposition principale est le dispositif
- Style solennel hérité de la tradition judiciaire française
- Convient particulièrement aux procédures écrites formelles
Style moderne « en style direct »
Caractéristiques :
- Exposition directe des arguments sans « attendus »
- Succession de phrases indépendantes
- Clarté et accessibilité privilégiées
- Particulièrement recommandé en procédure orale
Le choix du style relève de l'appréciation du rédacteur. Les deux formes sont juridiquement équivalentes. Il est même possible de les panacher. Privilégiez avant tout la clarté, la cohérence et la rigueur démonstrative.
Principes rédactionnels communs
- Concision : éviter les répétitions et longueurs inutiles
- Précision juridique : employer la terminologie exacte
- Structuration logique : hiérarchiser l'argumentation
- Référencement rigoureux : viser systématiquement les pièces
- Respect du contradictoire : répondre aux arguments adverses
En-tête des conclusions
Pour les personnes physiques :
- Nom et prénoms
- Profession
- Domicile
- Nationalité
- Date et lieu de naissance
Pour les personnes morales :
- Forme sociale
- Dénomination
- Siège social
- Organe qui la représente légalement
Corps des conclusions
- Prétentions récapitulées au dispositif : énoncé clair de ce qui est demandé au juge
- Moyens en fait et en droit : pour chaque prétention, exposé du fondement factuel et juridique
- Indication des pièces : visa des pièces invoquées avec leur numérotation
- Présentation distincte des moyens nouveaux : les moyens non formulés antérieurement doivent être formellement individualisés
Signature
Les conclusions doivent être signées par l'avocat (art. 766 et 961 CPC). Le cachet ne suffit pas (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000). Un document dépourvu de signature n'a pas valeur de conclusions et ne peut interrompre la prescription.
En cas de communication électronique par RPVA, l'identification électronique vaut signature (art. 748-6 CPC).
N° R.G. : [numéro au rôle]
Affaire : [nom du demandeur] C/ [nom du défendeur]
Conclusions notifiées le [date] par RPVA
Audience du [date] à [heure]
Mentions relatives à la juridiction
- Désignation précise de la juridiction : « TRIBUNAL JUDICIAIRE DE [VILLE] » ou « COUR D'APPEL DE [VILLE] »
- Formation saisie : indication de la chambre et éventuellement de la section
- Destinataire spécifique si nécessaire : « Monsieur le Juge de la Mise en État » ou « Monsieur le Conseiller de la Mise en État »
Devant le tribunal judiciaire, « le juge de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées » (art. 791 CPC). Il en est de même en appel pour le conseiller de la mise en état (art. 914 CPC).
Identification de l'affaire
- Numéro de rôle (RG) : identifiant unique attribué par le greffe
- Intitulé de l'affaire : « [Demandeur] C/ [Défendeur] »
- Date et mode de notification : « Conclusions notifiées le [date] par RPVA »
- Audience visée : date et heure de l'audience pour laquelle les conclusions sont établies
Il est fortement recommandé de numéroter les jeux de conclusions successifs (Conclusions n°1, Conclusions n°2, etc.). Cette numérotation facilite l'identification de l'ordre chronologique et permet au juge de se référer aisément aux « dernières conclusions » au sens de l'article 768 ou 954 CPC.
Monsieur [Prénom] [NOM], né le [date], à [ville], de nationalité [pays], de profession [profession], demeurant [adresse complète]
[DEMANDEUR/DÉFENDEUR]
Ayant pour avocat constitué :
Maître [Prénom] [NOM], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse du cabinet]
Au cabinet duquel il est fait élection de domicile
La société [RAISON SOCIALE], [forme sociale], au capital social de [montant] euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro [SIREN], dont le siège social est sis [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège
[DEMANDERESSE/DÉFENDERESSE]
Ayant pour avocat constitué :
Maître [Prénom] [NOM], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse du cabinet]
Au cabinet duquel il est fait élection de domicile
L'absence de ces mentions entraîne l'irrecevabilité des conclusions (art. 766 et 961 CPC). Cette irrecevabilité est toutefois susceptible de régularisation (art. 126 CPC).
La Cour de cassation a jugé que ces exigences ne méconnaissent pas le droit d'accès au juge dès lors qu'il suffit de communiquer les informations manquantes pour régulariser (Cass. 2e civ., 21 oct. 2010).
Identification des parties adverses et tierces
[Identification complète selon le même modèle]
EN PRÉSENCE DE :
[Pour les éventuels tiers intervenants]
Si la procédure distingue avocat postulant et avocat plaidant (ce qui n'est plus le cas depuis la fusion des professions d'avocat et d'avoué), mentionner les deux :
- Avocat constitué (postulant) : accomplit les actes de procédure
- Avocat plaidant : assure la plaidoirie orale
ou
PLAISE À LA COUR
Cette formule traditionnelle, bien que non obligatoire, marque solennellement le début de l'exposé des prétentions et moyens. Elle témoigne du respect dû à la juridiction.
Certains praticiens préfèrent une formulation plus directe en omettant cette formule et en commençant immédiatement par l'exposé des faits. Cette pratique est parfaitement admise, notamment dans les procédures orales.
Rappel liminaire de la saisine (en défense)
[Énoncé synthétique des prétentions du demandeur]
Toutefois, cette demande est [irrecevable et/ou] mal fondée et il ne saurait y être fait droit ainsi qu'il sera démontré ci-après.
Ce rappel permet au juge de situer immédiatement le contexte procédural et annonce la position du concluant.
I) RAPPEL DES FAITS
Cette section doit présenter un exposé synthétique, chronologique et objectif de la situation factuelle. Il s'agit du socle factuel sur lequel reposera l'argumentation juridique.
- Objectivité : présenter les faits tels qu'ils pourraient figurer dans la décision à intervenir
- Chronologie : respecter l'ordre temporel des événements pour faciliter la compréhension
- Concision : éviter les détails superflus ; ne retenir que les faits juridiquement pertinents
- Justification : chaque élément de fait doit être étayé par une pièce justificative visée
Par contrat de vente du 12 janvier 2024 (pièce n°1), la société X s'est engagée à livrer à la société Y 500 unités de marchandises au plus tard le 15 mars 2024.
Les conditions générales de vente stipulent que tout retard de livraison excédant 15 jours ouvre droit à l'application d'une pénalité contractuelle (pièce n°2).
Le bon de commande n°2024-045 a été confirmé le 20 janvier 2024 (pièce n°3).
À ce jour, aucune livraison n'est intervenue malgré plusieurs relances (pièces n°4 à n°7).
Une mise en demeure a été adressée le 20 mars 2024, demeurée sans réponse (pièce n°8).
Rappel de la procédure
Il convient également de retracer succinctement l'historique procédural, notamment :
- Date de l'assignation ou de la déclaration d'appel
- Constitution des avocats
- Échanges de conclusions antérieurs
- Ordonnances de procédure (mise en état, mesures d'instruction, etc.)
- Tentatives de conciliation ou de médiation le cas échéant
L'exposé des faits ne doit pas anticiper sur la discussion juridique. Il s'agit d'une présentation neutre, sans qualification juridique prématurée. Les appréciations et qualifications juridiques doivent figurer dans la section « Discussion ».
II) DISCUSSION
La discussion constitue le cœur argumentatif des conclusions. Elle doit être méthodiquement structurée pour permettre au juge d'examiner successivement chaque moyen soutenant les prétentions.
En application des articles 73 et suivants du CPC, les moyens doivent être présentés selon un ordre déterminé :
- In limine litis (avant toute défense au fond) : exceptions de procédure
- En tout état de cause : fins de non-recevoir
- Sur le fond : défenses au fond
- À titre reconventionnel : demandes reconventionnelles éventuelles
A) Les moyens in limine litis (exceptions de procédure)
Définition (art. 73 CPC) :
L'exception de procédure est tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Principales exceptions de procédure :
- Exception d'incompétence (art. 75 à 99 CPC)
- Exception de litispendance (art. 100 CPC)
- Exception de connexité (art. 101 CPC)
- Exceptions dilatoires (art. 108 à 111 CPC)
- Exception de nullité pour vice de forme ou irrégularité de fond (art. 112 à 121 CPC)
À peine d'irrecevabilité, les exceptions de procédure doivent être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (art. 74 CPC), alors même que les règles invoquées seraient d'ordre public.
B) Les fins de non-recevoir
Définition (art. 122 CPC) :
Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir.
Principales fins de non-recevoir :
- Défaut de qualité à agir
- Défaut d'intérêt à agir
- Prescription extinctive
- Délai préfix ou forclusion
- Autorité de chose jugée
- Défaut d'accomplissement d'une formalité préalable (tentative de conciliation, saisine d'une commission, etc.)
Contrairement aux exceptions de procédure, les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause (art. 123 CPC). Toutefois, le juge peut condamner à des dommages-intérêts celui qui se serait abstenu, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Elles peuvent être relevées d'office par le juge lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public (art. 125 CPC).
C) Les défenses au fond
Définition (art. 71 CPC) :
Constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
La défense au fond vise à démontrer que la prétention adverse est juridiquement ou factuellement infondée. Elle se situe sur le terrain du bien-fondé de la demande.
Chaque moyen au fond doit être structuré selon le raisonnement syllogistique :
- Majeure : énoncé de la règle de droit applicable
- Mineure : application aux faits de l'espèce
- Conclusion : conséquence juridique qui en découle
Toute démonstration juridique repose sur le raisonnement syllogistique, qui permet d'établir la validité formelle du raisonnement et de convaincre le juge du bien-fondé des prétentions.
Majeure (règle de droit) :
L'article 1231-1 du Code civil dispose que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution. »
Mineure (faits de l'espèce) :
En l'espèce, la société X s'était contractuellement engagée à livrer les marchandises au plus tard le 15 mars 2024 (cf. pièce n°3). Or, à ce jour, aucune livraison n'est intervenue malgré plusieurs relances (cf. pièces n°5 à n°7), caractérisant une inexécution contractuelle manifeste.
Conclusion juridique :
Par conséquent, la société X doit être condamnée à réparer le préjudice résultant de cette inexécution, conformément aux stipulations contractuelles et aux dispositions légales précitées.
Règles d'argumentation
- Citer précisément les textes : articles de loi, règlements, directives européennes
- Viser la jurisprudence pertinente : Cour de cassation, cours d'appel (avec références complètes)
- Référencer systématiquement les pièces : chaque allégation de fait doit renvoyer à une pièce justificative
- Structurer par moyens distincts : un moyen = un fondement juridique autonome
- Anticiper les objections adverses : réfuter préventivement les arguments prévisibles
- Hiérarchiser les arguments : présenter d'abord les moyens les plus solides
Les articles 446-2, 768 et 954 CPC imposent expressément de mentionner les moyens en fait et en droit. Il ne suffit pas d'alléguer des faits : il faut les qualifier juridiquement et indiquer le fondement textuel ou jurisprudentiel de la prétention.
Visa et communication des pièces
La partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance. Cette communication doit être spontanée.
Règles de visa (art. 768 CPC) :
- Chaque prétention doit être fondée avec indication des pièces invoquées et de leur numérotation
- Numérotation continue (pièce n°1, n°2, n°3...)
- Référencement systématique : « (cf. pièce n°X) » ou « ainsi qu'en atteste la pièce n°Y »
- Bordereau récapitulatif annexé aux conclusions
Toute allégation de fait doit être étayée par une pièce. Un argument non prouvé sera écarté par le juge.
Conformément aux articles 4 et 9 du CPC, celui qui allègue un fait doit le prouver.
D) Les demandes reconventionnelles
Définition (art. 64 CPC) :
Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
La demande reconventionnelle se distingue de la simple défense au fond :
- Défense au fond : vise uniquement au rejet de la demande adverse
- Demande reconventionnelle : sollicite une condamnation ou un droit propre au profit du défendeur
Condition de recevabilité
La demande reconventionnelle n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Exception : la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout.
Le lien suffisant est caractérisé lorsqu'il existe un risque de décisions contradictoires ou difficilement conciliables. Il s'apprécie par analogie avec la notion de connexité (art. 101 CPC).
Exemples de demandes reconventionnelles
- Demande en dommages-intérêts opposée au demandeur poursuivi en paiement
- Demande en nullité ou résolution du contrat opposée au demandeur poursuivant en exécution forcée
- Demande en compensation judiciaire de créances réciproques
- Demande en garantie formée contre le demandeur initial
Effets de la demande reconventionnelle
- Interruption de la prescription à la date de notification des conclusions (même en procédure orale si comparution à l'audience)
- Élargissement de l'objet du litige : le juge doit statuer sur cette demande
- Application du principe du contradictoire : le demandeur initial doit pouvoir y répondre
Le dispositif constitue la synthèse opérationnelle des conclusions. Il récapitule de manière claire, précise et hiérarchisée l'ensemble des prétentions soumises au juge.
Le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion (art. 4 et 5 CPC).
Le dispositif doit donc être exhaustif, précis et cohérent avec l'argumentation développée.
Formule introductive
Cette formule traditionnelle marque le passage de l'argumentation (« motifs ») aux prétentions (« dispositif »). Elle est suivie des visas des textes et jurisprudences applicables.
Visas préliminaires
Vu les articles [références des textes applicables]
Vu la jurisprudence
Vu les pièces versées au débat
Il est demandé au [Tribunal/à la Cour] de [ville] de :
Selon la procédure et le style adopté, plusieurs formules sont possibles :
- « Il est demandé au Tribunal de [ville] de : »
- « Plaise au Tribunal : »
- « [Nom de la partie] sollicite qu'il plaise au Tribunal de : »
Lorsque plusieurs prétentions sont formulées, il convient de les hiérarchiser clairement pour guider le juge dans l'ordre d'examen.
Structure hiérarchisée
I) IN LIMINE LITIS
Exceptions de procédure devant être examinées avant toute défense au fond
- DÉCLARER le Tribunal incompétent / PRONONCER la nullité de l'assignation
- ORDONNER un sursis à statuer dans l'attente de [...]
II) À TITRE PRINCIPAL
Prétention prioritaire exprimant l'objectif principal du concluant
III) À TITRE SUBSIDIAIRE
Demande alternative examinée si le juge rejette la demande principale
IV) À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
Seconde demande subsidiaire (le cas échéant)
V) À TITRE RECONVENTIONNEL
Demandes reconventionnelles formées par le défendeur
VI) EN TOUT ÉTAT DE CAUSE
Demandes accessoires applicables quelle que soit l'issue du principal
- Sur l'irrecevabilité de l'action (fins de non-recevoir)
- Sur l'exécution provisoire
- Sur les frais irrépétibles (art. 700 CPC)
- Sur les dépens
Toute prétention énoncée au dispositif doit avoir été préalablement soutenue et argumentée dans la discussion. À l'inverse, un moyen développé dans la discussion mais non repris au dispositif ne lie pas le juge.
Verbes opératoires
Les prétentions doivent être formulées au moyen de verbes précis et opératoires indiquant clairement la nature de la décision sollicitée :
- DÉCLARER : pour constater un état, une qualité (« DÉCLARER irrecevable l'action »)
- CONSTATER : pour établir l'existence d'un fait ou d'une situation juridique
- DIRE ET JUGER : pour obtenir une appréciation juridique (« DIRE ET JUGER que... »)
- PRONONCER : pour solliciter l'édiction d'une mesure (« PRONONCER la résolution »)
- ORDONNER : pour requérir une mesure d'exécution (« ORDONNER l'expulsion »)
- CONDAMNER : pour obtenir une condamnation pécuniaire ou en nature
- DÉBOUTER : pour demander le rejet de la prétention adverse
- REJETER : idem
Précision des condamnations
- Condamnations pécuniaires : indiquer le montant exact, en chiffres et en lettres si possible, avec la devise (euros)
- Intérêts : préciser le taux, le point de départ et la capitalisation éventuelle
- Obligations de faire : décrire précisément l'action attendue
- Délais d'exécution : mentionner les échéances si nécessaire
Formules conclusives
ET CE AFIN QU'ILS N'EN IGNORENT
Ces formules traditionnelles, bien que non obligatoires, marquent solennellement la clôture du dispositif.
1. L'exécution provisoire
Depuis le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l'exécution provisoire est de droit pour les décisions de première instance (art. 514 CPC).
Exceptions (art. 514-1 et 515 CPC) :
- Lorsque la loi le prévoit expressément
- Lorsque le juge le décide (d'office ou sur demande) en considérant soit qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire, soit qu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives
- En cas d'appel, sous conditions strictes
DIRE ET JUGER que l'exécution provisoire n'étant pas incompatible avec la nature de l'affaire pendante par-devant le Tribunal de céans, elle sera ordonnée dans la décision à intervenir.
[Si demande d'écartement]
DIRE ET JUGER que l'exécution provisoire [est incompatible avec la nature de l'affaire / risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives]
En conséquence,
ÉCARTER l'exécution provisoire
2. Les frais irrépétibles (article 700 CPC)
Définition :
Frais non tarifés engagés par une partie à l'occasion d'une instance, non compris dans les dépens.
Frais concernés :
- Honoraires d'avocat (partie non réglementée)
- Frais de déplacement, démarches, voyage et séjour
- Frais d'obtention de pièces justificatives
- Honoraires de consultants ou experts amiables
- Frais de traduction (hors traduction légale)
- Instance contentieuse et contradictoire
- Succombance de la partie adverse (condamnée aux dépens)
- Frais effectivement exposés (non nécessairement acquittés)
- Présentation d'une demande expresse (le juge ne statue pas d'office)
En conséquence,
CONDAMNER [nom de l'adversaire] au paiement de la somme de [montant] euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
3. Les dépens
Définition (art. 695 CPC) :
Frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé par voie réglementaire ou par décision judiciaire.
Dépens (énumération art. 695) :
- Droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les greffes
- Frais de traduction légalement nécessaires
- Indemnités des témoins
- Rémunération des techniciens (experts judiciaires)
- Débours tarifés
- Émoluments des commissaires de justice
- Rémunération réglementée des avocats (dont droits de plaidoirie)
- Frais de notification à l'étranger
Principe : La partie qui succombe est condamnée aux dépens, sauf si le juge en met la charge (totale ou partielle) à une autre partie par décision motivée.
[Variante avec distraction]
CONDAMNER [nom de l'adversaire] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître [nom], avocat, sur son affirmation de droit
Le bordereau de pièces constitue une annexe obligatoire aux conclusions en procédure contentieuse (art. 768, 954 et 446-2 CPC).
Dans les procédures écrites, les conclusions doivent être accompagnées d'un bordereau énumérant les pièces justifiant les prétentions des parties. Cette obligation existe également dans les procédures orales lorsque les parties concluent.
Règles de présentation
- Numérotation continue : pièce n°1, pièce n°2, pièce n°3...
- Description précise : nature du document, date, auteur
- Chronologie recommandée : facilite la lecture et la compréhension
- Indication du nombre de pages : utile mais non obligatoire
OU
DEMANDE FONDÉE SUR LES PIÈCES SUIVANTES :
Pièce n°1 : Contrat de vente du 12 janvier 2024
Pièce n°2 : Conditions générales de vente
Pièce n°3 : Bon de commande n°2024-045 du 20 janvier 2024
Pièce n°4 : Facture n°2024-156 du 15 février 2024
Pièce n°5 : Mise en demeure du 20 mars 2024 (LRAR)
Pièce n°6 : Échange de courriels (mars-avril 2024)
Pièce n°7 : Constat de commissaire de justice du 10 mai 2024
Pièce n°8 : Rapport d'expertise amiable du 15 juin 2024
Pièce n°9 : Extrait K-bis de la société X
Pièce n°10 : Statuts de la société Y
Le bordereau ne dispense pas de la communication effective des pièces à la partie adverse. L'article 132 CPC impose une communication spontanée de toute pièce invoquée.
Les pièces n'ont pas à être physiquement jointes aux conclusions, mais leur communication est obligatoire (par RPVA en procédure avec représentation obligatoire).
Catégorisation des pièces (facultatif)
Dans les dossiers complexes, il peut être utile de catégoriser les pièces :
Pièce n°1 : Contrat de vente du 12 janvier 2024
Pièce n°2 : Conditions générales de vente
Pièce n°3 : Bon de commande
B) CORRESPONDANCES
Pièce n°4 : Mise en demeure du 20 mars 2024
Pièce n°5 : Échange de courriels
C) PIÈCES COMPTABLES
Pièce n°6 : Factures
Pièce n°7 : Relevés bancaires
D) PIÈCES D'ÉTAT CIVIL ET SOCIETAIRES
Pièce n°8 : Extraits K-bis
Pièce n°9 : Statuts
Modes de notification
Procédures avec représentation obligatoire
Notification entre avocats par « acte du palais » (art. 815 et 961 CPC) :
- Signification par huissier : apposition du cachet et signature de l'huissier
- Notification directe : remise en double exemplaire avec visa et date
- Notification électronique (RPVA) : mode obligatoire depuis les réformes récentes
Dans les procédures avec représentation obligatoire devant le tribunal judiciaire et la cour d'appel, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique (art. 850 et 930-1 CPC).
L'identification réalisée lors de la transmission par RPVA vaut signature (art. 748-6 CPC).
Dépôt au greffe
En principe, les conclusions doivent être notifiées avant d'être déposées au greffe (art. 757 et 962 CPC).
Le greffe ne peut accepter le dépôt qu'accompagné de la justification de la notification à l'adversaire.
En procédure d'appel avec représentation obligatoire, la communication électronique simultanée au greffe et aux parties permet que la notification et le dépôt résultent d'un message unique.
Les délais imposés pour conclure sont en réalité des délais de « remise au greffe » (art. 908 à 911 CPC).
Date des conclusions
- En principe : date de dépôt au greffe
- Pour l'interruption de prescription : date de signification si nécessaire
- En procédure orale : date de l'audience si autorisées par le juge
- En communication électronique : horodatage du système informatique
Dans certaines procédures, les conclusions doivent être déposées dans des délais impératifs à peine de caducité ou d'irrecevabilité :
- En appel : 3 mois pour l'appelant (art. 908), 3 mois pour l'intimé à compter des conclusions d'appel (art. 909)
- Avant l'ordonnance de clôture : devant le TJ en procédure écrite (art. 802)
Avant la notification des conclusions, procédez à une vérification systématique :
☑️ Contrôle formel
☑️ Contrôle du contenu
☑️ Contrôle du dispositif
☑️ Contrôle des pièces
☑️ Contrôle rédactionnel
Une fois toutes les vérifications effectuées :
- Faire signer les conclusions par l'avocat
- Notifier par RPVA aux confrères (ou selon les modalités de la procédure)
- Déposer au greffe avec justificatif de notification
- Communiquer les pièces justificatives à l'adversaire
- Conserver copie complète du dossier et preuve de notification
- Noter les dates limites éventuelles (ordonnance de clôture, délais d'appel)