Le délai de notification/signification d’un jugement ou d’un arrêt

I) Principe : le délai de 10 ans

L’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que « l’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ».

Il se déduit de cette disposition que le délai de principe pour notifier les décisions de justice est de 10 ans.

Ce délai peut être prorogé pour les créances qui se prescrivent par un délai plus long. Tel est le cas, par exemple, de la créance née de la survenance d’un dommage corporel causé par des tortures ou des actes de barbarie ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur qui n’est prescrite qu’au bout de vingt ans conformément à l’article 2226, al. 2e, du code civil.

Dans cette hypothèse, le délai de signification de la décision rendue est identique à celui attaché à la prescription de l’action, soit 20 ans.

II) Tempérament : le délai de 2 ans

L’article 528-1 du CPC dispose que « si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai. »

Cette disposition pose ainsi une limite à la possibilité pour les parties d’interjeter appel, à l’expiration d’un délai de deux ans.

Dans un arrêt du 9 avril 2015, la Cour de cassation a précisé que « si le jugement, qui tranche tout le principal ou qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, met fin à l’instance, n’est pas notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration du dit délai » (Cass. 2e civ. 9 avr. 2015, n°14-15789).

Il ressort de cette disposition que le délai de forclusion ainsi institué pour interjeter appel fixé à deux ans est applicable pour :

  • Les jugements qui tranchent tout le principal
  • Les jugements qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance

A contrario, si la décision ne tranche qu’une partie du principal, tel un jugement mixte, l’article 528-1 du CPC n’est pas applicable.

Dans un arrêt du 30 janvier 2003, la deuxième chambre civile a encore considéré que « les principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice qui fondent les dispositions de l’article 528-1 du nouveau Code de procédure civile constituaient des impératifs qui n’étaient pas contraires aux dispositions de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (Cass. 2e civ. 30 janv. 2003, n°99-19488).

Pour la Cour de cassation il est indifférent que la partie susceptible d’exercer le recours, dans la mesure où « les dispositions de l’article 528-1 du nouveau Code de procédure civile ne fixent pas le point de départ d’un délai de recours, mais le terme au-delà duquel aucun recours ne peut plus être exercé par la partie qui a comparu, peu important la date à laquelle cette partie a eu une connaissance effective de la décision ; » (Cass. 2e civ., 11 mars 1998, n°96-12749).

III) Exception : le délai de 6 mois

L’article 478 du CPC dispose que « le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date ».

Ainsi, lorsque le jugement est rendu par défaut ou est réputé contradictoire, le délai de notification est de 6 mois sous peine de caducité de la décision.

La question qui alors se pose est de savoir ce qu’est un jugement rendu par défaut et un jugement réputé contradictoire.

Pour rappel, un jugement est susceptible d’endosser trois qualifications différentes. Aussi, distingue-t-on :

  • Le jugement contradictoire
    • Aux termes de l’article 467du Code de procédure civile « le jugement est contradictoire dès lors que les parties comparaissent en personne ou par mandataire, selon les modalités propres à la juridiction devant laquelle la demande est portée.»
    • Ainsi, le jugement est contradictoire dès lors que chacun des plaideurs a eu connaissance du procès, à tout le moins a été en mesure de présenter ses arguments.
  • Le jugement réputé contradictoire
    • La décision est réputée contradictoire lorsque :
      • Le défendeur n’a pas comparu
        • ET
      • La décision qui sera prononcée est susceptible d’appel
        • OU
      • La citation a été délivrée à personne
  • Le jugement par défaut
    • L’absence de comparution du défendeur ne doit pas faire obstacle au cours de la justice.
    • Aussi, l’article 468du Code de procédure autorise-t-il le juge à statuer lorsque trois conditions cumulatives sont réunies :
      • Le défendeur ne doit pas avoir comparu personnellement ou ne doit pas être représenté
      • L’assignation ne doit pas avoir été délivrée à personne
      • L’appel n’est pas ouvert contre l’acte introductif d’instance
    • La rigueur de ces conditions, s’explique par la volonté du législateur de restreindre les jugements rendus par défaut.

Le délai de 6 mois dont disposent les parties pour notifier la décision sous peine de caducité ne s’applique donc :

  • Au jugement rendu par défaut
  • Au jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel

Il en résulte que pour les jugements réputés contradictoires au motif que nonobstant l’absence de comparution du défendeur, la citation a été délivrée à personne, le délai de 6 mois n’est pas applicable.

La signification d’avocat à avocat

==> Principe

L’article 678 du CPC dispose que « lorsque la représentation est obligatoire, le jugement doit en outre être préalablement notifié aux représentants dans la forme des notifications entre avocats, faute de quoi la notification à la partie est nulle ».

Ainsi, pour les procédures qui exigent la constitution d’un avocat par les parties, la notification de la décision doit, au préalable, être effectuée auprès du représentant ad litem.

Cette règle procède de l’idée que l’avocat, en tant qu’auxiliaire de justice, et professionnel du droit, est le plus à même :

  • D’une part, de comprendre les termes et la portée du jugement rendu
  • D’autre part, de conseiller la personne contre qui la décision est rendue quant à l’opportunité d’exercer une voie de recours

==> Domaine de l’exigence de notification

L’article 678 du CPC exige que la décision soit notifiée aux avocats que dans l’hypothèse où la représentation est obligatoire, soit dans les procédures pendantes devant le Tribunal de grande instance et la Cour d’appel.

Lorsque la représentation par avocat est facultative (Tribunal d’instance ou Tribunal de commerce), la notification au représentant ad litem n’est pas nécessaire. La notification peut, dans ces conditions, être effectuée directement à partie.

==> Représentation de plusieurs parties

Dans un arrêt remarqué du 6 novembre 2008, la Cour de cassation a jugé que lorsque les parties qui ont procédé à la signification du jugement sont représentées par le même avocat que le destinataire de cette signification, la signification du jugement à partie n’a pas à être précédée d’une notification au représentant (Cass. 2e civ., 6 nov. 2008, n° 07-16812).

Dans un arrêt du 25 mars 1987, la Cour de cassation a également considéré que lorsque l’avocat représente plusieurs parties ayant des intérêts distincts et que la signification du jugement à avocat fait courir le délai d’appel, cette signification doit être faite en autant de copies que de parties représentées (Cass. 2e civ., 25 mars 1987).

==> Caractère préalable de la notification

Il ressort de l’article 678 du CPC que l’exigence de notification de la décision aux avocats n’est remplie qu’à la condition que cette notification soit intervenue préalablement à la notification aux parties elles-mêmes.

Aucun délai n’est exigé entre la notification à avocat et la notification à partie, de sorte qu’elles peuvent intervenir dans un intervalle extrêmement rapproché.

À cet égard, dans un arrêt du 28 mai 2008, la Cour de cassation a jugé que la satisfaction de l’exigence tenant au caractère préalable de la notification à avocat pouvait se déduire de la seule mention sur l’acte de signification, peu important que cette signification ait effectuée le même jour (Cass. 1er civ. 28 mai 2008, n°06-17313).

==> Modalités de la notification

L’article 671 du CPC prévoit que la notification des actes entre avocats « se fait par signification ou par notification directe ».

Deux modalités sont donc envisagées par le CPC s’agissant de la notification du jugement à avocat : la signification et la notification directe

  • S’agissant de la signification, l’article 672 du CPC prévoit qu’elle « est constatée par l’apposition du cachet et de la signature de l’huissier de justice sur l’acte et sa copie avec l’indication de la date et du nom de l’avocat destinataire.»
  • S’agissant de la notification directe, l’article 673 prévoit qu’elle « s’opère par la remise de l’acte en double exemplaire à l’avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l’un des exemplaires après l’avoir daté et visé.»

Une fois, l’une ou l’autre forme de notification accomplie, l’article 678 du CPC dispose que la « mention de l’accomplissement de la notification préalable au représentant doit être portée dans l’acte de notification destiné à la partie »

À défaut, il appartiendra à la partie pour le compte de laquelle la notification est intervenue de rapporter la preuve de son accomplissement.

A contrario, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 23 février 2012 que la notification à avocat, ainsi que son caractère préalable, peut se déduire de la seule mention qui figure sur la signification à partie aux termes de laquelle le jugement a été notifié à avocat (Cass. 1ère civ. 23 févr. 2012, n°10-26117).